Tous les articles par Revue Circe

Quelques exemples de textes mathématiques du Moyen Âge latin

Sabine Rommevaux-Tani

Résumé

Les histoires générales des mathématiques font en général peu de place au Moyen Âge latin. Pourtant, en sus des quelques résultats originaux que l’on peut trouver dans les textes produits à cette époque, un des intérêts pour leur étude provient des formes d’écrits très divers qu’ils renferment : des traductions, parfois commentées et augmentées, de traités grecs ou arabes, des traités théoriques rédigés selon la forme canonique des Éléments d’Euclide, mais aussi des chapitres de traités de philosophie naturelle ou de théologie, ou encore des Questions dans la tradition des disputes universitaires. Nous donnons ici quelques exemples de ces types de textes en montrant dans quels contextes ils ont été rédigés.

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Entre algèbre et géométrie : la question des points de serpentement et de rebroussement dans la correspondance de Gabriel Cramer avec Euler et D’Alembert

Thierry Joffredo

Résumé

En 1750 Gabriel Cramer publie son traité sur les courbes algébriques, intitulé Introduction à l’analyse des lignes courbes algébriques. Il s’agit en fait d’une somme de près de 700 pages qui vise à présenter au lecteur une étude et une classification systématiques des courbes algébriques jusqu’à l’ordre cinq, au moyen de méthodes algébriques, sans recours au calcul différentiel. Deux chapitres sont consacrés aux différentes sortes de points singuliers que l’on peut y rencontrer. Nous nous intéresserons ici au cas particulier des points de rebroussement de seconde espèce et des points de serpentement, et à leur traitement dans la correspondance de Gabriel Cramer avec Leonhard Euler et Jean Le Rond D’Alembert. Nous prendrons appui sur ce choix de lettres pour interroger les rôles respectifs de la géométrie et de l’algèbre chez Cramer dans sa manière d’aborder l’étude des courbes algébriques, et tenterons d’en tirer quelques conséquences sur l’évolution de sa pensée mathématique sur ce sujet entre 1744 et 1750.

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La recherche en épigénétique redéfinit-elle le paradigme de la génétique moléculaire ? Les définitions de concepts comme indices de changements paradigmatiques

Marie-Noëlle Doutreix

Résumé
La recherche en épigénétique opère-t-elle un changement de paradigme au sein de la biologie moléculaire ? Dans les années 1960, se forme le paradigme de la génétique moléculaire composé de la règle « un gène-une enzyme » explicitée par George Beadle et Edward Tatum en 1941, du « dogme central » élaboré par Francis Crick en 1957, de la théorie informationnelle inspirée des travaux de Claude Shannon et Warren Weaver, et de la « thèse phénotypique ». En s’appuyant sur l’idée d’une consistance entre les définitions des concepts centraux d’un paradigme et le paradigme en question, nous soutiendrons la thèse suivante. Suite aux découvertes que le paradigme de la génétique moléculaire a permises, il est désormais contesté dans sa version forte, notamment par la remise en cause des définitions respectives du concept de gène et du concept d’information et par des arguments fournis par l’épigénétique. Nous utiliserons comme critère pour identifier un éventuel changement de paradigme le fait que l’épigénétique induise, ou non, un changement de définition important et réponde aux difficultés théoriques soulevées par la critique d’hypothèses centrales de la biologie moléculaire des années 1960.

Marie-Noëlle Doutreix est doctorante contractuelle avec mission d’enseignement en communication à l’Université Sorbonne-Nouvelle. Elle réalise un doctorat sous la direction de Marie-Dominique Popelard au sein du Centre d’Approches Pragmatiques en Philosophie du Langage et de la Communication.  En 2014-2015 elle a effectué en parallèle un Master 2 Recherche en Histoire et Philosophie des Sciences à Paris Diderot et soutenu un mémoire intitulé « La fonction paradigmatique des définitions étudiée à travers des concepts en usage dans la recherche contemporaine en biologie ».

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Les matériaux de l’art. Perspectives de la recherche actuelle en histoire de l’art moderne

Romain Thomas

Résumé

En plein essor dans la recherche anglo-saxonne ou néerlandaise, le thème de la matérialité de l’art et en particulier l’étude des matériaux constitutifs de l’œuvre émergent à peine dans la recherche française en histoire de l’art moderne (XVe-XVIIIe siècles), alors même que les institutions françaises de recherche sur le patrimoine ont depuis longtemps une expertise poussée dans l’analyse physico-chimique des matériaux du patrimoine. Il s’agit ici de proposer trois perspectives de la recherche actuelle en histoire de l’art à propos des matériaux constitutifs des œuvres et de leur signification. On s’intéressera aux approches d’histoire économique de l’art, de la recherche sur les sources techniques de l’art, enfin de ce qu’on pourrait appeler l’approche anthropologique des matériaux de l’art, en tentant de montrer comment l’histoire de l’art peut enrichir ses problématiques grâce aux analyses physico-chimiques.

Romain Thomas est maître de conférences en Histoire de l’art moderne à l’université Paris Ouest Nanterre. Ancien élève de l’ENS Ulm (D/S 98), diplômé du DEA de Physique Quantique (ENS/Paris 6, 2002), agrégé d’Histoire (2004), il a soutenu une thèse en Histoire moderne intitulée « La Fiancée hollandaise. Images du mariage et usages sociaux, religieux et politiques de la symbolique matrimoniale dans les Provinces-Unies au xviie siècle » (2012). Il a été en charge de la coordination scientifique de la Fondation des Sciences du Patrimoine (2012-2014). Ses recherches actuelles portent sur la matérialité de l’art, notamment par une approche intégrée de la physique et de l’histoire de l’art.

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« Quant aux filles et femmes qui désirent vivre du plaisir de leur corps » Pour une première approche de la prostitution amiénoise à la fin du Moyen Âge

Julie Pilorget

Résumé

L’exemple d’Amiens, capitale régionale dynamique à la fin du Moyen Âge, constitue un terrain d’analyse privilégié concernant l’étude de la prostitution urbaine médiévale. La restructuration de l’espace public, avec la mise en place d’un tissu planifié contre les accaparements privés, est la grande affaire de ces derniers siècles. Les autorités cherchent notamment à supprimer venelles et cours intérieures, qui sont autant de lieux propices, au déploiement de la vénalité. Un recensement effectué en 1453 établit en effet que les filles de joie amiénoises sont au nombre de cinquante, alors que nombre d’entre elles échappent probablement au contrôle des sergents de l’Echevinage.
Diverses ordonnances somment ainsi, au XVe siècle, les « fillettes » de restreindre leur commerce à quelques rues clairement identifiées et elles sont priées d’arborer une « aiguillette » devant éviter toute confusion de leur personne avec les « bones et proeudes femmes » de la ville. Cependant la multiplication des édits indique l’échec de l’entreprise et les maquerelles, telles Sourdas, continuent d’étendre leur commerce au travers de l’achat d’un certain nombre de maisons devant accueillir les ébats de leurs clients. Nous essayerons donc de voir dans quelle mesure, usant de contraintes tant spatiales que sociales, la municipalité amiénoise parvient-elle à encadrer l’activité prostitutionnelle ? Continuer la lecture de « Quant aux filles et femmes qui désirent vivre du plaisir de leur corps » Pour une première approche de la prostitution amiénoise à la fin du Moyen Âge