François Antoine Devaux, littérateur à la cour de Stanislas: exemple d’une réussite sociale transfrontalière par les lettres

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Margaux Prugnier

 


Résumé : Principal correspondant de Françoise de Graffigny, François Antoine Devaux (1712-1796) dit « Panpan » est surtout connu aujourd’hui pour avoir été un courtisan et un poétaillon, un faire-valoir et un dilettante lettré. Pourtant, sous le règne de Stanislas, duc de Lorraine et de Bar, il devient successivement académicien et lecteur du roi de Pologne, fonctions consacrant la trajectoire d’un homme de lettres au XVIIIe siècle. Cet article entend montrer que les productions de Panpan (lettres, poésies, pièces de théâtre) dédiées à diverses figures de l’élite lettrée sont autant de moyens pour lui d’être reconnu comme littérateur et de se positionner comme un élément incontournable de la société de cour lorraine. Ces pratiques littéraires témoignent plus largement du rôle d’un certain nombre de femmes et d’hommes de lettres dans la construction d’une identité culturelle lorraine durant la période de rattachement du duché à la France et dans l’Europe des Lumières.

Mots-clés : histoire du littéraire, Lorraine, Lumières, épistolaire, société de cour.


Après un master d’histoire qui portait sur la trajectoire de Louise de Kéralio-Robert (1756-1821), femme de lettres, sous la direction de Monique Cottret et l’obtention de l’agrégation d’histoire, Margaux Prugnier est actuellement doctorante en histoire moderne à l’Université Paris Nanterre, sous la direction de Nicolas Schapira. Dans ses recherches, elle aborde le foyer culturel lorrain du XVIIIe siècle par l’examen des pratiques lettrées des femmes et des hommes qui l’ont fait vivre comme tel dans leurs écrits et dans leurs trajectoires. Elle est aujourd’hui membre du laboratoire MéMo (Centre d’histoire des sociétés Médiévales et Modernes, Paris 8 – Paris Nanterre) et membre du GRIHL (Groupe de Recherches Interdisciplinaires sur l’Histoire du Littéraire, EHESS – Paris 3).

mprugnier@gmail.com


Introduction

S’intéresser aux littérateurs à la cour de Stanislas, dernier duc de Lorraine, permet, d’une part, de s’enquérir de la place des sources littéraires dans les études sur les cours[1]. On considère ici ces témoignages comme autant de productions d’acteurs sociaux qui participent à la vie de cour où l’écrit, comme l’oral, est crucial[2]. Autrement dit, user de sa plume est un moyen d’assurer son existence sociale par lequel le protagoniste participe au rayonnement de la cour. D’autre part, dans la veine des travaux d’histoire sociale sur les milieux littéraires de province, il est question d’observer des trajectoires d’individus constituant ces cercles de sociabilité et de se demander dans quelle mesure les pratiques de littérature sont un moyen de reconnaissance sociale pour ces femmes et hommes. Pour Daniel Roche, les académiciens de province regroupent des hommes de lettres pris entre idéal des Belles-Lettres et exercice d’une fonction dans la société[3]. Ici, il s’agit de se demander à quel point pratiquer la littérature permet un affermissement de la place d’un individu dans la société d’Ancien Régime. A fortiori, dans la proximité d’une cour comme celle de Stanislas et de son Académie, fondée en 1752, se poser en littérateur permet d’espérer des gages, des pensions voire des fonctions. L’exemple de François Antoine Devaux fait, à ce titre, émerger deux questions complémentaires. Que constitue la cour de Stanislas pour un littérateur ? Et que représente le champ littéraire dans ces duchés en voie d’intégration à la France ?

Issu d’une famille de la bourgeoisie lorraine, François Antoine Devaux se fait connaître par les milieux curiaux et intellectuels lunévillois comme littérateur – au sens où il « verse dans la littérature[4] ». Sa trajectoire et l’inscription de son nom d’auteur – Devaux – dans des textes imprimés à Paris lui permettent de confirmer sa position de littérateur et d’accroître le crédit initial de son nom propre[5]. Il fait jouer sa pièce de théâtre, Les Engagemens indiscrets à la Comédie-Française et est élu à la Société royale des sciences et des belles lettres de Nancy en 1752. Son ascension d’homme de lettres est dans le même temps permise par le renforcement de son autre position de courtisan, tant auprès de nobles français que lorrains. Grâce à un double processus, Devaux parvient à s’imposer comme un homme de lettres du XVIIIe siècle : d’un côté en jouant de ses deux identités de littérateur et de courtisan, et, de l’autre, en renforçant son inscription sociale tant à Lunéville qu’à Paris notamment par l’entretien de correspondances, dont la plus importante est celle avec Françoise de Graffigny (1695-1758)[6].

Pour appréhender l’ascension sociale de Devaux, il est possible de saisir l’ensemble de ses ouvrages comme autant d’opérations par lesquels il a pu investir différents champs relationnels. Chaque source dévoile les diverses mises en scène produites par Devaux pour parvenir au succès conjointement dans le monde des lettres et à la cour. Elles rendent également compte de ses multiples inscriptions géographiques. Se pose ainsi la question de ce que ses pratiques de littérature[7] – de courtisan ou de littérateur, de Lorrain ou de Français – procurent à sa trajectoire sociale.

Dans sa correspondance, non seulement avec Françoise de Graffigny mais également avec d’autres figures curiales et lettrées[8], Devaux joue de sa position d’homme proche du pouvoir lorrain et au fait des dernières actualités. L’intimité qui se noue dans ces diverses relations épistolaires se manifeste par l’usage de son surnom, « Panpan », que ce soit de son fait ou de celui de ses correspondants. Il y construit un côté de son personnage, qui est l’image que retient la postérité, à savoir celle d’un homme dévoué aux lettres mais « paresseux » et donc amateur. Ses œuvres imprimées participent quant à elles à l’invention de son nom d’auteur, autant par le simple patronyme apposé sur la page de titre des livres que par des péritextes plus divers mais non moins essentiels comme l’approbation, le privilège, l’avertissement ou encore la dédicace. « Devaux » incarne ainsi un nom respectable d’auteur qui lui permet l’accès à la reconnaissance sociale par les Belles-Lettres. Plus généralement, ses œuvres restées manuscrites comme sa poésie[9] avaient vocation à être connues et ont circulé de son temps[10], constituant autant de moyens d’accroître ses réseaux d’amitié, et donc d’entraide, dans divers cercles de sociabilité. Ses poésies nous renseignent sur ces derniers mais aussi sur sa recherche constante de succès et de reconnaissance. Enfin, les traces de ses activités et de ses fonctions dans les Archives départementales de Meurthe-et-Moselle ou aux Archives nationales témoignent de son évolution sociale. Il devient en effet receveur des finances de Lunéville en 1741, avant d’être nommé en 1752 lecteur du dernier duc de Lorraine et de Bar, Stanislas Leszczynski.

À la croisée de l’histoire des cours et de la culture écrite à l’époque moderne, Devaux est ici questionné comme courtisan, qui a fait son chemin grâce aux Belles-Lettres, aussi bien que comme littérateur qui a été reconnu en faisant vivre les institutions curiales lorraines. En cela, ce travail tend à participer à la compréhension de la littérature au XVIIIe siècle comme instrument d’action dans des trajectoires sociales au contact du pouvoir.

Un littérateur professionnel ? Les étapes d’une réussite sociale par les Belles-Lettres

Si Devaux ne vit pas financièrement de la vente de ses écrits, il a su obtenir une certaine reconnaissance sociale tant auprès du pouvoir lorrain que français par leur multiplication : poésies, lettres, gazettes ou encore pièces de théâtre. Sa correspondance avec Graffigny révèle que cette quête de reconnaissance par les Belles-Lettres a été l’effort d’une vie et que sa recherche du succès passe notamment par la circulation et l’impression de ses œuvres, l’obtention du privilège royal et de sa rémunération.

Être publié : l’effort d’une vie

François Antoine Devaux grandit à Lunéville, alors que le pouvoir du duc Léopold Ier tend à se réaffirmer et que le souverain, époux d’Élisabeth-Charlotte d’Orléans, fait de nouveau coïncider souveraineté et territoire[11] (voir tableau 1). Devaux est l’unique héritier de ses parents, des bourgeois lorrains. Son père, Nicolas Devaux, travaille pour la dynastie de Lorraine depuis Charles V. Sa mère, Claude Joly, est issue d’une riche famille qui a occupé dès le XVIIe siècle des situations notables : son grand-père, Jean Joly a par exemple été successivement receveur du domaine de Lunéville et du domaine de Rambervilliers[12]. Leur maison familiale à Lunéville est souvent louée par la cour pour y recevoir des personnages en visite[13]. Devaux est alors destiné par son père au droit mais, s’il est inscrit sur le tableau des avocats à la cour souveraine de Nancy en 1732, il réside à Paris de novembre 1733 à avril 1734. Il se lance alors dans une autre voie, celle de la littérature[14], qu’il poursuit en Lorraine de 1734 à sa mort, en 1796.

Tableau 1 : les ducs de Lorraine et de Bar de 1675 à 1766

Grâce aux lettres envoyées par Devaux lors de son séjour à Paris à destination de Graffigny, restée en Lorraine en 1733-1734, il est possible de mieux cerner le milieu dans lequel il a évolué à Lunéville. Avocat roturier, il a acquis l’amitié de jeunes nobles férus de lettres qui l’aident dans ce monde et dans celui de la cour par des conseils, des relectures et en lui faisant bénéficier de leurs relations sociales, comme le poète Saint-Lambert, l’officier Nicolas François Xavier Liébault (1716-1780)[15] ou encore Françoise de Graffigny elle-même. D’après une lettre du 14 novembre 1733, c’est Clairon qui a procuré à Devaux l’« avantage » d’avoir rencontré Graffigny[16].

Devaux est à Paris en 1733-1734 avec la ferme intention de faire publier certains de ses écrits et d’autres de Françoise de Graffigny. Âgé de vingt-et-un ans, il ne semble pas avoir encore fait part de ce projet à ses parents[17]. Pourtant, c’est à partir de ce moment qu’il pose les jalons de ce que pourrait être une ascension sociale par le monde des lettres et de l’imprimé. Sa correspondance assidue avec Graffigny en 1733-1734 lui sert d’appui à l’élaboration de ce dessein commun mais encore incertain. Devaux y commente la difficulté de se faire imprimer à Paris par la voie légale, c’est-à-dire en passant par la censure royale. Dans une lettre datant de la mi-avril 1734, il rend compte à Graffigny de l’avancée de ses démarches auprès d’un censeur pour obtenir l’approbation de leur œuvre commune, Les Amusemens du cœur et de l’esprit :

« Notre approbateur [Louis Maunoir] a eté en campagne. Nous n’avons point encor de decision. Le manuscrit etoit deja entre ses mains quand j’ay recu votre lettre, où vous voulés reintegrer le titre de « Fantaisie ». Si cela se peut encor, je le ferai, mais je n’en reponds pas. Je crois qu’il faudroit le faire encor repasser sous les yeux de l’approbateur. On n’oseroit imprimer un mot pour l’autre. Vous ne scauriés croire de quel ridicule on est maintenant à Paris quant à l’imprimerie. Si cela continuë, je crois que la librairie va etre ruinée. Chacun prend le parti de faire imprimer en Hollande. Mr de Montesquieu, autheur des Lettres persanes, et Mr Melon, autheur de Mahmoud, ont fait chacun un livre nouveau qu’ils ont fait imprimer dans ce pays[18]. »

Devaux émet, sur la censure, un jugement assez commun au monde des libraires et des auteurs en dénonçant la concurrence hollandaise et en insistant sur la complexité du système d’édition légale en France[19]. Dans la société d’Ancien Régime, se présenter en auteur par les voies légales constitue un moyen de promotion sociale. Alors que depuis le début de son séjour, Devaux négocie des engagements avec des libraires parisiens pour l’impression d’œuvres[20], il s’identifie, à la fin de son séjour, – par l’utilisation du pronom « on » – à ce petit milieu du monde de l’imprimé où chacun se connaît et se parle. Ces lieux d’édition comptent parmi les « lieux privilégiés de la sociabilité intellectuelle[21] ».

Devaux affecte également de ne vouloir contraindre sa plume aux nécessités marchandes. Même si dans la correspondance on voit la construction de ses œuvres comme le produit de négociations entre auteurs, imprimeurs-libraires et censeurs, le fait d’exprimer qu’il ne vend pas sa plume à tout prix peut être perçu comme une manière de revendiquer un topos commun à l’aristocratie à laquelle il veut s’associer.

Cette intégration affichée au monde des lettrés parisiens par la publication est le premier accomplissement qui se joue dans la relation entre Devaux et Graffigny. L’impression de leur œuvre Les Amusemens du cœur et de l’esprit est en partie réalisée en 1734 grâce aux relations que Graffigny recommande à Devaux, et c’est avec l’argent de ses parents que ce dernier parvient à faire vivre ses ambitions[22].

Tout au long de sa vie, Devaux a produit des œuvres et est parvenu à plusieurs reprises à se faire imprimer (voir tableau 2). Les modalités qu’il recherche pour ses impressions sont toujours les mêmes – à Paris, et avec approbation royale – quitte à réécrire inlassablement ses manuscrits. L’exemple des Engagemens indiscrets, imprimé en 1753, est à ce titre significatif. Graffigny évoque pour la première fois dans ses lettres cette pièce de Devaux, nommée alors Les Portraits[23], en juillet 1739 : « On ne la jouera pas sans etre corrigée », indique-t-elle[24]. Depuis un mois à Paris, elle tente régulièrement de faire jouer la pièce. Celle-ci est acceptée une première fois en octobre 1743 par les comédiens français, mais d’autres pièces et auteurs ont la préséance sur le jeune Lorrain et les promesses des acteurs n’y peuvent rien. En juin 1745, la pièce est de nouveau validée par ces derniers, mais elle n’est jouée pour la première fois que le 26 octobre 1752. Graffigny est alors une autrice connue à Paris, avec des liens importants dans le monde de la librairie : censeurs, imprimeurs-libraires, gens de lettres[25]. Elle parvient ainsi à faire paraître Les Engagemens indiscrets de Devaux chez Nicolas-Bonaventure Duchesne (mort en 1765). Il s’agit du même éditeur qui publie pour la première fois avec privilège du roi Les Lettres d’une Péruvienne, son best-seller, en 1752[26]. Entre la première version des Engagemens indiscrets de Devaux et la dernière, de nombreux remaniements ont été effectués, notamment par Graffigny ou Mlle Quinault[27]. « Il sera toujours vray que j’aurai fait une pièce que je n’aurai pas écrite[28] », écrit Devaux en juillet 1745. Or, il ne s’agit pas là d’une pratique exceptionnelle : dès leurs premiers échanges en 1733, Devaux raconte les modifications qui sont apportées par d’autres figures du monde lettré parisien à ses écrits et à ceux de Graffigny[29].

Tableau 2 : les œuvres imprimées de Devaux de son vivant

À l’image des Engagemens indiscrets, Devaux produit des pièces de théâtre qui suivent les canons littéraires de son temps. Dans cette comédie en un acte, Devaux « marivaude[30] » selon le terme alors employé par Graffigny : les intrigues et les personnages sont semblables aux canevas marivaudiens. Devaux croise Marivaux lors de son séjour parisien en 1733-1734[31]. Celui-ci est proche de Graffigny lorsqu’elle est à Paris. En 1742, il est nommé à l’Académie française, ce qui donne un crédit institutionnel à son œuvre, et profite à Devaux.

L’exemple de cette pièce est paradigmatique de la manière d’écrire de Devaux. Il s’imprègne, comme en témoigne la correspondance, des thèmes et des genres littéraires qui rencontrent des succès de librairie. Ainsi sa seconde pièce imprimée en 1773 par la Veuve Duchesne[32], Le Bon Fils, se rapproche des drames bourgeois en vogue dans les théâtres de société[33]. Cette dénomination de théâtre de société regroupe les représentations théâtrales données par des nobles et des amateurs des lettres dans des lieux plus ou moins privés, constituant une pratique essentielle de la sociabilité du moment[34]. Ainsi, Devaux en écrivant des pièces parvient d’une part à se faire reconnaître par les milieux nobles friands de représentations théâtrales, et, d’autre part, comme auteur imprimé à Paris.

Notons que l’avertissement non signé qui précède la pièce Le Bon Fils répond aux accusations de « plagiat », échafaudant pour ce faire une histoire de l’origine de l’œuvre. Que ce soit là un récit en péritexte de la main de Devaux ou non, il participe à l’élaboration de son nom d’auteur :

« […] Il y a dans cette Pièce une Scène presque semblable à une Scène de SILVAIN [de Jean-François Marmontel]. Le Public n’a pas vu avec plaisir une situation qu’il connoissoit déjà. On ne prétend point justifier l’Auteur à cet égard. C’est à l’accusation de plagiat qu’on veut répondre. La réponse est simple. Cette Pièce faite, dans son origine pour un Théâtre de Société, avoit été lue à ceux qui devoient la jouer & à quelques Gens de Lettres plus d’un an avant la représentation de SILVAIN. C’est donc le hasard qui a fait naître la même idée à deux Poëtes qui ne se connoissoient pas[35]. »

Les deux pièces, Silvain et Le Bon Fils, ont été jouées à la Comédie-Italienne à trois ans d’intervalle. Marmontel, qui est l’auteur du livret de Silvain, n’est pas un inconnu pour Devaux. Il a fréquenté les mêmes cercles que Graffigny et son nom revient régulièrement dans leur correspondance. Que l’on croie ou non au « hasard » de la ressemblance, il n’en demeure pas moins que les pratiques d’emprunt sont courantes parmi les auteurs. Ce qui est néanmoins particulièrement notable ici, c’est que même s’il souligne les imperfections de l’œuvre de Devaux, l’avertissement laisse penser que le grand Marmontel aurait peut-être plagié le Lorrain méconnu. Cette pièce imprimée apporte une double consécration : la reconnaissance royale – ici par l’approbation des censeurs – et l’insertion dans la société mondaine que suggère l’allusion au « théâtre de société » – ici par le récit de publication en péritexte. Cette posture d’auteur de théâtre de société est tant une réussite littéraire qu’une performance sociale qui l’inscrit dans les milieux de l’élite lorraine[36]. Privilège du roi et participation à des théâtres de société sont autant de marques de reconnaissance qui participent à la « métamorphose[37] » de Devaux. Le monde des lettres et de l’imprimé a été pour lui une manière de s’élever socialement, donc de s’intégrer à une certaine élite intellectuelle, depuis la Lorraine, par ses relations, notamment parisiennes. Plus qu’une simple autorisation d’impression, le privilège, particulièrement recherché par Devaux et Graffigny, est synonyme de protection royale et joue le rôle tant de consécration que d’homologation de leurs productions littéraires.

Rémunération et privilège : les moyens de la consécration ?

Cette recherche du succès littéraire est décrite tout au long de la correspondance entre Devaux et Graffigny. Cette dernière constitue un relais essentiel pour la publication des œuvres de Devaux qui, âgé de trente ans en mars 1743, regrette que sa pièce Les Portraits ne soit pas encore représentée à la Comédie-Française, ni même publiée. Il s’étonne également que « tout ce qu’on peut tirer d’une piece ce sont cinq ou six louïs[38] ». Pour lui, une pièce qui a du succès doit au moins être vendue à mille exemplaires et donc rapporter de l’argent à son auteur[39]. Ce raisonnement montre d’une part un certain intérêt de Devaux pour l’aspect financier et d’autre part, qu’en dépit du succès de sa pièce, une autrice ou un auteur ne serait pas en mesure de vivre de sa plume.

Dans la carrière de Devaux littérateur, « se faire un nom » dans les lettres constitue un moyen de négocier sa position sociale et lui permet de prétendre à certaines fonctions, par exemple celle de lecteur du duc Stanislas, ou à certains cercles de sociabilité, comme la « troupe de qualité » de la marquise de Boufflers à Lunéville. Autrement dit, la consolidation de sa fonction d’auteur joué et imprimé à Paris assoit encore davantage sa position de courtisan à Lunéville. Devaux recherche instamment le fait d’être publié à Paris avec approbation, et cela lui est permis par l’extension progressive de ses amitiés. Or, dans cette quête de succès, la question de la rémunération est importante puisque l’argent, même s’il n’en manque pas, est une marque de reconnaissance. L’entretien de ses relations avec les gens de lettres suppose du temps et des moyens pour les recevoir. Il se plaint ainsi du « taudis[40] » dans lequel il reçoit Voltaire en octobre 1748. L’extension de ses relations implique d’avoir des lieux et des moyens de réception dont la qualité doit égaler voire surpasser celle des invités. La reconnaissance sociale doit être visible et l’accroissement de celle-ci nécessite une augmentation des dépenses.

C’est sous le même angle – celui de la reconnaissance – que l’on peut également poser la question des stratégies de publication. Toutes les œuvres de Devaux imprimées en France le sont avec approbation d’un censeur royal, nécessaire pour être publié par les maîtres libraires et imprimeurs qui ont le monopole de l’édition et du commerce de l’imprimé. Dans ce système, « le privilège signifie la proximité protectrice au pouvoir, plus ou moins soulignée, voire activée par le texte de la lettre patente[41] ». Devaux, en 1734, se présente comme un critique du dispositif d’impression légal toujours plus complexe, pourtant ce système n’est pas uniquement un outil de répression. Les discussions avec les approbateurs apparaissent comme des moments d’échange au cours desquels se construit le propos des œuvres. Elles peuvent constituer un moyen de se rapprocher du patronage royal[42], point de mire du littérateur. À ce titre, alors qu’un des ouvrages de Graffigny, Le Sylphe[43], ne passe pas la censure en mars 1734, au motif « d’une jolie avanture », cela n’encourage pas l’autrice à accepter la proposition qui lui est faite d’aller l’imprimer en Hollande. Comme Devaux, elle préfère réviser ses ouvrages jusqu’à obtenir l’approbation d’un censeur royal, synonyme d’homologation de l’œuvre, voire d’un privilège.

Quant à Devaux, il doit attendre la fin de l’année 1752 pour voir sa pièce Les Engagemens indiscrets enfin jouée ; c’est précisément le moment où il est élu à l’Académie de Stanislas. Crébillon[44], censeur, approuve également la publication de la pièce le 8 novembre 1752, soit dix-neuf jours après que Devaux a prononcé son discours de réception à l’Académie. Ce privilège semble autant reconnaître sa position sociale d’homme de lettres dans la proximité du pouvoir que renforcer cette dernière. Or, sa réputation de littérateur découle directement de sa double assise sociale à Lunéville et à Paris par l’entremise de ses correspondants, et en particulier de Graffigny.

Graffigny-Devaux : des « alliés d’ascension » entre la Lorraine et Paris

La correspondance comme canal de communication

Graffigny et Devaux se sont rencontrés à la cour de Lunéville et leur amitié s’est poursuivie jusqu’à la mort de Graffigny en 1758. De leur éloignement est née une correspondance très régulière dont on peut distinguer deux périodes d’inégales durées où ils intervertissent leurs positions géographiques :

Tableau 3 : Essai de périodisation de la correspondance entre Françoise de Graffigny et François Antoine Devaux

La première période se cantonne de l’automne 1733 au printemps 1734 : Devaux est à Paris tandis que Graffigny est à la cour de Lorraine. La seconde s’étend de 1738 à 1758, et recoupe les lettres éditées en quinze tomes par la Voltaire Foundation. Graffigny est successivement à Commercy chez la duchesse douairière Élisabeth Charlotte (1738-1739), à Cirey chez Émilie du Châtelet et Voltaire (1739), puis majoritairement à Paris où elle s’installe et conquiert sa place comme femme de lettres et du livre (1739-1758), tandis que Devaux fait sa place à la cour de Stanislas. L’analyse fine de cette deuxième période permet de mieux appréhender l’évolution de leurs existences sociales sous le règne de Stanislas :

Figure 1 : fréquence hebdomadaire d’écriture de F. de Graffigny à F.-A. Devaux de 1738 à 1758

Si en moyenne sur vingt ans, Graffigny prend la plume trois jours et demi par semaine pour écrire à Devaux, les deux moments les plus intenses de cette période coïncident avec le départ de Graffigny de Lunéville en 1738-1739, puis, entre 1747 et 1752, au moment allant de son succès parisien – la publication de son œuvre phare Les Lettres d’une Péruvienne en 1747 – à la réussite de Devaux, consacré en 1752 comme lecteur de Stanislas, académicien et auteur publié à Paris. Leurs succès, à différentes échelles, sont en grande partie le fruit de ce canal de communication établi entre la Lorraine et Paris qui a permis de nourrir leurs réputations réciproques. Devaux sait, en particulier, user de la réputation grandissante de Graffigny pour nourrir la sienne. Ils s’écrivent plus fréquemment quand ils font face à des enjeux décisifs pour leurs carrières, ce qui laisse supposer que leur correspondance est un moyen de traiter ces derniers.

Ici, il s’agit de revenir sur la lettre comme moyen d’action pour la carrière d’un homme ou d’une femme de lettres. Leur correspondance scelle en effet une véritable alliance pour leurs ambitions dans le monde des lettres et de l’imprimé[45]. Dans la société d’Ancien Régime, la correspondance est un moyen d’accroitre son capital social, en se faisant connaître et en entretenant des réseaux de relations, supports d’échange de services[46]. Ce qui rend cette correspondance Graffigny-Devaux remarquable, c’est sa longévité et la position sociale et géographique des deux amis qui sont alors à même de se soutenir dans leurs projets.

S’écrire est également un moyen de mettre en scène leurs positions respectives. Ainsi quand Devaux est à Paris en 1733-1734, il se présente dans la correspondance comme un producteur d’écrits qui côtoie l’élite parisienne lettrée. Se dépeindre comme littérateur parisien en 1733-1734 est une manière pour Devaux de renforcer sa légitimité d’homme lettré à la cour lorraine sous la régence d’Élisabeth Charlotte. Car si les lettres exposent une certaine intimité, les informations qui y sont écrites sont souvent faites pour être partagées.

Pour Devaux, la mise en avant de son amitié avec Graffigny est un atout considérable. Dès le début de leur relation, la position de Graffigny à la cour de Lunéville est bien plus avantageuse que la sienne. Graffigny peut prétendre à une certaine proximité avec la duchesse Élisabeth-Charlotte ainsi qu’à une pension à la cour de Lorraine[47]. Se prévaloir de l’amitié de Graffigny est une manière, pour Devaux, de pouvoir côtoyer le milieu savant de la cour lorraine. A fortiori, sous le règne du duc Stanislas et alors que Graffigny est devenue une autrice à succès à Paris, leur amitié est un avantage significatif pour l’élection de Devaux à la Société royale des sciences et des belles-lettres de Nancy, en 1752. Dans son discours de réception, en octobre, Devaux loue son amitié avec l’autrice des Lettres d’une Péruvienne :

« Je ne crains pas, MESSIEURS, que la justice que je rendrai ici à la Sapho de notre Patrie [F. de Graffigny], puisse être regardée seulement comme le prix de l’amitié dont Elle m’honore. Vos assemblées ont déjà rétentis plus d’une fois de l’éloge de ses talens. Ce seroit à moi d’y joindre celui d’un cœur, que la confiance la plus intime m’a fait si long-tems admirer, & peut-être pardonneroit-on cet écart à la vivacité du sentiment qui m’anime ; mais le portrait en est déjà dans les mains de tout le monde ; ce cœur s’est peint par-tout où il a peint la vertu[48]. »

Devaux attache ici Graffigny à la Lorraine, sa « Patrie », et rappelle leur lien étroit, leur « amitié ». Il participe, par ce geste, autant à la légitimité de l’Académie nancéienne qui peut se revendiquer de l’origine des « talens » de l’autrice parisienne, qu’il renforce sa propre reconnaissance de littérateur entre la Lorraine et Paris.

Cette correspondance Graffigny-Devaux sur vingt-cinq ans a constitué un véritable canal de communication entre la Lorraine et Paris. Les deux protagonistes se sont échangé des conseils de divers ordres et ont écrit sur tous types d’actualités. Ainsi, dans une lettre du 14 novembre 1733, Devaux fait, dit-il, une « gazette[49] » à son amie avec des rubriques nommées « spectacles », « littérature », « nouvelles », « historiettes ou bons mots » dans le but d’informer son amie. L’actualité politique est présente sur fond de recherche de pensions et de relations de patronage. À ce titre, l’année 1745 est significative. Dans le contexte de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), les deux correspondants évoquent le succès du poème de Voltaire, La Bataille de Fontenoy. En septembre de la même année, tous deux abordent la question de l’élection de François III de Lorraine au titre d’empereur du Saint-Empire, engagé militairement contre la France. Graffigny et Devaux ont des relations qui combattent dans chacun des camps, tel Saint-Lambert du côté français. Graffigny, quant à elle, est engagée dans une recherche de pension tant à Versailles qu’à Vienne. C’est celui qu’ils nomment « Disenteuil », l’abbé de La Galaizière[50], frère de l’intendant de Lorraine, qui défend sa cause à la cour de Louis XV. Les actualités de Versailles comme de Vienne sont donc présentes dans la correspondance. Ils y évoquent par exemple l’arrivée de la marquise de la Pompadour à Versailles, « la belle marquise », en septembre, à la cour. La maîtresse de Louis XV est l’un des appuis de Choiseul, principal ministre du roi à partir de 1758 et ancien locataire des parents de Devaux. Les informations du côté viennois parviennent à Graffigny notamment par des lettres du secrétaire de l’empereur, François-Joseph marquis de Toussaint.

Afin d’augmenter sa pension viennoise, Graffigny demande à Devaux ce qu’il pense d’un recueil de fables qui serait dédié à l’héritier de la couronne habsbourgeoise :

« Je voudrois faire un petit livre de fables dans le gout de celles de Mr de Fenelon au Dauphin, et les dedier au petit archiduc, apres en avoir obtenu la permission. L’epitre dedicatoire sera remplie de ma reconnoissance. La reine de Hongrie, ou plustot l’imperatrice, est genereuse ; peut-etre l’augmentera-t-elle, cette reconnoissance. Que dis-tu de cette idée ? Pour moi, je la trouve fort bonne et peu difficile à exécuter[51]. »

Pour Devaux le « projet est fort bon », mais il se demande si le temps est propice : « En faisant si bien votre cour d’un costé ne feriés-vous pas des affaires de l’autre. Il est vray que ce peut etre un secret entre vous et les gens a qui vous addresserés vos fables[52] ». Pour Graffigny, « tous les jours on dedie a qui bon semble[53] ». Elle ne pense donc pas qu’il soit défendu par Versailles de marquer sa reconnaissance pour la pension qu’elle reçoit de l’empereur, chose dont elle s’assure auprès de « Disenteuil ». En effet, les auteurs dédient à des têtes couronnées dans l’espoir de pensions et de reconnaissances, peu importe le territoire de celles-ci, et même en temps de guerre. Dans la même lettre du 24 septembre 1745, Graffigny informe Devaux de l’envoi par Voltaire de sa Bataille de Fontenoy au pape : « Voltaire ! L’Academie qui n’en veut point parce qu’il n’est pas devot ! Le St-Père qui le recompense de ce qui l’a fait proscrire ici ! », conclut-elle. La recherche de pensions, de gages et de reconnaissance est une activité qui transcende ici tous types de frontières.

Les actualités échangées dans les lettres, aussi diverses soient-elles, constituent autant d’informations utiles pour les carrières des littérateurs. Ils se conseillent sur ce qu’ils doivent ou non faire à l’aune des informations qu’ils récoltent chacun de leur côté. Or, ils se situent dans deux territoires distincts, deux entités politiques dissemblables, et c’est ce qui fait la force première de leur alliance. L’un est dans un territoire frontalier et l’autre dans une capitale.

La correspondance comme canal de publication : Les Amusemens du cœur et de l’esprit (1734)

La première œuvre imprimée et commune de Devaux et Graffigny, Les Amusemens du cœur et de l’esprit, est le produit de cette relation entre Paris et la Lorraine. Devaux évoque ce projet pour la première fois dans une lettre à Graffigny datée du 17 mars 1734, et, le 11 mai suivant, une demande d’approbation est lancée[54] :

« Depuis que tout cela est ecrit j’ay fait une reflexion sur l’impression de vos lettres. On est fort dans le goust des feuilles perriodiques et rien n’est si commode pour les autheurs indigens. Je tascherois d’avancer les frais de la premiere et ce qui en reviendroit fourniroit pour l’autre, sauf à prendre un autre parti, si la premiere ne reussissoit pas. J’aurois soin d’en faire tirer un grand nombre d’exemplaires, afin que, si elles ne se debiteront point sous cette forme, les feuilles servissent à l’impression du volume. Je crois que pour les faire mieux passer, il faudroit les entremesler de quelque chose de curieux ou d’amusant. Duval e[s]t de votre secret, qu’il fournisse aux recherches scavantes. Vous aimés la morale, faites des reflexions et poussés-les un peu loin comme dans Le Cabinet du philosophe. Vous avés toutes les poesies de Hayré, mettons-en un petit morceau à chaque feuilles. Voilà bien des materiaux[55]. »

À partir du modèle des feuilles qui ont alors un certain succès comme Le Cabinet du philosophe de Marivaux[56], on voit Devaux à Paris imaginer un ouvrage utilisant divers matériaux préexistants, en particulier leur correspondance et les poésies de Hayré, ainsi que les talents amis, en l’occurrence celui de Valentin Jamerey-Duval, bibliothécaire des ducs de Lorraine, ami et correspondant de Graffigny lorsqu’il est au service de François Ier à Vienne[57].

Cette volonté de publier leurs lettres – d’une manière ou d’une autre – n’est pas nouvelle. Un des aspects marquants de leur correspondance est qu’ils se présentent comme littérateurs, en parlant de littérature et en en adoptant des recettes littéraires qui connaissent un certain succès. À ce titre, les références aux lettres de la marquise de Sévigné sont notables[58]. Ils « sévignisent[59] » leurs lettres : il s’agit d’une part d’être dans le style de la marquise – « Tes lettres sont très uniformes pour le stile. Tu sais aussi bien orner une misere que la dame[60] », écrit Graffigny à Devaux – et d’autre part d’emprunter ses propres mots – « Or sus, verbalisons[61] » scande Devaux en novembre 1733. La littérarisation de leur correspondance doit donc être comprise comme un moyen pour eux de trouver le succès. Elle apparaît ainsi comme une mise en scène qui nous empêche ce faisant de considérer que ce qu’ils se disent d’eux-mêmes ou bien ce qu’ils rapportent est le simple reflet de la vérité.

Leur correspondance, de la même manière que leur production imprimée, est symptomatique de la recherche du succès. Ainsi, le contraste est frappant entre le « stile » des lettres de Devaux à Paris en 1733-1734 et celui développé dans Les Amusemens du cœur et de l’esprit. Les trois premières feuilles de cet ouvrage, ou « Nombre », qui font l’objet de l’approbation du 9 juin 1734, contiennent des « réflexions », de la morale, des poésies et des lettres – d’une part celle « d’un Hollandois à Paris » et de l’autre celle « d’une Dame à un de ses amis en Province ». L’introduction de la feuille périodique a été rédigée à quatre mains. Graffigny a semble-t-il donné les éléments principaux et Devaux explique à sa correspondante dans une lettre qu’il a « corrigé le stile » et y a ajouté un « petit avant-propos[62] ». Dans Les Amusemens, ils évoquent les deux périodiques qui « courrent alors à Paris[63] », Le Cabinet du philosophe de Marivaux et Le Pour et le Contre de l’abbé Prévost. Alors que Devaux mentionne, dans ses lettres à Graffigny, qu’il prend le parti de Marivaux qu’il « aime de tout son cœur » contre le journal de l’abbé Prévost[64], dans Les Amusemens du cœur et de l’esprit, les deux gazettes sont mises sur un pied d’égalité, gommant ainsi les reproches de Devaux à l’abbé Prévost. Par cette mise à égalité des deux gazettes littéraires dans la leur, Graffigny-Devaux s’assurent de ne pas fâcher l’abbé Prévost qui est alors une figure en vue du monde lettré parisien.

La lecture des Amusemens du cœur et de l’esprit offre plus globalement un contrepoint à celle de la correspondance. En considérant cette dernière comme un objet à vocation littéraire, voire comme un lieu où Devaux se met en scène afin que Graffigny conte à ses amis lunévillois les exploits de son ami à Paris, l’analyse de la feuille périodique nous permet de saisir une autre vision du séjour de Devaux et de ses ambitions. Ainsi, dans les « lettre[s] d’un Hollandois à Paris », Devaux décrit les mêmes découvertes et des rencontres semblables à celles présentes dans la relation épistolaire. Par exemple, nous pouvons lire dans la lettre à Graffigny du 7 novembre 1733 : « J’ay eté fort surpris de voir que les gens d’icy etoient faits comme ceux de Lorraine. Je leur croyois quelque chose d’extraordinaire que nous n’avions pas[65]. » Le « Hollandais », raconte pour sa part dans sa première lettre : « Vous imaginez peut-être que Paris est un séjour bien extraordinaire, & que l’on y vit autrement que dans nos Provinces. Non, ce sont ici des hommes qui sont partout ailleurs ; des passions, des vices, des foiblesses : la Nature y est partout la même, & tous les hommes se ressemblent[66]. » Seulement, là où la correspondance est un moyen pour lui d’affirmer une certaine proximité avec le milieu littéraire et académique parisien, la feuille périodique affiche elle une certaine distance avec ces milieux de sociabilité et notamment ceux qu’ils nomment les « Petits-Maîtres[67] ». Ainsi, dans la feuille périodique, Devaux colle davantage à ce qui se publie alors à Paris.

« Un Petit-Maître est un homme qui veut vous persuader de son mérite, à force de faire signifier à toutes ses façons que lui-même en est très-convaincu. […] Cette espece d’hommes est si rare dans notre pays, que ma Lettre seroit trop longue, si j’entrepenois de vous les faire connoître à fond[68]. »

« Les Hommes et les femmes vivent ici avec une liberté indécente qui va jusqu’au libertinage[69] », professe-t-il encore dans la troisième lettre d’un Hollandais. Devaux, l’auteur de périodique, se pose, à travers ces lettres, comme un provincial sincère face à la fausseté des Parisiens, rejoignant à la fois le topos du sage à l’écart de la société et la morale marivaudienne d’alors. Ici, par sa production imprimée, Devaux élabore en 1734 les fondements de son nom d’auteur grâce à sa collaboration avec Graffigny.

Les fonctions en Lorraine : la reconnaissance d’un littérateur transfrontalier ?

Receveur des finances : un « obligé » à la cour ?

C’est par cette existence sociale à Paris et cette position de littérateur, permise notamment par la correspondance avec Graffigny de 1739 à 1758, que Devaux renforce sa place dans les duchés lorrains. Sa reconnaissance dans la cité et celle dans le champ littéraire s’alimentent mutuellement. En novembre 1741, il est nommé receveur des finances de Lunéville[70], à la suite de la réorganisation du personnel financier lorrain qui divise la province en quinze nouvelles recettes particulières, auxquelles sont attachés trente offices de receveurs[71]. Il s’agit là d’un office de finance qui lui permet d’obtenir des gages. En 1748, par exemple, il reçoit 2 755 livres 11 sous 1/3 denier comme receveur ancien au bureau de Lunéville et 3 100 livres comme receveur ancien des finances au bureau de Saint-Mihiel[72].

Devaux remercie dans une lettre Graffigny pour l’obtention de cette charge[73]. C’est un succès remporté grâce à leurs réseaux qui comptent des nobles lorrains et français comme François Antoine Pierre Alliot[74], qui semble avoir convaincu le duc, et l’abbé de La Galaizière. L’abbé est alors l’un des appuis les plus constants de Graffigny à Paris. Rencontré en 1739, il lui sert d’intermédiaire aussi bien à la cour de Lunéville qu’à celle de Louis XV. Fort de ces appuis, Devaux affirme dans une lettre à Graffigny que l’intendant de Lorraine, le frère de l’abbé de La Galaizière, n’a eu d’autre choix que de le nommer, et que cela a été pour l’intendant une manière de l’obliger : « [L’intendant] étoit charmé d’avoir trouvé cette occasion de m’obliger et qu’il y a longtemps [dit-il] qu’il l’a cherchoit. […] Quel sacrifice je fais à mes parens ! Ah ma chere philosophie, mon adorable indolence, ma douce tranquilité, qu’allez-vous devenir ? Il me faudra donc aller valeter avec le reste de l’univers[75]. » Dans cette lettre, où il met en scène sa nomination, Devaux suggère qu’il n’aurait pas eu à la demander, que cela a été une faveur que l’intendant lui aurait concédée après que le duc lui-même ait choisi Devaux pour cette fonction. Pourtant, il lui a fallu solliciter de nombreuses relations pour l’obtenir. Autrement dit, si Devaux prétend s’en plaindre ou s’en défend, il a bien dû « valeter » – faire sa cour à des plus ou moins puissants – pour obtenir le poste de receveur des finances de Lunéville. Dans sa correspondance littérarisée, il dit accepter comme un « sacrifice » cette sujétion, manière de mettre en avant son ethos d’homme de lettres qui suppose une certaine tranquillité, loin des affaires. C’est la contradiction qui fait sa dynamique : il doit affecter l’indifférence pour pouvoir mieux y prendre part puisque cette fonction lui sert d’appui pour d’autres ambitions.

La lecture de sa correspondance montre qu’il a pu puiser dans la cassette en 1745, notamment pour aider Graffigny, profitant du peu de « méthode rigoureuse » dans les comptes de fin d’année, qui ne sont réorganisés qu’en septembre 1749[76]. Le moment de la clôture des comptes est donc délicat, car il lui faut combler les manques. En 1745, le marquis de Grandville[77], ancien chambellan du duc Léopold, nommé lieutenant général des armées du roi en 1743, lui prête la somme manquante, ce qui renforce les liens entre Devaux et les Grandville, qui ont été les amis de Graffigny au moment où elle était à la cour de Lunéville[78]. De ces relations découle une certaine dépendance à l’aristocratie lorraine, mais une dépendance recherchée par Devaux. Dans la première partie de la décennie 1740, Devaux gravite dans la société de cour lorraine. Cette situation à Lunéville lui permet de mettre en place un « courtage de livres[79] » avec Graffigny auprès de destinataires, notamment lorrains, mais également de renforcer sa crédibilité dans le monde savant. Sa position de courtisan renforce celle de littérateur et réciproquement. Ainsi, en 1742, Joseph Uriot publie un livre adressé à « Mr. De Vaux conseiller de sa maj. le roy de Pologne duc de Lorraine[80] » titre qu’il revendique depuis sa nomination comme receveur.

Son inscription dans le milieu curial se renforce progressivement au cours de la décennie 1740 et coïncide avec le crédit grandissant de Graffigny dans les milieux lettrés parisiens. L’année 1748 constitue à ce titre un tournant, d’une part parce que la consécration de Graffigny est enfin arrivée avec l’impression des Lettres d’une Péruvienne, et d’autre part car la cour lorraine s’anime de nouvelles figures en capacité de renforcer l’intégration de Devaux dans le monde curial. C’est l’un des moments les plus intenses de leur correspondance. La fin de la guerre de Succession d’Autriche conduit au retour de potentiels protecteurs pour Devaux : « La guerre etant finie, il y a bien des gens qui y ont fait fortune, qui sont en argent comptant […][81]. » L’arrêt du conflit est également synonyme du retour d’un ami de longue date : le poète Saint-Lambert, ancien amant de la marquise de Boufflers. Cette dernière est un soutien de premier ordre pour la trajectoire de Devaux à la cour. Marie Françoise Catherine de Beauvau-Craon, la marquise de Boufflers, fait partie des grandes familles lorraines et est, depuis 1745, la maitresse du duc Stanislas, après avoir été celle de l’intendant de La Galaizière. Elle devient la protectrice de Devaux, le rapprochant du centre de la cour. Son ascension est aussi permise par la présence de Voltaire à la cour de Lunéville, avec qui il peut revendiquer une certaine intimité.

Dans ce « furieux metier que celui de courtisans[82] », selon la formule de Graffigny qui l’exerçait en 1738 à Commercy, Devaux est invité à multiplier les visites aux gens de la cour à l’automne 1748, comme il en témoigne à sa correspondante :

« Bonsoir, chere amie, comment vous va. Vous amusés-vous bien ou vous etes. Quoyque je vous aime mieux à Paris, j’aime vos plaisirs par-dessus tout. Les miens se soutiennent assés bien, je me suis encor beaucoup amusés aujourd’hui. J’ay eu les complimens de tout le monde. J’ay diné chez madame de Thianges chés qui j’etois prié depuis trois jour, il y avoit très bonne compagnie ; les Grandvilles, pour [ ?][83] femmes, les chevaliers de Beauveau, et de Lestenois et Voltaire. […] Il m’a accablé d’amitiés ; on m’a fait dire des vers aussi, il les a trouvés bons, ou en a fait semblant[84]. »

Devaux parle ici avec affectation – il vouvoie même Graffigny[85] – et se pose plus que jamais en courtisan, ami du grand Voltaire et des figures les plus importantes de la cour, comme la marquise de Boufflers ou Saint-Lambert, amant d’Émilie du Châtelet. Mais ce sont les activités de littérateur de Devaux avec Graffigny, entre la Lorraine et Paris, qui font de lui un sujet particulièrement utile au duché. Alors qu’il a dû revendre sa charge de receveur, Graffigny lui conseille en mars 1752 de renforcer sa posture de littérateur pour avoir ses entrées auprès de l’intendant de Lorraine : « Puisque ce Medecin [l’intendant de la Galaizière] lui-meme est si orgueilleux et si difficile, tu ne peux parvenir a ce que tu desires qu’en qualité d’homme de letre, et pour la constater, cette qualité, il me semble que tu dois comenser par etre de l’Academie[86]. »

Académicien[87] de Stanislas : le produit de son ancrage entre la Lorraine et Paris

Comme le souligne Daniel Roche, l’installation de Stanislas assure « le triomphe du ton français en Lorraine », avec l’aide des milieux dirigeants lorrains et le secours de personnalités parisiennes liées au duc par des rapports d’amitiés et de services[88]. Stanislas crée entre autres son Académie en 1750-1751[89]. Cette victoire du « ton français » se fait par l’attachement de lettrés, de savants et de nobles à la figure du duc, beau-père de Louis XV. En apparence, l’inflexion de l’académie de Stanislas est particulièrement « régionaliste[90] » – le droit de concourir aux prix académiques est limité aux Lorrains –, mais ses prétentions sont universalistes, comme il en va de toute académie. Or, c’est notamment dans les écrits des académiciens, comme les discours, que l’on peut retrouver cette ambiguïté apparente entre glorification du duc de Lorraine et reconnaissance d’une Lorraine française, à l’instar des productions de l’académicien Devaux.

English Showalter a montré l’ambivalence de Devaux à l’égard de cette académie naissante : celui-ci en défend l’idée, mais redoute qu’elle soit créée, par peur de ne pas y être élu[91]. Néanmoins, sa position de courtisan et d’intermédiaire avec Paris le rend utile pour le pouvoir lorrain qui peut, par son entremise, espérer attirer à lui des figures de renom. Ses relations, à Paris comme à Lunéville, expliquent sans doute sa nomination à l’Académie. Devaux est alors proche de l’un de ses fondateurs, Louis Elisabeth de la Vergne, comte de Tressan (1705-1783), grand maréchal des logis de Stanislas et second président de la Société royale en 1752. Vingt-et-une lettres de Tressan adressées à Panpan sont conservées à la Bibliothèque municipale de Nancy, datées entre 1750 et 1767. Devaux sert parfois au comte de relais à Lunéville quand celui-ci est à Toul en tant que gouverneur. En 1750, il demande ainsi à Devaux d’intercéder en sa faveur auprès de la marquise de Boufflers[92]. Après la nomination de Devaux à l’Académie, Tressan discute avec celui qu’il nomme son « confrère » et « son cher panpan » de la politique des prix de l’académie mise en place par Stanislas, ou bien de ce qu’il se dit à Paris[93].

Dans le même temps, Devaux devient « lecteur du roy » – du duc Stanislas – alors qu’il a dû vendre sa charge de receveur à son cousin en janvier 1752. Cette fonction ne semble pas gagée[94], mais elle est particulièrement honorifique. En décembre de la même année, Graffigny change l’adresse de destination de ses envois : non plus « Monsieur Devaux receveur des finances Lorraine à Lunéville » mais « Monsieur Devaux, lecteur de S. M. le Roi de Pologne à Lunéville ». Une certaine consécration de Devaux s’acte en cette fin d’année 1752, et sa pièce de théâtre – Les Engagemens indiscrets – est enfin jouée au Théâtre-Français le 26 octobre. Elle est ensuite représentée à Versailles, à Nancy et enfin à Vienne. En quelques semaines voici Devaux auteur avec privilège, académicien et lecteur du roy de Pologne.

Dans la dédicace en vers à Stanislas qui orne la pièce imprimée à Paris en 1753, Devaux met en scène la Lorraine – « l’heureuse Austrasie » – et son souverain – le « bienfaisant ». Il participe ainsi à l’édification de l’image de Stanislas, « philosophe bienfaisant[95] », et renforce dans le même temps sa propre légitimité puisque ses fonctions honorifiques agrémentent la première page de la pièce. Dans une lettre du 26 novembre 1752, Graffigny approuvait l’idée de dédicacer la pièce à Stanislas : « Je suis de l’avis, et tres fort, de la dedicasse au roi. Tu lui dois, et tu es bien aise de te confondre en recconnoissance et en louange[96]. » Cette dédicace est, en effet, un geste envers son protecteur qui produit également de la légitimité pour lui en retour.

Plus généralement, l’élaboration de cet ouvrage, discutée dans la correspondance Graffigny-Devaux, nous apprend que Devaux a réalisé un certain nombre de dédicaces personnalisées. En vers, elles sont soit copiées à la main dans l’objet-livre, soit imprimées avec l’épître à Stanislas :

« Je ferai metre les vers à l’exemplaire du Prince [de Beauvau-Craon[97]]. Ils sont tres jolis. C’est une tres agreable plaisanterie. Tu devrois bien en faire autant pour celui de Nicole [Jeanne Quinault], car elle est un peu fâchée contre toi […] Regaye-la par une petite plaisanterie. Je ferai aussi mettre ceux de Md. de Luxembourg[98]. »

Qu’il s’agisse du Prince de Beauvau-Craon ou de Md. de Luxembourg, Devaux s’adresse par ses vers à des grands d’origine lorraine mais dont l’influence s’exerce en France. Ils sont également des protecteurs des lettres, et donc, autant de relais pour la reconnaissance de Devaux comme auteur. Le poète lorrain ne manque pas de soutiens et multiplie les correspondances et les vers adressés à ces derniers.

Parmi ses proches, on note la présence de l’abbé Porquet, aumônier de Stanislas et poète. Il s’agit d’un autre protégé de la marquise de Boufflers. Il jouit aujourd’hui d’une réputation similaire à celle de Devaux, celle d’un poète peu brillant mais proche de l’aristocratie lorraine. Dans une lettre de 1763, l’abbé se peint également comme un homme léger : « Vous scavez que je suis presque aussi attaché à ma paresse qu’à mes amis ». Pourtant, il écrit à Devaux pour que celui-ci fasse paraître dans le « Mercure » sa « dissertation de grammaire » s’appuyant sur son curriculum-vitae – ses études et ses relations. Il prend pour prétexte de cette demande de féliciter Devaux de :

« La petite révolution qui opere un assés grand changement dans votre fortune. J’en suis ravi, enchanté ; et il n’y a paresse qui tienne, je veux que vous le sçachiez. Vous allez dons jouïr de cette heureuse indépendance dont vous êtes si digne, et après laquelle vous aspiriez depuis si longtemps ! je vous proteste que cet événement ne me touche guère moins que s’il m’étoit uniquement personnel. Le beau rôle d’ailleurs à jouer dans le monde, que j’y pense, que celui d’auteur de la gazette ![100] »

Il s’agit peut-être[101] de la Gazette littéraire de l’Europe dont le prospectus parait en juin 1763 et qui peut compter parmi ses contributeurs Voltaire et Saint-Lambert[102]. Si l’on ne sait pas encore si Devaux a pu effectivement y participer, la proposition lui en a néanmoins été faite et celle-ci est connue puisque l’abbé Porquet dit tenir cette information de Saint-Lambert. Ce journal littéraire est lancé au lendemain de la guerre de Sept Ans dans l’entourage du duc de Choiseul pour soutenir la monarchie[103]. On voit ici que cette proposition constitue un succès social qui se sait. C’est là le fruit de ses efforts antérieurs dans le maintien de relations passées par la Lorraine qui se sont rapprochés du pouvoir français : par les lettres pour Graffigny ou par l’armée et l’administration pour le duc de Choiseul. Devaux a copié et préservé les poèmes qu’il a envoyés au duc de Choiseul. Il y met en scène, le souvenir de la jeunesse lorraine du duc de Choiseul, « son ange protecteur[104] », d’abord « petit maître » avant de devenir le tout-puissant ministre de Louis XV :

« Ces traits nobles et fins, cet air, ce nez au vent
Tous ces dehors brillants d’un petit maitre,
Qui faisoient oublier souvent
et ce qu’étoient choiseul, et ce qui alloit etre.
Ce duc charmant fait pour l’amour,
fait pour plaire, et pour qu’on lui plaise,
ce papillon chés pompadour
etoit un aigle chés therese.
Bientôt dans ses heureux effors,
il plana sur toute l’europe […][105]. »

Ici Choiseul, parti de Lorraine, passé par Paris et Versailles, incarne l’un de ces « aigles » transfrontaliers dont les carrières transcendent les discontinuités politiques et sociales. Par l’éloge de cet homme qui a conquis le plus évident des patronages royaux – le poste de principal ministre de Louis XV, Devaux s’associe à son héritage alors que lui-même, fils de bourgeois lorrain, a acquis sa notoriété en faisant fi des frontières sociales et géographiques.

Conclusion. « Mon histoire » : l’autobiographie comme renouvellement des ambitions du littérateur-courtisan

Par ses divers écrits, Devaux a tout au long de sa carrière élaboré conjointement une figure d’auteur sérieux et de courtisan paresseux et léger. C’est en jouant du topos du littérateur hors de la société et détaché de la recherche du succès qu’il décrit lui-même son parcours en vers en 1777 en Lorraine française. Il s’agit, pour conclure, de revenir sur ce poème qui a été pris au pied de la lettre par les biographes de Devaux. Ils y ont vu la justification même d’une trajectoire de poétaillon, ou, au mieux, de dilettante lettré.

« Mon histoire 1777

Toujours contraire au sort qui me fut destiné,
Interprête allemand je n’en sus pas la langue :
Avocat : je n’ai fait playdoyer, ni harangue :
Devenu financier, je m’y suis ruiné.
Je fus de notre roy lecteur a bouche close :
Loin de prendre les mœurs de ma métamorphose,
Franc bourgeois à la cour, j’y fus homme de bien :
Au nombre des savants je fus admis sans cause :
et quoyqu’Académicien,
n’ayant pas fait la moindre chose,
plus que Piron, je ne fus rien.
Un dernier trait enfin, qui comblera la doze
de tant de singuliers travers ;
je ne faisois que de la prose
quand je voulais faire des vers[106]. »

Toutes les professions et fonctions évoquées par Devaux dans ce poème ont bien une réalité biographique. En revanche, si on doit synthétiser l’image qu’il renvoie de lui-même, Devaux, âgé de soixante-six ans, se présente comme un homme qui n’aurait accompli aucun des desseins que le sort lui aurait réservés ; il aurait obtenu son siège d’académicien « sans causes » laissant l’ambiguïté entre le fait de l’avoir conquis sans mérite ou sans effort particulier. Par ce poème, il renforce son image de lettré désintéressé du succès, d’auteur qui se déprécie mais qui est dévoué aux lettres, construisant ainsi son ethos d’homme de lettres. Ces vers, longue prétérition, permettent à Devaux d’exposer tout ce qu’il a fait pour devenir le littérateur qu’il est en 1777, tout en disant qu’il n’a rien fait pour le devenir. Ce poème autobiographique est ainsi une nouvelle action d’écriture qui a pour fonction d’asseoir sa légitimité d’auteur capable de prétendre peut-être même à l’Académie française.

Ces vers font partie d’un manuscrit, conservé à la Bibliothèque municipale de Nancy, que Devaux a rendu public puisque tous les poèmes qui y sont inscrits ont circulé en son temps, de main en main, de bouche en bouche. Dans ce recueil postérieur au rattachement de la Lorraine ducale à la France, Devaux se pose également en dignitaire de la Lorraine indépendante disparue en 1766 avec la mort de Stanislas. Par ces pratiques de littérature, il participe donc à l’élaboration d’une mémoire commune des anciens duchés. C’est là un des ressorts de sa carrière : il joue de son identité d’homme proche du pouvoir lorrain, c’est-à-dire de courtisan, mais pour également imposer son nom d’auteur sur des imprimés à Paris et s’instituer comme un intermédiaire dans l’élite lettrée au-delà des frontières des duchés de Lorraine et de Bar. Par sa proximité avec le pouvoir lorrain, il a pu s’imposer comme un relais pour les ambitions de jeunes auteurs en quête de reconnaissance et de fonctions. Ainsi, la mise en avant même de son surnom de « Panpan » est associée à cette figure de courtisan et se révèle être un marqueur de tous les réseaux d’amitié et d’entraide qu’il entretient tout au long de sa vie. C’est donc bien en jouant simultanément de son nom propre, de son nom d’auteur et de son surnom de courtisan que Devaux parvient dans la proximité du pouvoir lorrain à poser les jalons d’une réussite sociale par les lettres.


[1] Je remercie chaleureusement David Smith et Dominique Quéro qui m’ont fait parvenir les retranscriptions des lettres de Devaux de 1745 à 1749, conservées à la bibliothèque Beinecke dans les Graffigny Papers.

[2] Pauline Lemaigre-Gaffier et Nicolas Schapira, « Introduction », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [en ligne], 2019, mis en ligne le 30 avril 2019, consulté le 16 septembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/crcv/17822.

[3] Daniel Roche, Le siècle des lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris, éd. de l’EHESS, 1989 (1978), p. 186.

[4] Définition tirée de la 4e édition du dictionnaire de l’Académie française (1762).

[5] Nicolas Schapira, « Nom propre, nom d’auteur et identité sociale. Mises en scène de l’apparition du nom dans les livres du XVIIe siècle », Littératures classiques, vol. 80, n° 1, 2013, p. 69-86.

[6] Cette correspondance a été le sujet de nombreuses publications et de travaux, attirés par la singularité de l’objet et par la célébrité qu’a été celle de Graffigny, autrice à succès au milieu du XVIIIe siècle. De nombreuses références sont mentionnées dans cet article.

[7] Alain Viala, « La côte d’Adam, la cuisse de Marcel et les deux bouffons de Molière », Sociopoétiques [en ligne], n° 4, mis à jour le : 11/04/2020, URL : https://revues-msh.uca.fr:443/sociopoetiques/index.php?id=896.

[8] Nous retrouvons des lettres de Devaux ou adressées à celui-ci aussi bien dans les « Papiers » concernant Mme de Graffigny à la Bibliothèque nationale de France ou bien à la Bibliothèque municipale de Nancy.

[9] Bibliothèque municipale de Nancy, Ms. 366(609), f. 91. Ce manuscrit à fait l’objet d’une publication : François Antoine Devaux, Poésies diverses, testo inedito introduzione e appendice a cura di Angela Consiglio, Bari, Adriatica, 1977.

[10] Guillaume Peureux, De main en main. Poètes, poèmes et lecteurs au XVIIe siècle, Paris, Hermann, 2021.

[11] Anne Motta, Noblesse et pouvoir princier dans la Lorraine ducale, 1624-1737, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 30.

[12] Pierre Boyé, « Le Dernier Fidèle de la cour de Lunéville : la vieillesse de Panpan Devaux », dans Quatre Études inédites, Nancy, Imprimerie des Arts graphiques modernes, 1933, p. 35-97.

[13] Par exemple, pour l’année 1731, la maison est louée six mois au « prédicateur de l’avent et du carême », Archives départementales de Meurthe-et-Moselle (désormais ADMM), B172.

[14] Il s’agit là du littérateur tel qu’abordé par Alain Viala dans le chapitre 6 de son ouvrage, Naissance d’un écrivain, sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, Éditions de Minuit, 1985, p. 186-216.

[15] Liébault sera notamment professeur d’histoire des cadets du roi Stanislas.

[16] Claire-Claude-Louise Lebrun dite Clairon est comédienne des ducs et enfant de la balle. David Smith, « Les Lettres parisiennes de François Antoine Devaux (1733-1734) », avec la collaboration de Dorothy P. Arthur, Marie-Thérèse Inguenaud et English Showalter, dans Marie-Thérèse Inguenaud, David Smith, Octavie Belot, Présidente Durey de Meinières. Étude sur la vie et l’œuvre d’une femme des Lumières, Paris, Honoré Champion, 2019, p. 233.

[17] À propos de la pièce de F. de Graffigny, La Réunion du Bon Sens et de l’Esprit, Devaux affirme : « Vous scavés que je n’oserois me donner pour autheur de peur de chagriner mes parens », dans David Smith, id.

[18] Ibidem, p. 295.

[19] Henri-Jean Martin, « La direction des lettres », dans Roger Chartier et Henri-Jean Martin (dir.), Histoire de l’édition française, Le livre triomphant 1660-1830, Paris, Fayard, 1990, p. 72-87 ; Barbara de Negroni, Lectures interdites. Le travail des censeurs au XVIIIe siècle, Paris, Albin Michel, 1995.

[20] David Smith, « Les Lettres parisiennes … », p. 226-227.

[21] Wallace Kirsop, « Le mécanismes éditoriaux », dans Roger Chartier et Henri-Jean Martin (dir.), Histoire de l’édition…, p. 19-20.

[22] Devaux mentionne dans ses lettres l’origine de ses ressources financières : il perçoit de l’argent de ses parents par François Grobert (1694-après 1759), financier lorrain et secrétaire du marquis de Stainville, père du futur duc de Choiseul. La correspondance montre que Grobert fait des allers-retours réguliers entre Lunéville et Paris, ce qui n’empêche pas Devaux de se plaindre de n’être financé que « louïs par louïs ». David Smith, « Les Lettres parisiennes… », p. 259.

[23] La pièce aurait été écrite dès le début des années 1730. English Showalter, Françoise de Graffigny, sa vie, son œuvre, Paris, Hermann Éditeurs, 2015, p. 442-450.

[24] Correspondance de Madame de Graffigny, tome II, Oxford, Voltaire Foundation, 1989, p. 74.

[25] François Bessire, « Françoise de Graffigny. Femme de lettres et femme du livre » dans Revue de la BnF, 2011, n° 39, p. 28-37.

[26] Le manuscrit est acheté par Mme Pissot qui le publie une première fois sous une fausse adresse, « À Peine » en 1747. Mireille François, « Madame de Graffigny dans les collections de la bibliothèque Stanislas de Nancy » dans Charlotte Simonin (dir.), Françoise de Graffigny (1695-1758), femme de lettres des Lumières, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 145-172 ; David Smith, Bibliographie des œuvres de Mme de Graffigny (1745-1855), Ferney-Voltaire, Centre d’Étude du XVIIIe siècle, 2016.

[27] Cette ancienne actrice de la Comédie-Française a été l’un des appuis les plus importants de F. de Graffigny à Paris, notamment en l’introduisant à sa société « du bout du banc ».

[28] Correspondance de Madame de Graffigny, tome VI, Oxford, Voltaire Foundation, 2000, p. 458.

[29] David Smith, « Les Lettres parisiennes… », p. 274.

[30] Charlotte Simonin, « De l’autre côté du miroir, Marivaux à travers la Correspondance de Madame de Graffigny », dans Charlotte Simonin (dir.), Françoise de Graffigny (1695-1758)…, p. 193.

[31] David Smith, « Les Lettres parisiennes… », p. 294.

[32] Marie-Antoinette Cailleau, fille du libraire parisien André Cailleau, succède à son mari, Nicolas-Bonaventure Duchesne, en 1765.

[33] Sur les théâtres de société à Lunéville, voir Dominique Quéro, « Chronique de le vie théâtrale à Lunéville au XVIIIe siècle. Devaux acteur de société (1748-1749) », dans Charlotte Simonin (dir.), Françoise de Graffigny (1695-1758)…, p. 79-92.

[34] Antoine Lilti, « Public ou sociabilité ? Les théâtres de société au XVIIIe siècle », dans Christian Jouhaud et Alain Viala (dir.), De la publication, entre Renaissance et Lumières, Paris, Fayard, 2002, p. 281-300.

[35] François Antoine Devaux, Le bon fils, Paris, La Veuve Duchesne, 1773, p. II.

[36] Antoine Lilti, « Public ou sociabilité ?… », p. 290.

[37] Terme utilisé par Devaux dans son poème « Mon histoire 1777 », BM Nancy, Ms. 366(609), p. 91.

[38] Correspondance de Madame de Graffigny, tome IV, Oxford, Voltaire Foundation, 1996, p. 210.

[39] Id.

[40] Correspondance de Madame de Graffigny, tome IX, Oxford, Voltaire Foundation, 2004, p. 292.

[41] Nicolas Schapira, « Postface. Les privilèges et l’espace de la publication imprimée sous l’Ancien Régime » dans Edwige Keller-Rahbé (dir.), Privilèges de librairie en France et en Europe. XVIe-XVIIe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 481.

[42] Nicolas Schapira, « Histoire de la censure et histoire du livre. Les usages de la censure dans la France d’Ancien Régime », Histoire et civilisation du livre, Revue internationale, XVI, 2020, p. 225-242.

[43] Note 59 dans David Smith, « Les Lettres parisiennes… », p. 226.

[44] Prosper Jolyot de Crébillon (1674-1762).

[45] On considère ici que ce sont des « alliés d’ascension », selon l’expression empruntée à Paul Pasquali, Passer les frontières sociales. Comment les « filières d’élite » entrouvrent leurs portes, Paris, Fayard, 2014 et Rose-Marie Lagrave, Se ressaisir, Enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe, Paris, La Découverte, 2021.

[46] Nicolas Schapira, « Nom propre, … », p. 84.

[47] Par exemple, pour janvier, février et mars 1731, Graffigny reçoit une pension de 125 livres. ADMM, B 1718, p. 32.

[48] « Discours sur l’esprit philosophique », dans François Antoine Devaux, Poésies diverses, testo inedito…, p. 295-296.

[49] David Smith, « Les Lettres parisiennes… », p. 232-239.

[50] Henri-Ignace Chaumont, abbé de La Galaizière, frère de l’intendant de Lorraine et attaché au bureau de Philibert Orry contrôleur général des finances.

[51] Correspondance de Mme de Graffigny, tome VII, Oxford, Voltaire Foundation, 2002, p. 12.

[52] 20 septembre 1745, Yale, G.P., XXXII, p. 197.

[53] Correspondance de Mme de Graffigny, tome VII, Oxford, Voltaire Foundation, 2002, p. 24.

[54] David Smith, « Les Lettres parisiennes… », p. 295.

[55] Ibidem, p. 286.

[56] Le cabinet du philosophe est imprimé en 1734. L’approbation est datée du 17 septembre 1733. Devaux mentionne pour la première fois ce périodique le 8 février 1734. David Smith, « Les Lettres parisiennes… », p. 268.

[57] La correspondance de Valentin Jamerey-Duval a fait l’objet d’une récente édition critique en trois tomes par André Courbet : Correspondance de Valentin Jamerey-Duval, Bibliothécaire des ducs de Lorraines, Paris, Honoré Champion, 2011-2019. À voir également : André Courbet, « Les relations et la correspondance entre Valentin Jamerey-Duval et Françoise de Graffigny », dans Charlotte Simonin (dir.), Françoise de Graffigny (1695-1758)…, p. 25-46.

[58] La première édition, partielle, des lettres de la marquise de Sévigné date de 1725. De 1734 à 1737 paraissent six volumes de ses lettres.

[59] Néologisme employé par Devaux le 6 octobre 1745, Yale, G.P., XXXII, p. 239.

[60] Correspondance de Mme de Graffigny, tome VII, Oxford, Voltaire Foundation, 2002, p. 46.

[61] David Smith, « Les Lettres parisiennes… », p. 234.

[62] Ibidem, p. 294.

[63] Amusemens du cœur et de l’esprit, ouvrage périodique, Paris, Chez Didot, 1734, p. 4.

[64] Le Cabinet du philosophe de Marivaux serait alors « déchiré », méprisé, par l’abbé Prévost dans son propre journal. David Smith, « Les Lettres parisiennes… », p. 294.

[65] David Smith, « Les Lettres parisiennes… », p. 219.

[66] Amusemens du cœur et de l’esprit, …, p. 12.

[67] En 1734 est également publiée la pièce de Marivaux, Le Petit-Maître corrigé. On retrouve dans la troisième lettre d’un Hollandais, un des thèmes principaux de la pièce de Marivaux, où Rosimond, arrivé de Paris, n’ose avouer qu’il aime sa promise, une provinciale. Dans Les Amusemens du cœur et de l’esprit, on peut lire : « Un honnête homme n’oseroit presqu’avoüer qu’il est amoureux de sa femme : à force de ne plus rougir du crime, on en vient à rougir de la vertu », ibidem, p. 55.

[68] Ibidem, p. 14.

[69] Ibidem, p. 53.

[70] Arrêt d’entérinement de sa réception comme receveur de Lunéville où il est appelé « François Antoine Joseph Devaux avocat à la cour », ADMM, B 245, p. 85.

[71] Pierre Boyé, Le budget de la province de Lorraine et Barrois sous le règne nominal de Stanislas (1737-1766), Nancy, Imprimerie Crépin-Leblond, 1896, p. 68.

[72] ADMM, B 1748.

[73] « Me voila enfin, grace à vous, chere amie, conseiller du roy et receveur des finances ; cela n’est-il pas beau ? » Yale, G.P., 25 décembre 1741, XVI, p. 331-332.

[74] Conseiller-secrétaire du conseil aulique et lieutenant général de la police à Lunéville.

[75] Correspondance de Madame de Graffigny, tome III, Oxford, Voltaire Foundation, 1996, p. 292.

[76] Pierre Boyé, Le budget de la province… p. 69.

[77] Grandville, Étienne-Julien Locquet, marquis de (1685-1752), nommé le « Général » dans la correspondance.

[78] Yale, G.P., (18)17 octobre 1745, XXXII, p. 264.

[79] François Bessire, « Françoise de Graffigny… », p. 33.

[80] Joseph Uriot, Lettre d’un franc-maçon à Mr. De Vaux conseiller de sa maj. le roy le Pologne duc de Lorraine et de son altesse électorale le Prince Palatin, Francfort sur le Meyn, 1742.

[81] 1er octobre 1748, Yale, G.P., XLII, p. 125.

[82] Correspondance de Madame de Graffigny, tome I, Oxford, Voltaire Foundation, 1985, p. 47.

[83] Présent dans la retranscription.

[84] 29 septembre 1748, Yale, G.P., XLII, p. 119.

[85] La question du tutoiement / vouvoiement au sein de la correspondance est aussi bien un reflet de l’état de leur alliance à un moment donné, qu’elle peut également être considérée comme un moyen de jouer parfois de diverses mises en scène.

[86] Correspondance de Madame de Graffigny, tome XII, Oxford, Voltaire Foundation, 2008, p. 305.

[87] Comme Daniel Roche, nous reprenons ici le terme d’« académicien » pour qualifier le statut auquel accède Devaux. Dans le Dictionnaire de l’Académie françoise dédié au Roy en 1694 (1ère édition) : « Qui est de quelque Académie de gens de lettres ».

[88] Daniel Roche, Le siècle des lumières en province…, p. 42-43.

[89] Pierre Marot, « Les origines de la Société Royale des Sciences et des Belles-Lettres de Nancy : La Curne (?) de Sainte-Palaye et le roi Stanislas », dans Jean Schneider (dir.), La Lorraine dans l’Europe des Lumières, Nancy, Berger-Levrault, 1968 ; Jean-Claude Bonnefont (dir.), Stanislas et son Académie, Colloque du 250e anniversaire, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2003.

[90] Karl Hildebrandt, « Le prix de l’Académie de Stanislas, un contre-modèle régionaliste d’une institution européen », p. 305-316.

[91] English Showalter, « L’élection de Panpan Devaux à l’Académie de Stanislas », p. 185-194.

[92] BM Nancy, Ms. 1267 (793), p. 9-12.

[93] Ibidem, p. 78-81.

[94] Nous ne retrouvons pas de trace de F. A. Devaux dans les comptes de la cour de Lunéville dans la décennie 1750 après la vente de sa charge de receveur. En revanche, il est présent dans les charges et dépenses de la Maison du Roi, de France, dans la décennie 1770, avec comme somme indiqué de 300 livres pour ses services de « lecteur du roy », Stanislas (Archives nationales, O, 1, 723, p. 266 pour l’année 1774). En 1791, il est noté dans l’« État des pensions des officiers et des domestiques de ce prince » que Devaux a le droit à des gages pour ses 14 années de service en tant que « lecteur du roy » (AN, DX3, Dossier 25, p. 4).

[95] Titre des œuvres de Stanislas publiées à Paris en quatre volumes en 1763.

[96] Correspondance de Madame de Graffigny, tome XIII, Oxford, Voltaire Foundation, 2010, p. 113.

[97] Charles-Juste, prince de Beauvau-Craon (1720-1793).

[98] Madeleine Angélique de Neufville Villeroy, duchesse de Boufflers puis de Luxembourg (1702-1787) ; Correspondance de Madame de Graffigny, tome XIII…, p. 132.

[100] BnF, Ms., NAF 15581, p. 20.

[101] Cet article s’inscrit dans mes recherches de thèse, et il s’agit là d’un pan qui est encore à étayer.

[102] Rémy Landy, « Gazette littéraire de l’Europe I » dans Jean Sgard (dir.), Dictionnaire des journaux, 1600-1789, A-I, Oxford, Universitas Paris, Voltaire foundation, 1991, p. 516-517.

[103] Jonathan Conlun, « The Gazette Littéraire de l’Europe and Anglo-French Cultural Diplomacy », Études Épistémè, 26, 2014.

[104] BM Nancy, Ms. 366(609), p. 107.

[105] Ibidem, p. 105.

[106] Ibidem, p. 91.

 

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