« Quant aux filles et femmes qui désirent vivre du plaisir de leur corps » Pour une première approche de la prostitution amiénoise à la fin du Moyen Âge

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Julie Pilorget

Résumé

L’exemple d’Amiens, capitale régionale dynamique à la fin du Moyen Âge, constitue un terrain d’analyse privilégié concernant l’étude de la prostitution urbaine médiévale. La restructuration de l’espace public, avec la mise en place d’un tissu planifié contre les accaparements privés, est la grande affaire de ces derniers siècles. Les autorités cherchent notamment à supprimer venelles et cours intérieures, qui sont autant de lieux propices, au déploiement de la vénalité. Un recensement effectué en 1453 établit en effet que les filles de joie amiénoises sont au nombre de cinquante, alors que nombre d’entre elles échappent probablement au contrôle des sergents de l’Echevinage.
Diverses ordonnances somment ainsi, au XVe siècle, les « fillettes » de restreindre leur commerce à quelques rues clairement identifiées et elles sont priées d’arborer une « aiguillette » devant éviter toute confusion de leur personne avec les « bones et proeudes femmes » de la ville. Cependant la multiplication des édits indique l’échec de l’entreprise et les maquerelles, telles Sourdas, continuent d’étendre leur commerce au travers de l’achat d’un certain nombre de maisons devant accueillir les ébats de leurs clients. Nous essayerons donc de voir dans quelle mesure, usant de contraintes tant spatiales que sociales, la municipalité amiénoise parvient-elle à encadrer l’activité prostitutionnelle ?


Julie Pilorget
Née en 1987 à Rennes, j’ai été reçue à l’agrégation externe d’histoire en juillet 2011. Actuellement ATER à l’université Paris-Sorbonne, je réalise au sein de cette même université sous la direction du Professeur Elisabeth Crouzet-Pavan, une thèse portant sur « La place des femmes en ville à la fin du Moyen Âge (Amiens et ses environs) ». Cette étude s’inscrit dans des problématiques relevant d’une part de l’histoire urbaine et d’autre part de l’histoire des femmes et du genre aux derniers siècles du Moyen Âge et début de l’ère moderne.
Vice-présidence de l’association de doctorants médiévistes Questes, que j’ai co-organisé dans ce cadre en mai dernier une journée d’étude interdisciplinaire sur la Création (« Créer. Créateur, créations, créatures »), dont les actes devraient paraître dans le courant de l’année 2017 au Presses Universitaires de la Sorbonne. Enfin, je viens de publier dans le bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, un article intitulé « Foles femmes et laronnesses. Figures de la délinquance féminine en Picardie à la fin du Moyen Âge.
pilorget.julie@wanadoo.fr


En introduction à son ouvrage Amours vénales. La prostitution en Occident (XIIe-XVIe siècles), paru en 2010, Jacques Rossiaud soulignait combien l’historiographie consacrée au fait prostitutionnel avait progressée depuis les premiers travaux qu’il mena sur la question à la fin des années 1970[1]. Toutefois, il émettait un regret quant au délaissement des recherches empiriques, archivistiques, au profit d’une histoire des représentations et des discours. Il invitait donc le chercheur à se concentrer sur les structures de la sexualité vénale, afin de toujours mettre en exergue la pluralité des pratiques, le statut des personnes et la place sociale de la vénalité qui varient du tout au tout selon l’univers référentiel[2]. De fait, on ne peut que constater à la lecture des travaux consacrés à la question, un déséquilibre quantitatif quant aux études consacrées au Nord vis-à-vis du Sud de l’Europe[3]. En effet, si les synthèses régionales abondent concernant l’espace méditerranéen – les études de Léah Otis[4] et de Richard Trexler[5] venant s’ajouter à celles réalisées par Jacques Rossiaud[6] -, les travaux manquent pour l’espace nord-européen. Certes, les recherches de James Brundage[7] et Beate Schuster[8] sont venues en partie pallier ce manque, mais ces dernières se concentrent respectivement sur les espaces anglais et allemand[9]. Force est donc de constater que la France septentrionale reste encore à l’heure actuelle en marge des recherches, notamment en raison d’une « institutionnalisation » moins poussée de la prostitution médiévale.

Or il ne faut pas voir dans l’apparition tardive de bordels au nord de l’Europe le signe d’une moindre vitalité du fait prostitutionnel. Comme le souligne Alain Corbin en introduction à son ouvrage consacré aux filles de noces, les divers statuts de la femme publique tiennent en partie à une variation des demandes selon les cultures et milieux étudiés[10]. Toute étude se doit donc de prendre en compte un large éventail de sources afin de replacer le microcosme prostitutionnel dans l’ensemble du contexte urbain étudié. Or, il semble qu’Amiens, capitale régionale dynamique à la fin du Moyen Âge, constitue un terrain d’analyse privilégié pour la question. Les registres de la commune offrent en effet à l’historien des XIVe et XVe siècles, un échantillon de figures très diverses rendant pleinement compte du déploiement de la prostitution en milieu urbain. La ville semble par ailleurs avoir souffert d’une réputation licencieuse, depuis des temps reculés. Pour preuve, un extrait d’une lettre que Cicéron adresse au Ier siècle avant J.C. à son ami C. Trébatius, jeune jurisconsulte qu’il a fait nommé à Amiens. Il dit ainsi : « On m’assure que tu deviens un disciple d’Epicure. Oh ! Merveilleuses stations militaires. Que serais-ce si je t’avais envoyé non pas à Samarobrive mais à Tarente »[11]. Cette réputation, semble se confirmer au fil des siècles. Selon un recensement effectué par l’échevinage en 1453[12], 50 prostituées vivraient alors à Amiens « du plaisir de leur corps ». Tel est du moins, le chiffre des prostituées dénombrées. Il est probable, que de nombreuses autres exercent leur commerce clandestinement et on peut supposer que les effectifs étaient bien plus élevés. Alors que la population amiénoise est estimée aux environs de 15 à 20 000 habitants pour la période, on peut supposer la présence de plus d’une centaine de prostituées dans la ville[13]. Nous ajouterons également à l’étude des archives amiénoises, celle de documents relatifs au fait prostitutionnel à Abbeville, commune située à une quarantaine de kilomètres au nord d’Amiens, en Ponthieu. La tenue par la municipalité abbevilloise d’un livre de justice appelé, Livre Rouge, tout au long du bas Moyen Âge, se révèle être une source de premier ordre pour l’étude du déploiement de la vénalité en ville. Rappelons à ce titre, que nous nous situons alors à un moment charnière dans l’histoire du fait urbain. La restructuration de l’espace public, suscitant la mise en place d’un tissu planifié contre les accaparements privés, est la grande affaire des derniers siècles du Moyen Âge. On cherche notamment à supprimer venelles et cours intérieures, qui sont autant de lieux propices, au déploiement de la vénalité. Cependant la multiplication et le renouvellement dans les registres des édits en question, indique l’échec de l’entreprise et ce n’est que tardivement, au début du XVIe siècle que les échevins amiénois paraissent en mesure d’assigner les filles de joies à résidence, au sein d’un « bordeau », entretenu par leurs soins. Ce moment marque ainsi le terminus ad quem de notre étude.  Or, nous verrons que dans l’attente de cette solution, au cours des XIVe et XVe siècles, et face au caractère endémique de ce mal, la municipalité amiénoise tente d’utiliser alors cette « main d’œuvre » à bon escient et choisit de favoriser la réinsertion des filles de mauvaise vie qui souhaitent abandonner leurs anciennes mœurs pour vivre dans le repentir. Ainsi il s’agira de voir dans quelle mesure, usant de contraintes tant spatiales que sociales, la municipalité amiénoise parvient-elle à encadrer l’activité prostitutionnelle à la fin du Moyen Âge. Nous répondrons à cette interrogation en trois temps. Nous étudierons dans un premier temps la structure de la prostitution amiénoise au sein de la ville et tenterons d’en estimer l’ampleur. Dans un second temps nous reviendrons sur les apports et les limites de la politique répressive instaurée par les autorités urbaines à l’encontre des filles de joies. Enfin, nous nous pencherons sur les essais d’intégration déployés par la municipalité à leur encontre.

Structure et ampleur de la prostitution amiénoise 

Si la prostituée peut être amenée à voyager de villes en villes à l’instar de Mabile ou Richeut dont les aventures nous sont contés dans divers fabliaux du XIIIe siècle[14], dans le cadre intra-urbain, leurs activités obéissent avant tout à la loi de la sédentarité.

Les lieux de vergogne

À la différence de l’espace méditerranéen, le nord de l’Europe n’accueille aucun prostibulum publicum[15] avant le début de l’époque moderne. En conséquence, les lieux de vergognes sont nombreux et répondent à des logiques multi-scalaires. À un premier niveau, nous trouvons les prostituées dans les « cabares de cervoises et en pluiseurs meschans hosteux » parsemant les rues de la ville médiévale et accueillant « pluiseurs hommes tant mariez que à marier dont viennent souvent grans noises et débas »[16].  Il est ainsi fréquent que des particuliers soient incriminés pour soutenir ou héberger les ébats des filles et de leurs clients. À la fin du XIVe siècle à Abbeville, une ordonnance défend aux « houliers » et « houlières », sous peine d’une forte amende, d’héberger des filles de vie dissolue en leurs maisons[17]. Selon le dictionnaire de Frédéric Godefroy, le terme de « houliers » désigne des personnes libertines, vivant dans l’impudicité[18] et exerçant souvent la fonction de tavernier ou hostelliers. Cette terminologie qualifie également souvent les responsables ou propriétaires de bains publics dits étuves qualifiés par Jacques Rossiaud comme « maisons de tolérance ». En effet, les bains publics apparaissent très tôt comme de hauts lieux de prostitution en milieu urbain. À Abbeville toujours, une ordonnance du 11 octobre 1452 défend aux « estuviers » de loger des « filles de joyes » et leur impose de n’employer au bain que des femmes âgées d’au moins cinquante ans. Les contrevenants seront punis du bannissement et là encore d’une forte amende[19]. Il devait exister en principe des étuves pour hommes et d’autres pour femmes, mais maints exemples tirés des archives amiénoises prouvent que la mixité est souvent de mise. Pour preuve, ce bail de 1514 nous décrivant l’intérieur de l’un de ces bains, appartenant à Nicolas Baillet, marchand. Le 26 août 1514, il reçut le bail de la maison de l’Image Saint Julien rue de Merderon « appropriée à usage d’estuves » avec tous les meubles et ustensiles qu’elle renferme, à savoir : « assavoir 24 lictz […], 48 oreillers […], une grande caudiere, une cuvattre à mettre eau froide, 20 petits bacquetz, [des] baignoires et autres ustensibles, servans ausdictes estuves ».  On ne manquera pas de relever la présence de deux oreillers par lits…

Enfin, la vénalité citadine se déploie à un troisième niveau, au sein de l’habitat privé. Les filles « se tenant en chambres » essaiment de nombreuses villes, investissant dans  la location ou l’achat d’un toit pouvant accueillir leurs ébats. Les contrats de location ainsi que les testaments renfermés dans la série FF des archives municipales amiénoises, révèlent l’accumulation par certaines filles devenues maquerelles, d’un véritable patrimoine issu du fait prostitutionnel.

Associés à la situation des étuves et tavernes évoquées plus haut, la situation de ces chambrettes détermine des quartiers de prédilection pour le déploiement des sociabilités vénales. Intra-muros, c’est au nord de la ville parcourue par les lacets de la Somme, que se concentrent les filles de joies amiénoises. La toponymie du quartier marécageux de Saint-Leu trahit l’identité des populations le fréquentant, ainsi de la rue des Filles et celle des Blanques mains au nord-est de la ville. Attenantes, la rue des Poulies, celle de la Mauhaitie, la rue du Moulin de Happetante et l’ensemble du quartier Saint-Sulpice constituent autant de lieux propices à la sédentarisation de la vénalité. Les registres de délibérations évoquent également à partir des années 1460, l’existence d’une « rue des fillettes », témoignant par là de l’identification par les autorités d’un lieu de prostitution presque officiel.  Toutefois, la lecture des registres de délibérations renfermant les nombreuses plaintes déposées par les habitants à l’encontre des filles de joie,  laisse entrevoir la présence sporadique de prostituées au sud de la ville : ainsi des rues du Don, de la rue Pavée et celle de l’Ecorcherie. Enfin, d’autres déclaration, plus éparses évoquent la présence à la fin du Moyen Âge de filles de joie jusqu’aux abords de la rue de Beauvais, bien plus au sud de la ville.

Les acteurs de la vénalité

Filles de joyes, fillettes, filles publicques ou encore filles de vye dissolute, les surnoms abondent dans les sources pour désigner les prostituées. Ces surnoms n’ont rien d’anodin dans une société où la renommée, la fama, organise la majeure partie des rapports sociaux. Le terme réducteur de « prostituée » – qui n’apparaît pas dans les sources – a longtemps contribué à faire de toutes femmes vivant dans la marginalité, des femmes vénales[20]. Toutefois, les sources nous permettent rarement de remonter le chemin qui les a mené jusqu’à la vénalité. Sans apparaître esseulées – elles sont souvent citées en compagnie d’autres filles de joie -, ces femmes ne semblent pas avoir de véritables attaches, qu’elles soient amicales ou familiales. Si leurs surnoms évoquent parfois un peu de leur histoire, ils peuvent aussi témoigner de leurs spécialités et des attentes de certains clients. Il en est des plus cocasses, tel celui d’Agnès Dufour dite Broie-fesses, de Phelippotte Proidefemme ou d’Emmeline Dieu-la-Voie[21]. D’autres privilégient l’usage de particules ou  se contentent enfin d’un prénom, non suivi d’un nom, telles Peringnette ou Croissette.

Nous disposons de plus d’informations à l’encontre de leurs souteneurs. Force est de constater à la lecture de nos archives que ce personnage prend bien souvent les traits d’une femme, la « maquerelle ». L’usage du terme est attesté dès le XIIIe siècle et serait issu du hollandais « makelaer » qui désigne au premier chef le courtier commercial[22]. Le terme prendrait en terre picarde la forme de « maistrelle ». Or, une femme est ainsi désignée dans nos archives à plusieurs reprises au XVe siècle. Elle apparaît pour la première fois dans les archives en 1425. Elle est alors appelée « Jehennette Maistrelle, dite Sourdas », mais c’est la seule fois où elle est présentée comme « Jehennette » et non « Jehanne »[23]. L’utilisation du suffixe « -ette » pouvant alors nous laisser présager de sa jeunesse. On la retrouve mentionnée à plusieurs reprises jusqu’en 1458[24] pour l’achat de plusieurs maisons, notamment une à Jean Lesueur en 1432, sise en le rue de la Malhaitie que nous avons cité précédemment[25]. Enfin, elle apparaît une dernière fois en 1464 auprès de l’échevinage comme une figure tutélaire des filles de joies amiénoises, alors qu’elle est âgée d’au moins une cinquante d’années d’après nos estimations[26]. Par la suite, elle disparaît des registres jusqu’à ce que son nom refasse surface en avril 1474 au travers de son neveu qui entend se séparer d’une partie du conséquent héritage qu’il a reçu de sa tante[27]. Sourdas paraît être la seule femme exerçant la fonction de « mère-maquerelle » au XVe siècle, ce qui laisserait entendre que les filles qu’elle n’encadre pas, exercent le métier librement ou sous la coupe d’hommes dont le nom n’apparaît pas dans nos registres. Mais il est cependant quelques femmes qui, peut-être alors en situation de nécessité, n’hésitent pas à s’improviser entremetteuses, afin de recevoir à leur profit l’argent dû aux esclaves de leur commerce. Ainsi lit-on dans les registres aux délibérations au 2 janvier 1475, que :

« Messeigneurs ont ordonné […] que Margue Estienne femme Thomassin le Pletier, sera mise au pillory et aura les cheveux brullez et si sera bannye a toujours de la ville et banlieue d’Amiens […] pour ce que comme marquerele [elle] consent[i] que Mariette sa fille aisnée et Mariette sa fille maisnée aient este en plusieurs lieux et places de ladite ville ou elle les a menées. Ou elles ont eu compaignie carnele a plusieurs hommes et a reçu a son proufit l’argent que lesdis hommes donnaient  à ses dites filles »[28].

Précisons que la sévérité des poursuites engagées contre le maquerellage, comme la vigueur de sa condamnation morale, ne sont pas tant un effet du rôle joué par les entremetteuses auprès des prostituées que de l’action de captation qu’elles étaient susceptibles d’exercer sur les épouses et les filles de familles convenables. À Abbeville, on accompagne la mise en accusation de maquerellage d’un rite d’humiliation public. En 1478, une femme nommée Belut Cantine « fut menée mistrée en ung benel [âne] par les quarrefours et ses cheveux bruslez au pillory et, pour ce fait, bannye de ladite vile et banlieue sur le feu, a tousjours » pour avoir voulu attirer Jehanette, fille Witaxe de Queux, à aller en compagnie d’un nommé  Franqueville, homme d’armes de la garnison d’Abbeville, »[29].

            Comme en témoigne ce dernier exemple, beaucoup de soldats figurent parmi la clientèle des prostituées, mais également le tout venant, des jeunes hommes à marier de la ville à l’époux bourgeois. Les comptes de la municipalité regorgent d’amendes à l’encontre de ces hommes surpris en la rue des fillettes alors que la nuit est tombée. Nous disposons toutefois de guère plus d’informations à leur propos[30]. Un homme marié surpris en compagnie d’une fille de joye pourra être puni, mais toujours moins sévèrement que sa complice. Ainsi le 21 octobre 1476, une femme publique est condamnée au bannissement pour avoir été retrouvée plusieurs fois en la compagnie d’un certain Colin de Ponthieu, vigneron et homme marié. Ils sont tous deux d’abord emprisonnés au beffroi mais l’homme n’est condamné qu’à une procession expiatoire au travers de la ville alors que la femme est bannie de la ville[31].  Ajoutons par ailleurs, que la municipalité doit également souffrir la vie dissolue de nombreux membres de son clergé et instruit pour cette raison une enquête en 1488, qui révéla l’étendue de la pratique parmi les gens d’Eglise. En effet, bien que la prostitution constitue un commerce lucratif pour de nombreuses personnes dans la capitale picarde des derniers siècles du Moyen Âge, la municipalité n’entend pas laisser ces pratiques, troubler l’ordre de la cité.

Apports et limites de la politique répressive instaurée par l’autorité urbaine

Mise en place d’une politique répressive

Depuis Saint Louis, qui décida en 1254 de chasser toutes les prostituées de Paris, la place de la prostitution dans la ville médiévale interroge[32]. La question ne cesse d’être reprise par la suite par ses successeurs et un processus de diffamation est largement engagé à leur encontre sous le règne de Charles VI (1368-1422). Il semble pourtant, dans un premier temps, que les échevins se désintéressèrent de la chose. Le contexte troublé de la guerre de Cent Ans qui ravage le nord du pays, peut en partie expliquer cette attitude et l’absence de documentation à ce propos dans les archives pour le XIVe siècle et les premières décennies du XVe siècle. Toutefois, un renversement semble s’opérer à partir des années 1430 avec l’instauration d’une réglementation – régulièrement mise à jour – cherchant à circonscrire les allées et venues des filles de joie dans l’espace public. En 1435, un mur de terre est élevé afin de « faire closture a une masure appartenans à laditte ville d’Amiens, séant sus froc de rue en le rue Mauhaittie où sont les filles de joie, et aboute et tient d’un costé à ung molin à pappier et à la rivière courant et qui deschent audit molin »[33]. Dix ans plus tard, en 1445, un carpentier est rémunéré par la ville pour « avoir refait le barrière tournant de le rue aux Filles de joye, laquelle barriere avoir été rompue et abastue par terre »[34]. On parle désormais de la « rue des Filles »[35] et du « Pont aux Fillettes » attenant. On cherche donc à recentrer le commerce prostibulaire sur le nord du quartier Saint-Leu, sans que la ville investisse toutefois dans l’achat de maisons sises en ces rues.

Plus encore, sur le modèle du roi des Ribauds parisien, on attribue au Maistre de Haulte Justice, qui fait également fonction de bourreau, la tutelle des filles de joies. Ainsi est-il précisé le 15 octobre 1464 que « M. Hacquin de Bergues, maistre de la Haulte Justice, fera demourer les dites filles en la dite rue publique sans les plus laissier demourer ès dites rues et selles n’y veulent aller, il les y menera et feront tellement, messieurs, que la dite rue sera habitée des filles comme elle soulait être au temps passé »[36]. Il est également chargé de l’application des peines en cas d’infraction commise par une fille de joie ; et la fustigation compte alors à Amiens, au rang des moyens répressifs les plus fréquemment utilisés.

Enfin, dans la continuité de ces mesures et sur le modèle de nombreuses villes, les échevins décident à la fin de l’année 1484 d’imposer aux filles une tenue réglementaire. Une ordonnance datée du 9 décembre 1484 stipule:

« Pour le bien de la ville a l’encontre desquelles, il y a en icelle ville grant nombre de filles de vie dissolute en divers lieux pour les gens de biens et maisnage […] a esté ordonner que doresnavant icelles quand elles iront avant icelle ville, une aiguillette rouge de quaine et demy de long sur le bras dextre au dessus du quente ou queute et hors bras, aussy qu’elles font en plusieurs villes. Sans ce qu’elles puissent avoir ni porter mantellas ou foulars pour courir enseigne. Ni aussy porter chaintures d’or ni dargent sur peine de prendre lesdit mantellas, failles chaintures de pugnition publique a l’ordonnance de justice et banissement de ladite ville damiens. Laquelle ordonnance a este publier en la maniere que dessus a son de trompe es lieux acoustumez a faire cas de publicacion en ladite ville. »[37]

Dès le mois de juillet 1485, les échevins estiment devoir renouveler l’ordonnance[38]. En sus de l’aiguillette rouge, ils ordonnent cette fois le port obligatoire « d’une pièce de drap jaune de la largeur de trois doits ou environ cousue à ladite manche ou sera pendue ladite aiguillette »[39]. Or dans l’Occident médiéval, le jaune est la couleur que l’on apprécie le moins, cité en dernier rang dans l’ordre des préférences (après le bleu, le vert, le rouge, le blanc et le noir). Selon Michel Pastoureau, le jaune devient alors la couleur de l’ostracisme[40]. En effet, c’est la couleur de Judas, celle dans les romans des chevaliers félons comme Ganelon, autrement dit, celle du traitre.

Remise en question de l’efficacité d’une politique ségrégationniste 

Le commerce prostitutionnel commence ainsi à faire l’objet d’une réglementation de plus en plus poussée à partir des années 1480. On ne peut toutefois encore parler d’institutionnalisation, puisque les filles continuent d’entretenir à leurs frais, les lieux abritant leurs ébats. De même, le renouvellement des ordonnances moins d’un an après leur émission semble témoigner des limites de cette politique. En effet, ces mesures n’empêchent pas les plaintes de se multiplier dans les dernières décennies du XVe siècle. Nous pourrions multiplier ici à l’envie les exemples, mais nous n’en retiendrons qu’un, arguant clairement des désagréments occasionnés par la présence des filles de joies à l’encontre des habitants. Ainsi, en 1487 le chapitre s’associe aux habitants de la rue des Poulies demandent l’expulsion des «  filles de vie dissolute estans en la rue que on dit le Mollin de Happetarte, auprez du pont aux Fillettes », ce « en faveur des religieuses de Sainte Clare [qui] poeuvent de jour ou de nuyt oÿr le bruit desdites filles, [ainsi que les membres dudit] chapilte à qui appartient ledit molin, auquel pluiseurs femmes et filles de bien diffèrent aller chacun jour, à cause d’icelles filles »[41]. Il faut dire que la présence de ces filles n’est pas pour le moins discrète. Ces dernières sont souvent impliquées dans des querelles et provoquent souvent par leur verbiage de vives altercations, comme il apparaît à la lecture des amendes dans les livres de compte ou dans les registres de délibération.

Cela étant, même si les échevins étaient en mesure de faire appliquer ces politiques répressives, il n’est pas non plus dans leur intérêt d’éradiquer totalement la prostitution. Celle-ci assure en effet la sécurité des foyers. Les sources nous montrent que le bordel était fréquenté par des hommes qui ne sont ni des anormaux, ni des étrangers, ni des marginaux. Aucun ne perd l’estime de ses concitoyens ni la sienne propre à recourir aux prostituées. Grâce à celles-ci, femmes mariées et jeunes filles sont à l’abri des opportuns, alors que le viol est un phénomène bien plus récurrent dans les villes médiévales qu’on a longtemps voulu l’admettre, ainsi que le démontre Jacques Rossiaud pour Dijon[42]. Pour preuve on relèvera les nombreux cas d’agression dont sont victimes les prostituées. Il peut s’agir d’une personne du quartier, ainsi de Jehennin Viart en 1425, « taneur demourant sur l’eaue de Merderon, lequel amenda de LX sous parisis ce qu’il avoit féru et abatu en l’eaue Marion de Beauvaiz, fille de joye »[43] ou de rodeurs. Nous pourrions ainsi multiplier à l’envie.

Il nous reste cependant à étudier les essai d’intégration réalisés par la municipalité obligée de faire avec ce mal nécessaire qu’elle ne parvient à éradiquer.

Faire avec un mal nécessaire : essais d’intégration

Les fillettes de joie au service de la cité : la lutte contre les incendies  

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer plus haut la figure tutélaire du maitre de Haulte Justice. Outre le fait qu’il doive s’assurer qu’elles ne divaguent pas de par les rues de la bonne ville d’Amiens après l’heure du couvre-feu, ce dernier doit également veiller à ce qu’elles remplissent les obligations auxquelles elles sont astreintes en cas « d’effroy », c’est-à-dire d’incendie. En effet, la municipalité impose aux filles de joie une servitude pour le moins curieuse, à savoir la participation effective à l’extinction des incendies ayant court dans la ville, de concert avec certaines communautés de religieuses. Un arrêté du 8 décembre 1472 concernant la police des incendies stipule ainsi « que toutes les femmes de joye [en cas d’incendie] portent des sceaulx plain d’eaue à icelluy feu ». Comment expliquer une telle mesure ? Il semble que l’apparition de corps de « pompiers salariés » soit très tardive et que la plupart du temps, ce sont des ouvriers du bâtiment, les artisans et compagnons, ou des membres des unités de la milice qui sont appelés à la rescousse pour lutter contre les sinistres[44]. Autrement dit, on cherche donc à utiliser toute la main d’œuvre disponible.

Les prostituées pouvaient ainsi doublement se révéler « d’utilité publique » oserons-nous dire, et cela plus encore, lorsqu’elles faisaient le choix du repentir et mettaient leur force de travail à disposition d’une communauté urbaine semi-religieuse.

La fondation de la maison des Filles Repenties

Le mouvement en faveur des prostituées repenties trouve ses origines à la fois dans le souci exprimé en 1198 par Innocent III de soustraire un grand nombre de femmes à la prostitution, et dans l’action menée à Paris par le prêtre Foulques de Neuilly, élève de Pierre le Chantre, au début du XIIIe siècle[45]. Grâce à son action, l’abbaye de Saint-Antoine-des-Champs accueille ainsi à partir de 1206 une première communauté de prostituées repenties, cherchant à se soustraire au libertinage par la piété et le travail. À partir de cet exemple, diverses expériences furent tentées, un peu partout en France puis en Europe (notamment en Allemagne et en Italie)[46]. La fondation à Amiens d’une communauté semblable à celle d’Abbeville datant du XIIIe siècle, est attestée en 1489. Les filles pénitentes d’Amiens résident d’abord rue Pavée, avant que l’Echevinage prenne en 1491 des dispositions « pour acheter pour les povres filles repenties, maison que on dist du Rouge Chevallet, séant en la Grant Cauchie », située dans le quartier de Saint-Leu. La communauté semble alors se composer d’une vingtaine d’individus[47].

Nous n’avons pas conservé la règle de l’établissement amiénois, mais celle-ci était très certainement inspirée de celle de leurs camarades abbevilloises dont nous avons à l’inverse gardé trace. Notons que les aspirantes au repentir ne prononcent aucun vœu mais doivent obéissance pleine et entière à la maîtresse de leur congrégation. Aucun examen préalable à leur entrée ne semble requit mais il est toutefois précisé que « au regard de leage au dessus de quarante ans, nulle n’est digne  d’estre recheute pour tant que la fleur de la jonesse est passée »[48]. Elles ont, sous certaines réserves, le droit de sortir en ville, mais l’attitude la plus décente leur est recommandée. Il faut que « nulle des dittes sœurs n’ait les yeux espars. Et sil eschiet de regarder aulcun homme garde soy touttefois de y fichier loeul car il n’est point défendu de regarder les hommes mais de fichier loeul sur eulx est chose vicieuse »[49]. Seulement, notons que malgré ces recommandations, il n’est pas rare qu’une repentie soit rattrapée par son passé. Ainsi, un extrait du registre aux délibération nous indique qu’en 1536 une des filles de la Madeleine, nommée Gentienne, est condamnée à être « disciplinée par ladicte maistresse vendredi prochain, et jeuner tous les vendredi de karesme en pain et eaue » pour s’être, sans le su de la maîtresse, « transportée en quelque maison particulière, où elle a esté pour son plaisir »[50]. Or, il s’agit là d’une des dernières mentions que nous possédions à leur sujet. En effet, il semble que ces fondations n’aient pas connu de postérité à l’époque moderne alors que s’essouffle la « révolution de la charité »[51] qui traversa l’Occident aux derniers siècles du Moyen Âge.

Ainsi, il semble qu’Amiens et ses environs tardent à s’inscrire dans le processus d’ « institutionnalisation » décrit pour l’espace méditerranéen par Léah Otis et Jacques Rossiaud[52]. Si les premiers indices d’un contrôle du fait prostitutionnel apparaissent dès les années 1430 avec l’assignation des filles publiques à résider dans un espace délimité, il faut attendre 1523 pour que l’échevinage décide de «  faire un bordeau à retirer les filles de vye dissolute estant en divers lieux avant ladicte ville, l’on achettera les maisons estans en la rue que on dist la Barrière, auquel lieu soloit estre le bordeau »[53]. Ce bordeau est par la suite entretenu sur les frais de la municipalité qui entreprend par ailleurs l’achat de nombreuses autres maisons situées « en la rue que on dist aux Fillettes »[54]

            Cela étant, il convient de rappeler que cette étude n’est en rien exhaustive et qu’il est nécessaire de poursuivre l’analyse et la comparaison avec d’autres villes dans l’espace urbain nord-européen. Ainsi, les archives arrageoises, lilloises et plus encore valenciennoises avec la découverte récente de la conservation de quatre comptes de succession de prostituées valenciennoises[55], ouvrent de larges perspectives d’analyse pour une meilleure compréhension du fait prostibulaire à la fin du Moyen Âge.


Notes

[1] Jacques Rossiaud, Amours vénales. La prostitution en Occident (XIIe-XVIe siècles), Paris, Flammarion, 2010, p. 13.

[2] Id, p. 14 et 15.

[3] Timothy J. Gilfoyle, « Prostitutes in History : From Parables of Pornogaphy to Metaphors of Modernity », The American Historical Review, vol. 104, n. 1 (1999), p. 117-141.

[4] Leah Lydia Otis, Prostitution in Medieval Society. The history of an urban institution in Languedoc, Chicago, University of Chicago Press, 1985

[5] Richard C. Trexler, « La prostitution florentine au XVe siècle », Annales. Economies, Sociétés, Civilisations, vol. 36, n. 6 (1981), p. 983-1015. Voir également Elisabeth Crouzet-Pavan, « Police des mœurs, société et politiques à Venise à la fin du Moyen Âge », Revue Historique, 2 (1980), p. 241-288.

[6] Jacques Rossiaud, Amours vénales, op. cit, ; id., La prostitution médiévale, préf. de Georges Duby, Paris, Flammarion, 1988.

[7] Cf. James A. Brundage, « Prostitution in the Medieval Canon Law », Signs, 1/4 (1976) et Id., Law, Sex and Christian Society in Medieval Europe, Chicago, University of Chicago Press, 1987.

[8] Beate Schuster, Die unendlichen Frauen. Prostitution und städtische Ordung in Konstanz im 15./16. Jahrhundert, Constance, UVK, 1996  et

[9] Il semble d’après les travaux de Beate Schuster, que l’espace germanique ait connu une institutionnalisation précoce de la prostitution. Ainsi, dès la fin du XIVe siècle à Nuremberg, les autorités urbaines prirent en charge l’entretien de maisons destinées à accueillir le commerce prostitutionnel, afin de garantir la paix publique. Cf. ead., « L’imaginaire de la prostitution et la société urbaine en Allemagne (XIIIe-XVIe siècle), Médiévales, n°27 (1994), « Du bon usage de la souffrance », p. 75-93.

[10] Alain Corbin, Les filles de noce. Misère sexuelle et prostitution (19e siècle), Paris, Flammarion, 1982.

[11] Cicéron, Lettres familières, trad. et éd. par Edouard Bailly, Paris, Garnier frères, 3 vol., t. 2, VII, 12, 1. Cicéron meurt le 7 décembre 43 av. JC.

[12] J.-C. Delannoy, Pécheresses et repenties. Notes pour servir l’histoire de la prostitution à Amiens du XIVe au XIXe siècles, Amiens, Impr. du Progrès de la Somme, 1943, p. 6.

[13] Cf. Jacques Rossiaud, Amours vénales. La prostitution en Occident, XIIe-XVIe siècles, Paris, Aubier, 2010, p. 139 : Combien de femmes vénales ? Des villes comme Amiens, Reims, Strasbourg ou Bruges comptaient, au XVe s., 150 à 200 filles, et à Avignon, peu avant la grande peste, une maison sur douze aurait abrité une femme vénale.

[14] Ainsi, Richeut est repérée pendant plusieurs années dans une ville du Berry, puis à Beauvais. Cf. Marie-Thérèse Lorcin, « La prostituée des fabliaux est-elle intégrée ou exclue ? »,  dans Exclus et systèmes d’exclusion dans la littérature et la civilisation médiévales, Sénéfiance, 5, Presses universitaires de Provence, 1978, p. 105-118, ici p. 107-108.

[15] Le prostibulum pubublicum, tel qu’il en existait un dans la plupart des silles du Sud-Est à la fin du Moyen Âge, consistait en un bâtiment construit, entretenu et régi par les autorités publiques pour l’accueil des filles de joie. Voir Jacques Rossiaud, La prostitution médiévale, op. cit., p. 20.

[16] AMA, BB 10 fol. 20 r°, échevinage du 12 février 1465.

[17] Augustin Thierry, Recueil des monuments inédits de l’histoire du Tiers-Etat, Paris, Firmin Didot, 1850-1870, 4 vol., t. IV, p. 210, n°4.

[18] Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe et XVe siècles, Paris, F. Vieweg, 1881-1899, p. 486. Selon le dictionnaire de Frédéric Godefroy, un « hole » ou une « houle » désignerait expressément un lieu de débauche, un bordel.

[19] « Primes est ordonné, pour obvier aux noises, débas, et inconvéniens qui chacun jour aviengnent, tnant de jour comme de nuyt, en ceste ville d’Abbeville, par le moïen de filles de joie qui se tiengnent et son logiés aux étuves d’icelle ville, ou grant vitupère et esclande de justice, on deffend à tous estuviers et gens tenans les dites estuves que d’ores en avant ilz ne tiengnent ne logent en leurs maisons et estuves aucunes des dites femmes de joie, sur payne d’estre banys de la ville an et jour et de amende arbitraire à la volenté de messieurs maïeur et eschevins, sy non, en chacune des dites estuves, une femme de l’âge de chinquante ans et au dessus, et non au desoulx, pour servir es dites estuves » (Augustin Thierry, Recueil des monuments inédits, op. cit,  t. IV, p. 259, n°1).

[20] Sur cette question, Christine Bard et Christelle Taraud, « Editorial », dans « Prostituées », Clio. Histoire, femmes et société, n° 17 (2003), p. 5-19 et Gail Pheterson, Le Prisme de la prostitution, Paris, L’Harmattan, 2001.

[21] Paule Roy, Chronique des rues d’Amiens, Amiens, C.R.D.P., 1985, 10 vol., t. I et II.

[22] Il s’agirait d’un emprunt au flamand makelare qui signifie « intermédiaire » ou « courtier », qui dérive de makeln « trafiquer », lui-même dérivé de maken « faire ». Bien que d’origine controversée, selon l’étymologie généralement acceptée, il s’agirait d’un emploi figuratif de « maquereau », ce poisson ayant, selon la croyance populaire (mais qui ne semble attestée qu’à partir du XIXe s.) pour rôle de rapprocher les harengs mâles des harengs femelles, qu’il accompagne dans leurs migrations. Oscar Bloch,  Antoine Meillet et Walter von Wartburg (dir.), Dictionnaire étymologique de la langue française, Paris, Presses universitaires de France,1950, p. 370.

[23] On peut alors supposer la jeunesse de son âge, d’autant plus que la situation y incite.  En effet, alors qu’elle semble en difficulté d’autres filles de joies lui viennent en aide contre la violence d’un client.

[24] En 1458, nous apprenons que la Sourdas est « hostesse de la Lamproie ». Elle achète des droits sur VII petites maisons à un comble « de présent estans en grant ryune et désolation […] en la rue des Filles que on nomme de présent les Blanques Mains ou Malhaittie, accostants […] par derrière à l’eaue deschendans au molin à pappier », Paule Roy, Chronique des rues d’Amiens, op.cit., t. II, p. 110 sq.

[25] En 1432, Jehan Lesueur a une amende « pour les ventes fourchellées en vendant par lui à Jehenne Maistrelle, dite Sourdas, plusieurs séans en le rue Malhaitie », Paule Roy, Chronique des rues d’Amiens, op. cit., p. 110 sq.

[26] AMA, BB 9 fol. 166 v° : « Sur ce que Jehenne maistrel dite Sourdas avoit presenté sa supplication oudit eschevinage contenant que il pleust a messeigneur ordonner que les filles de joie »

[27] AMA, FF 7 fol. 68 v° ; FF 7 fol. 87 v° ; FF 7 fol. 94 v°.

[28] AMA, BB 12 fol. 1 r° (2 janvier 1475).

[29] J.-C. Delannoy, Pécheresses et repenties, op. cit., p. 12.

[30] AMA, BB 12 f. 55 r° : « une nommée Moteron laquele tenoit cabaret de jones filles auquel cabaret venoient et arrivoient chacune nuit plusieurs des filles de joyes de ladite ville et y couchaoient avec elles les compaignons, genz mariez, genz déglise et toutes autres gens qui y venir y voloient mesmes estoient chacun jour assises lesdites femmes de deshonneste vies a luuys de ladite Moteron en grant nombre » (13 août 1476).

[31] AMA, BB 12 fol. 64 v°.

[32] Il décide alors de l’expulsion des femmes de mauvaise vie de toutes les villes et villages de France, de confisquer leurs biens et jusqu’à leurs vêtements. Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l’an 420 jusqu’à la révolution de 1789, Paris, 1822-1833, 29 vol., t. I, p. 273, art. 34 : « Expellantur autem publice meretrices, tam de campis, quam de villis, et factis monitionibus, seu profectionibus bona earum per locorum judices capiantur, vel eorum auctoritate a quolibet occupentur, etiam usque ad tunicam vel ad pellicum ».

[33] AMA, CC 27 71 v°.

[34] AMA, CC 33 fol 119 r°.

[35] AMA, BB 9 fol. 166 v°.

[36] AMA, BB 9 fol 166 v° : « Sur ce que Jehenne maistrel dite Sourdas avoit presenté sa supplication oudit eschevinage contenant que il pleust a messeigneur ordonner que les filles de joie qui avoient acoustumé tant de jour que de nuit demourer en la rue des filles y fussent et demouressent […] ce quelle alassent couchier en plusieurs maisons de maisnage de ladite ville ou elle alouent avec les maistres qui estoit grant escandre a la ville. Car aussi il y avoit en plusieurs rues de ladite ville es faubours par ailleurs plusieurs filles qui y demourant sans demourer en ladite rue publique  […]  messeigneurs ont ordonné que  M° Haquin maistre de le haulte justice fera demourer lesdites filles en ladite rue publique sans les plus laissier demourant esdites rues et selle ny veulent alez il les y menra et feroit […] Messeigneur que ladite rue sera habitee de filles que elle souloit estre. Eschevinage tenu le xxii jour d’octobre l’an 1464 »

[37] BB 14 f. 170 r° : « lesquelles filles ont porte et portent chacun jour, aucuns mantellas chaintures dores et dargent, bones robes, foulard ou fourrures et autres vestement » (9 décembre 1484).

[38] AA 12 fol. 94 v°.

[39] Ibid.

[40] Michel Pastoureau, « Formes et couleurs du désordre : le jaune avec le vert », Médiévales, vol. 2, n°4 (1983), p. 62-73.

[41] Paule Roy, Chronique des rues d’Amiens, op. cit., p. 130-131.

[42] Jacques Rossiaud, La prostitution médiévale, op. cit., 1988, p. 26-50. Il estime qu’une vingtaine de viols collectifs étaient commis par an dans la ville de Dijon au XVe siècle. Voir également Nicole Gonthier, Délinquance, justice et société dans le Lyonnais médiéval, Paris, Arguments, 1993, p. 310-320.

[43] AMA, CC 19 fol. 134 v°.

[44] Jean-Pierre Leguay, Les catastrophes au Moyen Âge, Paris, Gisserot, 2005, p. 113. A noter cependant, dès 1336, qu’un corps de pompiers salariés est signalé à Valenciennes.

[45] Fabienne Chaube, « Repenties », dans André Vauchez (dir.), Dictionnaire encyclopédique du Moyen Âge, Paris, Cerf, 1997, 2 vol., t. II, p. 1310.

[46] Guillaume d’Auvergne fonda en 1226 une communauté de Filles-Dieu, qui fit par la suite des émules dans la moitié septentrionale de la France (Metz, Verdun, Abbeville). En Allemagne, les prostituées converties sont organisées en ordre religieux à Paris de 1227. Enfin d’autres communautés semblables naquirent dans la partie méridionale de la France et en Italie à la fin du XIIIe siècle et au cours du XIVe siècle. Voir Fabienne Chaube, art. cit., ainsi que l’article d’Eric Bousmar, « Marguerite d’York et les putains de Mons, entre charité dévote et offensive moralisatrice (1481-1485). Autour d’une fondation de repenties », dans Marguerite d’York et son temps. Rencontres de Malines (25 au 27 septembre 2003). Publication du Centre d’Européen d’études bourguignonnes (XIVe-XVIe siècles), n°44 (2004), p. 81 sq.

[47] Le 4 novembre 1492, une aumône est en conséquence accordée aux filles repenties « qui, par avant ladite influence [de la peste] estoient au nombre de xxiii, dont en l’été dernier il en est mort xi », AMA, CC 70 (1492).

[48] J.-C. Delannoy, Pécheresses et repenties, op. cit., p. 15 sq.

[49] Ibid.

[50] AMA, BB 23 fol. 12 (1536).

[51] André Vauchez, Religion et société dans l’Occident médiéval, Turin, Bottega d’Erasmo, p. 152.

[52] Voir supra n. 2 et n. 5

[53] AMA, BB 22 fol. 103 r°.

[54] AMA, BB 22 fol. 153 r°.

[55] Voir le mémoire de Caroline Laroye réalisé à l’université Charles de Gaulle Lille III sous la direction d’Elisabeth Crouzet-Pavan qui donna lieu à une parution : Id., « Quatre comptes de succession de prostituées valenciennoises (1491-1498) », Revue du Nord, 82 (2000), p. 121-132.

Une réflexion sur « « Quant aux filles et femmes qui désirent vivre du plaisir de leur corps » Pour une première approche de la prostitution amiénoise à la fin du Moyen Âge »

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