Margaux Dumas
Résumé : De plus en plus médiatisée, la recherche de provenance est le processus permettant de retracer l’histoire et le parcours d’objets et de restes humains. Elle est souvent utilisée dans le cadre de contestations de propriété de biens culturels et est un outil mobilisable pour acter ou non d’une restitution. À travers des études de cas concernant les restitutions de biens et restes humains pris pendant la colonisation ou issus de spoliations antisémites, cet article, qui ne cherche pas à comparer les expériences vécues pendant l’histoire, vise à analyser les usages politiques des restitutions ainsi que l’intérêt de la recherche de provenance en tant que démarche scientifique.
Mot-clés : biens culturels, restitution, recherche de provenance, restes humains, colonisation, spoliation, Seconde Guerre mondiale, mémoire.
Après l’obtention du diplôme de Sciences Politique et du master « Sociologie politique des représentations et expertise culturelle » à l’Institut d’Études Politiques de Toulouse en 2015, Margaux Dumas a rejoint l’Institut Courtauld à Londres pour y réaliser un master en Histoire de l’art. Depuis 2018, elle travaille sur les spoliations de biens mobiliers pendant la Seconde Guerre mondiale et leur restitution dans le cadre de son doctorat qu’elle prépare au sein du laboratoire Identités, Cultures et Territoires de l’Université de Paris et à l’Institut für Kunstwissenschaft und Historische Urbanistik à la Technische Universität Berlin. Margaux Dumas a également travaillé en tant que chercheuse de provenance.
dumas.margaux@hotmail.fr
Introduction
En 2013, les petits-enfants de René Gimpel, marchand d’art juif mort en camp de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale, ont entamé des démarches en revendication pour trois huiles sur toile du peintre André Derain ayant appartenu à leur grand-père. Dans le cadre de l’affaire les opposant à l’État français et à la Ville de Marseille, le tribunal de grande instance de Paris a débouté les ayants droit de René Gimpel en août 2019[1]. Ces derniers ont fait appel de cette décision et dans son arrêt rendu le 30 septembre 2020 qui ordonne la restitution des trois œuvres, la Cour d’appel de Paris a souligné l’importance de la recherche de provenance dans la résolution des demandes de restitution :
« Considérant que les consorts Gimpel, qui ont, de leur côté, effectué leur revendication de nombreuses années après la guerre, ce qui complique les recherches, ont confié, après le jugement du tribunal de grande instance, à des chercheuses de provenance[2], un travail de recherche considérable sur ces œuvres de Derain ; que cet ouvrage, qui intègre les éléments recueillis dans les archives publiques, lorsqu’ils étaient disponibles, a pu en définitive être soumis au débat contradictoire ; qu’aucune nouvelle demande de mesure d’instruction n’est formulée ;
Considérant que ce travail très important, dont les premiers juges n’ont pas disposé, a permis de rectifier des erreurs antérieures et de préciser différents éléments permettant une meilleure connaissance du sort des œuvres en cause »[3].
Le ministère de la Culture, prenant acte de la décision de la Cour a, dans un communiqué du 1er octobre suivant, rappelé « l’importance de la recherche de provenance des biens culturels présents dans les collections publiques susceptibles d’avoir été l’objet de spoliations pendant la période nazie »[4].
La recherche de provenance peut être définie comme le processus permettant de retracer l’histoire et le parcours d’objets, artistiques ou non, ou de restes humains. Bien que la pratique d’inventaires de collections soit ancienne, ce terme, associé à l’histoire de l’art, est apparu récemment[5]. Aujourd’hui, cette démarche est fortement associée à sa finalité espérée ou, au contraire, redoutée, à savoir la restitution de biens aux victimes de dépossession qui en feraient la demande. En effet, pour se prononcer sur la légitimité et la légalité d’une restitution, il est indispensable de documenter les déplacements et changements de propriété des objets, de faire la lumière sur leur provenance. À ce titre, l’année 2020 a été riche en restitutions : trois objets aux héritiers de René Gimpel, retour en Algérie de vingt-quatre crânes de résistants à la colonisation française tués au XIXe siècle, vote de la loi de restitution de vingt-six objets conservés au musée du quai Branly-Jacques Chirac au Bénin et au Sénégal. S’il ne s’agit pas de comparer les expériences vécues par des communautés ou des peuples dans l’histoire, mettre en regard les restitutions réalisées par la France à ses anciennes colonies ou à des victimes juives du nazisme permet de saisir en quoi les restitutions de biens culturels ou de restes humains répondent à des impératifs moraux, tout en servant des intérêts politiques[6]. La « demande sociale » autour de ces questions de possession/dépossession s’explique en partie si l’on considère l’acte de restitution comme l’étape ultime de la réparation[7]. En tant que champ de l’histoire de l’art, la recherche de provenance, démarche scientifique pluridisciplinaire à la croisée de l’anthropologie, du droit, de la sociologie et des relations internationales, permet d’éclairer les débats autour de mémoires fracturées dont les objets sont parfois les seuls « témoins » restants. C’est un vecteur de compréhension du passé et de la mémoire.
À partir de trois études de cas, le retour des crânes en Algérie, la loi qui autorise la restitution d’objets au Bénin et au Sénégal ainsi que la restitution de biens culturels aux victimes du national-socialisme, cet article vise à porter un regard politique sur la recherche de provenance et les restitutions. Il ne sera pas ici question des enjeux juridiques qui constituent souvent le cadre d’analyse de ces actes et qui entrent parfois en contradiction avec les intérêts politiques et scientifiques de la mise en place de ces procédures. La nécessaire recherche de provenance lie alors ces trois exemples ; elle entraîne le retour des objets et fait la lumière sur leur histoire. Elle peut finalement, malgré des exigences scientifiques, être considérée comme un élément de politique mémorielle.
La restitution, enjeu des relations entre la France et l’Algérie
Selon Magali Bessone, la réparation des crimes de la colonisation passe par trois étapes. En premier lieu, les excuses officielles et les politiques commémoratives qui « sont une manière d’exprimer en commun notre volonté réelle de modifier les relations que nous entretenons avec notre passé »[8]. Ensuite, le travail de recherche et de transmission des états historiques des processus de violence et des crimes commis, auquel peut s’apparenter la recherche de provenance, et, enfin, la restitution des biens culturels pillés, auxquels il est possible d’ajouter celle des restes humains conservés dans des institutions publiques. Ce principe de restitution participe à « bâtir des ponts vers des relations futures plus équitables »[9].
Le chercheur Ali-Farid Belkadi a découvert en 2011 des crânes au sein des réserves du Musée de l’Homme[10]. Un travail de recherche, rendu notamment possible par la création de commissions techniques et mixtes, a été mené au sein du musée et des archives de la colonisation et en a permis l’identification. Étaient conservés au sein des collections publiques françaises les restes de combattants algériens fusillés en 1849, dont les têtes avaient été exposées sur une pique sur la place du marché de Biskra avant d’être amenées en France[11]. Cette controverse liée aux « tristes trophées »[12] pris lors des conquêtes coloniales n’est pas nouvelle. La présence de restes humains dans certains musées français, due à des dons d’officiers[13] ou à leur attrait auprès des collectionneurs et des musées européens à la fin du XIXe siècle[14] a d’abord été appréhendée avec la restitution à l’Afrique du Sud de la dépouille de Saartjie Baartman, aussi connue sous le nom de Vénus Hottentote en 2002[15], et celle des têtes maories à la Nouvelle-Zélande en 2010[16]. Dix ans plus tard, le 3 juillet 2020, les crânes conservés au Musée de l’Homme ont été restitués par la France. Il s’agit en réalité d’un dépôt d’objets appartenant au domaine public en attendant qu’une loi soit votée afin d’acter le transfert de propriété[17]. Selon les commentateurs de la vie politique, ce geste intervient dans une période de tensions entre la France et l’Algérie[18]. Le ministère des Affaires étrangères algérien a en effet rappelé son ambassadeur à Paris en mai 2020 à la suite à la diffusion sur France 5 et sur La Chaîne Parlementaire de documentaires sur les mouvements de contestations en Algérie[19]. La restitution apparaît alors comme un outil mobilisable pour mener une politique d’apaisement entre les deux pays. Les crânes ont été accueillis lors d’une cérémonie officielle organisée par les autorités algériennes. « Recouverts du drapeau national, les cercueils des 24 « chouhada » (martyrs) ont été lentement portés par des soldats au son de 21 coups de canons »[20]. Les restes de ces hommes ont ensuite été enterrés dans le Carré des Martyrs du cimetière d’El Alia d’Alger, le 5 juillet, jour de la célébration de l’indépendance algérienne, après avoir été présentés au Palais de la Culture. La force symbolique du retour des dépouilles de résistants algériens est vive dans le pays, notamment pour la reconnaissance des crimes de la colonisation, du « visage hideux du colonialisme » comme l’a souligné Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire, lors de cette cérémonie[21]. L’Algérie, à défaut de recevoir les excuses officielles qu’elle demande à la France, a dès lors imaginé une cérémonie digne de ses combattants, dans le but de réparer les crimes du passé.
Si Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle, avait dénoncé, dans une interview à la chaîne algérienne Echorouk News diffusée le 14 février 2017, les crimes de la colonisation en Algérie en les caractérisant de crimes contre l’humanité pour lesquels la France devait s’excuser, il semble avoir fait évoluer sa position sur le sujet en tant que Président de la République. Lors de la remise du rapport qu’il a commandé à l’historien Benjamin Stora sur les mémoires de la guerre de l’Algérie le 20 janvier 2021, le chef de l’État a affirmé sa volonté de ne pas présenter d’excuses officielles à l’Algérie[22]. Dans son rapport, Benjamin Stora affirme : « [j]e ne sais pas si un nouveau discours d’excuses officielles suffira à apaiser les mémoires blessées, de combler le fossé mémoriel qui existe entre les deux pays »[23]. Il propose d’étudier la restitution de fonds d’archives – dont la conservation en France repose sur le fait qu’ils sont considérés comme étant des archives de souveraineté[24], du canon « Baba Merzoug » situé à Brest ou des dépouilles des membres de la famille de l’Émir Abdelkader[25]. La question de la repentance – le regret d’une faute et la demande de pardon – et de ses conséquences est devenue une constante dans le discours politique en France, quel que soit le parti de ceux faisant usage de ce passé. Une illustration récente de cette utilisation politique se trouve être une interview du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin dans laquelle il affirme son refus de la repentance et commente les enjeux mémoriels autour des relations entre la France et l’Algérie : « Notre travail est de regarder vers l’avenir et c’est valable pour le gouvernement algérien aussi »[26]. Cependant, comment « regarder vers l’avenir » quand les conséquences du système colonial, oppressif et inégalitaire, ne sont pas vécues par l’ancienne colonie comme étant confrontées. Comme le rappelle Sylvie Thénaut dans sa tribune au journal Le Monde, les affrontements autour des questions mémorielles liées à la guerre d’Algérie ont lieu sur la scène politique en France, où se mélangent les enjeux de mémoires historiques, au racisme vécu par des pans de la population française et à la montée de l’extrême-droite et des populismes, alors que les thèmes liés au terrorisme, au communautarisme et à la laïcité sont sur le devant de la scène médiatique[27]. L’importance de la réparation, dont la restitution constitue le niveau le plus élevé dans le sens où elle permet un retour à la situation initiale,
« repose sur la reconnaissance – l’attestation – que l’esclavage et le colonialisme ont durablement contribué à sédimenter une vision hiérarchique des différences raciales ainsi qu’à produire et maintenir dans la durée des pratiques inégalitaires et oppressives. Quoique construites par l’histoire, ces pratiques structurent toujours notre présent. Dès lors, il nous appartient de les modifier, dans une perspective de justice sociale et d’égalité »[28].
C’est alors qu’interviennent les processus de restitution qui sont utilisés comme leviers politiques et législatifs de réparation des crimes de la colonisation. La question qui se pose alors est de savoir si la restitution permet de confronter la persistance de l’injustice liée aux violences coloniales et leurs conséquences actuelles, notamment dans la société française alors même que réparer reviendrait à mettre en place un nouvel élan relationnel et viser « la reconstitution d’une République plus inclusive »[29].
La loi du 24 décembre 2020 : provenance, restitution et relations diplomatiques
Cette interrogation autour de la mise en place de nouvelles relations d’échange et de confiance via la restitution de biens culturels et de restes humains pourrait être élargie à l’ensemble des relations de la France et ses anciennes colonies. Le Président de la République Emmanuel Macron a commandé un rapport à l’historienne Bénédicte Savoy et à l’économiste Felwine Sarr sur la restitution du patrimoine culturel africain, remis en novembre 2018[30]. Les auteurs ont travaillé à l’identification et à l’étude de la provenance des inventaires du musée du quai Branly-Jacques Chirac[31]. Ce rapport a entraîné de nombreuses réactions des professionnels du patrimoine et du marché de l’art dans l’arène médiatique. Vingt-six objets vont être restitués par la loi du 24 décembre 2020[32], vingt-cinq objets à la République du Bénin, donnés à la France par Alfred Dodds qui les avait saisis en 1892 lors du sac du Palais d’Abomey[33] et le sabre d’El Hadj Oumar Tall à la République du Sénégal. Ce dernier permet d’illustrer un des aspects complexe des restitutions qui est celui de savoir à qui restituer les biens contestés[34]. Ce sabre, qui aurait appartenu à El Hadj Oumar Tall, un des principaux fondateurs de l’empire de Toucouleur, éphémère empire à cheval sur des territoires comprenant le Sénégal, le Mali et la Guinée actuels[35], est pris lors du siège de Ségou (actuel Mali) en 1890 et donné par Louis Archinard au musée de l’Armée[36]. En 2018, le sabre a été prêté au Musée des civilisations noires de Dakar pour une durée d’un an, la convention de dépôt ayant été renouvelée de cinq ans en vue de sa restitution[37]. Compte tenu de l’étendue de l’empire de Toucouleur, pourquoi restituer au Sénégal plutôt qu’au Mali qui revendique par ailleurs seize objets[38] ? Il semble que cette décision se justifie par l’importance d’El Hadj Oumar Tall dans l’implantation d’une forme religieuse spécifique au Sénégal quand le retour de cet objet est pour la France « l’occasion de resserrer les liens avec le Sénégal »[39]. Les revendications de biens culturels répondent ainsi à des impératifs de constructions d’identités nationales, notamment pour les anciennes colonies[40], de même que la restitution sert au pouvoir public à « ouvrir une nouvelle page dans les [nos] relations »[41] entre la France et la République du Bénin et la République du Sénégal. Cet état de fait est assumé dans l’exposé des motifs de la loi :
« Ce projet de loi fait suite au discours prononcé le 28 novembre 2017 à Ouagadougou par le Président de la République, qui avait cité à cette occasion, parmi les enjeux permettant la construction d’une nouvelle relation d’amitié entre la France et l’Afrique, la question des patrimoines africains et avait affirmé la possibilité de restitutions d’œuvres des collections publiques françaises, afin de permettre à la jeunesse africaine d’avoir accès au patrimoine du continent en Afrique et non plus seulement en Europe »[42].
La « nouvelle relation d’amitié entre la France et l’Afrique » passe par la mise en place d’une politique de coopération culturelle et patrimoniale à plus large échelle dont le tremplin est la restitution, ce qui est expliqué de façon claire dans l’étude de l’impact de cette loi. L’ancienne puissance coloniale, consciente que la restitution contribue « à une conciliation apaisée des conflits de mémoire »[43], considère néanmoins que ce n’est pas « l’unique réponse aux besoins patrimoniaux des pays africains »[44]. Afin d’apporter une expertise et un accompagnement aux pays africains dont traite cette loi, l’Assemblée nationale « inscrit la question des restitutions dans un ensemble plus complet et fructueux, celui d’un partenariat global avec nos partenaires africains en matière patrimoniale et culturelle »[45]. Par exemple, dans le cas de la République du Bénin, est prévu un accompagnement financier via l’Agence française de Développement pour la construction du musée d’Abomey où devraient être exposés les objets restitués, de même que la mise en place d’un Fonds de solidarité pour les projets innovants du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour accompagner « la montée en capacité patrimoniale et muséale du Bénin »[46]. Un projet de même type a été retenu dans le cadre de la coopération culturelle entre la France et le Sénégal[47]. La politique de restitution mise en place à destination du Bénin et du Sénégal répond à des enjeux diplomatiques majeurs concernant l’influence de la France dans ses anciennes colonies. Les coopérations économiques, professionnelles et patrimoniales sont centrales dans la politique étrangère française, notamment sur le continent africain[48]. La recherche de provenance sert alors à déterminer à quel État éventuellement restituer, en plus de mettre en lumière l’histoire de l’objet et de réinstaurer un discours sur son rôle et sa valeur. À travers le travail de recherche sur les objets, la France confronte en partie les mémoires de la colonisation dans sa relation aux anciens pays colonisés mais aussi au sein de son territoire national.
La restitution des biens spoliés pendant l’Occupation : la provenance qui confronte les mémoires de la Seconde Guerre mondiale
Le phénomène de restitutions des biens spoliés aux victimes du national-socialisme permet aussi d’illustrer comment la recherche de provenance n’échappe pas à ces considérations politiques et sociales. Cependant, l’histoire de ces restitutions, dont le processus s’enclenche dès la Libération de Paris en 1944, apporte un regard différent sur ces questions et permet de les appréhender sur le temps long. Dès le mois d’octobre 1944, une politique de restitution des biens spoliés aux victimes du nazisme est mise en place au ministère des Finances, avec la Direction du Blocus, puis la création du Service de restitution des biens des victimes des lois et mesures des spoliations, et au ministère des Affaires étrangères avec la Commission de Récupération Artistique (CRA) qui se focalisait uniquement sur les restitutions de biens culturels. Si les efforts de restitution des biens pillés par les nazis semblent avoir été efficaces avec, en 1949, 45 000 œuvres rendues selon la CRA soit 74 % des œuvres artistiques récupérées[49], les conditions de leur mise en place ont été en partie critiquées par les victimes de persécutions[50]. La majorité des objets restitués sont ceux récupérés en Allemagne ou dans les dépôts abandonnés par les autorités d’Occupation, ce qui affirme la responsabilité de la nation vaincue dans les pillages, et les biens issus de trafics par des marchands ou antiquaires qui auraient collaboré avec les autorités occupantes. Le rôle de Vichy, et des lois sur le statut des Juifs des 3 octobre 1940 et 14 juin 1941, est ainsi occulté dans les premiers efforts de restitution de biens culturels. L’ambition de retour à l’universalité républicaine et de re-cohésion de la communauté nationale semble avoir laissé peu de place à une singularisation des expériences des victimes juives du nazisme[51] même si l’important appareil logistique et législatif qui est mis en place pour identifier les biens récupérés et organiser leur restitution – notamment la loi du 21 avril 1945 – est plutôt bien accueilli[52]. Aussi le caractère antisémite des spoliations commises n’a pas été reconnu dans l’immédiateté de l’après-guerre[53]. La politique de restitution menée a parfois renforcé ce sentiment d’injustice d’autant que, au lendemain de la guerre, des associations antisémites s’étaient mises en place et manifestaient pour conserver les fruits de la spoliation[54]. De leur côté, les administrations du ministère des Finances catégorisaient les biens issus des pillages nazis entre biens identifiables ouverts à des processus de restitution et une large majorité de biens communs, non-identifiables distribués à tous les sinistrés de guerre via des organisations caritatives notamment l’Entraide française[55]. Des efforts de restitutions, menés dans une volonté de recréer et protéger une cohésion nationale qui avait explosé sous le régime de Vichy, ne sont pas apparues comme étant suffisantes à la réparation nécessaire pour combler les cicatrices des cinq années de guerre. L’ampleur des pillages et la difficulté d’en organiser le retour, dans un contexte de relations entre vainqueurs complexes, ont sans doute créé des frustrations[56]. Ce n’est que cinquante ans après la signature de l’armistice, dans son discours du 16 juillet 1995, que le Président de la République Jacques Chirac reconnaît la responsabilité du gouvernement de Vichy dans la Rafle du Vel d’Hiv en 1942. À la suite de ce discours, sont créées la Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, dite Mission Mattéoli du nom de son Président, par arrêté du Premier ministre le 25 mars 1997 ainsi que la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation (CIVS) en 1999[57]. Ainsi plus de cinquante ans après la fin de la guerre, un nouvel effort de restitution est mené. Il est notamment question des objets « Musées Nationaux Récupération » qui sont issus de la récupération artistique en Allemagne et laissés à la garde des musées français dont la provenance reste à clarifier et les propriétaires à identifier[58]. Le 22 juillet 2018, le Premier ministre Édouard Philippe, en écho au discours de 1995, rappelle cet état de fait et lie à la responsabilité morale de la France la question des restitutions des biens culturels.
« Des paroles, la République est ensuite passée aux actes. […] Vous le savez : dans les collections nationales, se trouvent de nombreuses œuvres dont les Juifs ont été spoliés durant l’Occupation. Des biens que l’État n’est pas encore parvenu à identifier dans leur totalité, encore moins à restituer. Je ne mésestime pas les difficultés concrètes que posent ces opérations. Mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation. C’est une question d’honneur. Une question de dignité. De respect des victimes de ces spoliations, de leur mémoire et de leurs descendants »[59].
Ce sont 151 objets « Musées Nationaux Récupération » et 13 objets qui ne font pas partie de cette catégorie qui ont été restitués en date du 13 février 2020[60]. Malgré ces efforts, il est à souligner que les demandes de restitutions qui concernent des biens faisant aujourd’hui partie des collections publiques – et qui sont donc inaliénables – restent plus difficiles à appréhender pour les services de l’État. Les spoliations qui sont le fait de mesures du gouvernement de Vichy interrogent directement notre perception de nous-mêmes et notre responsabilité dans l’histoire contemporaine. À la suite des lois portant sur le statut des juifs, l’ordonnance allemande du 18 octobre 1940 oblige le recensement des entreprises juives, mené par les préfectures et sous-préfectures[61]. Des administrateurs provisoires sont chargés de « supprimer définitivement l’influence juive dans l’économie française »[62]. Le Service du contrôle des administrateurs provisoires est créé en décembre 1940 et le Commissariat général aux questions juives en mars 1941 pour mener à bien cette entreprise spoliatrice[63]. Les entreprises, dont les galeries d’art et les magasins d’antiquaires, sont « aryanisées » et liquidées ; les propriétaires juifs ne touchant quasiment aucun subside économique à la suite de ces opérations[64]. Par ailleurs, compte tenu des persécutions contre les juifs, d’autres modes de dépossessions peuvent être considérés comme spoliateurs. Dans le cas de la demande de restitution des ayants droit de René Gimpel, dont il a été question en introduction, la définition d’une vente forcée comme méthode de spoliation et dépossession violente d’un bien a nécessité une décision de justice. Les difficultés liées à la succession d’Armand Dorville, avocat et collectionneur juif mort en 1942 dont la collection a été vendue à Nice sous la tutelle d’un administrateur provisoire, renvoient à la faculté de la France à reconnaître la responsabilité des lois de Vichy dans le processus de spoliation initialement mis en place par les nazis, dans une perspective de déshumanisation des populations juives d’Europe en préalable de leur destruction. Avec la nomination d’Emmanuelle Polack[65] au musée du Louvre le 6 janvier 2020, dont la mission consiste à vérifier les provenances des acquisitions du musée entre 1933 et 1945, des avancées sont attendues. Un premier bilan a été présenté en mars 2021[66].
Faire œuvre de recherche de provenance, une méthode répondant à des nécessités mémorielles
« Dans le cas d’injustices historiques toutefois, le problème est celui de la détermination de la « déviation » : nous manquons d’informations historiques sur les biens, leurs circonstances d’acquisition et de transferts, le gain net issu de l’acquisition injuste pour son acquéreur, la perte nette pour le débiteur, enfin trop de possibles s’ouvrent à chaque génération »[67]. C’est la raison pour laquelle la recherche de provenance, en permettant d’acquérir ces « informations historiques » ou du moins d’en éclairer les traces, est nécessaire pour atteindre un idéal de restitution. Elle constitue alors un élément de preuve juridique mais aussi une reconnaissance mémorielle. Travailler sur des objets, parfois les derniers témoins des crimes et bouleversements de l’histoire, en reconstruisant leur parcours depuis leur création jusqu’à aujourd’hui, permet de se télescoper deux histoires et deux mémoires, celle de l’objet et celle de la personne ou de la communauté victime de dépossession. L’objet peut alors être considéré comme un « objet-transitionnel »[68] entre passé et présent dont l’analyse permet une réparation qui pose les bases d’un avenir commun au sein de la société, avec une nouvelle égalité, une reconnaissance des crimes du passé et leur amendement, car la restitution, si elle a lieu, permet de revenir à l’état de fait d’avant la dépossession[69]. En permettant de s’interroger sur des contextes de dépossession violente, la recherche de provenance participe à mettre en perspective les évènements historiques dont les objets ont été les témoins.
La recherche de provenance ne doit cependant pas être considérée uniquement comme un outil mobilisable dans la résolution de conflits liés à la possession de biens culturels, même si elle est indispensable en ce sens[70]. Faire la « biographie des objets »[71], c’est travailler sur les « contextes politiques, sociaux, idéologiques, littéraires ou artistiques »[72] de leur création. Elle permet d’apporter de nouveaux éclairages sur l’histoire des collections, l’histoire du goût, l’étude des œuvres d’art étant essentielle à une histoire sociale de l’art car
« leur rapport avec la société ne s’arrête pas au moment où leur genèse s’achève. A partir de ce moment, elles vivent dans le temps, oubliées ou transmises, respectées ou détruites, elles sont l’objet d’un filtrage social répété, et lorsqu’elles parviennent à survivre, elles sont réinterprétées, revues, revisitées »[73].
Ce type de recherche interroge alors l’aspect matériel du passé. En faisant acte de recherche de provenance, à différents moments de la vie d’une œuvre et notamment dans les moments de translocations, sont soulevés des moments de transition clés pour comprendre comment la valeur ou l’usage d’un bien peut changer et la façon dont il est perçu par ses contemporains. Ce changement d’état est particulièrement flagrant si l’on prend l’exemple de la Joconde de Léonard de Vinci. Le Portrait de Lisa Gherardini, épouse de Francesco del Giocondo (dite Monna Lisa, la Gioconda ou la Joconde) entre dans les collections royales en 1518. Il n’est pas sélectionné en 1793 pour faire partie des premiers accrochages au musée du Louvre, alors appelé Museum central des arts de la République. Ce n’est que quatre ans plus tard que la Joconde est choisie pour en rejoindre les collections et elle est finalement accrochée pour la première fois dans la Grande Galerie en 1798[74]. Avant son vol en août 1911, elle n’est donc pas considérée comme le chef d’œuvre du Louvre que l’on connaît actuellement. Comme le souligne Arnaud Bertinet, c’est la Belle Jardinière de Raphaël qui est la première peinture à être placée dans la première caisse des œuvres évacuées du Louvre vers Brest lors du conflit de 1870, quand la Joconde ne prend place que dans la onzième caisse[75]. Pendant la Première Guerre mondiale, son histoire « fascine »[76] après ses retrouvailles avec le musée du Louvre en 1914, et elle est considérée comme « le chef d’œuvre le plus insigne de nos collections, celui que nous avons entre tous le devoir de sauvegarder avec la plus extrême prudence, après les aventures qu’il a subies et qui ne nous l’ont rendu que par un miraculeux hasard »[77]. Elle est ainsi la première œuvre à quitter le Louvre lors de son évacuation en 1939[78]. Cet exemple illustre particulièrement bien comment, en mettant en lumière la provenance de l’objet et donc en en analysant ses translocations successives, l’historien de l’art peut apporter de nouveaux éléments sur des questions d’histoire du goût.
Compte tenu du caractère mondialisé de la circulation des biens culturels, et ce dès une période très ancienne[79], la recherche de provenance est une discipline qui nécessite d’être transnationale. Un travail transnational et pluridisciplinaire est aussi utile pour s’affranchir des enjeux politiques, souvent nationaux, qui entourent les questions de provenance de biens culturels, notamment quand les débats autour de la nationalité de l’art persistent encore aujourd’hui[80]. En questionnant l’histoire du goût, notamment la construction politique, sociale et idéologique du goût esthétique à travers l’histoire, et par conséquent l’histoire des collections, qu’elles soient publiques ou privées, la recherche de provenance met en regard les contextes d’appropriation et de réception des biens culturels et des restes humains, tout particulièrement dans les sociétés occidentales.
Par-delà l’intérêt scientifique de ce processus d’analyse, le travail sur l’historique d’une œuvre a aussi une utilité concernant les débats autour des attributions, et par conséquent sur l’aspect économique de l’art[81]. Le cas de la redécouverte d’une toile représentant Judith décapitant Holopherne attribuée au Caravage dans un grenier toulousain le 23 avril 2014 est, à cet égard, intéressant. Dans un catalogue publié par le cabinet Turquin et l’étude Labarbe pour sa vente aux enchères le 27 juin 2019 à Toulouse et disponible en ligne, des experts reviennent sur les études et analyses qui ont conduit à reconnaître la main du maître italien, plutôt que de l’attribuer à un artiste moins connu[82]. Bien que des débats importants aient eu lieu au sein de la communauté scientifique entre conservateurs et spécialistes de l’œuvre du Caravage afin de déterminer si cette attribution est exacte, le doute subsiste encore[83]. La lecture du catalogue est particulièrement intéressante pour comprendre l’analyse matérielle de l’œuvre et les indices qu’elle donne afin d’en déduire une attribution de la main du Caravage mais il est à regretter le peu d’informations concernant l’historique de Judith et Holopherne et les trous, parfois de presque 200 ans, qui persistent[84]. Un travail plus fourni sur la provenance aurait peut-être pu apporter davantage d’éléments utiles dans cette controverse qui a secoué le monde de l’art, d’autant qu’une vente de gré à gré, dont le montant n’a pas été rendu public, a finalement été conclue. De manière générale, la recherche de provenance est essentielle pour faciliter la transparence des institutions muséales, mais aussi, et surtout, du marché de l’art, qui reste un des marchés économiques les moins bien régulés aujourd’hui[85].
Conclusion
Le développement de la recherche de provenance est aujourd’hui une question à laquelle s’attache le législateur, affirmant même « faire de la recherche de provenance dans les musées français une véritable priorité » pour l’avenir[86]. Cela répond à trois objectifs mis en exergue par la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, celui de « faire jouer aux biens culturels leur rôle de témoins » au sein du musée, montrer la transparence des institutions muséales et aider les pouvoirs publics à faire face aux revendications et à la compréhension des biens contestés [87]. Les demandes de restitution, qu’elles concernent les anciennes colonies, les peuples autochtones ou encore les victimes juives du national-socialisme interrogent nos « mémoires collectives »[88] et notre rapport à l’histoire, dans une démarche pluridisciplinaire et transnationale. La recherche de provenance interroge le statut des objets, et donc le statut du lieu de leur conservation pour les pouvoirs publics, le musée. Elle permet de réfléchir à de nouvelles façons de vivre le musée et ses collections d’autant qu’il existe des débats sur les modalités de la restitution et que cette dernière n’est pas un but en soi.
Restituer deviendrait-il alors dans le contexte actuel une forme de politique mémorielle ? Si déposséder les victimes de crimes de l’histoire est un « mémocide »[89] alors le retour des objets serait un retour de la mémoire. Dans les cas étudiés dans cet article, l’État ou le juge sont décisionnaires dans le choix, ou non, de restituer. Johann Michel identifie « une politique mémorielle dès lors qu’une institution (État, famille, chefferie…) exerce un pouvoir de régulation et d’imposition de souvenirs communs à ses membres »[90]. Il souligne par ailleurs, en citant Krystof Pomian, que la collecte d’objets et leur conservation permet de « perpétuer les souvenirs fondateurs du groupe »[91]. Cependant, les difficultés liées aux processus de restitution – savoir à qui restituer, inaliénabilité du patrimoine national, etc. – mettent en avant le rôle de la recherche de provenance dans ce sens. « Les politiques de la mémoire sont d’abord des politiques de la connaissance »[92]. Si une politique de recherche de provenance telle que mise en avant dans le Rapport d’information fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication par la mission d’information sur les restitutions des biens culturels appartenant aux collections publiques est mise en œuvre[93], il s’agirait d’une véritable « politique de la connaissance ». Une politique proactive de recherche de provenance systématique permettrait aux institutions de l’État de faire la lumière sur ce qui constitue notre patrimoine à toutes et à tous et serait un moyen de transmettre les mémoires des violences vécues à travers les objets. Pour reprendre l’expression maintes fois utilisée du « passé qui ne passe pas »[94], les demandes de restitutions de biens et de restes humains nous forcent collectivement à interroger notre rapport au passé, à notre histoire et à ses conséquences sociales, politiques et économiques. Répondre matériellement à la perte en restituant permet de nourrir le débat autour de la repentance en postulant « que c’est à travers les objets que l’on va réguler les relations entre les personnes »[95]. Il s’agit de prendre en compte l’aspect matériel de la mémoire et du passé, de renvoyer l’objet à une dimension symbolique et de situer le crime dans une relation aux biens et aux patrimoines, et non dans une logique liée à la morale et à la faute[96]. C’est ainsi que la recherche de provenance, à défaut d’exprimer une forme de repentance, permet, à travers le travail sur l’objet ou la dépouille, d’insérer une matérialité dans un contexte plus large, celui des processus de dépossession, par exemple dans le cadre de la colonisation ou de la persécution des Juifs pendant la période du nazisme. Cette démarche permet de faire la lumière sur une histoire, de transmettre un récit par l’objet et éventuellement d’en organiser la restitution. En documentant les objets, en faisant acte de « resocialiser les objets du patrimoine »[97], émerge une modalité matérielle de « restitution du passé »[98].
Bibliographie sélective indicative
Lancelot Arzel et Daniel Foliard (dir.), Tristes trophées. Objets et restes humains dans les conquêtes coloniales au XIXème siècle. Monde(s), no. 17, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2020.
Floriane Azoulay et Annette Wieviorka, Le pillage des appartements et son indemnisation ; Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, Paris, La Documentation française, 2000.
Corinne Bouchoux, « Si les tableaux pouvaient parler… » Le traitement politique et médiatique des retours d’œuvres d’art pillés et spoliées par les nazis (France 1945-2008), Thèse d’histoire réalisée sous la direction d’Yves Denéchere, Université d’Angers.
Shannon L.Fogg, Stealing Home. Looting, restitution, and Reconstructing Jewish Lives in France, 1942-1947, Oxford University Press, Oxford, 2017.
Sarah Gensburger et Sandrine Lefranc, A quoi servent les politiques de mémoire?, Paris, Presses de Sciences Po, 2019.
Martin Jungius, Un vol organisé. L’État français et la spoliation des biens juifs. 1940-1944, Paris, Tallandier, 2012.
Isabelle Le Masne de Chermont et Didier Schulmann, Le Pillage de l’art en France pendant l’Occupation et la situation des 2000 œuvres confiées aux musées nationaux. Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France présidée par Jean Mattéoli, Paris, La Documentation Française, 2000.
Johann Michel, Gouverner les mémoires. Les politiques mémorielles en France, Paris, Presses Universitaires de France, 2010.
Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle, Rapport remis au président de la République le 23 novembre 2018
Benjamin Stora, Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie, Rapport remis au Président de la République le 20 janvier 2021.
Arthur Tompkins (dir.), Provenance Research Today. Principles, practice, problems, Londres, Lund Humphries, 2020.
Philippe Verheyde, Les Mauvais Comptes de Vichy. L’aryanisation des entreprises juives, Paris, Perrin, 1999.
[1] Tribunal de grande instance de Paris, Arrêt du 29 août 2019, RG n19/53387.
[2] Dont a fait partie l’auteure de ce texte
[3] Cour d’appel de Paris, Arrêt du 30 septembre 2020, RG n° 19/53387.
[4] Communiqué de presse du ministère de la Culture, Décision de restituer trois tableaux d’André Derain à la famille de René Gimpel, 1er octobre 2020.
[5] Arthur Tompkins, « The History and Purposes of Provenance Research », Arthur Tompkins (dir.), Provenance Research Today. Principles, practice, problems, Londres, Lund Humphries, 2020, p. 16-17.
[6] Sophie Coeuré, « Les “fonds de Moscou”, bilans et perspectives vingt ans après les premiers retours », Bertrand Fonck, Hélène Servant et Sophie Coeuré (dir.), Les « fonds de Moscou ». Regards sur les archives rapatriées de Russie et les saisies de la Seconde Guerre mondiale, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2019, p. 217.
[7] Intervention de Magali Bessone dans le séminaire De la race – Histoire comparée et matérielle des sciences sociales organisé par Christelle Rabier à l’EHESS, séance du 8 janvier 2021, « Justice. Réparations, restitutions ».
[8] Magali Bessone, « Reconnaître, réparer, restituer », Omar Slaouti (dir.) Racisme de France, Paris, La Découverte, 2020, p. 363.
[9] Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle, Rapport remis au président de la République le 23 novembre 2018, p. 2.
[10] Madjid Zerrouky, « La France remet à l’Algérie vingt-quatre crânes de résistants décapités au XIXème siècle et entreposés à Paris », Le Monde, 3 juillet 2020.
[11] Ferdinand Quesnoy, L’armée d’Afrique depuis la conquête d’Alger, Paris, Jouvet, 1888, p. 279-291 avec une représentation des têtes planche 19.
[12] Lancelot Arzel et Daniel Foliard (dir.), Tristes trophées. Objets et restes humains dans les conquêtes coloniales au XIXème siècle. Monde(s), no. 17, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2020.
[13] Ibidem. p. 11.
[14] Philippe Peltier et Magali Mélandri, « Chronologie concernant les têtes tatouées et momifiées māori ou toi moko (aussi connues sous le terme de moko mokai) », Journal de la Société des Océanistes, vol. 134, 1er semestre 2012, mis en ligne le 12 juillet 2012, consulté le 03 mars 2021.
[15] Loi n° 2002-323 du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l’Afrique du Sud.
[16] Loi n° 2010-501 du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections.
[17] Catherine Morin-Desailly, Rapport n° 91 (2020-2021), fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, Paris, Sénat, déposé le 28 octobre 2020, p. 7.
[18] Madjid Zerrouky, op. cit.
[19] Algérie Q&R – Extrait du point de presse (28.05.2020) https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/algerie/evenements/article/algerie-q-r-extrait-du-point-de-presse-28-05-20
[20] Pierre Desorgues (AFP), « La France restitue à l’Algérie les restes de 24 combattants algériens », TV5 Monde, 4 juillet 2020.
[21] Id.
[22] Pauline le Troquier, « Rapport Stora. Le gouvernement algérien déplore la non-reconnaissance des ²crimes coloniaux² de l’Etat français », Courrier International, 10 février 2021.
[23] Benjamin Stora, Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie, Rapport remis au Président de la République le 20 janvier 2021, p. 81.
[24] Ibidem. p. 62-63.
[25] Ibidem. p. 91.
[26] « Darmanin au défi de l’Islam », Valeurs Actuelles, 11 février 2021.
[27] Sylvie Thénaut, « Sylvie Thénaut : sur la guerre d’Algérie, “parler de « réconciliation » n’a pas de sens” », Le Monde, 5 février 2021.
[28] Magali Bessone, op. cit. p. 355.
[29] Magali Bessone, Faire justice de l’irréparable. Esclavage colonial et responsabilités contemporaines, Paris, Vrin, 2019, p. 208.
[30] Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, op.cit.
[31] Ibidem. p. 185.
[32] Loi n° 2020-1673 du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal publiée au Journal Officiel le 26 décembre 2020.
[33] Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, op.cit. p. 45.
[34] Bertrand Tillier et Maureen Murphy, « Éthique et politique de la restitution des biens culturels à l’Afrique : les enjeux d’une polémique », Sociétés & Représentations, vol. 48, no. 2, 2019, p. 261.
[35] Yannick Kerlogot, Rapport fait au nom de la Commission des Affaires Culturelles et de l’Éducation sur le projet de loi, relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (N°3221), Paris, Assemblée Nationale, déposé le 30 septembre 2020, p. 21.
[36] Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, op. cit. p. 153.
[37] Yannick Kerlogot, op.cit. p.22
[38] Bertrand Tillier et Maureen Murphy, op.cit. p. 261 et Catherine Morin-Desailly, op. cit. p. 44.
[39] Yannick Kerlogot, op. cit. p. 23.
[40] Viola König, Benoît de L’Estoile, Paula López Caballero, Vincent Négri, Ariane Perrin, Laurella Rinçon et Claire Bosc-Tiessé, « Les collections muséales d’art « non-occidental » : constitution et restitution aujourd’hui », Perspective, no. 2018-1, 2018, p. 42-48.
[41] Yannick Kerlogot, op. cit. p. 5.
[42] Exposé des motifs, Loi n° 2020-1673 du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal publiée au Journal Officiel le 26 décembre 2020.
[43] Étude d’impact. Projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, p. 4.
[44] Id.
[45] Id.
[46] Ibidem. p. 8-9.
[47] Ibidem. p. 9.
[48] Exposé des motifs, Projet de loi nº 3699 de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, p. 3-4.
[49] Corinne Bouchoux, « Si les tableaux pouvaient parler… » Le traitement politique et médiatique des retours d’œuvres d’art pillés et spoliées par les nazis (France 1945-2008), Thèse d’histoire réalisée sous la direction d’Yves Denéchere, Université d’Angers, p. 41-42 et Corinne Bouchoux, Œuvres culturelles spoliées ou au passé flou et musées publics : bilan et perspectives, note d’information pour la Mission d’information sur les œuvres d’art spoliées par les nazis rendue en janvier 2013, p. 2.
[50] Margaux Dumas, « La spoliation au premier regard. Question matérielle, enjeu mémoriel. » Workshop NS-Raubkunst : Neue interdisziplinäre Perspektiven in der Provenienzforshung und der Restitutionpraxis im deutschfranzösischen Kontext, Institut Français, Bonn, 30 septembre 2020
[51] Shannon L. Fogg, Stealing Home. Looting, restitution, and Reconstructing Jewish Lives in France, 1942-1947, Oxford, Oxford University Press, 2017, p. 79-81.
[52] Jean-Marc Dreyfus, « L’“aryanisation” économique et la spoliation pendant la Shoah. Une vision européenne », Revue d’Histoire de la Shoah, vol. 186, no. 1, 2007, p. 19.
[53] Jean-Pierre Bady, « La réparation des spoliations des biens juifs », Commentaire, vol. 134, no. 2, 2011, p. 418.
[54] Leora Auslander, “Coming Home? Jews in Postwar Paris.” Journal of Contemporary History, vol. 40, no. 2, Sage, 2005, p. 245 et 253.
[55] Ordonnance 45-624 du 11 avril 1945 relative à la dévolution de certains biens meubles récupérés par l’État à la suite d’actes de pillage commis par l’occupant et publiée au Journal Officiel le 12 avril 1945. A ce sujet voir Margaux Dumas, « La spoliation au premier regard. Question matérielle, enjeu mémoriel », Workshop NS-Raubkunst : Neue interdisziplinäre Perspektiven in der Provenienzforshung und der Restitutionpraxis im deutsch-französischen Kontext, Institut Français, Bonn, 30 septembre 2020 (à paraître)
[56] Bianca Gaudenzi, « Crimes against Culture: From Plunder to Postwar Restitution politics », Simone Gigliotti and Hilary Earl (dir.), The Wiley Companion to the Holocaust, Londres, John Wiley & Sons, 2020, en ligne, consulté le 3 mars 2020.
[57] Décret n°99-778 du 10 septembre 1999 instituant une commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation.
[58] Isabelle Le Masne de Chermont et Didier Schulmann, Le Pillage de l’art en France pendant l’Occupation et la situation des 2000 œuvres confiées aux musées nationaux. Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France présidée par Jean Mattéoli, Paris, La Documentation Française, 2000.
[59] Édouard Philippe, Discours à l’occasion de la commémoration du Vel d’Hiv, 22 juillet 2018.
[60] Site du Ministère de la Culture https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-depresse/Restitution-de-17-objets-d-art-spolies-faisant-partie-des-aeuvres-dites-Musees-nationauxRecuperation-MNR-aux-ayants-droit-de-Lucy-Jonquet
[61] Philippe Verheyde, Les Mauvais Comptes de Vichy. L’aryanisation des entreprises juives, Paris, Perrin, 1999, p. 28.
[62] Ibidem. p. 29.
[63] Martin Jungius, Un vol organisé. L’Etat français et la spoliation des biens juifs. 1940-1944, Paris, Tallandier, 2012, p. 14.
[64] Ibidem. p. 83.
[65] Emmanuelle Polack est docteure en histoire de l’art, spécialiste du marché de l’art pendant l’Occupation allemande, et chercheuse de provenance.
[66] Les acquisitions du Musée du Louvre entre 1933 et 1945. Premier bilan. https://presse.louvre.fr/les-acquisitions-du-musee-du-louvre-entre-1933-et-1945/
[67] Magali Bessone (2019), op.cit. p. 190.
[68] « Prothétique, le monument funéraire est aussi et d’abord un objet transitionnel – au sens que Winnicott donne à ce terme. C’est un objet instaurateur de frontière qui, articulant le dehors et le dedans, l’intérieur et l’extérieur, l’ici et l’ailleurs, l’actuel et l’autrefois, produit un espace intermédiaire grâce auquel s’effectue la transformation graduelle du chagrin en mémoire – autre stade du deuil, celui intériorisé de la conscience du passé », Jean-Didier Urbain,
« Deuil, trace et mémoire », Les cahiers de médiologie, vol. 7, no. 1, 1999. p. 201.
[69] Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, op.cit. p. 25.
[70] A ce sujet voir Leila Amineddoleh, « The Role of Provenance in Resolving Art-World Disputes », Arthur Tompkins (dir.), op. cit. p. 25-38.
[71] Igor Kopytoff, « The cultural biography of things: commoditization as process », Arjun Appadurai (dir.), The Social Life of Things, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, pp. 64-92.
[72] Bérénice Gaillemin et Élise Lehoux, « Pourquoi et comment tracer les trajectoires des images », Images Re-vues, no. 15, 2018, p. 3.
[73] Enrico Castelnuovo, « L’histoire sociale de l’art », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 2, no. 6, décembre 1976, p. 75.
[74] Vincent Delieuvin, Les accrochages de la Joconde de 1797 à nos jours, Média dossiers du Louvre « Exposer une œuvre au musée » https://focus.louvre.fr/sites/default/files/louvre-les-accrochages-joconde.pdf
[75] Arnaud Bertinet, « Évacuer le musée, entre sauvegarde du patrimoine et histoire du goût, 1870-1940 », Cahiers du Labex CAP, no. 2, Paris, Presses universitaires de la Sorbonne, 2015, p. 12.
[76] Arnaud Bertinet, « Résister aux translocations : les évacuations des musées français de 1870 à 1940 », Communication dans le cadre de l’atelier Translocations, organisé par Bénédicte Savoy, Collège de France, 15 mars 2019.
[77] AMN Z2 Administration 1792-1964, tous départements, 1914-1918, Protection des œuvres d’art, dossier VI, 7 février 1916, lettre de Leprieur à Marcel citée dans Arnaud Bertinet, op.cit., p. 20.
[78] Ibidem. p. 12.
[79] Xavier Perrot, La restitution internationale des biens culturels aux XIXe et XXe siècles, Thèse de droit réalisée sous la direction de Pascal Texier, Université de Limoges, p. 2 et cours de Bénédicte Savoy au Collège de France, « Introduction », A qui appartient la beauté ? Arts et cultures du monde dans nos musées, 19 avril 2017.
[80] Comme par exemple la position nationaliste exprimée par Eugénie Bastié dans sa tribune « Contre les fakenews de l’art contemporain », Le Figaro, 12 février 2021. Voir à ce sujet l’ouvrage de Michela Passini, L’œil et l’archive. Une histoire de l’histoire de l’art, Paris, La Découverte, 2017.
[81] Leila Amineddoleh, op.cit. p. 33.
[82] Caravaggio. Judith et Holopherne, Paris, La Table Ronde, 2019 https://thetoulousecaravaggio.com/fr/catalogue-de-vente
[83] Noah Charney, « Lost art: the great Caravaggio whodunnit », The Artnewspaper, 21 mai 2019.
[84] Caravaggio. Judith et Holopherne, Paris, La Table Ronde, 2019, p. 30.
[85] Gareth Fletcher, « The Ethics of Provenance Research and the Art Market », Arthur Tompkins (dir.), op.cit. pp. 124-134.
[86] Max Brisson et Pierre Ouzoulias, Rapport d’information fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication par la mission d’information sur les restitutions des biens culturels appartenant aux collections publiques, Paris, Sénat, déposé le 16 décembre 2020, p. 22.
[87] Ibidem. p. 21.
[88] Maurice Halbwachs, La mémoire collective, Paris, Albin Michel, 1997.
[89] Floriane Azoulay et Annette Wieviorka, Le pillage des appartements et son indemnisation ; Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, Paris, La Documentation française, 2000, p. 7.
[90] Johann Michel, Gouverner les mémoires. Les politiques mémorielles en France, Paris, Presses Universitaires de France, 2010, p. 3.
[91] Ibidem. p. 2.
[92] Sarah Gensburger et Sandrine Lefranc, A quoi servent les politiques de mémoire ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2019, p. 19.
[93] Marc Laménie, op.cit.
[94] Éric Conan et Henri Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994.
[95] Antoine Garapon, op.cit. p. 80.
[96] Id.
[97] Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, op.cit. p. 27.
[98] Johann Michel, op.cit. p. 14.