Archives de catégorie : Numéro 8

Numéro 8, printemps 2016

Les matériaux de l’art. Perspectives de la recherche actuelle en histoire de l’art moderne

Romain Thomas

Résumé

En plein essor dans la recherche anglo-saxonne ou néerlandaise, le thème de la matérialité de l’art et en particulier l’étude des matériaux constitutifs de l’œuvre émergent à peine dans la recherche française en histoire de l’art moderne (XVe-XVIIIe siècles), alors même que les institutions françaises de recherche sur le patrimoine ont depuis longtemps une expertise poussée dans l’analyse physico-chimique des matériaux du patrimoine. Il s’agit ici de proposer trois perspectives de la recherche actuelle en histoire de l’art à propos des matériaux constitutifs des œuvres et de leur signification. On s’intéressera aux approches d’histoire économique de l’art, de la recherche sur les sources techniques de l’art, enfin de ce qu’on pourrait appeler l’approche anthropologique des matériaux de l’art, en tentant de montrer comment l’histoire de l’art peut enrichir ses problématiques grâce aux analyses physico-chimiques.

Romain Thomas est maître de conférences en Histoire de l’art moderne à l’université Paris Ouest Nanterre. Ancien élève de l’ENS Ulm (D/S 98), diplômé du DEA de Physique Quantique (ENS/Paris 6, 2002), agrégé d’Histoire (2004), il a soutenu une thèse en Histoire moderne intitulée « La Fiancée hollandaise. Images du mariage et usages sociaux, religieux et politiques de la symbolique matrimoniale dans les Provinces-Unies au xviie siècle » (2012). Il a été en charge de la coordination scientifique de la Fondation des Sciences du Patrimoine (2012-2014). Ses recherches actuelles portent sur la matérialité de l’art, notamment par une approche intégrée de la physique et de l’histoire de l’art.

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« Quant aux filles et femmes qui désirent vivre du plaisir de leur corps » Pour une première approche de la prostitution amiénoise à la fin du Moyen Âge

Julie Pilorget

Résumé

L’exemple d’Amiens, capitale régionale dynamique à la fin du Moyen Âge, constitue un terrain d’analyse privilégié concernant l’étude de la prostitution urbaine médiévale. La restructuration de l’espace public, avec la mise en place d’un tissu planifié contre les accaparements privés, est la grande affaire de ces derniers siècles. Les autorités cherchent notamment à supprimer venelles et cours intérieures, qui sont autant de lieux propices, au déploiement de la vénalité. Un recensement effectué en 1453 établit en effet que les filles de joie amiénoises sont au nombre de cinquante, alors que nombre d’entre elles échappent probablement au contrôle des sergents de l’Echevinage.
Diverses ordonnances somment ainsi, au XVe siècle, les « fillettes » de restreindre leur commerce à quelques rues clairement identifiées et elles sont priées d’arborer une « aiguillette » devant éviter toute confusion de leur personne avec les « bones et proeudes femmes » de la ville. Cependant la multiplication des édits indique l’échec de l’entreprise et les maquerelles, telles Sourdas, continuent d’étendre leur commerce au travers de l’achat d’un certain nombre de maisons devant accueillir les ébats de leurs clients. Nous essayerons donc de voir dans quelle mesure, usant de contraintes tant spatiales que sociales, la municipalité amiénoise parvient-elle à encadrer l’activité prostitutionnelle ? Continuer la lecture de « Quant aux filles et femmes qui désirent vivre du plaisir de leur corps » Pour une première approche de la prostitution amiénoise à la fin du Moyen Âge

Diplômés des universités et service du prince : Les attentes déçues des ducs de Lorraine (1545–1633)

Antoine Fersing

Résumé

A partir de 1572, le duc de Lorraine met progressivement en place dans ses États une université à Pont-à-Mousson, à qui il confie la double mission de défendre l’orthodoxie religieuse de la province et de former des diplômés pour l’État ducal, dont les institutions centrales se développent rapidement. Le nouvel établissement, qui est bon exemple des universités territoriales qui se multiplient à cette époque dans l’Empire, prospère grâce au soutien du pouvoir ducal et forme effectivement plusieurs centaines de diplômés en droit jusqu’à l’arrivée des troupes françaises en 1633. Malgré cela, la proportion des diplômés parmi les officiers ducaux stagne à un niveau bas, les diplômés mussipontains étant peu nombreux à entrer au service du duc – ce qui peut s’expliquer par l’inadaptation de la politique ducale en la matière, les offices ducaux apparaissant aux gradués en droit comme peu rémunérateurs et difficiles d’accès.

Antoine Fersing, doctorant en histoire moderne au sein du laboratoire ARCHE (EA3400, Université de Strasbourg), prépare depuis 2011 une thèse consacrée aux officiers d’État dans les duchés de Lorraine et de Bar durant la première modernité, sous la direction d’Antoine Follain. Dans le cadre de ses recherches, il a été amené à s’intéresser à l’histoire des universités à l’époque moderne, à l’histoire sociale des agents de l’État, à la prosopographie et aux méthodes d’analyse quantitatives en histoire. Il est actuellement ATER au sein de l’Université de Lorraine, sur le site de Nancy.

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La patrimonialisation intergénérationnelle dans le commerce des vins languedociens. Un processus complexe (Années 1900- années 1960)

Stéphane Le Bras

Résumé

L’objectif de notre étude vise, dans un cadre historique courant sur une soixantaine d’années, à mettre en lumière les logiques de patrimonialisation familiale en cours dans le commerce des vins languedociens et comment ceux qui en sont les destinataires les exploitent. Après avoir montré dans quelle mesure la famille est un élément structurant du négoce local, nous étudierons l’inscription dans une durée plus ou moins longue des maisons de commerce à travers les différents types de transmission patrimoniale. Nous chercherons ainsi à démontrer que si certains héritiers arrivent à assurer avantageusement la patrimonialisation de l’entreprise, d’autres, par malchance, déconvenue commerciale ou désintérêt, brisent un cycle commercial familial commencé plusieurs décennies auparavant. En conséquence, on se retrouve alors face à deux situations antagonistes dont nous proposons ici de mettre en évidence les mécanismes sur le moyen terme : une filiation positive et une autre négative.

Stéphane Le Bras, 07/08/1977, maître de conférences en histoire contemporaine, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand. Mes recherches portent essentiellement sur deux thématiques. La première concerne le monde viticole et ses évolutions depuis la fin du xixe siècle et les mutations engendrées par l’épidémie du phylloxéra. Dans ce domaine, mes travaux portent particulièrement sur le Languedoc et l’Aquitaine, région pour laquelle je mène un projet de recherche en partenariat avec l’Université de Pau et des Pays de l’Adour sur les petits vignobles. La seconde décrypte les logiques de commercialisation dans le secteur de l’agro-alimentaire aux xixe et xxe siècles, notamment les épiceries, débits de boissons, coopératives alimentaires et autres formes de distribution à petite échelle. Adresse mail : stephane.lebras@yahoo.fr. Laboratoire : CHEC (CF2). Continuer la lecture de La patrimonialisation intergénérationnelle dans le commerce des vins languedociens. Un processus complexe (Années 1900- années 1960)

Les Américains dans les cités d’artistes de Montparnasse (1945-1965) : une nouvelle bohème ? L’exemple des artistes américains à l’impasse Ronsin

Elisa Capdevilla

Résumé

Après-guerre, les artistes américains renouent avec une tradition de formation parisienne. En dépit de l’essor de New York, la tentation demeure : jusqu’au milieu des années 1960, plusieurs s’installent à Paris avec le désir d’y commencer ou d’y relancer leur carrière. Les articles de presse et les témoignages corroborent cette puissance du mythe américain de Paris et l’investissement par ces artistes d’une tradition bohème incarnée par la ville.
L’article suivant s’intéresse à un lieu précis, l’impasse Ronsin, dont l’histoire reflète l’évolution des relations artistiques transatlantiques dans ces décennies de guerre froide. Aux jeunes Américains venus se former en France succèdent, au tournant des années 1950-1960, des artistes plus confirmés pour qui Paris représente une étape dans une stratégie d’internationalisation. L’examen de leur passage à l’impasse Ronsin invite à relativiser l’idée d’un déclin parisien dans les années d’après-guerre.

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