Mathieu Mazé
Résumé : L’essor du tourisme dans les Highlands d’Écosse à partir de la fin du XVIIIe siècle s’est accompagné d’une rapide croissance des établissements commerciaux accueillant les voyageurs et d’une véritable amélioration de leur qualité. Une telle transformation n’aurait pu advenir, dans une région pauvre et sous-équipée, sans les investissements réalisés par la noblesse locale. Cet article se propose de mesurer l’ampleur de son intervention dans le réseau hôtelier des Highlands et de réfléchir aux motivations qui ont pu pousser cette élite terrienne à investir dans une telle activité commerciale.
Introduction
Le premier essor du tourisme dans les Highlands d’Écosse, entre les années 1770 et 1850, s’est appuyé sur une amélioration rapide de l’offre hôtelière, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. Cela a été relevé par les voyageurs de ce temps comme par les historiens qui, depuis une cinquantaine d’années, se sont attachés à retracer les débuts de cette pratique qui tient désormais une place si importante dans l’économie de la région et contribue si fortement à définir la manière dont on se la représente[1]. Un peu partout dans les Highlands, de nouveaux établissements sont fondés là on l’on ne pouvait encore compter que sur l’hospitalité que quelque chef de clan consentirait à accorder aux voyageurs de passage. On transforme des masures tout justes bonnes à accueillir les conducteurs de troupeaux en transit vers les marchés du sud, en auberges capables d’accueillir des touristes exigeants et l’on commence même, à partir des années 1790, dans les rares centres urbains de la région, à ouvrir de grands établissements que l’on n’hésite plus à qualifier d’hôtel.
Une telle activité bâtisseuse permettait de répondre à l’afflux grandissant de touristes britanniques sur cette partie du sol national. Cette pratique prit son véritable essor au cours du XVIIIe siècle et elle entraîna une réorientation partielle des flux de voyageurs. L’aristocratie britannique avait en effet, depuis la fin du XVIe siècle, pris l’habitude d’envoyer ses fils en voyage de formation sur le continent européen, avec l’Italie comme objectif majeur. Au XVIIIe siècle, ce Grand Tour, désormais effectué aussi par des représentants des classes moyennes et des hommes et femmes de tous les âges, devint une activité touristique à part entière et connut son apogée[2]. Cependant, à partir du milieu du siècle, tandis que le nationalisme britannique se renforce, il apparaissait désormais comme de bon ton de visiter aussi les hauts lieux du territoire national, étant entendu que les papistes du continent européen ne sauraient détenir le monopole du prestige culturel. Les Highlands étaient alors perçues comme le conservatoire d’une société archaïque et vertueuse rappelant à tous ce que furent les Britanniques des origines. A cela se mêlait étroitement une attirance nouvelle pour les paysages incultes et la montagne que le romantisme naissant contribuait à nourrir. De grands succès littéraires tels que les poèmes d’Ossian publiés par James Macpherson puis les œuvres de Walter Scott fixèrent durablement cette image attractive des Highlands. Les voyageurs, principalement Britanniques, venus visiter les Highlands pour leur plaisir commencèrent alors à se faire de plus en plus nombreux[3].
L’ouverture des Highlands aux circulations touristiques est l’un des aspects des profondes transformations économiques et sociales que connaît la région au XVIIIe siècle, particulièrement après l’échec de la révolte jacobite de 1745. Cette région pauvre et mal soumise au pouvoir central vit alors se défaire l’ancienne organisation sociale en clans, ces groupes de parenté élargie, rompus à l’art de la guerre, qui défiaient les tentatives d’établir un monopole étatique de la violence. Les nobles des Highlands abandonnèrent alors, parfois non sans nostalgie, leur rôle de chefs militaires pour se faire rentiers du sol, à l’image de la noblesse des Lowlands ou d’Angleterre. Certains d’entre eux, loin de se contenter de percevoir passivement leur part des fruits du travail de leurs tenanciers, prirent une part active dans le développement leurs domaines, encourageant la sylviculture ou l’élevage ovin par l’application des méthodes les plus modernes.
La noblesse des Highlands a aussi contribué, au cours de cette période de transition rapide vers une meilleure intégration dans le territoire britannique et de développement d’une économie capitaliste, à l’accroissement des capacités hôtelières de leur région. Moins connue que leur participation à la modernisation agricole du pays, l’implication de ce groupe dans le financement des auberges et hôtels a néanmoins été relevée par les spécialistes de l’histoire du tourisme en Écosse. Katherine Haldane Grenier a ainsi pointé l’activité d’« aristocrates entreprenant », tels que le comte de Breadalbane, qui supervise la construction et l’entretien de plusieurs établissements sur ses terres[4]. L’objectif de cet article sera de préciser le rôle qu’ont tenu les nobles des Highlands dans le développement de l’hôtellerie locale[5]. Il s’agira d’abord d’identifier les différents groupes sociaux ayant participé au financement des établissements pour mesurer, autant que faire se peut, la part qu’a prise la noblesse. Quelques exemples seront ensuite développés pour que l’on mesure quels furent les effets concrets de l’investissement nobiliaire sur les dimensions, l’aspect extérieur et l’équipement intérieur des auberges et hôtels des Highlands. On s’interrogera sur les motivations qui ont pu conduire ces élites traditionnelles à investir dans ce secteur d’activité émergent avant d’envisager le retrait relatif de ce groupe, soumis à des pressions financières de plus en plus fortes au XIXe siècle.
L’exploitation d’archives de grands domaines aristocratiques, des archives municipales d’Inverness et du fonds relatif aux Domaines réquisitionnés par la Couronne (Forfeited Estates) à la suite des révoltes jacobites de 1715 et 1745, au cours de la préparation de la thèse de l’auteur, a permis de rassembler un dossier éclairant sur l’investissement nobiliaire dans l’hôtellerie des Highlands. À partir de ces documents, il est possible de compléter et de préciser les travaux antérieurs des historiens du tourisme en Écosse, qui reposaient essentiellement sur l’analyse de récits de voyage. Bien qu’il soit loin de représenter l’intégralité des activités de financement de l’hôtellerie au cours de la période comprise entre 1750 et 1850, ce corpus documentaire porte sur quelques cas particulièrement significatifs car les domaines du duc d’Argyll et du comte de Breadaldane, ainsi que la ville d’Inverness, faisaient partie des principales étapes sur le circuit effectué par la grande majorité des touristes dans les Highlands[6].
Les nobles, principaux acteurs du développement de l’hôtellerie des Highlands
Les capitaux détenus par la noblesse ont représenté la principale source de financement des auberges et hôtels des Highlands. Cette prééminence s’explique d’abord par la répartition des terres dans la société locale. En dehors des villes, qui sont petites et rares, la terre appartient à peu près exclusivement à la grande aristocratie titrée ou à la petite noblesse des lairds[7]. Des fortunes issues du monde de la marchandise, des oligarchies urbaines ou du service de l’État commencent à s’y ajouter au XVIIIe siècle mais le transfert de propriété ne commencera à prendre une certaine ampleur qu’au XIXe siècle[8]. Les paysans qui constituent l’essentiel de la population ne sont ici jamais propriétaires. Il en va de même des aubergistes et hôteliers qui, sauf de possibles exceptions en ville, ne possèdent jamais l’établissement qu’ils gèrent.
La noblesse locale n’a toutefois pas été la seule source de financement de l’hôtellerie. Il a existé d’autre catégories d’investisseurs, dont il convient de rappeler la contribution, mais aussi d’en mesurer les limites. Le gouvernement a pu, ponctuellement, contribuer au développement des capacités d’accueil dans les Highlands. Mais il s’agissait alors d’établir les infrastructures permettant de mieux contrôler une région volontiers rebelle, à la suite des deux insurrections jacobites de 1715 et 1745. Des routes ont été construites pour faciliter la circulation des troupes et mieux prévenir une nouvelle insurrection et il a été nécessaire d’entretenir, voire parfois de construire ex nihilo, des établissements en mesure d’héberger les soldats aussi bien que tout voyageur venant à passer dans ces contrées reculées. Entre 1747 et 1784, des représentants du gouvernement central établis à Édimbourg, les barons de l’Échiquier, ont géré, au nom de la Couronne, 13 grands domaines pris aux chefs de clan jacobites qui avaient rejoint le prétendant Charles-Édouard Stuart dans sa tentative de s’emparer du trône. Leurs archives révèlent que leurs interventions, loin de se cantonner à ces domaines, pouvaient s’étendre à tout établissement situé sur une route importante mais ne bénéficiant pas toujours de suffisamment d’investissements d’origine locale. L’auberge de Dalwhinnie par exemple, située sur la route stratégique de Perth à Inverness, a bénéficié de crédits octroyés par les barons de l’Échiquier pour construire un toit d’ardoise en 1760, pour l’équiper d’une nouvelle cuisinière en fonte en 1771, ou encore en 1776 pour revoir l’agencement intérieur de l’édifice afin d’accroître sa capacité d’hébergement[9]. Ce type d’intervention étatique s’efface après le retour des domaines à leurs propriétaires ou à leurs héritiers en 1784.
Les aubergistes eux-mêmes, sans être propriétaires de leur établissement, ont pu contribuer à des dépenses d’équipement. Un aubergiste de Lochearnhead, Donald Robertson, situé sur une route relativement fréquentée dans la partie méridionale des Highlands, demande en 1811 au comte de Breadalbane qu’il lui prête 180 livres sterling pour adjoindre deux chambres au-dessus de la cuisine de son établissement, ainsi qu’une nouvelle aile avec un salon surmonté de trois chambres. Il s’engage à rembourser le prêt avec intérêts, escomptant pouvoir être en mesure de le faire grâce à l’augmentation de sa clientèle que cet investissement rendra possible[10]. Il s’agit bien ici d’une dépense effectuée par l’aubergiste, qui se tourne vers le principal créancier de la société locale, le grand propriétaire aristocratique, le recours aux banques n’étant pas encore très répandu dans les Highlands. Il a peut-être existé, par ailleurs, des aubergistes propriétaires de leur établissement dans les villes des Highlands, notamment à Inverness[11]. Mais les sources consultées ne permettent pas de l’avancer avec certitude.
L’acquisition et le développement d’établissements hôteliers d’une certaine dimension, en ville, pouvait occasionner des dépenses élevées, difficiles à assumer pour un seul individu. C’est la raison pour laquelle on voit se développer, à Inverness, des compagnies formées par contrat afin de bâtir et d’entretenir un hôtel. La noblesse y participe, s’associant à des éléments de la bourgeoisie. L’une de ces compagnies se forme dans les années 1770 dans le cadre de la sociabilité franc-maçonne. Deux loges locales ont décidé de s’associer pour bâtir un temple maçonnique. Pour assurer l’entretien de ce dernier, les francs-maçons d’Inverness décident d’y adjoindre un hôtel ouvert au public. Ils lancent une souscription parmi leurs membres et lèvent une somme de 191 livres sterling et 2 shillings. Parmi les 63 contributeurs, on trouve au moins trois membres de la couche supérieure de la petite noblesse, Normand MacLeod of MacLeod, le plus grand propriétaire terrien de l’île de Skye et deux baronets, A. Grant et Alexander MacKenzie. S’y ajoutent plusieurs propriétaires plus modestes des environs d’Inverness, onze marchands, deux représentants de l’administration locale, un notaire et un médecin militaire. La contribution des nobles s’élève à 96 livres sterling et 12 shillings, soit la moitié du total, tandis que les marchands n’apportent que 19 livres sterling et 19 shillings. Connu sous le nom de Masons Hotel, l’établissement, dont la construction commence en 1777, ouvre ses portes au plus tard en 1780. Il est alors administré par John Ettles et, avec ses 27 fenêtres, c’est le plus grand hôtel d’Inverness[12].
Quelques décennies plus tard, en 1837, c’est une Inverness Tavern and Hotel Company qui se forme, afin de doter la ville d’un nouvel hôtel de dimensions suffisantes pour répondre à un afflux toujours croissant de visiteurs. Le contrat d’association ne contient plus d’allusion à la franc-maçonnerie, il s’agit cette fois d’une entreprise purement commerciale. Un capital d’une valeur de 5 500 livres sterling a été rassemblé, dont 1 600 ont été investis pour acheter un terrain en plein centre de la ville, dans High Street. On dispose d’une liste de 46 actionnaires ayant souscrit pour 136 parts d’une valeur totale de 3 400 livres sterling. 23 d’entre eux sont membres de la petite noblesse. Les autres sont détenteurs de charges municipales, marchands, officiers, représentants des professions juridiques et l’on trouve aussi quelques représentants de couches plus modestes de la population, qui étaient absentes de l’entreprise franc-maçonne présentée plus haut, tels qu’un épicier, un quincailler, un distillateur de whisky ou encore trois fermiers. Les nobles ont acquis 74 parts (1 850 livres sterling) soit un peu plus de la moitié de la valeur totale[13]. Comme pour le Masons Hotel, l’apport financier de la noblesse s’est révélé décisif. On peut estimer, au vu de ces deux exemples, que le développement spectaculaire de l’hôtellerie d’Inverness dans les années 1790-1840, loin d’être le fruit du seul dynamisme de la bourgeoisie locale, apparaît comme le résultat d’une coopération entre cette classe et une noblesse prompte à investir en dehors de ses domaines ruraux.
En dehors des villes, on ne trouve pas d’exemples de telles associations. Le financement des auberges, si l’on excepte les frais qui étaient parfois engagés par les tenanciers eux-mêmes, relevait essentiellement des grands propriétaires terriens qui, jusqu’au début du XIXe siècle appartenaient généralement à la noblesse[14]. Les aristocrates les plus riches des Highlands, tels que les ducs d’Argyll, d’Atholl ou de Sutherland, ou le comte de Breadalbane, possédaient des domaines immenses, s’étendant sur des dizaines de kilomètres carrés[15]. Ils étaient souvent assez vastes pour contenir plusieurs auberges. C’est là, par excellence, le terrain où se déploie l’initiative nobiliaire, comme le montreront les exemples développés ci-dessous.
En définitive, s’il reste pour l’instant impossible d’effectuer une pesée globale de l’investissement de la noblesse des Highlands dans les auberges et hôtels, il apparaît que les sources de financement concurrentes étaient relativement limitées. L’investissement par les hôteliers eux-mêmes restait vraisemblablement de faible ampleur, à la mesure des moyens financiers modestes dont ils disposaient. Les dépenses du gouvernement, remarquable exception dans un pays et un secteur où l’initiative est généralement laissée à l’entreprise privée, sont restées circonscrites à quelques établissements et l’État a fini par s’effacer à la fin du XVIIIe siècle. Elles ont permis de combler certains interstices d’un réseau hôtelier alors lacunaire, mais guère plus. Dans une ville comme Inverness, la bourgeoisie locale a pu apporter d’importants moyens financiers, mais sans parvenir à éclipser la noblesse.
« Le noble propriétaire, avec une louable attention pour les besoins des voyageurs […] a fait construire plusieurs auberges »
Les archives relatives à la gestion des grands domaines révèlent que les aristocrates pouvaient se montrer très actifs dans le financement de l’hôtellerie locale entre les années 1750 et 1850. L’exemple des comtes de Breadalbane démontre la forte implication de la noblesse dans le développement de l’hôtellerie en milieu rural. Leur domaine d’étendait sur un vaste secteur dans la partie méridionale les Highlands, autour du loch Tay. Il constituait un passage obligé pour les voyageurs voulant se rendre des Grampians aux Highlands de l’Ouest et au-delà, aux îles Hébrides. Deux générations de comtes ont été à l’œuvre au cours de la période du premier essor du tourisme : John Campbell, 3e comte (1692-1782, comte en 1752), et son neveu, John Campbell of Carwhin (1762-1834, 4e comte en 1782, puis 1er marquis en 1831[16]). Plusieurs voyageurs leur ont rendu hommage. John E. Bowman affirme :
Le noble propriétaire [Breadalbane], avec une louable attention pour les besoins des voyageurs aussi bien que pour ses propres intérêts, a fait construire plusieurs auberges, étapes commodes sur la route de Kenmore à Inveraray. Sans celles-ci, il aurait été impossible de traverser l’Écosse dans cette direction. Les auberges de Glenorchy [Dalmally], Tyndrum, Luib et Killin en font partie[17].
L’énumération donne une idée de l’importance de l’œuvre du comte mais elle reste incomplète. D’après les archives de la collection Breadalbane, pas moins d’une douzaine d’auberges se trouvaient sous son administration.
Elles dessinaient un véritable réseau, que l’on peut hiérarchiser en s’appuyant sur la valeur de chaque établissement telle qu’elle est évaluée dans une liste de polices d’assurances datant de 1835. A sa tête, l’auberge de Kenmore, juste à côté du château comtal (600 £). Plusieurs auberges majeures jalonnent ensuite la route vers l’ouest : Killin (600 £), Tyndrum (470 £), Dalmally (500 £), à des intervalles de 20 à 30 km. Entre ces étapes ou sur des routes secondaires, on trouve des half-way houses de moindres prétentions : Tummel Bridge (250 £), Amulree (300 £) et Luib (300 £), Easdale (150 £)[18]. Comme le souligne John E. Bowman, ce réseau d’auberges était d’une importance capitale dans le maintien de communications de bonne qualité. Il facilitait grandement la traversée de la partie méridionale des Highlands d’est en ouest. On comprend les éloges adressés au « noble propriétaire » dont les établissements permettaient de boucler dans de bonnes conditions de confort le circuit effectué par la plupart des touristes, qui ne disposaient pas du temps nécessaire pour effectuer un grand tour des Highlands jusqu’à Inverness.
Il suffit de parcourir les archives de la collection Breadalbane pour constater l’ampleur des travaux effectués pour parvenir à ce degré d’équipement. Les comptes dressés à l’intention du comte par ses intendants attestent d’une intense activité bâtisseuse, se concentrant surtout dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, c’est-à-dire au moment où la fréquentation touristique commence à augmenter[19]. De nouveaux habitats sont construits, d’autres sont agrandis ; des travaux de réparation ou d’ameublement sont fréquemment réalisés.
Travaux effectués sur les auberges appartenant au comte de Breadalbane, 1750-1830
Établissement | Construction d’un nouvel édifice | Agrandissements, bâtiments annexes | Réparations | Ameublement |
Aberfeldy | s. d., 1813 (enseigne), 1822[20] | |||
Amulree | 1752, 1766 (garde-manger et arrière-cuisine), 1776-1777 (abri pour voiture), 1794[21] | 1751, 1772-1774, 1802, 1828[22] | ||
Dalmally | 1781-1782[23] | 1784-1785 (écurie et travaux divers), 1805 (porche)[24] | 1773, 1781, 1827[25] | |
Inveroran | 1782[26] | |||
Kenmore | 1773[27] | 1813, 1821, 1822[28] | 1774[29] | |
Killin | 1759 (écurie), 1761, 1772 (nouvelle aile)[30] | 1759, 1761, 1772, 1814[31] | ||
King’s House | 1798[32] | |||
Tyndrum | 1789-1790[33] | 1772-1774[34] |
Le caractère parfois lacunaire des sources rend difficile une évaluation du montant total investi dans ces travaux. Quelques exemples suffiront cependant à donner une idée des sommes investies. Les travaux de construction de la nouvelle auberge de Dalmally, en 1781-1782, s’élèvent à 346 livres sterling 7 shillings et 7 pence. Les écuries et abris ajoutés en 1784-1785 ont coûté 147 livres et 8 pence et demi ; le porche bâti en 1805 a représenté une dépense de 21 livres 10 shillings et 5 pence. Des travaux de réparation et rénovation pouvaient aussi mobiliser des sommes non négligeables. A Kenmore, la principale auberge du domaine Breadalbane, le comte dépense 85 livres, 4 shillings et 6 pence pour des travaux de réparation divers sur les annexes de l’auberge en 1821 et encore 54 livres sterling, 6 shillings et 4 pence pour des travaux de peinture et la pose d’un nouveau papier peint en 1822. Le comte payait également la moitié de la cotisation pour l’assurance contre le feu[35] de l’ensemble de ses établissements et il semble qu’il ait aussi pris en charge le paiement de la taxe sur les fenêtres[36]. Il est vrai que cette activité bâtisseuse se développa dans une conjoncture exceptionnellement bonne pour les grands propriétaires des Highlands. Leurs revenus augmentèrent considérablement entre les années 1770 et 1815. L’élevage ovin connut alors son plus grand essor et la hausse généralisée de la valeur des produits agricoles culmina dans la période des guerres révolutionnaires et impériales. Les revenus des domaines du comte de Breadalbane localisés dans le Perthshire ont ainsi bondi de 2 700 livres sterling en 1774 à 13 450 en 1811[37].
Le duc d’Argyll, dont le domaine couvrait une vaste superficie dans les Highlands de l’Ouest, faisait preuve d’autant de magnificence que son parent éloigné le comte de Breadalbane. Il semble avoir pris un soin particulier à faire de l’auberge principale d’Inveraray, le bourg qui jouxtait son château, l’une des plus belles des Highlands. Elle fut bâtie entre 1751 et 1756, à la demande du 4e duc d’Argyll, par John Adams, aîné d’une fratrie d’architectes réputés du temps de Georges III[38]. Par ses dimensions, elle dépasse tous les établissements des Highlands, y compris ceux d’Inverness. En 1798, elle est encore, avec ses trois étages et ses 66 fenêtres, la plus grande de la région[39]. Son style architectural est en rupture avec le modèle jusqu’alors commun dans une grande partie des Highlands : le toit est en ardoises au lieu d’être en chaume ou en gazon, les murs de pierre de taille recouverts de chaux au lieu d’être faits de pierres non équarries. L’intérieur n’est pas moins remarquable que l’extérieur : le duc y avait en effet fait placer d’anciennes pièces de mobilier issues de son propre château, ce qui tranchait avec le mobilier bien plus rudimentaire que l’on trouvait alors habituellement dans les auberges des Highlands[40].
L’aristocratie n’est pas la seule à prendre la responsabilité d’établir et de maintenir des auberges. Entre ces grands domaines se trouvent aussi des établissements relevant de propriétaires plus modestes qui appartiennent souvent à la petite noblesse des Highlands, les lairds. Il s’agit souvent de familles anciennement établies, que le hasard des héritages ou des conquêtes n’avait pas favorisé autant que les grandes lignées présentées plus haut. Leur activité est plus difficile à retracer que celle des grandes familles, car leurs archives sont généralement moins riches ou moins bien conservées. On peut cependant citer, à titre d’exemple, les MacNab of MacNab qui prenaient en charge l’auberge de Callander[41], très fréquentée par les touristes car située sur la route des Trossachs, un haut-lieu touristique célébré par Walter Scott, ou encore les Stewart de Grandtully[42], dont l’établissement de Grandtully se trouvait à équidistance de trois étapes importantes du circuit dans les Highlands : Dunkeld, Blair Atholl et Kenmore. Compte tenu de la dimension de leurs domaines, l’action de ces lairds se concentrait souvent sur un seul établissement.
L’implication de la noblesse des Highlands ne se limite pas au financement des bâtiments et des meubles. Elle est aussi responsable, par l’intermédiaire des intendants qui gèrent ses domaines, du recrutement des aubergistes. Les postes vacants sont signalés, parfois par voie de presse à partir des années 1800[43]. Lorsqu’une auberge est particulièrement convoitée, les candidats sont mis en concurrence par l’intendant chargé de les sélectionner. Les aspirants aubergistes proposent alors chacun un loyer annuel qu’ils s’engagent à verser s’ils prennent possession des lieux, et font valoir leurs qualifications pour le poste, mentionnant par exemple une expérience préalable en tant que serveur. Être en mesure de produire un certificat de bonnes mœurs signé de la main d’un ecclésiastique, d’un grand propriétaire ou d’un ancien employeur est particulièrement apprécié. Être natif du pays pouvait constituer un autre atout. Les candidatures étaient parfois rédigées sous forme de lettres, lues et annotées par l’intendant, qui donnait son avis sur la valeur des candidatures, le choix final revenant au grand propriétaire[44].
Il n’était par ailleurs pas rare que les aubergistes soient recrutés dans la domesticité du grand propriétaire. Sur un effectif de 31 aubergistes des Highlands pour lesquels il a été possible de trouver l’activité professionnelle antérieure à leur installation, 7 ont exercé l’activité de domestique[45]. L’intérêt de recruter dans ce vivier était double. Il s’agissait d’une part de récompenser le dévouement d’un serviteur en lui offrant l’occasion de s’établir à la tête de sa propre maisonnée, et de lui fournir une source de revenus pour subvenir aux besoins de sa famille. D’autre part, habitués aux exigences de la haute société, les anciens domestiques étaient mieux formés que la paysannerie locale à l’accueil de voyageurs « de qualité ». Loin de se cantonner à un rôle passif de fournisseur de capitaux, la noblesse des Highlands montre un souci d’offrir de bonnes conditions d’accueil aux voyageurs venant à traverser ses domaines, en intervenant aussi bien sur le bâti, sur l’ameublement que sur le recrutement du personnel.
Un investissement de prestige
Cet investissement nobiliaire dans l’hôtellerie peut naturellement s’expliquer par la recherche de profits. L’aisance apportée au tenancier par les voyageurs aisés à qui il proposait le gîte et le couvert pouvait aisément se convertir en augmentations de rentes pour le propriétaire. Mais l’appât du gain était loin d’être suffisant pour expliquer les investissements consentis pour agrandir les établissements et améliorer leur qualité. Une remarque formulée par John Knox met en garde contre toute interprétation trop hâtive allant dans ce sens :
Une auberge spacieuse est louée ici [à Tyndrum] pour 6 livres et le montant de la taxe sur les fenêtres s’élève à 4 livres 10 shillings. Cette disproportion provient de la munificence très avisée du propriétaire [Breadalbane] qui ainsi, presque à ses frais, fournit aux voyageurs un logis décent[46].
Ce passage semble signifier que le tenancier ne payait que 6 livres par an au comte, qui prenait en charge le paiement au fisc de la taxe sur les fenêtres d’un montant de 4 livres et 10 shillings, ce qui ne lui aurait laissé qu’une livre et 10 shillings de profit, sans tenir compte des travaux d’entretien ou d’amélioration qui étaient à sa charge. Dans ces conditions, il paraît difficile d’avancer la recherche du profit comme moteur principal de l’investissement dans la construction d’auberges. Bien sûr, la mesure pourrait n’avoir été que temporaire et il est probable que le montant du loyer de l’auberge de Tyndrum ait été relevé par la suite. C’est ce que suggère l’évolution des loyers payés par quelques tenanciers d’autres établissements du domaine des comtes de Breadalbane.
Le graphique montre des loyers en hausse modérée jusqu’en 1819, puis s’accélérant entre cette date et 1828. Il pourrait y avoir eu entre ces deux moments un changement dans les choix de gestion de ces établissements ; le comte de Breadalbane serait passé d’une relative modération des loyers propre à attirer la main d’œuvre à une politique d’exploitation rentière plus agressive. Il est difficile, au vu de la quantité réduite de données mobilisées, de conclure avec certitude.
Malgré cette augmentation des revenus tirés des auberges du domaine, l’apport semble relativement modeste si on le rapporte à l’ensemble du revenu généré par les terres possédées par le comte dans le Perthshire. L’ensemble des établissements qu’il contrôle pourrait avoir rapporté au comte de Breadalbane entre 500 et 800 livres sterling en 1828. Cela doit être rapporté aux 13 450 livres sterling générées par l’ensemble du domaine du Perthshire en 1815, somme qui avait sans doute assez peu évolué en 1828[47]. Avec un loyer de 200 livres sterling par an en 1828, l’auberge qui a le plus de valeur, celle de Kenmore, se situe au même niveau qu’une grande exploitation d’élevage ovin comme il s’en est établi en nombre sur les terres du comte au XIXe siècle[48]. Néanmoins, le rapport entre les investissements dans les auberges et les bénéfices qu’elles rapportaient a pu être plus favorable que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, car les loyers ont augmenté tandis que l’essentiel des travaux de construction et d’amélioration de la qualité en vue de répondre aux demandes générées par l’accroissement d’une clientèle aisée étaient déjà réalisés. Dans une conjoncture économique générale qui tendaient à s’assombrir, les auberges représentaient une source de revenus appréciable, quoique mineure. Il ne semble pas cependant que l’ampleur des revenus tirés de cet investissement suffise à rendre compte de la propension de la noblesse des Highlands à s’impliquer dans ce secteur.
« Tout comme certains entrepreneurs, de nombreux propriétaires progressistes semblent avoir été motivés par la recherche de la considération sociale plus que par celle du profit », affirme l’historien de la Révolution industrielle Eric L. Jones[49]. Thomas C. Smout, qui a étudié la contribution de l’aristocratie écossaise au développement économique du pays dans les domaines de l’agriculture, de l’industrie et des transports entre 1650 et 1850, estime que loin de rechercher le profit immédiat, ces investisseurs désiraient avant tout que l’on dise d’eux qu’ils étaient « soucieux du bien public » et appréciaient de voir leurs bienfaits commémorés par des plaques ou de petits obélisques. Les travaux qu’ils faisaient réaliser nécessitaient des dépenses importantes pour des profits incertains et à long terme[50]. On pourrait aisément ajouter les auberges à la liste des aménagements mentionnés par T. C. Smout. L’investisseur aristocratique ne peut être réduit à une simple incarnation de l’homo oeconomicus. Il y a indéniablement de l’ostentation dans cette activité de bâtisseur. Les plus belles auberges, celles qui se situent à proximité immédiate des lieux de résidence nobiliaires, apparaissent comme des sortes d’extensions dans l’espace public de l’art de recevoir propre à l’aristocratie, dont le cadre originel reste le château familial[51]. Elles ont d’ailleurs, semble-t-il, vocation à recevoir les visiteurs en surnombre qui ne peuvent être logés chez le maître des lieux lors des grandes occasions[52]. Ce désir de paraître explique les dimensions monumentales et le soin apporté aux intérieurs de l’auberge d’Inveraray construite sur les ordres du 3e duc d’Argyll (1682-1761). Ami du premier ministre Robert Walpole, dont il est le représentant officieux en Écosse, patron d’une vaste clientèle et considéré comme l’homme le plus puissant du pays, il s’est fait bâtir une auberge à l’image de son rang dans la société écossaise, et surdimensionnée par rapport aux besoins ordinaires du bourg où elle est localisée. Ce désir des aristocrates des Highlands d’affirmer de manière tangible leur présence et leur puissance se manifeste encore dans l’affichage de leurs armes et de leur nom sur les enseignes suspendues à la façade des édifices, qui sont signalées à partir des années 1810, d’abord sur les terres des grands propriétaires[53].
Ces derniers ne sont d’ailleurs pas les seuls à faire des auberges un support de leur souci de paraître. Des lairds aux revenus plus modestes ont pu montrer le même type de comportement, ce qui n’était pas sans risques eu égard à leurs moyens financiers limités, comme l’illustre l’exemple de Francis McNab of McNab. Une anecdote rapportée par Robert Southey montre bien que le souci de paraître n’était pas réservé aux échelons les plus élevés de l’aristocratie locale :
Au-dessus de l’entrée de la cour de l’auberge de Callander étaient fixés deux statuettes de lions en pierre, le cimier du blason de McNab, seigneur des lieux, qui avait fait construire cette maison. Leur apparence était fort peu lionesque. Lord Breadalbane, qui est un ami de McNab, lui demanda un jour pour quelle raison ces deux horribles choses étaient placées là. “Juste pour faire peur aux Campbells,” je suppose, répondit-il, faisant allusion aux conflits qui avaient existé dans l’ancien temps entre les deux familles[54].
Francis McNab semble avoir voulu faire de l’auberge de Callander un monument suggérant sa magnificence et sa puissance, allant jusqu’à orner de statuettes héraldiques le porche par lequel passaient les voitures à cheval des visiteurs. Pareille décoration tranche avec la sobriété habituelle de l’hôtellerie des Highlands. Si l’on en croit ce que laisse entendre Robert Southey, le laird a fait de son mieux pour impressionner les visiteurs, avec un succès limité car il semble ne pas avoir eu les moyens de s’offrir les compétences d’un sculpteur susceptible de réaliser des statuettes de lion crédibles. On sait par ailleurs que le personnage était coutumier des dépenses ostentatoires et mal avisées, qui le conduisirent à la ruine et à l’émigration au Canada en 1823[55].
On peut aussi voir dans ces constructions une forme de paternalisme. Ouvrir une auberge, c’est créer des situations pour tout un ensemble de dépendants. Les propriétaires montrent aussi par là le souci du bien public. Dans les Highlands, la noblesse était le seul groupe social disposant des capitaux nécessaires à l’ouverture et à l’entretien de tels services. Il semble qu’il existait pour eux comme une responsabilité morale à le faire ; ceux qui négligeaient ces devoirs ne se seraient pas tenus tout à fait à la hauteur de leur rang. Les circulations, la mobilité, le « doux commerce » étaient très valorisés dans l’imaginaire des Lumières que ces propriétaires avaient reçu en héritage. Un aristocrate éclairé se devait de faire ce qui était en son pouvoir pour faciliter la circulation des hommes sur son domaine, dans l’intérêt de l’ensemble de la société. Contribuer au développement de l’hôtellerie relève en définitive au moins autant, si ce n’est plus, d’une quête de prestige que d’une recherche de profit financier.
Vers un déclin de l’investissement nobiliaire
Les anciennes familles ne se sont pourtant pas toujours montrées en mesure d’assurer convenablement l’accueil des visiteurs de passage sur leurs terres. C’est que la situation financière d’un certain nombre d’entre elles devint critique au lendemain des guerres napoléoniennes[56]. La plupart de ces familles, désireuses d’imiter le mode de vie de l’aristocratie anglaise alors qu’elles ne disposaient pas des mêmes sources de revenus, se sont endettées à l’excès[57]. Nombre d’entre elles ont encouragé le développement d’activités nouvelles sur leurs domaines. Or la plupart de ces entreprises entrent en crise dans la période de dépression qui suit les guerres impériales. Si l’élevage ovin ou la pêche survivent tant bien que mal, l’élevage bovin pour l’exportation s’effondre, la filature de lin décline inexorablement pour disparaître dans les années 1840 et, sur les côtes occidentales, l’encouragement donné aux populations littorales pour se consacrer à la collecte du varech tourne au désastre économique lorsqu’un substitut à bon marché commence à être importé d’Espagne à la suite du retrait des troupes françaises[58]. Le Nord-Ouest des Highlands et les Hébrides sont particulièrement touchés et ces régions voient les premières faillites de propriétaires aristocratiques, contraints de vendre les terres ancestrales pour éponger leurs dettes. Dans ces régions, même les plus grandes familles, comme les MacDonald de Sleat et les MacLeod de Talisker ne se maintiennent qu’au prix de la cession d’une partie de leur patrimoine foncier[59].
Dans ce contexte, des hommes nouveaux se portent acquéreurs sur un marché de la terre devenu très actif. Apparus dès le XVIIIe siècle, ils s’impliquent de plus en plus dans les transactions foncières après 1815. Leur fortune s’est bâtie dans le commerce, l’industrie, les colonies ou l’exercice d’une profession libérale. Ils viennent parfois des Lowlands, le plus souvent des Highlands où ils peuvent être issus de branches cadettes de la noblesse, contraints de travailler pour assurer leur existence et en définitive enrichis par cette activité[60]. Que deviennent les auberges sur les terres passées entre les mains de ces hommes nouveaux ? Deux modèles de comportement socio-économique se présentent à eux : entrer dans le rôle du laird bienfaiteur de son pays et poursuivre une gestion paternaliste ou bien adopter une approche capitaliste visant avant tout à l’augmentation rapide des profits. Chacun s’est positionné en fonction de ses convictions ou de ses intérêts.
L’achat de domaines dans les Highlands, compte tenu de leur valeur économique limitée, se faisait avant tout des motifs de prestige[61]. Dans ces conditions, l’acquéreur pouvait entrer de bonne grâce dans le rôle du laird paternaliste avec toutes les obligations afférentes. Entretenir une ou plusieurs auberges en faisait partie. Robert Southey rapporte qu’un major James Montgomery Cunningham, originaire de l’Ayrshire et qui vécut quelque temps aux Indes, fit l’acquisition de 7 000 acres carrés, « dont 6 200 sont désertiques » dans les collines de l’Inverness-shire. Il assura l’entretien d’une auberge, Fairness Inn, sur la route d’Aviemore à Inverness, où il résidait d’ailleurs avec sa famille quand il venait séjourner sur son domaine des Highlands[62]. Mais ces nouveaux arrivants n’ont pas tous fait preuve du même intérêt pour le développement de l’hôtellerie sur leurs domaines. Dans le district d’Applecross, sur la route d’Inverness aux Hébrides, il manque une étape pour que le voyage puisse se faire confortablement du temps de Southey. L’auberge de Shiell House, affirme-t-il, aurait dû remplir cette fonction, « mais le laird entre les mains duquel cet établissement était passé, un certain Mr. Dick, s’est querellé avec le dernier tenancier et a fermé la maison[63] ». Ce Mr. Dick est vraisemblablement une fortune récente, pour qui le devoir de maintenir un bon accueil aux voyageurs qui viennent à passer sur ses terres ne semble pas avoir fait partie des priorités[64]. Ce nouveau venu, moins inséré dans la société locale, moins sensible à la considération liée au maintien de structures de qualité pour assurer le bon accueil des visiteurs, aurait donc peut-être eu moins de scrupules à fermer un établissement qui aurait été sources de problèmes plus que de profits. Par ailleurs, le vaste mouvement de transfert de propriété et la désorganisation des élites locales traditionnelles dans les Hébrides pourraient, mais ce n’est là encore qu’une hypothèse, expliquer la mauvaise réputation que garde l’hôtellerie de l’archipel alors même que certaines de ces îles deviennent des attractions touristiques majeures[65]. Trop occupées à sauver ce qui pouvait rester de leur patrimoine, les familles aristocratiques locales n’étaient peut-être pas en mesure d’effectuer les dépenses de prestige que représentent la rénovation d’une auberge ; les nouveaux arrivants, quant à eux, ne les auraient pas relayés convenablement dans ce rôle de patronage des établissements[66].
Conclusion
Malgré les difficultés économiques qui frappèrent une partie de ses membres, la noblesse des Highlands a fortement contribué à ouvrir la région au tourisme entre les années 1770 et 1850. Tandis que des écrivains tels que James Macpherson ou Walter Scott ont suscité chez leurs compatriotes, et au-delà, l’envie de visiter une région aux paysages grandioses et à l’histoire mouvementée, la noblesse écossaise a fourni une bonne part des ressources financières qui ont permis d’accueillir dans de bonnes conditions les voyageurs qui arrivaient en nombre croissant dans cette période de premier essor du tourisme. Les auberges dont ils étaient propriétaires ont fourni des services d’une qualité inattendue dans une région si pauvre. Grâce à leur activité, d’immenses espaces qui n’étaient jusqu’alors parcourus que par les voyageurs les plus expérimentés du fait des conditions difficiles se sont ouverts au tourisme car ils ont pu accueillir dans de manière satisfaisante ceux qui venaient pour leur plaisir et n’étaient pas prêts à affronter de tels désagréments. Il ne suffit pas, en effet, d’ouvrir des routes pour faciliter l’afflux des touristes, ce qui avait était fait dès le début du XVIIIe siècle. Seul l’établissement de facilités d’hébergement suffisantes peut permettre un véritable développement de cette activité.
Le rôle de la noblesse, et notamment de la noblesse britannique, dans le lancement et la consommation d’activités touristiques a depuis longtemps été mis en évidence[67]. Mais elle a aussi, l’exemple de la noblesse des Highlands le montre, participé au développement des infrastructures nécessaires à cette pratique. S’ils ne s’impliquaient pas dans la gestion au quotidien des établissements, les capitaux qu’ils fournissaient et leur rôle dans le recrutement des aubergistes font des nobles écossais des acteurs à part entière du développement du tourisme dans les Highlands. Les établissements les plus appréciés des voyageurs étaient souvent ceux où se rencontraient un aubergiste qualifié et entreprenant et un noble prêt à financer les améliorations jugées nécessaires. Ces grands propriétaires n’étaient pas animés par une véritable volonté de développer le tourisme en tant que tel, ce serait faire preuve d’anachronisme que de le prétendre. Néanmoins leur habitus les prédisposait remarquablement bien à faciliter l’essor de cette activité. Le souci du paraître et de l’hospitalité qui était le propre de ce groupe social depuis des générations[68] s’est indissolublement lié à la volonté, plus récente, de jouer le rôle d’un notable éclairé facilitant les circulations sur son domaine. A cela s’est ajouté, dans une proportion certes modeste, une recherche de diversification des sources de revenus dans une période de profondes transformations économiques. Sans en être pleinement conscientes, ces élites on ne peut plus traditionnelles ont œuvré au succès d’une pratique alors si nouvelle que les mots venaient tout juste d’être inventés pour la désigner[69].
[1] Édimbourg, National Library of Scotland (NLS), MS.3295, p. 205 ; Robert Heron, Observations Made in a Journey through the West Counties of Scotland in 1792, Perth, 1793, p. 264 ; John Lettice, Letters on a Tour through Various Parts of Scotland, in the Year 1792, Londres, 1794, p. 235 ; John Carr, Caledonian Sketches, or a Tour through Scotland in 1807, Londres, 1809, p. 447 ; William Larkin, Sketch of a Tour in the Highlands of Scotland ; through Perthshire, Argyleshire and Inverness-shire in September and October 1818, Londres, 1819, p. 36-37 ; Richard W. Butler, « The Evolution of Tourism in the Scottish Highlands », Annals of Tourism, vol. 12, 1985, p. 375 ; Thomas C. Smout, « Tours in the Scottish Highlands from the Eighteenth to the Twentieth Century », Northern Scotland, 1983, p. 114 ; Alasdair J. Durie, Scotland for the Holidays ? Tourism in Scotland, 1780-1914, East Linton, Tuckwell Press, p. 28-31, 55 ; Katherine Haldane Grenier, Tourism and Identity in Scotland, 1770-1914. Creating Caledonia, Aldershot, Ashgate, 2005, p. 33-34, 62-63.
[2] Jeremy Black, The British Abroad. The Grand Tour in the Eighteenth Century, Stroud, Sutton, 1992.
[3] Selon Alasdair J. Durie, le nombre de touristes traversant l’Écosse est passé de quelques centaines à la fin du XVIIIe siècle à quelques milliers dans les années 1820. On ne dispose d’estimations relativement précises que pour quelques rares sites au cours de cette période. A. J. Durie, « Scotland is Scott-land. Scott and the Development of Tourism », in Murray Pittock (dir.), The Reception of Sir Walter Scott in Europe, Londres, Continuum, p. 313-322 ; M. MazÉ, L’Invention de l’Écosse. Premiers touristes dans les Highlands, Paris, Vendémiaire, 2017, p. 249-253.
[4] Katherine Haldane Grenier, op. cit., p. 33. Voir aussi Alasdair J. Durie, op. cit., p. 31.
[5] La noblesse des Highlands s’inscrit dans un mouvement d’ensemble. Les noblesses européennes du XVIIIe-XIXe siècle se sont souvent impliquées de façon active dans la valorisation de leurs domaines et ont parfois pris part à des entreprises dans les domaines les plus divers : mines, industrie, transports, immobilier. Cela a bien été mais en évidence en France par Guy Chaussinand-Nogaret, La Noblesse au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1976 ou en Angleterre par John V. Beckett, The Aristocracy in England, 1660-1914, Londres, Basil Blackwell, 1986. Pour une vue d’ensemble à l’échelle européenne : Ellis Wasson, Aristocracy and the Modern World, Londres, Palgrave-Macmillan, 2006.
[6] Le domaine du duc d’Argyll, situés dans le comté (shire) du même nom, étaient situés sur la route menant des Lowlands aux plus visitées des îles Hébrides, celles de Mull et d’Iona. Le château du duc et son jardin à Inveraray constituaient en outre une destination très prisée. Les terres du comte de Breadalbane, situées dans la partie la plus méridionale et la plus facilement accessible des Highlands, étaient traversées par la plupart des touristes, particulièrement ceux, de loin les plus nombreux, qui ne pouvaient se permettre de se rendre plus au nord pour des raisons financières par manque de temps libre. Inverness représentait le point le plus septentrional du circuit plus long effectué par la plupart des voyageurs plus libres de leurs mouvements. Très rares étaient ceux qui se rendaient au-delà, dans le Sutherlandshire, le Ross-shire, le Caithness-shire ou dans les archipels des Orcades et des Shetlands.
[7] Dans les années 1810, seule Inverness approche les 10 000 habitants. Crieff et Stornoway comprennent entre 2 000 et 3 000 habitants, les autres villes (Dingwall, Dunkeld, Inveraray, Fort William, Lerwick, Oban, Tain, Thurso, Wick) ne dépassent pas le seuil de 2 000 habitants. David Webster, A Topographical Dictionary of Scotland, Édimbourg, 1819.
[8] Thomas M. Devine, Clanship to Crofters Wars. Tbe Social Trasformation of the Scottish Highlands, Manchester, Manchester University Press, 1994, p. 63-83.
[9] Annette M. Smith, Jacobite Estates of the Forty-Five, Édimbourg, John Donald, 1982, p. 202.
[10] Édimbourg, National Records of Scotland (NRS), GD112/11/8/6/3.
[11] L’accès à la propriété était plus ouvert en ville que dans les espaces ruraux. Artisans et petits commerçants pouvaient être propriétaires de leur lieu de travail. Loretta Timperley, A Directory of Landownership in Scotland c. 1770, Édimbourg, Scottish Record Society, 1976.
[12] Highland Archives, Inverness/D883/D/1 ; National Records of Scotland, E326/1/182. Ont été considérés comme membres de la noblesse les individus dont le titre est mentionné ou dont le nom était suivi d’un nom de terre précédé de of. Il était d’usage de désigner ainsi les lairds, tandis que ceux qui occupaient une terre sans jouir du statut de noble voyaient le nom de leur localisation précédé par at. Ceux qui exercent l’activité de marchand sont désignés comme tels dans le document.
[13] Highland Archives, Inverness, D43/1. Les nobles sont ici généralement signalés par un titre (baronet, chevalier ou esquire), pour 5 d’entre eux on ne dispose pas de titre mais la mention d’un nom de terre précédé par of.
[14] Loretta Timperley, op. cit. ; Thomas M. Devine, op. cit..
[15] Le comte de Breadalbane avait la réputation de posséder le plus grand domaine d’un seul tenant de tout le royaume. William A. Gillies, In Famed Breadalbane. The Story of the Antiquities, Lands, and People of a Highland District, Perth, Munro Press, 1938.
[16] Burke’s Peerage, Baronetage and Knightage, Clan Chiefs, Scottish Feudal Barons, Stokesley, Burke’s Peerage and Gentry, 2003, vol. 3, p. 341-348 ; William A. Gillies, op. cit.
[17] John E. Bowman, The Highlands and Islands. A Nineteenth Century Tour., Gloucester, Sutton, 1986, p. 66. John Eddowes Bowman (1785-1841) était un banquier originaire du pays de Galles. En 1825, il effectua un grand circuit dans les Highlands en compagnie de son ami John Dovaston. Son journal est riche en notations sur les auberges qu’il a eu l’occasion de fréquenter.
[18] Édimbourg, NRS, GD112/34/4/7, 9-11. Les half-way houses représentaient des étapes intermédiaires où les voyageurs pouvaient se nourrir et ravitailler des chevaux, mais où en général ils ne passaient pas la nuit.
[19] Dès 1746, la nécessité de maîtriser le territoire des Highlands par un réseau de communications serré et bien entretenu est devenu une priorité. A ces nécessités d’ordre stratégique se substitue bientôt la volonté de répondre à l’essor des circulations civiles de tout ordre, et notamment celle des touristes. La publication des poèmes d’Ossian à partir de 1760, du récit de voyage en Écosse du naturaliste Thomas Pennant en 1769 et de celui du célèbre écrivain Samuel Johnson en 1775 ont en effet mis l’Écosse à la mode.
[20] Édimbourg, NRS, GD112/12/1/5, GD112/74/430/11, GD112/74/483.
[21] Édimbourg, NRS, GD112/15/325/25, GD112/15/331/31, GD112/15/424/8-23, GD112/74/69/4-10.
[22] Édimbourg, NRS, GD112/15/324, GD/112/15/361/97, GD112/15/321/7-10, GD112/74/425/24, GD112/74/500/15.
[23] Édimbourg, NRS, GD112/15/443/11-15, GD112/15/442/27-29, GD112/15/449/11-21.
[24] Édimbourg, NRS, GD112/15/459, GD112/74/300/68-9.
[25] Édimbourg, NRS, GD112/15/419/10, GD112/15/439/27, GD112/74/241/1-2.
[26] Édimbourg, NRS, GD112/15/443/23.
[27] Édimbourg, NRS, GD112/74/355.
[28] Édimbourg, NRS, GD112/74/430/14, GD112/74/477/16-18, GD112/74/483/21-2.
[29] Édimbourg, NRS GD112/21/332/33.
[30] Édimbourg, NRS, GD112/15/361/33-45, GD112/15/366, GD112/15/370/26, GD112/15/379/26, GD112/15/412/5-17, GD112/15/412/18.
[31] Édimbourg, NRS, GD112/15/361/33-45, GD112/4/4/20, GD112/15/412/18.
[32] Édimbourg, NRS, GD112/74/144/39-40.
[33] Édimbourg, NRS, GD112/15/468/132-5, GD112/47/33/6-7.
[34] Édimbourg, NRS, GD112/15/121/16-25.
[35] Édimbourg, NRS, GD112/34/4.
[36] John Knox, A Tour Through the Highlands of Scotland and the Hebrides, in 1786, Londres, 1805, p. 15-16.
[37] Malcolm Gray, The Highland Economy, 1750-1850, Édimbourg-Londres, Oliver and Boyd, 1957, p. 147. La majeure partie des biens du comte de Breadalbane se situaient dans le Perhtshire, mais il possédait aussi des terres dans l’Argyllshire voisin ou encore à Langton, dans le Berwickshire.
[38] David Walker, « Inns, Hotels and Related Building Types », in Geoffrey Stell, John Shaw, Susan Storrier, A Compendium of Scottish Ethnology, vol. 3, Scotland’s Buildings, East Linton, 2003, p. 127-189, in p. 133-135. John Adams (1721-1792) a cessé de pratiquer l’architecture relativement tôt, dès les années 1760. L’œuvre de ses cadets Robert (1728-1792) et James (1732-1794), est plus conséquente et mieux connue. Ces représentants des Lumières écossaises ont réalisé entre autres, la ligne de forts des Highlands, l’ensemble néoclassique de maisons de ville des Adelphi à Londres et de nombreuses country houses aristocratiques. Oxford Dictionary of National Biography, http://www.oxforddnb.com, art. « Adam, John (1721-1792), Adam, James (1728-1792) and Robert (1732-1794) ». L’auberge du duc d’Argyll à Inveraray existe toujours et, si l’on excepte l’ajout d’une véranda, son extérieur a subi assez peu d’altérations depuis le XVIIIe siècle.
[39] Édimbourg, NLS, E326/1/183.
[40] Édimbourg, NLS, MS.3295, p. 406. Placer ces meubles démodés dans l’auberge était une façon de leur trouver un nouvel emploi lorsqu’ils étaient replacés par de nouveaux meubles dans le château.
[41] Robert Southey, Journal of a Journey in Scotland in 1819, Londres, Murray, 1929, p. 35.
[42] Perth Courier, 15 juillet 1819.
[43] Les journaux locaux comme l’Inverness Journal ou le Perth Courier contiennent fréquemment des annonces de ce type.
[44] Les archives Breadalbane contiennent plusieurs dossiers de candidatures correspondant à ce modèle. Mathieu MazÉ, op. cit., p. 192-194.
[45] Ibid., p. 196-199.
[46] John Knox, op. cit., p. 15-16.
[47] La conjoncture s’était retournée dans les Highlands depuis 1815 mais, selon Malcolm Gray, le domaine Breadalbane résistait relativement bien aux difficultés économiques. M. Gray, op. cit., p. 184.
[48] Malcolm Gray, op. cit., p. 93.
[49] Eric L. Jones, cité dans Boyd Hilton, A Mad, Bad and Dangerous People, Oxford, 2006, p. 148.
[50] Thomas C. Smout, « Scottish Landowners and Economic Growth, 1650-1850 », Scottish Journal of Political Economy, vol. 9, n° 3, 1962, p. 218-234.
[51] Sur l’hospitalité aristocratique en Grande-Bretagne : Felicity Heal, Hospitality in Early Modern England, Oxford, Clarendon Press, 1990.
[52] David Walker, art. cité.
[53] Robert Southey, op. cit., p. 133.
[54] Ibidem., p. 35.
[55] William A. Gillies, op. cit., p. 106-111. Francis McNab partit avec un grand nombre de ses dépendants et tente de reconstituer au Canada la domination patriarcale qu’il exerçait en Écosse. Mais dans les grands espaces du Nouveau Monde, il était facile de trouver des terres disponibles pour s’éloigner des potentats locaux à la tutelle trop lourde, et le laird se trouva bientôt abandonné par une bonne partie de ses hommes.
[56] Malcolm Gray, op. cit. ; Thomas M. Devine, op. cit.
[57] Thomas M. Devine, op. cit., p. 63-83 ; Stana Nenadic, Lairds and Luxury. The Highland Gentry in Eighteenth-century Scotland, Édimbourg, John Donald, 2007.
[58] Malcolm Gray, op. cit. Le varech était utilisé pour produire du carbonate de sodium, utilisé dans la verrerie et l’industrie chimique naissante.
[59] Thomas M. Devine, op. cit., p. 63-83. Les MacDonald de Clanranald, qui contrôlaient les seigneuries d’Arisaig et de Moidart sur la côte et les îles d’Eigg, Canna, Muck et South Uist dans les Hébrides perdent toutes ces terres entre 1813 et 1838.
[60] Id.
[61] Id.
[62] Robert Southey, op. cit., p. 100-102. Une note de l’éditeur précise que le major Cunningham n’a pas fait fortune aux Indes, contrairement à ce que pensait R. Southey, mais en se mariant à une riche héritière issue d’une grande famille des Highlands, les Cummings de Logie. Il n’en reste pas moins un homme nouveau.
[63] Robert Southey, op. cit., p. 154-155.
[64] Le titre de « Mr. » qui précède son nom révèle son origine sociale extérieure à la noblesse écossaise, dont les représentants sont habituellement désignés par leur seul patronyme, éventuellement suivi du nom de leur terre ou précédé de leur titre de noblesse, mais jamais de « Mr. »
[65] Voir par exemple John E. Bowman, op. cit., p. 103-123.
[66] Les grands domaines aristocratiques situés plus à l’est ont cependant mieux résisté dans l’ensemble et les ducs d’Argyll, les ducs de Sutherland ou les comtes de Breadalbane ont traversé la crise des années 1815-1850 sans subir d’irrémédiables revers de fortune. Ils ont pu poursuivre le financement des auberges de leur domaine au-delà du milieu du XIXe siècle. Sur les évolutions économiques contrastées des différentes régions des Highlands dans la première moitié du XIXe siècle, voir Malcolm Gray, op. cit.
[67] La noblesse britannique n’est pas la seule à avoir effectué le Grand Tour mais son rôle a été central dans le lancement et la pérennisation de cette pratique. Elle est aussi la première à faire du thermalisme et des bains de mer une activité de loisir attractive. Voir Jeremy Black, op. cit. ; Phyllis Hembry, The English Spa, 1560-1815. A Social History, Londres, Athlone Press, 1990 ; John K. Walton, The English Seaside Resort. A Social History, 1750-1914, Leicester, Leicester University Press, 1983.
[68] Sur le topos de l’hospitalité de la noblesse écossaise, voir Daniel Roche, Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003.
[69] Tourist fait son apparition dans la langue anglaise en 1780, et tourism en 1811. Oxford English Dictionary, http://www.oed.com.