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Numéro 8, printemps 2016

Editorial n°8

Avec ce huitième numéro, Circé. Histoires, Cultures & Sociétés vous propose pour la seconde fois un dossier thématique. En le dédiant à l’histoire des sciences, nous sommes heureux de pouvoir donner, dans une revue d’histoire et de sciences sociales, une visibilité à ce champ qui n’est pas tout à fait extérieur à l’histoire mais qui ne la recouvre pas entièrement.

Le mot d’ordre, avec ce dossier, est de vous proposer un modeste panorama de la recherche en histoire des sciences. Deux lignes de force le traversent. D’abord, nous présentons quelques renouvellements récents de la recherche: Karine Chemla, spécialiste de la Chine antique, évoque les découvertes récentes en archéologie et leurs apports pour la connaissance des mathématiques chinoises. Egalement, l’article de Sabine Rommevaux-Tani révèle dans son article la richesse de l’aire latine à l’époque médiévale alors que la majorité des travaux portant sur cette période concerne l’aire orientale.
Ensuite, notre dossier illustre les passerelles existantes entre les disciplines. L’article de Thierry Joffredo semblera particulièrement familier aux historiens habitués à l’étude des sources épistolaires. L’étude de la correspondance entre deux mathématiciens lui permet de comprendre la construction de leur pensée et nous replonge dans les pratiques des scientifiques, lettrés et philosophes de la période moderne. La contribution de Romain Thomas à notre rubrique « Perspectives » vous présentera le dialogue fécond qui s’est instauré entre sciences expérimentales et sciences sociales et humaines autour de l’étude du patrimoine matériel. La philosophie des sciences, que ce soit dans le portrait de Karine Chemla ou l’article de Marie-Noëlle Doutreix, est également une des manifestations du dialogue qui est au cœur de certaines disciplines.

Comme à son habitude, Circé vous propose également un recueil de varia. Dans son article sur la prostitution à Amiens, Julie Pilorget étudie le cadre de cette activité où réglementation ne signifie pas institutionnalisation, et ne manque pas d’interroger l’organisation spatiale de la pratique. Antoine Fersing consacre son article à la formation et au recrutement par le duché de Lorraine d’officiers et de diplômés, et met en lumière l’inadéquation entre une politique de formation universitaire et les besoins du service du prince. Stéphane Le Bras, quant à lui, expose dans son article la stratégie de patrimonialisation d’une entreprise vinicole qui a cherché à pérenniser son commerce et à le maintenir dans une forme familiale. Enfin, Elisa Capdevilla, autour de l’histoire d’un quartier d’artistes, interroge les circulations culturelles et l’attractivité parisienne dans l’après Seconde Guerre Mondiale en ne manquant pas de réintroduire la question de l’espace urbain.

Ce printemps 2016 marque aussi le cinquième anniversaire de la fondation de notre revue. Il y a cinq ans, quatre étudiantes et un étudiant de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines se proposaient de créer une revue généraliste d’histoire, qui publierait des articles d’histoire et de sciences sociales recouvrant tous les sujets actuels de la recherche, sur toutes les périodes. Les membres fondateurs avaient pris pour modèle la revue des Annales, dont le directeur de publication, Etienne Anheim, fut un soutien indéfectible. Depuis, si l’équipe s’est renouvelée à plusieurs reprises, Circé a poursuivi sa route en conservant son attachement à l’éclectisme, la diversité et l’exigence. Et si depuis ses origines Circé affiche un certain penchant pour l’histoire culturelle, c’est moins par goût des membres de son équipe que du fait du bouillonnement qui agite ce domaine de l’histoire.

Huit numéros ont depuis été publiés selon un rythme semestriel, soit 63 articles et 7 portraits de chercheur.es. Depuis le départ, l’originalité de Circé réside bien dans ces portraits filmés qui accompagnent chaque numéro et qui inaugurent désormais les dossiers thématiques. La revue Circé s’honore autant de publier des jeunes doctorants et docteurs que  des chercheurs expérimentés. Surtout, cette entreprise éditoriale est un formidable moyen de former par la recherche les étudiants de master et les doctorants qui composent son équipe et qui en font un lieux précieux d’échange et d’apprentissage entre générations.
Nous adressons un salut chaleureux aux membres fondateurs, qu’ils soient ici remerciés pour ce qu’ils ont créé. Merci à Christophe Boucheron, Mathilde Geley, Inès Lalande, Mouniati Moana-Abdou Chakour et Pauline Thiverville.
Nous réitérons également nos remerciements à nos fidèles soutiens ainsi qu’aux enseignants-chercheurs qui permettent, par leur travail de relecture, à la jeune revue qu’est Circé de publier des articles conformes aux exigences scientifiques qui sont les nôtres et celles de notre communauté.

Et comme toujours, bonne lecture!

Le comité de rédaction de Circé.

Portrait de Karine Chemla, historienne des mathématiques de la Chine ancienne et médiévale

Karine Chemla est directrice de recherche au CNRS et travaille au laboratoire SPHERE de l’Université Paris Diderot. Ses recherches portent sur l’histoire des mathématiques en Chine ancienne et médiévale, dans la perspective d’une histoire internationale.

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Quelques exemples de textes mathématiques du Moyen Âge latin

Sabine Rommevaux-Tani

Résumé

Les histoires générales des mathématiques font en général peu de place au Moyen Âge latin. Pourtant, en sus des quelques résultats originaux que l’on peut trouver dans les textes produits à cette époque, un des intérêts pour leur étude provient des formes d’écrits très divers qu’ils renferment : des traductions, parfois commentées et augmentées, de traités grecs ou arabes, des traités théoriques rédigés selon la forme canonique des Éléments d’Euclide, mais aussi des chapitres de traités de philosophie naturelle ou de théologie, ou encore des Questions dans la tradition des disputes universitaires. Nous donnons ici quelques exemples de ces types de textes en montrant dans quels contextes ils ont été rédigés.

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Entre algèbre et géométrie : la question des points de serpentement et de rebroussement dans la correspondance de Gabriel Cramer avec Euler et D’Alembert

Thierry Joffredo

Résumé

En 1750 Gabriel Cramer publie son traité sur les courbes algébriques, intitulé Introduction à l’analyse des lignes courbes algébriques. Il s’agit en fait d’une somme de près de 700 pages qui vise à présenter au lecteur une étude et une classification systématiques des courbes algébriques jusqu’à l’ordre cinq, au moyen de méthodes algébriques, sans recours au calcul différentiel. Deux chapitres sont consacrés aux différentes sortes de points singuliers que l’on peut y rencontrer. Nous nous intéresserons ici au cas particulier des points de rebroussement de seconde espèce et des points de serpentement, et à leur traitement dans la correspondance de Gabriel Cramer avec Leonhard Euler et Jean Le Rond D’Alembert. Nous prendrons appui sur ce choix de lettres pour interroger les rôles respectifs de la géométrie et de l’algèbre chez Cramer dans sa manière d’aborder l’étude des courbes algébriques, et tenterons d’en tirer quelques conséquences sur l’évolution de sa pensée mathématique sur ce sujet entre 1744 et 1750.

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La recherche en épigénétique redéfinit-elle le paradigme de la génétique moléculaire ? Les définitions de concepts comme indices de changements paradigmatiques

Marie-Noëlle Doutreix

Résumé
La recherche en épigénétique opère-t-elle un changement de paradigme au sein de la biologie moléculaire ? Dans les années 1960, se forme le paradigme de la génétique moléculaire composé de la règle « un gène-une enzyme » explicitée par George Beadle et Edward Tatum en 1941, du « dogme central » élaboré par Francis Crick en 1957, de la théorie informationnelle inspirée des travaux de Claude Shannon et Warren Weaver, et de la « thèse phénotypique ». En s’appuyant sur l’idée d’une consistance entre les définitions des concepts centraux d’un paradigme et le paradigme en question, nous soutiendrons la thèse suivante. Suite aux découvertes que le paradigme de la génétique moléculaire a permises, il est désormais contesté dans sa version forte, notamment par la remise en cause des définitions respectives du concept de gène et du concept d’information et par des arguments fournis par l’épigénétique. Nous utiliserons comme critère pour identifier un éventuel changement de paradigme le fait que l’épigénétique induise, ou non, un changement de définition important et réponde aux difficultés théoriques soulevées par la critique d’hypothèses centrales de la biologie moléculaire des années 1960.

Marie-Noëlle Doutreix est doctorante contractuelle avec mission d’enseignement en communication à l’Université Sorbonne-Nouvelle. Elle réalise un doctorat sous la direction de Marie-Dominique Popelard au sein du Centre d’Approches Pragmatiques en Philosophie du Langage et de la Communication.  En 2014-2015 elle a effectué en parallèle un Master 2 Recherche en Histoire et Philosophie des Sciences à Paris Diderot et soutenu un mémoire intitulé « La fonction paradigmatique des définitions étudiée à travers des concepts en usage dans la recherche contemporaine en biologie ».

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