Portrait de Christian Grataloup, géohistorien

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Christian Grataloup, ancien professeur à l’Université Paris VII et à Sciences Po Paris, est géohistorien. Il travaille notamment sur l’histoire de la mondialisation et de la représentation du monde, sur l’épistémologie et la didactique de la géographie, et sur la modélisation et l’influence des représentations géographiques.

Transcription du portrait de Christian Grataloup


Histoire mondiale, géographie historique et géohistoire

Vous êtes l’un des chercheurs en sciences sociales qui a replacé l’histoire du vieux continent européen dans le temps long et l’espace mondial en dépassant sa seule vision occidentale. De quoi faut-il au juste parler pour qualifier votre méthode : histoire du monde, géographie historique ou géohistoire systémique par exemple ? En quoi votre méthode et sensibilité de géographe a une incidence particulière dans l’utilisation de ces notions ? Plus largement, comment vous situez-vous dans le champ disciplinaire français ?

En 2003, vous écriviez en conclusion d’un article intitulé « Les périodes de l’espace » paru dans la revue Espaces Temps : « les vieilles parties du monde ne sont pas plus les régions du Monde contemporain que les périodisations traditionnelles ne rendent compte d’une dynamique universelle ». En prenant l’exemple de ce décloisonnement du Vieux continent, quel rapport faites-vous entre les découpages temporels et spatiaux ? En quoi les discontinuités et continuités temporelles sont-elles des discontinuités et continuités spatiales ?

L’une des notions-clés de la géographie, l’échelle, transparaît de manière saillante dans vos travaux. Vos derniers ouvrages, les Atlas historiques, contiennent des centaines de cartes commentées. L’ensemble de cette production concerne plusieurs niveaux d’échelle, du macro (le monde entier) jusqu’au micro (quartier d’une ville) et des périodes historiques très longues (le million d’année, le millénaire, le siècle) comme plus courte (l’année, la journée). En quoi les dynamiques d’échelle et de période constituent des enjeux majeurs pour comprendre au mieux l’histoire mondiale des sociétés humaines ?

Toujours dans les Atlas historiques, vous avez mis en carte une grande multiplicité de faits sociaux jusqu’aux aspects les plus culturels comme la peinture ou les toits des bâtiments par exemple. Existe-t-il un sens à spatialiser tout fait de société ? Est-ce que tout peut être inscrit dans une démarche géographique ?

En Occident, la cartographie s’inscrit dans une longue tradition que l’on peut faire remonter au XVIe siècle. Comment s’est construite cette tradition ? Quelles contraintes pose-t-elle aujourd’hui dans la représentation cartographique scientifique et « grand public » ?

Un engagement pour une approche didactique de l’histoire-géographie

Lorsque vous étiez élève à l’ENS Cachan (aujourd’hui ENS Paris-Saclay) en 1975, vous organisiez un séminaire sur l’enseignement de l’histoire-géographie et fondiez avec Jacques Lévy la revue interdisciplinaire Espaces Temps qui était principalement composée d’historiens et de géographes. En France, à la différence des autres pays, l’histoire et la géographie sont enseignées ensemble dans l’enseignement secondaire. Quelles sont les raisons qui ont conduit et conduisent encore à l’association de ces deux disciplines ?

Vous avez été responsable de la spécialité histoire-géographie du master « Didactique des disciplines » de l’université Paris-Diderot qui s’est rapidement imposé comme un lieu privilégié de l’apprentissage des processus de transmission pédagogique au sein d’une discipline donnée. Comment s’est-fait ce choix ? Quelles sont les raisons qui donnent une cohérence au champ scientifique de la didactique pour l’histoire-géographie en particulier ?

Quelles sont les raisons qui font qu’une grande majorité des professeurs du secondaire en histoire-géographie ont fait des études d’histoire ? Comment expliquez-vous la différence du choix professionnel que font les étudiants en géographie qui se tournent vers le conseil, l’aménagement du territoire ou les métiers de l’environnement ?

Une approche vulgarisatrice de la géohistoire

Dans l’Introduction à la Géohistoire de la Mondialisation, vous articulez les échelles spatiales et temporelles en utilisant la forme du récit. Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à faire un tel choix narratif ? Au fond, est-ce que la mise en récit de la géographie n’est-pas ce qui fait le géohistorien ? Peut-on penser que cette forme narrative constitue un atout pour rendre le propos intelligible et accessible au plus grand nombre ?

Dans le même ouvrage, vous posez la question du statut des spécialistes d’un thème ou d’une période et de leurs fréquents débats face aux généralistes comme vous qui proposent des explications plus englobantes et vulgarisatrices du processus géohistorique. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes chercheurs pour les aider à se positionner entre ces deux approches à la fois complémentaires et, parfois, en tension ? Selon vous, quels sont les lieux privilégiés et outils pour bien se former à la géohistoire ?

À travers vos différents travaux et interventions, vous donnez une grande importance à la vulgarisation dans une perspective générale de ressaisie du savoir par les citoyens. Vous vous définissez d’ailleurs comme un intellectuel qui s’engage dans la vie de la cité. Quelle est ou devrait être pour vous la place des universitaires dans le débat public et démocratique ?

 

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