Claire de Cazanove
Résumé
Une étude récente, centrée sur l’abbaye de Fulda, met en lumière le processus de construction identitaire de la communauté dans une analyse des écrits produits par le scriptorium de l’institution. Cet article se propose d’appliquer ce modèle de raisonnement aux abbayes de Wissembourg et de Werden, en partant du constat qu’elles partagent avec Fulda le fait d’avoir fait rédigé un cartulaire et un inventaire de biens et de revenus (Urbar) dans un court laps de temps au IXe et au début du Xe siècle. Les raisons qui ont poussé à ces rédactions et les relations entre le cartulaire et l’Urbar seront interrogées. Cette réflexion permettra d’élargir le champ de recherche aux liens entre les cartulaires et d’autres écrits de nature hagiographique, mémorielle ou de gestion. La copie d’actes s’inscrit dans une entreprise plus large d’écriture de nombreux documents qui donnent à l’institution les moyens de se forger une identité.
Claire de Cazanove, née le 21 août 1985, est inscrite en doctorat depuis septembre 2010 à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Sa thèse intitulée « Du chartrier au cartulaire dans le royaume de Germanie au IXe siècle : entre norme et défense des intérêts ecclésiastiques » (titre de travail) est dirigée par Madame Régine Le Jan (Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Madame Geneviève Bührer-Thierry (Paris Est Marne-la-Vallée) et en cotutelle avec Monsieur Bernhard Jussen (Goethe Universität, Francfort-sur-le Main). Depuis septembre 2013, elle bénéficie d’une aide à la mobilité internationale à l’IFHA (Institut Français d’Histoire en Allemagne, Francfort-sur-le-Main). Adresse mail : cdecazanove@gmail.com
Introduction
Dans un ouvrage récent, consacré à l’abbaye de Fulda, Janneke Raaijmakers s’est intéressée à la construction de l’identité de cette communauté entre 744 et 900 [1]. L’auteur propose une étude des différents écrits produits par le scriptorium de Fulda (listes de moines, annales nécrologiques, commentaires bibliques, hagiographie, cartulaire, Urbar…), et procède à une analyse abbatiat par abbatiat pour déterminer comment le processus identitaire se développe et s’infléchit en fonction des besoins contemporains. L’étude permet de replacer le cartulaire de Fulda, rédigé sous l’abbatiat de Raban Maur (822-842) dans son environnement scriptural. Cet article est un essai pour appliquer le raisonnement de Janneke Raaijmakers aux abbayes de Wissembourg et de Werden, choisies pour leur point commun avec l’abbaye de Fulda : elles ont fait rédiger de manière quasi contemporaine un inventaire de biens et un cartulaire.
L’étude partira du constat de la double rédaction et l’interrogera car ces écrits semblent remplir, en partie, les mêmes fonctions : pourquoi ce doublet a-t-il été jugé nécessaire ? Que révèle-t-il du souci de gestion des abbés ? L’analyse menée à deux échelles (relations cartulaire/Urbar, puis cartulaire/production du scriptorium) replacera l’origine de la rédaction des cartulaires dans un horizon plus large et sera l’occasion de formuler de nouvelles hypothèses sur les buts, les finalités et les choix faits lors de la compilation, notamment dans l’agencement des actes.
Les études sur la literacy et les pratiques de l’écrit ont montré l’importance de la recontextualisation des cartulaires tant du point de vue temporel que scriptural. À cet effet, une chronologie des manuscrits s’avère fondamentale alors que des datations très divergentes sont données par les études (I). Cette première étape permet de reconsidérer le rapport entre cartulaire et Urbar à Werden et Wissembourg (II) ; enfin le modèle de raisonnement développé par Janneke Raajmaikers sera appliqué à ces deux abbayes car la rédaction du cartulaire s’accompagne d’une large entreprise d’écriture concernant la gestion et l’histoire de la communauté (III). Ainsi, les cartulaires seront analysés comme un des nombreux media qui contribuent à la création de l’identité communautaire des institutions.
I. Une difficile recontextualisation temporelle
Les cartulaires et les Urbare ont fait l’objet d’études parfois contradictoires, notamment sur leur datation. Des écarts significatifs s’observent dans les analyses. La tradition a transmis ces documents soit de manière originale soit par des copies plus tardives, ce qui rend alors la chronologie difficile à établir. La prise en compte d’éléments extérieurs à ces écrits constitue de nouvelles pistes de réflexion et la recontextualisation scripturale dans la suite de l’article permettra de confirmer les datations avancées.
A. Wissembourg
1. Le cartulaire (Spire, Landesarchiv Speyer, Bestand F 1 Kopialbücher 85) [2]
Le cartulaire, composé de 12 cahiers, comprend 271 actes. Il mesure 289-292 millimètres de haut sur 233-239 de large mais à l’origine, les feuillets étaient certainement plus grands car les marges ont été tronquées (des notes marginales sont coupées aux folios 31v, 32r, 40r, 40v, 43r, 48r et 56v). Les 84 folios font intervenir de nombreuses mains contemporaines, 11 principales et 3 aides dont certaines sont identifiables grâce à des colophons [3]. Les actes sont regroupés et copiés selon un classement topographique, par Gau, subdivision territoriale [4]. Une table pour le Gau d’Alsace qui comprend 191 entrées se trouve dans le premier cahier (cahier 0 selon la numérotation des éditeurs). Les autres Gaue (Seille et Sarre, cahiers 8 à 11) n’ont pas bénéficié d’une telle présentation. Dans les sections par Gaue, les actes sont agencés, semble-t-il, par groupements familiaux. Ce cartulaire a été daté des années 855-860 [5].
2. L’inventaire de biens (Spire, Landesarchiv Speyer, Bestand F 2 n° 147, folios 4-67)
Le document n’est connu que par une tradition tardive, dans le Liber Edelini, écrit à la fin du XIIIe siècle. Les chapitres 1 à 25, 241, 250 et 251 sont les plus anciens et dateraient de la période carolingienne (les trois derniers chapitres ne sont pas compris dans l’Urbar). Les localités dans les Gaue de Spire et de Worms sont citées les unes après les autres, en commençant par celle de l’abbaye, Wissembourg ; le classement adopté est géographique. Toutes les sections topographiques respectent plus ou moins le même plan, même si toutes les informations ne sont pas systématiquement présentes : sont mentionnés le nombre de terres, puis les redevances exigées par semaine et par période de l’année, soit en nature soit en monnaie, enfin ce qui est dû au roi. Le contenu de cet inventaire, notamment les mentions de redevances, ont conduit certains historiens à le considérer comme un polyptyque [6]. Vingt-cinq localités sont évoquées, situées à proximité immédiate de l’abbaye. La datation de cette source a fait débat, notamment lors de l’édition de Christoph Dette qui estime que les parties les plus anciennes ont été rédigées vers 818/819 [7]. Cette proposition chronologique a été immédiatement remise en cause. L’écriture de cet Urbar serait à dater des années 860-870, soit juste après le cartulaire [8]. Cette estimation chronologique est la plus vraisemblable et sera acceptée dans la suite de l’article.
B. Werden
1. Le cartulaire (Leyde, Universitätsbibliothek Leiden, Codex Vossianus Latinuus in Quarto n°55, folios 30-59) [9]
Le cartulaire de l’abbaye de Werden comprend 60 actes et mesure 240 millimètres de haut sur 175 de large. Les folios étaient sans doute plus larges (certaines notes marginales semblent tronquées, comme au folio 38v), mais aussi plus longs. Les quatre quaternions sont rédigés par une main unique qui copie tous les actes et fait débuter la compilation par une table de 74 entrées entre les folios 30 et 31. Les actions juridiques mentionnées dans les actes du cartulaire sont majoritairement datées des premières années de l’abbaye. La famille du fondateur, les Liudgerides, est très présente dans les actes et les membres de ce groupement dirigent l’abbaye, de sa fondation (vers 799) jusqu’en 886 [10].
2. L’Urbar (Düsseldorf, St. A. Düsseldorf A 88) [11]
L’Urbar est composé de 40 folios de tailles variables [12] où diverses mains interviennent entre la fin IXe siècle, pour la plus ancienne, jusqu’au second tiers du Xe siècle. Les documents insérés dans la compilation sont divers : donations, cens sur le sel, redevances collectées, description de biens… Les rubriques sont organisées de manière géographique et très peu de dates sont mentionnées, même lors des notices de donation. On peut se demander quelle était l’utilité de cet écrit et comment il a été utilisé par les contemporains.
Le cartulaire et l’Urbar posent un problème de datation. Theodor Joseph Lacomblet en fait remonter la rédaction au Xe ou XIe siècle [13]. Au début du XXe siècle, Rudolf Kötzschke propose une autre date en comparant le cartulaire à certains cahiers de l’inventaire de biens et de revenus car les formats et les écritures sont semblables [14]. Il envisage une rédaction au début du Xe siècle pour les deux écrits. Toutefois dans la suite de son introduction, Rudolf Közschke constate l’absence d’acte postérieur à Altfrid (839-849), ce qui le conduit à l’hypothèse d’une écriture au milieu du IXe siècle avec la constitution d’un « Vorlage » (archétype). Le cartulaire conservé serait une copie de ce dernier [15]. Peter Blok, lui, ne partage pas cet avis et pense que le cartulaire est plus tardif, plutôt de la première moitié voire du milieu du Xe siècle ; il réfute l’idée d’un « Vorlage », arguant du fait que le cartulaire est rédigé à partir des actes originaux et n’est donc pas la copie d’une compilation déjà constituée [16]. Plus récemment, Rosamond McKitterick propose une autre datation : selon elle, le cartulaire date du milieu du IXe siècle et il est contemporain de l’acte le plus récent copié dans la compilation, cette hypothèse n’étant pas incompatible du point de vue paléographique [17]. Cette dernière estimation est la plus vraisemblable car les cartulaires contiennent des actes contemporains à leur écriture et l’acte le plus récent est souvent donné comme terminus de la rédaction. Par la suite, la mise en perspective scripturale (III) confirmera cette hypothèse. Rosamond McKitterick reprend le raisonnement de Rudolf Kötzschke mais refuse elle aussi l’idée d’un « Vorlage ». Dans ce cas, il y a un décalage chronologique entre l’écriture du cartulaire et de l’Urbar, contrairement au cas de Wissembourg.
Les abbayes de Wissembourg et de Werden réalisent un cartulaire et un Urbar de manière quasi simultanée ou dans l’intervalle d’un demi-siècle. Ces écrits comportent des caractéristiques différentes et l’inventaire de Wissembourg n’est connu que sous la forme d’une copie plus tardive, ce qui rend sa datation complexe. Cette double rédaction interroge sur les finalités recherchées.
II. Le rapport complexe entre cartulaires et Urbare
Si l’on suit le raisonnement de Janneke Raaijmakers sur l’abbaye de Fulda, la production scripturale des abbayes de Werden et de Wissembourg doit être prise en compte dans son intégralité. Chaque écrit a des buts et des fonctions différentes et contribue, à sa manière, au processus de construction identitaire. La double rédaction d’un cartulaire et d’un Urbar soulève des questions car les deux écrits semblent proches et recouvrent en partie les mêmes fonctions. Leurs rapports et leurs divergences permettent de se demander pourquoi le cartulaire ou l’inventaire de biens ont été considérés comme les formes d’écrit les plus efficaces pour remplir le rôle qui leur a été assigné. Deux pistes de réflexion seront développées pour interroger cette double production : la définition des fonctions de ces écrits et le critère géographique comme élément de différenciation.
A. Des finalités différentes ?
Les historiens se sont intéressés de manière accrue aux cartulaires, notamment à partir du colloque fondateur en 1991 consacré exclusivement à ces sources, devenues des objets d’études en elles-mêmes et non plus considérées comme le reflet des archives. Sont mises en lumière les différentes fonctions attribuées à ces écrits, même si celles-ci sont souvent associées voire confondues avec les finalités de la copie. En 1990, Stephan Molitor a défini quatre fonctions principales : (1) tout d’abord une fonction juridique qui est au centre de plusieurs études [18], notamment celles d’Oswald Redlich ; celle administrative (2) qui est la plus évidente car la copie des actes sert avant tout un but pratique [19]. Les fonctions historiographique (3) et sacrale (4) nourrissent de nombreuses réflexions car les cartulaires sont partie intégrante des études sur la memoria [20]. De son côté, en 1991, Patrick Geary a montré que ces compilations répondaient à une triple préoccupation, de gestion, de protection et de commémoration, mais que les trois aspects n’étaient pas forcément présents au même degré lors de la rédaction [21]. Enfin, il ne faut pas négliger la fonction interne des cartulaires car l’écriture a des conséquences sur la communauté [22]. Même si tous les historiens admettent ces finalités dans le cadre des études des cartulaires, d’aucuns considèrent que ce sont des raisons plus « pragmatiques » (conflit ou défense de droits) qui poussent à la rédaction, que le rôle de la « memoria » a été surestimé et que la fonction juridique doit revenir au premier plan [23].
L’inventaire énumère les biens et a donc une fonction de droit et de gestion. À Wissembourg, il crée une image figée des possessions dont on ignore la date d’entrée dans le patrimoine de l’institution. Il n’existe aucune profondeur documentaire car les informations fournies sont contemporaines de l’écriture. La vision qui est donnée est statique, prise à un moment donné et le rapport à la memoria, qui apparaît comme essentiel dans les cartulaires, ne joue pas un rôle fondamental dans ce document. Les terres sont envisagées seulement comme des sources de revenus et l’accent est mis sur les redevances et services demandés.
À Werden, les fonctions de l’Urbar sont, de toute évidence, complexes, car l’inventaire est une compilation de documents variés, conservés dans les archives ; on perçoit donc difficilement les finalités poursuivies lors de la rédaction. Certes, l’accent est mis sur les redevances et les services mais un « patchwork » de documents a été recopié, sans suivre de formulaire comme à Wissembourg. Par ailleurs, la très grande variété des mains (plus d’une quinzaine) qui interviennent dans la copie pose la question de l’unité de l’entreprise de rédaction. Cette compilation, hétéroclite, a probablement inclus des pièces documentaires au gré des besoins.
Les revenus et l’énumération des biens détenus sont des données centrales dans les inventaires alors que le formulaire des actes ne laisse pas apparaître ces informations de manière systématique dans les cartulaires. À Wissembourg et à Werden les actes donnent parfois quelques estimations sur les biens cités, mais cette mention n’est pas obligatoire. Les seuls revenus qui apparaissent dans les cartulaires sont les cens demandés en cas de précaire ou d’usufruit, ce qui constitue une portion minime des gains perçus. Ainsi, les institutions font rédiger deux types de documents avec des informations différentes afin de connaître les revenus de certaines zones géographiques. Cependant, il est à noter que Wissembourg et Werden n’adoptent pas la même démarche dans la rédaction de leurs Urbare : Wissembourg produit un texte homogène où un formulaire est utilisé pour présenter toutes les localités de la même manière, tandis que Werden réunit des documents de natures différentes.
Cette réflexion amène à une analyse des sources qui ont servi à la rédaction. Les « descriptiones » sont souvent considérées comme le fruit d’enquêtes, ce qui semble être le cas à Wissembourg [24]. L’inventaire des biens est constitué à partir de questions posées et ne vient pas de la copie d’actes diplomatiques, à la différence du cartulaire. La situation de Werden est beaucoup plus complexe car le recueil mêle des documents divers dont l’origine documentaire est variée. Ainsi, certaines entrées sont tirées d’actes diplomatiques copiés dans leur intégralité (acte 8 de l’Urbar), tandis que d’autres résument d’autres actes ou sont le résultat d’enquêtes (acte 3 de l’Urbar).
B. Un traitement documentaire différent selon les zones géographiques ?
Tous les écrits évoqués adoptent un classement géographique plus ou moins poussé par Gau. Il faut donc étudier la zone géographique couverte, pour comprendre si les biens sont gérés de façon identique selon leurs localisations.
Dans le cas de Werden, les localités concernées par le cartulaire sont relativement éloignées de l’abbaye, alors que celles de l’Urbar sont dans sa proximité immédiate, même si dans les deux documents, de nombreux endroits restent difficiles à localiser. Peu de lieux se recoupent entre les deux écrits, un indice ténu pour conclure à deux zones géographiques gérées différemment et qui n’ont pas bénéficié du même traitement par l’écrit [25]. Dirk Peter Blok refuse de conclure à un principe de séparation géographique entre les deux écrits [26], mais une telle différence de traitement demande réflexion : s’explique-t-elle par les documents disponibles ? par une volonté de ne compiler qu’une certaine catégorie de biens dans le cartulaire ? Comme les actes originaux ne sont plus disponibles, il est impossible de reconstituer le fonds archivistique de l’abbaye, donc de répondre à ces questions. Par ailleurs, comme on ne sait si le cartulaire est complet ou fragmentaire, il est difficile de généraliser un raisonnement à l’échelle de la compilation. Les actes ne sont absolument pas copiés au même moment dans le cartulaire et dans l’inventaire de biens et de revenus : Rudolf Kötszchke situe la rédaction de l’Urbar au moment où l’abbaye de Werden entre sous la protection royale (877), où les Liudgerides perdent le monopole de la direction de l’institution à la mort d’Hildigrim II (886) et où un privilège pontifical est concédé (891) [27]. Quand l’Urbar est rédigé, l’abbaye a changé de statut, la gestion des biens est différente et ne nécessite plus de copie intégrale des actes. L’inventaire inclut donc des documents variés de même nature ou de natures proches, sans organisation systématique. Pour Werden, la question est moins de savoir s’il existe une différence de traitement géographique que de comprendre pourquoi deux documents de natures très différentes sont produits à un demi-siècle d’écart. Pourquoi n’a-t-on pas ajouté des cahiers au cartulaire, mais commencé un Urbar ?
À Wissembourg, les historiens ont noté d’emblée que l’Urbar et le cartulaire ne concernent pas les mêmes zones géographiques. La première source mentionne principalement des localités dans les Gaue de Worms et de Spire, alors que le cartulaire ne contient aucune donation, vente, précaire dans ces régions. Seuls deux douzaines de lieux situés en Alsace sont citées dans l’Urbar. Dans un premier temps, les éditeurs Anton Doll et Karl Glöckner ont défendu l’hypothèse d’un tome perdu du cartulaire qui concernerait spécifiquement les Gaue de Worms et de Spire [28]. Cette hypothèse est désormais abandonnée et on privilégie l’idée d’un tome unique pour une zone géographique précise, à la frontière entre le royaume de Louis le Germanique et celui de Lothaire.
Christoph Dette note plusieurs différences entre l’Urbar et le cartulaire [29]. Tout d’abord, une différence structurelle des terres explique la constitution des deux écrits car les biens donnés en Alsace sont souvent rétrocédés en usufruit, sous forme de précaire, et ne sont donc pas sous la gestion directe de l’abbaye. De ce fait, l’institution n’a pas besoin de connaître les revenus et les services dans cette zone (sauf pour quelques lieux en Alsace) induisant ainsi la rédaction d’un cartulaire pour les Gaue d’Alsace, de Seille et de Sarre. Christoph Dette soutient d’autres arguments sans forcément les développer (séparation entre les biens de l’abbé et de la communauté monastique, situation politique de cette zone de frontière). L’étude des sources ne peut confirmer une différence de gestion car les originaux ont été perdus pour l’abbaye de Wissembourg. Il est donc difficile de prouver l’absence de précaires dans les Gaue de Worms et de Spire.
Plus récemment, Hans Hummer a replacé la rédaction du cartulaire de Wissembourg dans le contexte politique consécutif au partage de Verdun. L’abbaye, située à la frontière entre deux royaumes, possède des biens dans la partie de Louis le Germanique et dans celle de Lothaire [30]. Par ailleurs, Louis le Germanique a des prétentions sur l’Alsace dès le partage en 843 et le cartulaire est à interpréter dans ce contexte. Deux arguments appuient cette hypothèse de lien entre le cartulaire et la situation politique : la datation et l’organisation de la compilation. L’acte le plus récent laisse supposer une rédaction entre 855-860 [31], ce terminus correspondant à une rencontre entre Lothaire II et Louis. Par ailleurs, l’étude de la zone géographique couverte par la compilation laisse envisager un lien entre le partage de Meersen et la rédaction du cartulaire [32] car les Gaue présents dans la compilation correspondent à ceux qui sont obtenus lors de ce partage en 870 par Louis le Germanique [33]. À cette date, Louis arrive dans une position de force assurée par son contrôle de l’Alsace et du sud de la Lotharingie depuis une décennie ; le cartulaire sert de base à la négociation et entérine une situation de fait [34]. Hans Hummer y voit la conjonction d’une série d’intérêts entre le monastère, les grandes familles de l’espace et la royauté car le cartulaire protège les acquis des groupements possédant des biens dans les royaumes de Louis et de Lothaire. Le choix de ne copier que les actes d’une zone géographique précise s’explique par le contexte politique et la forme du cartulaire a été privilégiée parce qu’elle permet de mentionner les grands groupements (donateurs et témoins) et de créer une histoire des différentes actions juridiques. Enfin, la rédaction d’un Urbar et d’un cartulaire pour Wissembourg est souvent mise en parallèle avec le cas similaire de Fulda. Wolfgang Haubrichs insiste sur la relation personnelle entre Raban Maur, abbé de Fulda et Ofrid, le maître d’école de Wissembourg qui aurait influencé le choix et la forme prise par les deux documents [35].
Les abbayes de Werden et de Wissembourg font rédiger un Urbar et un cartulaire avec des finalités différentes. Pour ce qui concerne Wissembourg, l’analyse géographique montre que le cartulaire est considéré comme l’instrument le plus efficace pour défendre les intérêts de l’institution dans les années 855-860, dans un contexte de troubles.
III. La construction de l’identité communautaire au IXe siècle
Le renouveau des études sur les cartulaires a mis en avant la nécessité de les « re-contextualiser » pour les insérer dans la production écrite globale des institutions. Les différentes recherches menées depuis la rencontre consacrée exclusivement aux cartulaires en 1991 ont montré le lien étroit entre les formes de l’écrit, la gestion administrative et l’institutionnalité monastique [36]. Ainsi, les abbayes mettent par écrit non seulement cartulaires et Urbare mais aussi des écrits de nature hagiographique, diplomatique, mémorielle. La construction d’un groupe, d’une communauté est un processus complexe qui évolue au cours du temps et dans lequel les membres ont un rôle actif. Ainsi construire l’identité communautaire passe par la transmission de valeurs, d’idées, d’une histoire commune pour créer un sentiment d’appartenance. Cette construction se fait souvent dans les conflits et répond à des tensions internes et externes à la communauté [37]. Les productions écrites des abbayes de Werden et de Wissembourg lors de la rédaction du cartulaire et de l’Urbar seront détaillées et cette analyse permettra de préciser les choix qui ont présidé à la rédaction d’un cartulaire mais aussi de comprendre comment ces écrits bâtissent une communauté, notamment par la transmission du passé pour servir le présent.
A. Werden
Le cartulaire met en scène les premiers temps de la communauté autour de Liudger et de son groupement. Le fondateur ainsi qu’un autre membre de son groupement portant le même nom font des donations dans plusieurs actes du cartulaire (n°1, 9, 15, 24, 30) et le premier est aussi le bénéficiaire de certaines actions juridiques. La profondeur documentaire du cartulaire est très importante, car la compilation insiste sur les premiers temps de la communauté, notamment par le classement des actes et par les institutions évoquées. Le second acte du cartulaire (acte 13 dans l’édition) est la première mention de l’abbaye de Werden, quand le 18 janvier 799, Hludwin donne les terres où est fondé le monastère. Certaines actions juridiques sont passées avant cette date et incluses dans la copie car elles retracent les premiers temps de la communauté, avant la fondation de l’abbaye de Werden : Wichmond, choisi d’abord comme lieu d’installation, est délaissé au profit de « Ad Crucem » puis de Werden (actes 3, 5, 6, 7). Les deux premiers endroits continuent à jouer un rôle fédérateur et constituent des dates de lieux dans les actions juridiques [38]. Le cartulaire comporte d’importants sauts chronologiques dans le classement des actes et ne propose pas une histoire linéaire de l’institution. La logique semble plutôt reposer sur les lieux ou les groupements, même si parfois les liens entre les actes ne sont pas évidents. De manière parallèle, une Vita propose l’histoire du fondateur.
La Vita commence à être écrite dès Altfrid qui est à la tête de l’abbaye entre 839 et 849 [39]. Membre du groupement des Liudgerides, peut-être neveu du fondateur, il n’a pas connu personnellement Liudger mais rédige sa vie à partir de témoignages de personnes qui l’ont côtoyé. Trois versions sont composées entre 839 et 864, en moins de trente ans, afin de servir les défis contemporains.
La première version de la Vita Sancti Liudgeri, séparant la vie du saint de ses miracles, contient de nombreux topoi. Altfrid y montre que Liudger a toutes les caractéristiques d’un saint dès sa naissance, ce qui fournit l’occasion d’évoquer les ancêtres du fondateur. Cette première Vita donne beaucoup d’informations sur la vie de Liudger et met l’accent sur son activité de missionnaire. Altfrid n’y mentionne que très brièvement la fondation de l’abbaye de Werden, préférant retracer l’ensemble de la carrière du saint. Eberhard Kaus et Ian Wood établissent un parallèle entre cette première Vita d’Altfrid et celle de Willibrord, écrite par Alcuin : tous deux insistent sur la famille et la mission, ce qui permet à leurs auteurs de revendiquer leur autorité et celle de leur famille. La deuxième version date des années 850-860, la troisième d’après 864. Comme la datation du cartulaire est incertaine, savoir quelle version de la Vita en est la plus proche chronologiquement n’est pas aisé. Le contenu des Vitae fournit des indices. Ainsi, dans la deuxième version, la fondation figure dans la section des miracles qui prennent une importance fondamentale. Les premiers temps de la communauté y sont évoqués avec le choix des différents lieux d’installation, comme dans le cartulaire. Les Liudgerides ne sont plus aussi présents dans le récit, même si Liudger reste la figure centrale. La seconde version de la Vita est à relier au cartulaire qui constitue le matériau diplomatique pour appuyer le récit.
Le cartulaire et la Vita soudent la communauté autour de son fondateur et de ses origines en des temps difficiles perceptibles peut-être à travers la rédaction des privilèges de l’abbaye. En effet, les tensions apparues sous Altfrid n’ont fait que croître et des laïcs réclament la direction de l’abbaye. La datation de la recension des privilèges est extrêmement débattue avec un terminus entre la fin du XIe et début du XIIe siècle. Otto Oppermann fait une corrélation entre la rédaction de la Vita secunda et la version A de la recension des privilèges de Werden qui met l’accent sur la fondation de l’abbaye [40]. Cette version A a probablement été écrite avant 877, date du changement de statut de l’institution qui entre sous la protection royale.
Le manuscrit Voss Lat. Q 55, qui contient, à partir du folio 30, le cartulaire, débute par la Vita de Liudger, copiée par une main de la fin du Xe-début XIe siècle, dans une version hybride composée de la première version de la Vita à laquelle on a ajouté huit chapitres de la Vita secunda, concernant notamment la fondation de Werden. Cartulaire et Vita ont été reliés ensemble au XVe siècle sans que l’on puisse déterminer si cette nouvelle reliure a créé une nouvelle unité codicologique entre ces deux écrits ou s’ils étaient conservés ensemble depuis longtemps. Ce manuscrit ne contient que ces deux ensembles documentaires en leur donnant un sens cohérent lors de la reliure. Un point est sûr : le cartulaire et la Vita contribuent à créer l’identité de la communauté autour du fondateur et des premiers temps de l’institution. Le cartulaire est à replacer dans ce contexte et l’hypothèse d’une datation milieu – dernier quart IXe siècle s’en trouve renforcée. La compilation a donc un rôle commémoratif fondamental.
Rapprocher la double rédaction (cartulaire et Urbar) et la constitution de différentes versions de la Vita permet de formuler une hypothèse pour cette double écriture : le choix de ne copier dans le cartulaire qu’une zone géographique restreinte s’explique par le rapport avec la Vita. Les actes copiés sont centrés sur les premiers temps de l’institution et choisis dans cette optique. Ainsi, le cartulaire s’articule avec les récits de la vie du fondateur et sa rédaction en a été profondément influencée.
B. Wissembourg
Au moment de la rédaction du cartulaire et de l’inventaire, l’école de l’abbaye de Wissembourg est dirigée par Otfrid, dont l’implication dans le processus d’écriture du cartulaire est débattue [41]. La question était de savoir si sa tâche s’est limitée à superviser le travail ou s’il a copié lui-même des actes dans la compilation. Sous son influence, la bibliothèque et le scriptorium de l’abbaye ont connu un essor considérable et beaucoup de manuscrits sont écrits par Otfrid lui-même. Il mène une politique d’acquisition visant à compléter les fonds ce qui lui permet de rédiger son œuvre majeure, le Liber Evangeliorum. Dans cet évangéliaire en langue vernaculaire daté entre 863 et 871, une de ses dédicaces est destinée à Louis le Germanique [42] sous le règne duquel sont rédigés plusieurs autres grands textes en langue vernaculaire. Cependant, selon Hans Hummer, l’œuvre d’Otfrid va plus loin car il ne s’agit plus d’écrire une épopée biblique, comme dans l’Heliand, mais de montrer le pouvoir des Francs, ce qui confère à cette rédaction une connotation nettement plus politique [43]. Cette glorification des Francs contraste avec la situation conflictuelle qui règne entre les fils de Louis le Pieux. S’il est difficile de prouver une initiative royale pour la rédaction, Otfrid réalise probablement un travail voulu par l’abbé de Wissembourg, Grimald. De manière parallèle, plusieurs listes de moines sont envoyées aux communautés liées à Wissembourg. À Saint-Gall, ces listes datent, probablement de 847 pour la première et de 863 pour la seconde. On trouve une liste plus hétéroclite à Reichenau avec des entrées qui couvrent une période entre 693 et 865. De toute évidence, l’abbaye de Wissembourg n’a pas eu le même type de liens avec les deux communautés : une relation continue avec Reichenau dont témoigne l’envoi régulier de listes et une association plus tardive avec Saint-Gall, due notamment au fait que Grimald dirige à la fois les deux établissements.
La figure de Grimald se détache car cet homme occupe une place fondamentale dans la politique de Louis le Germanique dont il constitue un des principaux soutiens [44]. Il est conseiller, diplomate et exerce une activité ecclésiastique importante dans le royaume de Germanie car il a dirigé trois institutions, dont Saint-Gall et Wissembourg où son abbatiat se déroule en deux temps, entre 833 et 839/840, puis de 846 à 870, à cause des troubles sous les fils de Louis le Pieux. Il apparaît comme chancelier dans les sources entre 833 et 840 puis est probablement nommé archichapelain à partir de 848. En 860, il cumule les deux fonctions d’archichapelain et d’archichancelier. Lors de son abbatiat à Wissembourg, sont rédigés un certain nombre d’écrits qui créent une identité communautaire, en lien étroit avec Louis le Germanique car le cartulaire sert entre autres les prétentions territoriales du roi.
L’abbaye de Wissembourg se dote au même moment d’un cartulaire, d’un Urbar, du Liber Evangelorium et de listes de moines qui contribuent à souder la communauté et les grands groupements familiaux autour de l’institution. Cette construction identitaire se fait dans un contexte de troubles où les terres de l’abbaye font l’objet de disputes, ce qui explique les formes particulières revêtues par ces écrits. Grimald semble avoir eu une impulsion décisive dans ce processus, supervisé par Otfrid qui s’emploie à définir la communauté, ses biens et ses alliés, avec des incidences sur la communauté elle-même, mais aussi sur son rapport avec la royauté et les autres grandes institutions du royaume de l’est. L’identité de la communauté de Wissembourg se construit en lien étroit avec Louis le Germanique du fait de la position prééminente de Grimald.
Conclusion
Les abbayes de Wissembourg et de Werden ont fait rédiger des textes de nature très différente, en un court intervalle de temps : un cartulaire et un Urbar pour améliorer la gestion, la connaissance des biens et des droits détenus par l’institution, mais aussi des écrits de nature hagiographique et mémorielle, qui contribuent, chacun à leur façon, à construire l’identité communautaire de ces monastères. Seule une étude menée à l’échelle de la production d’un scriptorium permet de replacer chaque texte ou type de texte dans un ensemble plus large, de lui donner sens et de comprendre ses finalités et les choix faits lors de la rédaction. Toutefois le modèle de raisonnement de Janneke Raaijmakers ne saurait être intégralement appliqué aux abbayes de Werden et de Wissembourg. En effet, elle met en perspective l’écriture et l’architecture afin de replacer les différentes sources de l’abbaye dans un environnement scriptural et architectural qui fait sens. Or, les mentions sur l’architecture sont très lacunaires pour les deux institutions. Cette étude montre que la « re-contextualisation » des cartulaires doit être entreprise à une large échelle, dépassant la production écrite, si la documentation le permet.
Notes
[1] Janneke. Raaijmakers , The Making of the monastic community of Fulda, ca. 744-900, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.
[2] Édition par Anton Doll et Karl Glöckner, Traditiones Wizenburgenses : die Urkunden des Klosters Weissenburg, 661-864, Darmstadt, Hessische Historische Kommission, 1979.
[3] Ibidem, p. 7-24, un tableau synthétique est proposé p. 34-37. Au folio 69v, un copiste a rédigé « BERN SCRIPSIT » et au folio 55v, « NIPbo » est ajouté dans la marge inférieure. Ces deux mains sont connues par les livres de confraternité (voir édition p. 18 et 20).
[4] Pour les problèmes de vocabulaire pour désigner les lieux et l’espace dans les sources bavaroises : Thomas Kohl, Lokale Gesellschaft. Formen der Gemeinschaft in Bayern vom 8. bis zum 10. Jahrhundert, Ostfildern, Jan Thorbecke Verlag, 2010.
[5] Anton Doll et Karl Glöckner, Traditiones Wizenburgenses…, p. 40.
[6] Charles-Edmond Perrin, Recherches sur la seigneurie rurale en Lorraine d’après les plus anciens censiers (ixe-xiie siècle), Paris, Les Belles-Lettres, 1935, p. IV.
[7] Christoph Dette , Liber Possessionum Wizenburgensis. Neu herausgegeben und kommentiert, Mayence, Verlag der Gesellschaft für Mittelrheinische Kirchengeschichte, 1987, p. 21. Christoph Dette propose une datation globale de l’Urbar dans les années 860-870 avec une partie plus ancienne pour les chapitres 1-25 d’avant 818/819.
[8] Anton Doll, « Die Possessiones Wizenburgenses und ihre Neuedition », Archiv für mittelrheinische Kirchengeschichte, 41, 1989, p. 437-463 ; Michael Gockel, « Kritische Bemerkungen zu einer Neuausgabe des Liber Possessionum Wizenburgensis », Hessisches Jahrbuch für Langeschichte, 39, 1989, p. 353-380 ; Dieter Hägermann, « Quellenkritische Bemerkungen zu den karolingerzeitlichen Urbaren und Güterverzeichnissen », Werner Rösener, Strukturen der Grundherrschaft im frühen Mittelalter, Göttingen, Vandenhoek und Ruprecht, 1989 », p. 56. Cette datation entre les années 850 et 870 est communément admise dans les études (Dieter Hägermann, « Quellenkritische Bemerkungen… », p. 47-73 ; Werner Rösener, Grundherrschaft im Wandel. Untersuchungen zur Entwicklung geistlicher Grundherrschaft im südwestdeutschen Raum vom 9. bis 14. Jahrhundert, Göttingen, Vandenhoek und Ruprecht, 1991, p. 83-147). Wolfgang Metz s’est demandé si un rapprochement entre les rubriques de l’Urbar de Wissembourg et le partage de Verdun (843) pouvait être fait. Il finit par réfuter cette hypothèse et se range à l’avis d’Anton Doll qui établit un parallèle de rédaction entre l’inventaire et le cartulaire, rédigés successivement mais presque de manière contemporaine (Wolfgang Metz, « Das Kloster Weissenburg und der Vertrag von Verdun », Clemens Bauer, Laetittia Boehm et Max Müller (dir.), Speculum Historiale. Geschichte im Spiegel von Geschichtsschreibung und Geschichtsdeutung, Munich/ Freiburg, Karl Alber, 1965, p. 458-468). Dans cet article, l’auteur précise que le cas de Wissembourg n’est pas unique et il établit un parallèle avec Fulda.
[9] Éditions par Dieter P. Blok, Een diplomatisch onderzoek van de oudste particuliere oorkonden van Werden, Amsterdam, Van Gorcum et comp., 1960 et Rudolf Kötzschke, Die Urbare der Abtei Werden a. d. Ruhr, Rheinische Urbare : Sammlung von Urbaren und anderen Quellen zur rheinischen Wirtschaftsgeschichte 2, Bonn, H. Behrendt, 1906 (Publikationen der Gesellschaft für rheinische Geschichtskunde, 20, 2), qui donne quelques éléments d’analyses du manuscrit en introduction (p. CVI-CIX).
[10] Pour avoir un aperçu synthétique de l’histoire de l’abbaye : Jan Gerhow (dir), Das Jahrtausend der Mönche. Kloster Welt Werden, 799-1803, Cologne, Wienand, 1999 ; pour un arbre généalogique de la famille Arnold Angenendt, Liudger. Missionar-Abt-Bischof im frühen Mittelalter, Münster, Aschendorff, 2005, p. 130.
[11] Édition par Rudolf., Kötzschke Die Urbare…
[12] Les cahiers ayant été composés à des dates différentes, leurs dimensions varient entre 155-185×205-240 millimètres. Voir Rudolf., Kötzschke Die Urbare…, p. CX-CXI.
[13] Theodor Joseph Lacomblet, Geschichte des Niederrheins, I, Siegburg, Respublica-Verlag Siegburg, p. XI.
[14] Rudolf Kötzschke, Die Urbare…, p. CVII.
[15] Ibidem, p. CVIII-CIX.
[16] Dirk Peter Blok, Een diplomatisch onderzoek…, p. 15-16 et suivantes. D’autres auteurs tels Paul Lehmann proposent une datation plus tardive autour de l’an mil (Paul Lehmann, Holländische Reisefrüchte, Munich, Verlag der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, 1921, p. 13 (Sitzungsberichte der Bayerischen Akademie der Wissenschaften. Philosophisch-philologische und historische Klasse, Jahrg. 1920, 13)).
[17] Rosamond McKitterick, « The Uses of Literacy in Carolingian and Post-Carolingian Europe : Literate Conventions of Memory », Scrivere e leggere nell’alto medioevo, Settimane di Studio del Centro Italiano di Studi sull’alto medievo, 59, Spolète, Fondazione Centro Italiano di Studi sull’alto medioevo, 2012, p. 12.
[18] Stephan Molitor, « Das Traditionsbuch. Zur Forschungsgeschichte einer Quellengattung und zu einem Beispiel aus Südwestdeutschland », Archiv für Diplomatik, 36, 1990, p. 61-92.
[19] Oswald Redlich, « Über bairische Traditionsbücher und Traditionen », Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung, 4, 1884, p. 60 ; Heinrich. Fichtenau, Das Urkundenwesen in Österreich vom 8. bis zum frühen 13. Jahrhundert, Vienne/Cologne/Graz, H. Böhlaus, 1971, p. 60 (Mitteilungen des Instituts für österreichische Geschichtsforschung, Ergänzungsband, 23).
[20] Peter Johanek, « Zur rechtlichen Funktion von Traditionsnotiz, Traditionsbuch und früher Siegelurkunde », Peter Classen (dir.), Recht und Schrift im Mittelalter, Sigmaringen, J. Thorbecke, 1977, p. 131-162 (Vorträge und Forschungen, 23).
[21] Patrick. Geary, « Entre gestion et gesta », Laurent Morelle, Olivier Guyotjeannin et Michel Parisse (dir.), Les cartulaires : actes de la Table ronde organisée par l’Ecole nationale des chartes et le GDR 121 du CNRS, Paris, 5-7 décembre 1991, Paris, Champion, p. 12-26 (Mémoires et documents de l’École des chartes, 39).
[22] Constance Bouchard, « Monastic Cartularies : Organizing Eternity », Adam J. Kosto, et Anders Winroth (dir.), Charters, cartularies and archives : the preservation and transmission of documents in the Medieval West : proceedings of a colloquium of the Commission internationale de diplomatique (Princeton and New York, 16-18 September 1999), Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, 2002 (Papers in mediaeval studies, 17), p. 27 ; Laurent Morelle, « The Metamorphosis of the Monastic Charter Collections in the Eleventh Century (Saint-Amand, Saint-Riquier, Montier-en-Der), Karl Heidecker (dir.), Charters and the Written Word in Medieval Society, Turnhout, Utrecht Studies, 2000 (Utrecht Studies in Medieval Literacy 5), p. 31.
[23] Brigitte Resl, « Vom Nutzen des Abschreibens : Überlegungen zu mittelalterlichen Chartularen », Walter Pohl, Paul Herold (dir.), Vom Nutzen des Schreibens. Soziales Gedächtnis, Herrschaft und Besitz im Mittelalter, Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2002 (Forschungen zur Geschichte des Mittelalters, 5), p. 205-222.
[24] Les nombreux travaux de Jean-Pierre Devroey ont mis en lumière les processus à la base de la rédaction des polyptyques (Jean-Pierre Devroey, « Au-delà des polyptyques. Sédimentation, copie et renouvellement des documents de gestion seigneuriaux entre Seine et Rhin (ixe-xiiie siècle) », Xavier Hermand, Jean-François Nieus et Étienne Renard, Décrire, inventorier, enregistrer entre Seine et Rhin au Moyen Âge, Paris, École des Chartes, 2012, p. 53-86 ; « Gérer et exploiter la distance. Pratiques de gestion et perception du monde dans les livres fonciers carolingiens », Ph. Depreux, Fr. Bougard, Régine Le Jan, Les élites et leurs espaces. Mobilité, Rayonnement, Domination, Turnhout, Brepols, 2007, p. 49-66).
[25] Une carte des biens présents dans l’Urbar est proposée dans Arnold Angenendt, Liudger. Missionar-Abt-Bischof…, p. 118.
[26] Dirk Peter Blok, Een diplomatisch onderzoek…, p. 12.
[27] Rudolf Kötzschke, Die Urbare…, p. CXXI-CXXII.
[28] Anton Doll et Karl Glöckner, Traditiones Wizenburgenses…, p. 42-44. Cette hypothèse a été critiquée par Patrick Geary, Mémoire et oubli à la fin du premier millénaire, Paris, Aubier, p. 289, note 38 ; Hans Hummer, Politics and Power in early medieval Europe, Alsace und the Frankisch Realm, 600-1000, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 184-185.
[29] Christoph Dette, Liber Possessionum Wizenburgensis…, p. 42-47.
[30] La question des conséquences sur l’abbaye de Wissembourg du partage de Verdun a été débattue. Les études récentes admettent que le monastère de Wissembourg a appartenu dès 843 au royaume de l’Est même si ce point reste controversé dans l’historiographie. Les terres qui lui appartiennent sont situées dans plusieurs royaumes. Un point récent sur ce débat a été fait dans : Jens Schneider, Auf der Suche nach dem verlorenen Reich, Lotharingien im 9 und 10. Jahrhundert, Cologne/Weimar/Vienne, Böhlau Verlag, 2010 (Publications du Centre Luxembourgeois de Documentation et d’Études Médiévales, 30), p. 301-305.
[31] Hans Hummer reprend ici l’hypothèse des éditeurs du cartulaire (Anton Doll et Karl Glöckner, Traditiones Wizenburgenses…, p. 40).
[32] Hans Hummer, Politics and Power…, p. 185.
[33] Hans Hummer précise sa pensée et propose une carte du partage à l’appui de son raisonnement aux pages 186-188 de son ouvrage (Ibidem).
[34] Hans Hummer en conclut « It remains a distinct possibility that records such as cartularies would have been consulted in the negotiations leading up to the division » (Ibidem, p 189). Le rôle de Grimald, archichapelain, archichancelier et abbé de Wissembourg est incertain mais selon lui, il a pu participer aux négociations.
[35] La relation entre Otfrid et Raban Maur a été au centre de nombreuses études : Wolfgang Haubrichs, « Otfrid Sankt Galler « Studienfreunde » », Amsterdamer Beiträge zu älteren Germanistik, 4, 1973, p. 49-112 ; Wolfgang Haubrichs, « Althochdeutsch in Fulda und Weissenburg. Hrabanus Maurus und Otfrid von Weissenburg », Raymund Kottje et Harald Zimmermann (dir.), Hrabanus Maurus, Lehrer, Abt und Bischof, Mayence-Wiesbaden, Akademie der Wissenschaften und der Literatur, 1982 (Abhandlungen der geistes- und sozialwissenschaflichen Klasse, Einzelveröffentlichungen, 4), p. 182-193 ; Wolfgang Haubrichs, « Otfrid de Wissembourg, élève de Raban Maur et l’héritage de Fulda au monastère de Wissembourg », Philippe Depreux, Stéphane Lebecq, Raban Maur et son temps, Turnhout, Brepols, 2010, p. 155-172. Il faut noter que pour Fulda, l’historiographie préfère parler d’un « Güterverzeichnis » et non d’un Urbar car les revenus ne sont pas mentionnés.
[36] Pierre Chastang, Lire, écrire, transcrire. Le travail des rédacteurs de cartulaires en Bas-Languedoc (XIe-XIIIe siècles), CTHS-Histoire, Paris, 2001 ; Olivier Guyotjeannin, Laurent Morelle et Michel Parisse (dir.), Les cartulaires… ; Laurent Morelle, « The Metamorphosis… » ; Laurent Morelle, « Instrumentation et travail de l’acte : quelques réflexions sur l’écrit diplomatique en milieu monastique au XIe siècle », Médiévales, 56, 2009, p. 41-74.
[37] Walter Pohl, « The construction of communities and the persistence of paradox : an introduction », Richard Corradini, Max Diesenberger, Helmut Reimitz, The Construction of Communities in the Early Middle Ages, Texts, Resources and Artefacts, Leiden/Boston, Brill, 2003, p. 1-15 ; Janneke. Raaijmakers , The Making of the monastic community of Fulda…, p. 7-15.
[38] Wichmond est date de lieu dans les actes 10 (796), 16 (799), 18 (800), 25 (801). « Ad Crucem » est date de lieu dans les actes 8 (796), 23 (801), 28 (804), 37 (817), 38 (818). Des biens sont aussi donnés dans cette localité après la fondation de l’abbaye à Werden, notamment dans les actes 28 (804) et 35 (816/817). Des biens situés Ad Crucem sont aussi vendus en 816/817 (acte 34).
[39] Les différentes Vitae de Liudger ont fait l’objet de plusieurs études, notamment sur la reconstitution des différentes versions de cet écrit. La question de l’auteur de la première version a été débattue et désormais l’hypothèse d’une identification avec Altfrid est acceptée : Eberhard Kaus, « Zu den Liudger-Viten des 9. Jahrhunderts », Westfälische Zeitschrift, 142, 1992, p. 9-55, ici p. 12 et Ingrid Rembold, ’The Saxon Church between Christian Empire and Local Elites, c. 799 – c. 876’ (doctorat en cours, Université de Cambridge).
[40] Otto Oppermann, Rheinische Urkundenstudien, I : Die Kölnisch-Niederrheinischen Urkunden, Bonn, P. Hansteins Verlag, 1922, (Publikationen der Gesellschaft für Rheinische Geschichtskunde 39), p. 109-113.
[41] Anton Doll et Karl Glöckner, Traditiones Wizenburgenses…, p. 24.
[42] Pour l’étude des dédicaces, voir Jens Schneider, Aus der Suche…, p. 317-319. Les autres dédicaces sont adressées à Salomon de Constance, à deux moines de Saint-Gall (Hartmund et Werinbert) et à Liutbert, archevêque de Mayence et archichapelain de Louis le Germanique.
[43] Hans Hummer, Politics and Power…, p. 144.
[44] Dieter Geuenich, « Beobachtungen zu Grimald von St. Gallen Erzkapellan und Oberkanzler Ludwigs des Deutschen », Michael Borgolte, Herrad Spilling (dir.), Litterae Medii Aevi. Festschrift für Johanne Authenrieth zu ihrem 65. Geburtstag, Sigmaringen, J. Thorbecke, 1988, p. 55-68.