La recherche en épigénétique redéfinit-elle le paradigme de la génétique moléculaire ? Les définitions de concepts comme indices de changements paradigmatiques

Imprimer ou télécharger cet article

Marie-Noëlle Doutreix

Résumé
La recherche en épigénétique opère-t-elle un changement de paradigme au sein de la biologie moléculaire ? Dans les années 1960, se forme le paradigme de la génétique moléculaire composé de la règle « un gène-une enzyme » explicitée par George Beadle et Edward Tatum en 1941, du « dogme central » élaboré par Francis Crick en 1957, de la théorie informationnelle inspirée des travaux de Claude Shannon et Warren Weaver, et de la « thèse phénotypique ». En s’appuyant sur l’idée d’une consistance entre les définitions des concepts centraux d’un paradigme et le paradigme en question, nous soutiendrons la thèse suivante. Suite aux découvertes que le paradigme de la génétique moléculaire a permises, il est désormais contesté dans sa version forte, notamment par la remise en cause des définitions respectives du concept de gène et du concept d’information et par des arguments fournis par l’épigénétique. Nous utiliserons comme critère pour identifier un éventuel changement de paradigme le fait que l’épigénétique induise, ou non, un changement de définition important et réponde aux difficultés théoriques soulevées par la critique d’hypothèses centrales de la biologie moléculaire des années 1960.

Marie-Noëlle Doutreix est doctorante contractuelle avec mission d’enseignement en communication à l’Université Sorbonne-Nouvelle. Elle réalise un doctorat sous la direction de Marie-Dominique Popelard au sein du Centre d’Approches Pragmatiques en Philosophie du Langage et de la Communication.  En 2014-2015 elle a effectué en parallèle un Master 2 Recherche en Histoire et Philosophie des Sciences à Paris Diderot et soutenu un mémoire intitulé « La fonction paradigmatique des définitions étudiée à travers des concepts en usage dans la recherche contemporaine en biologie ».


Le présent article pose la question de savoir si l’épigénétique représente un changement de paradigme par rapport à la génétique[1] et propose d’investir cette problématique à travers l’étude des définitions des principaux concepts de la biologie moléculaire[2]. Le concept de paradigme a été largement discuté à la suite de l’ouvrage de Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques[3]. Selon sa présentation initiale du terme, le paradigme comporte deux caractéristiques : d’une part, son accomplissement soustrait « un groupe cohérent d’adeptes à d’autres formes d’activité scientifique concurrentes » et d’autre part, il ouvre « des perspectives suffisamment vastes pour fournir à ce nouveau groupe de chercheurs toutes sortes de problèmes à résoudre »[4]. Bien que nous souscrivions à plusieurs idées importantes formulées dans l’ouvrage de Kuhn, cette caractérisation du paradigme ne sera pas conservée pour notre propos. Nous aborderons les paradigmes sous l’angle de leurs propriétés conceptuelles et non pas à partir des groupes d’individus qui y souscrivent. Néanmoins, Kuhn ne limite pas le paradigme aux deux traits qu’il lui attribue puisque « paradigme » semble être employé avec vingt-deux significations différentes[5]. En conséquence, plutôt que de se fonder sur la polysémie kuhnienne, nous prendrons le terme « paradigme » dans un sens ouvert pour préciser notre conception au fur et à mesure de la progression de notre recherche.

Notre propos s’inscrit dans l’idée que les définitions des concepts centraux d’une discipline à un moment donné sont des éléments constitutifs d’un paradigme. Plus exactement, chaque paradigme se fonde sur un ensemble restreint de concepts, dont la définition est normée par le type d’explications privilégié par le paradigme. Ces définitions soutiennent le paradigme de telle manière que leur remise en cause à la fois engendre et témoigne d’une déstabilisation du paradigme. Dans cette perspective, nous conjecturons que l’émergence d’une pluralité de définitions différentes, si elle fait l’objet de débats et de critiques au sein de la discipline, conduit, pour sa résolution, non seulement à une modification du concept mais également à une modification du paradigme[6]. Ainsi, non seulement les définitions constituent des éléments représentatifs d’un certain cadre théorique, mais encore les difficultés de définition des concepts centraux d’un champ de recherche témoignent d’un certain dissensus portant sur son cadre théorique. La définition représente un indice pertinent, d’une part, quant aux conceptions portées par un paradigme et, d’autre part, quant à leur stabilité au sein de la discipline en question. Nous postulons que le paradigme de la génétique moléculaire des années 1960 est constitué des éléments paradigmatiques suivants : la règle un gène-une enzyme explicitée par George Beadle et Edward Tatum en 1941[7], le « dogme central » élaboré par Francis Crick en 1957[8], la théorie informationnelle inspirée des travaux de Claude Shannon et Warren Weaver[9], et la « thèse phénotypique »[10]. Si l’épigénétique constitue un changement de paradigme, alors elle modifie ces éléments paradigmatiques au sein de la biologie moléculaire[11].

Comment interpréter les problèmes de définition que rencontre le concept de gène[12]? De quelle nature sont les changements explicatifs qui semblent renouveler la biologie moléculaire ? L’objectif de la première partie de cet article sera de montrer de quelles manières les problèmes de définition du gène sont performés par une remise en cause du paradigme génétique. Selon notre perspective, ce que l’épigénétique remet en cause ce n’est pas la génétique moléculaire en tant que discipline étudiant les gènes et les effets qui leur sont associés puisque l’épigénétique étudie elle-même la régulation des gènes et la transmission de leur état d’activité. Aussi, lorsque nous avançons que l’épigénétique remet en cause le paradigme de la génétique moléculaire nous conjecturons qu’elle remet en cause, d’une part, le monopole explicatif par l’étude de la structure génique – que nous étudierons dans la première partie – et, d’autre part, la linéarité et l’unidirectionnalité causale de la transmission de l’information – que nous étudierons dans la troisième partie. Le phénotype représente un élément clé de la théorie et de la pratique génétiques. Au sein de la deuxième partie, nous étudierons les liens entre l’épigénétique et l’analyse du phénotype comme preuve[13]. Le phénotype joue un rôle clé dans la recherche en biologie et particulièrement en génétique où les gènes sont conçus par rapport à leurs « effets » phénotypiques. De l’observation du phénotype est inféré – parfois à tort – le pouvoir causal d’un gène ce qui, d’un point de vue méthodologique, donne du poids à l’observation en renforçant la valeur des preuves visuelles. Du point de vue ontologique, l’idée que le phénotype sert de marqueur aux gènes augmente la réalité de ceux-ci. La thèse phénotypique ayant un poids considérable à la fois dans l’histoire de la biologie et dans les recherches effectuées en génétique, une modification de celle-ci serait interprétée comme un élément significatif d’un changement paradigmatique au niveau de la biologie moléculaire et au-delà.

1. L’épigénétique redéfinit, de manière corollaire, le concept de gène et le champ d’étude de la génétique

 Ces dernières décennies, la définition du concept de gène a suscité, au sein de la biologie moléculaire, de nombreuses discussions. L’hypothèse que nous allons développer dans cette partie est que les problèmes de définition du gène sont performés par la remise en cause du paradigme génétique. C’est-à-dire que l’incapacité actuelle à définir le concept de gène de manière générale et satisfaisante est causée, entre autres, par la fragilisation du paradigme auquel il correspond et que, réciproquement, les difficultés à définir ce concept contribuent à mettre à mal le paradigme génétique.

Afin d’étudier les difficultés définitionnelles du concept de gène, nous allons essayer de déterminer si les problèmes de définition du gène résultent d’une instabilité du paradigme de la génétique moléculaire des années 1960, ou si l’effet de flou procède d’une utilisation du terme dans différentes disciplines, et en conséquence, d’une utilisation du terme sous différents paradigmes[14]. Puis, nous identifierons une corrélation entre les problèmes précis de définition et les transformations apparues au sein de la génétique moléculaire. Enfin, nous étudierons les interactions entre le concept de gène et celui d’épigénétique pour mettre en exergue l’apport de celles-ci concernant la définition du gène.

A. Bien que la signification du terme « gène » varie selon les champs de recherche, son indéfinissabilité n’est pas un problème d’acceptions disciplinaires divergentes.

Les difficultés de définition du gène sont-elles des difficultés résultant de l’emploi du terme dans différents contextes disciplinaires ? Pour que nous puissions corréler les difficultés de définition et les difficultés de paradigme, il faut montrer que l’impossibilité de définir le concept n’est pas causée par des significations différentes selon les champs de la biologie. Autrement dit, les divergences de définition doivent exister à l’intérieur du champ dont est issu le paradigme en jeu, c’est-à-dire au sein de la biologie moléculaire, et non entre paradigmes de domaines différents. Pour cela, nous allons souligner en prenant l’exemple de la génétique des populations que, dans au moins un domaine, une conception dissemblable du gène préexistait à l’avènement de la biologie moléculaire et que, durant la période où le dogme central faisait consensus, il existait déjà ces disparités entre disciplines sans que cela n’affecte la biologie moléculaire. Nous préciserons ensuite en quel sens les divergences de définition sont internes à la biologie moléculaire.

Le concept de gène est employé en génétique des populations pour répondre à des questions spécifiques à ce champ de recherche. Celle-ci n’étudie pas le gène pour ses dimensions moléculaires, mais examine, d’un point de vue évolutif, la distribution des gènes dans la population. La génétique des populations s’est construite à partir de la théorie darwinienne et « repose toujours sur une conception du gène antérieure à l’avènement de la biologie moléculaire »[15]. Sans entrer en contradiction avec les conceptions moléculaires du gène, la génétique des populations utilise, pour l’explication des phénomènes qu’elle étudie, une autre conception du gène, celle de la génétique classique, définissant celui-ci comme « un élément héréditaire, pouvant exister sous plusieurs formes stables, ayant des effets différents sur l’organisme »[16]. Il s’agit bien là d’un schème explicatif suffisamment distinct de celui de la génétique moléculaire pour que deux définitions puissent coexister sans mettre en doute l’une ou l’autre des théories dominantes. Cette idée est illustrée par l’impact inégal suscité par la découverte de l’ADN non codant. Comme nous le verrons par la suite, cette découverte a constitué une objection à la règle « un gène-une enzyme » de la génétique moléculaire alors qu’elle n’a intéressé que de manière indirecte la génétique des populations. En effet, pour ce domaine, la séquence de nucléotides et la nature des gènes importent dans une mesure moindre que leur capacité d’autoréplication et de variation[17].

Afin de renforcer l’idée que les problèmes de définition du concept de gène ont bien un lien causal avec le déséquilibre du paradigme et ne résultent pas des divergences de définition avec les autres disciplines, il s’agit de montrer leur présence au sein même de la biologie moléculaire. Nous pouvons pour cela invoquer les changements de définitions provoqués par la découverte d’opérations d’épissage, opérations visant à rabouter les différents exons à partir d’un long transcrit primaire lors de la formation d’une molécule d’ARN messager. Par les diverses possibilités d’introns et d’exons, l’épissage d’un même gène permet d’obtenir des chaînes polypeptidiques différentes déjouant ainsi la règle « un gène-une enzyme » [18]. La fabrication par épissage différentiel de nombreux ARN messagers dissemblables, connue depuis 1977, remet ainsi en cause le paradigme des années 1960 tout en rendant nécessaire une nouvelle définition du gène.

Pour notre propos, il s’agit ensuite de savoir si le concept de gène était uniforme, au sein de la biologie moléculaire, au moment où la règle « un gène-une enzyme » faisait consensus. En effet, suivant notre hypothèse, les définitions des concepts clés d’un paradigme doivent, en principe, être uniformes et stables au moment où ce paradigme est pleinement accepté. Or, comme le mentionne Keller, certains historiens, comme Hans-Jörg Rheinberger, doutent que le concept de gène ait été, à un moment, bien défini[19]. Cette idée nous conduit à affiner notre hypothèse. La définition d’un concept n’a pas besoin d’être précise pour être significative d’un paradigme, elle a besoin que son manque de précision soit ignoré par ceux qui l’utilisent. Une définition est stable, sous un paradigme, car son lien au paradigme lui confère la stabilité de celui-ci. Or, si le paradigme n’est stable que peu de temps, il en sera de même pour la définition. Keller donne du poids à notre conception lorsqu’elle suggère que les incohérences internes du concept de gène ont été dissimulées et que ceci a contribué à la fonctionnalité du concept[20]. De notre point de vue, les incohérences étaient ignorées car le paradigme les rendait négligeables comparativement à son efficience. Là encore, nous pouvons nous appuyer sur Keller lorsqu’elle affirme que la différence entre les difficultés conceptuelles antérieures et celles d’aujourd’hui réside dans les récentes découvertes qui mettent fin au « silence historique »[21]. Ce silence passé, contrastant avec les tonnantes discussions récentes, tend à confirmer le caractère paradigmatique des définitions.

B. Les problèmes de définition du gène sont performés par la remise en cause du paradigme génétique

En quels sens les réflexions de la philosophie des sciences éclairent-elles notre compréhension de la complexité définitionnelle du gène ? L’existence d’une définition analytique – autre que logique – représente un indice important de la stabilité sémantique d’un concept donné. Or, le concept de gène ne semble pas posséder de définition analytique, c’est-à-dire une définition qui serait vraie uniquement en vertu de la signification des mots. Nous soutenons que les changements de définition du concept de gène résultent de changements théoriques et non de changements langagiers, bien que les changements dans la théorie entraînent également des changements dans le langage[22]. Ainsi, plusieurs découvertes importantes en génétique ont conduit à des changements théoriques qui, eux-mêmes, entraînèrent une redéfinition. Nous pouvons citer, par exemple, la découverte de l’ADN non codant qui questionne la représentation du gène comme unité de structure codant pour une protéine. L’ADN non codant doit-il être considéré comme faisant partie des gènes ? Si oui, alors les gènes ne peuvent plus être définis comme une séquence de nucléotides qui codent pour une protéine. Ce trouble de l’ADN non codant a été amplifié par l’analyse du génome humain qui a abouti au constat que seul 5% de notre ADN est codant[23]. Lorsque, suite à de nouvelles expériences, cet ADN non codant a été reconnu comme indispensable à la régulation de l’expression des gènes, la définition du gène a dû une nouvelle fois être reformulée : les gènes étaient désormais des séquences d’ADN régulant leur propre expression. Ce cas de l’ADN non codant prouve que les redéfinitions du concept de gène sont loin d’être de simples jeux de langage.

De manière liée, le concept de gène tient également son caractère composite du fait des différentes pratiques scientifiques qui le mobilisent. Ainsi, du point de vue de la conception de la définition opérationnelle énoncée par Percy Williams Bridgman[24], il n’y a pas un unique concept de gène puisqu’il n’y a pas un unique ensemble d’opérations lui correspondant et dont la mise en pratique n’autorise pas d’ambiguïté. Il existe par exemple diverses façons d’identifier les gènes et autant de concepts qui leur sont associés. Néanmoins, la définition opérationnelle respective des différents concepts de gène permet de clarifier les concepts de gène au sein des contextes où ils sont invoqués.

Un dernier indice pour déterminer si les difficultés de définition doivent être interprétées comme étant paradigmatiques, consiste à vérifier que le concept en question ne tire pas ses difficultés de la définition de l’une des unités sur lesquelles il s’appuie. Par exemple, le concept de gène est-il problématique à cause d’une mauvaise définition du concept d’ADN ? Bien que l’ADN non codant ait reconfiguré les connaissances antérieures disponibles sur le gène, il apparaît clairement que la définition de l’ADN – séquence de nucléotides transmise lors de la duplication cellulaire et lors de la reproduction – ne met pas en difficulté celle du gène. Le problème du concept de gène n’est pas qu’il est construit à partir d’un autre concept problématique comme c’est le cas par exemple du concept d’espèce à partir de celui d’organisme[25] ou du concept de vieillissement à partir de celui de vie[26].

C. Le concept d’épigénétique se construit par rapport à celui de gène et contribue à le reformuler

 Au cours du XXe siècle, le terme « épigénétique » a été introduit à cinq reprises afin de désigner des phénomènes respectivement distincts. Parmi ces cinq sens, deux conçoivent l’épigénétique comme étant distinct des gènes. Ainsi, le premier sens du terme « épigénétique », initié par les embryologistes au début du XXe siècle, désigne des processus de développement perçus comme étant indépendants des gènes[27]. Dans les années 1950, un autre sens, le troisième chronologiquement, renvoie à une forme d’hérédité non portée par les gènes[28]. Ces deux acceptions continuent-elles de jouer un rôle important dans la pratique de l’épigénétique en biologie moléculaire ? Nous croyons que l’épigénétique correspond davantage aujourd’hui à un ensemble de mécanismes – éventuellement transmissibles – régulant l’état d’activation des gènes. En effet, elle désigne actuellement, de manière assez homogène, des changements de phénotype ou de comportement dont les explications font appel à la méthylation de l’ADN et à l’interaction de cet ADN avec des protéines, en particulier les histones, principaux constituants protéiques des chromosomes. Cette interaction comprend également une relation à un environnement plus ou moins étendu. Les phénomènes étudiés sont épigénétiques dans le sens où ils n’impliquent pas une modification de la séquence de nucléotides qui, elle, reste identique, mais invoquent l’activation ou l’inactivation de gène ou des « épimutations » de ceux-ci visibles par des marques sur la chromatine.

Ainsi, le fait que l’épigénétique se soit construite en partie en réaction au déterminisme génétique[29] – de la remise en cause des « pangènes » conditionnant tout le développement embryonnaire à l’explication des manières dont l’environnement au sens large entre en compte dans la transmission transgénérationnelle du phénotype – n’a pas conduit à une opposition totale entre ces deux approches. En témoignent les trois autres sens également identifiables, dont celui initié par Conrad Waddington en 1942 qui réfère à l’analyse des interactions entre les gènes et entre les gènes et l’environnement dans le développement embryonnaire et dans la différenciation cellulaire ainsi que celui de David Nanney qui invoque la fonction épigénétique du gène concernant la régulation d’un composant cellulaire[30]. Un autre élément tendant à affirmer que l’épigénétique s’est construite à travers la génétique réside dans les liens que cette discipline entretient avec les travaux de génétique des années 1960 et 1970, en particulier ceux de Jacques Monod, François Jacob et André Lwoff[31].

En quel sens l’épigénétique permet-elle de redéfinir le concept de gène ? L’épigénétique permet, d’une part, de mieux comprendre le fonctionnement des gènes. En effet, en étudiant des cas concrets de méthylation de l’ADN et la manière dont cette méthylation est sensible aux facteurs environnementaux, l’épigénétique permet d’expliquer comment les gènes interagissent mutuellement et interagissent avec leur environnement. Ainsi, l’article « Epigenetic Transgenerational Actions of Endocrine Disruptors and Male Fertility » met en avant un élément de l’environnement, les toxines, qui en interagissant avec les chromosomes modifient la ligne germinale à travers la transformation épigénétique de la méthylation de l’ADN, transmise à la génération suivante[32]. La prise en compte de ce type d’exemple conduit progressivement à ne plus décrire les gènes comme des facteurs autonomes, indépendants des contextes environnementaux[33]. Conformément à notre hypothèse, les éléments théoriques qui permettent ainsi de concevoir l’apport de l’épigénétique à la génétique sont également visibles par la nouvelle conception du gène qui émerge actuellement. Nous pouvons citer ici la version de Jean Deutsch qui propose une définition élargie du concept de gène de telle manière que celui-ci inclut la théorie épigénétique :

Le gène est le message, de type symbolique et/ou analogique, inscrit dans les composants nucléique et protéique de la chromatine, transmis de cellule à cellule et de génération en génération, qui est interprété, grâce aux propriétés de la cellule et de l’organisme en information permettant la création des formes du vivant[34].

Le fait d’inclure les composants protéiques de la chromatine dans la définition du concept de gène permet, en outre, d’inclure les histones, responsables de l’activation et de l’inactivation des gènes. Par cette définition, l’auteur désigne les mécanismes épigénétiques comme étant une dimension fondamentale de ce qu’est un gène. Cela valorise l’idée que, pour construire une nouvelle stabilité théorique, la génétique doit inclure l’épigénétique. Cette conception semble être partagée par plusieurs biologistes[35].

2. Malgré une mise en échec de certains types d’inférences à partir de l’observation du phénotype, ce dernier continue de jouer un rôle important dans l’épigénétique

Comme la génétique moléculaire, l’épigénétique étudie par des moyens biologiques les facteurs de développement – potentiellement héréditaires – des caractères phénotypiques. Cependant, le phénotype est une notion qui n’est pas définie dans les articles de biologie moléculaire[36], y compris dans ceux qui emploient le terme abondamment et dont les expérimentations reposent sur ce concept[37]. Selon notre hypothèse, si un concept n’est pas défini et ne suscite pas de discussion quant à sa définition, alors il n’est pas jugé problématique dans les champs au sein desquels il est employé. En d’autres termes, un concept à la fois théorique et important qui, durant une période donnée, n’est pas défini est paradigmatique dans le sens de représentatif d’un paradigme en vigueur. Avec l’expansion des travaux de recherche en épigénétique, la définition du phénotype a-t-elle suscitée des interrogations ou, tout au moins, des définitions ont-elles été apportées par des biologistes moléculaires afin de préciser cette notion ? Nos recherches tendent à répondre négativement à cette question et la signification du terme « phénotype » ne semble pas non plus être au cœur des recherches des historiens et philosophes de la biologie étudiant l’épigénétique.

Comment confirmer ou infirmer cette hypothèse, basée sur l’absence de questionnement définitionnel, d’une continuité de la thèse phénotypique ? Nous allons essayer d’apporter des éléments de réponse en discutant trois points précis qui permettraient d’inférer l’éventuelle divergence de l’épigénétique et de la génétique quant à la thèse phénotypique. Nous examinerons ainsi le glissement entre l’explication de la ressemblance et l’explication de la différence. Nous déterminerons ensuite si la remise en cause du schéma « un gène => une enzyme => un caractère », par les avancées de la génétique, témoigne d’un renversement dans la valeur accordée à l’observation. Enfin, nous interrogerons la place attribuée au visuel au sein des méthodes d’épigénétique.

A. Du postulat de ressemblance génétique au constat de différence épigénétique, la stabilité de la thèse phénotypique

Actuellement, l’intérêt pour le phénotype au sein des recherches en biologie se lit principalement à travers deux types de travaux qui ne s’impliquent pas forcément l’un l’autre : ceux visant à expliquer les changements dans les caractères observables – c’est-à-dire principalement dans le phénotype – et ceux visant à expliquer les changements dans les facteurs observables – c’est-à-dire principalement dans le génome, avec l’étude des mutations génétiques. Historiquement, les gènes ont été désignés comme étant responsables de la ressemblance entre individus. La génétique est donc apparue en tant que science des ressemblances[38]. En un sens, nous pouvons considérer que l’épigénétique étudie la non systématicité de cette correspondance causale supposée entre génotype et phénotype.

Alors qu’initialement la génétique cherchait à expliquer la ressemblance phénotypique entre générations lors de la reproduction, l’épigenèse cherchait à identifier les causes de certaines différences phénotypiques visibles à la fois dans le phénomène de différenciation cellulaire, lors de la duplication des cellules, et dans la formation de l’individu, lors du développement embryonnaire. Ainsi, au cours des débats du XVIIIe siècle et XIXe siècle qui opposaient la théorie du préformationnisme – thèse de la formation morphologique complète de l’individu dans les cellules reproductives – et celle de l’épigénèse – thèse de la formation progressive de l’individu – le principal grief adressé à l’épigenèse est qu’elle insère plus de confusion que de clarté dans la tentative de rationalisation des phénomènes de ressemblance. En effet, la thèse du développement progressif de l’organisme postulant des phénotypes dissemblables selon les stades et a fortiori entre le stade embryonnaire et la naissance, la ressemblance visible entre individus d’une même parentèle devenait difficilement explicable par l’épigenèse[39].

Ce changement d’angle constitue-t-il une rupture épistémologique ? Bien que l’épigénétique semble s’opposer à la génétique en tentant d’expliquer la différence plutôt que la ressemblance[40], les deux se fondent toutefois sur des constats phénotypiques. Nous pouvons même poser l’hypothèse que c’est parce que la théorie génétique rendait la ressemblance beaucoup plus exacte en principe qu’elle ne l’était empiriquement que la dissemblance est devenue un phénomène à élucider. L’écart entre deux phénotypes correspondant à un même génotype peut être constaté, entre autres, par les différences physiques que présentent des jumeaux ayant un ADN identique, et par le fait que ces différences augmentent avec l’âge[41]. Ces cas de dissemblance phénotypique trouvent aujourd’hui des explications à travers la recherche en épigénétique. Dans la théorie de Thomas Kuhn, un changement de paradigme s’effectue sur la base des outils et des théories de l’ancien paradigme[42]. Ce sont les explications en vigueur sous un paradigme qui, par leur incapacité à rendre intelligibles certains phénomènes importants, donnent matière à une nouvelle théorie. Cette nouvelle théorie, si elle s’avère plus efficace, conduit ensuite les scientifiques à abandonner l’ancienne. Dans le cas de la biologie moléculaire, la génétique était prise comme référence car elle répondait à une interrogation importante, celle de la transmission de la ressemblance. Nous pouvons conjecturer que, néanmoins, son incapacité – en l’état – à rendre compte des observations de dissemblance, qui par contraste émergeaient, requit un changement de perspective pour lequel la dimension épigénétique apporte une réponse, encore jugée actuellement comme étant adéquate[43]. Nous considérons donc qu’il y a bien eu un décalage de perspective mais ce décalage ne permet pas, en soi, d’inférer une modification de la thèse phénotypique puisqu’il s’agit toujours, sur ce point précis, d’arguments inductifs d’ordre phénotypique.

B. La remise en cause du schéma « un gène => une enzyme => un caractère » produite par l’avancée de la génétique, notamment grâce aux techniques de knockout, démontre l’idée qu’il y a des différences structurelles qui ne correspondent pas à des différences phénotypiques

Cette conception selon laquelle ce sont les « progrès » permis par un paradigme qui montrent les limites de celui-ci est particulièrement juste au regard des expériences de knockout publiées depuis 1989[44]. Le knockout est une technique d’inactivation ou d’invalidation d’un gène utilisée in vivo. Il vise à déterminer les effets d’un gène. La technique de knockout peut être utilisée pour vérifier des hypothèses quant à l’importance fonctionnelle d’un gène, y compris pour identifier les gènes qui seraient essentiels à la viabilité d’un individu d’une espèce donnée. Cependant, initialement, beaucoup d’expériences de génétique utilisant cette technique avaient plutôt pour objectif de démontrer la causalité entre un gène et un caractère. L’absence de corrélation est un bon exemple des limites de la théorie génétique alors en usage, que celle-ci a elle-même mises en exergue. Ces expériences d’inactivation prouvent qu’un même caractère, ou une même fonction, est engendré par l’interaction entre un ensemble de gènes et leurs environnements. De même qu’il n’y a pas une cause unique à un caractère, ces expériences montrent également que l’inactivation d’un seul gène peut avoir différentes conséquences dont les relations mutuelles n’étaient pas présupposées. Ainsi, bien que l’épigénétique s’intéresse à des processus qui n’impliquent pas de modifications de la séquence de nucléotides, ces découvertes de la génétique indiquent, comme celles de l’épigénétique, la complexité et la multiplicité des relations de causalité susceptibles d’expliquer le phénotype.

Le constat fait depuis les années 1960 que certains mutants ne présentent aucune anomalie phénotypique, pose des problèmes méthodologiques aux chercheurs en génétique dont les expériences de mutagenèse systématique s’appuient sur la reconnaissance de mutants à travers leurs effets phénotypiques[45]. L’absence d’effet est interprétée en faveur d’une redondance génétique qui met à mal le cadre théorique dominant, dans le sens où cette redondance est difficilement analysable avec les méthodes classiques de la génétique, ce qui diminue en conséquence sa capacité à expliquer le développement[46]. Est-ce là le signe d’un changement de paradigme ? Le knockout induit tout au moins une faille dans le paradigme de la génétique moléculaire[47], la mise en échec de l’indentification des mutants au moyen de leur phénotype requérant un changement de méthode au sein de cette discipline.

Néanmoins, pouvons-nous utiliser ces arguments issus d’expériences en génétique pour induire la remise en cause spécifique du présupposé phénotypique ? Nous considérons que les expériences de knockout montrent qu’il n’est pas toujours possible de se fier au phénotype pour comprendre des phénomènes génétiques comme celui de la redondance. Cependant, c’est bien parce que les biologistes basent leur inférence sur l’absence de changement phénotypique qu’ils émettent l’hypothèse de la redondance. En conséquence, c’est encore dans ce cas grâce à des observations phénotypiques que la théorie progresse.

C. Les méthodes utilisées en épigénétique s’inscrivent dans la continuité de la thèse phénotypique

Plusieurs raisons autorisent à penser que l’épigénétique, dans sa praxis, ne remet pas en cause la thèse phénotypique. Certaines des expériences de laboratoire réalisées en épigénétique mettent en œuvre des expériences dans lesquelles le phénotype constitue un indice fort. C’est le cas de l’article « Epigenetic inheritance at the agouti locus in the mouse » de Hugh Morgan, Heidi Sutherland, David Martin et Emma Whitelaw qui mentionne comme première méthode utilisée la classification des phénotypes[48]. L’expérience mise en œuvre dans cette étude s’appuie sur la variation de la couleur du pelage des souris pour tester une corrélation entre une cause épigénétique et des dysfonctionnements, mais également pour étudier la transmission de ces causes. Notons aussi que cet article contient plusieurs occurrences du terme « phénotype » dans chacune de ses pages, soit en tout trente et une occurrences au cours des cinq pages qui le constituent.

De manière plus générale, la principale raison de considérer que l’épigénétique perpétue la thèse phénotypique est liée à la pratique inductive que les épigénéticiens pratiquent à partir de marques – au sens propre –  situées sur la chromatine. D’où proviennent-elles et comment sont-elles identifiées ? Les marques étudiées en épigénétique sont des éléments mis en évidence par différentes techniques de coloration et de fluorescence. Elles sont visibles sur la chromatine qui elle-même est un objet construit dont la dénomination fait référence aux colorants qui sont utilisés pour la rendre visible. Autrement dit, l’objet d’étude phare de l’épigénétique, celui sur lequel ce champ disciplinaire fonde une grande part de ses résultats, est une instance créée par des observations visuelles, elles-mêmes rendues possibles par une modification phénotypique induite par les biologistes. De façon problématique, la délimitation de la chromatine change vraisemblablement selon la technique de coloration utilisée ce qui supposerait qu’une chromatine donnée n’est pas la même et n’implique pas les mêmes protéines selon sa mise en visibilité. La chromatine est ainsi composée de l’ADN, des histones enroulés autour d’elle et d’une pluralité de protéines non définies qui sont considérées tantôt comme faisant partie de la chromatine et tantôt comme se situant dans le reste du noyau. À cela s’ajoutent les difficultés liées au caractère mobile de ces protéines. Pourtant, malgré la variabilité de ses opérateurs, et donc de ses contours, la chromatine ne semble pas être sujette, ni à des interrogations conceptuelles, ni à des redéfinitions[49].

Non seulement la démarche épigénétique consiste à chercher des corrélations entre un trait à expliquer et l’activité du génome, dans la continuité des travaux antérieurs de la génétique, mais encore, cela s’effectue à travers des marques qui ont valeur de résultat, voire de preuve dans certaines expériences[50]. Ainsi, bien que les marques épigénétiques ne soient pas faciles à obtenir, une corrélation n’est pas prouvée tant que des marques de la chromatine n’ont pas été révélées par les recherches empiriques. Il semble donc que, du point de vue de l’importance du visuel dans les méthodes et les explications épigénétiques, il y ait une pleine continuité entre la génétique « pré » et « post » épigénétique. L’investissement placé actuellement dans les techniques de visualisation en biologie moléculaire[51] indique que la thèse phénotypique n’est pas prête d’être contestée dans ce champ de recherche. Sur ce point du moins, l’épigénétique ne semble pas être révolutionnaire.

III. L’épigénétique modifie les schèmes explicatifs de la théorie informationnelle au sein de la génétique moléculaire 

Selon notre hypothèse, si l’épigénétique constitue un changement de paradigme, alors d’une part, elle contredit la théorie de l’information élaborée par Claude Shannon[52] et, d’autre part, elle constitue une alternative pertinente. En quoi la théorie de l’information forme-t-elle l’un des piliers du paradigme de la génétique moléculaire ? Pour quelles raisons cette théorie n’est-elle plus capable de répondre aux objections qui lui sont faites, en particulier aux critiques générées par les découvertes en épigénétique ?

A. L’information génétique forme l’un des piliers du paradigme de la génétique moléculaire, la remise en cause de ce concept performe la remise en cause du paradigme

Les notions développées dans les théories de la communication ont permis aux biologistes des années 1950 et 1960 de formuler les explications de leurs découvertes en biologie moléculaire[53]. Le dogme central est ainsi construit à partir de la notion d’information, qui renvoie dans ce cadre à la détermination précise de la séquence des constituants d’un acide nucléique ou d’un acide aminé[54]. Le dogme central a été formulé par Francis Crick en 1957. L’hypothèse est alors que l’information peut être transmise d’un acide nucléique à un autre acide nucléique ou d’un acide nucléique à une protéine mais ne peut pas être transférée d’une protéine à une autre protéine ni d’une protéine à un acide nucléique[55]. Le dogme central a nourri d’autres hypothèses sur le transfère de l’information génétique, mobilisant les idées de message, de transcription, de traduction, de code ou encore de programme.

Les critiques adressées au concept d’information sont-elles reliées à celles du dogme central, conformément à notre hypothèse du caractère paradigmatique des définitions ? Les biologistes considèrent que la notion d’information, telle qu’elle a été définie par Francis Crick comme séquence de nucléotides, a été utile un temps[56]. Le dogme central et le concept d’information ont ainsi, par le soutien mutuel qu’ils s’apportaient, permis de nouvelles techniques d’exploration tel le séquençage du génome humain, qui a par la suite conduit à questionner la théorie dont il était issu. La transcriptase inverse, une enzyme transcrivant une séquence d’ARN en une nouvelle séquence d’ADN, est découverte en 1970 par David Baltimore et Howard Temin[57]. Cette enzyme disconvient au schéma « ADN => transcription => ARN => traduction => protéines » devenu paradigmatique à la suite du dogme central. En effet, le dogme central ne se prononçant pas sur le transfère d’information provenant de l’ARN vers l’ADN, il a d’abord été compris de manière unidirectionnelle. En 1970, les critiques envers le dogme central conduisent Francis Crick à clarifier sa position[58]. Il soutient que les transfères d’informations génétiques peuvent être classés en trois catégories : les transfères courants vont de l’ADN à l’ADN, de l’ADN à l’ARN et de l’ARN aux protéines. Les transfères spéciaux vont de l’ARN à l’ARN, de l’ARN à l’ADN et dans des conditions expérimentales de l’ADN aux protéines. Enfin, les transfères inconnus, qui n’existent pas selon l’hypothèse du dogme central, sont ceux partant des protéines. La découverte de la transcriptase inverse, apportée par la génétique, a ainsi conduit à la redéfinition du dogme central de telle manière que celui-ci s’ajuste aux avancées de la génétique moléculaire.

Le concept d’information tel qu’il a été formalisé par Claude Shannon comporte comme défaut de ne pas prendre en compte la signification. Il néglige la dimension interactive des processus de transfères d’informations génétiques, dimension omise également par la formulation initiale du dogme central. L’application de la théorie de Shannon à la génétique est déjà contestée en 1962 par André Lwoff[59]. La notion d’information est préservée moyennant sa mise en conformité avec les conceptions de la biologie. Jacques Monod perpétue la métaphore informationnelle sous une forme différente de celle du dogme central de la génétique. Aussi propose-t-il dans son ouvrage Le hasard et la nécessité, une définition de la théorie du code génétique « dans le sens large » incluant « les mécanismes moléculaires d’expression, morphogénétique et physiologique, de cette information »[60]. Cette redéfinition est une prise en compte d’un élément fondamental de la théorie épigénétique actuelle, la complexité des phénomènes génétiques.

B. L’épigénétique opère un déplacement dans le type d’explication privilégié par la biologie moléculaire en soulignant l’importance du contexte et de l’environnement

Si le terme « épigénétique » a, comme nous l’avons vu, une histoire déjà ancienne, sa présence au sein de la recherche en biologie est particulièrement importante depuis les années 1990[61]. Cette période correspond, en sciences de la communication, à l’expansion de la pragmatique qui réfute les modèles linéaires de transmission du message en valorisant une approche contextuelle des interactions communicationnelles. La pragmatique envisage la communication comme une co-construction sémantique opérée par les différents interlocuteurs en relation. En nous gardant d’anthropomorphiser les interactions moléculaires, notre hypothèse est qu’une manière multidirectionnelle d’envisager les phénomènes s’est développée et que celle-ci est visible en biologie par la notion d’environnement et, dans une moindre mesure, par le concept de rétroaction.

Le renouvellement de l’attention portée à l’environnement témoigne d’un déplacement explicatif opéré par l’épigénétique, de même que le recours argumentatif à l’idée de rétroaction. Cependant, le concept de rétroaction est ambivalent, y compris au regard de notre hypothèse pragmatique. D’un côté, le terme « rétroaction » a été introduit en 1954 en biologie par le « fondateur » de l’épigénétique, Conrad Waddington. De l’autre, il est utilisé pour comprendre les mécanismes de régulation de la biosynthèse et est représentatif de l’influence de la cybernétique[62]. La rétroaction semble être un concept « entre-deux » qui n’est satisfaisant pour aucun paradigme. Il modifie le dogme central en insérant un « effet » du produit sur la cause mais reste dans une logique trop simpliste pour comprendre les relations entre les divers éléments du vivant. Néanmoins, le concept de rétroaction a constitué pour la biologie, comme pour la communication, un progrès théorique par rapport à la vision unidirectionnelle qui dominait au moment de son introduction[63].

Les études en épigénétique n’ont pas inventé l’idée de l’influence de l’environnement dans le développement des individus. Ce que l’épigénétique offre en revanche, c’est une explication rationnelle et détaillée de la manière dont l’environnement pourrait contribuer à la formation des individus. L’épigénétique expose, de plus, la pluralité des éléments environnementaux qui interagissent avec le génome et les mécanismes par lesquels cela est rendu possible. Ainsi, l’article « Epigenetic programming by maternal behavior » de Ian Weaver, Nadia Cervoni, Frances Champagne et al. analyse la relation entre le comportement maternel d’un rat envers sa descendance lors de la première semaine postnatale et les états de méthylation de l’ADN de celle-ci[64]. Un lien causal est mis en exergue par les chercheurs entre le comportement de la mère, l’épigénome de sa progéniture et les réponses au stress que manifeste par la suite sa progéniture. En effet, les formes d’attention que procure la mère – notamment celles exprimées lors du toilettage – modifient l’épigénome de sa descendance et influent sur le récepteur des glucocorticoïdes. L’étude montre ainsi une divergence des réponses au stress manifestées par les rats selon les soins prodigués par leur mère.

Cet article illustre comment l’épigénétique permet de prendre en charge certaines dimensions environnementales et leurs interactions avec le génome, dimensions dont ne pouvait pas rendre compte le dogme central de la génétique moléculaire puisque l’information considérée était seulement celle portée par les acides nucléiques vers d’autres acides nucléiques ou vers la séquence d’acides aminés. Or, si les histones qui s’enroulent à l’ADN en formant des nucléosomes ne transmettent pas d’information par le biais de leurs séquences d’acides aminés leur activité modifie directement le traitement de l’information portée par l’ADN et, par là même, l’état d’activation ou d’inactivation des gènes. Cela ne réfute pas le dogme central mais montre ses limites, y compris celles de sa version des années 1970, l’information épigénétique étant transférée à partir des protéines lors de la différenciation cellulaire. L’information épigénétique indique un certain usage de l’information au sens strict de séquences d’acides nucléiques. Le domaine de l’épigénétique s’apparente ainsi à un niveau « méta » par rapport à la génétique moléculaire des années 1960, mais nous soutenons que l’épigénétique, en redéfinissant les contours de la génétique moléculaire, constitue désormais un des niveaux d’analyse de la génétique moléculaire. En cela, épigénétique et pragmatique se rejoignent, la pragmatique ayant redéfini le champ de la linguistique en dépassant le niveau sémantique du sens des mots dans la phrase pour celui de leurs usages, à travers l’étude de la signification du discours en contexte.

C. L’épigénétique fournit une nouvelle image de la transmission trans-générationnelle

La métaphore informationnelle a accompagné les théories et les expériences de la biologie moléculaire[65] et l’épigénétique la perpétue aujourd’hui, bien qu’en la modifiant. Néanmoins, en mettant l’accent sur d’autres éléments, elle reformule le récit génétique. Ainsi, lors de la transmission transgénérationnelle, la séquence de nucléotides est confrontée à un nouvel environnement par l’intermédiaire de la chromatine et des protéines interagissant avec elle. Notre interprétation est que le génome entre en interaction avec de nouveaux agents, œuvrant à différentes échelles au sein du milieu où ils construisent ensemble un nouvel individu. Autrement dit, la transmission intergénérationnelle de caractères phénotypiques ne fonctionne qu’à travers le travail de co-construction de l’individu effectué par différents actants en contexte. Cette idée correspond, pour nous, au paradigme de la génétique élargie, dans laquelle la théorie épigénétique est généralisée. Le fait qu’en génétique une même séquence de nucléotides puisse donner lieu à différents ARN aboutissant eux-mêmes à différentes fonctions ou à différents produits protéiques met en exergue les multiples possibilités d’interprétation de « l’information ». De même qu’en pragmatique, l’étude du contexte est un élément fondamental pour la compréhension du sens des interactions des éléments constitutifs de vivant. L’épigénétique reconfigure-t-elle la théorie informationnelle en usage dans le paradigme de la génétique moléculaire ? La remise en cause des concepts de programme génétique[66] et d’information, ainsi que le recours explicatif à l’idée d’interactions, de contexte et d’environnement, sont autant d’arguments allant dans ce sens. L’idée de code perdure en génétique mais implique désormais de reconnaître la variabilité inhérente à tout processus d’interprétation.

Conclusion

L’épigénétique opère-t-elle ou annonce-t-elle un changement de paradigme ? La réponse que nous donnons à cette question est conditionnée par les hypothèses qui nous ont conduit à la poser. Pour que notre hypothèse du caractère paradigmatique des définitions fonctionne, il nous fallait montrer qu’il existe une corrélation continue entre l’état – d’acception, d’opérationnalité, de « normalité » – d’un paradigme et l’état de définition des principaux concepts sur lesquels il repose. Nous avons jugé que les deux principaux concepts du paradigme de la génétique moléculaire, sont celui de gène et celui d’information mais que, à un niveau plus large, l’un des principaux concepts disciplinaires de la biologie est celui de phénotype.

Concernant les concepts de gène et d’information, l’épigénétique apporte des manières de concevoir qui se révèlent pertinentes quant aux critiques adressées aux hypothèses des années 1960. Le concept de phénotype est quant à lui particulièrement paradigmatique car il est soutenu par un ensemble de méthodologies et de pratiques inductives basées sur l’observation. De ce point de vue, l’épigénétique ne constitue pas un changement de paradigme car, à travers l’importance qu’elle accorde aux « preuves » visuelles que constituent pour elle les marques sur la chromatine, elle perpétue une manière visuelle de comprendre et d’expliquer les phénomènes de la vie. Un premier pas vers l’évolution de la thèse phénotypique en biologie moléculaire serait d’envisager le génotype et le phénotype comme étant dans une interrelation graduelle s’effectuant à travers différents phénomènes et processus, et non comme des pôles, tels deux extrémités d’une chaîne causale performée par la croyance en la transparence des phénomènes observables.

Le paradigme, tel que nous le concevons dans le cadre de cet article, correspond à l’ensemble de conceptions et de présupposés qui fondent un cadre théorique en prescrivant ce à quoi il faut porter attention et au moyen de quels genres de procédés. Le paradigme génère et soutient un type d’explication donné qui, en retour, renforce le paradigme. Les limites d’un paradigme apparaissent soit parce qu’une nouvelle théorie prend en charge et étudie des phénomènes qui ne peuvent être intelligibles dans le paradigme précédent, soit à cause d’un changement plus large. Quel rôle jouent les définitions dans cette conception du paradigme ? Chaque paradigme fonde ses explications sur un petit nombre de concepts de référence omniprésents dans l’ensemble du champ dont est issu le paradigme. Les définitions respectives de ces concepts fondamentaux sont spécifiques à ce paradigme. Selon leur degré de stabilité, d’uniformité et d’unicité, nous pouvons inférer un paradigme plus ou moins fort. Un autre indice selon nous réside dans l’absence de discussion et même de formulation de définitions des concepts centraux en philosophie de la biologie, absence significative d’un paradigme bien installé. À l’inverse, l’instabilité d’un paradigme est visible par les questionnements ontologiques qui mettent en avant le caractère construit des concepts qu’il utilise. Ainsi, les deux seules décennies pendant lesquelles le concept de gène a pu être envisagé comme une réalité objective correspondent à la période dominée à la fois par la règle « un gène-une enzyme », le dogme central, la théorie informationnelle et la thèse phénotypique.

L’épigénétique ne représente pas un paradigme distinct qui concurrencerait la génétique. Elle est au contraire une part de la génétique moléculaire, telle qu’elle se redéfinit actuellement grâce à une nouvelle conception du gène qui, au-delà du fonctionnement causal de celui-ci, met l’accent sur les multiples interactions constituant les processus auxquels il prend part.


[1] Cet article s’interrogeant sur les changements théoriques au sein de la biologie moléculaire, sauf mention contraire la génétique dont il sera question ici sera moléculaire. Le paradigme génétique désigne donc ici le paradigme de la génétique moléculaire.

[2] Je remercie Michel Morange de m’avoir éclairée sur de nombreux points concernant la biologie moléculaire.

[3] Thomas KUHN, La structure des révolutions scientifiques (1962), Paris, Flammarion, 2008.

[4] Thomas KUHN, La structure des révolutions scientifiques, p. 30.

[5] Sandra LAUGIER, Pierre WAGNER (sous la direction de), Philosophie des sciences, Naturalismes et réalismes, Paris, VRIN, 2004, p. 277.

[6] Précisons que notre travail ne consiste pas à discréditer l’un ou l’autre des éléments du paradigme de la génétique moléculaire, mais à étudier les arguments des biologistes et les problèmes définitionnels que rencontre ce champ de recherche afin d’évaluer l’importance des modifications théoriques auxquelles l’épigénétique contribue.

[7] George BEADLE, Edward TATUM, « Genetic control of biochemical reactions in Neurospora », Proceedings of the National Academy of Sciences, USA, vol. 27, p. 499-506. La possibilité d’une correspondance entre un gène et une enzyme était déjà suggérée dans certains travaux antérieurs.

[8] Francis CRICK, « On protein synthesis » (1957), Symposia of the Society for Experimental Biology, 12, 1958, p. 152-153.

[9] SHANNON Claude, WEAVER Warren, Théorie mathématique de la communication (1949), Paris, Retz-CEPL, 1975.

[10] La thèse phénotypique désigne dans cet article l’importance de l’observation et des preuves visuelles, caractéristique de nombreuses disciplines de la biologie. Elle présuppose le lien entre observation et objectivité, présent dans d’autres champs de recherche, mais se manifeste d’une manière spéciale dans les sciences de la vie et en particulier en génétique par le rôle qu’y joue le concept de phénotype

[11] Bien que la modification d’un de ces éléments n’implique pas la modification des autres, notons que certaines hypothèses sont liées. Par exemple, même si la règle « un gène-une enzyme » n’est pas formulée dans le dogme central, Francis Crick déclare la considérer comme vraie. Francis CRICK, « On protein synthesis »…, p. 142.

[12] Voir notamment Michel MORANGE, La part des gènes, Paris, Odile Jacob, 1998, Evelyn Fox KELLER, Le siècle du gène, Paris, Gallimard, 2003, Jean DEUTSCH, Le gène. Un concept en évolution, Paris, Éditions du Seuil, 2012.

[13] L’histoire naturelle du XVIIIe siècle se caractérisait déjà par une attention soutenue portée au phénotype et par la croyance au caractère indiciel de celui-ci, comme en témoigne par exemple la classification des espèces de Carl Von Linné basée sur le critère de ressemblance morphologique.

[14] Le cas de l’épigénétique exemplifie l’idée qu’au sein de la biologie un même concept peut désigner des phénomènes différents et être pourtant relativement bien défini. En effet, le terme « épigénétique » est en usage dans différentes disciplines, par exemple en neurobiologie pour désigner la formation des synapses et en biologie moléculaire pour désigner des mécanismes de régulation de l’activité des gènes. Nous postulons que ce double usage ne pose pas de difficulté précisément car il ressort de deux domaines distincts ayant chacun leur propre cadre théorique.

[15] Michel MORANGE, La part des gènes…, p. 31.

[16] Ibidem, p. 32.

[17] Ibidem, p. 33.

[18] Jean DEUTSCH, Le gène…, p. 134.

[19] Hans-Jörg RHEINBERGER, « Genes : a disunified view from the perspective of molecular biology », Gene Concepts and Evolution, MPIWG preprint 18, 1995.

[20] Evelyn For KELLER, Le siècle du gène…, p. 70.

[21] Id.

[22] Ainsi, la nouvelle définition que donne Jean Deutsch du gène représente un changement théorique qui, s’il est accepté et repris, pourrait passer ensuite dans le langage, du moins scientifique. Jean DEUTSCH, Le gène…, p. 171.

[23] Jean DEUTSCH, Le gène…, p. 144.

[24] Percy Williams BRIDGMAN, The logic of modern physics, New York, The macmillan company, 1927.

[25] Anouk BARBEROUSSE, « La connaissance des espèces » in Francesca MERLIN, Thierry HOQUET (sous la direction de), Précis de philosophie de la biologie, Paris, Vuibert, 2014.

[26] Michel MORANGE, La part des gènes

[27] Michel MORANGE, Une histoire de la biologie, Paris, Éditions du Seuil, 2016, p. 358.

[28] Ibidem, p. 359.

[29] Michel MORANGE, « The Relations between Genetics and Epigenetics », Annals of the New York Academy of sciences, 2002.

[30] Michel MORANGE, Une histoire de la biologie…, p. 359.

[31] Michel MORANGE, « The Relations… ».

[32] Matthew ANWAY, Andrea CUPP, Mehmet UZUMCU, Michael SKINNER, « Epigenetic Transgenerational Actions of Endocrine Disruptors and Male Fertility », Science, Vol 308, 3 juin 2005, pp. 1466-1469.

[33] L’expression « contextes environnementaux » réfère ici à des niveaux divers tel l’environnement cellulaire mais aussi au milieu dans lequel se développe l’organisme et dont le rôle exact quant aux changements épigénétiques ne fait pas consensus.

[34] Jean DEUTSCH, Le gène…, p. 171.

[35] Evelyn For KELLER, « De l’action des gènes aux génomes réactifs » in Francesca Merlin, Thierry Hoquet (sous la direction de), Précis de philosophie de la biologie…, p. 44 et Jean GAYON, in préface de Michel MORANGE, La part des gènes…, p. 15.

[36] Signalons en revanche qu’une redéfinition du concept de phénotype a été proposée par Richard Dawkins en biologie de l’évolution. Le « phénotype élargi » vise à prendre en compte – en plus des caractères observables de l’individu – certains comportements de celui-ci dans son environnement. Richard DAWKINS, The Extended Phenotype. The Gene as the Unit of Selection, Oxford, Oxford University Press, 1982.

[37] C’est le cas, par exemple, de l’article de Hugh D. MORGAN, Heidi G.E. SUTHERLAND, David I.K. MARTIN, Emma WHITELAW, « Epigenetic inheritance at the agouti locus in the mouse », Nature genetics,  volume 23, 1999, pp. 314-318.

[38] Michel MORANGE, La part des gènes…, p. 24.

[39] Ibidem, p. 23.

[40] Notons tout de même que certains généticiens préoccupés par le lien entre leurs découvertes et la théorie de l’évolution, tels Hugo De Vries ou Thomas Morgan, s’intéressaient à la variation.

[41] Jonathan WEITZMAN, conférence « Prolific », 22 novembre 2012.

[42] Thomas KUHN, La structure des révolutions scientifiques…

[43] Des phénomènes de différenciation sont cependant intelligibles dans les termes de la génétique moléculaire comme l’illustrent les modèles de l’opéron et le modèle de Roy J. Britten et Éric H. Davidson qui expliquent la différenciation cellulaire en rendant compte de la régulation de l’expression génique.

[44] Alison ABBOTT, « Biologists claim Nobel prize with a knock-out », Nature, 2007.

[45] Evelyn Fox KELLER, Le siècle du gène…, p. 110.

[46] Ibidem., p. 111. Le séquençage de l’ADN permet néanmoins d’observer une éventuelle redondance au niveau de la séquence du génome.

[47] Diethard TAUTZ, « Redundancies, development and the flow of information », BioEssays, 14, 1992, p. 263.

[48] « Classification of phenotypes. A trained observer classified inbred C57BL/6 mice carrying the Avy allele according to coat-colour (yellow (more than 97% yellow), pseudoagouti (more than 97% pseudoagouti) or mottled (less than 97% yellow and not 97% pseudoagouti) », Hugh D. MORGAN, Heidi G.E. SUTHERLAND, David I.K. MARTIN, Emma WHITELAW, « Epigenetic inheritance at the agouti locus in the mouse »…

[49] L’exception que constitue la proposition de redéfinition de la chromatine dans la conclusion de l’ouvrage de Jean Deutsch, lorsque celui-ci propose une synthèse conceptuelle de la génétique et de l’épigénétique en est d’autant plus significative. La redéfinition de la chromatine est d’ailleurs présentée par son auteur comme une implication de la définition élargie du concept de gène qu’il propose. Voir Jean DEUTSCH, Le gène…, pp. 171-172.

[50] Un exemple de marques épigénétiques ayant valeur de résultat au sein d’un article que nous analyserons par la suite « DNA methylation represents a stable epigenetic mark; therefore, our findings provide an explanation for the enduring effect on mother-infant interactions over the first week of postnatal life on HPA responses to stress in the offspring. » in Ian WEAVER, Nadia CERVONI, Frances CHAMPAGNE et alii, « Epigenetic programming by maternal behavior » Nature, vol. 7,  num. 8, août 2014, pp. 847-854.

[51] Voir Evelyn Fox KELLER, « La culture visuelle de l’embryologie moléculaire », Chap. VII in Expliquer la vie, Paris, Gallimard, 2004, pp. 225-255.

[52] D’autres théories informationnelles ont été importées par la suite en biologie moléculaire mais la théorie de Claude Shannon était celle majoritairement reprise dans les années 1960.

[53] Henri ATLAN, Le vivant post-génomique ou qu’est-ce-que l‘auto organisation?, Paris, Odile Jacob, 2011, p. 40.

[54] Francis CRICK, « On protein synthesis »…, p. 153.

[55] Id.

[56] Michel MORANGE, La part des gènes…, p. 33.

[57] David BALTIMORE, « RNA-Dependent DNA polymerase in virions of RNA tumour viruses », Nature, vol. 226, 1970, p. 1208-1211, Howard TEMIN, Satoshi MIZUTANI, « Viral RNA-dependent DNA polymerase : RNA-dependent DNA polymerase in virions of rous sarcoma virus », Nature, vol. 226, 1970, p. 1211-1213.

[58] Francis CRICK, « Central dogma of molecular biology », Nature, vol. 227, 1970, p. 561-563.

[59] Jean DEUTSCH, Le gène…, p. 167.

[60] Jacques MONOD, Le hasard et la nécessité, Paris, Éditions du Seuil, 1970, p.12.

[61] Michel MORANGE, « The Relations between Genetics and Epigenetics ».

[62] Evelyn Fox KELLER, Expliquer la vie…, pp. 168-173.

[63] Une approche envisageant les relations en termes d’interactions plutôt qu’à travers le couple action/rétroaction permettrait d’étudier un niveau de complexité supérieur et de s’affranchir d’une recherche centrée sur les causes et les effets. L’article mentionné précédemment « Epigenetic programming by maternal behavior » utilise quatorze fois le terme « interaction » mais tel n’est pas le cas de tous les articles d’épigénétique.

[64] Ian WEAVER, Nadia CERVONI, Frances CHAMPAGNE et alii, « Epigenetic programming by maternal behavior »…

[65] Michel MORANGE, La part des gènes…, p. 33.

[66] Evelyn Fox KELLER, Le siècle du gène