Les Américains dans les cités d’artistes de Montparnasse (1945-1965) : une nouvelle bohème ? L’exemple des artistes américains à l’impasse Ronsin

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Elisa Capdevilla

Résumé

Après-guerre, les artistes américains renouent avec une tradition de formation parisienne. En dépit de l’essor de New York, la tentation demeure : jusqu’au milieu des années 1960, plusieurs s’installent à Paris avec le désir d’y commencer ou d’y relancer leur carrière. Les articles de presse et les témoignages corroborent cette puissance du mythe américain de Paris et l’investissement par ces artistes d’une tradition bohème incarnée par la ville.
L’article suivant s’intéresse à un lieu précis, l’impasse Ronsin, dont l’histoire reflète l’évolution des relations artistiques transatlantiques dans ces décennies de guerre froide. Aux jeunes Américains venus se former en France succèdent, au tournant des années 1950-1960, des artistes plus confirmés pour qui Paris représente une étape dans une stratégie d’internationalisation. L’examen de leur passage à l’impasse Ronsin invite à relativiser l’idée d’un déclin parisien dans les années d’après-guerre.


Née en 1978, Elisa Capdevila est agrégée et docteure en histoire. Elle enseigne actuellement en lycée (en section européenne anglais) ainsi qu’à Sciences Po Paris. Elle est chercheuse rattachée au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines de l’Université Saint-Quentin-en-Yvelines. Ses travaux de recherche portent principalement sur les relations artistiques internationales durant la Guerre froide et sur la diffusion et la réception de l’art américain en France et en Europe. Elle prépare actuellement un ouvrage sur les artistes américains à Paris de 1945 à la fin des années 1960 (publication prévue pour octobre 2016). Auteure de « Les artistes américains Paris de 1945 à la fin des années 1960 », thèse de doctorat, sous la direction de Jean-François Sirinelli, Institut d’Études politiques de Paris, 2012


Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, peintres et sculpteurs américains retrouvent le chemin de Paris. La bourse dite du GI Bill[1], accordée par le gouvernement américain aux anciens conscrits désireux de poursuivre des études y compris à l’étranger et dans le domaine artistique, est le moteur principal de cette « seconde occupation de Paris »[2] qui s’achève au début des années 1950 (l’allocation dont la durée est calculée d’après le nombre d’années servies dans l’armée prend fin, pour les cas les plus tardifs, en 1953).

Ces artistes, jeunes pour la plupart, sont influencés par un puissant mythe américain de Paris. Celui-ci puise à la fois dans l’histoire d’une ville qui fut le creuset des avant-gardes avant guerre ainsi que dans une longue tradition d’expatriation américaine relancée dans les années 1920 par la Génération Perdue. Munis de moyens relativement modestes[3], ces nouveaux expatriés contribuent au renouveau de la  bohème parisienne. Apparu dans la première moitié du XIXe siècle en opposition à la société bourgeoise, le phénomène s’est alors mué en un véritable mythe, condensé en une abondante littérature. La bohème se définit tout autant par un mode de vie – excentrique et avec des formes particulières de sociabilité – que par une attitude – l’opposition aux normes et au passé, la révolte contre les valeurs dominantes de la société. Elle est indissociable d’un discours qui la perpétue et en fonde le pouvoir imaginaire et symbolique.[4]

Les jeunes Américains de Paris manifestent, par leur façon de vivre  et par leurs récits, leur adhésion à ce modèle. Ils en empruntent les principaux attributs : une pauvreté (relative) que compense leur passion pour l’art, une marginalité là encore adoucie par leur jeune âge, enfin une sociabilité artistique qui les conduit des écoles d’art aux terrasses des cafés de Montparnasse. Leurs modes de vie, reconstitués par recoupement de multiples  sources (entretiens, correspondances, photographies, articles de presse) confirment l’avènement de cette nouvelle bohème américano-parisienne.

À l’écart de Montparnasse et non loin de Saint Germain des Prés, l’impasse Ronsin en offre un aperçu édifiant. Avec ses ateliers datant du début du siècle, la vieille cité d’artistes dont le délabrement a été accru par la guerre, incarne, parfaitement, aux yeux des jeunes Américains, la tradition bohème qui a formé le terreau des avant-gardes parisiennes. Le sculpteur Brancusi (demeuré à Paris durant le conflit) en est le résident le plus célèbre. Âgé de 69 ans à la Libération, sa présence assure la continuité entre l’avant et l’après-guerre et contribue à la renommée du lieu. Elle explique aussi que soit retardée la décision des autorités de détruire cet endroit devenu insalubre et réclamé par l’hôpital Necker voisin. La cité retrouve en outre, avec l’arrivée de jeunes artistes d’Amérique et d’Europe, une dimension cosmopolite également caractéristique du Paris d’avant-guerre.[5] Parmi ceux-ci figurent deux peintres originaires de New York : Reginald Pollack et Oscar Chelimsky. Tous deux s’installent dans l’impasse entre 1949 et 1950. Ils sont suivis, peu après, de William Copley, peintre lié au milieu surréaliste et arrivé à Paris en 1951.

Ces premiers résidents seront remplacés au cours des années 1950 par des compatriotes plus célèbres. On voit ainsi s’installer dans l’impasse le sculpteur James Metcalf, également inspiré du surréalisme et proche des beatniks, le peintre Larry Rivers, considéré comme un précurseur du pop art, et la Franco-Américaine, amie et camarade des Nouveaux Réalistes, Niki de Saint Phalle. L’amitié nouée entre ces deux derniers et leur épouse et compagnon respectifs redynamisent l’impasse. Entre la fin des années 1950 et le début des années 1960, celle-ci devient un nouveau lieu de collaborations transatlantiques. Elle est pourtant, alors même qu’elle semble en pleine renaissance, doublement menacée : par une globalisation des arts en apparence défavorable à la capitale française et, à Paris même, par les projets de restructuration urbaine.

Comment expliquer, dans ce contexte, l’attachement, en partie rétrospectif, de ces artistes américains à un mode de vie et de création que tout semble condamner, à commencer par l’essor artistique de leur propre pays ?

1. Au contact des maîtres : l’arrivée des vétérans américains impasse Ronsin

L’installation des Américains impasse Ronsin débute en 1949-1950 avec l’obtention, par Oscar Chelimsky et Reginald Pollack, de deux ateliers alors vacants[6]. C’est presque par hasard, si l’on en croit leur témoignage, que celle-ci se fait.

Tous deux sont alors de jeunes étudiants en art (âgés respectivement de 27 et 26 ans en 1950) originaires de New York, et bénéficiaires du GI Bill. Ils sont inscrits à l’Académie de la Grande Chaumière. Oscar Chelimsky, sur lequel nous avons le plus d’information, est un admirateur de l’École de Paris (de Matisse, de Picasso mais aussi de Monet). L’histoire qu’ils racontent est similaire, jalonnée de mêmes étapes. C’est par hasard qu’ils découvrent une impasse hors du temps. Oscar Chelimsky l’avise lors de ses déambulations parisiennes et apprend qu’un très gentil sculpteur du nom de Brancusi y réside ; Reginald Pollack s’y rend, comme nombre de ses compatriotes, pour recontrer le vieux maître. Ils obtiennent un atelier à force de visites régulières un an durant à la concierge qui garde les lieux. Ils entreprennent des travaux pour rendre le lieu habitable.

Chelimsky et Pollack sont alors des figures de la petite communauté de vétérans expatriés en France. Oscar Chelimsky est un des membres fondateurs de la Galerie Huit, galerie coopérative fondée par de jeunes Américains pour diffuser leur travail. Reginald Pollack est lui un intermédiaire pour les artistes américains désireux de participer à une exposition organisée en 1950 par l’ambassade américaine.[7] Les deux peintres feront le choix de rester en France, pour des raisons personnelles autant que professionnelles. Seul Reginald Pollack deviendra toutefois un résident permanent de l’impasse – il ne la quitte qu’à la fin des années 1950. Oscar Chelimsky doit quant à lui quitter son logement au bout d’un an, l’atelier qu’il occupe faisant partie des premiers détruits.

Ils voient en ce début des années 1950 passer par l’impasse nombre de leurs compatriotes et camarades d’études qui souhaitent une entrevue avec Brancusi. Ce dernier a, depuis longtemps, aménagé ses ateliers comme une salle d’exposition pour les collectionneurs désireux de voir ses œuvres, particulièrement pour les Américains auxquels il doit en partie son succès. L’impasse où réside l’artiste attire ainsi une foule composite, de clients, d’amis et de jeunes admirateurs du sculpteur alors au faîte de sa gloire. Beaucoup d’entre eux viennent des États-Unis. Oscar Chelimsky se souvient y avoir croisé son ancien maître Hans Hofmann, artiste allemand devenu new-yorkais et venu rendre visite à Brancusi à l’occasion d’un passage à Paris (l’anecdote est plausible, ce dernier expose effectivement en France, à la Galerie Maeght, et est donc probablement passé par Paris, au début de l’année 1949[8]). L’impasse voit également défiler les étudiants américain dont le séjour à Paris s’apparente à un pèlerinage aux sources de l’art  : parmi eux, des apprentis sculpteurs comme Beverly Pepper ou Sidney Geist[9] (futur critique spécialiste de l’artiste roumain) mais aussi de jeunes peintres tels que Ellsworth Kelly ou Romare Bearden[10].

2. Le renouveau du Paris bohème : les vétérans américains et le mythe de Paris

Oscar Chelimsky et Reginald Pollack, dans leur hommage au maître décédé, brossent le même portrait de leur ancien lieu de résidence. À l’écart de la vie urbaine, inconnue des passants, l’impasse est présentée comme un endroit rustique, dénué de tout confort moderne, mais agréable en raison de son atmosphère presque bucolique.

La description détaillée qu’ils font de leur logement donne une bonne idée de l’environnement matériel dans lequel ils vivent – semblable par son exiguïté et sa vétusté à celui de leurs compatriotes logés dans les petits hôtels bon marché de la Rive Gauche.

Oscar Chelimsky rappelle l’organisation générale des lieux : « L’impasse mesurait en tout et pour tout moins de 92 mètres de long. […] Construits à même le sol, sans étage, [les ateliers] consistaient en quatre murs sans fenêtre, de peut-être 3,6 mètres de haut, ils faisaient environ 5,5 sur 4,5 mètres. Le toit était constitué de deux plans inclinés, l’un en tuiles rouges, l’autre en verre, qui prenaient appui en haut de deux murs opposés et se rejoignaient à une hauteur d’environ sept mètres. »[11] Reginald Pollack insiste davantage sur l’aspect extrêmement rudimentaire des habitations : « Chaque atelier était composé d’une seule pièce : pas de cuisine, pas de chambre, pas de salle de bains, juste un lavabo avec un robinet d’eau froide. […] l’endroit [l’atelier dans lequel il emménage] était en ruine, le plafond était à moitié effondré, les murs pourrissaient. […] Il m’a fallu trois mois pour rendre cet espace habitable. »[12] Pollack fait poser une conduite illégale d’eau chaude, installe une cuisinière au gaz et construit des toilettes modernes – les premières de la Cité selon son témoignage.

On retrouve dans ces descriptions les éléments constitutifs de la bohème : un dénuement proche de la misère dans un endroit à l’écart, un mode de vie aux marges de la légalité associée à un épisode de jeunesse, une atmosphère malgré tout joyeuse, d’entraide, et propice à la création. Leurs témoignages traduisent leur attachement, rétrospectif, à cette vie de bohème qui a marqué leurs débuts.

Ainsi Oscar Chelimsky insiste-t-il sur le charme de l’impasse, réservé à quelques happy few : « En 1949, peu de Parisiens avaient idée de la vie bucolique qui régnait au cœur de la métropole, à quelques pas d’une des artères les plus grandes et les plus empruntées. Au milieu des feuillages abondants […] se promenaient librement, comme dans n’importe quelle ferme, chats, chiens, poules, lapins ainsi qu’une oie majestueuse. Il y régnait cette atmosphère paisible des fermes. »[13] Embellie par le souvenir, leur description fait ressortir la convivialité et la beauté du lieu ainsi que leurs efforts pour surmonter des conditions de vie difficiles.

Tous deux ont également conscience de s’inscrire dans une tradition qu’incarnent l’impasse et son histoire. Reginald Pollack commence par rappeler la généalogie du lieu. Il évoque sa joie à l’idée d’occuper ce qui fut l’atelier d’Odilon Redon et dont les murs ont conservé la couleur rouge choisie par ce dernier (effacée toutefois par le jeune peintre dans ses travaux de modernisation). Il se souvient du plaisir procuré par ces conversations au cours desquelles le vieux sculpteur évoquait ses anciennes amitiés avec Modigliani et Satie. Oscar Chelimsky reprend lui l’ancien atelier d’Alfred Boucher. Interrogé sur cette expérience en 1958, il présente l’impasse comme « une cité d’artistes »[14] : l’emploi du français révèle bien le sentiment qu’a le peintre de s’inscrire, en s’y installant, dans une tradition éminemment parisienne.

L’hommage des deux artistes à Brancusi se lit, dans ce contexte, comme un tribut à toute une tradition qu’ils ont cherché à intégrer en venant à Paris. Dominée par la personnalité du sculpteur, l’impasse semble en effet retenir quelque chose du Montparnasse d’avant-guerre, si ce n’est par son aspect avant-gardiste, du moins par sa dimension créative et cosmopolite. Les jeunes Américains apprécient particulièrement la personnalité de Brancusi. Les deux soulignent ainsi le caractère spontané, quelque peu fantasque, de ce maître qu’ils côtoient, hôte génial, qui n’hésite pas, pour une soirée, à préparer un bol de punch maison et à fabriquer des lampions de papier, transformant ainsi l’impasse en un lieu joyeux et convivial. Sa présence s’avère essentielle pour comprendre la dimension symbolique du lieu. À travers le mythe d’une bohème parisienne dont l’impasse offre un concentré, c’est toute une conception et une définition de l’artiste qui se joue. Comme l’a montré Nathalie Heinich[15], la bohème, phénomène réel qui apparaît en réponse à des transformations mises en branle par la Révolution française, permet d’affirmer, sur le plan symbolique, la dimension vocationnelle de l’artiste. Elle conforte une conception de l’artiste-génie, loué pour ses qualités d’innovation, de créativité et d’originalité. Celui-ci affirme la supériorité de son art, par son mode de vie en retrait de la vie bourgeoise, et en opposition à l’art classique. Le portrait que Chelimsky et Pollack dresse du maître reprend point pour point ce modèle. Dans leurs récits, Brancusi apparaît comme l’incarnation de l’artiste libre – dont le mode de vie bohème (pauvre, à l’écart) confirme le talent exceptionnel. La dimension avant-gardiste de son travail est paradoxalement mise entre parenthèses, son travail semblant avoir finalement peu d’influence sur les jeunes artistes. Il est un modèle pour eux non par son art mais par sa pratique de l’art, intransigeante, sacrificielle. Le découplage entre bohème et avant-garde est ici très net :leurs témoignages, qui louent leur expérience de Paris, confirment ainsi paradoxalement le déclin d’une ville dont l’attrait, en partie passé au moment où ils écrivent, résidait dans un mode de vie plus que dans ses avancées artistiques.

Ces articles offrent une relecture de leur vie et plus particulièrement de leurs débuts. Ils justifient, par leurs emprunts au discours de la bohème, leur vocation. Comme Brancusi, les deux peintres américains sont élevés, par les difficultés qu’ils rencontrent, au statut d’artistes.  Ce qui se joue ici  n’est donc pas tant la filiation avec une École de Paris en partie dépassée que leur identité d’artiste. Repensant à cette jeunesse et à ce Paris disparu, Reginald Pollack se souvient : « Paris dans les années 1950 était une ville tout simplement merveilleuse. Les expatriés étaient de retour en force et nous, jeunes artistes, apportions un sang neuf qui maintenait en vie la grandeur de l’École de Paris. Dans nos esprits, nous étions des artistes brillants, ayant réussi. »[16]

Une page se tourne effectivement avec la mort de Brancusi en 1957. Les nouveaux arrivants, s’ils font preuve d’un même attachement à l’idée de bohème, vont par leur activité et leur inscription dans une avant-garde transatlantique, redynamiser l’impasse. James Metcalf, puis surtout Larry Rivers et Niki de Saint Phalle, s’installent dans l’impasse dans la deuxième moitié des années 1950 : ce sont des artistes plus mûrs et assurés, ayant achevé leur période de formation. Amis des Nouveaux Réalistes parisiens et des Néo Dadas new-yorkais, ils ancrent l’impasse Ronsin dans le présent et rompent avec la nostalgie de l’École de Paris. Toujours bohème, l’impasse Ronsin prend alors une allure beatnik et accueille de nouvelles pratiques artistiques.

3. Entre rupture et continuité : la perpétuation de la présence américaine dans l’impasse Ronsin au tournant des années 1950-1960

L’arrivée de nouveaux artistes, dont plusieurs Américains, marque un tournant dans l’histoire de l’impasse ; elle représente une phase ultime de création avant la destruction finale de la cité. Ce changement ne se produit pas par hasard ni de façon complètement soudaine. Les nouveaux venus connaissent les résidents dont ils prennent la suite ; ces derniers leur sous-louent bien souvent leur atelier. Cette forme d’entraide, assez caractéristique de la communauté expatriée de Paris, explique le maintien d’une forte présence américaine au sein de l’impasse.

Premier d’entre eux, le sculpteur américain James Metcalf succède à Max Ernst dans l’atelier qui fait face à celui de Brancusi et qui est loué depuis l’après-guerre par son compatriote William Copley, proche comme lui du milieu surréaliste.[17] Arrivé en Europe au début des années 1950, Metcalf s’est d’abord installé à Londres (faute d’avoir trouvé un atelier à Paris) puis à Majorque, où il a passé plusieurs années. Il y a intégré une petite communauté composée d’artistes européens et américains, dont le mode de vie itinérant et communautaire s’apparente à celui des beatniks. Revenu en France en 1955-1956, il s’installe d’abord impasse Ronsin avant de céder à son tour, temporairement, l’atelier à une compatriote, l’artiste Niki de Saint Phalle et à son mari, le poète (américain) Harry Mathews, certainement rencontrés à Majorque (le couple y a également séjourné entre 1954 et 1956). Ceux-ci ne restent que quelques mois dans l’impasse ; ils déménagent assez rapidement, après avoir trouvé un appartement plus grand pour leur famille, non loin de là, rue Alfred-Durand-Claye. Ce passage par la cité Ronsin est toutefois déterminant pour la jeune Franco-Américaine : Niki de Saint Phalle y fait la connaissance de Jean Tinguely, son futur compagnon, installé depuis 1954 dans un des ateliers avec son épouse Eva Aepli. Elle l’y rejoint, après sa séparation, à la fin de l’année 1960.

En octobre 1961, Larry Rivers arrive de New York. Il reprend avec sa femme Clarice le logement de son compatriote, le peintre Reginald Pollack qui a choisi de s’absenter plusieurs mois pour tenter sa chance aux États-Unis.[18] À l’inverse de ce dernier, Larry Rivers cherche alors à se faire connaître en Europe. Il n’est pas le seul à tenter cette stratégie. D’autres artistes, de la génération du GI Bill, tentent alors de s’internationaliser via Paris ou l’Europe à un moment où leur situation sur la scène artistique américaine semble mal assurée, soit parce qu’ils demeurent attachés à une forme d’expressionnisme abstrait dont le déclin commence outre-Atlantique à s’amorcer (comme Joan Mitchell), soit parce qu’ils proposent une forme de figuration peu ou pas reconnue. C’est le cas de Larry Rivers, dont la création se situe entre l’expressionnisme abstrait et le pop art, mais aussi d’artistes de Chicago, inspirés d’arts dits primitifs ou naïfs, comme Nancy Spero et Leon Golub. Ces artistes américains, dont les recherches s’inscrivent alors à contre-courant des tendances dominantes de New York, ont souvent acquis un début de reconnaissance aux États-Unis. Leur séjour est pensé comme temporaire et est d’abord lié à des raisons professionnelles. Ils ne cherchent ni à se former ni, réellement à s’expatrier, mais souhaitent promouvoir leurs œuvres sur un marché qu’ils espèrent plus réceptif, en Europe. Pour eux, Paris reste la porte d’entrée principale sur le vieux continent.[19] L’art qu’ils proposent est plus affirmé mais aussi plus violent et souvent plus radical que celui de leurs prédécesseurs venus se former à l’École de Paris.

Larry Rivers, qui séjourne à Paris entre octobre 1961 et août 1962, représente parfaitement cette nouvelle bohème américaine qui se forme alors dans la capitale, constituée pour l’essentiel d’exilés new-yorkais – ces « Hip Parisians » comme les a baptisés le critique Thomas B. Hess.[20] Parmi ceux-ci figurent les peintres Joan Mitchell et Paul Jenkins ou encore le poète John Ashbery (également critique d’art au New York Herald Tribune ainsi qu’à Art international et à Art News) que connaît bien Niki de Saint Phalle. Larry Rivers retrouve également à Paris, par hasard cette fois, un jeune confrère, le peintre afro-américain Bob Thompson. Celui-ci loge avec plusieurs compatriotes dans une autre cité d’artistes de Montparnasse, menacée elle aussi de destruction, la Cité Glacière.[21] Les poètes beat ne sont pas loin non plus : Allen Ginsberg, Gregory Corso et William Burroughs notamment séjournent dans un petit hôtel, proche de la Seine, rue Gît-le-coeur entre 1958 et 1963.[22]

L’impasse Ronsin devient alors un point focal des relations entre artistes français et américains.

4. L’impasse à l’heure des collaborations transatlantiques

Larry Rivers se lie rapidement d’amitié avec ses nouveaux voisins, Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle, dont l’esprit inventif et iconoclaste le séduise. Vivant dans la même impasse, il est aux premières loges pour assister à leurs expérimentations artistiques. « Nous étions, se souvient-il, en révolution permanente, car Niki de Saint Phalle avec laquelle il [Tinguely] vivait, et lui-même faisaient énormément de manifestations en dehors de chez eux ; aussi parce qu’ils passaient leur temps à bombarder le mur de leur atelier contigu au mien, et à tirer à la carabine. »[23] L’artiste suisse, qui a  récupéré le premier atelier occupé par Brancusi, resté vacant depuis la mort de ce dernier, vit alors  « dans une espèce d’endroit à mi-chemin entre un garage et un dépôt à ordures […] travailla[nt] dans le froid, au milieu d’une accumulation invraisemblable de bouts de métal, de pièces de caoutchouc de toutes sortes, de fragments difficilement identifiables ».[24]

La cohabitation impasse Ronsin favorise les échanges entre les deux hommes qui partagent un même goût de la provocation. C’est là qu’ils réalisent la série des Turning Friendship between America and France, commentaire humoristique sur les relations changeantes entre les deux pays et les symboles nationaux qui peuplent leur quotidien – dont les marques de cigarettes, Camel et Marlboro.

En dépit de l’effervescence de ses voisins, Larry Rivers apprécie le calme relatif de l’impasse – il y est, dit-il, moins dérangé qu’à New York. Le dynamisme du petit groupe et la vie à Paris sont pour lui une source constante d’inspiration. Les œuvres qu’il réalise – les French Vocabulary Lessons et les Nouveaux francs – sont influencées par son expérience d’étranger dans la ville. Les éléments iconographiques qui les composent sont tirés de ce nouvel environnement qui lui échappe en partie en raison de la barrière linguistique et culturelle.

Larry Rivers entre également en contact avec les Nouveaux Réalistes. Yves Klein, dont il a fait la connaissance à New York, est certainement celui dont il est le plus proche[25]. Celui-ci est un habitué de l’impasse : il vient régulièrement cuisiner, pour les deux couples, ces soupes qu’il adore.[26] Larry Rivers rencontre aussi durant son séjour Martial Raysse et Arman.

Le peintre américain partage avec ces artistes, ainsi qu’avec Pierre Restany, critique et théoricien du Nouveau Réalisme, un goût pour les images produites par les sociétés de consommation occidentales, la représentation des objets du quotidien et l’utilisation de nouveaux matériaux.

L’impasse devient ainsi, au tournant des années 1950-1960, le terreau d’une amitié transatlantique inspirée par une forme de « nouveau réalisme ». Niki de Saint Phalle joue un rôle pivot dans ces échanges entre Nouveaux Réalistes parisiens et artistes new-yorkais labellisés Néo Dadas : née en France et ayant grandi à New York, parfaitement bilingue, elle est, entre les deux, une interprète parfaite qui participe activement aux des deux groupes[27].

Les séjours des New-Yorkais à Paris sont l’occasion de collaborations qui prennent la forme d’hommages ambigus et provocateurs, des uns aux autres, d’une capitale à l’autre. En juin 1961, Niki de Saint Phalle profite de la présence des Néo Dadas américains, Jasper Johns et Robert Rauschenberg, pour les associer au vernissage de son exposition « Feu à volonté ». Les deux hommes sont invités à tirer sur les toiles, préparées en leur honneur : l’explosion des poches de peinture, dissimulées sous la couche de ciment et de peinture, crée au fur et à mesure un tableau abstrait de coulures – pastiche acerbe de l’action painting menée ici à sa forme finale. Le 20 juin, Tinguely, Niki de Saint Phalle, Johns et Rauschenberg rendent ensemble un Hommage à David Tudor : ils réalisent le montage scénique d’un concert-happening donné à l’Ambassade américaine de Paris, sur une oeuvre signée de John Cage.

Cette activité nouvelle de la cité Ronsin attire l’attention des médias français et américains – au moment même où paraissent les premiers hommages à Brancusi décrivant l’impasse et son atmosphère bohème et louant, à travers elle, la liberté des artistes qui l’ont habitée. Les scènes retransmises à la télévision montrent des artistes provocateurs et transgressifs : une des premières « colères » d’Arman (dans laquelle il détruit méthodiquement une contrebasse) est filmée par la chaine américaine NBC en septembre 1961[28]  ; les tirs à la carabine de Niki de Saint Phalle sont eux retransmis au journal télévisé français le 21 avril 1961 et repris dans l’émission de Louis Pauwels, En français dans le texte (le 25 avril).

La presse écrite s’intéresse aussi à ce lieu menacé de destruction et pourtant si vivant. En février 1962, l’hebdomadaire Newsweek publie un article consacré à la disparition des cités d’artistes et à leur remplacement programmé par une nouvelle Cité internationale des arts. Le reportage, intitulé « Good Bye Bohemia », porte essentiellement sur la controverse entourant la construction du nouvel établissement. En contrepoint il présente une photographie de l’impasse Ronsin : on y voit une cour, remplie de bric-à-brac et, sur le mur de ce qui pourrait être un garage, une roue, des objets, couverts de peinture. Sur le côté, un couple, Larry Rivers et son épouse. Ce dernier et Niki de Saint Phalle, les deux résidents et artistes anglophones de l’impasse, sont cités dans l’article. Tous deux déplorent la destruction programmée de l’impasse et surtout son remplacement par un projet extrêmement règlementé et piloté par les autorités. Plus qu’un lieu ou même un mode de vie, c’est une certaine idée, assez romantique, de l’artiste qu’exprime leur opposition. L’impasse symbolise pour eux l’idéal de l’artiste individuel, libre et livré à ses propres forces. On est très proche du souvenir qu’Oscar Chelimsky avait de Brancusi se réjouissant des difficultés matérielles auxquelles son jeune voisin se trouvait confronté, convaincu qu’ainsi naissaient les artistes. « Les meilleures expressions en art sont venues d’individus forts, de gens qui s’étaient montrés capables de survivre dans une situation comme la jungle », déclare ainsi Larry Rivers. Celui-ci est présenté comme « un peintre et sculpteur américain de 39 ans qui actuellement vit à la dure (par choix) dans l’impasse Ronsin décrépite où Brancusi avait son atelier. Sa voisine, continue le journaliste, Niki de Saint-Phalle, a substitué la carabine, le pistolet et, récemment, un petit canon rempli de peinture au pinceau plus conventionnel. Elle demand[e] : “Croyez-vous qu’ils pourraient me donner un espace pour mon canon à la Cité des Arts ? Jamais !” »[29]

Ces déclarations les rattachent fortement à la tradition de la bohème parisienne. Elles font ressurgir un aspect du mythe en partie oublié avec les premiers occupants de l’impasse : sa dimension transgressive et politique. Ressort de ce double entretien l’idée d’une impasse où règne la liberté. Parce qu’elle échappe aux règlementations et au regard des autorités, celle-ci incarne un droit de cité et d’expression que la capitale française était connue pour garantir aux artistes, et qui   ne se réduit pas seulement à l’accès à un logement bon marché.

Ces différents témoignages expriment tous la nostalgie des artistes américains pour une bohème sur le point de disparaître et pour ce que représentait leur vie dans l’impasse Ronsin. Que nous apprennent d’eux ces regrets ? On peut y voir un attachement romantique, peut-être accru par l’introspection rétrospective dans le cas de Pollack ou de Chelimsky, une posture aussi chez Larry Rivers, lui permettant d’endosser une allure beatnik qui sied à son goût de la provocation.

Cette nostalgie trahit aussi en creux les raisons de leur venue à Paris. La description que font Oscar Chelimsky et Reginald Pollack de leur ancien atelier ou les critiques de Larry Rivers et de Niki de Saint Phalle à l’encontre de la future Cité internationale des arts révèlent ce que représente pour eux cette impasse :  un lieu essentiel de liberté parce que marginal et  à l’abri des règles établies par l’État.

Ainsi Oscar Chelimsky explique-t-il à ses lecteurs ce qu’est une cité d’artistes telle que l’était – l’est encore au moment où il publie son témoignage – l’impasse Ronsin : « [ces cités] étaient des sortes de citadelles où les artistes pouvaient vivre à peu de frais et selon leur inclination individuelle, tout en étant stimulé par les contacts avec ses confrères ; en même temps, elles leur offraient une liberté sociale considérable dans la mesure où son statut [d’artiste] était immédiatement reconnu, à défaut d’être toujours accepté. »[30]

L’expérience de l’impasse Ronsin, chez tous ces artistes, renvoie ainsi à un certain mythe de Paris indissociable de celui de sa bohème : l’idée d’une ville qui donne aux artistes, dans ses marges, un véritable statut et un espace à partir duquel la transgression et l’art sont possibles. Ce discours consacre la capitale française comme un refuge pour les artistes, renvoyant à une conception, autant américaine que française, de l’artiste comme individu libre et indépendant du pouvoir.

On peut ainsi déceler dans ces entretiens, contemporains ou a posteriori, et dans la mobilisation de certains artistes américains pour la défense des cités parisiennes[31], un sentiment plus profond qui éclaire les raisons de l’attrait persistant de Paris auprès d’eux.

Il ne faut pourtant pas s’y tromper. L’apparente continuité des récits masque une évolution sensible qui remet en cause l’idée d’un déclin progressif, presque joué d’avance, de Paris. Il y a bien entre ces deux groupes d’artistes – entre le début et la fin des années 1950 – deux visions de la bohème qui s’affrontent. À la bohème romantique, découplée de la notion d’avant-garde, des premiers s’oppose une conception bien plus transgressive qui renoue avec la dimension politique originelle du mythe. En ce sens, l’arrivée de nouveaux artistes à la fin des années 1950 marque un renouveau profond de la bohème parisienne. Elle en offre une nouvelle variante, hybride, dans la mesure où, plus que leurs jeunes prédécesseurs, mus par l’envie de s’intégrer à l’École de Paris, ces nouveaux venus apportent avec eux des pratiques et des idées d’outre-Atlantique. Elle signale enfin un changement de paradigme dans la conception même du rôle de Paris : au creuset, qui centralise les apports d’artistes venus d’horizons divers, se substitue l’image d’une plaque tournante qui accueille, pour un temps parfois assez bref, des collaborations entre artistes de nationalités différentes.

L’évolution de la présence américaine impasse Ronsin se lit ainsi comme un résumé de l’histoire de la ville et des relations entre la France et les États-Unis, entre Paris et New York. Au rapport maître-élève, symbolisé par l’attitude bienveillante de Brancusi envers les jeunes GIs, se substituent au tournant des années 1950-1960 des échanges entre égaux dont témoigne la rencontre entre Larry Rivers et Jean Tinguely. Leur travail s’inscrit dans un moment précis de renouveau des pratiques artistiques, fondées sur la collaboration, et d’essor des voyages, facilités par la révolution des transports. Ce moment d’échange et de production transatlantique est toutefois assez bref : les relations entre Néo Dadas et Nouveaux Réalistes s’avèrent en effet de courte durée et font place à une forte concurrence entre les deux villes. L’obtention du grand prix de la Biennale de Venise par le peintre américain Robert Rauschenberg en 1964 est interprétée comme la victoire de New York sur Paris. Cette même année, l’impasse Ronsin est détruite. Reginald Pollack et Niki de Saint Phalle font partie des derniers résidents qui sont expulsés.


Notes

[1]   La loi dite du GI Bill, ou Service Readjustement Act, est signée le 22 juin 1944 ; elle vise à faciliter le retour des soldats démobilisés à la vie civile. Y est éligible tout ancien soldat ayant 90 jours de service actif. L’inscription à l’université peut être faite initialement dans les deux puis dans les quatre ans après la fin de la guerre (officiellement fixée au 25 juillet 1947, par la loi du 8 août 1946). La durée couverte est d’un an minimum, plus une période équivalente au temps de service effectué (dans la limite de quatre années d’étude). Le gouvernement américain se charge de régler les frais d’inscription et de matériel directement auprès des établissements ; les boursiers reçoivent en outre une allocation mensuelle, allant de 50 dollars (75 à partir de 1948) pour une personne seule, à 75 dollars (105 à partir de 1948) pour un vétéran ayant une personne à charge.

[2]   Nous reprenons ici l’expression de Michael PLANTE, The « second occupation »: American Expatriate Painters and the Receptions of American Art in Paris, 1946-1958, PhD, Histoire de l’art, Brown University,1992.

[3]   D’après les calculs d’Harry Bellet, le montant de la bourse, quoique assez modique, est légèrement supérieur au salaire moyen de l’époque et permet aux vétérans de vivre de façon relativement convenable à Paris. Voir Harry BELLET, « Le curieux Paris de quelques Américains », Cimaise, n°210, janvier – février 1991, p. 45-48

[4]   Pour une analyse du phénomène de la bohème, nous renvoyons à l’ouvrage dirigé par Pascal Brissette et Anthony Glinoer, et particulièrement au chapitre de Nathalie Heinich, dont nous reprenons ici une partie des arguments. L’ouvrage s’intéresse principalement à la bohème littéraire mais l’inscrit dans une perspective globale du phénomène. Il en couvre la genèse et le développement au XIXe et XXe siècles et en retrace sa diffusion hors de France.

     Pascal BRISSETTE et Anthony GLINOER (dir.), Bohème sans frontière, Presses universitaires de Rennes, 2010, 357 p. Particulièrement Nathalie HEINICH, « La bohème en trois dimensions : artiste réel, artiste imaginaire, artiste symbolique », p. 23-38 et Clémentine HOUGUE, « Beat generation : une bohème sur la route », p. 335-345. Voir également l’étude fondatrice de Jerrold SEIGEL, Paris bohème : culture et politique aux marges de la vie bourgeoise, 1830-1930, Gallimard, 1986, 499 p.

[5]   Les jeunes peintres roumains Natalia Dumitresco et Alexandre Istratu sont les premiers à s’y installer. Ils occupent à partir de 1948 l’atelier qui fait face à celui de Brancusi. D’après Claude LAUGIER, « Impasse Ronsin », Paris-Paris, Centre national Georges Pompidou / Gallimard, 1992, p. 440-441.

[6]   Les informations que nous avons ne permettent pas de dater avec précision la date où ils prennent possession de leur atelier. Arrivé à Paris en 1948, Reginald Pollack dit avoir obtenu l’atelier au bout d’un an – tout comme Oscar Chelimsky. Ce dernier arrive en France en 1947, il passe d’abord un an à Fontainebleau (où étudie sa femme), avant de rejoindre Paris. Les témoignages que ces deux artistes ont laissés se concentrent sur la vie dans l’impasse et sur la figure de Brancusi. Aucun des deux ne fait mention d’autres artistes résidant dans la cité ; il est donc difficile de savoir s’ils se sont connus impasse Ronsin. Voir du premier : Oscar CHELIMSKY, « A Memoir of Brancusi », Arts, vol. 32, n°9, juin 1958, p. 18-21 ainsi que son entretien pour les Archives de l’Art Américain (Oral history interview with Oscar Chelimsky, 1990, Archives of American Art, Smithsonian Institution) et du second : Reginald POLLACK, « Brancusi’s sculpture vs. his homemade legend », Artnews, février 1960, p. 26-27, 63-64 et « Shaman and Showman. An intimate portrait of the legendary Romanian sculptor Constantin Brancusi », Art & Antiques, mai 1988, p. 95-98, 114 et 116.

[7]   Lettre de Darthea Speyer à l’artiste Rudolf Baranik, 30 novembre 1950, Rudolf Baranik Papers, Archives of American Art, Smithsonian Institution. Cette exposition d’ « art américain » présente les œuvres de plusieurs peintres expatriés. Organisée par l’ambassade américaine dans plusieurs villes d’Europe, elle se tient à Paris du 15 au 27 mai 1950.

[8]   L’exposition a lieu du 7 janvier au 9 février 1949.

[9]   Plus âgé que ses compatriotes (il est né en 1914), Sidney Geist bénéficie également du GI Bill et étudie à la Grande Chaumière après-guerre. Il organise en 1969 une rétrospective de l’œuvre de Brancusi pour le musée Guggenheim de New York.

[10] Sur ces artistes et leur expérience de Paris voir Rosalind E. KRAUSS, Beverly Pepper. Sculpture in Place, Buffalo, Albright-Knox Art Gallery et New York, Abbeville Press, 1986, 179 p. ; Ellsworth Kelly, les années françaises, 1948-1954, catalogue d’exposition (17 mars – 24 mai 1992, Galerie nationale du Jeu de paume), Paris, Éditions du Jeu de paume, 1992, 211 p. ; Avis BERMAN, « Romare Bearden, “I Paint Out of the Tradition of the Blues” », Artnews, n°79, décembre 1980, pp. 60-66 et Oral history interview with Romare Bearden, 31 juillet 1980, Archives of American Art, Smithsonian Institution.

[11] « The entire length of this dead-end passage is less than one hundred yards. […] Built directly on the ground with no second story, they consisted of four windowless walls, perharps four yards high, and their dimensions were about six yards by five. The roof was made up of two slanting spans, one of red tile, the other of glass, which started from the tops of two opposite walls and met at a height of some eight yards. » Oscar CHELIMSKY, « A Memoir of Brancusi », p. 19

[12] « Each studio was a single room : no kitchen, no bedroom, no bathroom, just a sink with a cold water tap. […] The place was a ruin, the ceiling half fallen in, the walls rotting. […] I spent three months making my space livable […]. », Journal de Reginald Pollack, vol. 43, Reginald Pollack Papers, Archives of American Art, Smithsonian Institution.

[13] « In 1949 few Parisians suspected the bucolic life which reigned in the heard of the metropolis only a few steps from one of its biggest and busiest arteries. Among the abundant foliage, […], carts, dogs, chickens, rabbits and even a majestic goose ran about as they do on any farm […]. There was a farmlike sens of peace. » Oscar CHELIMSKY,

     op.cit., p. 19

[14] Ibid.

[15] Nathalie HEINICH, « La bohème en trois dimensions : artiste réel, artiste imaginaire, artiste symbolique ».

[16] « Paris in the Fifties was simply wonderful. The expatriates were back in force and we younger artists we were new blood helping keep the greatness of the School of Paris alive. In our own minds, we were brilliant successes. » Journal de Reginald Pollack, op.cit.

[17] Nous nous appuyons ici sur l’article de  Claude LAUGIER, « Impasse Ronsin ». D’après cet article, l’atelier occupé par William Copley à partir de 1951 a d’abord été utilisé comme dépôt par Henryk Berlewi. Max Ernst, que connaît bien William Copley, y réside de 1952 à 1954, avant que James Metcalf ne le récupère. L’habitation jouxte celle des artistes roumains, Alexandre Itrasti et Natalia Dumitresco, face à l’ancien atelier de Brancusi.

     William Copley comme James Metcalf sont proches des milieux surréalistes. Ce dernier, arrivé à Paris au milieu des années 1950, y demeure jusque dans la deuxième moitié des années 1960.

[18] Larry Rivers mentionne l’arrangement dans son autobiographie : « À l’automne, Clarice et moi avons déménagé à Paris, dans un petit atelier chauffé par un poêle à charbon, dans l’Impasse Ronsin. Je le louais au l’artiste fumeur de pipe, Reggie Pollack, qui était retourné à New York, la ville dont il venait, pour y chercher gloire et fortune. » (« In the fall Clarice and I moved to Paris, to a small studio heated by a coal stove on the Impasse Ronsin. I rented it from the pipe-puffing artist Reggie Pollack, who returned to New York City, where he came from, to seek fame and fortune. ») Larry RIVERS, What Did I Do? The Unauthorized Autobiography, New York, Thunder’s Mouth Press, 1992, p. 376

[19] Larry Rivers est venu une première fois en France après-guerre dans le cadre du GI Bill (avec son amie, l’artiste Nell Blaine) ; il est revenu pour un mois, comme musicien de jazz en 1958. Il est, en 1961, quand il décide de s’installer pour plusieurs mois à Paris, un membre reconnu de l’avant-garde new yorkaise, proche des milieux expressionnistes abstraits.

[20] Lettre de Thomas B. Hess à Paul Jenkins, juin 1961, Paul Jenkins Papers, Archives of American Art, Smithsonian Institution

[21] La cité Glacière accueille alors un petit groupe d’artistes américains, composé de Robert de Niro (le père de l’acteur), Jim Sullivan, Bob Thompson, sa femme et Christopher Lane. Voir notamment Thema GOLDEN, Bob Thompson, New York, Whitney Museum of American Art, et Berkeley, University of California Press, Berkeley, 1998, 200 p.

[22] Voir Barry MILES, The Beat Hotel. Ginsberg, Burroughs and Corso in Paris, 1957-1963, New York, Grove Press, 2000, 294 p. Voir également, sur la dimension bohème de ce groupe, Clémentine HOUGUE, « Beat generation : une bohème sur la route ».

[23] Témoignage de Larry Rivers publié dans Daniel Abadie et al., Paris-New York, catalogue d’exposition (Paris, Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne, 1er Juin-19 Septembre 1977), Centre national Georges Pompidou, 1977, p. 590

[24] Ibid.

[25] Preuve de cette amitié, Larry Rivers lui prête en janvier 1962, son atelier pour y organiser une fête aprè son mariage.

[26] Ibid.

[27] Voir à ce sujet Émilie BOUVARD, « Niki de Saint-Phalle, une artiste américaine », dans Camille MORINEAU (dir.), Niki de Saint-Phalle, 1930-2002, catalogue d’exposition (Paris, Paris, Grand Palais, Galeries nationales, 17 septembre 2014-2 février 2015), RMN – Grand Palais, 2014, p. 48-55

[28] L’œuvre est intitulée NBC Rage.

[29] « The best expression in art has come from tough individuals, people who’ve been able to survive a jungle situation,” objected the 39-year-old American painter and sculptor Larry Rivers, who is currently roughing it (by choice) in the decrepit Impasse Ronsin, where Brancusi had his studio. His neighbor, Niki de Saint-Phalle, who has substituted carbine, pistol, and, recently, a small cannon loaded with paint for the more conventional paintbrush, asked : “Do you think they would give me a field for my cannon at the Cité des Arts? Never! » « Good Bye Bohemia », Newsweek, 12 février 1962, p. 61

[30] « they were a kind of citadel where the artist could live cheaply and according to his individual inclination, stimulated by contact with his fellows ; at the same time they allowed him considerable social freedom insofar as his status was automatically recognized, if not always accepted. » Oscar CHELIMSKY, op.cit., p. 19

[31] Bob Thompson a ainsi participé à une exposition collective destinée à lever des fonds pour sauver la cité Glacière en février 1962. D’après Thema GOLDEN, Bob Thompson, p. 60-64.