Édouard Sill
Résumé : La compagnie dite juive des Brigades internationales à fait l’objet de très nombreux travaux, preuve de l’articulation singulière entre la judéité proclamée de ses membres et le cadre de référence communiste des Brigades internationales, ce projet politico-militaire formé en Espagne aux côtés des républicains durant la guerre civile espagnole. Cependant, cette formation militaire minuscule dotée d’une mémoire majuscule est en réalité très représentative à la fois du projet lui-même de Brigades internationales, du contexte interne du mouvement ouvrier Juif-polonais immigré en France ainsi que des cadres culturel et politique du front populaire antifasciste dans sa dimension communiste entre 1936 et 1939.
Édouard Sill vient de terminer une thèse d’histoire contemporaine à l’EPHE, sous la direction de Gilles Pécout, intitulée : Le phénomène de volontariat international combattant durant la guerre d’Espagne dans sa dimension antifasciste (1936-1938). Il est actuellement codirecteur du colloque international « Solidarias ! L’engagement volontaire & l’action des étrangères dans la solidarité internationale durant la guerre d’Espagne (Paris 24-25-26 octobre 2018) ». Spécialiste des volontariats transnationaux combattants au XXe siècle, entendus comme des engagements éminemment culturels et politiques, il travaille également sur les rapports entre le mouvement social et les cultures militaires, ainsi que sur le mercenariat contemporain.
Introduction
Les relations compliquées entre communisme et mouvement ouvrier juif au XXe siècle ont été marquées par une période a priori symbiotique lors du développement par l’Internationale communiste de l’antifascisme comme programme politique unitaire, performatif et universel entre 1934 à 1939. Son acmé se situe incontestablement durant la guerre d’Espagne, entre 1936 et 1939, par un engagement considérable du mouvement ouvrier juif, en Europe mais également en Palestine et outre-Atlantique, auprès des républicains espagnols. La participation de volontaires juifs venus combattre en Espagne a fait l’objet de très nombreux travaux et le thème bénéficie encore d’un intérêt du public attesté par le nombre de publications disponibles en français[1]. Parachevant dix années de recherches sur le sujet, la thèse de l’historien hollandais Gerben Zaagsma est venue récemment couronner une bibliographie certes roborative mais d’inégale qualité[2]. Cette mémoire vivace s’est notamment appuyée sur l’existence durant la guerre civile espagnole d’une petite formation militaire de volontaires étrangers dite juive : la compagnie d’infanterie Naftali Botwin. Cette dernière était une subdivision d’un organe politico-militaire tout à fait original : les Brigades internationales.
Autorisée par la présence exponentielle de volontaires étrangers combattants dans la Péninsule ibérique et légitimée par le grand récit de front populaire antifasciste, l’Internationale communiste définit un projet d’intervention militaire non-gouvernemental sous la forme d‘un regroupement paramilitaire de volontaires étrangers qualifiés, spécialement sélectionnés en France et en Belgique pour venir défendre la République espagnole. Cette « colonne internationale » se serait distinguée des autres existantes par son patronage d’unité d’action associant les trois Internationales, communiste (IC), socialiste (IOS) et syndicale (FSI). L’accord ne fut pas conclu, mais le projet fut reconnu et avalisé par le gouvernement espagnol sous la forme d’unités régulières de l’armée républicaine. Celles-ci furent concédées à une entité privée transnationale officiellement autocéphale, mais en réalité contrôlée par le Komintern : les « Brigades internationales » dont la Base fut établie à Albacete puis à Barcelone. Après avoir accueilli près de 40 000 volontaires étrangers et immigrés espagnols, et trois fois plus de conscrits espagnols, les Brigades internationales furent démobilisées en octobre 1938, non sans avoir entre temps considérablement évoluées dans leur nature, fonctions et intentions.
Le 12 décembre 1937, la seconde compagnie du 52e bataillon d’infanterie Palafox de la XIIIe brigade internationale Dombrowski, rassemblant majoritairement des conscrits espagnols et des volontaires polonais, dont quelques Juifs, apprit qu’elle recevait le patronyme imposé de Naftali Botwin. Les vétérans accueillirent peu après de nouvelles recrues, des juifs polonais justement sélectionnés sur ce critère ethnoculturel. Cette simple compagnie d’infanterie de 135 fusiliers-voltigeurs, selon la norme de l’armée républicaine espagnole en 1938, était similaire à la centaine d’autres existantes dans les Brigades internationales. Cependant, sa mémoire possède une force de suggestion qui en a fait un objet mémoriel et symbolique singulier. Elle fut immédiatement présentée puis érigée, de par la judéité de son patronyme et de celle de ses membres, comme l’incarnation de la participation des Juifs au grand combat des peuples du monde entier contre le fascisme. Sans doute, cette présence armée juive en Espagne possédait une dimension spéciale, et symboliquement chargée, depuis l’expulsion des Juifs par les Rois Catholiques en 1492. Mais, après 1945 et la Shoah, cette présence combattante en Espagne à l’orée de la Seconde Guerre mondiale et durant les premiers pogroms nazis prit rétrospectivement une dimension supplémentaire, marquant les prodromes de la résistance juive et attestant de la combativité juive face à l’antisémitisme, comme le revendiquaient déjà les « botviniens », les soldats puis les vétérans de la compagnie Naftali Botwin en 1937-39.
Sans contester la valeur de cette polarisation mémorielle, il semble cependant que cette redéfinition ait considérablement affranchi l’objet de ses cadres et contextes historiques. Ainsi, la perspective historiographique prenant la judéité de la compagnie Botwin comme point central d’analyse a brouillé sa nature originelle. Pour envisager strictement sa nature indépendamment des stratégies discursives déployées autour d’elle depuis près de 80 ans, il est risqué de la déchiffrer seulement à partir de ses membres et des ressources symboliques disponibles, c’est-à-dire de ce qu’elle semble évoquer ou montrer. Deux exemples, parmi d’autres, sont particulièrement illustratifs. Premièrement, une des premières monographies de qualité sur les Brigades internationales relate qu’un transfuge du corps expéditionnaire nazi en Espagne, la Légion Condor, aurait explicitement demandé à combattre dans les rangs de cette unité, soit une situation absolument invraisemblable[3]. Deuxièmement, les soldats franquistes auraient surnommé les botviniens les « Diables rouges » pour leurs qualités guerrières[4]. Pourtant, l’expression semble plutôt appartenir aux désignations péjoratives des Espagnols républicains, « los Rojos (les Rouges) », plutôt qu’à une reconnaissance de gentlemen. Naturellement, ces légendes ne furent pas l’apanage de la compagnie Naftali Botwin : dans le roman des Brigades internationales, dont l’hagiographie a commencé dès leur création pour ne jamais cesser, ces anecdotes servaient d’exempla. Leur forte résilience mémorielle est cependant incontestable.
Gerben Zaagsma a mis en évidence l’ensemble des raisons ayant conduit à la création de cette petite formation, en relation étroite avec les stratégies communistes dans l’immigration juive polonaise de Paris. Il souligne avec à-propos le caractère extérieur à l’Espagne des intentions poursuivies, une perspective qui doit d’ailleurs être étendue à l’ensemble du projet de Brigades internationales. Fort de ses conclusions, il est désormais possible de porter le cadre de l’analyse plus loin encore, en déroulant l’intégralité du champ pour considérer la compagnie Botwin non plus exclusivement pour sa judéité ou comme une entité spéciale mais au contraire comme un archétype sériel. En effet, avant d’être un objet mémoriel, la compagnie Botwin était une subdivision des Brigades internationales et par conséquent le produit d’un certain nombre d’intérêts particuliers, ayant ici peu à voir avec la judéité de ses membres. À ce titre, elle est particulièrement illustrative tant des Brigades internationales que des stratégies politiques poursuivie par le Komintern durant la période du front populaire antifasciste.
La part de la mise en scène fut déterminante dans l’autocélébration et la propagande des Brigades internationales, incarnation du front populaire mondial. Les Brigades internationales ont créé par parthénogenèse des subdivisions militaires de plus petite taille, de produits de synthèse culturels surchargés d’artifices symboliques représentant chacune des « nations » présentes en leur sein. Absolument superfétatoires d’un point de vue militaire, chacune fut déterminée comme autant de miroirs artificiels tournés vers un secteur spécifique de la propagande à l’étranger. Dans le cas de la compagnie Botwin, la charge symbolique implémentée fut telle qu’elle a distordu sa mémoire et autorisé, même préparé, des relectures téléologiques éloignées des conditions et des intentions ayant réellement présidé à sa détermination. Pour envisager pleinement cet artefact, il est nécessaire de considérer l’ensemble de ces faces comme autant de dimensions, c’est-à-dire selon son appartenance au contingent de volontaires polonais, aux Brigades internationales, au mouvement communiste polonais et à la campagne mondiale de front populaire antifasciste développée par l’Internationale communiste.
La compagnie Botwin : une formation militaire polonaise
La présence d’une compagnie dite juive dans les Brigades internationales pose la question préalable de l’existence reconnue d’un « contingent juif » en Espagne. En opposition avec plusieurs théoriciens marxistes, dont Rosa Luxemburg, Lénine fit évoluer très tôt la dimension internationaliste du mouvement communiste. Jusqu’alors déconnecté des questions d’ethnicité au profit de la solidarité de classe, Lénine imposa la reconnaissance du dynamisme des nationalismes comme un puissant facteur des politiques modernes et la nécessité pour les communistes de s’y adosser[5]. Staline, auteur en 1913 d’un opuscule intitulé Le marxisme et la question nationale, plusieurs fois corrigé et réédité, généralisa ensuite la théorie soviétique des nationalités dite « indigénisation » (korenizatsiya). En vigueur depuis 1923, celle-ci prônait la mise en place de structures spécifiques et séparées pour chaque peuple et nation et autorisait le développement d’un discours culturel identitaire à géométrie variable suivant les contextes, les lieux et les besoins soviétiques. Comme le souligne Gerben Zaagsma, il ne s’agissait pas d’une reconnaissance de l’existence d’un peuple juif et d’une question nationale juive mais d’une classification établie selon la langue et la culture[6]. De fait, une catégorie « volontaires juifs » aux contours fort imprécis a été utilisée sporadiquement dans l’administration des Brigades internationales.
Figure 1 : Arrivées mensuelles de volontaires déclarés « Polonais », « Palestiniens » et « Juifs » entre mars 1937 et janvier 1938[7]
Naturellement, l’immense majorité des volontaires juifs ne se sont pas déclarés sous cette dénomination, pas plus qu’ils ne furent ainsi désignés par cet effectif. La compagnie Botwin n’eut pas pour rôle de rassembler ou représenter les volontaires juifs. Il n’existe aucun document attestant d’une demande d’affectation pour cette unité, pratique pourtant courante notamment pour des raisons de confort (langue, culture, régime alimentaire, etc.). De manière inattendue, elle ne fut pas plus destinée à accueillir des volontaires parlant le yiddish. Ainsi, aucun volontaire roumain déclarant la langue yiddish comme langue maternelle ni un seul des 70 roumains de Bessarabie portant un patronyme judaïsant n’a été versé dans la compagnie Botwin[8]. Après croisement et vérifications, l’effectif « Juifs » ne concerne en réalité que des volontaires autrement dits polonais. Sur la totalité de la période où cette mention apparaît, l’effectif « Juifs » représente 20% de l’effectif « Polonais », confirmant les mises au point de l’historien polonais Gabriel Ersler Sichon, lui-même ex-volontaire juif-polonais[9]. En décembre 1937, parmi les 2 674 volontaires de citoyenneté polonaise en Espagne, 521 (19,48%) étaient Juifs[10]. Dans sa globalité, le contingent polonais était majoritairement composé de militants communistes ou communisants et à 85% issus des immigrations polonaises, près des trois-quarts venant de France et de Belgique.
Figure 2 : Pays de provenance de 3 329 volontaires polonais des Brigades internationales[11].
Selon l’historienne de l’immigration polonaise en France Janine Ponty, environ 90 000 juifs-polonais étaient recensés en 1939[12]. De fait, les 4/5e des membres de la compagnie Botwin venaient de France, et presque tous étaient membres du Parti Communiste ou d’une organisation de masse affiliée. Trois caractéristiques distinguent les « botviniens » : la langue yiddish, l’appartenance majoritaire à l’immigration juive polonaise parisienne et l’engagement communiste.
Jusqu’à l’été 1937, les Polonais étaient indistinctement rassemblés dans diverses compagnies et batteries ainsi qu’un (puis deux) bataillon polonais. La désignation des Juifs comme un groupe national infra-étatique était d’ailleurs antérieure à la création de la compagnie Botwin :
« [C’est] une Brigade vraiment Internationale. Son Bataillon Tschaipaïef (sic), comprend à lui seul 15 nationalités différentes de slaves, représentant l’élite révolutionnaire d’une population de 200 millions d’hommes. Et au sein de ce Bataillon se trouve la Compagnie Mitskievitsch (sic) qui comporte à elle seule 4 nationalités différentes […] Ukrainiens, Biélorussiens, Polonais, Juifs, que des siècles d’excitation chauvine et raciale avaient dressés les uns contre les autres, ont cimenté, dans la lutte pour la libération de l’Espagne, leur propre Unité fraternelle[13]. »
Cette mention, au sein d’une itération de nationalités, permettait d’insister sur la nature fédérale de la Pologne dans la vision soviétique. Elle participait à supprimer les frontières de l’État « fasciste » et « grand-polonais » de Józef Piłsudski puis Rydz-Śmigły, issues du traité de paix à Riga en 1920 clôturant la guerre entre les Bolchéviques et la jeune Pologne. L’État soviétique regardait avec intérêt les divisions nationales internes notamment en Europe centrale, les considérants comme autant d’axe de pénétration. De ce fait, la structuration interne des Brigades internationales s’est constamment complexifiée durant leur courte existence selon une taxinomie soviétique distinguant nettement les groupes nationaux infra-étatiques. La plupart des nationalités des États créés lors des traités internationaux de 1919 à 1923 furent redécoupés selon un remembrement insistant davantage sur l’ethnicité plutôt que la citoyenneté ou la langue, faisant éclater par les coutures nationales la carte de l’Europe centrale. Cette « balkanisation » des Brigades internationales atteint son apogée à la fin de l’année 1937, un an après leur création.
Une création conséquente de la reformulation des Brigades internationales à l’automne 1937
La mise sur pied de la compagnie Botwin s’inscrivit dans un contexte particulièrement morose. Après les pertes sévères de l’été 1937 et l’épuisement des arrivées de volontaires étrangers, les Brigades internationales furent secouées par une série de crises fragilisant la structure de cet organe politicomilitaire singulier. Le statut officiel des Brigades internationales, promulgué en septembre par le gouvernement républicain, les obligeait de surcroit à maintenir un certain taux d’effectifs étrangers pour ne pas disparaître. Enfin, Staline avait de toute manière fait évoluer la diplomatie soviétique en prenant acte de la passivité des démocraties d’Europe quant à l’Espagne et face à la montée en puissance de la menace fasciste[14]. Le projet initial de Brigades internationales fut presque entièrement revu à l’automne 1937. De nouvelles consignes furent transmises aux partis communistes concernés : le recrutement de volontaires devait être repris en direction de certaines nationalités dûment précisées, dont les Polonais. L’afflux des nouveaux arrivants, culminant en janvier et février 1938, servit à créer de nouvelles formations plutôt qu’à renforcer les anciens bataillons, parachevant le processus de « balkanisation » des Brigades internationales entamé depuis le début de l’année 1937.
La « création », en réalité le baptême, de la compagnie Naftali Botwin ne correspondait à aucune nécessité militaire ou fonctionnelle et rien ne prouve qu’elle fût la réponse tardive à une attente ou un souhait exprimé. Luigi Longo dit « Gallo », Commissaire général des Brigades internationales, avait en effet présenté la naissance de la compagnie comme l’accomplissement d’une promesse faite à un des premiers volontaires juifs, tombé en Espagne et élevé au rang de martyr de l’antifascisme auprès de l’immigration juive polonaise parisienne[15]. Cette promesse apocryphe figure dans un ouvrage de propagande dont la parution a justement accompagné la création de la compagnie. Enfin, quelques rares témoignages ont prétendu que cela avait été une réponse à un antisémitisme ambiant[16]. Outre le fait que la majorité des mémorialistes, juifs et non juifs, n’abordent pas ce sujet, l’analyse des archives judiciaires conservées montre que les propos antisémites étaient bel et bien sanctionnés[17] . Des cadres ayant fait preuve de laxisme à ce sujet furent relevés de leurs fonctions[18] . De fait, les journaux des volontaires polonais, et par conséquent les commissaires politiques, dénonçaient régulièrement tant l’antisémitisme que les pogroms perpétrés en Pologne[19]. La création de la compagnie s’est en réalité inscrit dans le cadre d’un plan concernant l’intégralité des Brigades internationales.
Tandis qu’à la fin de l’automne 1936 les exploits de la fameuse « colonne internationale » à Madrid étaient mondialement célébrés, la plupart des partis communistes européens émirent le souhait de voir se constituer une unité militaire de leur propre nationalité. Il n’était pas question que « leurs » volontaires soient dispersés ou invisibles. De même, tandis que les nations les mieux représentées avaient obtenu la création d’un ou plusieurs bataillons, les contingents plus petits n’eurent de cesse de réclamer le même privilège. Ils furent le plus souvent soutenus par leur parti national et leurs représentants à Albacete[20]. Faisant fi de l’épuisement constant des sources du volontariat depuis l’hiver 1936-1937, les Brigades internationales créèrent tout au long de leur existence toujours plus de nouvelles unités, en s’appuyant sur un vivier inépuisable de recrues espagnoles. La distorsion entre la volonté de créer des unités nationales distinctes et l’incapacité à les pourvoir suffisamment en combattants obligea à fixer l’homogénéité sur de petites formations (compagnies, sections d’infanterie ou batteries d’artillerie) au sein de bataillons transnationaux, partiellement homogènes selon des critères tantôt géographiques, linguistiques ou culturels. Ainsi, chacune des entités politico-militaires créées fut appelée à jouer un rôle de représentation en Espagne vers le pays, la région ou la communauté dont provenait tout ou partie de ses membres. La visibilité depuis l’extérieur fut le principal, et parfois l’unique, facteur déterminant la décision de création d’une nouvelle unité militaire dans les Brigades internationales.
Ce processus fut observé par les délégués du Komintern. En août 1937, l’Autrichien Manfred Zalmanovich Stern (« Kleber »), premier commandant militaire des Brigades internationales, signalait que confondre tous les Slaves dans une brigade générique sans égard pour leurs origines avait été une erreur politique[21]. Selon lui, il aurait mieux valu pousser à la création d’une brigade polonaise nommée Dombrowski associant Polonais, Ukrainiens et Biélorusses pour favoriser l’émergence d’un front populaire en Pologne. Il estimait en outre que la proximité linguistique ou culturelle ne pouvait être un critère politiquement efficient. Mieux valait, par exemple, isoler les Allemands des Sudètes[22] de la brigade germanique Thaelmann pour former un bataillon avec les Tchèques et les Slovaques sous le nom de Masaryk, afin de fournir une contre-propagande aux Nazis et aux pangermanistes tchécoslovaques d’Henlein. La même précaution devait être prise à propos des Autrichiens, en les séparant des volontaires allemands, pour ne plus prêter ainsi le flanc aux partisans de l’Anschluss[23]. Si le principe de la création d’une formation d’une unité juive ne figure pas dans les recommandations de Stern, celle-ci s’inscrit cependant absolument dans la logique qu’il énonçait.
Tandis que Manfred Stern, revenu à Moscou, était condamné à quinze ans de travaux forcés dont il ne reviendra jamais, la plupart de ses recommandations furent effectivement appliquées par son rival et ennemi, le Français André Marty. Une brigade dite polonaise fut constituée par l’élévation du premier bataillon polonais Jaroslav Dombrowski et adoptait le numéro XIII. Elle comprenait notamment le bataillon José Palafox, explicitement hispano-polonais de par son patronyme[24]. Ce dernier avait été constitué en juin sur la base de vétérans polonais, dont beaucoup de juifs et d’ukrainiens, presque tous venant de Pologne et non de l’immigration. À l’automne 1937, la XIIIe brigade Dombrowski comprenait trois bataillons pseudo-polonais et un bataillon pseudo-hongrois, tous majoritairement composés d’espagnols mais symboliquement associées à des communautés distinctes, bien que mélangées. Selon l’ancienneté en Espagne, selon les partis communistes de tutelle, les pays d’immigration ou les nationalités, toutes ses communautés infranationales étaient en dialogue constant avec des interlocuteurs différents et parfois opposés, et toutes en rivalité entre elles.
Un corollaire de la liquidation du mouvement communiste polonais en 1937-1938
La troisième dimension dans laquelle vint s’établir la création de la compagnie Botwin est interne au mouvement communiste polonais de l’entre-deux-guerres. En décembre 1937, la liquidation des partis communistes polonais avait été initiée depuis six mois[25]. La direction du KPP fut d’abord frappée, dès juin 1937 avec le jugement et l’exécution des principaux cadres dont son secrétaire général, Julian Leszczyński. L’année suivante, les trois partis étaient dissous et la quasi-totalité des dirigeants éliminés[26] . En Espagne, la forte concentration de militants communistes polonais, provenant cependant de contextes et de cultures militantes très différents, était soumise à des tutelles complexes et embrouillées du fait de l’éloignement des appareils et de la difficulté de la Base des Brigades internationales à s’imposer par-dessus les directions politiques nationales.
De plus, la jeune XIIIe brigade dite « polonaise » fut immédiatement fragilisée par la ségrégation de ses effectifs entre espagnols et étrangers. Comme pour pratiquement toutes les brigades internationales, les effectifs étrangers étaient désormais établis autour d’un tiers des effectifs. Les Espagnols étaient largement majoritaires mais occupaient moins d’un cinquième des postes d’encadrement. Minoritaire, le mouvement communiste polonais dirigeait de fait la brigade, davantage préoccupé par ses propres rivalités que par l’intégration des conscrits espagnols. Bien que la majorité des volontaires polonais fût, comme nous l’avons vu, issue des immigrations de France, le Parti communiste de Pologne disposait d’un représentant en Espagne, avec autorité sur le mouvement communiste polonais des Brigades internationales. Cette fracture séparant Polonais venus de France et ceux venus de Pologne était apparue dès la création du premier bataillon polonais en octobre 1936 et n’avait cessé d’augmenter, menaçant la cohésion du groupe polonais[27] . Enfin, la direction du mouvement communiste polonais devait composer avec précaution par-dessus une autre ligne de faille, bien plus profonde cette fois établie selon l’ancienneté en Espagne et la popularité de cadres vétérans établis non plus selon le numerus clausus du Parti mais « au feu »[28]. Chacun des groupes en rivalité dans la XIIIe brigade disposait de positions de commandement et agrégeait ses partisans selon leurs unités, selon les pays d’origine ou parti communiste de rattachement, en Pologne ou dans les immigrations. En outre, la direction militaire et politique de la brigade, le commandant Yanek Barwinsky et le commissaire Stanislas Matuszeck, était directement visée par une série de dénonciations ayant notamment trait à l’instauration d’un climat de terreur par des exécutions extra judiciaires de soldats indisciplinés et la couverture de différents trafics[29]. Le bataillon Palafox, dont la composition interne avait été imposée par la direction des Brigades internationales aux responsables polonais, fut érigé en modèle de la « coopération internationale hispano-polonaise » par la direction des Brigades internationales contre les deux autres, accusés au contraire de « nationalisme grand polonais »[30].
C’est dans cet environnement particulièrement sensible que vint se superposer la destruction – reconstruction du mouvement communiste polonais, décision prise par Staline au printemps 1937. En Espagne, l’accompagnement de la liquidation fut à la fois une source de complication et une aubaine pour réformer la XIIIe brigade. Selon un plan préparé dès janvier 1938 mais repoussé au mois de mars, les dirigeants communistes polonais des Brigades internationales « Augusto Rwal » (Gustav Reicher), et « Hrabia Winkler » (Kazimierz Cichowski) furent envoyés à Moscou puis exécutés. La quasi-totalité des autres responsables en Espagne furent destitués et soumis à une enquête minutieuse[31]. La reconstruction de l’appareil communiste polonais, provisoire, s’appuya sur les cadres polonais éprouvés en Espagne. L’épuration des cadres permis de renforcer l’hispanisation de la brigade mais les volontaires polonais en furent considérablement ébranlés. Pour raffermir la confiance et renforcer la cohésion, la fragmentation du contingent polonais sur des bases nationales fut un des vecteurs. De plus, comme la totalité des communistes étrangers en Espagne, les volontaires polonais eurent désormais obligation en 1938 de prendre carte au PCE, desserrant d’autant leurs liens avec leur parti national. Enfin, les volontaires polonais furent abreuvés de la presse des Brigades internationales où les enjeux politiques étaient concentrés sur l’Espagne de 1938 et envisagés d’un point de vue strictement contrôlé par le Komintern et non plus un écho de la vie politique de leurs pays et parti d’origine. Les coteries étant éliminées, les liaisons avec l’extérieur furent révisées en correspondance avec les intérêts immédiats du Komintern, non en plus en Pologne mais dans les immigrations polonaises d’Europe et d’Amérique du Nord.
Une fondation auto-démonstrative de l’unité d’action par le « front unique du sang »[32]
Les Partis Communistes reçurent dès la fin de l’automne 1936 l’ordre de constituer des comités de parrainage spécifiques pour chacune des composantes des Brigades internationales. Le parrainage consistait en la collecte et l’envoi de dons en nature, l’organisation de fêtes et d’évènements, la prise en charge des convalescents et des familles des volontaires. Les comités établissaient un lien symbiotique entre chaque contingent de volontaires et sa communauté nationale ; l’un nourrissant l’autre dans une démonstration mutuelle de représentation tant symbolique que matérielle. Dans le cas des immigrations, ce furent parfois des patronats préexistants qui se chargèrent de cette activité, conservant ainsi le combattant dans un cadre militant traditionnel[33]. Ces comités devaient également servir de courroie de transmission pour renforcer la démarche d’hégémonie communiste sur le mouvement ouvrier et appuyer la dynamique unitaire déroulée derrière la stratégie de front populaire antifasciste. Ainsi, le bataillon italien puis brigade Garibaldi fut relié à l’organisation de masse Unione Popolare Italiane, le bataillon Thälmann vers les comités éponymes, le bataillon Henri Barbusse vers Paix et Liberté (ex mouvement Amsterdam-Pleyel), le bataillon Commune de Paris vers les comités locaux du Rassemblement populaire à Paris etc.
Dans la foulée des rassemblements de Front populaire, les organisations juives de gauche créèrent à Paris le Mouvement Populaire Juif (MPJ) en octobre 1935, associant les socialistes du Bund, diverses associations et organisations juives de gauche et les communistes juifs de la sous-section juive de la Main d’Œuvre Immigrée (MOI)[34]. Le Mouvement Populaire Juif, qui revendiquait 30 000 adhérents, fut soutenu et popularisé par le quotidien communiste Naye Prese (Presse Nouvelle) édité par la sous-section juive depuis 1934. La guerre d’Espagne renforça la dynamique unitaire, collaboration cependant troublée par la semi-dissolution surprise par la direction du PCF de ces sous-sections étrangères spécifiques en mars 1937. L’action communiste dans l’immigration juive polonaise procéda désormais de manière indirecte, par son journal et la galaxie de ses propres organisations de masse. Le discours communiste évolua également subitement. L’anticléricalisme de Naye Prese disparut pour laisser place à un appel aux rabbins et aux religieux à s’unir contre l’antisémitisme et le fascisme tandis que la culture yiddish, considérée comme réactionnaire, fut associée : lors des funérailles on chantait désormais L’Internationale et le kaddish[35]. Le Comité d’aide judéo-espagnol (Yiddish-Spanish Hilf-Kommitet, YSHK) fut créé fin juillet 1937. Les efforts unitaires furent bientôt portés vers la préparation en septembre 1937 d’un grand Congrès mondial de la culture yiddish à Paris (où des lettres venues d’Espagne de volontaires juifs furent lues devant l’assistance) tandis que le YSHK organisait une exposition consacrée à la guerre d’Espagne et aux Brigades internationales. Avec la création de la compagnie Botwin, la solidarité en faveur des volontaires juifs en Espagne trouva une matérialité directe et les discours de la propagande une identification concrète.
La 2e compagnie du bataillon international Palafox fut bientôt l’unité militaire la plus petite disposant du plus vaste réseau de solidarité à l’étranger des Brigades internationales. La prise en charge des volontaires et de leur famille, gouffre financier, et la propagande constituèrent les principaux objectifs des comités de parrainage. La galaxie de comités et de réseaux créés autour des volontaires juifs et de la Botwin en particulier, en Europe comme outre atlantique, dépassa très largement les attentes, renouant avec les succès rencontrés durant les premiers temps des Brigades internationales. En novembre 1937, 134 familles de volontaires juifs étaient prises en charge par les Comités pro-espagnols parisiens tenus par le Parti Communiste et ses différents satellites, sur un total de 2 900 familles (pour un coût mensuel de 997 940 francs)[36]. En 1938, le Comité judéo-espagnol pouvait secourir 155 familles en France, 120 en Pologne et 22 en Palestine[37]. Ces dispositifs de parrainage, pratiquement tous similaires à propos des subdivisions des Brigades internationales, permirent d’agréger solidement les sympathies autour des volontaires. Le parrainage rencontra de l’écho parmi les membres d’associations ou d’organisations antifascistes critiques vis-à-vis des communistes, participant au renforcement des communistes d’unité d’action et d’unité organique, horizon politique poursuivi dans la solidarité avec l’Espagne républicaine, et par conséquent à travers les Brigades internationales.
Les organisations satellites du PCF créées avant et pendant la guerre d’Espagne donnèrent au discours et à la propagande communiste des moyens qu’aucun autre de par le monde n’avait ou ne pouvait employer. Le refus des socialistes de s’engager expressément dans l’unité d’action internationale pour l’Espagne proposée par les communistes attribua à ces derniers une situation centrale et hégémonique. En s’appuyant sur les Brigades internationales, le Komintern poussa à la constitution d’un vaste maillage de comités parfois seulement constitués des communistes et des organisations satellites, mais réussissant souvent à entraîner d’autres secteurs du mouvement ouvrier. Toutes les démocraties du monde, et de nombreux pays autoritaires, connurent une structuration similaire, nationale ou communautaire, couvrant la planète de la plus vaste campagne de communication transnationale jamais entreprise. Dans cette formidable mobilisation de militants en direction d’une opinion publique mondialisée par l’antifascisme, le YSHK n’était qu’un petit rouage, en France et en Belgique. Des « appels des volontaires juifs du monde entier » étaient régulièrement diffusés, appelant de leurs vœux un rassemblement unitaire autour de leur combat en Espagne :
« Leur gloire appartient à tout le peuple juif. Sur les fronts d’Estremadure, d’Aragon et de Catalogne, un front populaire et antifasciste s’est constitué. Des travailleurs, des artisans, de petits commerçants et des intellectuels juifs de toute tendance combattent et versent leur sang pour le même objectif. […] Notre appel s’adresse à des millions de gens des masses populaires juives. Avec nos forces unies, supprimons tous les obstacles sur la voie de l’unité. Opposons à nos ennemis une force unie et puissante. Vive l’unité du peuple juif contre la réaction, le fascisme et l’antisémitisme ! Vive la solidarité du peuple juif avec la République espagnole[38] ! »
Cette stratégie prenant les Brigades internationales comme un fait unitaire accompli et autodémonstratif et assurant de l’existence d’un front unique scellé dans le sang fut considérablement renforcée à partir de l’été 1937. Bien que les interlocuteurs socialistes, travaillistes et syndicaux n’aient pas été dupes du caractère postiche de ces proclamations, il était bien difficile d’y répondre par une fin de non-recevoir tant la charge symbolique était forte. L’aspect « pan-juif » suggéré par la compagnie Botwin censée rassembler « les meilleurs fils du peuple juif » fit largement illusion parmi les observateurs extérieurs, littéralement matraqués par « l’artillerie de papier » de la propagande d’Albacete[39]. Les commissaires politiques avaient pour consigne de faire régulièrement écrire les volontaires aux syndicats, journaux, organisations ouvrières et associations culturelles[40]. Tous ces vecteurs participèrent à surcharger symboliquement la plupart des subdivisions des Brigades internationales.
Des formations militaires imaginées comme des objets culturels hyperboliques
La mise en scène fut une pratique constante dans les Brigades internationales, permise par un Commissariat général particulièrement inventif qui s’était attaché le savoir-faire de nombre de « volontaires à lunettes »[41]. La « balkanisation » de l’automne 1937 permis, par la subdivision méthodique des Brigades internationales, de les mettre en scène en composant une mosaïque de petites unités pseudo-nationales, gagnant en visibilité et en caractères, malgré le processus inexorable d’hispanisation et l’érosion du volontariat. Cette opération a accompagné et facilité l’érection d’un grand récit inclusif, donnant corps à l’intention internationaliste mais exacerbant les symboliques identitaires. Le rôle de représentation dévolu dès l’origine aux Brigades internationales a signifié un effort constant sur les références implicites et les symboles renvoyés ou suggérés par ces dernières. La définition de leur caractère mondial rassemblant et faisant converger vers l’Espagne tous les peuples du monde, toutes les races, les langues et les nations s’appuyait sur la mise en valeur de ses différentes composantes et de son caractère exotique. Chaque bataillon et compagnie était également en représentation, pour renvoyer une image sublimée vers l’étranger, mais aussi vers les volontaires eux-mêmes. Au-delà de la question des représentations extérieures, il fallait rendre visible et intelligible auprès des volontaires, et, partant, de leurs proches comme des observateurs, l’épopée à laquelle ils participaient par des codes, des symboles et un système de références communes. En substance, il s’agissait de proposer une abstraction positive suffisamment forte pour transcender les déceptions, les regrets et les difficultés et suggérer un idéal de sacrifice capable de transcender les différents groupes nationaux et de solidifier la cohésion du groupe. Pour charger symboliquement chacune de ses formations militaires, le triptyque déployé consistait presque toujours en la bannière, le patronyme et la culture.
À partir de l’été 1937 jusqu’en mars 1938, un grand nombre de nouvelles unités militaires furent créées ou baptisées à cette fin par des patronymes issus du mouvement ouvrier ou du roman national de chacune des nationalités concernées. Au moins 81 subdivisions des Brigades internationales furent baptisées, moins de la moitié selon un patronyme communiste et un tiers selon une référence ou un personnage historique. Citons seulement les exemples de la batterie italienne Carlo Rosselli, la batterie d’artillerie et la compagnie d’infanterie roumaines Tudor Vladimirescu et Boris Stefanov, les batteries baltes Leaona Paegles et Jansona-Brauna, les compagnies slovène Ivan Cankara et croate Stefan Radic, la batterie slovaque Jan Žižka z Trocnova, etc. Ces grands efforts de publicité autour de formations pseudo-nationales visaient à maintenir la spécificité des Brigades internationales à un moment où l’hispanisation menaçait leur visibilité. Les créations régulières de « nouvelles » formations nationales toujours plus petites donnaient l’illusion d’un développement exponentiel où chaque nation trouvait sa place. Le patronyme jouait un rôle irremplaçable de projecteur symbolique garant de la visibilité et de la lisibilité du projet, selon les stratégies du Komintern dans le pays donné.
Au sein de la brigade slave Dombrowski, le bataillon hispano-polonais Palafox rassemblait Polonais et Espagnols dans quatre compagnies dont les patronymes furent eux aussi choisis avec soin : Ludwik Warinski[42], Taras Szewczenko[43] et Naftali Botwin, la quatrième compagnie espagnole n’ayant, semble-t-il, pas été baptisée. Le choix du nom de baptême pour la compagnie dite juive associait judicieusement quatre dimensions : polonité, judéité, communisme et martyr antifasciste. Naftali Botwin était un jeune militant communiste juif polonais qui avait été exécuté le 6 août 1925 en Pologne pour avoir, sur ordre du Parti Communiste, assassiné un agent de police infiltré. Il n’est pas certain qu’il s’agissait alors d’une figure très connue du mouvement ouvrier juif polonais hors de Pologne, mais Arno Lustiger signale judicieusement qu’en 1936 se jouait à Belleville une pièce de théâtre ayant justement pour thème Naftali Botwin, mise en scène par le dramaturge soviétique Abraham Wieviorka[44]. Il ne s’agissait pas de la première ni de la seule formation militaire des Brigades internationales à porter un patronyme juif. Une unité militaire bien plus importante, le groupe international d’artillerie Ana Pauker avait été baptisé neuf mois plus tôt du nom de la communiste juive roumaine, alors incarcérée à Bucarest[45]. Ce nom évoquait une figure communiste martyr du « fascisme » roumain ; jamais sa judéité ne fut mise en avant, dans les Brigades internationales comme ailleurs. Contrairement à Ana Pauker, Naftali Botwin fut immédiatement présenté d’abord comme juif et ensuite comme martyr communiste. La question de l’auto-défense des Juifs fut ainsi triplement associée auprès des volontaires dans un ensemble réunissant la lutte contre l’antisémitisme et contre le régime dit « fasciste » polonais, et le combat antifasciste de la République espagnole[46].
Conjointement aux réformes internes de l’été 1937 et à l’affermissement des relations avec les comités étrangers, une production littéraire intense fut initiée, pour faire connaître chaque contingent national auprès de ses compatriotes. Les opinions publiques de la plupart des pays d’Europe et d’Amérique du Nord se virent proposer au moins une brochure ou un livre spécifique à propos de « leurs » volontaires, belles réalisations de l’appareil de propagande d’Albacete. La journaliste communiste juive (et soviétique) Gina Medem reçut la charge de rédiger et de signer l’ouvrage Les juifs volontaires de la liberté. Un an de lutte dans les Brigades internationales dont la parution suivit de peu la création de la compagnie[47]. Cet album servit ensuite d’appareillage argumentatif pour la compagnie, en insistant sur son appartenance culturelle yiddish, en l’occurrence le véritable point de concentration de la propagande des Brigades internationales vers le mouvement ouvrier juif. Ainsi, quelques mois auparavant, elles avaient publié une édition du journal des Brigades internationales, « Le Volontaire de la Liberté, en langue yiddish : Der Freiheits Kempfer ». Bien que cette entreprise très éphémère ait été en réalité circonstancielle (probablement uniquement destinée à être diffusé à Paris lors du Congrès mondial de la culture Yiddish ou distribué à l’exposition), elle eut une répercussion symbolique considérable : un journal en langue yiddish était imprimé par des soldats juifs en Espagne. Au moins trois hymnes ou chants de marche furent composés en son honneur, mais tous exaltent son caractère prolétarien et non la judéité de ses membres[48]. Enfin, l’étendard de la compagnie, offert par son comité de parrainage parisien, faisait figurer la devise bundiste et patriote polonaise « Pour votre liberté et la nôtre », inscrite en espagnol, polonais et yiddish[49]. Cette dimension culturelle synthétique, associant étroitement les traditions du mouvement communiste et la culture yiddish et entremêlant l’histoire et l’actualité, donna à cet objet politico-militaire les caractéristiques d’un artefact mémoriel immédiat[50].
Conclusion
La création de cette unité militaire minuscule, la compagnie Naftali Botwin, doit être entendue comme un élément sériel du dispositif de propagande global du soft power communiste concernant les Brigades internationales, comme une synthèse éclairante des stratégies unitaires du Komintern. Bien que sa judéité ait été mise en avant, par le biais exclusif de la culture yiddish, celle-ci n’a pas marqué une transgression majeure de la ligne stalinienne sur les nationalités. En effet, sans être autrement reconnue sur le plan théorique, l’identité juive fut exacerbée comme support de propagande et comme véhicule pour mobiliser un espace délimité : l’immigration juive polonaise[51] en France et en Belgique. Le processus qui a conduit à la création de la compagnie dite juive Botwin avait déjà été implanté plusieurs fois, par exemple par le bataillon puis la brigade Garibaldi en relation avec l’émergence de l’organisation de masse communiste de l’immigration italienne de France et de Belgique, l’Unione Popolare Italiana, dont les liens étroits ont été mis en évidence par Éric Vial[52] . D’ailleurs, aux côtés de la Botwin, la compagnie ukrainienne Taras Shevchenko suivit les mêmes intentions et dispositifs, cette fois en direction des Ukrainiens des immigrations de France, de Belgique et surtout du Canada, sans toutefois avoir bénéficié d’une mémoire aussi vivace. On ne peut considérer les Brigades internationales indépendamment de leur système complexe de dépendances arborescentes dans la stratégie mondiale de Front populaire de l’Internationale Communiste.
L’image renvoyée par les Brigades internationales et le contrôle de celle-ci fut probablement le plus grand succès de leurs promoteurs, malgré de nombreux obstacles. La représentation symbolique fut maintenue par la constante valorisation, parfois l’exacerbation, identitaire de leurs subdivisions ethnico-culturelles. Bien que le plus souvent artificiel, puisque les conscrits espagnols furent rapidement majoritaires, ce système producteur d’un imaginaire particulièrement résiliant a considérablement influencé leur mémoire et permis à plusieurs groupes de s’inscrire en propre par la suite dans la geste des Brigades internationales, y compris de manière erronée ou frauduleuse. Après 1945, la mémoire de la compagnie Botwin perdit sa racine polonaise pour conserver uniquement sa dimension juive et sa détermination antifasciste originelle pour la résistance antinazie, notamment durant le procès Eichmann en 1961 au cours duquel la question de la passivité des masses juives fut au cœur des questions suscitées. Or, comme le souligne Gerben Zaagsma, tandis que la judéité du groupe était rétrospectivement réévaluée, la vocation communiste des engagements combattants avait tendance à être symétriquement sous-évaluée. Dans la mémoire communiste, la compagnie a également suscité des difficultés d’interprétations, notamment lors de la redécouverte poststalinienne des Brigades internationales en Europe de l’Ouest. En 1956, simultanément à la crise de Suez, la première publication mémorielle sur les Brigades internationales du PCF s’interrogeait ainsi sur ce « particularisme ethnique ou religieux » de la compagnie Botwin, oubliant que ce « particularisme » avait été en réalité le commun des Brigades internationales avant leur réinterprétation au travers de la résistance à l’occupant nazi[53] . Aucune autre manifestation du volontariat international durant la guerre d’Espagne n’a donné lieu à une telle projection symbolique. L’évolution discursive du récit mémoriel fut certes le fait des vétérans mais également de sa puissance de suggestion initiale. La compagnie Botwin constitue de ce fait une parfaite illustration de la capacité du volontariat combattant à développer des avatars mémoriels héroïques dont la projection symbolique se réifie jusqu’à se substituer à ses véritables émanations.
[1] David DIAMANT, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole : 1936-1939, Paris, Éditions Renouveau, 1979 ; Arno LUSTIGER, Shalom Libertad ! Les juifs dans la guerre civile espagnole 1936 1939, Edition du Cerf, Paris 1991 ; Danielle ROZENBERG, L’Espagne contemporaine et la question juive. Les fils renoués de la mémoire et de l’histoire, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2006. Et deux témoignages Efraïm WUZEK, Combattants juifs dans la guerre d’Espagne. La compagnie Botwin, Paris, Éditions Syllepse (Coll. Yddishland), 2012 et Stein SYGMUNT, Ma guerre d’Espagne. Brigades internationales : la fin d’un mythe, Paris, Éditions du Seuil, 2012. Ce témoignage, en partie fictionnel, doit être manié avec de grandes précautions.
[2] Gerben ZAAGSMA, Jewish Volunteers, the International Brigades and the Spanish Civil War, Londres, Bloomsbury Publishing, 2017.
[3] Jacques DELPERRIÉ DE BAYAC, Les Brigades internationales, Paris, Marabout, 1968, p. 324. Contrairement au corps expéditionnaire italien, aucun transfuge allemand n’est attesté. Nous sommes, en effet, fort bien renseignés sur la situation des transfuges dans les Brigades internationales depuis la décalcification des archives, sises au Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI) de Moscou.
[4] Efraïm WUZEK, Combattants juifs dans la guerre d’Espagne…, p. 156.
[5] Dan DINER et Jonathan FRANKEL, « Introduction Jews and Communism : The Utopian Temptation », Jonathan FRANKEL (dir.), Dark Times, Dire Decisions: Jews and Communism [Studies in Contemporary Jewry Vol. 20], New York, Oxford University Press, 2005, p. 3.
[6] Gerben ZAAGSMA, «‘Red Devils’: The Botwin company in the Spanish civil war», East European Jewish Affairs, vol. 33 n°1, 2003, p. 87.
[7] RGASPI 545.6.35 : Entrada de voluntarios del dia …. [Listes quotidiennes des arrivées de volontaires venant de la frontière] et RGASPI 545.6.31 : Statistiques des arrivées de juillet 1937 à janvier 1938. Relevés inédits réalisés dans le cadre de ma thèse.
[8] Statistiques et vérifications réalisées à partir des dossiers individuels des volontaires Roumains du RGASPI (545.6.836 à 839) complétés par : Archivo Histórico Provincial de Albacete (AHP) – Centro Documental de las Brigadas Internacionales CEDOBI AHP 63232 Caja n°49 : Dossier Mihail Florescu « Voluntarios Rumanos ».
[9] Gabriel ERLSER SICHON, « Polonais d’origine juive volontaires de la Guerre Civile en Espagne 1936-1939 », Matériaux pour l’histoire de notre temps n°73, janvier-mars 2004, pp. 44-48.
[10] Romana TORUNCZYK, « O skladzie osobowym polskich ochotnikow w Hiszpanii republikanskiej w latach 1936-1938 » in Z Pola Walki, vol. 29 n°1, 1965. Cité dans David LEDERMAN, Les Polonais de la Brigade internationale Dabrowski internés en France et en Afrique du Nord, destins et itinéraires, 1940-1945. Mémoire de Maitrise sous la direction de M. Antoine Prost et Céline Gervais soutenu en 1999 à l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne UFR d’Histoire, p. 14.
[11] RGASPI 545.6.635 : Commission des Cadres (étrangers) du Comité Central du Parti Communiste Espagnol. Volontaires polonais dans l’Espagne Républicaine (1936-1938), Moscou, novembre 1940, p. 3.
[12] Janine PONTY, Polonais méconnus. Histoire des travailleurs immigrés en France dans l’entre-deux guerres, Paris, Publications de la Sorbonne, 1988, p. 319.
[13] « Six mois de lutte de la Compagnie Mitskievitsch » par J. Soulinsky dans Notre Bulletin – Our Bulletin – Unser Bulletin, n° 2 du 15 aout 1937, p. 30.
[14] Silvio PONS, Stalin and the Inevitable War 1936-1941, Londres & New York, Routledge, 2014 ; Ángel VIÑAS, El honor de la República. Entre el acoso fascista, la hostilidad británica y la política de Stalin. Barcelone, Crítica, 2010.
[15] Il s’agit d’Albert Nachumi (Arié Weitz), 1909-1936. Juif de Galicie, chargé de la jeunesse communiste juive auprès du comité central du PCF. Parti en Espagne parmi les premiers volontaires des Brigades internationales, il y trouve la mort le 15 novembre 1936 à Madrid.
[16] Zygmunt STEIN, Ma guerre d’Espagne…., p. 215 ; Témoignage d’Andrzej Rozborski cité dans Jan Stanislaw CIECHANOWSKI, « La participación de ciudadanos polacos y de origen polaco en las Brigadas internacionales », Manuel REQUENA GALLEGO et Matilde EIROA (dir.), Al lado del gobierno republicano. Los brigadistas del Europa del Este en la guerra civil española. Cuenca, Ediciones de la Universidad de Castilla, La Mancha (coll. La luz de la memoria), n°8, 2009, p. 107. Les références citées sur la page wikipedia “Antisemitism in the International Brigades”, fort peu rigoureuse au demeurant, sont éloquentes : le récit de Zymunt Stein y est, une fois de plus, considéré comme une source crédible. https://en.wikipedia.org/wiki/Antisemitism_in_the_International_Brigad. Consultée le 20 février 2017.
[17] RGASPI 545.2.69 : Base de las Brigadas Internacionales-Sección Política, 19 février 1937 ; 545.1.25 : Informe al comisario inspector (Gallo), del comisario delegado de guerra en la A.M.E (Carlos) 12 juin 1938 ; 545.3.257 : Relacion de malos elementos [Polonais]. Par le chef du camp n°6, 26 décembre 1938.
[18] En l’état actuel des dépouillements, un seul rapport à Moscou d’un officier soviétique des Brigades internationales aborde la question de l’antisémitisme, pour signaler aussi tôt qu’il est presque entièrement éliminé, n’en déplaise aux collectifs d’historiens qui ont souligné cette mention. RGVA 35082.1.95 : « Notes on the Situation in the International Units in Spain. Report by Colonel Com. Sverchevsky (Walter) » dans Ronald RADOSH, Mary R. HABECK, Grigory SEVOSTIANOV, Spain Betrayed. The Soviet Union and the Spanish Civil War, New Haven et Londres, Yale University Press, 2001; document 70, p. 526.
[19] « Przeciw pogromom», Dabrowszcak. Organ Bataljonu im J. Dabrowskego, n°31 du 25 juin 1937, p. 4.
[20] À l’exception notable des Suisses.
[21] RGASPI 495.74.20 : Rapport de M. Fred [Manfred Stern] sur le travail en Espagne, 14 août 1937.
[22] Région germanophone de la Tchécoslovaquie.
[23] RGASPI 495.74.20 : Rapport de M. Fred…, op. cit.
[24] José de Rebolledo Palafox y Melci (1775-1847). Général de l’armée royale espagnole, commandant des patriotes d’Aragon insurgés contre les troupes de Napoléonien. Héros de la guerre d’indépendance.
[25] Depuis la signature du traité de Riga de 1920, trois partis communistes se partageaient le territoire polonais dont les frontières avaient été portées loin à l’Est. Le Parti communiste de Pologne (Komunistyczna Partia Polski, KPP) rassemblait environ la moitié des 40 000 militants communistes polonais, les partis communistes de Biélorussie occidentale (Komunistyczna Partia Bialorusi, KPZB) et d’Ukraine occidentale (ex Galicie, (Komunistyczna Partia Zachodniej Ukrainy, KPZU) encartant les autres.
[26] Ainsi que plusieurs centaines ou milliers de leurs membres, saisis pour la plupart par le NKVD lors de l’application du pacte germano-soviétique réunifiant en septembre 1939 la Biélorussie et l’Ukraine.
[27] RGASPI 545.1.3 : Extracto de un informe del Camarada Regler del Comisario de la XIIa Brigada, 24 avril 1937.
[28] Édouard SILL, « L’épreuve du feu. Quand les militants sont des combattants : discipline et sanctions partisanes au sein des volontaires communistes français des Brigades internationales (1936-1939) », Amin ALLAL et Nicolas BUÉ (dir.), (In)disciplines partisanes, Comment les partis politiques tiennent leurs militants, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 2016, pp. 243-262.
[29] RGASPI : 545.6.654.21 à 28 : Strictement confidentiel. Caractéristique de Yanek BARWINSKY, commandant de la XIIIe Brigade. Par Edo, 15 mars 1940.
[30] Idem ; Pod nowym sztandarem » in Ochotnik Wolnośi. Organ Polskich ochtnikow republikanskiej armji Hiszapanskiej, n°59 du 3 février 1938, p. 8.
[31] Pour la plupart liés aux organisations communistes polonaises de France, aucun ne subira le sort malheureux de Reicher et Cichowski.
[32] Titre d’un article du journal Botwin, de la compagnie éponyme. Cité dans David DIAMANT, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole…, p. 205.
[33] « Do patronatu piatej kompanji w paryzu » in Dabrowszcak.Organ Polskich ochtnikow republikanskiej armji Hiszapanskiej, n°34 du 10 juillet 1937, p. 9.
[34] David WEINBERG, Les Juifs à Paris de 1933 à 1939, Paris, Calmann Levy, 1974, p. 55.
[35] Idem, pp. 80-81.
[36] RGASPI 517.1876 : Secours aux familles, mois de novembre 1937.
[37] David DIAMANT, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole…, pp. 207-208.
[38] « Appel des soldats Botwin à tous les juifs » in Naye Prese du 17 juillet 1938. Cité dans Arno LUSTIGER , Shalom Libertad !…, p. 475.
[39] Mirta NÚÑEZ DÍAZ-BALART, La disciplina de la conciencia: las Brigadas Internacionales y su artillería de papel, Barcelone, Flor del viento ediciones, 2006.
[40] RGASPI 545.3.507 : Aclaracion (sic) de los Comisarios del B[atall]on. Mack[enzie]- Pap[ipneau], 18 juin 1938.
[41] L’expression est de Koltsov.
[42] Ludwik Tadeusz Waryński (1856-1889). Socialiste et patriote polonais, mort en détention à Saint Petersburg.
[43] Taras Szewczenko (1814-1861). Figure majeure de la culture ukrainienne occidentale (polonaise entre 1919 et 1939). Peintre et poète romantique d’origine servile, sa participation à diverses sociétés secrètes patriotiques ukrainiennes lui vaut de connaître la prison et l’exil.
[44] Arno LUSTIGER, Shalom Libertad !…, p. 431.
[45] Ana Pauker (1893-1960), née Ana Rabinhson en Moldavie dans une famille de Juifs orthodoxes. Elle rejoignit l’aile gauche du Parti Ouvrier Social-Démocrate de Roumanie en 1915 tout en étant enseignante dans une communauté juive. Elle épousa le socialiste juif roumain Marcel Pauker et fut arrêtée et condamnée à 10 ans de prison pour activités communistes en 1934. Une campagne mondiale de solidarité fut organisée tandis que son mari était condamné à mort comme « traître trotskiste » lors de la grande terreur stalinienne (elle n’apprit son sort qu’en 1959). Fonctionnaire du Komintern jusqu’en 1943, elle rejoignit la direction du Parti Communiste Roumain jusqu’en 1952, puis exclue pour déviationnisme de droite et « cosmopolitisme », et arrêtée l’année suivante avec sa sœur, juive orthodoxe. Voir Robert LEVY, Ana Pauker: The Rise and Fall of a Jewish Communist, Berkeley, University of California Press, 2001.
[46] « Pod nowym sztandarem » in Ochotnik Wolnośi. Organ Polskich ochtnikow republikanskiej armji Hiszapanskiej, n°59 du 3 février 1938, p. 8 ; « Z godnoscia i honorem nosic imie Botwina » in Ochotnik Wolnośi. Organ Polskich ochtnikow republikanskiej armji Hiszapanskiej, n°57 du 19 janvier 1938, pp. 8-9.
[47] Gina Birenzweig Medem (1886 -1977). Née en Pologne, elle rejoignit tout d’abord le Bund dont son mari, Vladimir Medem, était un des fondateurs et théoriciens. Elle devint aux États-Unis une propagandiste de l’Union Soviétique et une des principales figures du mouvement de colonisation juive du Birobidjan (Gezerd). Oratrice talentueuse, elle fut la porte-parole des organisations de masses juives communistes durant les années 30 et correspondante de presse de plusieurs journaux. Voir Gina MEDEM, Los judíos, voluntarios de la libertad. Un año de lucha en las Brigadas Internacionales, Madrid, Ediciones del Comisariado de las Brigadas Internacionales, 1937.
[48] David DIAMANT, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole…, pp. 356-359 ; Arno LUSTIGER, Shalom Libertad !…, p. 450 ; Efraïm WUZEK, Combattants juifs dans la guerre d’Espagne…, p. 148. Le vieux chant yiddish « Of Lebn un toït a farband » (Unité de la vie à la mort), d’origine bundiste, figurait dans le principal carnet de chant des Brigades internationales
[49] Le motto Za naszą i waszą wolność (« Pour notre liberté et la vôtre »), devise des patriotes polonais depuis XIXe siècle, fut inversée dans les Brigades internationales : ‘Za wolność waszą i naszą. À l’origine « Au nom de Dieu, pour votre liberté et la nôtre », la devise apparut pour la première fois en Pologne lors d’une commémoration de l’insurrection des Décembristes tenue à Varsovie le 25 janvier 1831. Elle fut également adoptée par le mouvement bundiste.
[50] Lors de l’exposition sur les volontaires juifs de septembre 1937, Maimonides fut présenté comme le premier combattant juif en Espagne. Gerben ZAAGSMA, « Propaganda or fighting the myth of pakhdones ? Naye Prese, the Popular Front, and the Spanish Civil War », Lara RABINOVITCH et al. (dir.), Choosing Yiddish: New Frontiers of Language and Culture, Wayne State University Press, Detroit, 2012, p. 91.
[51] Gerben ZAAGSMA, « Jewish Communists in Paris between Local and International », JBDI / DIYB Simon Dubnow Institute Yearbook, n°8, 2009, p. 17.
[52] Éric VIAL, L’Union populaire italienne, 1937-1940. Une organisation de masse du Parti communiste italien en exil, Rome, École Française de Rome, 2007.
[53] Épopée d’Espagne. Brigades internationales 1936-1939, Recueil de récits vécus et de documents historiques édité par L’Amicale des Anciens Volontaires Français en Espagne Républicaine, Paris, 1957, pp. 57-58.