Les objets en métaux précieux en Gaule Orientale de la Tène C à l’organisation provinciale : contextes et formes de dépôt

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Marie Tracol

Résumé
Mon article ébauche de manière succincte le contenu de ma thèse portant sur les objets en métaux précieux issus du sol de la Gaule orientale. Ainsi sont abordées des notions fondamentales relatives aux trésors. Les objets concernés sont donc des bijoux, des monnaies, des statuettes et de la vaisselle en or, argent, bronze, électrum et pierres précieuses. Il est important de cerner certains points, notamment les questions de vocabulaire inhérentes au sujet. Dans un premier temps il est important de comprendre que la notion de trésor est fondamentalement différente de celle que l’on connaît aujourd’hui. La notion de richesse, quant à elle, est en lien avec les matériaux utilisés pour la création des bijoux. Le luxe démesuré et ostentatoire des Romains entraînera des mesures législatives conséquentes. Ces notions font directement écho aux contextes et aux formes de dépôts qui résultent d’une volonté de conserver une certaine richesse par l’intermédiaire des bijoux et de tout mobilier en métal précieux.
Il est utile de préciser que mon travail n’est pas la publication des trésors en tant que tel mais de proposer un état des lieux des dits trésors et des notions afférentes.

Marie Tracol née le 1er novembre 1986. Doctorante et chargée de production des expositions au Musée des Confluences (Lyon). Mes recherches portent sur les contextes et les formes de dépôt des objets en métaux précieux gallo-romains. marie.tracol@live.fr.

Mon sujet de thèse s’intitule « Les objets en métaux précieux en Gaule Orientale de la Tène C à la l’organisation provinciale : contextes et formes de dépôt », sous la direction de Michel Tarpin, Université Pierre Mendès France, Grenoble II – Grenoble 2013 (thèse de doctorat non publiée).
Je suis rattachée au laboratoire CRHIPA Centre de Recherche en Histoire et Histoire de l’art, Italie, Pays Alpins. UPMF Grenoble II.



1. La bijouterie d’or antique : une question de vocabulaire

Il est indispensable de commencer cet article par un état des lieux de plusieurs notions inhérentes au sujet. Le vocabulaire technique attaché à la bijouterie d’or antique est relativement complexe à définir.
Dans l’entrée « or » il faut prendre en compte la provenance, l’exploitation, l’élaboration du métal et les vocabulaires ancien et moderne. En ce qui concerne les couleurs du métal des bijoux nous distinguons l’or blanc, l’or clair, l’or jaune, l’or rose et l’or rouge. Il est également pertinent de traiter les matériaux dans différentes catégories à savoir les alliages, l’argent, la chrysocolle[1], le ciment/colle, le cuivre, l’électrum, le fondant, les matières minérales (en dehors des métaux), les matières organiques, les métaux rares, l’or et la patine.
Les produits demi-ouvrés sont très rares et servent à la fabrication d’autres objets tels que les lingots et les feuilles. Il s’agit d’objets intermédiaires entre le métal brut et l’objet fini.
Utiliser une terminologie précise des parties constitutives d’un bijou est essentiel pour pouvoir le décrire utilement de façon à ce que le lecteur sache exactement de quel élément il est question. La liste suivante permettra de décrire précisément le bijou suivant une terminologie moderne :
Alvéole, anneau, ardillon, armature, bâte, bélière, boîtier, boucle, calotte, cannetille (solénoïde), capsule, chaîne (chaînette), charneron (charnière), chaton, crochet, coulant, entourage, étui, fermoir, globule, maillon (maille), manchon, noyau (âme), pendeloque, pendentif, perle, ruban (tissus), tore, tourillon, tube de suspension, virole[2].
La terminologie relative aux types de bijou est en grande partie moderne. En voici la liste du vocabulaire : anneau, bague, boucle d’oreille, bouton, bracelet, bractée, bulle, collier, coulant, couronne, diadème, épingle, étui, fibule, médaillon, ménisque, pectoral, pendant d’oreille, pendentif, périscélide[3], porte-amulette, torque.
Ce corpus lexical relatif aux métaux et aux bijoux est un travail préliminaire nécessaire pour pouvoir se familiariser avec le matériel étudié. Cependant une autre préoccupation est inhérente au sujet : la notion de trésor. Le matériel archéologique étudié étant souvent considéré comme un trésor de monnaies, de bijoux ou encore de vaisselle en métaux précieux, il est intéressant de regarder de plus près ces trésors qui s’avèrent si particuliers durant l’Antiquité.

B. La notion de trésor

Quelle définition apporter au terme « trésor » ? Afin de cerner concrètement cette notion il est indispensable d’apporter quelques précisions.

Comprendre ce qu’était un trésor au sens antique du terme est particulièrement intéressant. Aujourd’hui nous considérons le trésor comme un amas d’or, d’argent, de choses inestimables conservées précieusement. Il peut également s’agir de reliques, d’ornements mis en sécurité dans des lieux importants tels que des églises. Le trésor est bien souvent retrouvé par hasard car souvent caché à la vue de tous.

La civilisation égyptienne fait du grenier un trésor du fait de son importance capitale dans l’administration du pays. A cette période le trésor peut également faire référence à des chapelles funéraires. Elles étaient ouvertes à tous et l’on pouvait y contempler de grandes richesses. Hérodote mentionne l’héroon de l’Achéen Protésilas contenant des phiales d’or, d’argent, de cuivre et autres άναθηματα[4] (offrandes). Le milieu funéraire offrait donc de grandes richesses, c’est le cas également les tombeaux qui regorgeaient d’objets en métaux précieux.

 Pour la civilisation grecque le nom Θηδαυρος désigne à la fois le silo ou la fosse et la notion de trésor. Ces dits trésors se situaient plus particulièrement dans les sanctuaires. Le temple grec recevait des objets précieux que l’on rangeait dans le pronaos[5] ou dans l’opisthodome[6]. Dans la région de l’Attique le trésor (Θησαυρός) ne désigne que le coffre, ou contenant, que les particuliers utilisaient pour cacher leur argent. Hors les murs d’Athènes, les textes mentionnent des Θησαυροί dans plusieurs sanctuaires. Le « trésor » antique accepte des notions particulières à certaines contrées. Sur le versant adriatique (Olympie, Delphes…) les Θησαυροί étaient plutôt des monuments rectangulaires construits dans un hiéron. Ces trésors datent des Ve, VIe, voire du VIIe siècle avant J.-C. Leurs affectations premières restent inconnues néanmoins Pausanias les décrit comme des chapelles votives : des άναθήματα[7]. Dans le bassin de l’Archipel, les Θησαυροί étaient sans doute des édifices dans lesquels on pouvait déposer des offrandes. Certains auteurs fameux utilisent le terme thesaurus tels que Hésiode ou encore Pindare. Durant toute l’époque hellénistique il sera utilisé comme synonyme de meubles ou d’édifices.

Durant l’Antiquité romaine le trésor : thesaurus[8] est utile pour le bien de chacun, pour la vie commune des États et des familles. Cette définition est mentionnée par Vitruve[9] : « thesauri sunt civitatibus in necessariis rebus a majoribus constituti[10]. » En 6 après J.-C. Auguste instaure l’aerarium militare. L’empereur en disposait entièrement (impôts, lois gravées dans le bronze, décrets…). Le second type de trésor pour cette période est l’aerarium privatum, d’ordre privé et appartenant à l’ager publicus[11]Ces biens étaient concédés à des colons, donnés à bail ou en emphytéose[12], ou livrés au pâturage. Il servait à l’entretien du palais impérial, des haras, des troupeaux, et du domaine privé des empereurs. Il était également composé des biens confisqués aux criminels, et des successions en déshérence. Une portion pouvait être attribuée à l’aerarium sacrum mais l’ensemble des revenus des domaines était consacré aux dépenses de la couronne et plus spécialement à celles de la cour impériale. Sous la République Romaine, on admettait le principe du droit des gens qui veut qu’un trésor appartienne à celui qui le découvre. Seulement beaucoup d’empereurs s’appropriaient les trésors découverts ainsi que les héritages[13]. Hadrien accordait la possession entière à la personne trouvant le trésor. En revanche, si la découverte avait lieu sur une propriété de l’Empereur, ou sur des lieux fiscaux, publics, religieux ou dans des monuments, le trésor appartenait à l’Empereur. C’est ainsi que sous Constantin chaque trouvaille devait faire l’objet d’une déclaration officielle.

Il est également à noter que les latins utilisaient le terme donarium qui peut s’appliquer aux offrandes faites aux dieux mais aussi aux édifices, magasins, trésors ou temples dans lesquels les offrandes étaient conservées. S’ouvre ici une problématique liée au vocabulaire. Donarium fait également référence à des objets précieux. L’objectif était véritablement de mettre en sûreté des objets de grande valeur ou des capitaux[14].  Dans ce cas le trésor est un dépôt de biens cachés par des propriétaires.

Le trésor antique était véritablement une administration avec un personnel qui gérait les nombreux dons, mais aussi des offrandes, des biens privés de grande valeur que l’on s’attachait à mettre en sûreté.

Nous sommes naturellement amenés à se questionner sur la notion de richesse, ceci afin de constater si la préciosité de certains objets correspond à nos critères de valeur actuels.

C. la notion de richesse

Cette rubrique exposera essentiellement l’Antiquité Romaine qui fait l’objet de mon sujet. Néanmoins ce qui est vrai pour les Romains l’est aussi pour les civilisations qui les ont précédées. Ainsi, les Romains gardèrent la coutume étrusque de déposer des objets en métaux précieux dans les tombeaux. Ils reçurent aussi l’usage des couronnes d’or et d’autres ornements destinés au Triomphe, des bulles d’or portées par les jeunes garçons, des anneaux, des bracelets, des colliers. Beaucoup de bijoux romains étaient d’inspiration étrusque. Rappelons que les métaux entrant en considération dans cette étude sont l’or, l’argent et l’électrum.

L’or, aurum, est le premier métal travaillé par l’homme afin d’orner des objets. L’or est un bien d’une extrême richesse que l’on consacrait aux dieux, que l’on suspendait aux autels. Le trésor public chez les Romains était composé, entre autres, de lingots d’or et d’argent. Pline distingue le métal « compté » du métal « pesé »[15]. On conservait l’or sous forme de vases dont la valeur tenait à leur poids. Les tombeaux étaient également des sortes de trésor car les Anciens y déposaient des vêtements, des armes, des meubles, des monnaies, des bijoux, des vases, des ustensiles sacrés en or…

L’argent, argentum, était importé d’Orient ou de Grèce et se fit rare à Rome jusqu’en 268-269 avant J.-C. L’argent servait en majorité à l’orfèvrerie, à la vaisselle communément appelée l’argenterie. Il était quand même utilisé pour les bijoux, soit massif, soit plaqué ou incrusté, ornait ou composait les bijoux. Il était aussi utilisé dans la confection de divers meubles et objets ainsi qu’aux armes des soldats.

L’électrum, electrum, consiste en un alliage d’or et d’argent. Il faut faire attention à la notion d’électrum chez les Grecs : Ηλεκτρον qui désignait pour eux l’ambre. Il le considérait comme un minéral. Chez les Latins le terme electrum ne se rencontre dans la littérature qu’à l’époque d’Auguste. Pline l’Ancien reconnaît deux sortes d’electrum sachant que pour désigner l’ambre il utilise le terme succinum ou sucinum car les Anciens avaient compris que l’ambre provenait du suc issu des arbres. Après Pline le terme electrum désignera uniquement l’alliage d’or et d’argent. Selon ce dernier il y a l’electrum natif qui se rencontrait dans toutes les mines d’or, surtout en Espagne. Il s’agit de l’or extrait du sein de la terre ou alors charrié par cours d’eau. Le second type d’electrum était fabriqué artificiellement en mélangeant l’or et l’argent dans la proportion d’un cinquième. L’electrum représente le premier traitement de certains minerais aurifères et fut également appelé « or blanc ». Son utilisation remonte à une haute Antiquité pour des monnaies, des bijoux, des travaux d’orfèvrerie, des vases. L’electrum natif passait pour déceler les poisons.

Les monnaies d’or (souvent des aurei) représentaient bien sûr un caractère précieux. En dehors de leur valeur monétaire, elles étaient utilisées dans la confection d’éléments de décors ornant les bijoux. Les aurei ornaient des chatons de bague, des fermoirs, des bracelets ou encore des pendentifs. Ce phénomène est très répandu en Gaule romaine et particulièrement durant le IIIe siècle de notre ère. Les monnaies s’utilisent de la même manière qu’une intaille ou un camée, c’est- à dire montés en bagues ou en pendentifs. Les bagues ornées d’une monnaie sont relativement rares, de même que les bracelets. Les monnaies y sont placées de façon à exposer l’effigie impériale. Les pendentifs de collier sont de loin les plus représentatifs de la catégorie. Ce genre de bijou semble apparaitre sous Septime Sévère et disparaître au début du IVe siècle à l’intérieur des frontières de l’Empire. Nous notons une forte densité de bijoux monétaires dans la province de Lyonnaise au IIIe siècle. Ainsi une question s’impose : pourquoi utiliser une monnaie comme élément de bijou ? Raisons politiques ? Idéologiques ? Phénomène de mode ? Notion de richesse ?

Au Vème siècle av J.-C. la loi des Douze-Tables limite les dépôts d’objets précieux dans les tombeaux des défunts. Plus tard, au IIIème siècle avant J.-C., la loi oppia sera votée et appliquée durant la seconde guerre punique. Il était reproché aux femmes de porter sur elles plus d’une demi-once d’or.

Selon Pline le luxe romain était infini quand il évoque les parures de bijoux des femmes romaines. Elles chargeaient leurs bras d’or, leurs doigts, leur cou, leurs oreilles, leurs pieds. Autour de leurs flancs serpentaient des chaînes d’or[16]. Le luxe était d’une ampleur démesurée.

Ces deux lois sont deux exemples illustrant la volonté des Romains de s’opposer à l’envahissement du luxe ce qui nous montre aujourd’hui l’importance que détenaient les bijoux en métal précieux à cette époque dans le domaine privé mais utilisé et réinvesti dans le domaine militaire pour soutenir l’effort de guerre considérable.

D. Les contextes et formes de dépôt

L’étude des trésors remonte au XVIème siècle. C’est le cardinal Granvelle, évêque d’Arras qui dans sa collection personnelle avait une belle coupe trouvée  dans cette même ville. En 1635, Rubens, grand collectionneur d’antiquités possédait une cuillère d’argent provenant d’un trésor issu de la ville d’Autun. Des chercheurs se sont attachés à relever ces trouvailles d’argenterie dans leurs ouvrages notamment dom Bernard de Montfaucon, le comte de Caylus ou encore Nicolas de Peiresc. C’est grâce à ces travaux que nous avons aujourd’hui une idée des trésors qui ont disparu car beaucoup de ces objets précieux provenant de Gaule ont été détruits sans laisser de traces. Le British Museum de Londres possède quelques beaux ensembles de trésors d’orfèvrerie d’époque romaine trouvés en France. Richard Payne-Knight, un riche collectionneur d’antiquités classiques légua au British Museum sa collection de bronzes, de monnaies, de gemmes, et de dessins. Le problème est qu’il ne précisait pas l’origine de ses trouvailles. Son catalogue ne mentionne aucune provenance néanmoins ses acquisitions en France ont été spectaculaires. Ces objets précieux du British Museum sont le reflet du raffinement du mode de vie durant la période romaine. Il est intéressant de faire remarquer que les trouvailles provenant de France permettent de constituer un aspect particulièrement élégant de la civilisation romaine. Les recherches actuelles sont également indispensables à l’aboutissement de cette étude. C’est le cas de François Baratte qui publia de nombreux ouvrages relatifs aux trésors romains. Les travaux de Barbara Armbruster concernant l’archéologie de l’or en Gaule apporteront un complément important à l’étude des trésors gallo-romains. La question de l’artisanat en Gaule abordée dans les écrits de Jean-Paul Guillaumet apportera quelques réponses aux problématiques imposées par le sujet. Bien sûr cette sélection est non exhaustive puisque le bon déroulement de l’étude ne saurait se passer d’autres chercheurs spécialistes du sujet (Béatrice Cauuet, Sylviane Estiot…).

Aucun inventaire n’existe pour l’ensemble du mobilier en métal précieux (bijoux, statuettes…). Mon étude est pourtant incontournable et fait donc l’objet d’un recensement poussé et détaillé de tous les objets en métaux précieux de Gaule orientale ; il s’agira de l’étoffer et de l’affiner au gré des recherches et des trouvailles faites essentiellement sur les axes Rhin Rhône – Rhône Saône. L’analyse et l’interprétation des données inhérentes au sujet seront un témoignage éventuel de troubles historiques en Gaule de la Tène C[17] jusqu’à son organisation administrative. Étudier cette période c’est exposer au travers du mobilier métallique qu’il s’agit d’une phase transitoire entre deux cultures (celte et romaine) et d’apporter une documentation typologique plus vaste qui complètera les cartes de répartition du mobilier sur la zone géographique étudiée.

L’analyse préliminaire du catalogue montre que les trésors d’objets précieux en Gaule orientale ont été retrouvés dans des contextes bien distincts. Il est important de préciser que les dépôts funéraires sont à traiter prudemment. En effet, ce milieu regorge d’offrandes mais ces dernières sont déposées de manière volontaire par les vivants. Ces viatiques ne sont donc pas révélateurs dans cette étude dédiée aux contextes et aux formes de dépôts dans le sens ou ces derniers sont consécutifs d’une situation bien particulière en dehors d’un contexte de fuite, d’une mise en sécurité des biens. Une fois écartés les contextes funéraires qui nous l’avons vu donnent un caractère personnel aux dépôts de bijoux (sans toutefois évincer les rôles symbolique et protecteur), il reste à étudier les autres types de dépôts afin de mieux comprendre quel pouvait être leur sens et celui des bijoux qu’ils contenaient. Notons que le terme de « trésor » remplace souvent celui de dépôt. Ce terme est employé lorsque le contexte archéologique est inconnu comme c’est le cas pour la plupart des découvertes fortuites. Comme indiqué antérieurement, le nom grec Θηδαυρος désigne à la fois le silo ou la fosse et la notion de trésor. Ce terme a d’abord qualifié la fosse actuelle puis par la suite les objets sacrés que l’on y déposait[18]. Un trésor, comme indiqué auparavant, est un dépôt intentionnel d’objets précieux, mis à l’abri dans un climat d’insécurité dans l’intention de le récupérer ultérieurement[19]. Ainsi les dépôts de fondeur, funéraires ou votifs n’entrent pas dans cette catégorie. Les différents types de dépôts se trouvent souvent associés sous le terme générique de trésor devant le manque de renseignements archéologiques, des difficultés d’interprétation et l’ambiguïté des conditions d’enfouissement. Afin d’éviter toute confusion lorsque les intentions des dépositaires ne peuvent être établies formellement il est préférable d’utiliser le concept plus neutre de dépôt. La volonté qui a déclenché la constitution de ces dépôts et leur interprétation est l’un des exercices les plus complexes en archéologie. Les données de terrain sont plus ou moins fiables et souvent incomplètes. Malgré tout il faut tenter de leur donner un sens en tentant de comprendre des pratiques culturelles et une mentalité étrangère à la nôtre.

Dans un premier temps nous pouvons distinguer les dépôts faits sans intention de récupération, comme ceux pratiqués dans l’eau, et les dépôts avec une intention de reprise des objets. La composition même du dépôt peut engendrer de nombreux questionnements ; c’est le cas d’un objet unique. En effet, dans ce cas il est difficile de faire la distinction entre un objet déposé et un objet perdu accidentellement. Dans le cas des dépôts multiples, les objets n’ont pas tous été forcément déposés simultanément et certains ont pu être prélevés ou ajoutés dans l’Antiquité[20]. Ceci relève de l’étude taphonomique[21] des dépôts. Dans cette configuration on ne peut pas établir avec précision la date d’abandon du site.

Le critère de distinction des dépôts basé sur l’étude des sites semble plus pertinent. Une étude récente et globale de tous les types de dépôts a permis de dresser une liste des diverses localisations[22] pour la période du second Âge du Fer. De manière générale les dépôts suivent les voies de communication et d’autres sont en relation avec l’eau (dans les sources et les fontaines, sur les berges, dans les marécages, dans les lacs, les rivières, la mer). On isole également des dépôts dans des cavités et des grottes, dans un habitat ou à proximité, dans les sanctuaires.

L’interprétation de ces dépôts se base sur des indications très diverses ; c’est pourquoi toutes ses caractéristiques doivent être prises en compte dans une approche globale du phénomène d’enfouissement. Pour essayer de dégager les types d’enfouissement il faut considérer la totalité des dépôts compris de la Tène C jusqu’au début de la romanisation de la Gaule dont les contextes archéologiques sont connus. Il faut prendre en considération que la majorité des trouvailles ont été faites lors des siècles précédents (XVIIIème, XIXème siècles), souvent de manière fortuite et non étudiés, encore moins analysés. Pour l’étude des dépôts en contexte il faut prendre en compte plusieurs paramètres. Certaines données apparaissent similaires avec l’examen des conditions de découvertes à savoir la présence d’un contenant, l’existence d’autres objets en métaux précieux en dehors des bijoux, et la géographie du lieu, notamment la présence de l’eau. La présence de bijoux cassés et fragmentaires dans les cours d’eau renvoie à la notion de sacrifice. Cette notion est à distinguer de la notion d’offrande. Le sacrifice requiert une victime vivante, humaine, animale ou éventuellement végétale[23]. Le terme d’offrande regroupe tous les autres dons matériels offerts à la divinité. Dans ce contexte le dédicant va rendre inutilisable son don en le tordant ou en le détruisant. C’est souvent le cas pour les armes ou les bijoux précieux qui subissent un traitement destructeur. Cette pratique est en fait un rituel de consécration qui peut engendrer le bris de l’objet.

Aujourd’hui l’archéologie des trésors et notamment des contextes et des formes de dépôt détermine les recherches à venir. Mon étude s’oriente donc vers un travail archéologique, centré sur l’interprétation archéo-historique des dépôts. Ainsi, les contextes d’enfouissement donneront surtout des renseignements sur les associations d’objets, avec tout ce que cela signifie de conservatisme, de thésaurisation et de témoignage éventuel de troubles historiques.


Intaille s’élargissant au niveau des épaules en rais de cœur avec une arête marquant l’axe central. La pâte de verre bleue représente un personnage masculin debout reposant sur un bâton. Il tient dans sa main gauche un objet de petite facture et circulaire. Il se tient nonchalamment sur sa jambe gauche avec sa jambe droite repliée sur cette dernière. Il semblerait que ce personnage a des ailes dans le dos. Il est représenté de face avec le visage vu de profil regardant vers sa gauche.
13 grammes.
Dépôt de Chalain D’Uzore (Loire). (Cliché personnel).

Intaille en or de très belle facture. La base est formée de trois boudins se terminant en section carrée et donnant naissance à une forme végétalisée sur les épaules en rais de coeur. La base est pointue et remonte en forme de triangle pour venir se rétrécir et s’enrouler de chaque côté en volutes. Des incisions en forme de « V » ornent ce motif de sa base jusqu’à la naissance du cabochon central orné d’une intaille bleue en pâte de verre.
L’intaille représente un personnage masculin debout tourné vers sa droite en train d’effectuer une sorte de rituel au dessus d’un autel. Il tient dans sa main gauche des épis et dans sa main droite un objet en forme de « V » (un branchage ?). Le personnage prend appui sur sa jambe gauche avec son autre jambe repliée vers l’arrière. Il est habillé d’une tunique avec un pan qui retombe dans le dos.
12 grammes.
Dépôt de Chalain D’Uzore (Loire). (Cliché personnel).

Bracelet en argent ouvert et serpentiforme. Il est de section plate avec un refend sur les bords. Les têtes des serpents se font face. Elles ont toutes deux le cou orné de perlettes. Les têtes sont stylisées grâce à des incisions formant le haut du crâne, les yeux et la bouche.
47 grammes.
Dépôt de Chalain D’Uzore (Loire). (Cliché personnel).

Boucle d’oreille en or de petite facture et de forme carrée ornée d’incisions qui forment des triangles à l’endroit/à l’envers. (Une sorte de zigzag). Au mitant une barre transversale vient relier les deux côtés. Cette barre a un motif circulaire très mince en son centre qui permet de fixer le crochet à l’arrière du bijou et caractéristique des boucles d’oreille.
1 gramme.
Dépôt de Chalain D’Uzore (Loire). (Cliché personnel).

Bague à intaille avec figure humaine. Or et Grenat.
Vicus – Site de Bliesbruck – Conseil général de la Moselle (Cliché personnel).


[1] Les matières employées dans la bijouterie antique posent de multiples problèmes d’identification. La chrysocolla de Pline désigne différentes matières vertes qui servent à la soudure.

[2] Eugène FONTENAY, Les bijoux anciens et modernes, Paris, Maison Quantin, 1887, 520 pages.

[3] Anneau que l’on portait autour de la cheville.

[4] HERODOTE, IX, 116.

[5] Littéralement « l’espace situé devant le temple », désigne le vestibule ou l’entrée d’un temple.

[6] L’opisthodome était placé à l’arrière du temple, ouvrant sur la façade postérieure.

[7] PAUSANIAS, VI, 19, 3.

[8] Charles Victor Daremberg et Edmund Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines d’après les textes et les monuments, Tome V, Hachette, Paris, 1918.

[9] VITRUVE, V, 9, 8.

[10] Les Anciens ont fait de ces trésors des réserves pour la cité en cas de besoin.

[11] Le territoire qui appartient au peuple romain.

[12] Bail de très longue durée.

[13] TACITE, Ann, XVI, 1.

[14] THUCYDIDE, VI, 6, 20 : « Les particuliers ont entre leurs mains des richesses considérables ; les temples à Sélinonte ont des trésors. »

[15] PLINE, Histoire Naturelle, XXXIII, 3, 17.

[16] PLINE, Histoire Naturelle, XXXIII, 3, 12.

[17] Second Âge du Fer.

[18] Brunaux 1986 p 93.

[19] Sparrow 1982 p 199.

[20] Bradley 1990 p 5-6.

[21] Etude de l’enfouissement sous toutes ses formes.

[22] Kurz 1955 p 100-112.

[23] Hubert, Mauss, 1964 p 11-12 et Bradley 1990 p 37.