Les « états des crimes dignes de mort ou de peines afflictives » : une enquête pour contrôler l’activité des cours de justice au XVIIIe siècle

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Émilie Leromain

 


Résumé : Le 9 octobre 1733, le chancelier Henri-François d’Aguesseau adresse une circulaire à l’ensemble des intendants et des procureurs généraux du royaume afin que soient établis tous les six mois des « états des crimes dignes de mort ou de peines afflictives ». Il s’agit en recensant les crimes les plus graves de connaître l’activité des cours et de juger le service des officiers de justice. Le chancelier souhaite en effet «  ranimer […] par une attention constante et suivie le zèle et la vigilance de tous ceux qui doivent […] concourir » au bien de la justice. Réalisés jusqu’en 1790, les états des crimes doivent ainsi permettre de rappeler à l’ordre les officiers en charge des procédures qui sont jugées négligées voire même de les condamner à l’amende lorsqu’ils refusent de communiquer les informations nécessaires à l’établissement des états des crimes.


Emilie Leromain est contractuelle à Bibliothèque de Recherche Juridique de l’Université de Strasbourg. Ses recherches portent sur l’administration française au XVIIIe siècle – en particulier sur son usage des enquêtes – et sur la justice criminelle. Plusieurs de ces articles sont en cours de parution. Le dernier paru étant « Les « états des crimes dignes de mort ou de peines afflictives » : une source sur la criminalité et l’activité des juridictions dans tout le royaume au XVIIIe siècle» in Antoine FOLLAIN, Brutes ou braves gens ? La violence et sa mesure (XVIe-XVIIIe siècle), Strasbourg, PUS, 2015, pp. 175-223. L’article est tiré de sa thèse intitulée « Monarchie administrative et justice criminelle en France au XVIIIe siècle. Les états des crimes dignes de mort ou de peines afflictives (1733-1790) » réalisée sous la direction d’Antoine Follain, Université de Strasbourg 2017 (thèse de doctorat non publiée).

eleromain@unistra.fr


Introduction

Les « états des crimes dignes de mort ou de peines afflictives » sont le fruit d’une circulaire du chancelier Henri-François d’Aguesseau adressée le 9 octobre 1733 à l’ensemble des procureurs généraux et des intendants du royaume de France. Ils ont été réalisés jusqu’en 1790 et il en demeure aujourd’hui de nombreuses traces. En effet, même si les archives de la chancellerie qui centralisait l’ensemble de l’enquête ont presque entièrement disparu pendant la Révolution française, des registres en ont réchappé. Compilant les états des crimes par ressort de cours souveraines[1], ils sont aujourd’hui conservés aux Archives de la Préfecture de Police[2]. Les intendants ont également gardé dans leurs archives des brouillons ou des copies des états des crimes ainsi que la correspondance entretenue à ce sujet avec leurs subdélégués et les officiers de justice. Bien que les fonds conservés soient de taille inégale[3], ils nous permettent d’embrasser cette enquête de ses origines jusqu’à sa fin. Malgré un corpus impressionnant[4], les états des crimes n’ont fait l’objet que de peu d’études, ils constituent cependant une source importante sur la réalisation d’une enquête au XVIIIe siècle[5]. Ils permettent en effet de suivre la conception et le suivi d’un contrôle de l’activité des cours et des officiers de justice à l’échelle du royaume par la chancellerie. Peu d’enquêtes ont eu pour sujet l’institution judiciaire et il s’agissait alors plus de déterminer le crédit et la moralité des officiers que la qualité de leur service. Ce fut par exemple le cas en 1247 avec les enquêtes ordonnées par Louis XI pour recueillir les plaintes formées par ses sujets envers ses officiers de justice[6]. Ce n’est que dans les années 1660, qu’une enquête, initiée semble-t-il par Fouquet et rapidement reprise par Colbert, s’intéresse pour la première fois à la valeur des officiers, mais elle ne concerne que ceux des cours souveraines et cherche à connaître leur positionnement politique[7]. Les états des crimes constituent donc le cas unique d’une enquête au XVIIIe siècle menée en continu pendant soixante années sur l’ensemble du royaume de France et ayant pour objectif de contrôler la capacité des officiers de justice seigneuriaux et royaux à poursuivre les crimes les plus graves et à instruire rapidement les procédures. Nous verrons tout d’abord quels sont les enjeux de la mise en place d’un tel instrument et comment il est réalisé. Puis nous nous intéresserons aux moyens mis en œuvre pour améliorer d’une part le service des officiers de justice et pour d’autre part les enjoindre à participer à l’enquête qui les évalue. Enfin, nous nous interrogerons sur la qualité des informations fournis par les états des crimes.

La mise en place d’une enquête sur les crimes pour juger les officiers de justice

Un tableau noir de l’institution judiciaire et des officiers de justice

Les états des crimes s’inscrivent dans le programme de réforme de la justice entrepris par Henri-François d’Aguesseau. En effet, considérant que l’institution judiciaire est défaillante, le chancelier a l’intention de contrôler l’activité des cours et des officiers en recensant les crimes les plus graves. Il débute ainsi sa circulaire du 9 octobre 1733 par une critique de l’état de la justice criminelle :

« Il y a long-tems qu’il me vient de tous côtez, que la poursuite des crimes est plus négligée que jamais, dans la plûpart des provinces du roïaume. Et quoique j’excite souvent le zèle de Messieurs les procureurs généraux à réveiller l’attention & l’activité des oficiers inférieurs de leur ressort, dans une matière si importante, je vois néanmoins qu’il y a une […] négligence sur ce point, soit dans les justices des seigneurs ou même dans les sièges roïaux […]. Un grand nombre de crimes, & de crimes très-graves, demeurent sans poursuites ou du moins […] on les poursuit si foiblement, qu’il est rare d’en voir des exemples, & […] les plus grands excès se multiplient, par l’espérance de l’impunité. »[8]

L’idée que la justice est défaillante n’est pas nouvelle. Guillaume Joly de Fleury, procureur général au Parlement de Paris et collaborateur du chancelier d’Aguesseau l’avait déjà signalé dans un mémoire quelques années plus tôt[9]. En 1725, c’est d’ailleurs la lecture du mémoire de l’abbé Saint-Pierre pour diminuer le nombre des procès qui avait engagé d’Aguesseau à rédiger un court traité dans lequel il exprimait sa volonté de réformer l’institution judiciaire[10]. Pour lui, ce sont les officiers de justice indistinctement royaux ou seigneuriaux qui sont coupables de négligence et de laxisme. Cette critique ne touche d’ailleurs pas que les officiers inférieurs puisque le ministre reproche également aux procureurs généraux leur indolence[11].

Une autre enquête réalisée à la même période, mais uniquement en Languedoc, a également pour origine le sentiment d’une piètre qualité du service judiciaire. En effet, face au « defau d’expédition des procès dont les prevosts et leurs lieutenants ont été déclarés compétents et du long temps qu’ils laissent les accusés dans les prisons sans les juger »[12], le secrétaire d’Etat à la guerre, Nicolas-Prosper Bauyn d’Angervilliers, ordonne à l’intendant du Languedoc de dresser tous les trois mois des états des prisonniers de la maréchaussée. Il espère ainsi déterminer « s’il y a lenteur dans l’instruction [et si cela] vient ou de la négligence de ces officiers ou des difficultés qui peuvent les arrester pour être en état d’y pourvoir .»[13]

Si le chancelier insiste longuement dans sa circulaire sur les défaillances de la justice, il s’étend en revanche peu sur la manière dont les états des crimes doivent être réalisés.

Une circulaire peu détaillée

La circulaire du 9 octobre 1733 est très brève. Le chancelier d’Aguesseau y précise que les états des crimes doivent lui être envoyés par les procureurs généraux et les intendants. Il considère d’ailleurs ces derniers comme les plus à même de réaliser cette enquête : « […] comme vous estes à portée d’[…] estre ou plus promptement ou plus exactement informé qu’un procureur général qui est souvent fort éloigné du lieu où le crime a esté commis et que d’ailleurs deux surveillans sont toujours plus utiles qu’un seul […]. »[14]

Le chancelier compte en effet sur le fait que l’intendant soit l’autorité administrative provinciale la plus élevée pour que son enquête soit une réussite et soit exécutée conformément à ses ordres. Il s’appuie notamment sur les responsabilités de l’intendant en matière de maintien de l’ordre dans la province que ce soit dans les domaines militaire, économique, fiscal ou encore judiciaire. L’intendant est un homme de robe et il est ainsi particulièrement qualifié pour contrôler tout ce qui concerne l’exercice de la justice. Fort des attributions en cette matière, le chancelier ne doute pas qu’il aura à cœur d’exécuter son enquête mais aussi l’autorité et les moyens nécessaires à sa réussite comme il l’écrit dans la suite de sa circulaire : « votre zèle pour la justice et pour l’ordre public m’est trop connu pour n’estre pas persuadé de l’attention et de l’exactitude avec laquelle vous concourrés au succès de la mienne. »[15]

Les états doivent être dressés et envoyés tous les six mois (« dans le mois de janvier et dans le mois de juillet »), mais « s’il y a neantmoins des cas particuliers qui vous paroissent mériter que j’en sois instruit, sans attendre ce terme, vous prendrés […] la peine de m’en informer. »[16] Enfin, pour chaque crime recensé, il convient « […] de marquer […], s’il n’a point esté poursuivy ou s’il l’a esté et en ce cas, de quelle manière on la fait et en quel degré est la procédure commencée contre les accusez […]. »[17] Grâce à ce tableau de la justice criminelle, le chancelier entend ainsi « donner les ordres nécessaires pour le bien de la justice et ranimer, s’il se peut par une attention constante et suivie le zèle et la vigilance de tous ceux qui doivent y concourrir. »[18]

Il s’agit des seules consignes données par la chancellerie. Ce n’est que progressivement, au cours de l’enquête, que sont fournies des indications quant à la forme que doivent prendre les états des crimes et les autres informations qui doivent y figurer.

Une mise en forme progressive

La chancellerie ne s’intéresse que tardivement à la présentation des états des crimes. Dans un premier temps, les intendants sont laissés complètement libres de leur forme. Des états imprimés que les officiers de justice et les subdélégués n’ont plus qu’à remplir sont ainsi diffusés[19]. Ce n’est qu’en 1757, que le chancelier Lamoignon décide d’ « établir une uniformité dans la confection de ces sortes d’états […]. »[20] Pour ce faire, il adresse un modèle unique aux intendants[21]. Il s’agit d’un tableau à sept colonnes consacrées à la nature du délit, au nom des accusés, à la date des écrous, au nom des juridictions où se poursuivent les crimes, au nom des parties publiques ou civiles, à la date du dernier acte de la procédure et aux observations sur les crimes qui n’ont pas été poursuivis[22]. L’absence d’un modèle défini par la chancellerie avant 1757 fait que les états ont été présentés alternativement sous la forme de mémoires ou de tableaux. Les mémoires ont essentiellement été utilisés dans les premiers temps de l’enquête, mais les tableaux leur ont été rapidement préférés. En outre, l’instauration d’un modèle standard par la chancellerie n’a pas permis d’uniformiser les états des crimes et nous avons ainsi recensé pas moins de 197 types différents de tableaux utilisés durant toute l’enquête[23].

L’utilisation d’imprimés[24], si elle permet d’harmoniser dans une certaine mesure la production de l’information, permet aussi d’indiquer quelles données doivent figurer dans les états des crimes. En effet, celles-ci ne sont pas toujours précisément connues par les officiers de justice et les subdélégués. En 1760, l’avocat du roi de Carcassonne ignore ainsi s’il doit mentionner les anciennes procédures ou non et demande conseil au subdélégué[25]. Dans le Hainaut, pour les six premiers mois de 1772, lorsque le subdélégué d’Avesnes rend compte d’un coup de couteau dans une simple lettre[26], l’intendance lui envoie un tableau à remplir et lui précise toutes les informations auxquelles il devra se montrer attentif à l’avenir[27]. Deux jours plus tard, le subdélégué renvoie le tableau complété en indiquant combien celui-ci lui a été utile : « Le modèle d’état que vous m’avés fait la grâce de m’adresser m’a servy utilement et j’ay rectiffié par ce qu’il m’a procuré des lumières que je n’avois pas pour avoir des extraits. »[28]

Ces hésitations de la part des officiers de justice mais aussi des administrateurs tiennent au fait que la circulaire de 1733 est plutôt succincte sur ce qu’elle désire voir figurer dans les états des crimes. Ce n’est que progressivement, au fil des années, que les demandes se sont affinées et précisées. Afin de mesurer si les crimes sont correctement poursuivis ou non, des informations relatives aux délits, à l’accusé mais aussi à la peine, aux dates des écrous et du dernier acte de la procédure sont ainsi exigées[29]. La qualité des juges (seigneuriaux ou royaux) doit également être précisée afin de pouvoir déterminer, en cas de négligence, qui en porte la responsabilité. Tout retard doit être mentionné et les procédures doivent être rapportées dans les états jusqu’à ce qu’elles aient été parfaites et aient obtenu un jugement définitif[30]. Les crimes n’ayant pas été poursuivis doivent eux aussi être indiqués[31]. Enfin, en l’absence de crime, un certificat négatif doit obligatoirement être dressé[32].

Les informations exigées par la chancellerie ont pour but de connaître avec précision la durée des procédures afin de déceler celles qui connaissent des retards et les crimes dont les poursuites ont été négligées. Si cette surveillance permet de juger la qualité du service judiciaire, les moyens d’agir de la chancellerie contre les officiers de justice restent néanmoins limités et circonscrits.

Une surveillance précise, mais peu de sanctions

Le recours au procureur général

Afin de « donner les ordres nécessaires pour le bien de la justice et ranimer s’il se peut par une attention constante et suivie, le zèle et la vigilance de tous ceux qui doivent y concourir »[33], le chancelier d’Aguesseau souhaite examiner les états des crimes à la fin de chaque semestre mais aussi être informé immédiatement des cas particuliers. Il prévoit ainsi de donner des ordres au « vû de chaque article .»[34] Ce choix de traiter les affaires une par une a été effectivement suivi par d’Aguesseau mais aussi par ses successeurs durant toute la durée de l’enquête malgré la charge importante de travail que cela implique[35]. La chancellerie est ainsi particulièrement attentive à souligner le manque de précision de certains états des crimes et l’omission de renseignements capitaux comme les dates des différentes étapes de la procédure[36].

Si la chancellerie semble compter davantage sur les intendants pour mener l’enquête, en revanche, pour rappeler à l’ordre les juges coupables de lenteurs dans l’instruction des procédures, elle place sa confiance en le procureur général[37]. L’intendant est essentiellement chargé de l’aspect administratif des états des crimes. Il veille à leur bonne réalisation et à ce qu’ils soient correctement envoyés à la fin de chaque semestre. Il peut néanmoins intervenir lorsque les affaires retardées concernent la maréchaussée[38] sur laquelle le procureur général a perdu tout contrôle depuis la réforme de 1720[39].

Bien que le contenu des états des crimes soit attentivement examiné, la chancellerie n’a pas prévu de réprimer les « mauvais juges ». L’enquête ne pouvant se réaliser sans le concours des officiers des justices, elle souhaite ainsi les encourager à y participer. Malgré l’absence de sanction, certains refusent néanmoins de répondre à l’enquête et de mettre en avant les manquements éventuels dans l’exercice de leur charge. Face à ces officiers réticents, le chancelier Lamoignon décide d’agir.

Un système d’amende pour améliorer la réalisation de l’enquête

L’article 20 du titre X de l’Ordonnance de 1670 prévoyait déjà la mise à l’amende des procureurs qui refuseraient de transmettre au procureur général tous les six mois un état des écrous et recommandations faits dans leur siège[40]. Serpillon considère néanmoins qu’ « il n’y a pas d’article de l’Ordonnance plus mal exécuté que celui-ci […] »[41]. Les sanctions prévues n’ont donc, semble-t-il, jamais été appliquées. Un arrêt du Parlement de Flandres du 22 octobre 1738 insiste aussi sur la mise à l’amende des récalcitrants dans le cadre de la réalisation des états des crimes. À la seconde condamnation, l’officier pouvait être frappé d’interdiction pendant un an[42] mais nous n’avons trouvé aucun document prouvant que ces sanctions ont été mises en place. Ce n’est que le 29 février 1760, que le chancelier Lamoignon prend des mesures concrètes contre les officiers de justice qui refusent ou négligent de participer aux états des crimes. Il écrit ainsi à l’intendant d’Auvergne :

« La lettre que vous m’avés écrite le 28 du mois dernier renferme deux objets qui m’ont paru également importants. Le 1er concerne le refus qui a été fait à vos subdélégués par les procureurs fiscaux de plusieurs justices seigneuriales de fournir les éclaircissements qui avoient été demandés de ma part sur les délits commis dans l’étendue de leurs justices. Un pareil refus mérite punition, mais pour y parvenir il est nécessaire de le constater par des procès-verbaux de vos subdélégués sur le vu desquels j’aurai l’honneur de proposer à Sa Majesté de rendre un avis du Conseil par lequel les officiers réfractaires seront condamnés à une amende qui sera assez forte pour s’assurer de leur docilité à l’avenir. C’est la seule voie qui me paroisse être praticable contre les officiers des seigneurs. Il n’est pas possible de mettre en usage à leur égard celle qui a lieu pour faire rentrer dans leur devoir les juges royaux et qui consiste à les obliger à venir rendre compte de leur conduite. »[43]

Les officiers de justice visés par les mesures du chancelier sont les officiers seigneuriaux et essentiellement les procureurs fiscaux. En effet, de Lamoignon rappelle qu’en ce qui concerne les officiers royaux, il est en mesure de les obliger à rendre compte de leurs actes ce qui n’est pas le cas des officiers seigneuriaux nommés par un seigneur et révocables par lui seul. C’est du reste ce que rappelle en 1722 un arrêt du Parlement :

« Ce qu’on dit, que toutes les justices sont émanées du Roi n’est qu’une fausse subtilité ; il est vrai que les seigneurs particuliers ne la tiennent que du Roi ; mais la justice ne s’exerce pourtant pas au nom du Roi, elle ne s’exerce qu’au nom de seigneurs par des officiers des seigneurs, & non par des officiers du Roi, ce sont les seigneurs seuls qui donnent des provisions à leur volonté. Pourquoi il est naturel que les officiers des seigneurs dépendent des seigneurs seuls, & et que les seigneurs soient en état de veiller à leur conduite. »[44]

Le subdélégué de Saint-Flour, relayant les ordres de la chancellerie par une circulaire du 22 mai 1760[45] précise d’ailleurs aux officiers de sa circonscription que ce sont les procureurs fiscaux qui sont visés par la politique de répression de Lamoignon :

« Monsieur le chancelier s’étant apperçu qu’il restoit dans cette généralité d’Auvergne des crimes & délits impunis soit par la négligence des juges, soit par la crainte des seigneurs de fournir aux frais de procédure vient de donner les ordres convenables pour en être instruit. […] L’intention de M. le chancelier est de punir les procureurs fiscaux qui manqueront d’envoyer leurs états à la fin des mois de juin & décembre de chaque année ou un certificat négatif […] & [il] m’ordonne de dresser procès-verbal du refus ou du silence des procureurs fiscaux. »[46]

La première étape de la répression consiste, de la part des subdélégués, à produire un procès-verbal, que celui-ci soit particulier à chaque officier ou englobe la totalité des contrevenants de leur circonscription. Pour les six premiers mois de 1760, le subdélégué de Rochefort-Montagne constate ainsi que sur les dix-huit procureurs d’office que compte son département, seuls les sieurs Bertrand de la justice de Laqueuille (sept certificats négatifs fournis le 28 juin 1760) et Bruyere des justices de Tauves, de Saint-Gal à Avèze, de Singles et de Saint-Sauves (une lettre) ont répondu à l’enquête[47].

Les procès-verbaux[48] sont ensuite transmis par l’intendant tels quels ou réunis dans un procès-verbal global à la chancellerie. Pour le premier semestre de 1762, celui de la généralité de Riom recense pas moins de 101 officiers en infraction[49]. Ces procès-verbaux peuvent donner lieu à un arrêt du Conseil d’Etat, mais dans les faits, tous les officiers qui y sont cités ne sont pas systématiquement condamnés. En effet, le chancelier Lamoignon lui-même souhaite distinguer « ceux qui sont coupables de refus, de ceux qui ne [le] sont que de négligence », parce que : « […] les premiers méritent d’estre punis et les seconds peuvent rentrer dans leur devoir par les avis que vous leur ferés donner de nouveau. […] A l’égard des procureurs d’office auxquels on ne peut reprocher de la mauvaise volonté, mais seulement de la négligence, il me paroit à propos de les faire avertir de nouveau par vos subdélégués. »[50]

Une fois l’arrêt du Conseil d’Etat rendu et signifié, l’officier dispose de huit jours pour se mettre en règle sous peine d’être condamné à une amende. Celle-ci est assez élevée mais semble systématiquement modérée. En Auvergne, les cent livres fixées initialement sont ainsi à chaque fois réduites à trois livres, car « il a plu à Sa Majesté de modérer […] par grâce. »[51] Le montant de cent livres est conforme à plusieurs articles de l’Ordonnance de 1670[52]. En Bretagne, en revanche, les condamnations sont bien plus lourdes. Le procureur fiscal de Paimpont doit s’acquitter de trois cents livres[53] et ceux des subdélégations de Concarneau et de Tréguier sont même condamnés à mille livres avant que leur amende ne soit modérée en six livres[54]. Rien dans l’arrêt n’explique une telle différence, mais il semble que le comportement du procureur fiscal de Paimpont n’est pas étranger à cette sévérité : l’intendant de Bretagne considère en effet que « […] rien ne peut vaincre la résistance du S[ieu]r Gaultier […][et] que cet officier mérite par son opiniâtreté de servir d’exemple aux autres […]. »[55]

Alors que l’intendant de Bretagne préconise la diffusion des arrêts dans l’ensemble de la généralité afin de servir d’exemple, le chancelier est plus réservé à ce sujet, du moins dans le cas de la généralité d’Auvergne. Il écrit ainsi : « Il seroit peut-être à souhaiter que ces arrêts fussent imprimés, publiées et affichées mais j’ai des raisons pour vous prier qu’ils ne le soient pas. »[56] Pour l’intendance d’Auvergne, Viviane Genot émet l’hypothèse que les réponses des procureurs fiscaux ayant été peut-être plus nombreuses, en qualité et en quantité, que ce à quoi s’était attendu le chancelier, il aurait alors préféré ne pas rendre publiques les condamnations à l’amende afin de ne pas accroître la méfiance des officiers de justice. De plus, selon, elle, la publicité du laxisme des juges aurait sans doute encouragé les délinquants à commettre davantage de crimes[57]. Si en Auvergne, les arrêts n’ont effectivement pas été rendus publics, en Bretagne, en revanche, celui contre le sieur Gauthier est bel et bien diffusé[58] et des copies sont envoyées pour être affichées dans les subdélégations[59].

Même condamnés à l’amende, les officiers de justice ont la possibilité de s’en décharger en adressant une supplique à l’intendant. Le procureur fiscal de Saint-Illide invoque ainsi pour sa défense un déplacement qui l’a mis dans l’incapacité de rendre son certificat[60]. Les subdélégués peuvent donner un avis sur les arguments avancés par les officiers condamnés. En 1762, celui d’Aurillac prend notamment la défense du procureur fiscal de Marmanhac : « […] aiant eu le malheur de se casser une jambe et n’étant point en estat de continuer ses fonctions, les seig[neur]s haus justiciers de la parroisse en nommèrent un autre à sa place qui est venu décéder et à présent c’est le nommé De Custon qui est pourvu de cet emploi. »[61]

Même quand le délai de huit jours est dépassé, les officiers ont donc toujours la possibilité d’échapper à l’amende qui leur avait été appliquée, s’ils présentent le document exigé ou si leurs excuses sont jugées solides. Le chancelier Lamoignon informe d’ailleurs lui-même l’intendant lorsqu’il décide d’excuser un officier[62].

Seuls les officiers de justice sont concernés par des sanctions financières. Les administrateurs étant révocables, les subdélégués par l’intendant et celui-ci par le roi, la chancellerie n’a pas craint, semble-t-il, une désobéissance de leur part et a considéré que les difficultés rencontrées dans la réalisation des états des crimes étaient uniquement de la responsabilité des détenteurs d’offices. Cependant, ce système d’amende n’a été appliqué que peu de temps puisque, d’après nos recherches, aucune procédure en ce sens n’a été faite après 1763[63]. La répression semble donc prendre fin avec la mise à l’écart du chancelier Lamoignon[64]. Les amendes n’ont en tout cas pas eu l’effet dissuasif voulu puisque nous constatons que certaines juridictions, comme celle de Bansat[65], apparaissent régulièrement dans les procès-verbaux.

La production de faux états des crimes ou de faux certificats est également réprimée lorsqu’elle est démasquée. C’est d’ailleurs cela, plus que le fait d’avoir négligé de poursuivre les crimes qui est reproché au procureur fiscal de Thynières en 1760 :

« Le Roy étant informé que quoiqu’il eut été commis des crimes dignes de mort ou de peines afflictives dans l’étendue de la jurisdiction de Thinières subdélégation de Bort, généralité d’Auvergne, le procureur fiscal de lad[ite] justice auroit non seulement affecté de ne pas poursuivre les délinquants mais il auroit même remis au subdélégué du sieur intendant […] un certificat portant qu’il n’avoit été commis aucun délit dans l’étendue de laditte justice pendant les six premiers mois de la présente année et […] une prévarication si marquée a paru à Sa Majesté mériter punition […]. »[66]

Si des amendes sont prises à l’encontre de ceux qui refusent de répondre à l’enquête, aucune sanction financière – d’après la correspondance – n’est envisagée contre ceux qui sont coupables de négligence dans la poursuite des crimes ou d’avoir sciemment retardé l’instruction des procès. En agissant de la sorte, la chancellerie a peut-être souhaité éviter de braquer davantage des officiers de justice déjà peu enclins à communiquer sur les affaires criminelles ainsi que la multiplication de faux états des crimes destinés à camoufler les négligences dans l’exercice de leur charge. La participation à l’enquête et la production de documents véritables paraissent être plus importantes aux yeux de la chancellerie que la qualité de l’exercice de la justice. Il semble ainsi que ce soit l’attachement et l’obéissance des officiers de justice aux ordres de l’administration qui soient véritablement évalués. L’exactitude à poursuivre les crimes et à instruire rapidement les procédures ne serait alors plus qu’un prétexte. En effet, bien que la chancellerie a toujours examiné avec exactitude les états qui lui étaient transmis et relevé les négligences des officiers dans l’exercice de leur charge, le manque de sanction concrète envers les « mauvais » juges qui sont simplement rappelés à l’ordre, semble corroborer cette hypothèse.

Comme le prouve l’exemple du procureur fiscal de Thynières, les états des crimes ou les certificats dressés par les officiers de justice ne sont pas toujours exacts et les informations qu’ils recèlent sur la criminalité sont donc à manier avec précaution.

Des informations sur la criminalité à manier avec précaution

Les états des crimes ont pour but de contrôler l’activité des cours et la qualité de service des officiers de justice, mais en s’appuyant sur ces derniers pour obtenir les informations nécessaires à cette évaluation, ils s’exposent à ne pas toujours être exacts.

Des états des crimes mal dressés

Les états des crimes ne sont pas toujours dressés exactement. Plusieurs omettent des renseignements concernant les accusés ou les procédures. En 1760, dans une circulaire adressée à l’ensemble de ses subdélégués, l’intendant de Bretagne exprime d’ailleurs son mécontentement sur le contenu des états des crimes qui lui sont transmis :

« L’examen que j’ai fait des derniers états qui me sont parvenus, m’a présenté bien des inattentions & des erreurs. J’ai vu pour les écroues des accusés, des dates différentes de celles portées sur les mêmes articles dans les précédens états ; & pour le dernier acte de la procédure, une date antérieure à celle qui avoit été donnée sur ces états précédemment fournis. J’ai aperçu aussi des changemens de nom : & malgré la précaution que j’ai eue de prévenir mes subdélégués, qu’aucun article ne devoit disparoître de leurs Etats, que lorsqu’ils auroient enfin annoncé le jugement définitif, je me suis trouvé, à l’égard de plusieurs d’entr’eux, dans la nécessité de relever les omissions qu’ils avoient faites de quelques affaires non terminées : elles doivent être rapellées soigneusement sur chaque état & toujours dans le même ordre qu’elles ont été employées sur l’état précédent, jusqu’à ce qu’elles soient totalement finies. »[67]

La principale crainte de la chancellerie est que l’existence de certains crimes lui soit cachée et que les états des crimes offrent donc une vision tronquée de la criminalité. En effet, régulièrement, la chancellerie considère que les états recensent trop peu de crimes. Ainsi, pour les six derniers mois de 1760, le chancelier Lamoignon ne cache pas ses doutes quant à l’exactitude de l’état des crimes de la généralité de Rouen : « J’ai reçu l’état que vous m’avés envoyé […] ; le nombre m’en a paru petit à proportion de l’étendue de la province. Il ne serait pas impossible qu’il y en eût d’obmis dans les mémoires que vos subdélégués vous ont envoyés. »[68]

Il n’est en effet pas rare que des crimes ou des procès soient absents des états des crimes. En 1741, le chancelier d’Aguesseau fait par exemple remarquer à l’intendant de Rouen :

« J’ai reçu l’état que vous m’avez envoyé des crimes dignes de mort ou de peines afflictives qui ont été commis dans la généralité de Rouen pendant les six derniers mois de l’année 1740, et par l’examen que j’en ai fait, il m’a paru que vous n’aviés pas été informé de tous ceux [les crimes] qui ont été commis. Plusieurs accusations qui ont été poursuivies pendant ce temps à Caudebec et à Pont-Audemer ne sont pas comprises dans votre état. »[69]

De tels exemples attestent que la chancellerie étudie de près les états qui lui sont adressés, puisqu’elle est capable de repérer les anomalies en croisant les résultats obtenus.

Des informations volontairement omises

Les administrateurs considèrent souvent que les officiers omettent volontairement des informations afin de complaire à leur seigneur ou pour masquer leurs éventuelles négligences. Dans l’état des crimes du second semestre de 1757 de l’intendance de Bretagne, il est ainsi précisé pour la subdélégation de Rennes :

« Le subdélégué observe qu’il a écrit au greffier criminel du présidial de Rennes pour avoir les éclaircissemens nécessaires sur la poursuite des crimes. Qu’indépendamment de sa lettre, il a envoïé au moins dix fois les lui demander ; que cet officier a toujours quelques raisons pour s’excuser ; qu’il y a aparence qu’il ne veut pas les donner et qu’il a même des ordres du juge criminel de ne pas le faire. Présomption d’autant mieux fondée que le Parlement a décrété ce juge d’ajournement pour rendre compte de sa conduite et de sa nonchalance dans la poursuite des affaires. »[70]

Dans l’état des crimes des six derniers mois de 1758, il est même précisé pour cette province que ce sont les seigneurs qui sont à l’origine du refus d’information, interdisant à leurs officiers de communiquer aux administrateurs l’avancée des procédures entreprises[71].

Au cours de l’année 1770, la possibilité d’abandonner la poursuite d’affaires criminelles au profit des cours royales est accordée aux seigneurs. L’édit de février 1771 ou de mars 1772 permettent aussi de décharger le seigneur des frais de la justice criminelle[72] qui peuvent s’élever à des sommes conséquentes, puisque les crimes concernés par l’enquête doivent être poursuivis même si aucune partie civile ne s’est présentée. L’édit vise à améliorer l’administration de la justice criminelle en prévoyant que les frais resteront à la charge du seigneur si les juges royaux en concurrence avec les siens, se sont saisis en premier de l’affaire (article 1). Dans le cas inverse, il en est dispensé, mais uniquement si ses juges renvoient l’affaire devant un juge royal[73]. En outre, un règlement du Parlement de Rouen du 17 mars 1768 précise que si les juges des seigneurs négligent de poursuivre les crimes, c’est aux officiers royaux de prendre le relais, mais en imposant les frais de procédure aux seigneurs[74]. L’application de l’édit de 1771 apparaît concrètement dans nos sources puisque des procès commencés au bailliage de Magny, sont renvoyés devant la justice de La Roche Guyon « en exécution de l’art. XIV de l’édit du roi du mois de février 1771. »[75] Cette disposition ne prive pas les seigneurs de leur titre de « hauts justiciers », mais concrètement, après 1772, leur justice cesse de condamner les criminels et se contente de faire les premiers actes de l’instruction[76]. La réforme de la justice du chancelier Lamoignon de 1788 parachève cette évolution en leur retirant toute connaissance des procédures criminelles[77]. Cette politique vise à mieux contrôler l’exercice de la justice criminelle. Celle-ci engrangeant des frais importants, nombreux sont les seigneurs qui omettent de poursuivre les criminels même lorsque ceux-ci sont notoirement connus. Elle assure de plus, un droit de regard de l’Etat sur le service d’officiers qui jusqu’à présent lui échappaient car placés sous l’autorité unique du seigneur qui les avaient nommés et qu’ils servaient. La mise en place d’un système d’amende pour sanctionner les officiers qui refusaient ou omettaient de répondre à l’enquête participe également à cette volonté d’accroître le contrôle de l’Etat sur la justice seigneuriale. Le chancelier de Lamoignon reconnaissait d’ailleurs dans sa lettre explicative à l’intendant d’Auvergne qu’il ne disposait pas envers eux des leviers de pression qu’il pouvait exercer sur les officiers royaux. Le Parlement de Dijon n’avait pas attendu ces mesures pour accroître son contrôle sur les justices seigneuriales. Ainsi, le 19 février 1766, il réédite un ancien arrêt général qui prévoit que les juges seigneuriaux doivent prêter serment devant un juge royal et être inscrits au bailliage. Cet arrêt met également en évidence que les juges sont des serviteurs du roi avant d’être ceux des seigneurs[78].

Après 1772, nous constatons que les officiers seigneuriaux prennent l’habitude de renvoyer les affaires criminelles devant les cours royales. Dans la subdélégation Bavay, dès les six premiers mois de 1772, deux des trois procès débutés par des justices seigneuriales sont continuées par le procureur du roi de Bavay. Les nombreux exemples de renvois de justices seigneuriales dans nos sources sont révélateurs du succès de ces mesures. Dans l’état des crimes du bailliage de Gray pour le dernier semestre de 1785, sur les vingt-six affaires rapportées, vingt ont été commencées par des justices seigneuriales avant d’être renvoyées devant un juge royal[79]. En 1786, dans le Bas-Vivarais, le subdélégué témoigne que la majorité des procédures criminelles sont désormais jugées par les deux cours royales de son département (la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg et le bailliage de Marvejols) :

« L’édit de 1772 permettant aux seigneurs hauts justiciers du Vivarai, après la plainte, information & décret de faire transférer les prévenus dans les prisons des deux sénéchaussées qui y sont établies. Les officiers royaux de ces jurisdictions devant continuer les poursuites, lesd[its] seigneurs ne manquent jamais de profiter de cette faveur en sorte que tous les crimes graves sont poursuivis par les procureurs du roy auxdites justices. »[80]

Quatre des cinq procès rapportés dans son état des crimes ont ainsi été initiés par des justices seigneuriales avant d’être transférés à la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg[81].

Pourtant, malgré la possibilité de renvoyer les affaires aux sièges royaux, certains officiers seigneuriaux continuent à négliger la poursuite de certains crimes afin d’éviter les frais causés par le commencement de la procédure. C’est ce que rapporte en 1788, le subdélégué d’Uzès à l’intendant du Languedoc :

« […] quand M. M. les officiers seigneuriaux n’ont pas de partie civile, les délits les plus graves ne sont pas capables d’exciter leur zèle, ils craindroint de se compromettre et d’imposer les seigneurs à des fraix qu’ils sont fort aisé de leur gagner. Voilà pourquoy j’ignore souvent les crimes qui se commettent dans l’étendue de ma subdélégation, il seroit bon cepandant que je fusse instruit avec exactitude afin de pouvoir aux époques prescrites avoir l’honneur de vous rendre le compte fidèle que vous attendés de moy. »[82]

La question des frais de justice n’est pas seulement importante dans les justices seigneuriales, mais aussi dans les juridictions royales où souvent le procureur du roi est chargé d’avancer les dépenses sans que celles-ci lui soient toujours remboursées rapidement. C’est ce que déplore notamment le procureur du roi de Castelnaudary en 1759 :

« J’eus l’honneur de vous écrire il y a quelque tems qu’ayant reçu vos ord[onnan]ces pour le rembourcement du pain et des états des frais que j’avois avancés au sujet de la procédure qui feut instruitte à ma requette contre Pierre et Guilh[aum]e Rolland frères. Je les présentai au commis du domaine qui les acquittoit sans difficulté. Aujourd’huy il m’a dit que l’ambulant[83] luy a deffendu de les acquitter sans un ordre exprès de M[onsieu]r de la Loge directeur à Toulouse[84]. Il est facheus pour moy d’avoir debourcé cette somme depuis long tems sans en pouvoir avoir mon rembourcement. J’attends de votre bonté ordinaire, des ordres pour mettre à la raison ces fermiers ou commis. »[85]

La difficulté à se faire rembourser les frais engagés dans les procédures criminelles pourrait donc aussi être une cause de dissimulation des crimes par les officiers royaux. Outre les frais de la procédure, l’absence des documents nécessaires[86], la vacance des charges qui laissent des juridictions sans le moindre officier[87], la taille des ressorts[88], voire même la crainte des criminels sont autant de facteurs pouvant affecter la justesse des états des crimes dressés.

C’est cette dernière situation que connaît particulièrement le Vivarais. En 1738, le lieutenant de la maréchaussée écrit ainsi :

« Depuis le 1er 7bre j’ai arrêté en différents lieux plus de 20 particuliers dans le nombre des quels il y a plusieurs accusés de vols, assassinats sur le grand chemin et autres crimes qu’ils ont commis pandent 10 à 12 ans, de magniere que par la terreur qu’eux et leurs complices avoint rependue dans ces cantons, on n’osoit se plaindre de leurs violences et excès et les marchands se determinoint plus tot à abandonner leur commerce que d’en porter leurs plaintes aux juges des lieux dont l’injustice est manifeste et leur prévarication presque générale. J’ose même assurer, Monsieur, qu’ils vendent publiquement la justice. […] j’aurai l’honneur de vous rendre compte des preuves incontestables que j’ai à l’égard des prévarications des officiers ord[inai]res et j’ose me flatter que vous aurés lieu d’être content de mon zèle pour le service du roy et la sureté publique. »[89]

Le refus des habitants de dénoncer les crimes et les criminels connus, est motivé par la peur de représailles qu’elles soient d’ordre physique ou économique. En effet, les criminels par leur statut social (notables, seigneurs), ou par leur nombre et leur association peuvent exercer de véritables pressions sur les particuliers[90]. En outre, ils jouissent parfois du soutien même des officiers de justice comme le dénonce le lieutenant de la maréchaussée du Vivarais. Pour régler le problème une chambre de justice est mise en place à la demande du maréchal des camps et armées du Roi commandant en Vivarais et Velay dans l’intendance du Languedoc, M. de la Devèze. Néanmoins, cette chambre, contrairement à d’autres qui ont été précédemment mises en place[91], n’a pas permis de résoudre complètement le problème[92]. De nouveau grands jours seront tenus en 1764.

S’ils sont parfois complices des criminels, les officiers de justice peuvent également être l’objet d’intimidation qui les pousse à garder le silence. En Bas-Vivarais où le subdélégué ne cesse de dénoncer une criminalité d’autant plus importante qu’impunie[93], il est également question des menaces dont sont victimes les officiers de justice. Le subdélégué écrit ainsi dans son état des crimes des six derniers mois de 1765 :

« Il y a bon nombre d’autres crimes qui ne sont point compris au présent état attendu qu’il n’a pas été possible d’en avoir une connoissance exacte. La terreur répandue par les assassins et les bandits dont le pays est affligé fait que les habitants n’osent pas déclarer les crimes et même que les ministres de la justice n’osent presque pas procéder, ni les greffiers donner connoissance des procédures commencées. L’impunité enhardit les coupables qui s’attroupent avec armes et interrompent le commerce par le peu de sûreté dans la plupart des chemins, rançonnent et assassinent même quelque fois les habitants dans leurs propres maisons. Rien n’est plus nécessaire que de remédier au mal par l’autorité souveraine. »[94]

Certains de ces criminels, soutenus par leur famille et parfois la communauté ou encouragés par la peur qu’ils inspirent, continuent ainsi à résider chez eux sans être inquiétés par la justice.

D’après les lettres et états des crimes, le Haut-Vivarais ne semble pas être dans une situation similaire, même si d’autres problèmes handicapent la formation des états des crimes[95]. Le peu de crimes recensés dans le Vivarais s’explique par le fait que ce pays, à l’instar du Gévaudan appartient à l’immense sénéchaussée de Nîmes qui englobe cinq diocèses mais ne dispose que de vingt-huit officiers[96]. Ils sont trop peu nombreux pour veiller à la poursuite des crimes et ceux des seigneurs[97] sont découragés par le coût et la longueur des transferts des prisonniers à Nîmes et à Toulouse[98]. Si bien que Nicole Castan écrit à propos du Languedoc oriental qu’ici « l’impunité atteint son paroxysme ». Elle considère d’ailleurs que les nombreuses mentions indiquant qu’aucun crime n’a été commis dans les ressorts de juridiction notoirement « dangereux »[99], comme Montauban, Narbonne, Saint-Pons[100] ou encore Rieux et Mende sont fausses. Face à cette situation, l’Etat royal intervient par un édit d’avril 1767 pris suite aux résultats de la commission d’enquête menée par M. de Paraza de Cantalauze et M. de Raffin, conseillers au Parlement de Toulouse et nommés par lettres patentes du roi le 11 septembre 1766[101].

Le recours à d’autres sources d’information

Les subdélégués pour vérifier les données fournies par les officiers de justice peuvent être amenés à faire des recherches de leur côté. Le subdélégué de Cambrai affirme ainsi plusieurs fois avoir fait « une exacte recherche » pour constituer son état des crimes[102]. Les intendants les encouragent d’ailleurs à multiplier et à croiser les sources d’informations. Comme le rapporte la circulaire d’un subdélégué, l’intendant d’Auvergne conseille ainsi de ne pas compter uniquement sur les informations fournies par les officiers de justice pour former les états des crimes :

« M. l’intendant ayant esté informé qu’il y avoit quantité de crimes impunis dans cette province dont les autheurs se montroient avec tranquillité dans leurs domicilles et ayant vu avec peine qu’il n’estoit fait aucune mention dans les états de ses subdélégués qu’ils doivent donner de six mois en six mois manquant dans ce point d’exactitude, il m’a ordonné […] d’écrire à tous les juges de cette subdélégation et de leur faire fournir des états des crimes et délits qui peuvent avoir esté commis dans leurs justices sur lesquels je puisse former celuy que je suis obligé de luy envoyé à la fin de ce mois et sans m’en raporter entièrement à ces états dans le cas qu’ils ne fussent point sincères, il m’exhorte à donner tous mes soins pour découvrir par d’autres voyes tous les coupables qui peuvent se trouver dans cette subdélégation contre lesquels M[essieu]rs les officiers de justice ne font aucune poursuitte ou dont les procès peuvent estre celés pour les comprendre dans mon état […]. »[103]

Le subdélégué de Mauriac assure quant à lui que, s’il a écrit aux juges de son département, « cette precausion ne [l]e dispensera pas de celle de prendre des informations d’ailleurs sur l’impoursuite des crimes dont les autheurs peuvent se montrer dans leurs domicilles. »[104] Et en effet, lors de l’envoi de son état des crimes pour le second semestre de 1759, il précise qu’il s’est adressé aux curés des paroisses pour confirmer les informations fournies par les officiers de justice[105]. En Bretagne, l’intendant enjoint également à ses subdélégués de recourir aux recteurs qui « ne refuseront pas de [leur] […] donner connoissances des crimes commis dans leurs paroisses, chacun de son côté. »[106]

Les curés sont en effet des piliers incontournables de la société et c’est par eux que transitent un bon nombre d’informations. Dans le cadre de la justice, ils sont par exemple chargés de lire lors de la messe les monitoires pour trouver d’éventuels témoins des crimes dont les auteurs sont inconnus. Ils interviennent aussi dans différentes collectes d’informations concernant la criminalité. En 1723, la circulaire du contrôleur général des finances, Dodun, « sur les moyens de découvrir les voleurs et coupables dans chaque parroisse et pourvoir à la sureté publique dans le royaume »[107] demande ainsi aux syndics des paroisses de dresser tous les mois « un compte exact de tous les délits, vols, assassinats et autres crimes qui viendroient à leur connoissance »[108] qui doit être certifié par le curé avant d’être transmis à l’intendant.

Malgré le recours à d’autres sources, certains subdélégués préfèrent ne pas assurer que les informations transmises par les officiers de justice sont exactes, afin de se décharger d’éventuels reproches. En Bretagne, le subdélégué d’Hennebont, lorsqu’il transmet son état des crimes pour les six premiers mois de 1786, prévient ainsi d’emblée l’intendant : « J’ai crû devoir ne pas vous le [l’état des crimes] certifier véritable, estant à ma connoissance qu’il ne contient pas le nom de tous les détenus pour crime dans les prisons de cette ville ; ne voulans pas mériter des reproches de votre part n’y me trouver dans le cas de m’en faire moy même. »[109] En effet, si le subdélégué a bien signé l’état des crimes en y mentionnant la date d’envoi, il n’en a pas certifié le caractère véritable comme il en est l’usage[110].

Conclusion

Par leur longévité – près de 60 ans – les états des crimes constituent une source précieuse sur le fonctionnement d’une enquête ordonnée par l’administration royale au XVIIIe siècle. Les nombreux documents conservés mettent en évidence la manière dont ils ont été mis en place et utilisés. Le chancelier d’Aguesseau les a conçus pour contrôler l’activité des cours et déceler les foyers où l’instruction des procédures était retardée. Les officiers de justice coupables de ces négligences n’ont néanmoins jamais été sanctionnés : la chancellerie s’est toujours bornée à les rappeler à l’ordre par le biais du procureur général dont ils dépendaient. En revanche, les atteintes au déroulement l’enquête, notamment en refusant de transmettre les états des crimes, ont fait l’objet d’une répression, même si, d’après nos sources, elle semble avoir été limitée dans le temps et n’avoir été menée qu’en Auvergne et en Bretagne. Les états des crimes n’ont pas été réalisés et pensés pour obtenir des informations sur la criminalité puisqu’il s’agit avant tout de contrôler la qualité du service des officiers de justice. Néanmoins, ils sont une source précieuse sur le crime et sa répression au XVIIIe siècle même s’il convient de les considérer avec circonspection : les critiques sur l’exactitude des états des crimes sont fréquentes et ils ne sauraient refléter une vision de la criminalité que telle que les officiers de justice et les administrateurs ont bien voulu la transmettre.

 

Bibliographie

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Francis, Monnier, Le chancelier d’Aguesseau : sa conduite et ses idées politiques et son influence sur le mouvement des esprits pendant la première moitié du XVIIIe siècle avec des documents nouveaux et plusieurs ouvrages inédits du chancelier, Paris, Chez Didier et Cie, 1859, p. 322

François Serpillon, Code criminel ou commentaire sur l’Ordonnance de 1670, Lyon, Chez les frères Périsse, 1767, vol. 1-2, 893 p.

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[1] Un registre est néanmoins consacré au Magistrat de la ville de Strasbourg qui avait gardé le privilège de juger au criminel sans appel au Conseil Souverain de Colmar.

[2] Le Pré-Saint-Gervais, Arch. Préf. Police, AB.407 à AB.431

[3] Par exemple, les documents conservés pour l’intendance du Languedoc (3343 pièces) couvrent toute la période de l’enquête alors que pour l’intendance de Tours seuls dix pièces ont été conservés. De même, alors que le registre du Conseil Supérieur de Corse a conservé presque l’intégralité des documents produits depuis le rattachement de l’île à la France en 1769 (il y a quelques lacunes entre 1771 et 1781), pour le Parlement de Provence, seuls les états des crimes d’octobre 1768 à juin 1771 ont été préservés. Montpellier, AD Hérault, C.1569 à 1591 ; Tours, AD Indre-et-Loire, C.400 ; Le Pré-Saint-Gervais, Arch. Préf. Police, AB.407, Parlement d’Aix, 213 f. et AB.415, Conseil Supérieur de Corse, 340 f.

[4] Nous avons recensé 5 416 feuillets pour les Archives de la Préfecture de Police et au moins 9 800 pièces pour l’ensemble des dépôts d’Archives départementales concernés (Le corpus d’Orléans, aujourd’hui disparu, représentait 119 pièces. Nous n’avons pas inclus non plus les documents relatifs de l’intendance du Hainaut car le volume des cotes n’est pas précisé. Néanmoins, nous l’estimons à plus de 1000 pièces).

[5] Avant notre thèse, Monarchie administrative et justice criminelle en France au XVIIIe siècle. Les « états des crimes dignes de mort ou de peines afflictives » (1733-1790) sous la direction d’A. Follain soutenue en juin 2017 à l’Université de Strasbourg, aucun travail n’avait pris en compte l’ensemble de ce corpus. Pour connaître l’ensemble des études traitant des états des crimes, nous renvoyons à l’introduction de notre thèse.

[6] Son frère Alfonse de Poitiers fit de même à partir de 1249 sur ses propres terres. Ces enquêtes donnent lieu à la Grande Ordonnance de 1254 et dans les terres du frère du roi à des ordonnances de réformation dans le Quercy, l’Agenais et le comté de Toulouse entre mars et avril 1254. Louis Carolus-Barré, « La Grande Ordonnance de Réformation de 1254 » in Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 117e année, n°1, 1973, p. 181-186.

[7] Gauthier Aubert, « L’enquête de Colbert sur les magistrats : une source pour connaître les « hommes du roi » dans les Parlements ? » in Caroline Le Mao (dir.), Hommes et gens du roi dans les Parlements de France à l’époque moderne, Pessac, MSHA, 2011, p. 17-28.

[8] Dijon, AD Côte-d’Or, C.396, Circulaire du chancelier d’Aguesseau – 9.10.1733.

[9] Paris, BnF, fonds Joly de Fleury, n°2199, fol. 38-88. Hervé Piant, « État de justice, État de finance : à propos d’un mémoire du procureur général Joly de Fleury sur les frais de justice en matière criminelle » in Benoît Garnot (dir.), Les juristes et l’argent. Le coût de la justice et l’argent des juges du XIVe au XIXe siècle, Dijon, EUD, 2005, p. 39-49 (ici p. 39-40)

[10] Francis, Monnier, Le chancelier d’Aguesseau : sa conduite et ses idées politiques et son influence sur le mouvement des esprits pendant la première moitié du XVIIIe siècle avec des documents nouveaux et plusieurs ouvrages inédits du chancelier, Paris, Chez Didier et Cie, 1859, p. 322.

[11] Dijon, AD Côte-d’Or, C.396, Circulaire du chancelier d’Aguesseau – 9.10.1733.

[12] Montpellier, AD Hérault, C.1569, Lettre du secrétaire d’Etat à la guerre à l’intendant de Montpellier – 17.12.1732

[13] Id.

Les états des prisonniers sont réalisés au moins jusqu’au quartier de juillet 1767. Proches des états des crimes, ils sont souvent confondus avec eux par les officiers de justice. Ils sont d’ailleurs parfois envoyés en même temps, même si les états des crimes recensent également les procédures instruites par la maréchaussée.

[14] Dijon, AD Côte-d’Or, C.396, Circulaire du chancelier d’Aguesseau – 9.10.1733.

[15] Id.

[16] Id.

[17] Id.

[18] Id.

[19] Exemple : En juillet 1754, l’intendant de Perpignan pour « faciliter [la] […] besogne » des officiers de justice, leur adresse « un modelle [d’un] état en colonnes » auquel ils devront se conformer pour leurs prochains envois. Perpignan, AD Pyrénées-Orientales, 1C.1268, Lettre de l’intendant à ses subdélégués et aux viguiers – 1.07.1754.

[20] Perpignan, AD Pyrénées-Orientales, 1C.1269, Lettre : accusé de l’état des crimes de l’intendance du Roussillon pour les 6 derniers mois de 1757 – 15.04.1758.

[21] Des traces de cet envoi ont été conservées. Aix-en-Provence, AD Bouches-du-Rhône, C.3521, Lettre : le chancelier à l’intendant – 7. 12.1757 ; Lille, AD Nord, C.9668, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de l’intendance du Hainaut pour les 6 derniers mois de 1757 – 3.03.1758 ; Alençon, AD Orne, C.757, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de la généralité d’Alençon pour les 6 derniers mois de 1757 – 3.03.1758 ; Perpignan, AD Pyrénées-Orientales, 1C.1269, Lettre : accusé de l’état des crimes de l’intendance du Roussillon pour les 6 derniers mois de 1757 – 15.04.1758.

[22] Perpignan, AD Pyrénées-Orientales, 1C.1269, Etat des crimes de l’intendance du Roussillon et du pays de Foix pour les 6 derniers mois de 1757.

[23] Parmi ces 197 modèles, 16 sont imprimés et 181 manuscrits.

[24] L’utilisation d’imprimés lors d’enquêtes n’est pas une spécificité des états des crimes, mais une pratique courante de l’administration. Ils sont régulièrement utilisés pour d’autres enquêtes comme par exemple pour les états des récoltes dressés au moins depuis 1723 et qui ont été réalisés jusqu’à la Révolution. Bertrand Gille, Les sources statistiques de l’histoire de France, des enquêtes du XVIIe siècle à 1879, Genève, Droz, 1980, p. 82-86 ; Camille-Ernest, Labrousse, La crise de l’économie française à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution, Paris, PUF, 1943, p. 62-97.

[25] Montpellier, AD. Hérault, C.1584, Lettre : envoi de l’état des crimes de la justice de Carcassonne pour les 6 derniers mois de 1760 – 3.01.1760.

[26] Lille, AD Nord, C.9537, Lettre : un crime commis dans la subdélégation d’Avesnes pour les 6 premiers mois de 1772 – 5.07.1772.

[27] Lille, AD Nord, C.9537, Lettre de l’intendance au subdélégué d’Avesnes pour les 6 premiers mois de 1772 – 16.07.1772.

[28] Lille, AD Nord, C.9537, Lettre : envoi de l’état des crimes de la subdélégation d’Avesnes pour les 6 premiers mois de 1772

[29] En 1739, le chancelier d’Aguesseau demande que la date des crimes ainsi que celles des dernières procédures réalisées soient indiquées. La distinction entre les affaires jugées en premier ou en dernier ressort doit aussi être faite. Montpellier, AD Hérault, C.1570, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de l’intendance du Languedoc pour les 6 derniers mois de 1738 – 21.05.1739.

En Auvergne, l’intendant demande par exemple des informations très détaillées : la date du délit, le lieu où il a été commis, la demeure et le nom de l’accusé, le ou les victimes et enfin le détail, date par date, des poursuites et des actes de la procédure réalisés. Cela tient notamment au fait que beaucoup de crimes semblent rester impunis dans cette généralité. Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1552, Lettre du subdélégué d’Aurillac à l’intendant – 7.01.1760 ; Copie de la circulaire du subdélégué de Lempdes aux juges de son département – 18.12.1759.

[30] Exemples : Lille, AD Nord, C.9573, Lettre : l’intendant à ses subdélégués – 4.01.1744 ; C.11135, Lettre de l’intendant à ses subdélégués – 4.07.1778

[31] Perpignan, AD Pyrénées-Orientales, 1C.1267, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de la généralité de Perpignan pour les 6 premiers mois de 1738 – 19.09.1738.

[32] Rennes, AD Ille-et-Vilaine, C.137, Circulaire de l’intendant de Bretagne – 4.05.1760.

[33] Dijon, AD Côte-d’Or, C.396, Circulaire du chancelier d’Aguesseau – 9.10.1733.

[34] Id.

[35] Exemples : Rouen, AD Seine-Maritime, C.950, Lettre d’accusé de réception de l’état des crimes de la généralité de Rouen pour les 6 premiers mois de 1741 – 1.08.1741 ; Châlons-en-Champagne, AD Marne, C.1786, Lettre d’accusé de réception de l’état des crimes de la généralité de Châlons pour les 6 derniers mois de 1762 – 22.02.1763 ; Alençon, AD Orne, C.764, Lettre d’accusé de réception de l’état des crimes de la généralité d’Alençon pour les 6 premiers mois de 1771 – 13.08.1771 ; Roue, AD Seine-Maritime, C.950, Lettre d’accusé de réception de l’état des crimes de la généralité de Rouen pour les 6 premiers mois de 1785 – 23.10.1785.

[36] Le garde des sceaux Miromesnil marque ainsi : « J’ai reçu l’état que vous m’avés adressé pour les six derniers mois de l’année 1783 des crimes commis en Bretagne et par l’examen que j’en ai fait, j’ai remarqué plusieurs procès qui concernent les officiers des justices d’Hennebon, Châteauneuf du Faou et de la Roche et Laz dont la date des derniers actes des procédures est la même que celle portée dans l’état du dernier semestre 1782. J’en ai envoyé la note dans le tems à M. le procureur général du Parlement de Rennes qui a pris des éclaircissemens sur ces procès et il m’a mandé qu’ils étoient terminés les uns par la mort des accusés et les autres par des jugemens. Vous voudrés bien donner des ordres pour que ces états soient conformes à l’avenir aux mémoires qui vous seront remis […]. » Rennes, AD Ille-et-Vilaine, C.137, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de l’intendance de Bretagne pour les 6 derniers mois de 1783 – 22.03.1784.

[37] Les arrêts du Conseil d’État pris à l’encontre des procureurs d’office insistent d’ailleurs sur le rôle du procureur général : « Sa Majesté […] auroit jugé à propos […] de maintenir la règle qu’elle s’est prescrite de conoitre par la voye de Monsieur le chancelier les crimes qui se commettent dans l’étendue des terres de son obéissance afin de faire adresser aux procureurs généraux de ses cours les ordres qu’elle juge nécessaires pour réparer les négligence des officiers à qui la poursuite en est confiée[…]. » Paris, AN, E.2386, Arrêt du Conseil du Roi contre le procureur fiscal de Paimpont – 18.04.1760 ; E.2404, Arrêt du Conseil d’État contre des procureurs fiscaux des subdélégations de Concarneau et de Tréguier – 26.03.1763.

[38] La chancellerie peut aussi faire appel au prévôt général. Exemple : Alençon, AD Orne, C.766, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de la généralité d’Alençon pour les 6 derniers mois de 1772 – 21.02.1773.

[39] François-Xavier Emmanuelli, Un mythe de l’absolutisme bourbonien : l’intendance, du milieu du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle (France, Espagne, Amérique), Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1981, p. 75.

[40] Grande ordonnance criminelle de 1670, Titre X, article 20.

[41] François Serpillon, Code criminel ou commentaire sur l’Ordonnance de 1670, Lyon, Chez les frères Périsse, 1767, vol. 1-2, p. 574.

Daniel Jousse dans son commentaire ne donne aucune précision sur l’efficacité ou non de cet article et renvoie au 19ème du titre VI de la même Ordonnance où il rappelle que les officiers s’exposent à une interdiction ou une amende mais il ne précise pas si les sanctions prévues ont été effectivement mises en place et exécutées. Daniel, Jousse Nouveau commentaire sur l’ordonnance criminelle du mois d’août 1670, Paris, Chez Debure l’aîné, 1753, p. 149-150 et 184.

[42] Arrêt du Parlement de Flandres du 22 octobre 1738 in « Réquisitoire du procureur général du parlement de Flandres sur lequel la Cour rendit, le 22 octobre 1738 un arrêt de règlement conforme, relatif aux statistiques criminelles » cité par Pierre Dautricourt, La criminalité et la répression au parlement de Flandres au XVIIIe siècle (1721-1790), Lille, Chez G. Sautai, 1912,  pièces annexes.

[43] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1554, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de la généralité de Riom pour les 6 derniers mois de 1759 – 29.02.1760.

[44] Arrêt de la Cour du Parlement du 5 février 1722 qui juge que les officiers des justices subalternes seront réprimés par le bailli dont ils dépendent in Du Chemin, Michel, Journal des principales audiences du Parlement avec les arrêts qui y ont été rendu et plusieurs questions et règlements placés selon l’ordre des temps depuis l’année 1718 jusqu’en 1722, Paris, Chez Durand, 1754, vol. 7, p. 639.

[45] Si la circulaire elle-même ne porte pas de date, nous la connaissons grâce aux certificats des procureurs fiscaux. Exemple : Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1556, Certificat de la ville et baronnie de Chaudes-Aigues pour les 6 premiers mois de 1760 – 21.06.1760.

[46] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1556, Circulaire du subdélégué de Saint-Flour aux procureurs fiscaux – 1760.

[47] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1556, Etat des justices de la subdélégation de Rochefort – 25.07.1760.

[48] Seuls les procès-verbaux produits par les subdélégués d’Auvergne ont été conservés, mais il en a également été dressé en Bretagne. Rennes, AD Ille-et-Vilaine, C.137, Circulaire de l’intendant de Bretagne – 4.05.1760.

[49] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1564, Procès-verbal contre les officiers de justice de la généralité de Riom pour le premier semestre de 1762

[50] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1564, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de la généralité de Riom pour les 6 premiers mois de 1762 – 10.09.1762.

[51] Paris, AN, E.2386, Arrêt du Conseil d’Etat contre les procureurs fiscaux de la généralité d’Auvergne pour les 6 premiers mois de 1760- 13.09.1760.

[52] Grande Ordonnance criminelle de 1670, Titre VIII, article 9 ; Titre X, article 20 ; Titre XXV, article 8 ; Titre XXVI, article 4.

[53] Paris, AN, E.2386, Arrêt du Conseil d’État contre le procureur fiscal de Paimpont– 18.04.1760.

[54] Paris, AN, E.2404, Arrêt du Conseil d’État contre les procureurs fiscaux des subdélégations de Concarneau et de Tréguier – 26.03.1763

[55] Rennes, AD Ille et Vilaine, C.137, Lettre : envoi de l’état des crimes de l’intendance de Bretagne pour les 6 derniers mois de 1759 – 19.03.1760.

[56] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1554, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de la généralité de Riom pour les 6 premiers mois de 1760 – 3.09.1760.

[57] Viviane Genot, Justices seigneuriales de Haute-Auvergne au XVIIIe siècle (1695-1791), thèse de doctorat de droit, s.l., s.n, 2004, 2 vol., p. 117.

[58] Le texte de l’arrêt précise en effet que celui-ci « sera imprimé, publié et affiché partout où besoin sera ». Paris, AN, E.2386, Arrêt du Conseil d’Etat contre le procureur fiscal de Paimpont – 18.04.1760.

[59] Exemple°: Rennes, AD Ille-et-Vilaine, C.137, Lettre : accusé de réception à Vitré de l’arrêt du conseil du roi condamnant le procureur fiscal de Paimpont – 6.05.1760- 6.05.1760.

[60] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1561, Lettre : supplique du procureur d’office de Saint Illide concernant l’arrêt du Conseil d’État du 13 septembre 1760.

[61] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1561, Lettre du subdélégué d’Aurillac à l’intendant – 11.01.1762.

[62] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1564, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de la généralité de Riom pour les 6 premiers mois de 1762 – 10.09.1762.

[63] Si nous avons retrouvé dans les archives du Conseil d’État, les arrêts correspondant aux extraits conservés dans les archives de l’intendance d’Auvergne et celui concernant le procureur fiscal de Paimpont en Bretagne, nous n’en avons trouvé aucun autre, à part celui pris à l’encontre d’officiers des subdélégations de Tréguier et de Concarneau en 1763. Des procès-verbaux ont en revanche été dressés au moins jusqu’au second semestre de 1766. Exemple : Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1580, Procès-verbal contre les procureurs de la subdélégation de Vic-le-Comte pour les 6 derniers mois de 1766 – 1.04.1767.

[64] Il est exilé en octobre 1763 mais ne donne sa démission qu’en 1768.

[65] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1559, Procès-verbal contre le procureur d’office de la justice Bansat pour les 6 premiers mois de 1761 – 20.07.1761 ; 1C.1570, Idem pour les 6 premiers mois de 1763 – 16.07.1763 ; 1C.1571, Idem pour les 6 premiers mois de 1763 – 15.01.1764 ; 1C.1573, Idem pour les 6 premiers mois de 1764 – 15.07.1764.

[66] L’instruction du procès est confiée à l’intendant et au présidial de Clermont. Nous ignorons la suite de cette affaire. Paris, AN, E.2386, Arrêt du Conseil d’Etat contre le procureur fiscal de Thynières – 13.09.1760.

[67] Rennes, AD Ille-et-Vilaine, C.137, Circulaire de l’intendant de Bretagne – 4.05.1760.

[68] Rouen, AD Seine-Maritime, C.950, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de la généralité de Rouen pour les 6 derniers mois de 1760 – 10.02.1761.

[69] Rouen, AD Seine-Maritime, C.950, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de la généralité de Rouen pour les 6 derniers mois de 1740 – 20.02.1741.

[70] Rennes, AD Ille-et-Vilaine, C.137, Etat des crimes de l’intendance de Bretagne pour les 6 derniers mois de 1757.

[71] Rennes, AD Ille-et-Vilaine, C.137, Etat des crimes de l’intendance de Bretagne pour les 6 derniers mois de 1758.

[72] Antoine Follain, « Justice seigneuriale, justice royale et régulation sociale du XVe au XVIIIe siècle : rapport de synthèse » in François Brizay, Antoine Follain, Véronique Sarrazin (dir.), Les Justices de village. Administration et justice locales de la fin du Moyen Âge à la Révolution, Rennes, PUR, 2002, p. 9-58 (ici pp. 56-57) ; André Edmond Victor Giffard, Les justices seigneuriales en Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles (1661-1791), Paris, Chez A. Rousseau, 1902, p. 126 et Anna Zink, Clochers et troupeaux. Les communautés rurales des Landes et du Sud-Ouest avant la Révolution, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 1997, p. 182.

[73] Giffard, Les justices seigneuriales…, p.126-127.

[74] Alençon, AD Orne, C.764, Lettre concernant les crimes non poursuivis par les justices seigneuriales – 15.07.1771.

L’article 23 de l’ordonnance du 8 mai 1788 prévoit aussi cela. Ordonnance du roi sur l’administration de la justice, 8 mai 1788.

[75] Rouen, AD Seine-Maritime, C.950, Etat des crimes du bailliage de Magny pour les 6 derniers mois de 1785.

[76] André Edmond Victor Giffard, Les justices seigneuriales…, p. 128.

[77] Ordonnance du roi sur l’administration de la justice, 8 mai 1788. Les articles 21 et 22 confirment la possibilité aux seigneurs de renvoyer les procès criminels après l’interrogatoire aux présidiaux et bailliages royaux, tous les frais étant alors à la charge du roi. Voir aussi Benoît Garnot, Histoire de la justice, France, XVIe-XXIe siècle, Paris, Gallimard, 2009, p. 195 ; Antoine Follain, « Justice seigneuriale… » in François Brizay, Antoine Follain, Véronique Sarrazin (dir.), Les Justices de village…, p. 56-57.

[78] Jeremy Hayhoe, « Le Parlement de Dijon et la transformation de la justice royale (1764-1774) » in Benoît Garnot (dir.), Les juristes et l’argent. Le coût de la justice et l’argent des juges du XIVe au XIXe siècle, Dijon, EUD, 2005, p. 49-58 (ici p. 50-51).

[79] Exemple : le procès par contumace contre Christine Gueldry et sa sœur Jeanne Françoise accusées de vol en foire a été commencé par la justice de Dampierre[-sur-Salon] avant d’être renvoyé au bailliage de Gray qui les a toutes deux condamnées le 24 décembre 1785 au fouet, à la marque, à cinq ans de bannissement hors de la province et à 10 livres d’amende envers le roi. Besançon, AD Doubs, 1C.386, Etat des crimes du bailliage de Gray pour les 6 derniers mois de 1785 – 10.01.1786.

[80] Montpellier, AD. Hérault, C.1589, Etat des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 premiers mois de 1786 – 12.07.1786.

[81] Le cinquième procès contre Jean Bedejus accusé d’assassinat et d’excès est également instruit par la sénéchaussée car les officiers seigneuriaux ont négligé de faire les poursuites. Id.

[82] Montpellier, AD Hérault, C.1590, Lettre : aucun crime dans la subdélégation d’Uzès pour les 6 derniers mois de 1787 – 27.01.1788.

[83] Le contrôleur-ambulant a pour principales activités de vérifier par le biais de tournées les comptes des commis, de collecter le numéraire et de le remettre au directeur. Leur nombre est variable, on en compte en 1777 sept dans la généralité de Tours, quatre dans celle de Rouen, 3 dans celle de Riom, un seul dans celle de Perpignan et neuf dans celle de Paris. Jean-Paul Massaloux, La Régie de l’Enregistrement et des Domaines aux XVIIIe et XIXe siècles, Genève, Librairie Droz, 1989, p. 85-86.

[84] Le directeur représente la compagnie de financiers qui a affermé les revenus du Domaine. Il a tous les devoirs du fermier. Il est responsable de la marche des services et chargé de régler les contentions ayant cours dans la généralité. Ibid. (ici p. 85).

[85] Montpellier, AD Hérault, C.1582, Lettre : envoi de l’état des crimes de la justice de Castelnaudary pour les 6 premiers mois de 1759 – 4.07.1759.

[86] Exemple : En 1770, l’accès aux documents de la maréchaussée de La Rochelle est impossible à cause du décès du greffier et de la mise sous scellés de tous les papiers et procédures de ce dernier. La Rochelle, AD Charente-Maritime, C.177, Etat des crimes de la généralité de La Rochelle pour les 6 derniers mois de 1770.

[87] En 1744, dans l’intendance du Languedoc, l’ancien procureur du roi de la juridiction de Cruzy certifie avoir démissionné de sa charge il y a plusieurs années, car il ne pouvait résider sur place. Il précise également qu’il n’y a aucun officier en poste dans cette justice et qu’en l’absence de personnel, il suppose qu’aucun crime n’a été commis, mais sans pouvoir l’affirmer avec certitude. Montpellier, AD Hérault, C.1574, Lettre : aucun crime dans la juridiction de Cruzy pour les 6 derniers mois de 1743 – 25.01.1744.

[88] En Auvergne, les subdélégations sont très étendues et les juridictions nombreuses et dispersées. A la fin de l’année 1759, le subdélégué de Saint-Flour explique ainsi à l’intendant que jusqu’à présent il s’est uniquement contenté d’exiger les états des crimes de la maréchaussée et du bailliage de Saint-Flour, car il est compliqué pour lui, du moins pour ce semestre, de lui fournir ceux de l’ensemble des justices de son département, car celles-ci sont bien trop nombreuses. Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1552, Lettre du subdélégué de Saint-Flour à l’intendant – 17.12.1759.

[89] Montpellier, AD Hérault, C.1570, Lettre : le lieutenant de maréchaussée du Vivarais à l’intendance – 23.09.1738

[90] Garnot, Benoît « Justice, infrajustice, parajustice et extra justice dans la France d’Ancien Régime » in Crime, Histoire & Sociétés / Crime, History & Societies, vol. 4, n°1, 2000, p. 103-120 (ici p. 115)

[91] Nous pouvons notamment citer celle instaurée en 1716 contre les gens d’affaire. Jean Villain, « Naissance de la Chambre de justice de 1716 » in Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 35, 1988, p. 544-576 ; Henri See, « La Chambre de Justice de 1716 en Bretagne » in Annales de Bretagne, t.39, n°2, 1930, p. 223-241 ; Pierre Ravel La Chambre de justice de 1716, Paris, E. de Boccard, 1928.

[92] Montpellier, AD Hérault, C.1570, Copie de la lettre envoyée par M. de la Deveze à M. d’Angervilliers le 24.12.1738.

[93] Montpellier, AD Hérault, C.1584, Lettre : envoi de l’état des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 derniers mois de 1761 – 3.01.1762 ; C.1585, Lettre : envoi de l’état des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 derniers mois de 1764 – 6.07.1764 ; Etat des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 premiers mois de 1764 – 4.07.1764 ; Etat des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 premiers mois de 1765 – 20.07.1765 ; C.1586, Lettre : envoi de l’état des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 derniers mois de 1765 – 8.01.1766 ; Etat des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 premiers mois de 1765 – 20.07.1765 ; C.1586, Etat des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 derniers mois de 1765 ; Lettre : envoi de l’état des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 derniers mois de 1766 – 14.02.1767 ; Etat des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 derniers mois de 1766 – 10.02.1767 ; Lettre : envoi de l’état des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 derniers mois de 1767 – 20.01.1768 ; C.1587, Lettre : envoi de l’état des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 premiers mois de 1767 – 14.07.1767.

[94] Montpellier, AD Hérault, C.1586, Etat des crimes de la subdélégation du Bas-Vivarais pour les 6 derniers mois de 1765.

[95] Montpellier, AD Hérault, C.1583, Lettre : envoi de l’état des crimes de la subdélégation du Haut-Vivarais pour les 6 premiers mois de 1760 – 19.08.1760 ; Etat des crimes de la subdélégation du Haut-Vivarais pour les 6 premiers mois de 1760 ; C.1584, Etat des crimes pour les 6 premiers mois de 1762.

Il est même noté dans l’état des six derniers mois de 1762 du diocèse de Viviers que « les procureurs jurisdictionnels ont bien remplis leurs fonctions ». Montpellier, AD Hérault, C.1583, C.1584, Etat des crimes du diocèse de Viviers pour les 6 premiers mois de 1762.

[96] Nicole Castan évoque un mémoire anonyme qui estime la population de cette sénéchaussée à précisément 634 484 personnes. Nicole Castan, Justice et répression en Languedoc à l’époque des Lumières, Paris, Flammarion, 1980, p. 119.

[97] La justice seigneuriale est restée très vivace dans le Vivarais comme dans le Velay. Ibidem, p. 150-151.

[98] Le procureur du roi de la sénéchaussée du Puy rappelle à l’intendant du Languedoc les frais importants que les procédures criminelles instruites sans partie civile et les transferts des prisonniers engrangent pour les seigneurs : « Les juges de Pradelles après avoir condemné à mort un homme accusé d’assassinat ont été obligés par arret du parlement où cet accusé avoir eté conduit de continuer la procedure en sorte qu’il a eté reconduit sur les lieux et il faudra encore le faire reconduire à Toulouse. Des frais aussi considerables sont capables d’effrayer les seigneurs qui ne se trouvent pas bien riches et c’est ce qui cause l’impunité et m’oblige de me donner bien des mouvemens pour avoir connoissance de ce qui se passe. » Montpellier, AD Hérault, C.1575, Lettre : envoi de l’état des crimes de la sénéchaussée du Puy pour les 6 derniers mois de 1744 – 25.01.1745.

[99] Le mot est de Nicole Castan. Castan, Nicole, Justice et répression…, p. 119.

[100] Dans le cas de Saint-Pons, le subdélégué argue du fait qu’il n’y a aucune justice royale dans sa circonscription pour assurer l’intendant qu’aucun crime n’y a été commis. Les justices seigneuriales relèvent du sénéchal de Béziers ou de celui de Carcassonne et selon lui ne concernent donc pas son département. Montpellier, AD Hérault, C.1590, Lettre : aucun crime dans la subdélégation de Saint Pons pour les 6 derniers mois de 1786 – 22.01.1787.

[101] Cet édit prévoit de regrouper l’administration de la justice de plusieurs juridictions en un seul endroit afin de limiter les frais. L’Etat définit ainsi 29 districts dans le cadre desquels, les seigneurs sont censés s’entendre et collaborer. Les chefs-lieux désignés de ces districts sont les bourgs les plus importants de la province comme Annonay, Tournon, Joyeuse, Privas etc. Pour lutter contre l’insécurité et encourager les officiers seigneuriaux à poursuivre les crimes, la monarchie construit deux grandes prisons à Montpezat et Privat. En outre, elle prend en charge les frais relatifs aux prisonniers poursuivis à la requête des officiers seigneuriaux et détenus dans les prisons royales d’Annonay, de Montpezat, de Villeneuve-de-Berg et de Privat. Malgré ces mesures, la situation resta sensiblement la même et les deux nouvelles prisons construites par la monarchie n’accueillirent de fait que peu d’individus. Cet édit bien que destiné au Vivarais et au Gévaudan a, semble-t-il, aussi été appliqué dans le Velay. Didier Catarina, Les justices ordinaires, inférieures et subalternes de Languedoc : essai de géographie judiciaire, 1667-1789, Montpellier, Publications de l’Université Paul Valéry, Montpellier III, 2002, p. 242-246.

[102] Lille, AD Nord, C.11135, Etat des crimes de la subdélégation de Cambrai pour les 6 premiers mois de 1763.

[103] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1552, Projet de la circulaire du subdélégué de Langeac pour les officiers de justice – 18.12.1759.

[104] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1552, Lettre : accusé de réception à Mauriac des ordres de l’intendant concernant l’état des crimes des 6 derniers mois de 1759 – 21.12.1759.

[105] Clermont-Ferrand, AD Puy-de-Dôme, 1C.1552, Lettre : envoi de l’état des crimes de la subdélégation de Mauriac pour les 6 derniers mois de 1759 – 5.01.1760.

[106] Rennes, AD Ille-et-Vilaine, C.137, Lettre de l’intendant au subdélégué de Vannes – 9.01.1758

[107] Perpignan, AD Pyrénées-Orientales, 1C.1267, Lettre du contrôleur général Dodun aux généralités – 15.09.1723.

[108] Id.

[109] Rennes, AD Ille-et-Vilaine, C.138, Lettre : envoi de l’état des crimes de la subdélégation d’Hennebont pour les 6 premiers mois de 1786 – 17.07.1786.

[110] Rennes, AD Ille-et-Vilaine, C.138, Etat des crimes de la subdélégation d’Hennebont pour les 6 premiers mois de 1786 – 17.07.1786.