Le « beau percé » et le bâti médiéval au temps du roi citoyen (1830-1848)

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Nathalie Blais

Résumé
Dans la première moitié du XIXe siècle, les villes sont confrontées à des problèmes de salubrité publique et doivent désormais y répondre à des urgences. La modification de l’espace urbain est un est des moyens utilisés. Dans le cadre de la politique d’embellissement et de l’utilité publique, le bâti médiéval est sujet à disparaître, à tort ou à raison. Une nouvelle catégorie de vandalisme se dessine. Des acteurs, institutionnels ou non, luttent contre les différents vandales pour conserver les édifices anciens présents dans le tissu urbain. Ces édifices sont démolis ou mutilés alors même qu’ils constituent un attrait « touristique » pour les voyageurs, donc une ressource financière, d’où l’utilité de les conserver et de les entretenir.

Nathalie Blais : Née le 14/02/1983, doctorante en histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Nathalie BLAIS, « Prise de conscience et gestion des monuments anciens dans les espaces urbains en France au temps de Louis-Philippe », sous la direction de Philippe Boutry, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (thèse en cours) Après un Master en histoire à l’université Paris IV sur la gestion du bâti médiéval à Paris sous Louis-Philippe, j’ai poursuivi dans cette thématique en élargissant le cadre géographique. Mon domaine de recherche porte sur la compréhension de l’évolution d’une prise de conscience de la préservation du bâti médiéval, sa gestion par différents acteurs, et les manifestations du vandalisme, dans la première moitié du XIXe siècle. blaisnathalie@yahoo.fr


 

Roger de Gaignières demandait en 1702 au roi la prise d’un arrêt défendant à quiconque de démolir les monuments sans une permission expresse de ceux susceptibles d’être intéressés. Quelques voix s’élèvent alors sur le peu d’entretien réservé aux monuments, tel Thomas Jefferson en 1787, outré qu’un mur des arènes d’Orange soit en cours de démolition pour que ses pierres servent de pavement à une route [1]. La même année à Paris, l’abbé Mercier et Quatremère de Quincy dénoncent les menaces de démolition de la fontaine des Innocents dans le cadre du réaménagement du quartier des Halles [2]. Les années révolutionnaires voient la nationalisation des biens et leur vente, un mouvement de destruction sans précédent et la naissance des premières institutions de préservation des monuments. La révolution de juillet 1830 marque l’avènement du roi citoyen Louis-Philippe et, sous l’influence de François Guizot, de la mainmise officielle de l’État sur les antiquités nationales. La monarchie de Juillet est une période essentielle qui voit la création de trois entités [3] par le gouvernement pour inventorier, préserver et restaurer les monuments de l’ancienne France. Elles sont secondées par l’important mouvement des sociétés savantes, éclos sous la Restauration [4]. Ces quatre acteurs luttent contre le phénomène vandale pour conserver les monuments historiques présents dans les tissus urbains.

Au cours de la première moitié du XIXe siècle, les villes se trouvent confrontées à une forte croissance démographique, au développement industriel et des transports qui drainent des flux de marchandises et de personnes encore plus importants et à une fréquence plus élevée. Pour autant la configuration urbaine est peu remodelée sous l’Ancien Régime. Les maux anciens non résolus à la fin de l’Ancien Régime trouvent leur acuité lors des grandes épidémies qui touchent l’Europe. Pourtant, des hommes comme Patte (1723-1814) ou Mercier (1740-1814) proposent de décongestionner l’espace urbain. La ville est un sujet malade dont les causes pathogènes sont recherchées ainsi que leurs solutions. Ces dernières consistent, pour chasser les miasmes, à aérer et à assainir la ville par différents moyens. La loi napoléonienne du 16 septembre 1807 impose aux villes de se doter d’un plan général d’alignement, introduisant ainsi une procédure novatrice, la planification urbaine. Avec le retour de la paix en 1815, les villes poursuivent leur embellissement, notamment par le percement et l’alignement des voies, ou « beau percé ». L’épidémie de choléra de 1832 révéla l’acuité du problème de salubrité publique, notamment dans les quartiers centraux des villes, et l’urgence de le résoudre.

Aussi, dans le cadre d’une politique se voulant volontariste en matière d’embellissement et d’utilité publique, les monuments anciens, en l’occurrence ici médiévaux, sont sujets soit à disparition soit à recevoir de nouvelles affectations. Le motif d’utilité publique, s’il est avéré dans un certain nombre de cas, a souvent constitué un prétexte pour détruire un édifice ancien a priori sans aucune utilité. Cependant, ce motif a aussi été utilisé pour tenter de désencombrer les édifices en expropriant les propriétaires. C’est pourquoi nous verrons dans quelle mesure l’embellissement a impacté le bâti médiéval dans les espaces urbains sous Louis-Philippe. Nous aborderons en premier lieu la loi de 1807 et ses effets en termes de planification urbaine, puis le devenir des monuments face à un nouveau type de vandalisme [5]. Il s’agit ici de dresser un panorama, et non une liste, des monuments disparus ou mutilés en France lors du remodelage du tissu urbain. Toutefois, nous réalisons une base de données [6] dont l’ambition est de dresser une liste sur le vandalisme urbain au XIXe siècle, qui se veut à terme la plus exhaustive possible. A l’issue de ce travail de recherche, cette base pourra être mise à la disposition de la communauté scientifique.

I/ « Le beau percé » (Quatremère de Quincy) : législation et planification urbaines

« L’alignement, en matière de voirie, est la ligne de séparation légale entre la voie publique actuelle ou future et les propriétés qui la bordent [7]. » Cette ligne, située soit en retrait soit en avant de la ligne de façades existantes, est à respecter lors de la (re-)construction des bâtiments riverains. L’alignement des façades le long d’une rue rectiligne est dénommé « beau percé » par Quatremère de Quincy en 1834 dans la notice historique de l’architecte Chalgrin [8]. Ce dernier a réalisé l’avenue reliant l’Observatoire aux palais et jardin du Luxembourg à la fin du XVIIIe siècle. Admirant cette avenue, Quatremère de Quincy souhaite réaliser la jonction du Louvre et de l’hôtel-de-ville avec la destruction de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois. Le « beau percé » fait référence à l’Antiquité gréco-romaine avec le plan hippodamien, avec ses deux principaux axes, le cardo et le decumanus. Si le goût pour l’Antiquité s’exprime en architecture, ce modèle hippodamique (ou à damier) est recherché pour une application urbaine : la multiplication des édits demandant l’alignement des voies et des façades va dans ce sens. En matière de réglementation de la voirie, l’origine de l’alignement prend forme sous Henri IV, par un édit de 1607. Jusqu’en 1789, la Monarchie prend plusieurs édits pour désencombrer les rues des échoppes et encorbellements et obtenir l’alignement des façades avec un moindre coût pour les villes. La multiplicité des édits en la matière montre le manque d’efficacité, au-delà d’un millefeuille administratif [9].

A/La loi de 1807 et sa complexe mise en œuvre

Pour que les idées et les pratiques antérieures en matière d’embellissement soient encore plus efficaces, l’Empire apporte une innovation contenue dans l’article 52 de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais.

« Dans les villes, les alignements pour l’ouverture des nouvelles rues, pour l’élargissement des anciennes qui ne font point partie d’une grande route, ou pour tout autre objet d’utilité publique, seront donnés par les maires, conformément au plan dont les projets auront été adressés au préfet, transmis avec leur avis au ministre de l’intérieur, et arrêtés au conseil d’état. En cas de réclamation de tiers intéressés, il sera de même statué en conseil d’état sur rapport du ministre de l’intérieur [10]. »

Le principe de l’alignement est étendu à toute ville de France ayant au moins 2 000 habitants. « Le maire fait lever par un homme de l’art le plan de toutes les voies publiques de sa commune autre que les grandes routes et les chemins vicinaux [11] » (c’est-à-dire de la petite voirie) avec l’indication séparative des propriétés, plan sur lequel seront tracés les projets de voiries. Les plans doivent être levés selon des échelles et un format prescrit par circulaires ministérielles, puis validés dans un délai de deux ans à compter du décret du 27 juillet 1808. Au terme de ce délai, peu de communes ont présenté un plan. Malgré les relances ministérielles auprès des préfets et face au cumul des retards, la menace de la circulaire du 16 avril 1811 est mise à exécution : en l’absence de présentation d’un plan général d’alignement, l’Empereur n’autorise plus les municipalités à procéder à des acquisitions en vue de réaliser des opérations de voiries ou donner l’alignement.

Jusqu’au début de la Restauration, la réalisation des plans se révèle très compliquée. La conjugaison de plusieurs facteurs explique ces retards. D’une part, de la confection du plan à la prise de l’arrêté, de nombreux acteurs entrent en jeu, comme nous le constatons sur notre schéma.

Des blocages peuvent être provoqués par les habitants, le conseil municipal, le préfet et le Conseil des Bâtiments civils (CBC). Daubanton écrit dans une note de son Code que « le ministre est dans l’usage de consulter le Conseil des Bâtiments civils, dont l’examen donne presque toujours lieu à des observations qui nécessitent de nouvelles études, un nouveau tracé, et par conséquent une nouvelle instruction [12]. » Le CBC contrôle notamment les projets portant sur les espaces publics, que le financement et l’initiative soient publics ou privés. Comme le mentionne Pierre Pinon, « les opérations et prescriptions urbaines que le Conseil des Bâtiments civils est amené à adopter portent essentiellement sur les plans d’alignements, les ouvertures de voies nouvelles (incluant prolongements et élargissements) ou les dégagements par des places [13]. » Ce conseil, du fait de sa composition (uniquement des architectes, hormis son président), « entraîne souvent qu’il entre dans le fondement même des projets pour le discuter [14] » ce qui ralentit d’autant plus le processus de validation.

D’autre part, la difficulté de réalisation des plans provient de la multiplicité des circulaires ministérielles [15] (huit en dix ans) qui modifient les prescriptions techniques (mode de présentation, échelles, codes couleurs, etc.). A chaque nouvelle circulaire, les plans doivent être refaits. Un autre facteur est à prendre en compte : la rotation des hommes de l’art (architecte, géomètre ou ingénieur). Chaque personne en charge du projet a une vision propre, différente du prédécesseur, ce qui entraîne des modifications dans la conception du plan général. A cela s’ajoutent notamment la bonne volonté des municipalités, les changements de couleur politique, le coût de réalisation des plans. Si vingt-six années sont nécessaires à la ville de Saint-Quentin pour obtenir l’approbation de son plan (1810-1836), la ville d’Avignon attendra plus de quarante ans. Le cas avignonnais a été particulièrement étudié par Michèle Lambert-Bresson [16]. Il montre très bien la complexité et la difficulté de mise en œuvre de la levée du plan pour une commune et comment une conjugaison de facteurs entraîne une longue (voire très longue) adoption et réalisation d’un plan général d’alignement.

Outre le contexte de politique extérieur, les municipalités, à la fin de l’Empire, sont confrontées à des difficultés pour leurs embellissements et travaux d’intérêt public. La monarchie accorde de nouveau aux maires, pour une durée de deux ans, le droit de donner des alignements partiels, uniquement pour les villes dont le plan n’a pas encore été homologué – ce qui ne doit pas empêcher sa soumission. Suite aux retards accumulés, le ministère de l’Intérieur adresse une circulaire aux préfets en 1818 – et ne le fait plus au delà. Sous les régimes de la Restauration et de la monarchie de Juillet, une nouvelle pratique est instaurée : les percées peuvent être entreprises par l’administration sous réserve d’une autorisation du Conseil d’État. Avec la loi du 7 juillet 1833 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, modifiant celle de 1810, et suivie de la loi du 3 mars 1841, comme le mentionne François Laisney, « une nouvelle ère s’ouvre dans la planification urbaine. La pratique de l’alignement ne disparaît pas, mais le mécanisme de la percée devient le levier principal des projets de transformation des villes [17]. »

B/ L’expropriation pour cause d’utilité publique

L’article 17 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyens du 26 août 1789 affirme le principe de l’inviolabilité de la propriété face à l’intérêt public, sauf en cas de nécessité publique ce moyennant une indemnisation : « la propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. » L’article 545 du Code Civil confirme que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité [18]. » La question de l’indemnité a été longuement débattue, et a fait ultérieurement l’objet de plusieurs lois. La Charte constitutionnelle de 1830 reprend et confirme cette idée, bien qu’il soit à noter le glissement sémantique de « nécessité publique » à « intérêt public » [19] et « utilité publique ». La loi du 16 septembre 1807 confère à l’autorité administrative le pouvoir de déclarer l’utilité publique, de prononcer l’expropriation et d’assurer le règlement de l’indemnité. Cette loi, jugée très rapidement excessive, a été modifiée de nombreuses fois, notamment par la loi du 8 mars 1810 sur l’expropriation d’immeubles pour utilité publique qui précise le régime général de l’expropriation.

L’ouverture de voies dans les villes est créatrice de plus-value pour les différents acteurs locaux (propriétaires ou communes), et engendre également des expropriations. Comme indiqué à l’article 185 du Code de Daubanton, « lorsqu’il est nécessaire, pour l’élargissement d’une voie publique dépendant de la petite voirie urbaine ou communale, d’acheter une ou plusieurs propriétés en saillie sur l’alignement, l’acquisition peut être faite ou à l’amiable, ou par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique [20]. » Comme le précise Daubanton en note de cet article, « l’élargissement de la voie publique s’obtient de deux manières : ou immédiatement, lorsque l’administration achète et fait démolir les constructions qui sont en saillie sur l’alignement, ou au fur et à mesure de la démolition de ces constructions, laquelle a lieu soit à cause de leur mauvais état, soit par la volonté libre des propriétaires [21]. » La loi du 7 juillet 1833 modifie celle de 1810, mais reste insuffisante. Aussi, la loi du 3 mai 1841 reprend les axes essentiels des lois précédentes [22]. Comme le précise Jean-Luc Albert, cette loi pose

« cinq conditions considérées comme des « garanties » pour les propriétaires : une utilité publique déclarée par une loi ou une ordonnance ; la faculté reconnue aux propriétaires de contester la nécessité de l’expropriation ; une expropriation prononcée par les tribunaux ; une indemnité fixée à l’amiable ou par un juge spécial ; un paiement ou une consignation de l’indemnité préalablement à la prise de possession [23]. »

Les règles d’application de l’expropriation sont valables uniquement en cas de dépossession d’une propriété, et non de la perte de jouissance. Par loi de 1841, l’expropriation pour cause d’utilité publique peut être appliquée aux édifices sous certaines conditions. Le ministre de l’Intérieur, dans sa circulaire aux préfets du 19 février 1841 apporte une précision concernant les monuments et les alignements :

« Lorsque les conseils municipaux auront à s’occuper de projets d’alignements, vous devez leur commander de subordonner ces projets aux monuments existant dans les communes ; vous pourrez également les exhorter à profiter de cette occasion pour débarrasser les édifices remarquables des constructions modernes qui, trop souvent, en obstruent les abords et en compromettent la conservation. »

Le ministre le rappelle dans sa circulaire du 1er octobre 1841 :

« Veuillez, en outre, dès à présent, faire savoir aux maires des communes dans lesquelles se trouvent des monumens historiques, que ces monumens ne peuvent subir aucune modification sans que le projet m’en ait été adressé et ai reçu mon approbation. Si les édifices appartiennent aux communes, il importe qu’ils ne puissent être restaurés, vendus ou démolis que sur mon autorisation ; s’ils appartiennent à des particuliers, vous devez être informé quand les propriétaires seront dans l’intention de les restaurer, de les vendre ou de les démolir, et m’en prévenir en temps utiles pour que l’État puisse s’en rendre acquéreur, quand la situation du crédit le permettra. Si les prétentions des propriétaires étaient exagérées, il y aurait lieu de recourir aux dispositions de la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. »

Dans une circulaire aux préfets datée du 31 octobre 1845, le ministre de l’Intérieur rappelle les deux circulaires des 19 février et 1er octobre 1841 :

« En principe, il ne peut y être fait aucune réparation sans mon autorisation. En conséquence, ainsi que je vous l’ai déjà fait connaître par mes circulaires du 19 février, §IV, et du 18 septembre, §II (année 1841), vous ne devez autoriser, sans m’en avoir entretenu, aucun travaux d’agrandissement, aucune modification, même utile, dans tout autre intérêt que celui de l’art, lorsque ces travaux et modifications seraient nécessaires de nature à altérer la disposition primitive ou le caractère monumental d’un édifice. »

Les circulaires ministérielles ont eu peu d’effets sur le terrain quant à la prise en compte de l’édifice existant dans le plan général d’alignement. Les nombreux cas cités dans les Annales archéologiques, dans le bulletin du Comité et celui des sociétés savantes en sont révélateurs, mais cela touche aussi le domaine des travaux de restauration et/ou d’agrandissement.

C/ Outil de planification urbaine et redéfinition de la ville

Michèle Lambert-Bresson précise que « l’obligation de dresser un tel plan consacre la volonté d’établir une nouvelle politique d’aménagement de la ville. Les interventions sont envisagées par rapport à la totalité de la ville [24]. » Les réflexions menées depuis la fin de l’Ancien Régime, les principes hygiénistes [25] et saint-simoniens [26] apparus au XIXe siècle, ont amené à repenser la ville dans ses différentes composantes : centre, abords, réseaux, édifices présents et futurs, voirie… On assiste au cours du XIXe siècle à la réalisation de ce que Pierre Patte [27] a écrit à la fin du XVIIIe siècle concernant les moyens d’agir globalement sur l’ensemble de l’espace urbain (alignement, percement, création et aménagement de places, réseaux d’adduction, etc.). Cela inclut également la destruction d’îlots de maisons dans les quartiers trop denses et sur les ponts. L’objectif recherché est triple : aérer, assainir et faciliter les flux de circulation.

A Paris, sous la préfecture de Rambuteau (1833-1848), ce sont plus de 500 ordonnances royales [28] qui prescrivent l’élargissement des rues des quartiers centraux, en plus des percées dans d’autres quartiers. En matière d’approvisionnement en eau, treize fontaines monumentales et six grands réservoirs sont installés, en plus de la création de réseaux d’adduction d’eau et d’égouts. Également, le nombre de bornes-fontaines est multiplié par 12,5. D’autres travaux sont entrepris comme l’éclairage de rues avec les becs de gaz, la création de trottoirs et des caniveaux pour une meilleure évacuation des eaux, le pavage des routes (recouvertes de bitume à partir de 1840) et l’aménagement d’espaces verts [29]. Comme l’a écrit le préfet de la Seine Rambuteau dans ses Mémoires au sujet de son action envers les Parisiens, c’est « donner de l’eau, de l’air et de l’ombre ». C’est ce qui est mis en application dans cette première moitié du XIXe siècle.

Pour Michèle Lambert-Bresson, le niveau d’intervention « varie en fonction des aménagements nécessaires aux différentes villes et de la date d’homologation du plan. « L’approbation des plans d’alignement n’a pas figé l’évolution des villes [30]. » Avec la généralisation du plan d’alignement, l’objectif recherché est le remodelage du tissu urbain en fonction de la localisation des édifices civils, anciens comme nouveaux. Dans la plupart des cas, le bâtiment existant reçoit un nouvel usage : l’abbaye de Fontevrault devient ainsi une maison de détention et le cloître des Jacobins à Toulouse une caserne. Le changement d’affectation d’un édifice et son appropriation par une administration (ministère de la Guerre, ministère de la Justice) ne sont pas totalement remis en cause par les défenseurs des monuments historiques ; en revanche la mutilation des édifices a été fortement critiquée dans bon nombre de cas (les Jacobins à Toulouse, le palais des Papes à Avignon, la Sainte-Chapelle à Paris). Les nouveaux édifices civils sont intégrés dans le tissu urbain ancien, parfois à l’emplacement même d’un monument historique (hôtel-de-ville à Avignon). Comme nous avons pu le voir en esquisse, l’embellissement des villes à travers la planification n’est pas sans conséquence sur les antiquités nationales.

II. L’impact de l’embellissement sur les monuments anciens.

L’extrait suivant est tiré du compte-rendu de la session de 1839 du Comité historique des arts et monuments (CHAM). Les causes de démolition des édifices anciens sont entre autre l’alignement (de voie ou façade) et l’usage qu’en fait le propriétaire :

« Puisqu’ils [les monuments] sont bien conservés et suffisans, qu’on ait soin de les garder et de les entretenir comme on entretient une statue et un tableau dans un musée. C’est à ce sujet que le comité s’est élevé contre des projets de destruction qui s’attaquaient à des monumens historiques célèbres, robustes, bien bâtis, bien conservés, d’une belle architecture et qu’on voulait abattre, parce que celui-ci gênait l’alignement, d’une route ou d’une rue, parce que celui-là entravait une nouvelle bâtisse, parce que cet autre appartenait à un propriétaire qui voulait raccommoder à son usage [31]. »

A/ Favoriser la circulation : le faiseur d’alignement et la modernité en marche

Depuis les journées révolutionnaires de 1830, les émeutes parisiennes sont favorisées par l’enchevêtrement de rues étroites dans les quartiers centraux, ce qui rend toute action militaire impossible. A la suite des événements de 1839 (émeute menée par Bernard, Blanqui et Barbès), le constat dressé est le même que dix ans auparavant : « le Centre de Paris est dans un si triste état de communications, qu’on peut en faire un véritable camp retranché tout l’avantage des forces populaires et que la raison d’État commande de ne pas laisser subsister un pareil champ de bataille [32]. » Le Préfet de la Seine doit poursuivre son action en matière de voierie (avec les alignements et les percées) pour remodeler les quartiers, tout en veillant au bon équilibre des finances tant recherché par les édiles [33]. Ainsi, le « faiseur d’alignement » poursuit son travail, et les monuments civils tout comme religieux sont détruits en partie ou en totalité. Cette manie de l’alignement parisien a soulevé des protestations, parmi lesquelles Victor Hugo qui flétrit les embellissements et les constructions modernes dans Notre-Dame de Paris (1831) et dans sa Guerre aux démolisseurs (1832).

« Le Paris actuel n’a donc aucune physionomie générale. C’est une collection d’échantillons de plusieurs siècles, et les plus beaux ont disparu. La capitale ne s’accroît qu’en maisons, et quelles maisons ! Du train dont va Paris, il se renouvellera tous les cinquante ans. Aussi la signification historique de son architecture s’efface-t-elle tous les jours. Les monuments y deviennent de plus en plus rares, et il semble qu’on les voie s’engloutir peu à peu, noyés dans les maisons. Nos pères avaient un Paris de pierre ; nos fils auront un Paris de plâtre. Quant aux monuments modernes du Paris neuf, nous nous dispenserons volontiers d’en parler. […] Ce sont là sans aucun doute de très superbes monuments [34]. »

En effet, vers le Jardin des Plantes, un vestige de l’abbaye Saint-Victor, la tourelle, disparaît dans l’alignement et l’aménagement d’un carrefour. Cet édifice est détruit alors qu’il était, pour certains, tout à fait possible de le conserver, avec sa fontaine incrustée au XIXe siècle [35]. Ainsi, « si les nécessités de l’alignement, si les exigences de l’industrie commandent impérieusement qu’un monument de l’art de nos pères soit détruit, que ce monument, au moins, soit gardé en partie par ses plus précieux débris et en entier par le dessin [36]. »

À défaut de considérations esthétiques, une « bonne » administration devrait se montrer plus respectueuse de ses richesses monumentales. En 1846, le ministre des Travaux publics enjoint les services de la voirie « de ne pas s’attacher à établir un parallèle rigoureux, de prendre l’alignement du coté où le dommage doit être moindre pour les propriétaires riverains, de conserver toute les façades qui différaient peu de l’alignement. » Didron, à travers, les Annales archéologiques fait observer qu’il est fâcheux que cela ne soit pas appliqué aux antiquités nationales. « La fortune nationale est aussi précieuse que la fortune particulière. Monsieur le ministre des Travaux publics aurait dû recommander de régler les alignements en prenant les édifices comme point de départ, au lieu, comme il est toujours arrivé jusqu’à présent, de les compter pour rien, de les renverser, de les couper, de leur passer sur le corps [37]. » Pourtant, la circulaire du ministre de l’Intérieur du 19 février 1841 recommande « de subordonner les projets d’alignement aux monuments existant dans les communes », mais cela resta purement théorique. Lorsque l’édifice ne disparaît pas, il est mutilé pour respecter l’alignement, c’est-à-dire allongé ou rétréci. D’après la séance du 8 juin 1842, le Comité est satisfait d’avoir obtenu la rectification d’un alignement qui aurait amputé l’hôtel de Cluny :

« il faut remercier M. le Préfet d’avoir proposé une mesure à laquelle la commission elle-même ne songeait pas. M. le Préfet a donné l’assurance que l’hôtel de Cluny, le second des hôtels gothiques qui restent aujourd’hui à Paris, serait conservé. […] Le plan d’alignement qui entamait l’hôtel sera rectifié ; le monument restera intact, et l’on y placera sans doute des écoles dont le quartier a besoin [38]. »

L’hôtel de Cluny, acquis par Du Sommerard, est transformé en musée du moyen-âge [39].

Si ce n’est pas au nom de l’alignement, c’est le percement de nouvelles voies qui s’est révélé fatal à un certain nombre de monuments. Stendhal, dans les Mémoires d’un touriste (1838), écrit à propos de l’église de la Charité-sur-Loire que « les propriétaires du pays parlent de faire un grand trou entre cette tour et l’église ; au fond de cet escarpement on placerait une route : voilà le projet qu’on oppose à celui de l’ingénieur en chef. Sans doute, m’a dit mon cicérone, l’ingénieur en chef a été acheté par les propriétaires voisins de la Loire [40]. » A Paris, ce sont les grandes percées ouvertes sur l’île de la Cité qui entraînent la disparition d’anciennes églises.

« Nous approuvons de tout notre cœur les nouvelles rues de la Cité, mais sans admettre la nécessité absolue de détruire ce qui restait des anciennes églises de Saint-Landry et de Saint-Pierre-aux-Bœufs […] ; et si le prolongement de la rue Racine eût porté un peu plus à droite ou à gauche, de manière à ne pas produire une ligne absolument droite de l’Odéon à la rue de La Harpe, il nous semble qu’on eût trouvé une compensation suffisante dans la conservation de la précieuse église de Saint-Côme [41]. »

Le boulevard du Palais entraîne la disparition de Saint-Barthélemy et des Barnabites, la rue de la Cité celles de Saint-Madeleine, de Sainte-Croix et de Saint-Germain-le-Vieil. « Le palais de l’abbaye de Saint-Germain des Prés est toujours en projet de démolition pour continuer la rue Furstemberg, où personne ne passera jamais, et la faire tomber dans la rue Sainte-Marguerite dont personne ne veut. La rue du Four et la rue du Colombier suffisent parfaitement à la circulation [42]. » Suite au percement de la rue d’Arcole en 1837, le portail de Saint-Pierre-aux-Bœufs (l’église est démolie) est démonté puis transféré sur celui de l’église Saint-Séverin, sur ordre du préfet de la Seine.

Le dégagement et l’agrandissement de l’hôtel-de-ville entraînent la démolition de Saint-Jean-en-Grève et la tour Pet-du-Diable. Sur la rive gauche, la plupart des églises et des couvents situés le long des rues de la Harpe et Saint-Jacques (Saint-Yves, Saint-Jean-de-Latran, Saint-Benoît, Saint-Etienne-des-Grès, Sainte-Geneviève et les Jacobins) sont livrés aux démolisseurs, alors que certains auraient pu recevoir une nouvelle affectation. « À l’entrée de la place de la Sorbonne, un bâtiment du XIIIe siècle, […] pouvait ouvrir ses salles […] pour une école ou pour tout autre établissement d’utilité publique. Saint-Benoît se prêtait parfaitement à devenir une succursale du musée de Cluny [43]. » Les églises Saint-André-des-Arts et des Carmes sont rasées pour créer des places (Saint-André-des-Arts et Maubert). Par comparaison des plans, il était possible d’épargner les monuments en incurvant des voies.

En souvenir de l’église Saint-Côme détruite lors du percement de la rue Racine, une plaque de marbre est apposée dans les murs des bâtiments de l’école de Médecine. Lors de la session de 1838 du Comité, Léon de Laborde propose que soit scellée

« sur tous les monuments de France, au lieu le plus apparent, une inscription en métal qui dirait l’âge du monument, sa valeur esthétique, son intérêt historique ; qui relaterait tous les faits intéressants accomplis autour ou au-dedans de l’édifice. On aurait ainsi un immense musée monumental classé, annoté, utile aux voyageurs et aux antiquaires. Une pareille mesure appellerait l’attention et la piété des populations sur leurs édifices [44]. »

Par l’entremise de Salvandy, le ministre de l’Intérieur «  a promis de tenter un essai et de faire encastrer plusieurs de ces plaques de métal dans quelques uns de nos plus curieux édifices [45]. » En plus de la pose d’une plaque commémorative, le Comité sollicite que les débris soit entreposés dans un local, qui deviendrait à terme un musée de l’art national, et que la trace des édifices disparus soit conservée par des dessins, des relevés précis (plan, coupe, élévation, détails). Ce fut le cas pour l’hôtel de la Trémouille à Paris dessiné par Viollet-le-Duc. Les vestiges ont été déposés dans la cour de l’école des Beaux-arts. Dans l’article « vandalisme et mouvement archéologique » paru dans les Annales archéologiques, Didron prend pour exemple une maison gothique [46] à Reims qui « doit être détruite pour obéir à un alignement qu’on peut appeler déraisonnable [47] ». Le ministre dans sa circulaire recommande la conservation des façades même si elles dévient quelque peu de l’alignement, or « la façade de la maison des Musiciens est précisément dans ce cas. Nous supplions donc M. le préfet de la Marne d’enjoindre à qui de droit, s’il en est encore temps, qu’on ait à conserver cette façade, unique en France [48]. » L’article qui suit évoque la vente de cette maison.

« C’est un épicier qui l’a acquise et qui en projette la démolition, pour bâtir sur l’alignement nouveau. […] Adieu donc, l’hôtel des musiciens du moyen âge […]. Nous espérons donc que le gouvernement, procédant par voie d’expropriation forcée, comme il en a le droit, ou par les règles ordinaires des acquisitions, rachètera ou fera racheter par la ville de Reims cette maison qui peut servir à un musée, à une école, à n’importe quoi [49]. »

La loi d’expropriation pour cause d’utilité publique a été relativement peu appliquée en ce qui concerne les monuments, notamment pour des questions de coûts.

B/ Isolement des édifices

Quatremère de Quincy déclare qu’« il faut dégager, désobstruer les grands monuments qui veulent de grands accompagnements [50]. » Pour lui, le dégagement à Paris, du palais de Justice, des Thermes et de la cathédrale Notre-Dame sont des opérations indispensables et urgentes. Le concept d’isolement d’un édifice, notamment religieux, est contraire à celui qui prévaut au Moyen Âge : autour de lui, se greffaient des constructions parasites. En effet, les cathédrales s’élevaient parmi les maisons, les sacristies et les cloîtres. En matière d’abords des monuments, la pratique de l’isolement des édifices se diffuse sous la monarchie de Juillet après quelques prémisses sous la Restauration. Les pouvoirs publics la considèrent comme une opération essentielle à la mise en valeur et à la conservation même des monuments anciens. La CMH est elle-même favorable à ce dégagement, en plus du CBC qui le met en application. La circulaire du 19 février 1841 appelle l’attention des préfets sur la nécessité de « débarrasser les édifices remarquables des constructions modernes qui en obstruent les abords. » J.-P. Schmit consacre un chapitre à l’isolement des édifices dans Les églises gothiques, procédé pour lequel il est contre :

« Ces dévastations [faits liés au vandalisme destructeur] sont, au reste, un des fruits du faux système qui consiste à isoler les édifices au milieu de vastes places. Les églises du moyen âge ne sont point faites pour êtres vues aussi à découvert : elles ne sont convenablement placées qu’au milieu du silence et de la retraite ; elles aiment à se voir entourées de demeures modestes et paisibles, qui semblent venir se presser à leur pied i C’est seulement alors qu’elles conservent leur caractère pieux, mystérieux et solennel […]. Mais on les cherche vainement, lorsque le bruit des voitures qui circulent tout autour au dehors, les cris des marchands ambulans ou des enfans que leurs parens laissent vagabonder sur la voie publique, viennent couvrir la voix du célébrant ; lorsque les chants des hommes ivres se mêlent à ceux du chœur […] [51]. »

Schmit poursuit en évoquant le projet de l’isolement de la cathédrale Notre-Dame à Paris suite à la démolition partielle de l’Hôtel-Dieu. Il la compare d’abord à un éléphant, puis à un dromadaire accroupi si la portion restante de l’Hôtel-Dieu est démolie :

« Nous ne craignons pas de dire que la cathédrale de Paris a perdu beaucoup de sa majesté depuis qu’on l’a dégagée des maisons qui l’entouraient. Tout le monde se rappelle encore l’aspect de sévérité qu’offrait il y a quelques années seulement la ruelle étroite et anguleuse qui conduisant du parvis au pont aux Doubles : l’effet était sans doute mieux en harmonie avec le vieux style du monument que celui de ce grand vide, qui frappe soudainement depuis que la portion avoisinante de l’Hôtel-Dieu et les murs de l’archevêché sont détruits. Il est facile de juger par ce seul rapprochement, de l’ancienne physionomie de l’édifice, entouré de son cloître silencieux […]. Notre belle basilique, vue de l’autre bord de la rivière, représente aujourd’hui un gros éléphant au milieu du désert. Si l’on poursuit le projet d’abattre toute la portion de l’Hôtel-Dieu qui reste dans la Cité, l’éléphant ne sera plus qu’un dromadaire accroupi. [52] »

Du fait de l’isolement de l’édifice religieux, celui-ci perd son caractère, sa spécificité. Il devient un simple édifice à voir, à visiter… comme tout autre édifice pittoresque, remarquable.

« C’est en s’efforçant de placer matériellement les églises dans les mêmes conditions que les édifices destinés aux usages profanes, en les faisant participer aux progrès de l’agréable et du confortable, qu’on a fini par réduire les pratiques religieuses au niveau des simples affaires de goût, de mode et de commodité. […]Dès que l’église n’a plus été qu’un bâtiment accidentellement jeté sur la voie publique comme une salle de spectacle, comme un bazar, comme un café, on s’est dit naturellement : J’y entrerai en passant, comme on se dit : J’entrerai en passant au Musée [53]. »

Les cathédrales Saint-André à Bordeaux ou Sainte-Cécile à Albi font l’objet d’un dégagement par la création de places. En 1846, Mérimée souligne l’absurdité de la démolition de l’Hôtel-Dieu à Orléans [54], au profit de l’isolement de la cathédrale :

« Mais qui pourrait croire que, dans une grande ville, à trois heures de la capitale, on ait pu oublier toute idée de sainte économie et de bonne administration au point de persister pendant trois ans à renverser un édifice vaste, solide, susceptible de recevoir mainte destination utile ? C’est cependant le spectacle que vient de donner le conseil municipal d’Orléans. Le prétexte de cette destruction, c’est le besoin de faire une place autour de la cathédrale. En vain la commission a-t-elle représenté qu’il était possible, sans rien abattre, de faire cette place, de la faire régulière, de lui donner des dimensions convenables et une disposition monumentale. […] Toutes les représentations ont été inutiles devant un corps municipal qui croit apparemment agrandir sa ville en la dotant d’une espèce de plaine pavée, sur laquelle, par un rare oubli des convenances, on met en regard la salle de spectacle et la cathédrale. […] Ce que le mauvais goût du XVIIIe siècle n’avait pu faire, l’ignorance et l’étourderie du XIXe siècle l’auront accompli [55]. »

Mérimée évoque ensuite la même menace qui pèse sur l’église de Beaugency :

« Si le goût des arts fait des adeptes, le vandalisme a les siens. L’exemple funeste donné par le conseil municipal d’Orléans allait être imité par celui de Beaugency. Là, comme à Orléans, c’était le désir de faire une grande place irrégulière qui portait à demander la destruction d’une église très-ancienne, un de ces rares monuments antérieurs au XIe siècle, comme on en voit si peu dans la France centrale [56]. »

L’église de Beaugency est acquise par l’État en 1847 pour la somme de 4 500 francs.
Outre le dégagement d’un édifice par la création d’une place, ce procédé est également utiliser à titre préventif et de préservation. Le contact d’un immeuble présente des risques d’incendie, fait obstacle à l’écoulement des eaux, et compromet la conservation des maçonneries. La loi d’expropriation de 1841 permet de désencombrer les édifices soit en les isolant, soit d’acquérir les constructions parasites et les détruire ou encore d’acquérir l’édifice en entier pour assurer sa sauvegarde. Un certain nombre de monuments se trouvaient soit « enfouis », soit envahis par des constructions parasites. Avant toute restauration, il fallait déblayer comme cela a été le cas pour les remparts d’Avignon et de Carcassonne. Chaque campagne de restauration nécessitait des expropriations préalables, donc un coût conséquent. La loi d’expropriation de 1841 a été peu utilisée en raison des coûts onéreux engendrés par les indemnités et au vu du budget de la CMH et de l’État. Il est aussi que les propriétaires concernés par l’expropriation spéculaient : les autorités étant (très) intéressées par l’édifice entier ou une portion, le particulier augmentait le prix pour en tirer le meilleur bénéfice. Plus d’une douzaine d’édifices ou fragments d’édifices (Cunault, Beaugency, Cadouïn, Moissac, Tours, le château Saint-Blaise, Neuwiller,…) sont acquis sous la monarchie de Juillet.

C/ Des remparts aux boulevards ou des remparts pour le pittoresque ?

Au début du XIXe siècle, se pose la question du devenir des remparts, désormais inutiles à la défense de la ville et de ses habitants, mis à part pour certaines communes demeurées des places fortes. Une des transformations les plus répandues a été la suppression partielle ou totale des murs d’enceinte, qui avait bien souvent débuté au XVIIIe siècle. Des boulevards ou de larges allées plantées sont le témoignage de cet ancien tracé, bien souvent lisible sur les plans cadastraux. Quelques villes ont conservé leurs remparts comme Guérande ou Aigues-Mortes. Dans le guide sur les environs de Paris, Dulaure et Belin écrivent en 1838 à propos de Sens que « [la ville] est encore entourée de vieilles murailles conservées, réparées et quelquefois défigurées dans les siècles féodaux ; néanmoins, il n’est point de ville en France qui offre d’aussi beaux restes de murs antiques [57]. » Les fortifications médiévales forment alors un pittoresque décor aux promenades publiques. Dans d’autres villes, la population usurpe lentement les enceintes. Les municipalités n’ont pas qualité pour protester ce droit de propriété. Dans une majorité de cas, c’est elle qui procède à la démolition de l’enceinte, soit pour des exigences de circulation, soit pour satisfaire des intérêts locaux. A Moret, il est question de démolir la porte-forteresse alors que le ministère de l’Intérieur a alloué une somme de 600 francs pour sa restauration. « Cette porte était sous le poids d’une double condamnation. En effet, le conseil municipal de Moret ayant voté la reconstruction du pont, ce projet entraînait de soi la destruction de la porte qui lui sert de tête. Si la porte échappait au conseil municipal, elle tombait alors entre les mains de l’administration des ponts.et chaussées, parce qu’elle contrariait l’alignement de la route qui passe par là [58]. » Le Comité compare ensuite cette situation à celle de la porte Saint-Denis à Paris et de l’arc d’Orange qui, hors alignement, s’élèvent au milieu des boulevards « où ils sont examinés, respectés, admirés ; ce n’était donc pas une raison pour renverser une porte gothique à peu près dans le même cas. Il semble que les édifices ne devraient pas reculer devant les routes, mais que les routes pourraient bien se déranger pour laisser passer les édifices [59]. » En espérant cette conservation, le Comité estime que cela « serait d’un bon exemple pour toutes les communes de France qui sacrifient inutilement des portes anciennes et de vieilles fortifications ; afin d’aplanir un chemin, de planter une promenade, de bâtir une maison ; mais qui ne voient pas que ces portes et fortifications donnent aux villes et villages une physionomie qui attire les voyageurs et les artistes, ce qui est d’un revenu certain et quelquefois considérable pour une commune [60]. » Didron, dans les Annales archéologiques, publie le courrier de M. Foisset, juge au tribunal de Beaune, évoquant la ville de Beaune qui « a conservé sa ceinture de murailles qui fait toute la physionomie de la ville [61]. » Par chance,

« le conseil municipal est dans l’heureuse impuissance de les détruire, parce que les anciens fossés creusés au pied des murs sont devenus des propriétés privées, et que la démolition des murailles laisserait le terre-plein des remparts ensabler les jardins et enterrer les maisonnettes établies dans ces anciens fossés. Néanmoins, rien ne serait plus populaire à Beaune que la destruction des murailles et des remparts, bien que ces remparts soient aujourd’hui de fort agréables promenades [62]. »

En certaines circonstances, la CMH a réussi à vaincre les résistances des municipalités. La conservation des remparts d’Avignon provoqua des conflits aigus [63]. En 1846, le tracé du chemin de fer de Lyon est prévu le long du Rhône, à l’emplacement même des remparts. Mérimée plaida énergiquement la cause de ces remparts dans son rapport de 1846 remis au ministre l’Intérieur.

« Dans un moment où les spéculations industrielles préoccupent les esprits à un si haut degré, on ose à peine plaider la cause des arts en présence de ce qu’on nomme aujourd’hui les intérêts matériels. […] La Commission, Monsieur le Ministre, n’hésitera jamais à s’élever de toutes ses forces contre les projets qui sacrifieraient à de prétendues nécessités publiques des monuments anciens et vénérés. Un des tracés proposés pour le chemin de fer de Lyon à Marseille supprime la moitié des remparts d’Avignon. Ces vieilles murailles, couronnées de créneau et de mâchicoulis qui rendent si pittoresque l’aspect de la ville, seraient remplacées par une chaussée. La Commission regarderait comme un malheur public la destruction de cette belle enceinte, si complète et si bien conservée jusqu’à ce jour. Malgré la faveur que le projet auquel nous faisons allusion a trouvée auprès de quelques personnes, un grand nombre de réclamations se sont élevées dans Avignon même [64]. »

La protestation de Mérimée serait demeurée vaine sans l’intervention du ministre de la Guerre en faveur des fortifications qui, déclarait-il, ont conservé des propriétés défensives importantes, reconnues par tous les militaires expérimentés. « Les Avignonnais ont à leurs portes un exemple des inconvénients de cette fatale manie de nos jours, qui sacrifie le passé au présent [65] », c’est la ville de Carpentras dont Mérimée dresse ce constat : « Carpentras, qui, grâce à ses remparts, passait autrefois pour une des plus jolies villes de l’ancien comtat Venaissin, les a démolis depuis peu, malgré nos vives réclamations. Il n’est point aujourd’hui de bourg d’un aspect plus vulgaire ni plus insignifiant [66]. » Elle les fait démolir alors même qu’ils lui donnaient cet aspect pittoresque, si recherché par les voyageurs et qui la distinguaient tant des autres communes.

« On vient d’entamer et d’abattre une partie des murailles crénelées de Carpentras. Cette ville, qui n’avait au dessus d’elle que les fortifications d’Aigues-Mortes, et qui pouvait rivaliser avec Carcassonne, peut-être même avec Avignon, est ravalée aujourd’hui au rang de petite ville de fort plate et de bourg insignifiant. Les conseils municipaux devraient bien savoir qu’il leur est imposé de soutenir l’honneur des localités qu’ils administrent, et que c’est déshonorer une ville que d’en supprimer les titres de gloire [67]. »

Mérimée souligne dans son rapport de 1846, d’une part le rôle de la CMH, et d’autre part le caractère rare et si recherché de cet élément architectural constitutif de la fierté urbaine : « habitués à nous renfermer dans des questions d’art et d’érudition, il [la CMH] ne nous appartient pas de discuter ici les avantages que présente un autre tracé ; notre devoir doit se borner à rappeler combien sont rares aujourd’hui les enceintes du moyen âge, et quel caractère elles donnent aux villes qui les possèdent [68]. »

Ainsi, le concept du « beau percé » et l’embellissement des espaces urbains prennent une nouvelle tournure sous la monarchie de Juillet. Les mesures prises visent avant tout à fluidifier le trafic piétonnier et de marchandises qui se sont accrus avec la révolution industrielle et des transports, à assainir, à créer des équipements publics et gérer de nouveaux réseaux (égouts, eaux) pour des raisons de salubrité publique. Dans ces travaux d’embellissement associés à la labellisation du plan général d’alignement, les édifices anciens dans un certain nombre de cas sont voués à disparaître, du fait du propriétaire ou de la commune. Comme le signale Schmit, faisant état d’un nouveau type de vandalisme, tout aussi destructeur : « Sans doute nous avons traversé, sur la fin de ce demi-siècle, une période de destruction qui heureusement ne se reproduit pas fréquemment dans nos annales ; cependant il faut reconnaître, pour être juste, que même à cette époque, de funeste mémoire, la manie des embellissemens a renversé plus de monumens religieux que l’athéisme révolutionnaire [69]. » Si la démolition peut dans certains cas être légitimés, il s’avère que l’édifice aurait pu être conservé bien qu’exclus de l’alignement, ou en recevant une nouvelle destination. Des hôtels particuliers auraient pu devenir des mairies ou des annexes, des écoles,… Ainsi, l’aspect pittoresque et ce qui fait sa fierté sont conservés, et cela représente un moindre coût que la construction d’un nouvel édifice public. Comme le signale Didron en 1844, « nous savons qu’on ne peut pas tout conserver, mais nous savons aussi que l’on pourrait fort bien ne pas tant démolir [70]. » La suppression de tout élément pittoresque dans les villes, le goût du nivellement et de l’uniformité inquiétaient les quatre acteurs (le Comité, la CMH, les sociétés savantes et l’IGMH). Les monuments anciens sont démolis, alors qu’ils constituent un attrait pour le voyageur, français ou étranger. En ligne de fond, certains défenseurs des monuments historiques soulèvent leur valeur économique. Victor Hugo en 1832, dans la deuxième version de sa Guerre aux démolisseurs, répond aux détracteurs par l’argument financier des monuments : ils sont générateurs de bénéfices pour les communes.

« Dans le nombre, on rencontre certaines gens auxquels répugne ce qu’il y a d’un peu banal dans le magnifique pathos de juillet, et qui applaudissent aux démolisseurs par d’autres raisons, des raisons doctes et importantes, des raisons d’économiste et de banquier. – A quoi servent ces monuments ? disent-ils. Cela coûte des frais d’entretien, et voilà tout. Jetez-les à terre, et vendez les matériaux. C’est toujours cela de gagné. – Sous le pur rapport économique, le raisonnement est mauvais. Nous l’avons déjà établi plus haut, ces monuments sont des capitaux. Beaucoup d’entre eux, dont la renommée attire les étrangers riches en France, rapportent au pays bien au-delà de l’intérêt de l’argent qu’ils ont coûté. Les détruire, c’est priver le pays d’un revenu [71]. »

Les défenseurs du patrimoine ne sont pas contre la modernité. Les travaux de salubrité publique sont nécessaires et ils le reconnaissent. Ils préconisent une conciliation entre le respect du monument (doté d’une valeur esthétique, historique, mémorielle et économique) avec les exigences de la modernité. Le Comité le signale en 1839 dans son rapport annuel tout en demandant le vote d’une loi (à la suite d’Hugo, de Vitet ou Mérimée), « non seulement l’intérêt historique, mais l’utilité publique réclament une pareille loi, car les monumens rapportent aux communes qui les possèdent tout ce que les voyageurs dépensent pour venir les visiter. Quiconque est possesseur d’un monument historique ne devrait pouvoir l’abattre ou le modifier qu’après en avoir demandé l’autorisation au gouvernement [72]. » Nodier, le baron Taylor, Ludovic Vitet, Montalembert, Hugo, Didron,… chacun dresse un constat alarmant : si aucune action n’est entreprise pour lutter contre toutes les formes de vandalisme, il ne restera plus aucun monument de l’ancienne France aux générations à venir.

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Schéma 1 : Processus de validation du plan général d’alignement (sauf pour Paris) © Blais Nathalie, CRH XIXe siècle, 2013

Bibliographie

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  • Pierre PINON, « Le Conseil des Bâtiments civils a-t-il eu une politique urbaine ? », Michèle LAMBERT-BRESSON et Annie TERADE (dir), Villes françaises au XIXe siècle : Aménagement, extension et embellissement, Paris, Editions Recherches/IPRAUS, Les Cahiers de l’IPRAUS, 2002, p.29-45
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  • Marie-Anne SIRE, La France du patrimoine. Les choix de la mémoire, Paris, Gallimard, 1996.

Sources imprimées

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  • Ferdinand de GUILHERMY, « Trente ans d’archéologie », Annales archéologiques, 1861.
  • GRILLON, G. GALLOU, Th. JACOUBET, Etudes d’un nouveau système d’alignements et de percements de voies publiques faites en 1840 et 1841, présentées au Conseil des Bâtiments civils, le 8 août 1848, Paris, 1848.
  • Prosper MERIMEE, Monuments historiques Rapport au ministre de l’Intérieur, Paris, 1846.
  • Charles de MONTALEMBERT, « De l’attitude actuelle du vandalisme en France (1838) », Œuvres de M. le Comte de Montalembert. Mélanges d’art et de littérature, tome 6, Paris, 1861, p.219-220
  • J.-P. SCHMIT, Les églises gothiques, Paris, 1837.
  • STENDHAL, Mémoires d’un touriste, Paris, 1838.

Notes

[1] Cité dans Marie-Anne Sire, La France du patrimoine. Les choix de la mémoire, Paris, Gallimard, 1996, p.16

[2] En 1789, suite à une campagne de presse et aux protestations des Parisiens, la fontaine, œuvre de Jean Goujon, est épargnée et déplacée quelques mètres plus loin.

[3] Ces trois entités sont l’inspecteur général des monuments historiques en 1830, le comité historique des arts et monuments en 1834 toutes deux créées par Guizot) et la commission des monuments historiques en 1837 créée par Montalivet. Ces entités existent encore aujourd’hui. Le comité est l’ancêtre du Comité des Travaux historiques et scientifiques-CTHS

[4] Voir Jean-Pierre Chaline, Sociabilité et érudition. Les sociétés savantes en France xixe siècle – xxe siècle, Paris, CTHS ; Odile Parsis-Barube, La province antiquaire. XXXXXX, Paris, CTHS

[5] Jusqu’à présent, ce sujet a été traité en abordant essentiellement l’édifice dans son contexte urbain (la cathédrale Saint-André à Bordeaux, l’Hôtel-Dieu à Orléans, le baptistère Saint-Jean à Poitiers par exemple). Paul Léon a consacré un chapitre à la question de l’entourage des monuments au xixe siècle et surtout au xxe siècle, dans la Vie des monuments français. Louis Réau dans son Histoire du vandalisme n’évoque que très peu le sujet. Egalement, les chercheurs de l’UMR AUSSER (laboratoire de l’ENSA Paris-Belleville), Pierre Pinon, François Loyer, Sylvain Schoonbaert… ont publié des travaux portant sur l’embellissement des villes dans la première moitié du xixe siècle. Contrairement aux deux périodes napoléoniennes, la période 1815-1848 reste moins étudiée en histoire urbaine.

[6] Depuis le début de notre travail de recherche, nous réalisons une base de données entre autre sur le vandalisme, essentiellement à partir des sources imprimées et iconographiques. Sont saisies différentes données (monument, localité, personne, structure…) qui permettront de répartir les monuments par type de vandalisme, les zones géographiques les plus touchées, etc.

[7] L.-J.-M. Daubanton, Code de la voirie des villes (y compris de la ville de Paris), bourgs et villages, Paris, 1836, p.24

[8] Jean-François Chalgrin (1739-1811), architecte français.

[9] Voir Jean-Louis Harouel, L’embellissement des villes : l’urbanisme français au xviiie siècle, Paris, Picard, 1993.

[10] L.-J.-M. Daubanton, op.cit., p.332

[11] Id, p.24-25

[12] L.-J.-M. Daubanton, op.cit., p.26

[13] Pierre Pinon, « Le Conseil des Bâtiments civils a-t-il eu une politique urbaine ? », Michèle Lambert-Bresson et Annie Térade (dir), Villes françaises au xixe siècle : Aménagement, extension et embellissement, Paris, Éditions Recherches/IPRAUS, Les Cahiers de l’IPRAUS, 2002, p.30

[14] Pierre Pinon, art. cit., p.38

[15] Les circulaires sont datées du 18 août 1808, 29 octobre 1812, 16 novembre 1812, 17 juillet 1813, 17 août 1813, 23 février 1815, 2 octobre 1815, 7 avril 1818.

[16] Michèle Lambert-Bresson, « La réalisation et l’application des plans d’alignement au xixe siècle : Avignon et Nîmes », Michèle Lambert-Bresson et Annie Térade (dir), Villes françaises au xixe siècle : Aménagement, extension et embellissement, Paris, Éditions Recherches/IPRAUS, Les Cahiers de l’IPRAUS, 2002, p.47-62

[17] François Laisney, « Les plans d’alignement des villes (1807-1819) : une loi mal appliquée. », p.27, in Michèle Lambert-Bresson et Annie Térade (dir), Villes françaises au xixe siècle : Aménagement, extension et embellissement, Paris, Éditions Recherches/IPRAUS, Les Cahiers de l’IPRAUS, 2002, p.15-27 .

[18] Code civil, Loi 1804-01-27 promulguée le 6 février 1804, livre II, titre II, art. 545

[19] Article 9 de la Charte constitutionnelle du 14 août 1830 : « L’État peut exiger le sacrifice d’une propriété pour cause d’intérêt public légalement constaté, mais avec une indemnité préalable ».

[20] L.-J.-M. Daubanton, op.cit., p.205

[21] Id.

[22] Ce sont la loi du 8 mars 1810 et la loi du 7 juillet 1833.

[23] Jean-Luc Albert, L’article 545 du Code civil, Lyon, HAL-SHS INRIA, 2008, p.8 – halshs-00312130, version 1 – 25 Aug 2008

[24] Michèle Lambert-Bresson, art. cit., p.48

[25] Voir les travaux de Parent-Duchâtelet, de Villermé, de Lachaise ou de Considérant et les traités ou mémoires sur l’hygiène publique publiés dans la première moitié du xixe siècle, auxquels s’ajoutent les travaux des comités de salubrité publique créés dans les grandes villes françaises.

[26] Voir les travaux de l’Anglais Robert Owen, de Charles Fourier, de Saint-Simon, d’Enfantin… au xixe siècle.

[27] Pierre Patte, Mémoire sur les objets les plus importants de l’architecture, Paris, Rozet, 1769.

[28] Voir Félix Lazare, Louis Lazare, Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, Paris, 1844.

[29] Plantation de 20 000 arbres et création du premier square à l’emplacement de l’archevêché, incendié lors de l’émeute du 14 février 1831.

[30] Michèle Lambert-Bresson, art. cit., p.49

[31] Comité historique des arts et monuments, Bulletin archéologique …, Paris, 1843, p.49

[32] Grillon, G. Gallou, Th. Jacoubet, Études d’un nouveau système d’alignements et de percements de voies publiques faites en 1840 et 1841, présentées au Conseil des Bâtiments civils, le 8 août 1848, Paris, 1848, p.17

[33] L’action de Rambuteau a été étudiée notamment par Philippe Vigier et Jean-Marc Leri.

[34] Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, tome 1, Bruxelles, 1831, p.292-295

[35] Dans le bulletin archéologique du Comité des arts et monuments pour sa session de 1839, un long rapport évoque la démolition de la tourelle de l’abbaye Saint-Victor et démontre la possibilité de sa conservation sans gêner la circulation.

[36] Comité historique des arts et monuments, Bulletin archéologique…, Paris, 1843, p.42

[37] Adolphe Didron, « Vandalisme et mouvement … », Annales archéologiques, Paris, 1845, p.53

[38] Jean Mallion, Victor Hugo et l’art architectural, Paris, Presses Universitaires de France, 1962, p.676

[39] A la mort d’Alexandre Du Sommerard, le site est acquis par l’État en 1843. Son fils, Edmond, prendra la suite de son père quant à la gestion du musée et des collections.

[40] Stendhal, Mémoires d’un touriste, Paris, 1838, p.20

[41] Charles de Montalembert, « De l’attitude actuelle du vandalisme … », p.219-220

[42] Adolphe Didron, Annales archéologiques, Paris, 1844, p.54

[43] Ferdinand de Guilhermy, « Trente ans d’archéologie », Annales archéologiques, Paris, 1861, p.255

[44] Comité historique des arts et monuments, Bulletin archéologique …, Paris, 1843, p.29

[45] Id.

[46] Il s’agit de la maison dite des Musiciens datant du xiiie siècle, sise rue du Tambour. Elle est détruite après la Première Guerre mondiale, les vestiges de la façade ont été entreposés dans une salle du musée Saint-Rémi. La façade a été dessinée par Viollet-le-Duc.

[47] Adolphe Didron, « Vandalisme et mouvement … », p.53

[48] Id., p.53

[49] Ibidem, p.54

[50] René Schneider, Quatremère de Quincy et son intervention dans les arts, Paris, 1910, p.23

[51] J.-P. Schmit, Les églises gothiques, Paris, 1837, p.160-161

[52] Ibidem, p.161-163

[53] Ibidem, p.163

[54] Voir Hubert Robert, La démolition de l’Hôtel-Dieu d’Orléans, un exemple du vandalisme municipal sous la monarchie de Juillet, in Histoire urbaine, Paris, Société française d’histoire urbaine, 2002/1, n°5

[55] Prosper Mérimée, Monuments historiques. Rapport au ministre de l’Intérieur, Paris, 1846, p.8-9

[56] Id.

[57] J.-A. Dulaure, J. L. Belin, Histoire physique, civile et morale des environs de Paris  : depuis…, vol. 2, p. 281-285

[58] Comité historique des arts et monuments, Bulletin archéologique…, Paris, 1843, p.49

[59] Ibidem, p.50

[60] Id.

[61] Adolphe Didron, « Actes de vandalisme », Annales archéologiques, Paris, 1844, p.53

[62] Ibidem, p.53

[63] Voir Michèle Lambert-Bresson, « La réalisation et l’application des plans d’alignement au xixe siècle : Avignon et Nîmes », in Michèle Lambert-Bresson et Annie Térade (dir), Villes françaises au xixe siècle : Aménagement, extension et embellissement, Paris, Editions Recherches/IPRAUS, Les Cahiers de l’IPRAUS, 2002, p.47-62

[64] Prosper Mérimée, Monuments historiques. Rapport au ministre de l’Intérieur, Paris, 1846, p.10

[65] Prosper Mérimée, Monuments historiques…, Paris, 1846, p.10

[66] Id.

[67] Adolphe Didron, Annales archéologiques, Paris, 1844, p.52

[68] Prosper Mérimée, Monuments historiques Rapport au ministre de l’Intérieur, Paris, 1846, p.10

[69] J.-P. Schmit, Les églises gothiques, Paris, 1837, p.181-182

[70] Ibidem, p.52

[71] Paul Meurice, Gustave Simon, « Guerre aux démolisseurs. 1832 », Œuvres complètes de Victor Hugo. Philosophie, Paris, Albin Michel, 1934-1937, p163-166

[72] Comité historique des arts et monuments, Bulletin archéologique…, Paris, 1843,  p.51