Commémorations et révolutions : la francité architecturale à Mexico (1904-1914)

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Ana Marianela Porraz Castillo

 


Résumé : À la veille de la commémoration du centenaire de l’Indépendance du Mexique (1900-1910), le général Porfirio Díaz et son ministre des finances José Yves Limantour, décident de financer de nombreux chantiers monumentaux à Mexico, dont la réalisation de quelques-uns est attribuée à certains architectes italiens et français. Soucieux de s’impliquer dans cette célébration, les membres de la colonie française décident de faire don d’un monument au Porfiriat, tandis que les industriels de la vallée de l’Ubaye (Barcelonnettes) entreprennent la rénovation des grands magasins « à la française ». C’est durant cette période d’effervescence que le Français Fernand Marcon, ancien étudiant en architecture de l’École des beaux-arts de Paris, arrivé à Mexico en 1904, commence à travailler sur le grand chantier du Palais Législatif attribué à son ancien professeur Émile Bénard. Très rapidement, Marcon entre en relation avec d’autres architectes et participe à plusieurs autres projets, notamment pour les industriels Barcelonnettes. En tant qu’architecte et photographe, son témoignage constitue une vision privilégiée des fortes transformations urbaines et des bouleversements sociaux de l’époque. Par le biais d’une documentation inédite, cet article constitue une réflexion sur le rôle d’une « architecture française » au Mexique, dans un moment de forte remise en cause du régime porfiriste et de ses alliés.

Mots-clés : révolution mexicaine, Porfiriat, colonie française du Mexique, Fernand Marcon, architecture.


Architecte mexicaine spécialisée en paysage et histoire, elle a travaillé dans les champs du design, de l’urbanisme et de la conservation du patrimoine au Yucatán, Mexique. Marianela s’est intéressée très tôt à l’histoire et à la théorie de l’architecture à partir de son expérience en tant qu’enseignante à l’Université Marista de Mérida et à l’École Supérieure d’Arts du Yucatán. Plus tard, elle a développé sa réflexion par le biais d’une formation en recherche en histoire culturelle et sociale, parcours architecture et ses territoires à l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles (ÉNSA-V/UVSQ/Paris-Saclay). Marianela est actuellement doctorante contractuelle au laboratoire LéaV (ÉNSA-V). Sa thèse Architectures françaises à Mexico (1907-1950) : l’agence Dubois et Marcon à l’épreuve de la modernité mexicaine, encadrée par Annalisa Viati (LéaV) et Sylvie Bouffartigue (CHCSC), se situe entre la recherche en architecture et les études hispaniques.


Introduction

Après la conquête espagnole, le Porfiriat[1] (1877-1910) a constitué l’une des périodes de transformation urbaine les plus notables à Mexico. Sous la consigne Orden y Progreso (« Ordre et Progrès[2] ») le général Porfirio Díaz (1830-1915) a entrepris un processus de rénovation du pays qui a accéléré son développement économique, en particulier dans la capitale[3]. À cette époque, la ville de Mexico a connu un élargissement territorial important et sa structure urbaine coloniale a été fortement transformée[4].

Les deux décennies antérieures à la célébration du centenaire de l’Indépendance (1910) ont été marquées par la mise en œuvre de divers projets de réaménagement, principalement engagés par le ministre des Finances, José Yves Limantour, ainsi que par de nombreux chantiers privés. La ville est alors devenue un véritable laboratoire de formes et de modèles architecturaux dans lequel des maîtres d’œuvre mexicains, français, italiens, anglais et américains se sont activés pour ériger de nouvelles constructions, publiques ou civiles, se distinguant par la qualité de leur facture ainsi que leurs innovations techniques et fonctionnelles mettant en scène ce nouvel élan de modernité[5].

La période du Porfiriat (1877-1910) a été également présentée comme celle de l’européanisation par excellence. L’arrivée massive de capitaux étrangers – notamment européens et américains –, a été encouragée par le président grâce à la mise en place de nouvelles législations[6] particulièrement favorables aux investisseurs étrangers dans le but de moderniser l’industrie.

L’un des cas les plus reconnus et étudiés est sans doute celui de la migration française. Ce processus a surtout été mené par les Barcelonnettes, des migrants originaires de la vallée de l’Ubaye dans les Alpes françaises, qui ont investi le commerce et l’industrie textile mexicains tout au long du XIXe siècle[7]. Ce groupe a notamment nourri le goût des élites pour les vêtements et la mode française, ce qui s’est manifesté architecturalement par la construction de grands magasins (Ill. 1) mais aussi d’ateliers, d’usines, de villas et de bureaux implantés dans les principales villes du pays, comme Mexico, Puebla et Guadalajara[8].

Cependant, toute cette richesse et ce développement économique n’ont pas été exempts de profondes inégalités sociales, comme l’attestent les textes du journaliste John K. Turner (1879-1948), rassemblés dans son livre. Le Mexique Barbare[9] ou les photographies des régions éloignées de Charles B. Waite (1861- 1929)[10] (Ill. 2). Le phénomène d’exploitation des ressource naturelles, par le biais du système des haciendas et des latifundios[11], a mené les populations indigènes rurales et ouvrières à subir un quotidien marqué par l’isolement et l’extrême pauvreté. En 1907, la répression brutale exercée par le gouvernement contre les ouvriers grévistes de l’usine textile barcelonnette de Río Blanco a joué un rôle décisif dans la montée en puissance des contestations. De même, l’opposition et le mouvement anti-réélection[12] dirigé par Francisco I. Madero ont exercé une forte pression sur un système qui était devenu insoutenable[13].

C’est dans ce climat marqué par le développement économique et les tensions sociales que Fernand Marius Henri Marcon (1877-1965) débarque à Mexico en 1904 afin d’intégrer l’équipe d’architectes chargée de la construction du Palais législatif du Mexique. Ce chantier, confié par Porfirio Díaz à Émile Bénard dès 1902, a été réalisé dans le cadre d’un grand programme de travaux publics mis au point par le régime afin de célébrer le centenaire de l’Indépendance nationale.

Fernand Marcon, architecte drômois passionné de photographie, a documenté pendant quelques décennies ses séjours à Mexico[14]. Ses clichés[15] peuvent être considérés comme autant de témoins de ses voyages, de sa vie quotidienne dans la capitale mexicaine et de sa collaboration professionnelle avec l’agence Bénard. Il a également photographié ses propres projets pour la colonie française[16], développés avec l’architecte Paul Adolphe Dubois (1874-1953) et Antonin Godard (1881- ?) entre 1907 et 1929.

En s’appuyant principalement sur une documentation iconographique inédite[17], le présent travail constitue une réflexion sur le rôle et l’implication de certains architectes français dans la transformation de la ville de Mexico à l’époque du tournant révolutionnaire, afin de mettre en évidence la diffusion de certaines pratiques architecturales, leurs effets sur l’image urbaine et leur patrimonialisation.

Le chantier inachevé du Palais Législatif

Inspiré du modèle des sociétés occidentales, le régime du dictateur Porfirio Díaz cherchait non seulement à conquérir l’opinion internationale, mais aussi à gagner l’acceptation de certaines classes sociales du pays. En s’appuyant sur l’histoire, les arts et l’architecture monumentale, son gouvernement voulait démontrer sa puissance[18].

Depuis la fin du XIXe siècle le ministre des finances, Joseph Yves Limantour et les membres de son équipe ont planifié toute une série de travaux publics ainsi que la construction de plusieurs monuments dans le but de commémorer le centenaire de l’Indépendance Nationale en 1910. En tout, sept bâtiments ont été officiellement inaugurés durant les célébrations : l’Asile Général, l’École Normale Primaire[19],  l’Édifice des Communications et Transports, l’Édifice de la Poste, le bâtiment des Relations Extérieures, la Colonne de l’Indépendance et l’Hémicycle de Benito Juárez[20]. Cependant, deux chantiers sont restés inachevés : le nouveau Théâtre National (Ill. 3), assigné depuis 1901 à l’architecte italien Adamo Boari (1863-1928) et le Palais Législatif, attribué en 1902 à  Émile Bénard.

Le projet du Palais Législatif du Mexique a été sans aucun doute l’une des constructions les plus significatives de ce moment de commémoration, non seulement par sa taille imposante (14 517 m²[21]), mais aussi par la charge symbolique dont il est le dépositaire : conçu à une échelle monumentale, le siège du Parlement était censé illustrer la fermeté du régime de Díaz.  Malgré les polémiques suscitées par le concours international, le gouvernement a décidé de confier la commande à Émile Bénard[22]. L’architecte avait notamment collaboré avec Charles Garnier pour l’Opéra de Paris et avait été lauréat du Grand Prix de Rome en 1867. Il avait également remporté le premier prix au concours de l’Université de Berkley (en Californie) en 1899 et avait été professeur à l’École des Beaux-Arts de Paris entre 1889 et 1904[23]. Il s’était installé à Mexico en 1903 afin de négocier avec le Porfiriat sur le projet du Palais Législatif. En 1904, il avait ouvert son cabinet au Mexique, avec l’aide de Maxime Roisin (1871-1961), co-directeur du projet.  À cette époque, l’équipe de l’agence, située dans la rue Tamaulipas à Mexico[24], se composait de seize personnes[25] (Ill. 5), dont la plupart étaient des architectes français formés à l’École des Beaux-Arts de Paris. S’y ajoutaient les inspecteurs du Ministère de Communications et des Œuvres Publiques du Mexique (SCOP), ainsi que les étudiants – architectes, sculpteurs et dessinateurs – de l’Académie des Beaux-Arts de San Carlos[26].

Empruntant un style néoclassique-éclectique, le projet du Palais a été développé à partir d’un plan rectangulaire et suivait une articulation spatiale cruciforme. Le noyau de l’édifice, la Salle des pas perdus[27], était entouré de quatre cours intérieures et était couronné d’une double voute en fer (Ill. 4). Le nouveau siège parlementaire devait être édifié dans l’avenue Juárez. Il était ainsi situé dans l’alignement direct du Palais National, selon les vœux de ses commanditaires[28].

En mai 1904, Fernand Marcon a rejoint l’agence du Palais Législatif (Ill. 5), après un court séjour aux États-Unis[29]. Fils d’un ébéniste et d’une couturière, il était originaire de la Drôme (Saint-Julien-en-Vercors). C’est grâce à une bourse du département qu’il a pu faire des études d’architecture à l’École des Beaux-arts de Paris (entre 1899 et 1905) où il a été l’élève d’Émile Bénard[30]. Il a travaillé au Mexique avec celui-ci pour le projet du Palais Législatif (1904-1909), où il a rencontré les architectes Paul Dubois et Antonin Godard[31].

L’exploitation de certaines de ses photographies ainsi que d’une partie de sa correspondance nous permet de restituer le travail réalisé à l’atelier durant cette période. Les plans, dessins, maquettes et esquisses affichés dans les locaux du cabinet pendant toute la durée du chantier incarnent aujourd’hui le témoignage des intenses journées de travail de cette équipe internationale.

D’autres clichés ont également été pris au cours des visites effectuées sur le chantier. Sur l’un d’entre eux, on peut observer des ouvriers s’affairant à côté de rails : ces chemins de fer éphémères ont très probablement été montés afin de faciliter l’acheminement des matériaux sur le chantier. On y remarque aussi les imposants pylônes de fer servant à supporter la structure du bâtiment, qui, une fois terminé, aurait dû transformer l’image de la ville par son allure singulière (Ill. 6 et 7).

Même si le chantier a été symboliquement inauguré durant les festivités du centenaire, cette métaphore monumentale du gouvernement de Porfirio Díaz n’a jamais eu la chance de voir le jour. Selon Javier Pérez Siller et Martha Bénard Calva, l’ampleur des travaux, le manque de stabilité du terrain et les désaccords entre les membres de l’équipe auraient entraîné de sérieux problèmes. De plus, le conflit armé de la Révolution Mexicaine en 1911 a compliqué financièrement la situation. À cause de tout cela, l’ambitieux projet n’a jamais été achevé[32].

Malgré l’échec du Palais Léglistaif, l’expérience du travail collectif autour de ce chantier semble avoir été fructueuse notamment pour les jeunes architectes français et mexicains qui ont largement perfectionné leurs compétences dans le métier. Certains se sont même associés afin de se présenter à des concours et de réaliser[33] leurs propres projets. Tel est le cas de Fernand Marcon, qui dès 1907 s’est associé à Paul Dubois et plus tard à Antonin Godard, afin de travailler sur des projets à Mexico[34].

L’architecte Adolphe Paul Dubois (1874-1953), originaire de Lille, a été subventionné, durant son cursus à l’École des Beaux-Arts de Paris, par le département du Nord et la ville de Lille. Il a été l’élève d’Henri Deglane et a participé avec lui, en tant que dessinateur, au projet du Grand Palais de Paris (1900). Après ses études, il est nommé inspecteur du Palais Législatif du Mexique par Émile Bénard (1904-1909). Il a également été professeur de l’École des Beaux-Arts de San Carlos (Mexique) de 1913 à 1914 et de 1919 à 1929[35].

Antonin Gabriel Godard (1882- ?), originaire de Pont-Évêque (Isère), a, quant à lui, étudié l’architecture aux Beaux-Arts de Paris dans l’atelier d’Émile Bénard. Il a travaillé pour lui dans le cadre du projet du Palais Législatif (1904-1909). Entre 1909 et 1914 il a collaboré avec Paul Dubois et Fernand Marcon[36].

L’agence Dubois-Marcon[37], héritière des enseignements de l’École des Beaux-Arts de Paris, a travaillé de façon constante[38] durant presque deux décennies à Mexico (1907-1914 et 1919-1929). Elle a été à l’origine d’une quinzaine de projets[39] commerciaux, industriels, sanitaires et d’habitation pour la colonie française, dont certains ont d’ailleurs été récemment restaurés[40]. Si bien d’autres architectes européens et français ont travaillé au Mexique[41], rares sont ceux qui ont réussi à traverser la période révolutionnaire[42]. De plus, peu ont des profils aussi multiples que celui de Paul Dubois, qui a dirigé l’agence tout au long de son existence et qui a enseigné à l’Académie des Beaux-Arts de San Carlos entre 1907 et 1929[43].  Sa production est donc la preuve que les idées et les concepts admis en Europe à la fin du XIXe siècle, que ce soit en matière d’architecture comme en matière d’esthétique, ont été enrichis par de multiples références et adaptés avec succès au contexte social, constructif et architectural du Mexique[44] de l’époque.

L’implication de la colonie française dans la célébration de l’Indépendance du Mexique

Le centenaire de l’Indépendance du Mexique a été un moment véritablement fédérateur. En effet, la célébration a été marquée par la participation d’ambassadeurs de divers pays et de différentes communautés de migrants. Par exemple, l’Allemagne a fait don à la capitale d’une sculpture dédiée à l’explorateur Alexander Von Humbolt[45], qui avait visité le pays au début du XIXe siècle. De son côté, la colonie espagnole, après la visite de l’ambassadeur, le général et marquis de Polavieja, a célébré avec enthousiasme l’initiative du gouvernement mexicain de rebaptiser l’une des rues principales à la mémoire de la reine espagnole Isabelle la Catholique[46].

Durant les festivités, les membres de la colonie française, et particulièrement les Barcelonnettes, se sont engagés à participer au défilé du Comité National du Commerce. Les grands magasins El Palacio de Hierro (Le Palais de Fer) et le Centro Mercantil, deux des entreprises les plus rentables du pays, ont décoré leurs bâtiments (Ill. 8) et ont construit des charriots pour le défilé (Ill. 9). L’album officiel du Comité nous donne une idée de cette participation :

« Il a attiré fortement notre attention sur le charriot du grand magasin El Palacio de Hierro. Un groupe de jongleurs défilait à la gloire de l’entreprise. Au centre se trouvait un roi d’armes de l’époque médiévale. Un groupe de douze pages suivait un cortège d’artistes en costumes de soie bleue ; le charriot représentait le balcon d’un château, entouré de guirlandes de fleurs et de rubans dorés (…) Le chariot du magasin El Centro Mercantil était composé d’une grande plateforme de couleurs violette et or, décorée avec des guirlandes de fleurs (…) un ensemble de drapeaux français et mexicains agrémentaient la cloison du fond, devant laquelle une femme, incarnation de la patrie, brandissait un drapeau mexicain »[47].

Cette description montre une volonté des propriétaires des grands magasins de se représenter avec des symboles du passé et de la patrie, en révélant une communauté fortement ancrée dans la tradition et le nationalisme.

À l’instar d’autres pays, la colonie française a également décidé d’offrir au Mexique une sculpture à l’effigie de Louis Pasteur[48] (Ill. 10), en guise de présent pour la commémoration. Le monument a été installé dans un parc qui portait le nom du scientifique, situé face à la gare. Le comité de la colonie française a commissionné Paul Dubois, Fernand Marcon et Antonin Godard[49] afin de réaliser le piédestal de la sculpture. Cette commande souligne les liens étroits qu’entretenaient la colonie française avec le cabinet Dubois-Marcon-Godard puisque les architectes avaient déjà été engagés en 1908 sur le chantier de rénovation du Cercle français de Mexico, un lieu de sociabilités réservé à l’élite coloniale[50]. Auguste Génin a décrit cette intervention comme « une œuvre de caractère bien français, tant par la disposition que par le choix des décorations inspirées par notre architecture du XVIIIe siècle »[51].

Quelques années plus tard, en 1913, certains membres de la colonie française ont de nouveau sollicité les services de l’agence pour la construction d’un nouvel hôpital. Depuis 1842, l’Association Française, Suisse et Belge de Bienfaisance et Prévoyance garantissait des services de santé à la communauté des migrants. Faute de places, l’hôpital avait déjà dû être déplacé, et ce, à plusieurs reprises. Face à cette situation, le président de l’association, Joseph A. Signoret, épaulé par son conseiller technique, le docteur Antonin Cornillon, a voté un projet d’édification de nouveaux locaux plus spacieux et mieux adaptés aux patients que ce soit en termes de confort, de soins et d’hygiène.

Le projet, qui s’étendait sur un terrain d’environ 2,25 ha, a d’abord été attribué à l’architecte Eugène Quenot. Néanmoins, la tâche a été réassignée à l’équipe Dubois, Marcon et Godard (Ill. 11). L’organisation spatiale de l’hôpital a été complètement modifiée par les architectes. L’ensemble architectural était conçu sur un schéma de longs pavillons distribués au milieu des jardins, communiquant par des galeries couvertes. Le nouvel établissement a été réalisé selon des préceptes hygiénistes, dans le but de recevoir plus de patients (33 chambres gratuites et 44 payantes). Une maison de santé a été spécialement créée pour les membres associés de la colonie, mais il est arrivé que des personnes extérieures y soient également prises en charge. L’hôpital a été inauguré en septembre 1914 et a fonctionné jusqu’à 1974.

L’agence Dubois-Marcon et les grands magasins à la « française »

La présence architecturale de la communauté française dans la capitale mexicaine a été notamment représentée par les grands magasins. Ce type de bâtiments commerciaux, très répandu dans les grandes villes, a connu une évolution architecturale constante en Europe et particulièrement vers la fin du siècle. Héritiers des bazars et des passages couverts[52], les grands magasins se sont implantés dans les capitales européennes en introduisant des nouveaux modèles et formes de consommation répondant aux lois du système capitaliste.

Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, l’activité des Barcelonnettes s’est considérablement développée et s’est avérée fructueuse notamment grâce à l’industrie textile[53]. En 1890, 110 maisons commerciales françaises ont été recensées au Mexique selon Auguste Genin[54]. Parmi elles, on pouvait retrouver les grands magasins El Palacio de Hierro (Joseph Tron), El Puerto de Liverpool (E. Ebrad), La Ciudad de Londres (J. Ollivier), La Francia Marítima (frères Meyran), El Correo Francés (Lambert et Reynaud) ou encore El Puerto de Veracruz (Signoret et Honnorat). Ces bâtiments, qu’ils soient l’apanage de propriétaires mexicains ou étrangers, ont véritablement transformé le paysage visuel du centre-ville dominé jusqu’alors par des styles architecturaux anciens, remontant à la période de la Nouvelle-Espagne[55]. Les grands magasins français se caractérisaient principalement par leur taille imposante, la richesse de leur décoration, la qualité de leurs finitions ainsi que par leurs innovations technologiques (introduction du fer, et plus tard, du béton armé).

En 1907, Paul Dubois et Fernand Marcon ont commencé à travailler ensemble pour les Barcelonnettes, dans le cadre de leur nouvelle agence indépendante, comme l’atteste une perspective pour le grand magasin Al Puerto de Veracruz, propriété des familles Signoret et Honnorat[56]. Ce projet de grand magasin n’a malheureusement pas abouti mais il incarne le début d’une longue collaboration entre la communauté des industriels et les associés, qui s’est prolongée jusqu’à la fin des années 1920.

En 1909, à la veille de la célébration de l’Indépendance, le grand magasin Fábricas Universales, appartenant à la famille Gassier-Reynaud, a inauguré son nouveau bâtiment, dont l’édification était confiée à l’architecte Eugène Ewald et à l’ingénieur Miguel Ángel de Quevedo. Cette même année, la société du Palacio de Hierro (Palais de Fer) a entamé la rénovation de son bâtiment emblématique. L’immeuble, conçu à l’origine par Georges Debries et Georges Pierron[57] et réalisé par Eusebio et Ignacio Hidalga[58], couvrait, selon Auguste Genin, une superficie d’environ 1000 m² et constituait à la fin du XIXe siècle le plus haut bâtiment commercial du Mexique[59].

La nouvelle commande du réaménagement du Palais de Fer est attribuée à Paul Dubois, Fernand Marcon et Antonin Godard. Le projet a été achevé en 1911[60], moment même où le bâtiment acquérait son caractère emblématique (Ill. 12 et 13) notamment grâce à l’accès principal en rotonde d’angle, les fenêtres tripartites soulignant la structure de fer et le dôme, avec une horloge et un phare. La nouvelle extension de 600 m2[61] a été érigée selon le même système constructif des étapes antérieures. Un nouveau grand hall couvert par une verrière et un escalier à double révolution a également été ajouté à l’édifice[62]. La façade a été unifiée par un auvent et le nom du grand magasin y a été intégré. L’illumination artificielle et le nouveau restaurant constituaient les principaux attraits du magasin[63]. De plus, la libération des espaces intérieurs, la fluidité de la circulation et l’incorporation de grandes vitrines aux façades, éléments caractéristiques de ce type d’édifices, ont certainement modifié l’espace public de la ville et ont changé les modes de sociabilité des élites dans la capitale mexicaine.

Entre 1911 et 1913, Paul Dubois, Fernand Marcon et Antonin Godard ont participé une nouvelle fois à la rénovation du grand magasin El Centro Mercantil (Ill. 14) situé à l’angle de l’ancienne rue de Tlaperos et de la place de la Constitution (la place principale de Mexico). Le bâtiment avait été construit entre 1897 et 1899 par les ingénieurs militaires mexicains Daniel Garza et Gonzalo Garrita et par le promoteur d’origine espagnole José de Teresa Miranda. Inauguré le 2 septembre 1899 par le Général Porfirio Díaz, cet édifice, dont l’allure rappelle celle d’un centre commercial moderne, était destiné à abriter vingt-trois magasins et une centaine de bureaux sur 3 600 m². Il est devenu la propriété de Sébastien Robert et Joseph Pinoncely en 1907, date à partir de laquelle il a subi des transformations successives[64].

Les trois architectes ont été chargés du réaménagement intérieur de l’édifice. Ils ont ajouté la ferronnerie[65] aux balcons, ont changé tous les meubles, ont remis de nouvelles portes[66] et ont installé une verrière zénithale, signée par le maître Jacques Gruber[67]. Grâce à cette rénovation, l’intérieur de l’édifice s’est transformé en l’un des espaces les plus iconiques du cœur de ville et est devenu le symbole de la sophistication et du « bon goût » des élites. Ses multiples transformations[68] en respectant son caractère et sa préservation contemporaine[69] témoignent aujourd’hui de son ancrage profond dans le patrimoine architectural de la ville et dans l’imaginaire de ses habitants[70].

Conclusion

Les bâtiments des commerces français au Mexique ont joué le rôle de « pavillons d’exposition », dans lesquels il était fondamental d’exprimer les avancées technologiques et de transporter les clients dans le luxe et la sophistication française, cadre idéal pour inciter la consommation des produits d’outre-mer. Ces types de stratégies ont été planifiés dans le contexte des programmes de modernisation des grands magasins – dans lesquels Paul Dubois, Fernand Marcon et Antonin Godard se sont investis – en intégrant le fer et les arts décoratifs au langage architectural, transformant l’image de la ville.

En ce qui concerne la participation de la colonie française dans la célébration du Centenaire de l’Indépendance mexicaine, nous constatons une ambivalence. D’une part, elle dévoile une présence complètement ancrée dans la tradition, évoquée par les charriots des grands magasins pendant le défilé du Comité de Commerce ou encore par la décoration du Cercle français du Mexique. D’autre part, elle exprime la nécessité de la communauté française à se représenter comme les porteurs de la science, du progrès et de l’hygiénisme[71].  Cette ambiguïté, a été également relevée par Hélène Homps, qui a expliqué comment les migrants de la vallée de l’Ubaye ont su adapter le langage architectural « moderne » ou « traditionnel » en fonction des diverses typologies en France et au Mexique[72].

Ces années de commémoration ont incarné un moment d’inflexion de la vie nationale. D’un côté, elles ont constitué le point culminant du gouvernement du général Porfirio Díaz, en termes de représentations – défilés, célébrations, fêtes – et de construction de monuments. D’un autre, elles ont fait l’objet d’une forte réflexion sur l’avenir du pays et ont incarné le moment privilégié de l’expression du mécontentement populaire.  Durant cette période, les chantiers du Palais Législatif et du Théâtre National, dirigés par des Européens, ont symbolisé le désir d’appartenance du gouvernement Díaz à la société occidentale. Les deux constructions ont été interrompues à cause de la violence et de l’incertitude amenées par le mouvement révolutionnaire (1910-1920) (Ill. 15).

L’immense structure du Palais Législatif et le chantier du Théâtre National – un peu plus avancé – sont restés près de trente ans à l’abandon, témoignant à la fois de l’ambition de Porfirio Díaz et de l’échec de son mandat. Ces ruines se sont additionnées à la destruction des multiples bâtiments engendrés par le mouvement armé, qui a dévasté la capitale pendant plus de dix ans.

Pendant les années qui ont suivi la Révolution, plusieurs architectes mexicains ont participé à la reconstruction de la ville. En 1934, le Théâtre National est inauguré sous le nom du Palais de Beaux-Arts, accompli par l’architecte Federico Mariscal, incorporant des motifs préhispaniques en style art-déco. En 1938, Carlos Obregón Santacilia a construit le Monument à la Révolution (Ill. 16 et 17), en récupérant la partie centrale du Palais Législatif d’Émile Bénard, pour élaborer un arc de triomphe décoré de sculptures représentant le peuple mexicain[73]. Situé sur le boulevard Reforma, l’une des artères les plus importantes de la métropole, cette construction rend hommage à Bénard, en s’appropriant la double voûte centrale.

Malgré les paradoxes identitaires du XXe siècle au Mexique, tout porte à croire que ces modèles d’architecture transatlantique ont encore une place dans l’histoire et le patrimoine bâti du Mexique contemporain.

Annexe (sources)

I. Notices biographique rédigées par Marie-Laure Crosnier Leconte, Dictionnaire des élèves architectes de l’Ecole des beaux-arts (1800-1968), INHA [en ligne]. (Fernand Marius Henri Marcon, Paul Adolphe Dubois, Antonin Gabriel Godard, Émile Bénard, Firmin Balzac, Henri Cayon, Pierre Le Bougeois, Henri-Charles Touaillon).

II. Fonds de Fernand Marcon (donation en 2015 de Mere-Marcon et en 2016 d’Anne Gillet), Musée de la vallée de l’Ubaye à Barcelonnette. Nous avons pu dresser un premier état du fonds et une description à Hélène Homps-Brousse, directrice du Musée, entre 2017 et 2018.

III. Projets à Mexico de l’agence Dubois Marcon. Premiers projets (1906-1907) : concours pour l’École Normale à Popotla (1906, non réalisé), agrandissement du grand magasin Al Puerto de Veracruz (1907, non réalisé). Avec Antonin Godard (1908-1914) : Cercle Français de Mexico (1908), agrandissement du grand magasin El Palacio de Hierro (1909-1910), piédestal et place pour le Monument à Pasteur (1910), agrandissement et transformation du grand magasin El Centro Mercantil (1910-1913), construction de l’Hôpital français (1912-1914). Après la Première Guerre Mondiale (1919-1929) : reconstruction du grand magasin El Palacio de Hierro (1914-1921), transformation du grand magasin La Ciudad de México (1919-1929), deux fabriques de filature et tissage (1919-1929 et non identifiées), construction du Monument aux morts de la guerre du 14-18 au Panteón Francés (1920), construction de l’édifice CIDOSA (1922), construction de la Villa de Hyppolite Signoret (1923), construction de la Villa de Antonin Conillon (1924), construction du grand magasin El Correo Francés (1925) agrandissement du grand magasin Al Puerto de Liverpool (1926-1928), restauration de l’Église française du Mexique (1929). Liste non exhaustive constituée à partir du croisement de l’annexe II, IV et V.

IV. AN 19771065/86 – dossier d’agrément de Paul Dubois comme architecte de la reconstruction en 1941 (n° d’agrément 0368).

V. AN, 19771065/163 – dossier d’agrément de Fernand Marcon comme architecte de la reconstruction en 1944 (n° d’agrément 5240) et fonds Marcon, Musée de la vallée de l’Ubaye à Barcelonnette.

VI. Elizabeth Rojas Fuentes, Catálogo de los archivos documentales de la Academia de San Carlos, 1900-1929, México, UNAM, 2000. p. 83, 270, 430, 462, 482, 483, 605, 626, 706, 1171, 1272.

VII. Comité Nacional de Comercio, Álbum oficial del Comité Nacional de Comercio, primer centenario de la República, 1810-1910, Gómez de la Puente, México, 1910, p. 7, Centre de documentation Raíces Francesas de México (RFM).

 

Illustrations et légendes

 

Ill. 1. Auteur anonyme, couverture originale du livre de la réouverture du bâtiment du Palacio de Hierro (Palais de Fer) en 1911, cote TL028, Archives Privées du Palacio de Hierro (APH) ©.

 

Ill. 2. Charles B. Waite, photographie des enfants devant un four en pierre traditionnel au Mexique, photographies du Fond Marcon, Musée de la Vallée de l’Ubaye©.

 

Ill. 3. Fernand Marcon, boulevard Alameda avec le chantier du Théâtre National au fond vers 1910, aujourd’hui le Palais de Beaux-Arts, plaques de verre du Fond Marcon, Musée de la Vallée de l’Ubaye©.

 

Ill. 4. Fernand Marcon, vue de la structure du Palais Législatif vers 1907, plaques de verre du Fond Marcon, Musée de la Vallée de l’Ubaye©.

 

Ill. 5. Fernand Marcon, carte postale avec une photo de l’atelier d’Émile Bénard et ses collaborateurs dans la rue Tamaulipas à Mexico en 1904, correspondance du Fond Marcon, Musée de la Vallée de l’Ubaye©.

 

Ill. 6. Fernand Marcon, vue de la maquette du Palais Législatif avec deux membres de l’équipe d’Émile Bénard, plaques de verre du Fonds Marcon, Musée de la Vallée de l’Ubaye©.

 

Ill. 7. Fernand Marcon, vue du chantier du Palais Législatif vers 1907, plaques de verre Fond Marcon, Musée de la Vallée de l’Ubaye©.

 

Ill. 8. Auteur anonyme, vue du grand magasin El Centro Mercantil en 1910 le jour du défilé de la Commission Nationale du Commerce, Álbum oficial del Comité Nacional de Comercio, primer centenario de la República, 1810-1910, Gómez de la Puente, México, 1910, p. 6-7, conservé au centre de documentation de Raíces Francesas de México (RFM) ©.

 

Ill. 9. Ramos photographie, vue du cortège du charriot du grand magasin El Palacio de Hierro en 1910 le jour du défilé de la Commission Nationale du Commerce, Álbum oficial del Comité Nacional de Comercio, primer centenario de la República, 1810-1910, Gómez de la Puente, México, 1910, p. 6-7, conservé au centre de documentation de Raíces Francesas de México (RFM)©.

 

Ill. 10. Fernand Marcon, vue de la sculpture de Louis Pasteur le jour de son inauguration en 1910, plaques de verre Fond Marcon, Musée de la Vallée de l’Ubaye©.

 

Ill. 11. Compagnie Mexicaine, vue aérienne de l’hôpital français en 1932, cote FAO_01_000413, ICA©.

 

Ill. 12. Auteur anonyme, carte postale commémorative de l’inauguration du bâtiment du Palacio de Hierro (Palais de Fer) en 1911, avec l’horloge amenée de Paris qui couronne la coupole, cote TL024, Archives Privées du Palacio de Hierro (APH)©.

Ill. 13. Fernand Marcon, vue intérieure de l’escalier de la rénovation du grand magasin El Palacio de Hierro vers 1910, plaques de verre Fond Marcon, Musée de la Vallée de l’Ubaye©.

 

Ill. 14. Fernand Marcon, vue intérieure du hall lors de la rénovation du grand magasin El Centro Mercantil entre 1910 et 1913, photographies du Fond Marcon, Musée de la Vallée de l’Ubaye©.

 

Ill. 15. Fernand Marcon, manifestation devant le Palais de Gouvernement sur la place de la Constitution en 1910, plaques de verre du Fond Marcon, Musée de la Vallée de l’Ubaye©.

 

Ill. 16. Monument à la Révolution en 2018, édifié par l’architecte Carlos Obregón Santacilia en réutilisant la structure de la voûte centrale du Palais Législatif de Bénard A. Marianela Porraz Castillo©.

 

Ill. 17. Détail du monument à la Révolution et les sculptures d’Oliverio Martínez en 2018, A. Marianela Porraz Castillo©.


[1] Périodes du gouvernement du président Porfirio Díaz, de 1877 à 1880 et de 1884 à 1910.

[2] Un exemple de la pensée de Porfirio Díaz peut être appréhendé dans cette citation : « Ils ont régné pendant si longtemps à l’étranger, répandus par des ennemis gratuits, des opinions si extravagantes et si absurdes par rapport à nous, que rien n’était plus important que de supprimer ces erreurs et de combattre ces mauvais des empêchements qui, semant la méfiance vis-à-vis de nos procédures et le découragement vis-à-vis de nos capacités d’ordre et de progrès, ont longtemps entravé l’immigration d’armes et de capitaux, l’instauration de crédits extérieurs et la disparition de grandes entreprises industrielles ». Informe del ciudadano General Porfirio Díaz a sus Compatriotas acerca de los actos de su administración en los períodos constitucionales 1/12/1884 – 30/11/1896, México, Imprenta del Gobierno, 1896, p. 13 in Paolo Riguzzi, « México próspero: las dimensiones de la imagen nacional en el Porfiriato », Revista Historias, INHA, no. 20, 1988, p. 137-157.

[3] Cf. Israel Katzman, Arquitectura del siglo XIX en México, México, Centro de Investigaciones Arquitectónicas, Universidad Nacional Autónoma de México, 1973.

[4] Bien que Federico Fernández Christlieb fait remonter le début de l’influence de l’urbanisme français dans la capitale de la Nouvelle-Espagne vers 1775, cette influence ne sera pleinement ressentie que lors du Porfiriat. Federico Fernández Christlieb, « La influencia francesa en el urbanismo de la ciudad de México: 1775-1910 » in Javier Pérez Siller et Chantal Cramaussel (ed.), México Francia: Memoria de una sensibilidad común; siglos XIX-XX, Universidad Autónoma de Puebla, El Colegio de Michoacán, CEMCA, 1998, p. 227-265/ 227 ; de plus, Selon Ramón Vargas Salguedo, à la veille de la célébration de l’Indépendance en 1910, des bâtiments ont été démolis, des rues et des allées ont été créées, des systèmes de transport efficaces ont été importés et l’offre du logement s’est dupliquée dans les nouveaux quartiers. Ramón Vargas Salguedo, « Las fiestas del centenario: recapitulaciones y vaticinios », in Fernando González Cortázar (dir.) La arquitectura mexicana del siglo XX, México, Conaculta, 1996 (1994), p. 36.

[5] Hélène Homps-Brousse, (dir.), L’Aventure architecturale des émigrants barcelonnettes, France – Mexique, Paris, Somogy éditions d’Art/ Barcelonnette, Musée de la Vallée, 2013, p. 17.

[6] Avec la France, il faut notamment mentionner le traité commercial que le gouvernement de Porfirio Díaz a signé en 1888. Patricia Martínez Gutierrez, El Palacio de Hierro. Arranque de la modernidad arquitectónica en la ciudad de México, México, Facultad de Arquitectura, Instituto de Investigaciones Estéticas, Universidad Nacional Autónoma de México, 2005, 159, p. 37. Pour obtenir plus d’informations sur l’économie du pays à l’époque Cf. Javier Pérez Siller, « Inversiones francesas en la modernidad porfirista: mecanismos y actores » in México Francia: Memoria de una sensibilidad común; siglos XIX-XX. Tomo II [en línea]. Mexico, Centro de estudios mexicanos y centroamericanos, 1993 (consulté le 20 novembre 2018). Disponible en ligne: <http://books.openedition.org/cemca/836>. ISBN: 9782821828001. DOI: 10.4000/books.cemca.836.

[7] Cf. Leticia Gamboa Ojeda in Hélène Homps-Brousse (2013) p. 11-15.

[8] En 1926, la fondation de l’association Paris-Mexico réunissait quelques 135 chefs d’établissements et chefs français influents à Mexico, originaires pour la plupart de Barcelonnette et de sa vallée. Bernard Toulier in Homps-Brousse op. cit., 2013, p. 6.

[9] John Kenneth Turner, México bárbaro, México, Editorial Porrúa, Colección sepan cuántos, (1911) 2003, 285 p.

[10] Charles B. Waite est un photographe américain qui est arrivé au Mexique à la fin du XIXe siècle. Il a été embauché par les entreprises de chemins de fer et les compagnies minières des États-Unis, qui ont proliféré durant le gouvernement de Porfirio Díaz. Ultérieurement, il a travaillé sur différentes campagnes photographiques pour des expéditions scientifiques, archéologiques ou touristiques, en réalisant un grand travail documentaire. Cf. Díaz Benigno Casas, « Charles B. Waite y Winfield Scott: lo documental y lo estético en su obra fotográfica », in Dimensión Antropológica, vol. 48, enero-abril, 2010, pp. 221-244. Disponible sur: http://www.dimensionantropologica.inah.gob.mx/?p=4570

[11] Ce système a été décrit par Raymundus Thomas Joseph Buve dans “Protesta de obreros y campesinos durante El Porfiriato: unas consideraciones sobre su desarrollo e interrelaciones en el este de México central”, Boletín De Estudios Latinoamericanos, no. 13, 1972, p. 1-20 (p. 1). Selon lui, le développement du système d’exploitation rural et industriel [haciendas] a nécessité un fort besoin en main-d’œuvre à partir du XVIe siècle. Ce phénomène, associé à la pression croissante de la demande en services, a contraint une grande partie de la population paysanne indigène à entrer en relation avec les propriétaires fonciers (…). La grande autorité politique et le pouvoir politico-financier presque absolu des propriétaires, leur ont permis d’isoler ce système local du monde extérieur. Le processus d’incorporation des communautés indigènes aux haciendas a mené à des réactions collectives de la part des paysans et des ouvriers, qui se manifestaient par des formes violentes, ou des expressions individuels, tels que le pillage ou la fuite. En ligne sur :  http://www.jstor.org/stable/25674484 [consulté le 28 mars 2019].

[12] Ce mouvement avait pour objectif la non-réélection du président et général Porfirio Díaz.

[13] La Révolution Mexicaine a été initiée avec la proclamation du Plan de San Luis pour Francisco I. Madero le 20 novembre 1910. Certains auteurs reconnaissent la fin du conflit armée au moment de l’arrivée du président Aldolfo de la Huerta en 1920. Cf. Berta Ulloa, Revolución mexicana: 1910-1920, México, Secretaria de Relaciones Exteriores, 1963, 538 p.

[14] Il est resté à Mexico durant trois longs séjours entre 1904 et 1929, voir annexe II.

[15] Photographies et plaques de verre font partie du fond Marcon, voir annexe II.

[16] Projets à Mexico de l’agence Dubois Marcon, voir annexes III, IV et V.

[17] Fonds Marcon, voir annexe II.

[18] Cf. Ignacio Ulloa del Río, Palacio de bellas Artes: rescate de un sueño, Mexico, D.F., Universidad Iberoamericana, 2007, p. 40.

[19] Les deux œuvres construites par l’ingénieur Porfirio Díaz, le fils du président.

[20] Ramón Vargas Salguero in Fernando González Cortázar (dir), (1994) 1996, op.cit. p. 17-41.

[21] Javier Pérez Siller et Martha Bénard Calva, 2009, op.cit. p. 117

[22] Ibidem. 98-111.

[23] Cf. Javier Pérez Siller et Martha Bénard Calva, El sueño inconcluso de Émile Bénard y su Palacio Legislativo, hoy Monumento a la Revolución, México, Artes de México y del Mundo SA, 2009, 199 p. Israel Katzman, Arquitectura del siglo XIX en México, México D.F., Centro de Investigaciones Arquitectónicas, Universidad Nacional Autónoma de México, 1973, 269 p. ; autres sources voir annexe I.

[24] Pérez Siller et Bénard Calva (2009), op. cit. p. 117

[25] Parmi lesquels les français Firmin Balzac (1863-1956), Henri Cayon (1978-1943), Pierre Le Bourgeois (1879-1971), Henri-Charles Touaillon (1873- ?), Paul Adolphe Dubois (1874-1953), Antonin Gabriel Godard (1881- ?), Fernand Marius Henri Marcon (1877-1962), Gilles Raquenet, Jean-Pierre Bénard et Frontin. Les travaux ont été suivis par les membres du Ministère de Communications et Œuvres Publiques du Mexique (SCOP), et particulièrement par Gilberto Montiel, qui serait l’inspecteur général du chantier. Cf. Pérez Siller et Bénard Calva (2009), op. cit. p. 120 ; voir annexe I et II.

[26] Les étudiants en architecture Jesús Tito Acevedo, Federico Mariscal, Manuel Ituarte, Eduardo Macedo y Arbeu et le sculpteur Ocampo (Agustin L.?). Pérez Siller et Bénard Calva (2009), op. cit. p. 125.

[27] Salle principale d’un palais de justice servant de lieu de rencontre et d’attente avant d’entrer dans une chambre. Jean-Marie Pérouse de Montclos, Architecture, description et vocabulaire méthodiques, Paris, Éditions du Patrimoine / Centre des Monuments Nationaux, 2011. p. 504

[28] Pérez Siller et Bénard Calva (2009), op. cit. p. 148.

[29] Fonds Marcon, voir annexe II.

[30] En 1902, il expose au Salon des artistes français à Paris un portail de l’église collégiale de Saint-Bernard, à Romans (Drôme). Voir annexe I.

[31] Voir annexes I, II et V.

[32] Pérez Siller et Bénard Calva (2009), op. cit. p. 127.

[33] Par exemple, le jeune architecte Jesús T. Acevedo et Paul Dubois se sont présentés au concours de l’École Normale Primaire à Popotla, projet remporté par l’ingénieur Porfirio Díaz, fils du président. Voir annexe IV et Ana Fernanda Canales González, La modernidad arquitectónica en México; una mirada a través del arte y los medios impresos, thèse de doctorat sous la direction de Juan Miguel Hérnandez Léon et Concha Lapayese Luque, Universidad Politécnica de Madrid, 2013, p. 151.

[34] Voir note 18.

[35] Voir annexes I, II et VI.

[36] Voir annexe I, II et VI.

[37] Ce cabinet, qui selon l’historien de l’architecture Enrique X. De Anda était l’un des plus importants de la ville de Mexico dans les années 1920, opérait des deux côtés de l’Atlantique et a traversé les conflits de la Révolution mexicaine et de la Première Guerre mondiale, collaborant activement avec des professionnels mexicains et étrangers. Cf. Enrique Xavier De Anda Alanis, La arquitectura de la Revolución Mexicana. Corrientes y estilos en la década de los veinte, México, Instituto de Investigaciones Estéticas, Universidad Nacional Autónoma de México, (1990) 2008, p. 90.

[38] L’architecte Paul Dubois s’est installé de façon quasi pérenne à Mexico de 1904 au 1914 et de 1919 au 1929 (première adresse de l’agence : Isabel la Católica, 25, Mexico). Fernand Macron a fait des allers-retours, ponctués cependant de trois séjours longs au Mexique entre 1904 et 1924. Le reste du temps, il semble qu’il ait travaillé sur ses projets mexicains depuis la France (agence installée au 9 cours Lafayette à Lyon et dans la Drôme).

[39] Voir annexe III.

[40] Le Palacio de Hierro a été restauré en 2010 par l’atelier mexicain Taller de arquitectura y urbanismo (Ta+U). Le Centro Mercantil a été restauré en 2000 par les architectes Helen et Javier Cardenas-Lopez.

[41] Comme Adamo Boari, Silvio Contri, Émile Bénard, Maxime Roisin, Albert Pepper et Paul Artaria, entre autres. Cf. Enrique Xavier De Anda Alanis, La arquitectura de la Revolución Mexicana. Corrientes y estilos en la década de los veinte, México, Instituto de Investigaciones Estéticas, Universidad Nacional Autónoma de México, (1990) 2008, p. 88-93; Ana Fernanda Canales Gonzalez, La modernidad arquitectónica en México; una mirada a través del arte y los medios impresos, thèse de doctorat sous la direction de Juan Miguel Hérnandez Léon et Concha Lapayese Luque, Universidad Politécnica de Madrid, 2013. p. 125; Louise Noelle, “Arquitectos y arquitectura francesa en México, siglo XX”, in Guy Burgel (dir.) et al., Paris-Mexico, en reflet, Villes en Parallèlè, Nanterre, n° 45-46, 2012, p. 240-260.

[42] Nous pouvons mentionner également que Firmin Balzac (1863-1956), architecte français qui, comme Paul Dubois, fût inspecteur du Palais législatif à l’agence de Bénard, est resté au Mexique jusqu’en 1939. Il a créé des édifices publics et privés à Mexico : banque de Londres et Mexico, Edificio Versalles, chapelle de Guadalupe, laboratoires Collière et laboratoires Rueff, etc. Il a été membre de la Société scientifique mexicaine Antoine Alzate; fondateur de la filiale de l’Alliance française de Mexico en 1910, inspecteur de l’enseignement de l’Alliance française et donateur pendant 26 ans. Voir Marie-Laure Crosnier Leconte, « Notice biographique de Firmin Balzac », Dictionnaire des élèves architectes de l’Ecole des beaux-arts (1800-1968), INHA (en ligne), http://agorha.inha.fr/inhaprod/ark:/54721/0017 [consulté le 5 décembre 2018].

[43] Cf. Ana Marianela Porraz Castillo, « Un étranger à l’Académie des Beaux-Arts de San Carlos : l’architecte Paul Dubois à l’épreuve des générations révolutionnaires (Mexico, 1913-1929) ». Revue fabricA, no. 12, 2019, p. 146-165.

[44] L’analyse du travail de l’agence Dubois-Marcon, en rapport avec l’œuvre des architectes mexicains post-révolutionnaires est l’objet de la thèse d’Ana Marianela Porraz Castillo, inscrite à l’Université de Paris-Saclay depuis septembre 2017. Le travail est développé au LéaV (ENSA-V) et au CHSCS (USVQ), sous la direction d’Annalisa Viati Navone et la codirection de Sylvie Bouffartigue, avec le soutien du Ministère de Culture et Communication.

[45] Géographe, naturaliste et explorateur Allemand du XIXe siècle. Il a publié entre 1816 et 1831, Le voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent, où il a décrit la nature et la géographie des provinces de la Nouvelle Espagne. Alexander Von Humbolt et A. Bondpland, Voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent, fait en 1799, 1800, 1801, 1802, 1803 et 1804, Paris, N. Mazé, 1816-1831, 30 tomes.

[46] Voir annexe VI (p. 7)

[47] Ibidem. p. 6-7.

[48] Une réplique de la sculpture en bronze d’Antonin Carles, créée en 1889 et située à Dole, dans le Jura.

[49] Ces architectes ont été également très actifs dans la société mexicaine en organisant depuis 1908 les rencontres de la Société Internationale des Amis des Arts.  Article du journal El Diario 27 septembre 1908, p. 5, Hemetoteca Nacional [en ligne] http://www.hnm.unam.mx/index.php/hemeroteca-nacional-de-mexico

[50] Homps-Brousse (2013), op. cit. p. 186

[51] Auguste Genin, Les français au Mexique, du XVIe à nos jours, Paris, nouvelles éditions Argos, 1933 in Homps-Brousse (2013), p. 186.

[52] Cf. Bernard Marrey, Les grands magasins des origines à 1939, Paris, Picard, 1979, 269 p.

[53] Bien qu’ils se soient ensuite étendus à d’autres domaines, tels que les banques, le tabac, la poudre, etc. Gamboa Ojeda in Homps-Brousse, 2013, op. cit. p. 11.

[54] Françoise Dasques, Deux Rome. Paris-Mexico 1784-1910, Paris, L’Harmattan, 2015, (v. II), p. 166.

[55] Le territoire qui est aujourd’hui le Mexique a été la vice-royauté de la Nouvelle Espagne entre 1535 et 1821.

[56] Fonds Marcon, Musée de la vallée de l’Ubaye à Barcelonnette.

[57] Homps-Brousse (2013), op. cit. p.33.

[58] Martínez Gutiérrez (2005), op. cit. p. 57.

[59] Ibidem, p. 50.

[60] Le bâtiment a brulé lors d’un incendie le 15 avril 1914 et a été reconstruit en béton armé par la même agence (Dubois-Marcon) en 1921.

[61] Voir annexe V.

[62] Cf. Martínez Gutiérrez, 2005, op. cit. 159 p. et fond Marcon, Musée de la vallée de l’Ubaye à Barcelonnette.

[63] Martinez Gutierrez (2005), op. cit. 113-144.

[64] Homps-Brouse (2013), op. cit.  p. 36.

[65] Fer forgé par la société Schwartz-Haumont. Fonds Marcon, voir annexe II.

[66] Dans le fonds Marcon (voir annexe II) se trouvent des détails échelle 1:1 du design des meubles et des portes.

[67] Restaurée dans les années 2000 par Helen et Javier Cardenas López.

[68] L’édifice subira une dernière transformation architecturale, que l’on peut qualifier de régionaliste ou néocoloniale : la façade sud-est est recouverte d’un parement de tezontle rojo (pierre volcanique mexicaine de couleur rouge) pour être accordée au Palais National, qui est transformé également en 1931, sous la présidence de Calles. Hélène Homps-Brousse (2013), op. cit.  p. 36.

[69] Le bâtiment est devenu un hôtel (El Gran Hotel) en 1968, à l’occasion des Jeux Olympiques. Inauguré à nouveau en 2005 comme El Gran Hotel de la Ciudad de México, après une longue fermeture pour travaux. Ibidem.

[70] Par exemple l’intérieur de l’édifice est apparu dans plusieurs films et court-métrages. En 1992 le vidéoclip du groupe du rock mexicain Maná « Oye, mi amor » a été tourné là-bas, ainsi que plus récemment a eu des apparitions dans le film du James Bond « Spectre » (2015) et la série de « Narcos-Mexico » (2018).

[71] Notamment nous constatons cette volonté dans la donation de la sculpture de Pasteur et la construction de l’Hôpital français.

[72] Pour leurs villas en France et au Mexique, les Barcelonnettes ont préféré une architecture régionaliste Haute-Alpine, dont la filiation stylistique se trouve du côté de la demeure urbaine locale classique héritée du XVIIIe siècle (tandis que pour les commerces et bureaux au Mexique, ils ont choisi une architecture considéré plus moderne). Homps-Brousse (2013), op. cit.  p. 58.

[73] Œuvre d’Oliverio Martínez.