Tous les articles par Revue Circe

Diplômés des universités et service du prince : Les attentes déçues des ducs de Lorraine (1545–1633)

Antoine Fersing

Résumé

A partir de 1572, le duc de Lorraine met progressivement en place dans ses États une université à Pont-à-Mousson, à qui il confie la double mission de défendre l’orthodoxie religieuse de la province et de former des diplômés pour l’État ducal, dont les institutions centrales se développent rapidement. Le nouvel établissement, qui est bon exemple des universités territoriales qui se multiplient à cette époque dans l’Empire, prospère grâce au soutien du pouvoir ducal et forme effectivement plusieurs centaines de diplômés en droit jusqu’à l’arrivée des troupes françaises en 1633. Malgré cela, la proportion des diplômés parmi les officiers ducaux stagne à un niveau bas, les diplômés mussipontains étant peu nombreux à entrer au service du duc – ce qui peut s’expliquer par l’inadaptation de la politique ducale en la matière, les offices ducaux apparaissant aux gradués en droit comme peu rémunérateurs et difficiles d’accès.

Antoine Fersing, doctorant en histoire moderne au sein du laboratoire ARCHE (EA3400, Université de Strasbourg), prépare depuis 2011 une thèse consacrée aux officiers d’État dans les duchés de Lorraine et de Bar durant la première modernité, sous la direction d’Antoine Follain. Dans le cadre de ses recherches, il a été amené à s’intéresser à l’histoire des universités à l’époque moderne, à l’histoire sociale des agents de l’État, à la prosopographie et aux méthodes d’analyse quantitatives en histoire. Il est actuellement ATER au sein de l’Université de Lorraine, sur le site de Nancy.

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La patrimonialisation intergénérationnelle dans le commerce des vins languedociens. Un processus complexe (Années 1900- années 1960)

Stéphane Le Bras

Résumé

L’objectif de notre étude vise, dans un cadre historique courant sur une soixantaine d’années, à mettre en lumière les logiques de patrimonialisation familiale en cours dans le commerce des vins languedociens et comment ceux qui en sont les destinataires les exploitent. Après avoir montré dans quelle mesure la famille est un élément structurant du négoce local, nous étudierons l’inscription dans une durée plus ou moins longue des maisons de commerce à travers les différents types de transmission patrimoniale. Nous chercherons ainsi à démontrer que si certains héritiers arrivent à assurer avantageusement la patrimonialisation de l’entreprise, d’autres, par malchance, déconvenue commerciale ou désintérêt, brisent un cycle commercial familial commencé plusieurs décennies auparavant. En conséquence, on se retrouve alors face à deux situations antagonistes dont nous proposons ici de mettre en évidence les mécanismes sur le moyen terme : une filiation positive et une autre négative.

Stéphane Le Bras, 07/08/1977, maître de conférences en histoire contemporaine, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand. Mes recherches portent essentiellement sur deux thématiques. La première concerne le monde viticole et ses évolutions depuis la fin du xixe siècle et les mutations engendrées par l’épidémie du phylloxéra. Dans ce domaine, mes travaux portent particulièrement sur le Languedoc et l’Aquitaine, région pour laquelle je mène un projet de recherche en partenariat avec l’Université de Pau et des Pays de l’Adour sur les petits vignobles. La seconde décrypte les logiques de commercialisation dans le secteur de l’agro-alimentaire aux xixe et xxe siècles, notamment les épiceries, débits de boissons, coopératives alimentaires et autres formes de distribution à petite échelle. Adresse mail : stephane.lebras@yahoo.fr. Laboratoire : CHEC (CF2). Continuer la lecture de La patrimonialisation intergénérationnelle dans le commerce des vins languedociens. Un processus complexe (Années 1900- années 1960)

Les Américains dans les cités d’artistes de Montparnasse (1945-1965) : une nouvelle bohème ? L’exemple des artistes américains à l’impasse Ronsin

Elisa Capdevilla

Résumé

Après-guerre, les artistes américains renouent avec une tradition de formation parisienne. En dépit de l’essor de New York, la tentation demeure : jusqu’au milieu des années 1960, plusieurs s’installent à Paris avec le désir d’y commencer ou d’y relancer leur carrière. Les articles de presse et les témoignages corroborent cette puissance du mythe américain de Paris et l’investissement par ces artistes d’une tradition bohème incarnée par la ville.
L’article suivant s’intéresse à un lieu précis, l’impasse Ronsin, dont l’histoire reflète l’évolution des relations artistiques transatlantiques dans ces décennies de guerre froide. Aux jeunes Américains venus se former en France succèdent, au tournant des années 1950-1960, des artistes plus confirmés pour qui Paris représente une étape dans une stratégie d’internationalisation. L’examen de leur passage à l’impasse Ronsin invite à relativiser l’idée d’un déclin parisien dans les années d’après-guerre.

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Editorial n°7

Selon la nouvelle formule visant à vous proposer un numéro thématique par an, Circé. Histoires, Cultures, Sociétés revient ce semestre au principe des varia qui est au fondement de son identité. Dans ce septième numéro, Circé donne aussi la parole, au côté des enseignants chercheurs, aux jeunes chercheurs: titulaires d’un master de recherche, doctorants et docteurs. Ensemble, ils nous proposent un tour d’horizon des nouvelles pratiques de l’histoire en France et à l’étranger. C’est autour de la figure tutélaire d’Arlette Farge que se sont réunies le temps d’un numéro ces nouvelles voix de l’histoire, analysant et interprétant à sa suite les multiples sources à leur disposition. Comme souvent dans nos varia, la diversité des sources témoigne de la richesse des approches, sans que les fractures chronologiques apparentes n’empêchent de tracer des ponts entre les périodes.

Arlette Farge revient sur plusieurs des sources les plus riches qu’elle a exploitées et qui lui ont dévoilé la vie des humbles, des sans voix, des absents de l’histoire. Historienne infatigable, elle nous livre ici un portrait sensible où tous les chercheurs, débutants comme confirmés, trouveront des paroles stimulantes.

A travers la question de la couleur chère à Michel Pastoureau, Marie Aschehoug-Clauteaux renouvelle l’approche des sources iconographiques présentes dans les manuscrits médiévaux. Passant de l’iconographie au texte, les écrits littéraires et historiques et leurs métamorphoses à travers le temps occupent Emilie Glanowski en histoire ancienne qui analyse la construction de la figure de Bucéphale et Pierre Courroux en histoire médiévale qui interroge la compréhension de la matière arthurienne entre le XIIe et le XVe siècle. De l’écrit public à l’écrit privé, Emmanuelle Pujeau explore la posture d’un ecclésiastique italien du XVIe siècle dans ses livres et dans ses lettres pour comprendre la question turque à travers l’étude des échanges dans un réseau d’intellectuels. Sources privilégiées de l’histoire contemporaine, les archives de presse sont exploitées par Samuel André-Bercovici pour explorer le milieu des associations d’anciens combattants au coeur de la guerre d’Algérie. Les archives judiciaires reçoivent l’attention de Ludivine Bantigny qui met en lumière la construction du “mauvais genre” et le discours normatif de la justice sur la place des jeunes femmes dans les Trente Glorieuses. Pour refermer ce numéro, la question de la source est mise à l’épreuve de la contrefaçon: Olivier Ihl analyse pour nous un « faux », le supposé premier portrait de Napoléon Bonaparte.

A ce parcours intellectuel des sources historiques s’ajoute une déambulation géographique : de la Grèce à l’Italie, de la Grande-Bretagne à la France, le voyage en Europe s’autorisant un détour en Afrique du Nord.
Et puisque Circé est également attachée à se faire l’écho des traditions disciplinaires à l’étranger, nous avons le plaisir d’accueillir dans ce numéro Diego Améndolla Spinola, qui, depuis son Mexique natal, se livre à un exercice d’histoire conceptuelle, déconstruisant la notion aujourd’hui trop souvent prise pour argent comptant de féodalisme.

Une remarque frappe ainsi à la lecture de tous ses articles : c’est sous le signe de la déconstruction des sources que semble se réunir une partie de l’histoire actuelle. Une prise de distance critique vis-à-vis des objets historiques parcourt un grand nombre des contributions : le personnage de Bucéphale est analysé comme construction littéraire et politique, le concept de féodalisme à la lumière des enjeux politiques et sociaux qui l’ont vu naître, le discours de l’autorité judiciaire sur la délinquance au regard des questions de normes et de genres à l’oeuvre dans la société d’après-guerre, la couleur n’est plus une donnée brute mais un choix pensé et à penser. A la manière dont les chroniqueurs médiévaux ont réfléchi à la figure du roi Arthur, interrogeant la frontière entre matière historique et matière romanesque, la jeune histoire questionne et décortique ses sources, les envisageant en elles-mêmes comme constructions de l’histoire. Olivier Ihl, quant à lui, en retraçant la construction d’un faux portrait de Napoléon Bonaparte, parle à son propos d’une œuvre de « contrefiction ».

En attendant le numéro 8, qui vous proposera à nouveau un dossier thématique dont nous tairons pour l’instant l’objet, nous vous souhaitons de très riches heures de visionnage, de lecture et de réflexion.

Le comité de rédaction de Circé