Des fauves en cage : reportages et témoignages sur les condamnés à mort dans la presse française (années 1920-1950)

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Nicolas Picard

Nicolas PICARD, Centre de recherches en histoire du XIXe siècle, Université Paris I Panthéon-Sorbonne


Des fauves en cage : reportages et témoignages sur les condamnés à mort dans la presse française (années 1920-1950)

Pendant la première moitié du XXe siècle, la peine de mort n’est guère contestée, et une presse vindicative n’hésite pas à promettre le châtiment suprême aux coupables des crimes les plus sordides. Outre le caractère d’exemplarité de la guillotine, l’élimination des pires assassins se justifie par leur caractère monstrueux, anormal, leurs actes les ayant coupés du reste de l’humanité, ou ayant révélé leur altérité radicale sous-jacente[1]. Parallèlement, alors que le reportage s’érige comme un genre hybride entre le journalisme et la littérature dans les années 1920 et 1930, les descriptions des lieux d’enfermement sont particulièrement sollicitées par une presse friande de récits consacrés aux bas-fonds[2]. De longs articles, largement accompagnés de photographies, souvent déclinés sous forme de feuilleton, fleurissent sur les asiles, maisons de correction, prisons et bagnes, avec une double dimension d’édification des lecteurs et d’indignation devant les conditions barbares qui règnent dans ces endroits[3]. La dénonciation de ces lieux d’incarcération contraste avec les appels à la sévérité contre le crime, parfois au sein des colonnes d’un même journal. On sait par exemple le rôle qu’ont joué des grands reportages comme ceux d’Albert Londres, et à sa suite de nombreux autres, dans la fin du bagne guyanais[4]. L’engouement n’est pas le même, cependant, en ce qui concerne les quartiers de condamnés à mort[5].

Alors que les conditions qui y règnent sont relativement éprouvantes[6], les articles à leur sujet sont en effet beaucoup plus rares et succincts, et ne donnent guère matière à feuilleton. Lorsque c’est le cas, il s’agit généralement de chapitres d’une étude plus large consacrée à une grande prison, comme par exemple dans les « Mémoires d’un gardien de prison » de Maurice Aubenas et Pierre Adam, publiées dans Le Petit Journal du 27 juin au 22 juillet 1926. Ailleurs, la description de la vie en détention d’un condamné à mort pimente le traditionnel récit d’exécution, en voie d’épuisement narratif et peinant à se renouveler,[7] ou bien constitue un appendice plus ou moins long et détaillé à un article rappelant une carrière criminelle. Mais en tous les cas, ces récits sont peu nombreux : le dépouillement des hebdomadaires spécialisés dans les faits divers Détective et Police Magazine donne ainsi, de 1928 à 1940, une vingtaine de reportages ou séries de reportages, de taille et de qualité très inégales, auxquels il faut ajouter des reportages ponctuels parus dans la presse à grand tirage. La période de la guerre et de l’après-guerre raréfie encore les incursions pénitentiaires, dans le cadre d’une remise en cause plus générale du fait-divers criminel[8]. Alors que l’imaginaire traditionnel des bas-fonds dépérit[9], seuls des articles épars parus dans des magazines aussi différents que Qui ? ou Paris Match abordent encore le sujet, la presse quotidienne ne l’évoquant qu’à propos de condamnés célèbres, comme Dominici[10]. À la différence des questions âprement discutées du bagne, des colonies pénitentiaires ou des exécutions publiques, les témoignages sur les quartiers des condamnés à mort n’ont donc pas vraiment entraîné de polémique sur leurs conditions de détention avant les années 1950. Faut-il y voir une conséquence d’un stigmate particulier attaché à des criminels considérés comme particulièrement monstrueux, et donc indignes de toute pitié ? L’étude de ces récits montre pourtant leur ambivalence.

Les articles sur la vie des condamnés à mort après leur condamnation ont certes avant tout une fonction informative devant participer à l’édification des lecteurs-citoyens, à travers une observation qui se veut impartiale. Il s’agit de percer les mystères de l’âme humaine et d’élucider une certaine « vérité des faits », sans a priori, à l’aide d’une expérience propre aux reporters[11], et en laissant le lecteur tirer de lui-même les conclusions (section I). Cependant, « l’exercice est difficile, et la peinture des bas-fonds toujours guettée par l’exotisme ou la sensation forte[12]. » Les reporters résistent rarement au plaisir de divertir le lecteur en suscitant chez lui diverses émotions. Anecdotes et mises en scène suscitent l’effroi, bien sûr, un certain sens du tragique, mais aussi le rire, à travers l’humour noir (section II). En procédant ainsi, ils font des condamnés à mort des personnages plus attachants, en montrant leurs fragilités et leurs occupations banales. Les discours tératologiques plus ou moins scientifiques sur les grands criminels, les décrivant comme des individus ontologiquement différents des honnêtes gens,[13] sont ainsi implicitement ou explicitement mis à l’épreuve : s’ils vulgarisent des savoirs criminologiques, les journalistes s’en distancient également et leurs enquêtes les conduisent à pratiquer une psychologie empirique aux conclusions finalement assez nuancées. On ne peut toujours parler de textes à visée abolitionniste, mais il n’en demeure pas moins qu’ils utilisent souvent le registre de la pitié et que l’unanimité de la répulsion sociale envers ces criminels apparaît ébréchée (section III).

I. Pénétrer dans l’antichambre de la mort

A.Découvrir l’autre visage de la peine capitale

Accompagner le lecteur afin de lui dévoiler les coins les plus obscurs de la société, « découvrir tous les toits…surtout ceux qui sont trop couverts », est une des missions que se donne traditionnellement la presse de faits divers[14]. Et quoi de plus obscur que ces cellules de condamnés à mort, reléguées à l’écart de celles des autres détenus, dans des prisons elles-mêmes de plus en plus inaccessibles aux regards du public[15] ? Obscures, elles le sont de manière littérale : étroites, mal éclairées, la cour de promenade ressemblant à une « fosse aux ours [16]», derrière des murs aux dimensions « dantesques [17]». L’ensevelissement propre au monde pénitentiaire est ici redoublé, d’autant que tout ce qui touche à la gestion de la peine de mort semble marqué du sceau de l’opacité. Y accéder relève de l’exploit quasi-chevaleresque : « Leur cité imprenable est au cœur de la Santé ; pour y parvenir, il est nécessaire de gravir trois étages, de franchir des ponts-levis, de suivre d’interminables chemins de ronde[18]. » Le reporter Henri Danjou laisse entendre qu’il a bénéficié de complicités internes afin de pouvoir effectuer cette visite sans autorisation. Mais il y a peut-être une forme de mise en scène, car ailleurs, les journalistes admis à visiter les prisons ne semblent pas connaître de difficultés spécifiques pour approcher ces détenus particuliers. Si l’exécution capitale est de plus en plus « mise au secret[19] », les récits d’exécution devant être, à partir de 1939, réduits à un simple compte-rendu du procès-verbal, les mêmes préventions ne sont pas censées s’appliquer aux reportages sur la détention des condamnés. Néanmoins, afin de faire visiter les cachots à leurs lecteurs, les journalistes ont très souvent recours aux témoignages plus ou moins fictionnels de gardiens de prison[20], d’avocats[21], d’autres détenus[22], voire de condamnés à mort eux-mêmes[23]. La presse écrite reste par ailleurs le seul média apte à rendre compte de l’expérience des condamnés à mort : si la radio et les actualités filmées rendent compte des procès criminels, elles ne semblent pas avoir pénétrées les quartiers des fers. Quant à la télévision naissante, comme le relève Claire Sécail, elle accorde une très faible place à l’actualité criminelle pendant les années 1950, et « ne pénètre jamais dans les enceintes pénitentiaires [24] ».

Reportages et témoignages permettent d’exposer aux lecteurs l’ensemble de la peine subie par les condamnés à mort et montrent que celle-ci ne se limite pas seulement à l’exécution finale, même si le « réveil au petit matin » reste un des moments de bravoure de ce type de récits. La peine commence dès l’énoncé du verdict, alors que le condamné se voit chargé de chaînes. Les articles présentent les particularités du régime carcéral appliqué à cette catégorie de détenus, décrivent le mobilier pénitentiaire, et reproduisent textuellement des extraits de règlement ou de leur emploi du temps[25]. Quelques photographies accompagnent parfois ces descriptions. La presse populaire, à travers l’exploitation de l’actualité judiciaire, contribue ainsi à l’acculturation des citoyens aux modalités de l’appareil légal et répressif[26], mais aussi à l’exemplarité supposée de la peine. Alors que les exécutions publiques sont de plus en plus critiquées, avant d’être supprimées en 1939, la véritable expiation se reporte en partie vers le spectacle de la longue agonie des condamnés pendant l’attente d’une éventuelle grâce. À la concurrence entre une publicité légale de la peine de mort et une publicité journalistique jugée plus efficace pour la normalisation des comportements[27], il faudrait ainsi ajouter un report ‒ certes très limité ‒ d’une attention portée à la décollation vers celle liée à l’attente angoissée de l’exécution, au point qu’en 1952, la première grande œuvre cinématographique ouvertement abolitionniste, Nous sommes tous des assassins, ne montre jamais la guillotine. L’incertitude dans laquelle sont laissés les condamnés jusqu’au matin de l’exécution ainsi que leur isolement et leur enchainement sont présentés comme un « autre supplice[28] » dont la cruauté peut scandaliser et interpeller les pouvoirs publics, préoccupés de limiter les délais de traitement des dossiers de grâce[29].

B. Des âmes tourmentées dans le purgatoire terrestre

Les affres traversées par les condamnés pendant cette attente de quelques mois font partie des mystères de la psyché humaine que tout bon reporter se doit d’élucider, le fantasme de transparence qui traverse la presse ne se contentant pas d’une simple relation des conditions d’incarcération : « de tout temps, le public s’est montré avide de savoir quels pouvaient être, tant au point de vue moral que matériel, les derniers jours d’un homme attendu par le bourreau[30]. » À l’énigme du criminel commettant un acte monstrueux et aux multiples interprétations qu’il suscite[31] s’ajoute ainsi le mystère de l’expérience du « mort-vivant », dans une sorte de continuité relevant de la fatalité ou du destin. Les observateurs scrutent la part de folie, de cynisme et de sauvagerie présente dans ces êtres situés aux confins de l’humanité et de la bestialité et assimilés à des brutes ou à des fauves, féroces et dangereux[32]. Bien que la figure du monstre se distingue par certains aspects de celle du fou[33], l’interrogation sur les dérèglements du psychisme criminel prolonge parfois des doutes soulevés avant même le procès, comme dans le cas de l’assassin du président Doumer, Paul Gorguloff[34]. Devant l’incohérence manifeste des actions et des pensées, les diagnostics médicaux sont critiqués[35].

Mais la folie est aussi une conséquence de l’attente des condamnés à mort, suspendus entre l’espoir d’être gracié et la crainte de l’exécution, parfois travaillés par le remords : « ils sont tous les mêmes, les condamnés à mort ! Obsédés par la pensée de leur exécution prochaine, ils tournent et retournent leur cauchemar…[36] » Certains semblent d’emblée assommés par leur débilité naturelle ou par leur condamnation, et il n’y a plus grand chose à en tirer : « Le lieutenant était une véritable loque qui ne mangeait pas, ne fumait pas, ne parlait pas, ne raisonnait plus […] il était comme une bête traquée, fichue, résignée à mourir[37]. » Concentrant leur attention sur ceux qui continuent de s’exprimer, les observateurs s’attachent à noter leurs paroles, qui doivent permettre de saisir la singularité de l’épreuve qu’ils traversent. Une attention particulière est prêtée aux manifestations des angoisses vespérales, le condamné se trouvant alors à l’affût du moindre signe pouvant laisser supposer qu’il s’agit de sa dernière nuit. On recherche aussi des indices de leur état d’esprit dans leurs écrits, notamment poétiques. La retranscription de leurs « œuvres » est présentée comme un moyen de contribuer à la peinture morale de ces hommes, de cerner les peurs et les tourments. Bien que des réactions fort différentes et parfois diamétralement opposées soient relevées, certains auteurs se risquent à définir les grandes étapes psychologiques traversées par le condamné à mort[38] et à esquisser une typologie des attitudes, allant de la rage à l’attitude désinvolte en passant par l’exaltation mystique.

Ces descriptions ne sont pas neutres, l’attente étant ainsi présentée comme une insidieuse torture morale, transformant les condamnés à mort en victimes :

« Imaginez ces heures qui, tour à tour, épuisent les derniers moments d’une existence, qui, sans cesse, renouvellent et aggravent la crainte, l’angoisse. Imaginez le guet tragique des nuits, la menace qu’apporte la moindre agitation extérieure puis le court répit de l’aube.[…] C’est un martyre inconcevable, indigne de la civilisation et de la justice[39]. »

L’effort d’empathie reste cependant relativement superficiel et le regard très extérieur. Si le discours est sensible aux souffrances ressenties par ces personnages réprouvés, il n’en reste pas moins qu’il est difficile de s’identifier et de pleinement les comprendre. Résistent à l’analyse de leurs psychismes trop de points aveugles où le caractère monstrueux est susceptible de rester tapi. Les enquêtes sont, il est vrai, limitées à de courts passages dans les quartiers des chaines ou à une collection d’anecdotes. Le fantasme d’immersion est comblé par un facile recours aux témoignages du personnel pénitentiaire et nul journaliste ne projette de faire véritablement l’expérience du couloir de la mort[40]. Dans ces conditions, le recours aux lieux communs est souvent un expédient pour gagner quelques lignes. Henri Béraud, condamné à mort en 1944, a ainsi beau jeu de critiquer les poncifs et de se moquer :

« Le lecteur espère sans doute ici l’évocation de la “redoutable visiteuse ”, évocation quasi rituelle et qui fournirait probablement le chapitre le plus goûté du présent récit. […] Une certaine littérature [a] mis à la mode cette espèce de danse macabre, où l’on voit la camarde gambader dans les corridors des prisons, en quête de la cellule où se morfond un pauvre bougre, que la perspective d’un réveil en sursaut baigne de sueurs abondantes et glacées. […] Un tel effroi n’existe que dans l’imagination d’écrivains en pantoufle, grands spécialistes de l’horreur et de la terreur […][41]. »

L’ex-collaborateur n’a sans doute pas tout à fait tort sur les intentions de ce genre de récits. En effet, même s’ils se présentent souvent avec une prétention documentaire, ces textes proposent à leurs lecteurs d’autres fonctions bien plus récréatives. Au delà d’une froide compréhension des enjeux, c’est bien le frisson et les sensations fortes que l’on recherche.

II. De si pittoresques condamnés à mort

A. Le Grand-Guignol du quartier des chaînes

La forme prise par ces reportages et ces témoignages, leur inscription dans la presse populaire, le ton employé montrent en effet la volonté de divertir le lecteur. Rien de bien spécifique d’ailleurs dans cette recherche du pittoresque et des émotions, commune à une large partie de l’écriture journalistique, ni dans le mélange des genres entre production d’œuvres fictionnelles et livraison de « reportages sensationnels[42] ». Pierre Adam, co-auteur des « Mémoires d’un gardien de prison » est, par exemple, surtout connu pour son abondante œuvre composée de romans populaires. La frontière entre ce qui relève de l’observation et de l’imagination semble ainsi ténue. Est-elle véridique, cette histoire d’un condamné à mort qui, en tentant de s’évader, se retrouve malencontreusement dans le local où est rangée la guillotine, et qui s’évanouit en apercevant subitement les grands bras dressés de la Veuve, éclairés par une lune blafarde[43]? On peut légitimement en douter au vu des incohérences du récit. Est-ce d’ailleurs important, et l’essentiel n’est-il pas d’avoir offert aux lecteurs un petit conte fantastique et horrifique ?

C’est la forme du conte qui est en effet adoptée dans les « Mémoires d’un gardien de prison », et celles-ci sont explicitement conçues comme une « tragi-comédie aux péripéties passionnantes[44] ». Chaque épisode est l’occasion d’une petite scène où des dialogues entiers sont reconstitués. Certaines anecdotes cherchent à susciter l’effroi ou versent dans le mélodrame larmoyant, mais d’autres, au contraire, sont bien plus burlesques. Le stock d’anecdotes progressivement constitué au fil des différents reportages va être réutilisé jusqu’à plus soif. Henri Danjou s’appuie par exemple largement sur les scènes pathétiques ou comiques des « Mémoires » de son ami Maurice Aubenas pour compléter ses enquêtes, même vingt-cinq après, et ce alors que l’enjeu abolitionniste commence à revenir dans le débat public et à imposer des considérations plus graves. L’épisode du baptême de « Bijou », qui met en scène un condamné à mort maghrébin simple d’esprit et sauvage, un enfant de chœur voleur, et une souris diabolique estourbie à coups de savate, ou l’infortune de Dervaux, le « condamné qui était prêt trop tôt », se répètent ainsi de loin en loin[45]. Les anecdotes se mélangent, puisque le condamné Morice semble subir la même mésaventure que Dervaux.[46] L’intérêt de ces petites fables est assez pauvre d’un point de vue documentaire, et un « témoin » peut légitimement critiquer le silence complice des journalistes qui contribue à entretenir des « légendes » au lieu de rétablir les faits.[47]

Ces mises en scène reposent en grande partie sur un ensemble de contrastes et permettent de jouer sur toute une série de sensations : « Les amateurs de spectacles du Grand-Guignol, avides d’émotions violentes, ne sauraient à coup sûr imaginer un décor plus suggestif que les portes des cellules des condamnés à mort. Deux portes fermées… Deux guichets ouverts… Le décor est simple et tragique[48] ! ». Même quand il s’agit de la déplorer, les journalistes ne manquent pas de souligner cette « effroyable alliance entre le grotesque et le terrible[49] », entre la comédie et la tragédie. Les condamnés à mort ne sont pas avares de bons mots, à l’image de Landru, qui au moment de revêtir la camisole des condamnés, aurait benoitement demandé si c’était la dernière coupe du couturier Paquin[50], ou de Béraud discutant avec ses gardiens :

  • « Vous avez bonne mine avec ce froc ! On voit bien que vous n’avez pas l’habitude.
  • C’est ma foi vrai ! Je n’ai jamais été fusillé. Ce sera la première fois.

Un gros rire accompagna ma sortie[51]. »

Le contraste est aussi celui de l’espoir et de la fatalité, les condamnés élucubrant à propos de leur grâce ou de leur évasion, alors que les gardiens savent déjà que la guillotine est en train d’être montée. Dans l’un des moments de bravoure de ce genre de récits, culminant dans la préparation de l’exécution capitale, l’attitude de l’aumônier, seul personnage compatissant, est mise en regard de la grossière désinvolture de certains gardiens et des aides du bourreau[52]. Le temps de bonheur que représentent Noël ou le Nouvel An est quant à lui particulièrement propice à rendre visite à des condamnés à mort perdus dans leur désespoir[53]. En effet, les moyens de susciter des émotions ne se caractérisent pas toujours par leur subtilité…

 

B. L’évasion poétique des condamnés à mort

Au delà des effets tragi-comiques, de telles peintures génèrent aussi une forme de mélancolie, le sort sinistre qui attend les condamnés à mort concluant souvent les récits sur une note de gravité. Une certaine poésie se dégage de certaines scènes, ce qui fait d’ailleurs écho à la frénésie poétique qui semble régner dans les quartiers des chaînes. En effet, le « besoin d’écrire est si violent chez les condamnés à mort que même les illettrés l’éprouvent[54] » et nombreux sont ceux qui versifient. La brutalité supposée de ces détenus contraste avec leur lyrisme sentimental, et on fait mine de s’étonner : « chose curieuse, ce féroce bandit, qui, un soir, dans une rue déserte, sous l’averse neigeuse de la lune, égorgea sauvagement un agent, a le sens de la poésie[55] ». Si la figure du poète-assassin fascine, elle contribue malgré tout à adoucir une image monstrueuse : le monstre criminel est capable de tendresse et de délicatesse, il rêve d’amour, ou bien a des peines de cœur[56], il aime les étoiles et les fleurs. Les pensées sont cependant souvent sombres et limitées par l’horizon de la mort, ou, au mieux, du bagne. La poésie sert alors à exprimer une sensation de fatalité, de regret, à exorciser l’angoisse. Le besoin poétique est enfin à mettre en relation avec la détérioration de la santé mentale engendrée par l’insoutenable attente à laquelle ils sont soumis. Il manifeste une perte de contact progressive avec la réalité : « Je n’ai pas connu un condamné qui à partir du 60ème jour ne devienne un “vagabond des étoiles”. Une mystérieuse porte s’ouvre alors sur un monde de féérie[57] ». Si les esprits peuvent vagabonder, rêver de liberté, de voyages et de femmes, les hallucinations guettent également, toutes plus sanglantes les unes que les autres.

Qu’ils soient tragiques, comiques ou mélancoliques, ces petits récits ont en commun de présenter aux lecteurs un visage inattendu des condamnés à mort, qui peuvent s’avérer drôles, sentimentaux, tendres ou naïfs. Certes, leurs propos ou leurs attitudes demeurent parfois inquiétants, et leur dangerosité est rappelée. Néanmoins, le caractère horrifiant de quelques anecdotes tient davantage au cadre et à l’ombre de la guillotine qu’au caractère criminel des protagonistes. Ces derniers apparaissent le plus souvent comme de pauvres hères bien misérables, jouets d’un implacable destin, mouches prises dans la toile d’une monstrueuse araignée[58].

 

III. Retrouver l’homme sous la bête

A. Des hommes ordinaires ?

Il ne faut pas surestimer la façon dont ces articles relativisent le caractère monstrueux des condamnés à mort. Nombre de descriptions continuent de les dépeindre comme des bêtes féroces, vociférant, hurlant et mordant jusqu’à leur dernier souffle[59]. Quelques uns, malgré leur condamnation, continuent de faire preuve de leur vantardise, de leur cynisme et apparaissent antipathiques. Les narrateurs ne montrent pas toujours une grande compassion devant les angoisses de ces détenus. L’un d’entre eux déclare que « cette manie de ruminer sa mort, cette délectation morose, [l]’écœure au dernier degré[60]. » Les temps de la guerre puis de l’épuration sont par ailleurs peu propices à un apitoiement, alors que tant de gens innocents ont durement souffert. À l’occasion, des évasions sont là pour rappeler que ces criminels, bien qu’enchaînés, ne sont pas complètement neutralisés[61]. Enfin, le spectacle offert par certains condamnés à mort graciés laisse circonspect sur le bien-fondé de la clémence dont ils ont fait l’objet[62].

Néanmoins, même les condamnés déplaisants restent humains et peuvent bénéficier de la pitié de leurs gardiens. Au sujet de l’un d’entre eux, guillotiné dans les années 1920, le narrateur rapporte : « Ils connaissaient la bassesse de son âme […] et cependant ils avaient pitié de lui, comme si le seul fait d’avoir entendu sa voix eût créé entre eux une parenté dont ils ne pouvaient imaginer la fin sans souffrir[63]. » Certains journalistes partent avant tout à la rencontre des hommes et des femmes qui se cachent derrière les figures monstrueuses décrites par leurs confrères : « Dans cette antichambre de la mort, on a la surprise de découvrir qu’il est bien rare qu’un individu soit le personnage de son crime. Aucun rapport, parfois, entre l’homme et son forfait[64]. » C’est ainsi que Klement, deux ans et demi après son crime sanglant, qui avait révolté la ville de Marseille, « n’a plus rien d’effrayant ». Ses centres d’intérêt sont on ne peut plus ordinaires : il se passionne pour l’actualité sportive. Mieux, il est parvenu à gagner la sympathie du personnel pénitentiaire, et l’angoisse de l’attente semble ici largement partagée par ceux qui sont chargés de le surveiller[65]. Autre exemple avec Sarret : en 1925, sans devenir aussi fameux que Landru ou Violette Nozière, Sarret avait pourtant innové dans le crime en dissolvant ses victimes dans un bain d’acide sulfurique. L’ingénieux procédé l’avait désigné comme un être particulièrement odieux lors de son procès. Il s’y était par ailleurs illustré par de vaines tentatives de manipulation des témoins[66]. Pourtant, le tableau qui en est dressé à la prison d’Aix-en-Provence n’est pas vraiment accablant : Sarret plaisante, travaille à son dossier, correspond avec ses avocats. Il s’intéresse en particulier à l’actualité politique et aux résultats des élections. Surtout, on le voit en famille : ses deux enfants viennent le voir, en larmes, et c’est le condamné à mort qui doit les réconforter. Son ex-femme continue de lui repriser son linge, et sa sœur lui a écrit une longue lettre, reproduite dans l’article. On y lit entre autres la mention de l’enfance malheureuse dont a souffert le criminel[67]. Certains condamnés à mort ont en effet une famille, à laquelle ils tiennent et dont ils conservent de précieuses photographies. Les tendres lettres que Jacques Fesch écrit à sa femme et à sa petite fille sont publiées dans la presse[68]. Des condamnés plus isolés sont quant à eux décrits comme de paisibles joueurs de cartes, ou travaillant consciencieusement à fabriquer de petits objets en papier. Jalbaud est montré caressant un petit chat noir que l’administration pénitentiaire lui a permis de conserver[69]. La réinsertion du condamné à mort dans des activités quotidiennes banales et dans un cadre familial et affectif permet subrepticement de le ré-humaniser.

Les condamnés peuvent se rendre sympathiques en cherchant à se racheter : ainsi d’Olivier et de Demay, qui font spontanément don de leurs dépouilles afin de pouvoir réaliser des greffes[70], ou de Quinault qui, en avril 1950, donne l’alerte lors d’une tentative d’évasion d’autres détenus. La rédemption est aussi morale et religieuse, à l’exemple de Jacques Fesch, dont la conversion en prison incite l’opinion publique à la clémence. Si on ne l’identifie pas forcément à la figure quasi-christique qu’il deviendra par la suite[71], du moins lui fait-on crédit de sa nouvelle foi : « Il est parvenu à une telle plénitude qu’il est maintenant en mesure de donner : c’est lui qui réconforte [sa femme]. […] Tout comme la grâce divine a touché Jacques Fesch, je souhaite que la grâce humaine vienne commuer la peine infligée à l’homme qu’il fut, puisque l’homme qu’il est devenu ne la mérite plus[72]. » La chroniqueuse ne manque pas de souligner que celui que l’on exécute n’est plus forcément le même homme que celui qui a tué. Que faire d’un monstre qui serait redevenu humain ?

B. La fragilité du monstre

Non seulement les condamnés à mort restent ou redeviennent des hommes, mais on les présente aussi régulièrement comme des individus fragiles. Certains paraissent assez malingres[73]. Il y a certes peu de vieillards, comme Gaston Dominici, qui doit être un temps logé à l’infirmerie des Baumettes. La plupart sont de jeunes adultes, mais ils ont connu une enfance difficile, chétive, et leurs organismes sont affaiblis. Les corps sont vulnérables à une longue incarcération et à la maladie :

« Mailly est là, devant moi, fiévreux, défait, déjà dans l’autre monde. […] Il tousse. Des quintes suffocantes secouent son buste rétréci, déchirent le silence hostile dans lequel il s’est réfugié […] C’est déjà un cadavre que se disputent avec obstination le mal qui le dévore et la justice des hommes.[…] Il me semble que sa terrible maladie rend à l’humanité cet homme qui s’en était détourné de lui-même[74]. »

Ils sont aussi émotionnellement atteints, et semblent avoir régressé au stade enfantin. Tout condamné à mort n’en est-il pas réduit à appeler sa « maman » lorsqu’il se retrouve au pied de l’échafaud ? Dans les premiers temps après le verdict, certains « fondent en larmes, comme des enfants peureux[75] ». Il est d’ailleurs douteux qu’ils aient jamais quitté le monde de l’enfance, que ce soit à cause de leur jeune âge ou d’un évident retard mental, comme « Bijou », qui ne « paraissait pas se rendre compte du mal qu’il avait fait, aussi bien que du terrible châtiment qui l’attendait. Dans sa cellule impressionnante, il s’amusait à jouer au soldat, comme un gosse[76]. » Le jeune Morice, exécuté à l’âge de 19 ans, a une allure d’écolier, avec ses « souliers vernis », sa « moue à peine esquissée d’un enfant privé de promenade pour avoir mal réussi sa composition », et qui s’applique lors de la messe comme « un enfant discipliné et désireux d’accomplir sa punition à l’entière satisfaction de ses maîtres ». Le journaliste ne peut que désapprouver le sort qui l’attend : « tout de suite apparaît à l’évidence, l’effroyable disproportion, l’hiatus incomblable creusé par la nature entre l’appareil, qui se voudrait solennel, de la justice des hommes et ce frêle adolescent qu’il va broyer[77]. »

***

Les reportages et les témoignages parus dans une partie de la presse au sujet des condamnés à mort présentent ainsi des discours ambivalents qui, sans nier la dangerosité et la monstruosité des criminels, ne cherchent pas à accabler les condamnés. Cela rentre en résonnance avec une certaine conception de la dignité qui veut que l’on respecte un homme qui va mourir, et qui voit d’un mauvais œil les excès vindicatifs et sanguinaires attribués à certains publics populaires, les mêmes qui applaudissent lors des verdicts de mort, qui tentent de lyncher lors de reconstitutions judiciaires, ou qui assistent aux exécutions publiques[78].

Peut-on aller plus loin et voir dans quelques uns de ces articles des expressions d’un « abolitionnisme modéré » ? Ce genre de reportages constitue fréquemment une critique explicite ou implicite des conditions d’application de la peine capitale. L’incarcération est jugée trop longue, les chaînes trop lourdes, l’exécution trop brutale, la peine inadaptée ou disproportionnée par rapport aux cas particuliers évoqués. Nombre d’éléments de cet imaginaire carcéral sont repris dans l’argumentaire abolitionniste, notamment par le film Nous sommes tous des assassins, dont le réalisateur André Cayatte affirme les prétentions documentaires afin de mieux soutenir sa thèse. Néanmoins la plupart des textes cités ne sont pas tous aussi affirmatifs et ne remettent pas fondamentalement en cause le principe même de la peine de mort. Plus modestement, partisans comme opposants de la guillotine devraient s’accorder pour mettre un terme à d’ « inutiles cruautés[79] ». A défaut de supprimer la peine capitale, il s’agit de rendre celle-ci plus douce.

Ces textes ont-ils pu, dans ce cas, avoir une influence dans l’allègement des conditions d’incarcération des condamnés à mort, notamment l’abandon des entraves, décidé par une série de circulaires entre les années 1951 et 1954 ? Cela est peu probable : ils sont trop ponctuels, trop succincts, trop peu engagés, et pour certains, trop associés à une douteuse tentative de réhabilitation des épurés[80]. L’allègement s’inscrit plutôt dans un mouvement plus général de réforme pénitentiaire et d’amélioration du sort des détenus, enclenché depuis 1945, avec d’ailleurs des résultats mitigés[81]. Alors que le débat sur l’abolition revient peu à peu sur le devant de la scène dans les années 1950, les Français préfèrent se passionner pour des prisons plus exotiques : le succès des best-sellers de Caryl Chessman popularise en France le thème du couloir de la mort américain et impose d’autres représentations de ce type de détention[82].

[1] Frédéric Chauvaud, La chair des prétoires. Histoire sensible de la cour d’assises 1881-1932, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 267-268.

[2] Myriam Boucharenc, L’écrivain-reporter au cœur des années trente, Villeneuve d’Asq, Presses Universitaires du Septentrion, 2004.

[3] Anne-Claude Ambroise-Rendu, Christian Delporte (dir.), L’indignation. Histoire d’une émotion politique et morale, xix-xxe siècles, Paris, Nouveau Monde, 2008.

[4] Danielle Donet-Vincent, La fin du bagne. 1923-1953, Rennes, Ouest-France, 1992.

[5] En France, on n’utilise pas le terme de « couloir de la mort », qui renvoie avant tout aux Etats-Unis. On parle plutôt de quartier des condamnés à mort, de quartier des chaînes ou de la haute surveillance. Bien souvent, les prisons n’ont qu’une seule cellule réservée à ces détenus particuliers.

[6] Nicolas Picard, « Corps enchaînés, surveillés et découpés : les contraintes matérielles des condamnés à mort en France au XXe siècle », Michel Porret, Vincent Fontana, Ludovic Maugué (dir.), Bois, fers et bracelets de justice. Histoire matérielle du droit de punir, Georg, 2012, p. 282-298. Les condamnés à mort sont notamment soumis au port de fers et de menottes, et à une surveillance permanente afin d’éviter toute tentative d’évasion ou de suicide. L’attente dans les quartiers de condamnés à mort avant l’exécution ou la grâce dure au moins trois mois sous la Troisième République, elle s’allonge ensuite à cinq à six mois en moyenne sous la Quatrième République lorsque la création du Conseil Supérieur de la Magistrature instaure un nouvel échelon dans l’examen des recours en grâce.

[7] Emmanuel Taïeb, La guillotine au secret. Les exécutions publiques en France, 1870-1939, Paris, Belin, 2011, p. 45 et suivantes.

[8] Marine M’Sili, Le fait divers en République. Histoire sociale de 1870 à nos jours, CNRS éditions, 2000, p. 209-217 ; Hélène Bellanger, Vivre en prison. Histoires de 1945 à nos jours, Hachette Littératures, 2007, p. 83. Dans le contexte de surpopulation carcérale de l’épuration, l’attention médiatique s’attarde davantage sur les problèmes d’évasions et de mutineries que sur les conditions de vie des détenus. Cf Maxime Boucher, La nuit carcérale. Souffrir et éviter la souffrance en prison, le cas français (1944-1981), thèse d’histoire, Université Paris Diderot (Paris 7), 2010, p. 383-394. Même Qui ?, hebdomadaire spécialisé dans le fait divers criminel, ne publie que très peu de reportages sur les prisons. On recommence à s’intéresser aux prisons et à la réforme pénitentiaire au début des années 1950, avec par exemple le reportage de Henriette Chandet et Daniel Filipacchi, « Le monde interdit des prisons », Paris Match, n°91, 16 décembre 1950.

[9] Dominique Kalifa, Les bas-fonds..., p. 314.

[10] Le Parisien libéré, 30 novembre 1954, p. 8 ; France Soir, 1er décembre 1954, p. 1. Un quotidien plus élitiste comme Le Monde ne traite de l’incarcération des condamnés à mort qu’à l’occasion de la suppression des entraves, et de manière assez brève. « M. Paul Ribeyre vient de décider la suppression des entraves », Le Monde, 18 novembre 1953.

[11] Myriam Boucharenc, L’écrivain-reporter…, p. 137-143.

[12] Dominique Kalifa, Les bas-fonds..., p. 360-361.

[13] Si la théorie du « criminel-né » élaborée par Cesare Lombroso à la fin du XIXe siècle a été assez vite critiquée, elle n’en a pas moins influencé ultérieurement une grande partie des représentations tératologiques, savantes aussi bien que profanes.

[14] Editorial « Partout…pour tous », Détective, n°1, 1er novembre 1928. Cf également Dominique Kalifa, Les bas-fonds..., p. 182 et suivantes, Myriam Boucharenc, L’écrivain-reporter…, p. 125-128.

[15] Le processus d’opacification de la prison s’accentue au début du xxe siècle et aboutit à la réforme de 1926 qui fait disparaître « tout un faisceau de regards extérieurs ». Jacques-Guy Petit, Claude Faugeron, Michel Pierre, Histoire des prisons en France. 1789-2000, Privat, 2002, p. 166.

[16] Henri Danjou, « Nous ne sommes pas tous des assassins », France Soir, 2 août 1952, p. 10.

[17] Maggie Guiral, « L’autre supplice », Police Magazine, n° 226, 23 février 1933, p. 11.

[18] Henri Danjou, « Un Jour de l’An à la Santé chez les condamnés à mort », Détective, n°62, 2 janvier 1930, p. 3.

[19] Emmanuel Taïeb, La guillotine au secret…

[20] Pierre Adam, Maurice Aubenas, « Mémoires d’un gardien de prison », Le Petit Journal, 27 juin au 28 juillet 1926 ; J. C., « Souvenirs d’un gardien de prison », Police Magazine, n°149 à 159, 1933

[21] L’avocate Georgie Myers semble ainsi être la principale source d’un journaliste décrivant l’interminable détention de Michèle Reboux, en 1947. Jean Nevers, « Drapée dans sa robe de bure Michèle Reboul attend, depuis un an, son châtiment », Qui ? Détective, n° 50, 5 juin 1947, p. 8-9 ; cf aussi la série d’entretiens d’André Charpentier, « Les grands avocats et leurs condamnés à mort », publiés ponctuellement dans Police Magazine de mars 1931 à mai 1932.

[22] Claude Valmont, « Cellule 11/7 Grande Surveillance de la Santé (récit d’un meurtrier imprévu) », Détective, n° 44 à n°52, 29 août au 24 octobre 1929 ; Maurice Coriem, « Je sors de la Santé », Police Magazine, n° 20 à 25, 1931.

[23] Henri BÉraud, « 15 jours avec la mort », Paris-Match, n°87 à 93, 18 novembre au 30 décembre 1950. Il s’agit cependant du cas particulier d’un condamné pour faits de collaboration, inscrivant son récit dans un projet politique de réhabilitation des épurés. Cf Jean-Claude Vimont, « Les fers des condamnés à mort : détention carcérale et instrumentalisation politique durant l’Épuration en France», M. Porret, V. Fontana, L. Maugué (dir.), Bois, fers et bracelets de justice,…, p. 299-312. La plupart des témoignages sur les conditions de détention des épurés condamnés à mort ont surtout circulé dans une presse semi-clandestine destinée aux anciens cercles collaborateurs. Cf Bénédicte. Vergez-Chaignon, Vichy en prison. Les épurés à Fresnes après la Libération, Gallimard, 2006, p. 311-312.

[24] Claire Sécail, Le crime à l’écran. Le fait divers criminel à la télévision française (1950-2010), Nouveau Monde, 2010, p. 116. Il faut attendre l’émission de Cinq colonnes à la une du 8 avril 1960 intitulée « Mourir en prison », pour voir le quotidien carcéral d’un condamné à mort, Gaston Dominici. Celui-ci ayant été gracié ne se trouve cependant plus dans le quartier des fers. Le film fictionnel Nous sommes tous des assassins réalisé par André Cayatte et sorti en 1952 est donc probablement le seul document audiovisuel des années 1950 à montrer un quartier des fers.

[25] Henri Danjou, « Nous ne sommes pas tous… », 2 août 1952, p. 10.

[26] Voir aussi Geoffrey Fleuriaud, L’éducation par le crime. La presse et les faits divers dans l’entre-deux-guerres, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.

[27] Emmanuel Taïeb, La guillotine au secret..., chap. 1 « La concurrence entre publicité légale et publicité journalistique ».

[28] Maggie Guiral, « L’autre supplice… »

[29] Nicolas Picard, La peine de mort en France (1906-2007). Pratiques, débats, représentations, sous la direction d’Olivier Wieviorka, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2009 (mémoire de master 2 non publié), p. 115-118.

[30] J. C., « Souvenirs d’un gardien de prison. VII. Nuits de condamnés à mort », Police Magazine, n°159, 10 décembre 1933, p. 5.

[31] Frédéric Chauvaud, chap. IX « L’insondable mystère », La chair des prétoires…, p. 323-335

[32] Par exemple : « ils composaient un trio de bêtes fauves, dangereuses, à qui il ne fut jamais question d’ôter, fût-ce pendant un moment les menottes ou les chaînes. », Henri Danjou « Nous ne sommes pas tous… », 2 août 1952, p. 5. Jean Bocagnano racontant son expérience des condamnés à mort de la prison de Fresnes utilise le même terme dans le titre de son ouvrage, Quartier des fauves, paru en 1953.

[33] Frédéric Chauvaud, « Les figures du monstre dans la seconde moitié du XIXe siècle », Ethnologie française, n°21, 1991, p. 245.

[34] Maurice Coriem, « Gorguloff devant l’échafaud ? Est-ce la tête d’un fou qui va tomber ? », Police Magazine, n°89, 7 août 1932, p. 7.

[35] « Et pourtant les experts psychiatres ont déclaré, sous serment, que ce misérable était responsable de ses actes », Henri Danjou (citant Maurice Aubenas), « Nous ne sommes pas tous… », 6 août 1952, p. 2.

[36] Pierre Adam, Maurice Aubenas, « Mémoires d’un gardien de prison. XXIII. Les merlans », Le Petit Journal, 20 juillet 1926, p. 1.

[37] Claude Valmont, « Cellule 11/7… », Police Magazine, n° 51, 17 octobre 1929, p. 14.

[38] Henri Danjou (citant Maurice Aubenas), « Un Jour de l’An à la Santé… », p. 4.

[39] Maggie Guiral, « L’autre supplice… ». Notons cependant la voix dissonante de Jean Nevers, qui suggère que la condamnée « Michèle Reboul » (sic) puisse regretter « le temps où sa qualité de condamnée à mort en sursis lui valait d’être l’ “enfant chérie” de la Roquette. ». Jean Nevers, « Drapée dans sa robe de bure… », p. 9.

[40] Expérience envisagée de manière fictionnelle par l’épisode Final Chapter de la série télévisée Tales of the Unexpected, diffusée aux Etats-Unis en 1977 sur NBC.

[41] Henri BÉraud, « 15 jours avec la mort », Paris Match, n°89, 2 décembre 1950, p. 28.

[42] Dominique Kalifa, Les bas-fonds..., p. 359-361, Myriam Boucharenc, L’écrivain-reporter…, p. 35-43.

[43] Pierre Adam, Maurice Aubenas, « Mémoires d’un gardien de prison II. La répétition générale », Le Petit Journal, 28 juin 1926, p. 4.

[44] Pierre Adam, Maurice Aubenas, « Mémoires d’un gardien de prison », Le Petit Journal, 27 juin 1926, p. 1.

[45] Henri Danjou, « Un Jour de l’An à la Santé… » ; « L’espoir dans la geôle », Détective, n°141, 9 juillet 1931, p. 12-13 ; « Les trois jours », Détective, n°142, 16 juillet 1931, p. 13 ; « Nous ne sommes pas tous… » du 3 au 8 août 1952.

[46] Henri Drouin, « Au petit jour », Détective n°76, 10 avril 1930, p. 3.

[47] « La légende veut que le condamné à mort passe son temps à faire des parties de cartes avec son gardien. Cette belote pénitentiaire est une imagination populaire, que les journalistes n’osent pas contrarier. », Maurice Coriem, « Je sors de la Santé. IV. Les dessous d’une prison », Police Magazine, n°23, 3 mai 1931, p. 14.

[48] Claude Valmont, « Cellule 11/7… », Police Magazine, n° 50, 10 octobre 1929, p. 14.

[49] Henri Drouin, « Au petit jour… »

[50] Henri Danjou, « Un Jour de l’An à la Santé… », p. 3.

[51] Henri BÉraud, « 15 jours avec la mort », Paris Match, n°87, 18 novembre 1950, p. 17.

[52] Pierre Adam, Maurice Aubenas, « Mémoires d’un gardien de prison. VII. La défaillance de l’aumônier », Le Petit Journal, 3 juillet 1926.

[53] Henri Danjou, « Un Jour de l’An à la Santé… » ; « Noëls sans espoir », Détective, n° 270, 28 décembre 1933, p. 8-9.

[54] Henri Danjou, « Un Jour de l’An à la Santé… », p. 4.

[55] Sylvia Risser, « Vous êtes condamné à avoir la tête tranchée », Police Magazine, n° 90, 14 août 1932, p. 6.

[56] Théophile Chabert, « Le condamné à mort qui veut être exécuté. Le secret de Gauchet », Police Magazine, n°48, 25 octobre 1931, p.13.

[57] Henri Danjou (citant Maurice Aubenas), « Nous ne sommes pas tous… », 3-4 août 1952, p. 8. Le terme de « vagabond des étoiles » est repris du titre du roman de Jack London mettant en scène un condamné californien.

[58] Henri Danjou (citant Maurice Aubenas), « Nous ne sommes pas tous… », 6 août 1952, p. 2.

[59] Henri Danjou, « Nous ne sommes pas tous… », 2 août 1952, p. 5.

[60] Pierre Adam, Maurice Aubenas, « Mémoires d’un gardien de prison. XXIII. Les mérians », Le Petit Journal, 20 juillet 1926, p. 1.

[61] Cf notamment la série d’évasions qui a lieu en 1947, à Montauban en mai, à Alençon le 1er septembre, à Montpellier en novembre, et la tentative d’évasion déjouée aux Baumettes à Marseille en décembre. Jean Nevers, « Les secrets des Beaumettes » (sic), Qui ? Détective, n°90, 16 mars 1948, p. 5.

[62] Henri Danjou, « Nous ne sommes pas tous… », 10-11 août 1952, p. 8.

[63] Henri Danjou, « Un Jour de l’An à la Santé… », p. 5.

[64] Henri Danjou, « Nous ne sommes pas tous… », 2 août 1952, p. 10.

[65] « Ils seront bouleversés et ne dormiront qu’avec d’affreux cauchemars lorsque le bourreau leur enlèvera leur prisonnier. C’est très sincèrement qu’ils souhaitent qu’il soit gracié. », Id. Peut-être touchée par l’histoire racontée par Henri Danjou, Mme Vincent Auriol va demander à son secrétariat d’identifier le personnage mentionné dans cet article (le nom de Klement y a été anonymisé par la lettre K…) et de lui faire connaître son sort. A la date où parait l’article, Klement a déjà fait l’objet d’une mesure de grâce. Archives nationales, 4AG/488, dossier Klement.

[66] Le crime de Sarret (de son vrai nom Georges-Alexandre Sarrejani) n’est découvert que six ans plus tard, à la suite des révélations de ses complices. Le procès a lieu en octobre 1933, Sarret est exécuté publiquement à Aix-en-Provence le 10 avril 1934.

[67] Henri Danjou, « Noëls sans espoir… »

[68] Marcelle Auclair, « L’homme condamné n’est plus celui qui a tué », Marie-Claire, n°32, p.76-81.

[69] Marcel Montarron, « Promis à l’échafaud », Qui ? Détective, n°763, 10 février 1961, p. 14-15.

[70] Augustin Rodet, « La survie du guillotiné », Détective, n°143, 23 juillet 1931 ; Combat, 26 juin 1950, p. 8.

[71] Francisque Oeschger, Jacques Fesch. Le guillotiné de Dieu, Monaco, Éditions du Rocher, 1994 ; Gilbert Collard, Assasaint. Jacques Fesch, l’histoire du bon larron moderne, Paris, Presses de la Renaissance, 2002.

[72] Marcelle Auclair, « L’homme condamné… », p. 80.

[73] « Il n’a ni la carrure ni le faciès d’un gangster d’un roman de la série noire. Il n’a pas non plus la découpe d’un monstre. Ni d’un truand. Ni d’une brute. C’est un petit homme râblé, avec un front dégarni, des cheveux soigneusement tirés en arrière, des lunettes à fine monture et des mains blanches de bureaucrate. », Marcel Montarron, « Promis à l’échafaud… », p. 8.

[74] Maggie Guiral, « L’autre supplice… ». Voir aussi la une de Qui ? Détective, n°265, 30 juillet 1951 : « Condamné à mort par les jurés de Chalon sur Saône, Bertrand Meyer, le rabouin tueur de veuves est déjà rongé par la maladie, qui peut seule lui épargner l’échafaud. »

[75] Henri Danjou, « Nous ne sommes pas tous… », 2 août 1952, p. 10.

[76] Henri Danjou, « L’espoir dans la geôle… »

[77] Henri Drouin, « Au petit jour… »

[78] Voir les critiques adressées par les « classes éduquées » aux comportements inappropriés des foules lors des exécutions publiques. Emmanuel Taïeb, La guillotine au secret..., p. 57-60.

[79] « Il ne s’agit pas de sensiblerie, mais de logique. La question de la peine de mort est en dehors du débat qui nous préoccupe. Partisans ou adversaires du châtiment suprême – et, pour notre part, même au nom de l’ordre, nous en sommes des adversaires convaincus – doivent s’accorder sur cette conclusion qu’il est dangereux de laisser en suspens une peine pendant un long délai et que cela constitue une cruauté inutile, qui s’ajoute à la sanction elle-même », Éditorial « Inutile cruauté », Détective, n° 228, 9 mars 1933.

[80] Jean-Claude Vimont, « Les fers des condamnés à mort… »

[81] Jacqueline Sacotte, « Trente ans de politique criminelle en matière pénitentiaire », Archives de politique criminelle, n°3, 1978, p. 75-107.

[82] Caryl Chessman, Cellule 2455, couloir de la mort, Paris, Presses de la Cité, 1954 ; A travers les barreaux, Paris, Presses de la Cité, 1955 ; Face à la justice, Paris, Presses de la Cité, 1958.