Justine Delassus
Résumé
Bien souvent considérée comme un art immatériel, la littérature laisse pourtant des traces bien physiques de son existence sur le territoire français. Ainsi peut-on visiter de nombreux espaces littéraires, à l’image des maisons d’écrivains ou des musées littéraires. Ces lieux prennent des formes variées et il peut sembler étonnant de comparer la Maison de Tante Léonie, également appelée Musée Marcel Proust et le Clos Arsène Lupin, situé dans la maison de Maurice Leblanc. En effet, l’œuvre de Marcel Proust est bien souvent considérée comme faisant partie des « classiques » de la littérature française alors que les textes de Maurice Leblanc sont plutôt perçus comme relevant de la « paralittérature ». Pourtant, les lieux qui leurs sont dédiés comportent des similitudes puisqu’ils entretiennent des liens étroits avec les textes, en offrant, par certains aspects, une matérialisation de la fiction littéraire. Il s’agira donc de comparer ces deux espaces, de s’interroger sur la manière dont l’histoire éditoriale des textes et les horizons d’attente liées aux auteurs influent sur la conception même des lieux tout en réfléchissant aux influences de ces lieux sur la réception contemporaine des œuvres.
Justine Delassus, née le 16/05/1988 (justine.delassus@live.fr).
Doctorante allocataire au Centre d’Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.
Objets de recherche : maisons d’écrivains, musées littéraires, expositions littéraires, parcs à thème, patrimoine littéraire, histoire de l’édition, du livre et de la lecture.
Intitulé de la thèse : « Visiter les œuvres littéraires au-delà des mots, des maisons d’écrivains aux parcs à thème, l’impossible pari de rendre la littérature visible ».
Participations : Intervention dans le cadre du séminaire des doctorants du LAM (Littérature, Art et autre Médias) de Paris IV-Sorbonne en avril 2013, « Matérialiser la littérature par le parcours dans un espace, un pari impossible ? » ; Intervention dans le cadre du séminaire d’enseignement et de recherche du Master 2 « Livre, : Création, Culture et Société » au pôle des métiers du livre de Saint-Cloud, « Paratexte ou énonciation éditoriale, comment le livre parle au lecteur » en octobre 2013 : « De l’énonciation éditoriale au discours muséal. Symboliques du livre dans les maisons d’écrivains, les musées et les expositions littéraires. »
La littérature est bien souvent considérée comme relevant du patrimoine immatériel. Cependant, les objets qui constituent le patrimoine littéraire ne se limitent pas aux œuvres de l’esprit et certains objets bien physiques témoignent de l’existence de cet art. Ainsi conserve-t-on les manuscrits, les éditions rares mais aussi les objets ayant appartenu aux écrivains. Certains lieux eux-mêmes peuvent s’apparenter au patrimoine littéraire, à l’instar des maisons d’écrivains qui parsèment le territoire français[1] et offrent la possibilité aux visiteurs de découvrir les lieux dans lesquels ont vécu les écrivains, qui ont parfois été le berceau de la création littéraire. Visiter ces lieux amène bien souvent à constater que l’auteur est au centre des dispositifs. Les musées littéraires sont, la plupart du temps, consacrés à un auteur particulier, à l’image des expositions qui prennent majoritairement la forme de monographies. Les maisons permettent aux visiteurs d’entrer dans l’intimité et le quotidien de l’écrivain et ont souvent été associées à des lieux de pèlerinage dont on a parfois déploré le fétichisme. Bien que la dimension sacrée de ces lieux ait évolué parallèlement aux représentations de l’écrivain, leurs maisons restent réputées pour leur atmosphère particulière. À la différence des musées où se déploient bien souvent les codes muséographiques traditionnels, impliquant certaines pratiques culturelles (en particulier le fait de ne pas toucher aux objets exposés ou d’observer des objets patrimoniaux sous vitrine), les maisons d’écrivains peuvent se rapprocher des monuments historiques. En effet, l’expérience de visite diffère puisque le visiteur découvre un lieu dans son ensemble, engageant son corps et ses sens dans un espace où les traces de la muséographie se font bien souvent discrètes. Néanmoins, cette définition générale de la maison d’écrivain ne s’applique pas à la totalité des lieux regroupés sous cette appellation. Le nombre important de maisons d’écrivains en France appelle à une diversité et à une hétérogénéité des dispositifs.
Ainsi, la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust et le Clos Arsène Lupin-Maison Maurice Leblanc auxquels nous allons nous intéresser ici diffèrent-ils de la maison d’écrivain « traditionnelle » puisque le visiteur ne découvre pas les habituels bureaux, chambres à coucher et autres pièces dans lesquelles l’écrivain a évolué. En effet, ces deux lieux, dont la comparaison peut paraître étonnante, se rejoignent puisqu’ils invitent le visiteur à entrer dans l’univers de la fiction littéraire. En se rendant à Illiers-Combray, le visiteur peut avoir l’impression d’entrer à l’intérieur du monde décrit dans la partie Combray de La Recherche, tout comme le visiteur qui se rend à Étretat peut avoir le sentiment de pénétrer dans l’univers d’Arsène Lupin. Dispositifs originaux dans le paysage des lieux littéraires français, ces deux sites sont dédiés à des auteurs qui ne suscitent pas les mêmes représentations dans la mémoire collective. Alors que le nom de Marcel Proust évoque un écrivain reconnu dont les textes appartiennent aux chefs-d’œuvre de la littérature française, le nom de Maurice Leblanc ne provoque que peu de réactions, contrairement à celui du personnage qu’il a créé, le célèbre Arsène Lupin. Les traces laissées par Marcel Proust et Maurice Leblanc sont également liées aux textes nés de leurs plumes et retenus par l’histoire littéraire. La Recherche, roman autobiographique, bien souvent inscrit dans les programmes scolaires et objet de nombreux commentaires critiques n’évoque pas le même type de lecture que les aventures du gentleman-cambrioleur, représentatives des premiers romans policiers.
Comparer la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust et le Clos Arsène Lupin-Maison Maurice Leblanc paraît alors pertinent puisque ces deux lieux proposent, chacun à leur manière, une matérialisation de deux univers romanesques de genres différents. Il s’agira ici d’interroger la manière dont les représentations d’un auteur et de ses textes peuvent avoir une influence sur la conception même des lieux de mémoire qui lui sont dédiés mais aussi de réfléchir aux potentielles influences de ces lieux sur ces représentations. La Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust vient-elle renforcer les représentations de Marcel Proust comme écrivain classique et consacré et, à l’inverse, le Clos Arsène Lupin-Maison Maurice Leblanc tend-il à perpétuer l’image d’un écrivain s’étant illustré dans un genre bien souvent considéré comme « paralittéraire » ? De brefs rappels biographiques concernant ces deux auteurs ainsi que des éléments relatifs à la réception de leurs textes permettront de mieux les situer dans le paysage littéraire français. Nous pourrons ensuite nous pencher sur l’histoire de la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust et le Clos Lupin-Maison Maurice Leblanc, structures qui semblent assez originales comparées aux autres sites littéraires français. Enfin, l’analyse détaillée des dispositifs de visite permettra de mettre en avant certaines spécificités de ces lieux et d’interroger les représentations qu’ils peuvent susciter chez le visiteur.
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Né en 1864, dans une famille de la bourgeoisie rouennaise, Maurice Leblanc était un grand admirateur de Gustave Flaubert et de Guy de Maupassant. Ces deux grandes figures ont nourri sa vocation d’écrivain. Alors que l’histoire littéraire n’aura retenu que les aventures d’Arsène Lupin, Maurice Leblanc aspirait à l’écriture de romans psychologiques. Ses premiers textes sont assez éloignés du roman policier puisqu’il écrit des nouvelles dans la lignée de Maupassant. Cependant, ses écrits ne rencontrant qu’un succès relatif et Maurice Leblanc devant faire face à des difficultés financières, il s’essaie finalement à un autre registre. Pierre Laffite fait appel à lui pour écrire un récit inédit qu’il souhaite publier dans son nouveau magazine Je sais tout, destiné à concurrencer Lectures pour tous. C’est l’acte de naissance d’Arsène Lupin, dont la première aventure, L’arrestation d’Arsène Lupin, paraît dans le sixième numéro de juillet 1905. Devant le succès rencontré par cette première aventure du gentleman-cambrioleur, Pierre Laffite sollicitera de nouveau Maurice Leblanc afin qu’il fasse vivre de nouvelles péripéties à son personnage. Il semble intéressant de faire remarquer que Maurice Leblanc a hésité avant d’accepter l’offre de Pierre Laffite, par peur de voir ses aspirations littéraires contrariées en s’engageant dans la voie du roman policier. Force est de constater que ses craintes étaient fondées puisque les premiers écrits de Maurice Leblanc n’ont pas marqué les esprits, à l’inverse des aventures d’Arsène Lupin[2].
Ces quelques éléments nous permettent d’ores et déjà de distinguer le parcours de Maurice Leblanc de celui de Marcel Proust. De sept ans son cadet, Marcel Proust naît à Paris, d’un père médecin et d’une mère fille d’un riche agent de change. Dès sa jeunesse, il fréquente les salons grands bourgeois et aristocratiques. Le milieu dans lequel il évolue semble donc assez différent de celui que fréquente Maurice Leblanc. Le parcours littéraire des deux écrivains diffère également. Alors que Maurice Leblanc a vu ses aspirations originelles contrariées et a opéré un tournant dans sa production littéraire, Marcel Proust semble avoir suivi un parcours plus linéaire. Bien que s’étant illustré dans plusieurs genres tels que des articles critiques, des poèmes, des nouvelles, des romans ou bien des traductions, il semble qu’une certaine unité d’ensemble apparaisse et que ces différents textes aient nourri celui de La Recherche. Néanmoins, il a lui aussi rencontré des difficultés pour faire éditer certains de ses écrits. Ainsi du premier volume de La Recherche, qu’il a dû se résoudre à publier à compte d’auteur chez Bernard Grasset en novembre 1913. Cependant, Du côté de chez Swann sera rapidement considéré comme digne d’intérêt et Gaston Gallimard rachètera très rapidement les droits afin de rééditer le texte[3]. Les nombreux textes critiques et études au sujet de La Recherche témoignent également de la reconnaissance du texte par les acteurs du champ littéraire. La Bibliographie des études sur Marcel Proust et son œuvre publiée en 1976 relève ainsi prêt de 2500 publications et l’on peut imaginer que ces dernières n’ont cessé de s’accroître depuis[4]. Concernant Maurice Leblanc, on ne trouve qu’une seule biographie qui lui soit consacrée et les textes critiques relatifs à ses écrits sont extrêmement rares.
Enfin, il semble intéressant de s’arrêter sur les supports de diffusion des textes de ces deux auteurs. Bien que la première édition de Du côté de chez Swann ait été loin d’une édition de luxe (la taille du volume avait nécessité une mise en pages très dense afin de réduire les coûts de production), il s’agissait d’un livre et non d’une publication dans la presse. Or, les aventures d’Arsène Lupin, bien qu’éditées également en livre, sont tout d’abord parues dans le magazine « Je sais tout, qui tirera jusqu’à deux cent mille exemplaires, présentait des articles variés, et faisait une large place aux récits inédits. »[5] Le nombre d’exemplaires de ce magazine était donc important et permettait de toucher un large lectorat, d’autant que le prix de vente était inférieur à celui d’un livre. De plus, les lieux de vente diffèrent pour ces deux supports. Comme le montre Anne-Marie Thiesse en étudiant les pratiques des lecteurs populaires à la Belle Époque[6], les membres des classes populaires se rendent peu dans les librairies où ils ne se sentent pas toujours dans leur élément, à la différence des lieux de vente de la presse. Ces indications apportent un éclairage quant aux lecteurs que visaient à la fois les aventures d’Arsène Lupin et les romans de Marcel Proust.
Au regard du parcours littéraire de ces deux écrivains, il semble donc que l’un tende à représenter l’écrivain finalement consacré et reconnu par ses pairs alors que l’autre serait plutôt associé à la culture populaire. Toutefois, tous deux ont laissé leurs traces sur le territoire français. Ainsi, le Clos Arsène Lupin-Maison Maurice Leblanc et la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust sont ouverts à la visite et participent à la construction des représentations liées à ces deux auteurs et à leurs textes.
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Bien que la comparaison de ces deux lieux puisse étonner, elle paraît pertinente puisque ces deux sites proposent, chacun à sa manière, une matérialisation des cadres fictionnels qui se développent dans les textes de La Recherche et des aventures d’Arsène Lupin. Ces deux espaces littéraires sont donc assez originaux dans le paysage français puisqu’ils diffèrent de la maison d’écrivain traditionnelle. Le visiteur ne découvre pas les pièces dans lesquelles ont évolué ces écrivains ni les meubles qui leur ont appartenu mais des pièces qui sont le reflet des univers imaginés et décrits dans leurs textes. Le parti pris général semble donc similaire et invite à comparer ces deux lieux. Afin de mieux comprendre la forme actuelle que prennent ces structures, il faut s’arrêter sur les processus qui ont amené à leur conservation. Le début du XXe siècle voit apparaître, en France, la conservation de maisons d’écrivains, reflet de l’importance que prend la figure de l’auteur à cette époque.
Les deux sites qui nous intéressent ici ont vu le jour bien plus tard et les motivations qui ont amené à leur sauvegarde semblent s’éloigner du seul culte de l’auteur. La Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust étant plus ancienne que le Clos Lupin-Maison Maurice Leblanc, elle a connu plusieurs périodes et plusieurs dispositifs muséographiques que nous tenterons brièvement de dépeindre ici. La conservation de cette maison dépend, en premier lieu, de l’initiative d’un particulier passionné par Marcel Proust et son œuvre, Philippe-Louis Larcher. En 1946, le Pré Catelan est racheté par un particulier. Philippe-Louis Larcher craint que ce lieu, considéré comme étant le parc de Swann décrit dans La Recherche, ne soit dégradé. Il écrit Le Parfum de Combray : pèlerinage proustien à Illiers, texte qui invite à la sauvegarde du lieu publié en 1945. La majeure partie de cet ouvrage met en perspective des citations de La Recherche avec des descriptions d’Illiers. Le texte ne se situe pas dans un registre argumentatif mais il tend plutôt à mettre en avant les liens qui existent entre le village d’Illiers et le village de Combray. La première phrase du texte assoit cette identité entre le village réel et celui de la fiction : « Illiers, c’est Combray, c’est-à-dire cette petite cité qui n’existe que dans le rêve […] »[7]. Bien que Philippe-Louis Larcher fasse preuve de distance en précisant que Combray n’existe que dans le rêve, l’emploie du verbe « être » suppose une véritable identité entre les deux lieux. Les différents passages où se répondent les descriptions d’Illiers et les citations de La Recherche ne se présentent néanmoins pas comme des calques à superposer. Combray apparaît comme une réinterprétation d’Illiers par l’écrivain. Ainsi, Philippe-Louis Larcher présente-t-il sa démarche comme une manière de rendre hommage à Marcel Proust et à son œuvre : « En effet, pourquoi irions-nous sur la tombe où reste seulement de Proust ²ce qui n’était pas lui-même², alors que nous pouvons contempler silencieusement et avec recueillement ces choses auxquelles il venait demander sa pensée et qui la gardent encore ? »[8] L’exercice auquel se prête Philippe-Louis Larcher est donc sous-tendu par la volonté de préserver un village ayant fortement inspiré Marcel Proust dans l’écriture de son œuvre. Illiers apparaît donc comme plus symbolique aux yeux de Philippe-Louis Larcher que la tombe de l’écrivain. Plus représentative de l’esprit de Marcel Proust, de son œuvre et de son vécu que le lieu où il est enterré la visite d’Illiers permettrait de perpétuer les impressions suscitées par la lecture de La Recherche. Alors que la tombe renvoie à une symbolique mortifère, signifiant la fin d’un parcours, celui que l’on peut effectuer dans le village renforce la dimension atemporelle de l’œuvre. Néanmoins, pour que ces impressions puissent perdurer, il semble nécessaire, pour Philippe-Louis Larcher, que le village et certains endroits centraux dans l’œuvre ne soient pas dénaturés par le temps. Le plaidoyer rédigé par Philippe-Louis Larcher met donc en avant les liens qui existent entre Illiers et Combray mais l’hommage à l’écrivain reste central pour motiver la préservation du lieu. Les pouvoirs publics prêtent attention à ce texte et décident de classer le Pré Catelan parmi les sites et monuments naturels de caractère artistique, historique, légendaire ou pittoresque. La Société des Amis de Combray est alors créée, le 23 mai 1947, pour louer et entretenir le Pré Catelan.[9]
Dès 1948, Illiers devient un lieu de pèlerinage littéraire. En 1954, Germaine Amiot, dernière descendante de la famille d’Illiers, rachète la maison dont la municipalité voulait faire une épicerie moderne[10]. Très rapidement, la maison est ouverte au public et « dès 1956, la cuisine de Françoise, la salle à manger, la chambre de Tante Léonie et celle du petit Marcel sont offerts à la visite. »[11]. D’après Mireille Naturel, actuelle secrétaire générale de la Société des Amis de Combray, le rez-de-chaussée est la première partie de la maison à être aménagée grâce à des meubles de famille donnés par Melle Amiot et fournis par M. Larcher[12]. Lors des premières années, les visites guidées ont lieu en fonction de l’afflux des visiteurs. Ce n’est qu’en 1972 qu’une équipe est présente quotidiennement lors de la période estivale. Ici aussi, les pouvoirs publics n’interviendront qu’après-coup pour œuvrer à la sauvegarde et à la valorisation de la maison. Le 19 octobre 1961, la maison est classée Monument Historique. Dix ans plus tard, à l’occasion du centenaire de la naissance de Marcel Proust, la ville d’Illiers sera renommée Illiers-Combray, en hommage à l’œuvre de l’écrivain. À la différence de villes telles que Fernay-Voltaire ou de La Haye rebaptisée Descartes, le toponyme Illiers-Combray ne mentionne pas le nom de l’écrivain mais associe la réalité à la fiction littéraire, donnant l’impression d’une identité entre la ville d’Illiers et la ville fictive de Combray, à l’image de la première phrase écrite par Philippe-Louis Larcher. En 1976, quelques mois avant sa mort, Germaine Amiot lègue la maison à la Société des Amis de Combray, qui devient propriétaire et gestionnaire du lieu. Par la suite, de nombreux travaux seront réalisés et la maison pourra bénéficier d’agrandissements.[13] Actuellement, la Société des Amis de Combray est toujours propriétaire et gestionnaire du lieu.
Un particulier est également à l’origine de la conservation du Clos Lupin-Maison Maurice Leblanc mais il s’agit ici d’une action familiale. Maurice Leblanc avait commencé à séjourner dans le futur Clos Lupin en 1915. Il louait cette maison durant l’été et il décida de l’acheter en 1919, la rebaptisant le « Clos Lupin ». Il y passera de nombreux moments jusqu’à sa mort en 1941 et souhaitera que le Clos Lupin reste dans sa famille, ce qui ne sera finalement pas le cas[14]. En 1998, le Clos Lupin est mis en vente et Florence Boespflug-Leblanc, la petite-fille de l’écrivain, en profite pour l’acheter et respecter ainsi les dernières volontés de son grand-père. Afin de créer un lieu qui rende hommage à Maurice Leblanc ainsi qu’au célèbre Arsène Lupin, elle fait appel à la société ABCD Production, qui avait participé à la création du musée Éric Satie à Honfleur. Le parcours scénographié et le décor sont créés et la maison ouvre ses portes au public en 1999. En 2012, la petite-fille de Maurice Leblanc a revendu le Clos Lupin à la mairie d’Étretat, désormais propriétaire des lieux[15]. Le département de Seine-Maritime et la Région Haute-Normandie ont, chacun, participé au rachat de la maison à hauteur de 45% et la Mairie d’Étretat à hauteur de 10%[16]. Dans ce cas de figure, on constate que l’ensemble du processus de sauvegarde et de valorisation du lieu est exclusivement dû aux efforts de sa petite-fille, les collectivités locales ne s’étant intéressées que très récemment au clos Lupin. Ce lieu est donc bien plus récent que la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust et il semble qu’à la différence de ce dernier, la muséographie n’ait pas connu d’évolutions notables.
Qu’il s’agisse du Clos Lupin-Maison Maurice Leblanc ou de la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust, les processus de sauvegarde et de valorisation des lieux sont assez similaires. Initiatives à l’origine privées et individuelles, ces lieux susciteront par la suite l’intérêt des pouvoirs publics. Il s’agit également, dans les deux cas de figure, de lieux ayant préexisté à la reconnaissance des écrivains, ce pourquoi l’on peut parler de « sauvegarde ». En effet, il n’était pas question de créer totalement un nouveau lieu ou bien de dédier un espace n’ayant aucun rapport avec l’auteur pour y installer des collections ou des objets afin de lui rendre hommage. Cependant, on est loin de la maison d’écrivain conservée en l’état puisque ces deux maisons ont été vendues et habitées par plusieurs propriétaires avant de devenir des « lieux de mémoire ». Le mobilier d’origine et l’état général des bâtiments ne correspondent donc pas à ce que l’écrivain a connu avant de quitter les lieux.
Ce cas de figure est loin d’être inédit puisque de nombreuses maisons d’écrivains actuellement ouvertes à la visite sont en réalité des reconstitutions. Ce n’est pas cette direction qu’a suivie la petite-fille de Maurice Leblanc lorsqu’elle a racheté la maison puisque le visiteur pénètre dans la demeure d’Arsène Lupin et non dans celle de l’écrivain. Le mobilier des différentes pièces n’est donc pas celui de l’auteur qui a pourtant vécu entre ces murs. Les meubles, qui n’ont aucune valeur patrimoniale, servent à créer le décor de la maison du personnage de fiction. Notons que, dans les aventures d’Arsène Lupin, il n’est que très rarement question des lieux de vie du personnage. Celui-ci n’est pas associé à un endroit particulier dans l’univers créé par Maurice Leblanc. La maison d’Arsène Lupin est alors, d’une part, celle d’un personnage de fiction, d’autre part, une invention totale puisqu’elle ne trouve pas sa place dans les textes de Maurice Leblanc. Néanmoins, de nombreux éléments du décor qui se développent à l’intérieur de la maison font référence à ses aventures, à l’image d’une reproduction du tableau de la Joconde qui est l’occasion de rappeler le fameux vol d’Arsène Lupin ou bien de la salle où se trouve sa coiffeuse et de nombreux accessoires lui ayant permis de se déguiser afin de tromper ses adversaires.
La Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust diffère donc totalement sur ce point. En effet, l’appellation « Maison de Tante Léonie » postule une identité entre la maison du personnage de fiction de La Recherche et la maison qui se trouve à Illiers-Combray et qui a appartenu à la tante de Marcel Proust, Elisabeth Amiot. Par conséquent, il ne s’agit pas, comme c’est le cas au Clos Lupin, de créer un décor pouvant correspondre au domicile du personnage de fiction mais de pointer les similitudes qui existent entre le lieu de la fiction et le lieu ayant inspiré l’écrivain. Passée entre les mains de plusieurs propriétaires avant d’être rachetée et conservée par Germaine Amiot, la maison de Tante Léonie a fait l’objet de travaux, notamment pour retrouver sa façade d’origine, reconstitution basée sur des photographies d’époque. Le mobilier que le visiteur découvre à l’intérieur des différentes pièces n’est bien souvent pas d’origine, ce qui est bien précisé au cours de la visite. Les meubles ont des origines assez variées : mobilier du XIXe siècle n’ayant pas forcément appartenu à la famille mais censé symboliser le type d’intérieur de l’oncle et de la tante de Marcel Proust, mobilier ayant appartenu à Marcel Proust ou à sa famille et légué par certains de ses proches à l’Association des Amis de Combray ou bien reconstitution de certaines pièces à partir du texte de Combray. La visite oscille donc entre réalité et fiction littéraire, se faisant le reflet des motifs qui ont poussé à conserver le lieu, ce qui n’est pas sans rappeler le texte de Phillippe-Louis Larcher. Toutefois, la forme que prend la maison et la manière dont y sont présentés les liens entre réalité et imaginaire littéraire ont évolué.
Dans sa thèse, Delphine Guzowksi-Saurier repère deux périodes bien distinctes dans l’histoire de ce lieu. La première correspond à celle où Philippe-Louis Larcher était le secrétaire général de l’Association. Lorsque Mireille Naturel évoque les premiers aménagements de la maison qui ont eu lieu à cette époque, elle écrit :
« On commence par aménager le rez-de-chaussée avec les meubles de famille donnés par Mlle Amiot, et ceux fournis par M. Larcher. C’est la phase qui nous intéresse le moins puisqu’elle consiste en une reconstitution consciencieuse à partir de la fiction, celle de « Combray » et celle de « Sur la lecture », préface à Sésame et les Lys. Cette reconstitution naïve n’est pas sans renfermer un certain danger interprétatif ; elle invite à faire un contresens sur l’œuvre : Proust serait le meilleur représentant du réalisme, rivalisant avec Balzac dans ses descriptions exhaustives de la pension Vauquer. »[17]
Elle considère donc que cette première phase est « celle qui nous intéresse le moins » et critique cette manière d’utiliser le texte comme une partition pour reconstituer les lieux en mettant en avant les risques de mauvaises interprétations que cela implique. Selon Delphine Guzowksi-Saurier, la manière de gérer la maison évolue avec l’arrivée d’Anne Borrel au poste de secrétaire générale en 1986 :
« […]il est établi que la muséographie doit présenter la réalité, impliquant la nécessité de ²restituer non pas un aspect connu par nos contemporains, aussi pittoresque et attachant soit-il, mais bien, quels qu’en soient la banalité et le mauvais goût, l’aspect qu’a connu l’écrivain et qui a pu cheminer dans son souvenir et inspirer son œuvre² (A. Borrel, « Vie de la Société » in Bulletin de la Société des Amis de Marcel Proust et des Amis de Combray, 1990, n° 40 : 215). »[18]
Du souci de correspondre au texte de La Recherche, l’aménagement de la maison s’oriente vers une reconstitution la plus fidèle possible à la réalité des lieux tels que les a connus Marcel Proust. On notera d’ailleurs que le terme de « muséographie » est ici employé, gage de la scientificité et du souci d’authenticité des gestionnaires. Ce bref historique des évolutions qu’a connues la Maison de Tante Léonie montre bien que les choix muséographiques sont signifiants. Alors que la première période de la maison consistait en une reconstitution fortement liée au texte de La Recherche, cultivant un certain flou entre réalité et imaginaire littéraire, la seconde période revendique un souci de scientificité. Il s’agit alors de montrer au visiteur « l’aspect qu’a connu l’écrivain » et de distinguer ce qui relève de la réalité et de la fiction.
L’appellation même du lieu est signifiante : il ne s’agit pas uniquement de la Maison de Tante Léonie mais aussi du Musée Marcel Proust. En 1969, l’association des Amis de Marcel Proust évoque la possibilité de constituer un musée dans une des salles. Il sera inauguré en 1971, à l’occasion du centenaire de la naissance de Marcel Proust et sa direction sera confiée à la conservatrice du musée des Beaux-Arts de Chartres. Le terme de « musée » évoque un lieu qui abrite et offre aux yeux du public des collections ayant une valeur patrimoniale. Le fait qu’une conservatrice en soit chargée ajoute à la dimension scientifique du lieu. Néanmoins, et comme nous le verrons plus en détail par la suite, les objets présentés dans la salle du musée peuvent apparaître comme relevant du fétichisme. Toutefois, l’appellation « musée » renvoie à des codes particuliers et octroie au lieu une dimension patrimoniale. Ces enjeux terminologiques apparaissent également dans l’histoire du Clos Lupin. Bien que ce lieu ne présente pas véritablement de collections puisque les meubles et les divers objets de la maison servent à créer un décor et n’ont aucune valeur patrimoniale, les articles relatifs au rachat du Clos Lupin par les pouvoirs publics évoquent le rachat de la maison et de ses collections, à l’instar de ce petit reportage mis en ligne sur le site Youtube par le Département de Seine-Maritime le 15 février 2011. À 00.20 minutes, la voix off indique que la petite-fille de Maurice Leblanc a annoncé la vente de la maison et de ses collections. À 00.35 minutes, Florence Boespflug-Leblanc explique qu’elle a « […] travaillé pendant douze ans pour refaire ce musée à la gloire de [son] grand-père et d’Arsène Lupin […] » [19]
On peut en déduire que, pour justifier l’investissement des collectivités locales, il était nécessaire de préciser que la maison ainsi que le décor avaient été rachetés. Or, c’est le terme de « collections », fortement connoté dans le domaine de la muséologie, qui est employé, donnant l’impression que la maison recèle des objets patrimoniaux, rares et précieux. Le fait que la petite-fille de Maurice Leblanc qualifie ce lieu de « musée » va également dans ce sens. Or, si le Clos Lupin n’est pas une maison d’écrivain traditionnelle, il ne correspond pas non plus à la définition classique du musée puisque les objets que découvrent les visiteurs n’ont aucune valeur patrimoniale. Remarquons également que, même si la petite-fille de Maurice Leblanc parle de « musée », elle a baptisé le lieu « Clos Lupin-Maison Maurice Leblanc ». Cette structure ayant vu le jour à la fin des années 1990, soit à une période où les maisons d’écrivains sont déjà reconnues en France et se multiplient, on peut supposer que ce choix ne soit pas anodin. En effet, accoler au terme « Clos Lupin » celui de « Maison Maurice Leblanc » invite à rapprocher ce lieu des autres maisons d’écrivains, plus traditionnelles, qui célèbrent un auteur en invitant à découvrir sa demeure. La dénomination du lieu a donc son importance, puisqu’elle le situe dans un genre précis, qui suscite des horizons d’attentes spécifiques. Le visiteur pourrait donc s’attendre à visiter l’intérieur dans lequel a évolué Maurice Leblanc, ce qui est pourtant loin d’être le cas.
Structures relativement récentes et originales dans le paysage des lieux littéraires français, la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust et le Clos Lupin-Maison Maurice Leblanc ont été préservés grâce à l’action de particuliers avant que les pouvoirs publics ne s’y intéressent. Il semble également que ces deux structures cherchent à asseoir leur légitimité parmi les lieux littéraires. Bien que chacune propose au visiteur de pénétrer dans l’univers de la fiction littéraire, cette entrée dans l’imaginaire de l’auteur ne prend pas la même forme. Une analyse des sites tels qu’ils s’offrent actuellement aux visiteurs nous permettra d’interroger la manière dont les choix muséographiques peuvent nourrir les représentations d’un écrivain et de ses textes.
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Alors que l’appellation « maison Maurice Leblanc » est accolée à celle de « Clos Lupin », force est de constater que le visiteur ne découvre pas la maison dans laquelle a vécu l’écrivain mais pénètre dans l’antre du gentleman-cambrioleur. Pourtant, Maurice Leblanc a passé de nombreux moments au Clos Lupin. La maison a, certes, été revendue et habitée avant d’être rachetée par sa petite-fille mais, à l’image d’autres maisons dans ce cas, une reconstitution ou l’installation d’un musée auraient pu être envisagées. Ce type de dispositif aurait permis d’orienter la visite sur la figure de l’écrivain, en donnant à voir certains de ses manuscrits, révélateurs du travail d’écriture, des objets ayant appartenu à Maurice Leblanc et en revenant sur son parcours littéraire, sur les textes moins connus du public mais révélateurs de ses aspirations premières. Or, la place accordée à Maurice Leblanc au cours de la visite semble minime. Malgré le fait que l’on reconnaisse et présente ce lieu comme la maison de l’auteur, on est bien loin du culte de l’écrivain. La figure de l’auteur, loin d’être centrale, n’est cependant pas inexistante. En effet, la première pièce dans laquelle pénètre le visiteur n’est autre que le bureau de l’écrivain, pièce hautement symbolique, représentative du travail d’écriture et lieu de la création.
La « voix » de Maurice Leblanc se mêle à celle d’Arsène Lupin. Le visiteur entend Maurice Leblanc lui dire que c’est ici qu’il travaille, qu’il invente à Étretat. Derrière le bureau, se trouvent un portrait de Guy de Maupassant et un portrait de Gustave Flaubert, que la voix prêtée à Maurice Leblanc décrit comme « les deux grands ancêtres, deux normands qui m’ont tenu la main dans mes débuts littéraires. »[20] Au-delà de cette allusion, aucune autre remarque ne vient informer le visiteur des débuts littéraires de Maurice Leblanc. Rapidement, Arsène Lupin fait son entrée dans la pièce, ce que le visiteur comprend grâce à l’intervention de Maurice Leblanc qui demande à son invité de se présenter. Arsène Lupin est introduit grâce à un dialogue avec son créateur, créateur qui ne reconnaît même pas sa création puisque, comme à son habitude, Arsène Lupin arrive grimé sous les traits d’un autre personnage. Arsène Lupin s’exclame alors : « Voilà même que mon humble historiographe ne me reconnaît plus ! »[21] Le discours de l’audioguide présente donc Maurice Leblanc comme l’historiographe d’Arsène Lupin, instaurant rapidement cet entremêlement de la fiction et de la réalité, qui se poursuivra tout au long de la visite. Les informations biographiques se font donc rares. Cependant, le fait que la visite débute par une entrée dans le bureau de l’écrivain et qu’il commence par expliquer la manière dont il travaille, avant d’être interrompu par l’arrivée du personnage invite à interpréter la visite du Clos Lupin comme un parcours à l’intérieur de l’imagination de l’auteur. La manière dont Maurice Leblanc décrit son travail peut confirmer cette interprétation puisque :
« Après la promenade, il médite devant son feu de cheminée, son chat Cabotin sur ses genoux. Il confiera : « Quoi que je fasse, où que je sois, je rentre ici pour cinq heures. C’est un rendez-vous sacré. Au coin de la cheminée, je me recueille, et Arsène Lupin ne tarde pas à apparaître… Jusqu’à huit heures, je vis avec lui, il m’entraîne à sa suite dans toutes ses aventures. Je bâtis alors ces romans dont il est le héros. Je suis son témoin. »[22]
Le fait que la visite se termine en laissant la parole à Maurice Leblanc renforce également cette hypothèse. En effet, Arsène Lupin abandonne le visiteur et le laisse en compagnie de l’écrivain dans la dernière pièce de la maison, contraint et forcé de s’enfuir, l’inspecteur Ganimard approchant. Maurice Leblanc n’est donc pas absent de la maison mais, hormis les informations relatives à l’auteur dans le bureau et deux panneaux de texte à l’extérieur de la maison, l’un concernant l’histoire du Clos Lupin, l’autre la vie de Maurice Leblanc, très peu d’éléments au sujet de l’écrivain sont délivrés au cours de la visite. Alors que la figure de l’auteur est, la plupart du temps, le sujet central lors de la visite des maisons d’écrivains et des musées littéraires, l’écrivain est ici laissé de côté au profit de sa créature.
Comme le fait remarquer Marc Lits dans Le genre policier dans tous ses états, d’Arsène Lupin à Navarro, « […] la notion d’auteur a une valeur très relative dans le secteur des productions paralittéraires […] »[23] Il s’arrête d’ailleurs sur le cas de Maurice Leblanc et d’Arsène Lupin et montre que la sérialité implique une relation suivie entre les lecteurs et le personnage de fiction, relation qui efface progressivement la figure du créateur. Loin d’être anecdotique, le fait que le bibliothécaire chargé de mettre à disposition des lecteurs les ouvrages demandés se soit exclamé, à la vue de la biographie de Jacques Derouard : « Ah ! Maurice Leblanc est l’auteur d’Arsène Lupin ! C’est pour cela que ce nom me disait quelque chose ! » montre bien que Maurice Leblanc est toujours dans l’ombre de son personnage. L’intitulé même de la biographie de Jacques Derouard, Maurice Leblanc, Arsène Lupin malgré lui, pointe le fait que le personnage de fiction ait occulté la figure de l’auteur. Remarquons également que l’on se trouve face à un parti pris similaire à Londres, où l’on peut visiter la maison de Sherlock Holmes. Maurice Leblanc avait bien souvent été comparé à Conan Doyle, lui aussi auteur de célèbres romans policiers. Que les lieux qui leur sont dédiés prennent des formes semblables témoigne du fait que la figure de l’auteur ne soit pas considérée de la même manière selon les genres dans lesquels il s’illustre. Dans la maison du 221B Baker Street, Conan Doyle n’est même pas évoqué. Il semble que certains visiteurs pensent visiter la demeure d’un véritable détective privé puisque la personne chargée de la vente des billets d’entrée nous a bien précisé, lors de notre visite, que Sherlock Holmes était un personnage de fiction. Choisir de faire visiter la maison du personnage plutôt que celle de l’auteur favoriserait donc le souvenir de la créature plutôt que le culte du créateur, traditionnellement de mise dans les maisons d’écrivains.
La place accordée à l’auteur est bien plus centrale dans la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust. Alors que Marcel Proust n’a pas vécu dans cette maison mais y a passé quelques étés dans son enfance, les informations biographiques y sont nombreuses. À la différence des aventures d’Arsène Lupin qui s’inscrivent dans la fiction pure, La Recherche peut être considérée comme relevant du roman autobiographique. Lorsque Philippe Lejeune se penche sur la définition de l’autobiographie, il écrit que « Pour qu’il y ait autobiographie (et plus généralement littérature intime), il faut qu’il y ait identité de l’auteur, du narrateur et du personnage. Mais cette ²identité² soulève de nombreux problèmes […] »[24]. Pour cela, il explique qu’il n’est pas question d’aller chercher dans un « hors texte » mais que le nom de l’auteur apparaissant bien souvent dans le paratexte, si ce nom est repris et qu’il est identique à celui du narrateur et à celui du personnage, et surtout revendiqué comme tel, on peut considérer que l’on a affaire à un texte autobiographique, ce pourquoi il parle de « pacte »[25]. Or, le narrateur de La Recherche n’est pas nommé et l’on se trouve plutôt dans un texte qui relèverait du roman autobiographique, définit comme suit : « […] tous les textes de fiction dans lesquels le lecteur peut avoir des raisons de soupçonner, à partir des ressemblances qu’il croit deviner, qu’il y a identité de l’auteur et du personnage, alors que l’auteur, lui, a choisi de nier cette identité, ou du moins de ne pas l’affirmer. »[26]. Il semble que cette définition puisse s’appliquer à l’œuvre de Marcel Proust.
Par conséquent, les références à la vie de l’écrivain, bien souvent mises en perspective avec le texte de Combray, sont le fil conducteur de la visite[27]. Les objets face auxquels se trouvent les visiteurs sont le support du discours de la visite guidée et permettent de faire allusion à plusieurs types d’informations relatives à la biographie de l’écrivain, à son œuvre ainsi qu’à l’histoire du lieu. Les premiers éléments délivrés dans l’orangerie font office d’introduction. Le statut particulier de la maison de Tante Léonie, lieu dans lequel est véritablement venu Marcel Proust mais aussi lieu symbolique de l’univers dépeint dans Combray, est brièvement présenté. La visite s’arrête sur les séjours de l’écrivain dans cette maison avant de s’intéresser à ses origines familiales, en accordant une place de choix à Jules et Elisabeh Amiot. Les photographies d’Illiers sont l’occasion de présenter le village et d’indiquer l’emplacement de lieux tels que l’épicerie de la famille Proust qui ont été effacés par le temps et remplacés par d’autres bâtiments. À la différence du texte de Philippe-Louis Larcher qui parcourait Illiers au regard des textes proustiens, la visite guidée n’évoque le village qu’en référence à la biographie de l’écrivain. La suite de la visite se poursuit dans la cour et revient sur l’histoire de la maison, en indiquant au visiteur que la façade actuelle a été reconstituée à partir d’une photographie de l’époque où l’oncle et la tante de Marcel Proust occupaient les lieux. Les premiers éléments de la visite guidée sont donc assez traditionnels. Une fois la porte de la maison poussée, la visite prend une nouvelle dimension : les références aux textes proustiens, suscitées par l’ameublement de certaines pièces, se font nombreuses. En pénétrant dans la demeure, le visiteur entre également dans l’imaginaire de l’écrivain, dans la maison de la Tante Léonie. Dans la cuisine, la guide explique la manière dont les différentes pièces de la maison ont été aménagées en précisant bien qu’il s’agit, à chaque fois, de reconstitutions. Certaines pièces ont été réaménagées avec du mobilier ayant appartenu à l’écrivain et légué à la maison. D’autres ont été reproduites selon les descriptions que l’on trouve dans les textes. Ainsi de la cuisine où une assiette avec un décor d’asperge se trouve sur la table, faisant référence au personnage de Françoise. D’autres pièces, qui comportent des objets ayant appartenu à Marcel Proust, permettent d’évoquer certains aspects de sa vie, à l’image du tableau « Anémone et Iris » qui se trouve dans l’une des chambres de l’étage et invite à évoquer la vie mondaine de l’écrivain et ses liens avec Reynaldo Hahn. La découverte des différentes pièces de la maison oscille donc entre réalité et fiction, invitant le visiteur à passer de l’une à l’autre.
Au sein du lieu, deux espaces se distinguent : la salle Nadar et la salle du musée. Située à l’étage de la maison, la salle Nadar présente des reproductions de photographies de personnalités ayant eu une importance dans la vie de Marcel Proust. Les photographies que peut observer le visiteur dans cette salle permettent d’illustrer les différents cercles fréquentés par Marcel Proust et sont regroupées par thématiques : membres de sa famille, personnes qui ont inspiré l’écrivain pour créer les personnages de La Recherche, personnalités littéraires de l’époque et, plus largement, personnalités artistiques ou fréquentant les salons, ainsi que l’aristocratie de l’époque. Les deux pièces visitées avant d’entrer dans cette salle comportent des meubles légués à la structure et font référence à la biographie de l’écrivain tout comme les pièces que l’on visite par la suite, avant d’accéder au musée. L’imaginaire proustien s’efface donc peu à peu, au profit d’éléments témoins de la vie de l’auteur. La visite se termine par la salle du musée, salle que nous avons déjà évoquée précédemment. Bien que le terme de « musée » renvoie au domaine patrimonial, les objets que comporte cette salle peuvent être perçus comme des reliques. Ainsi de la médaille avec une mèche de cheveux de Marcel Proust, coupée sur son lit mortuaire à la demande de son frère. Remarquons également que les vitrines de cette salle n’accueillent pas de manuscrits ou d’éditions rares. Les visiteurs y découvrent majoritairement des objets ayant appartenu aux proches de Marcel Proust, comme le Traité d’hygiène écrit par son père ou bien sa toge de professeur de médecine. Une vitrine est dédiée à la famille Amiot, une autre à Céleste Albarret, la dernière gouvernante de l’écrivain qui a été à son service durant les neuf dernières années de sa vie. On trouve néanmoins une bibliothèque qui contient certains ouvrages ayant appartenu à Marcel Proust et ayant eu une certaine importance pour lui. Pourtant, lors de la deuxième période repérée par Delphine Guzowksi-Saurier dans sa thèse, il semble que l’on adopte un regard critique envers la dimension fétichiste des lieux littéraires :
« L’admirateur pèlerin, considéré comme le ²bon² visiteur au temps de P. L. Larcher, semble, sous la direction d’A. Borrel, cristalliser en lui les caractéristiques du visiteur qui dévalorise, par ses démarches, le patrimoine littéraire que constituent les maisons d’écrivain. Cette nouvelle représentation du visiteur pèlerin renvoie aux débats qui ont opposé les responsables des maisons d’écrivain au cours des années 1990. La dévaluation de cette figure du visiteur avait été accentuée par l’apparition de deux autres termes : voyeurisme et fétichisme. »[28]
Ces interrogations quant aux objets et à la manière dont on aborde la maison d’écrivain sont donc fréquentes à cette période et l’on peut s’étonner des choix opérés dans la salle du musée, compte tenu de la position d’Anne Borrel sur la question. Il semble ici essentiel de s’arrêter rapidement sur ce qui différencie la maison d’écrivain du musée ou de l’exposition littéraire. Alors qu’une exposition ou un musée peuvent prendre place dans un lieu que l’on qualifiera de « neutre », c’est-à-dire n’ayant pas forcément de symbolique particulière, au sein duquel seront rassemblés des objets ayant une valeur patrimoniale, la maison d’écrivain constitue un patrimoine littéraire dans son ensemble. Le visiteur cherche à découvrir une ambiance particulière et, comme le note Mireille Naturel, « L’expérience montre que les visiteurs sont surtout sensibles à l’atmosphère de la maison, qui semble figée dans le temps, vivent leur propre expérience de résurrection du passé, en repensant à la maison familiale de leur enfance. »[29]. Ces considérations permettent de mieux comprendre le type d’objets que découvrent les visiteurs dans la salle appelée « musée », objets qui tendent à poursuivre les impressions et la proximité avec l’écrivain qu’aura suscitée la visite de la maison. Ainsi, et même si la Maison de Tante Léonie a connu un changement d’orientation, les gestionnaires ont sans doute souhaité préserver cette dimension bien particulière, propre à la maison d’écrivain, participant à inscrire le lieu dans ce type de structure. Au-delà des références très présentes à la figure de l’auteur, qui se justifient par l’aspect autobiographique de son œuvre, certains objets viennent donc témoigner de son existence. En cela, la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust diffère du Clos Lupin-Maison Maurice Leblanc dans laquelle ce type d’objets est inexistant. Le visiteur est invité à entrer dans l’univers des aventures d’Arsène Lupin et la frontière entre réalité et fiction semble volontairement effacée alors qu’elle est sans cesse rappelée au visiteur de la Maison de Tante Léonie.
En effet, les pièces reconstituées selon les textes proustiens sont, certes l’occasion d’y faire allusion et de citer certains extraits, mais toujours en insistant sur le fait qu’il s’agit de fiction. La chambre de la tante Léonie a été aménagée en utilisant le texte de Combray comme partition. Le visiteur peut y admirer, sous vitrine, la bouteille d’eau de Vichy Célestin et la célèbre madeleine, objets hautement symboliques mais n’ayant aucune valeur patrimoniale. Pourtant, les avoir placés dans une vitrine attire l’attention du visiteur à leur égard et les désigne comme dignes d’intérêt, en leur octroyant une certaine aura. La mise en scène joue alors sur les codes muséographiques traditionnels mais la figure du guide sert de garde-fou pour éviter que le visiteur ne quitte les lieux en croyant que Tante Léonie a véritablement existé. Le discours vient donc éclairer les dispositifs muséographiques et ramène sans cesse le visiteur à la réalité. La visite de la Maison de Tante Léonie est donc placée sous le signe de la scientificité. Elle permet, certes, de découvrir un lieu qui reflète l’univers de la fiction mais le discours du guide est le garant de l’exactitude des informations dispensées au visiteur et de l’interprétation de la muséographie.
On peut d’ailleurs remarquer que 93% des maisons d’écrivains optent pour la visite guidée[30], forme qui est donc largement privilégiée par ces structures. D’une part, la visite guidée permet de délivrer de nombreuses informations aux visiteurs sans dénaturer les lieux par des cartels ou des panneaux de texte. D’autre part, cette forme de transmission des savoirs offre la possibilité d’avoir un interlocuteur direct auquel poser des questions. Au Clos Lupin, la visite se déroule avec un audioguide. Le visiteur effectue donc le parcours seul alors que la plupart des visites réalisées en compagnie d’un guide s’effectuent en groupe. Le visiteur du Clos Lupin ne peut donc pas poser de questions lors de son parcours et il doit suivre le rythme de l’audioguide, qui est synchronisé avec l’éclairage des différentes pièces de la maison. La voix qui se fait entendre et guide le visiteur étant celle d’Arsène Lupin, on comprend mieux le choix de ce dispositif. En effet, la seule voix du gentleman-cambrioleur offre une certaine liberté quant à l’imaginaire du visiteur en évoquant le personnage. Ce mécanisme serait plus complexe à obtenir si un acteur jouant le rôle d’Arsène Lupin guidait le visiteur. De plus, le visiteur réalisant sa visite seul et n’ayant pas d’intermédiaire auquel s’adresser, aucun élément ne peut venir rompre le voyage dans l’univers lupinien. La posture que le visiteur est invité à adopter lors du parcours se rapproche donc de celle du lecteur des aventures d’Arsène Lupin. La manière même dont s’opère le passage de la réalité à la fiction n’est pas sans rappeler Les Confidences d’Arsène Lupin, et plus spécifiquement Les jeux du soleil[31]. Arsène Lupin est introduit grâce à un dialogue avec son créateur, créateur qui ne reconnaît même pas sa créature puisque, comme à son habitude, Arsène Lupin arrive grimé sous les traits d’un autre personnage. Arsène Lupin s’exclame alors : « Voilà même que mon humble historiographe ne me reconnaît plus ! »[32] Le discours de l’audioguide présente donc Maurice Leblanc comme l’historiographe d’Arsène Lupin, instaurant rapidement cet entremêlement de la fiction et de la réalité, qui se poursuivra tout au long de la visite.
Ce constat nous amène à réfléchir aux rapports entre la réalité et la fiction, au regard des genres littéraires et des représentations de l’auteur, à savoir de l’écrivain « classique » mais surtout reconnu en tant que tel et de la paralittérature, plus spécifiquement du roman policier. Il semble intéressant de remarquer que, dès les publications d’Arsène Lupin, la confusion entre réalité et fiction existe déjà :
« On lisait dans Je sais tout d’avril : ²Un grand nombre de lecteurs, qui s’intéressent prodigieusement au célèbre gentleman cambrioleur, devenu aujourd’hui populaire dans toute la France et dans le monde entier, nous ont posé cette question : Arsène Lupin existe-t-il réellement ? Et comment son historiographe le connaît-il ? Nous avons transmis à M. Maurice Leblanc cette question, et il se propose d’y répondre lui-même.² »[33]
D’après cette citation, il semble même que l’éditeur Pierre Laffite et Maurice Leblanc jouent de cette confusion, qui permettait sans doute de fidéliser et d’attirer les lecteurs. Loin de la remettre en question et de la réfuter, ils participent au contraire au brouillage des frontières entre fiction et réalité, Maurice Leblanc entrant dans le jeu. Dans son ouvrage sur le genre policier, Marc Lits s’arrête sur cette question et écrit que :
« Le romancier va jouer de tous les effets de réel possibles, par exemple en exploitant des coupures de presse présentées comme authentiques, et destinées à assurer la crédibilité de son récit. Ces titres de journaux authentiques vont servir d’hameçon pour capter l’intérêt du lecteur, tant il est avéré que rien n’est plus séduisant que le vraisemblable, sinon le vrai […] »[34]
Les ressorts d’un roman policier se basent effectivement sur l’effet de réel. Marc Lits relève également les liens entre le récit policier et les faits divers, entre l’écriture des romanciers et celle des journalistes, en ajoutant que la parution dans des organes de presse de nombreux policier renforce cet effet. Il s’agit de faire en sorte que le lecteur croie à l’histoire que lui raconte le romancier afin de se laisser prendre par l’intrigue. Le lecteur accepte donc de se laisser convaincre par la vraisemblance du récit, tout comme le visiteur du Clos Lupin qui accepte de faire comme s’il visitait la maison d’une véritable personne. On notera également que les aventures d’Arsène Lupin ont très rapidement suscité une autre appréhension des lieux. Jacques Derouard note qu’en 1917, un guide touristique évoque Arsène Lupin en décrivant les falaises d’Étretat[35] et qu’en 1927, un groupe d’étudiants de l’université de Philadelphie séjourne à Étretat, livre en main, pour confronter la réalité et la fiction :
« C’est à eux que songe Maurice lorsqu’il rapporte cette anecdote, dans un entretien publié par Le Figaro : au journaliste qui lui demandait quel était ²le plus beau souvenir de sa vie d’écrivain², il répond : ²Je n’oublierai jamais ce jour où, jouant au golf sur la falaise d’Etretat, j’aperçus un groupe de jeunes Américains qui, un livre ouvert à la main, prenaient des mesures et semblaient chercher quelque chose […] Ils venaient d’Amérique en partie de plaisir pour vérifier l’itinéraire qui, à travers les ruines d’un petit château fort et dans l’épaisseur d’une falaise, avait conduit Arsène Lupin jusqu’aux cavernes où les maîtres de la France, depuis Jules César, gardaient jalousement leur trésor². ²Quelle émotion pour vous !², fait remarquer le journaliste à Maurice qui répond : ²Et pour Lupin, donc ! Lorsque je lui eus raconté ce petit incident, il a pleuré de joie !² »[36]
Ici aussi, on remarque que Maurice Leblanc n’hésite pas à faire comme si Arsène Lupin existait réellement. De plus, il semble trouver tout à fait flatteur que des touristes d’origine étrangère sillonnent les terres normandes guidés par son personnage. On retrouve, dans la démarche de ces touristes, une dimension que l’on pourrait qualifier de fétichiste puisqu’ils cherchent à vérifier la vraisemblance de l’itinéraire suivi par Arsène Lupin. Néanmoins, ces touristes n’étaient sans doute pas sans savoir que cet itinéraire n’avait jamais été véritablement suivi par le personnage. On pourrait alors postuler qu’il s’agit ici d’un fétichisme au second degré, ces touristes cherchant à faire perdurer le plaisir que leur avait procuré la lecture des œuvres en se rendant sur place et en projetant les images de la fiction sur le paysage réel. Il semble donc que la confusion entre fiction et réalité ne soit pas problématique dans le cas d’Arsène Lupin et que l’auteur et les lecteurs se complaisent dans une attitude consistant à « faire comme si », attitude qui se retrouve dans la posture que le visiteur du Clos Lupin est invité à adopter. En revanche, du côté de chez Marcel Proust, il semble qu’il en aille autrement et que l’on cherche à rétablir la vérité, en évitant à tout prix de perdre le visiteur entre Illiers et Combray, dont les noms ont certes été juxtaposés mais restent tous deux présents, l’un témoignant de la réalité, l’autre de l’univers fictionnel. Ce souci de bien distinguer entre réalité et fiction tient sans doute au texte même de La Recherche, à la lisière du roman et de l’autobiographie. Par conséquent, la Maison de Tante Léonie ne peut être présentée comme étant le même lieu que celui du texte mais il ne peut pas non plus être réduit à un simple lieu que Marcel Proust aurait fréquenté dans son enfance. On comprend donc bien les inquiétudes de Mireille Naturel quant aux interprétations qui pourraient ressortir de la visite et le souci de bien distinguer entre réalité et fiction lors de la visite guidée.
Le discours de la visite guidée est, par conséquent, plus classique que celui délivré par l’audioguide du Clos Lupin. Les informations concernant la vie de l’auteur, l’histoire du lieu et les références à l’œuvre sont des thématiques courantes lors de la visite des maisons d’écrivains. Or, au Clos Lupin, l’aménagement de la maison et le discours de l’audioguide ne sont pas orientés vers ce type de connaissances. L’intérieur de la maison étant un décor inventé de toutes pièces, le discours porté par l’audioguide et la voix d’Arsène Lupin ne peut prétendre à l’exactitude. Les codes de la muséographie traditionnelle sont donc absents du Clos Lupin puisque l’on ne trouve aucune vitrine, aucun objet patrimonial mais que l’on cherche à faire entrer le visiteur dans l’univers d’Arsène Lupin par le biais d’objets symbolisant le personnage et ses aventures. Bien que la création du décor soit basée sur les aventures du gentleman-cambrioleur, le texte n’est pas utilisé comme une partition, à la différence de la Maison de Tante Léonie. Le visiteur est plutôt invité à adopter la posture du lecteur d’Arsène Lupin. En effet, le fil conducteur de la visite n’est pas la figure de l’auteur mais la résolution de l’énigme de L’Aiguille Creuse, l’une des plus célèbres aventures du gentleman-cambrioleur qui se déroule à Étretat. Les différentes pièces sont alors l’occasion, pour Arsène Lupin, de faire allusions à certaines de ses aventures sur un ton malicieux, bien caractéristique du personnage. La voix d’Arsène Lupin se mêle parfois à celle d’autres protagonistes, tel qu’Isidore Bautrelet, l’adolescent qui essaie, lui aussi, de résoudre l’énigme. Ainsi, en pénétrant dans la salle où se trouvent les vêtements d’Arsène Lupin et sa coiffeuse, le personnage explique qu’il a pour habitude de se déguiser pour arriver à ses fins.
Les photographies accrochées au mur représentent certaines des figures qu’a incarnées Arsène Lupin. Il cite leur nom, s’arrête sur l’un deux et le visiteur comprend qu’au moment où il s’adresse à lui, Arsène Lupin se présente sous les traits de ce personnage. Survient alors un dialogue avec Isidore Bautrelet qui ne le reconnaît pas et auquel le visiteur a l’impression d’assister. Arsène Lupin s’amuse de la naïveté de son adversaire et l’enquête peut se poursuivre. Arsène Lupin oriente le visiteur dans la résolution de l’énigme grâce aux indices présents dans la maison. Les habituelles références à la vie de l’auteur, à la manière dont il travaillait ou bien à l’histoire du lieu font donc place à une sorte de narration poussant le visiteur à devenir acteur. Cette posture n’est pas sans rappeler celle du lecteur des aventures d’Arsène Lupin, à la recherche d’indices dans le texte. L’audioguide peut alors être comparé à un livre audio. D’une part, il comporte certaines citations du texte de L’Aiguille Creuse. Alors que la guide de la Maison de Tante Léonie indiquait explicitement les moments où elle citait les textes de Marcel Proust, les citations s’intègrent entièrement dans le discours de l’audioguide et il n’est pas toujours aisé de distinguer ce qui relève de la citation littérale de ce qui relève du texte inventé pour le parcours de visite. D’autre part, la voix d’Arsène Lupin est celle de Georges Descrières, qui a incarné le personnage au cinéma. Il met donc à profit ses talents d’acteur et les intonations de sa voix favorisent l’entrée dans la fiction. Le visiteur est bien souvent interpellé par le personnage, ce qui efface également la frontière entre réalité et fiction et l’implique davantage dans la résolution de l’énigme. Ce type de dispositif paraît difficilement envisageable pour la Maison de Tante Léonie. Là encore, une allusion aux pratiques culturelles liées à certains genres littéraires semble éclairante. Le fait de mettre en scène l’univers lupinien par le biais de différents médias semble représentatif du genre policier. Marc Lits consacre d’ailleurs un chapitre de son ouvrage à cette question et définit le policier comme un genre transmédiatique :
« Une série générique policière se constitue donc dans la durée, à travers des supports variés, des cultures différentes, franchissant même la frontière entre réel et fiction. Le genre s’impose à travers les feuilletons dans la presse, les nouvelles publiées dans les journaux, les fascicules bon marché, les recueils des collections populaires, les collections de romans policiers (« Le Masque » s’impose dès 1927 et la « Série noire » en 1945). Et dès qu’un nouveau média d’information et de divertissement émerge, le genre policier y trouve une place. »[37]
Force est de constater que ces caractéristiques correspondent bien à la manière dont les aventures d’Arsène Lupin se sont déployées aux yeux du public. Dans sa biographie de Maurice Leblanc, Jacques Derouard évoque les multiples propositions d’adaptations cinématographiques reçues par Maurice Leblanc ainsi que les pièces de théâtres et les adaptations radiophoniques. Les aventures d’Arsène Lupin se déclineront donc au sein de nombreux médias et ce de manière contemporaine à la parution de ses aventures. Bien que La Recherche ait, elle aussi, été l’objet d’adaptations en films mais aussi en bande-dessinée, cela n’aura lieu que bien longtemps après la publication de l’œuvre. De plus, ces adaptations sont beaucoup plus rares que celles dédiées aux aventures d’Arsène Lupin. La manière dont les aventures d’Arsène Lupin se sont ancrées dans l’imaginaire collectif est donc fortement liée aux différentes représentations du personnage, représentations que perpétue la visite du Clos Lupin.
Cette mise en scène des aventures d’Arsène Lupin auxquelles participe le visiteur semble prendre une dimension ludique. Au-delà du flou assumé entre réalité et fiction, de la posture d’enquêteur du visiteur, l’utilisation de certains dispositifs animés place la visite sous le signe du jeu. Arrivé à la fin du parcours, proche de la résolution de l’énigme, le visiteur patiente dans une pièce où se trouvent des cartes de la région d’Étretat, ce qui offre l’occasion de revenir sur l’affection que porte Arsène Lupin à la Normandie. La voix du personnage indique qu’il faut attendre que la marée permette d’accéder aux célèbres falaises. Un tableau noir qui porte les mentions « marée basse » et « marée haute » est placé à côté de la porte de la pièce suivante.
Afin d’indiquer au visiteur le moment de pousser cette porte, une bouteille est fixée au tableau et tourne pour indiquer les marées. À marée basse, le visiteur pénètre dans une pièce obscure, où les lumières s’allument progressivement. Sur les murs, des tentures présentent une vue paysagère des falaises d’Étretat. Par des jeux de lumière, les falaises s’effacent progressivement et laissent apparaître un trésor composé de pièces d’or et de divers bijoux.
Alors que la visite de la Maison de Tante Léonie s’attache à l’exactitude des informations délivrées et à marquer la frontière entre réalité et fiction, témoignant de la complexité du roman autobiographique, la visite du Clos Lupin se rapproche d’une aventure amusante. Cette dimension ludique est assez originale et l’on peut se demander si elle ne pourrait pas renforcer les représentations des textes de Maurice Leblanc comme relevant de la paralittérature. La publication des aventures d’Arsène Lupin dans la collection des Intégrales du masque de 1998 est précédée de deux textes dont l’un de Alain Decaux, censé vanter les mérites du gentleman-cambrioleur. Alain Decaux cherche véritablement à faire l’éloge du gentleman-cambrioleur, mais cela ne s’opère qu’en mettant en avant la dimension plaisante et ludique que procurent la lecture des textes, participant à les classer du côté du divertissement. On peut notamment relever : « S’il est un héros de roman à qui l’enfance ne fera jamais défaut, c’est bien Arsène Lupin. »[38]. Membre de l’Académie française, Alain Decaux associe donc les aventures d’Arsène Lupin à ses lectures d’enfance. Il écrit également : « Chaque été, désormais, dès que je franchissais le seuil de la maison de mon grand-père, je courais à ce rayonnage où, l’année précédente, j’avais rangé Arsène Lupin gentleman-cambrioleur. […] Pas de doute : j’étais en vacances. » [39] Lecture d’enfance et lecture de vacances, les aventures d’Arsène Lupin semblent donc ici présentées comme relevant du loisir. L’aspect ludique de la visite pourrait alors nourrir ce type de représentations qu’aurait peut-être remis en question l’aménagement d’une maison d’écrivain plus traditionnelle dédiée à Maurice Leblanc.
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Maisons d’écrivains bien particulières dans le paysage français, la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust et le Clos Lupin-Maison Maurice Leblanc offrent deux cas de figure dont la comparaison permet de réfléchir à la spécificité de ces lieux. Bien que ces deux structures tendent à matérialiser l’imaginaire littéraire développé par les auteurs auxquels elles rendent hommage, les partis pris de visite ne sont pas les mêmes. L’analyse et la comparaison des dispositifs actuellement proposés laissent penser que les choix muséographiques qui s’opèrent dans les lieux littéraires ne sont pas étrangers aux représentations suscitées par l’auteur et ses textes. En effet, malgré le fait que ces deux lieux aient été labellisés « maison des illustres » en 2011 et 2013, reflet de la reconnaissance accordée aux propriétaires des lieux par les institutions, les représentations qu’ils offrent des écrivains auxquels ils font référence sont bien différentes. Le souci de vérité scientifique est prédominant chez les gestionnaires de la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust et la volonté de ne pas sombrer dans le fétichisme et d’éviter de mauvaises interprétations des textes sont centrales. Les liens très forts entre fiction et réalité qui apparaissent comme caractéristiques du roman policier sont donc moins problématiques au sein du Clos Lupin-Maison Maurice Leblanc qui propose au visiteur de jouer à faire comme s’il croyait visiter la maison du gentleman-cambrioleur. Ces partis pris semblent avoir une cohérence au regard des textes et de leur réception.
De plus, il semble que la manière dont ces lieux sont conçus puisse également constituer un facteur influant sur la réception des textes et les représentations de l’écrivain. En effet, le souci de scientificité affirmé par les gestionnaires de la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust peut s’étendre à la manière dont les visiteurs vont se représenter l’œuvre et l’écrivain. La visite guidée traditionnelle, qui donne de nombreuses indications biographiques, tout en insistant sur l’origine du mobilier et les références au texte, place le visiteur dans une posture assez classique. Le visiteur quitte les lieux en ayant acquis des connaissances relatives à La Recherche mais aussi à la vie de Marcel Proust. Au Clos Lupin, le visiteur est invité à résoudre l’énigme de l’Aiguille Creuse, ce qui lui permet de se familiariser avec les aventures d’Arsène Lupin. Cependant, l’audioguide ne délivre pas véritablement d’informations sur le champ littéraire. Rappelons qu’il s’agit bel et bien d’une maison dans laquelle Maurice Leblanc a vécu et écrit. Si ce lieu avait pris la forme d’une maison d’écrivain plus classique, le visiteur aurait sans doute découvert les différentes pièces du quotidien de Maurice Leblanc et les informations délivrées au cours de la visite lui auraient permis de mieux connaître l’écrivain. Lorsqu’Antoine Compagnon évoque la reconnaissance de Marcel Proust, il fait référence à la découverte des autres textes écrits de la main de l’auteur[40]. Or, la visite du Clos Lupin-Maison Maurice Leblanc ne met pas en avant les aspirations initiales de l’écrivain et ses premiers récits. La dimension ludique qui ressort du Clos Lupin peut renforcer l’impression que les aventures d’Arsène Lupin constituent des lectures divertissantes, à l’image de la préface d’Alain Decaux qui ne comporte aucune analyse relative à la forme des textes mais se base uniquement sur le contenu et le plaisir que suscite leur lecture. Les choix muséographiques viendraient donc, dans le cas de Marcel Proust, renforcer la représentation de l’écrivain classique et consacré et, à l’inverse, dans le cas de Maurice Leblanc, renforcer l’image d’un écrivain effacé par son personnage et relégué au rang de la paralittérature. On peut néanmoins se demander si la labellisation « Maison des Illustres » ne pourrait pas également être perçue comme une légitimation des partis pris muséographiques du Clos Lupin, pouvant entraîner une autre réception du lieu.
Bibliographie
Sources primaires
Lieux visités
Maison de Tante Léonie – Musée Marcel Proust, Place Lemoine, 28120 Illiers –Combray, visite effectuée en juin 2013
Clos Lupin – Maison Maurice Leblanc, 15 rue Guy de Maupassant, 76790 Étretat, visite effectuée en août 2013
Enregistrements audios
Enregistrement de la visite guidée de la Maison de Tante – Léonie – Musée Marcel Proust réalisé en juin 2013
Enregistrement de l’audioguide du Clos Lupin – Maison Maurice Leblanc réalisé en août 2013
Textes
Maurice LEBLANC, Maurice Leblanc, Paris, Éditions du Masque, 1998, collection Intégrales du masque
Marcel PROUST, À la recherche du temps perdu, Paris, Robert Laffont, 1987, collection Bouquins
Sources vidéo
http://www.youtube.com/watch?v=2zImBPGuAfM , reportage mis en ligne par le Département de Seine-Maritime le 15 février 2011.
Sources secondaires
Ouvrages
Jacques DEROUARD, Maurice Leblanc, Arsène Lupin malgré lui, Paris, Éditions Séguier, 2001, 354 p.
Delphine GUZOWSKI-SAURIER, Médiations et co-construction du Patrimoine littéraire de Marcel Proust, La Maison de Tante Léonie et ses visiteurs, thèse présentée pour l’obtention du diplôme de Doctorat en muséologie (Sciences de l’Information et de la Communication, Sociologie) sous la direction de Daniel Jacobi, Professeur à l’Université d’Avignon et Jacqueline Eidelman, Chercheur (Cerlis, CNRS/Université Paris V), soutenue le 8 décembre 2003.
Philippe LEJEUNE, Le pacte autobiographique, Paris, Éditions du Seuil, 1975, 357 p.
Marc LITS, Le genre policier dans tous ses états, d’Arsène Lupin à Navarro, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 2011, 194 p.
Anne-Marie THIESSE, Le Roman du quotidien, Lecteurs et lectures populaires à la Belle Époque, Paris, Éditions du Seuil, 2000, collection Points Histoire, 283 p.
Articles
Antoine COMPAGNON, « Lieu de mémoire », article en ligne sur le site du Collège de France, disponible à l’adresse http://www.college-de-france.fr/media/antoinecompagnon/UPL18784_1_A.Compagnon_Lieu_de_m_moire.pdf
Mireille NATUREL, « Du lieu de pèlerinage au réseau européen le cas de la maison de Tante-Léonie » in Revue d’histoire littéraire de la France, 109e année, n°4, « Les Maisons d’écrivains », octobre-décembre 2009, Presses Universitaires de France, Paris
« Nouveau tournant pour le « Clos Lupin » », article paru le 06/12/2012, disponible à cette adresse : http://www.seinemaritime.net/nos-actions/culture/lieux-et-patrimoine/clos-lupin.html
Enquêtes
Enquête sur les Maisons d’écrivains, juillet 2012, réalisée à la demande du Service du Livre et de la Lecture du Ministère de la Culture et de la Communication, mise en œuvre par la Fédération Nationale des Maisons d’écrivain et des patrimoines littéraires avec le concours de l’université de Bordeaux 3
[1] La dernière enquête sur les maisons d’écrivains en dénombre 185 en France.
Enquête sur les Maisons d’écrivains, juillet 2012, réalisée à la demande du Service du Livre et de la Lecture du Ministère de la Culture et de la Communication, mise en œuvre par la Fédération Nationale des Maisons d’écrivain et des patrimoines littéraires avec le concours de l’université de Bordeaux 3 : « On peut donc considérer que le nombre global de Maisons d’écrivain en France est d’environ 185. » p. 8
[2] Les informations relatives à la vie de Maurice Leblanc sont issues de la biographie que lui a consacrée Jacques Derouard : Jacques DEROUARD, Maurice Leblanc, Arsène Lupin malgré lui, Paris, Éditions Séguier, 2001
[3] Les informations concernant le parcours de Marcel Proust sont issues de la biographie de Jean-Yves Tadié.
Jean-Yves TADIÉ, Marcel Proust, Biographie, Paris, Gallimard, 1996, Nouvelle Revue française
[4] Victor E. GRAHAM, Bibliographie des études sur Marcel Proust et son œuvre, Genève, Librairie Droz, 11 rue Massot, 1976, Histoire des idées et critique littéraire, vol. 154
[5] Jacques DEROUARD, Maurice Leblanc […],, p. 135
[6] Anne-Marie THIESSE, Le Roman du quotidien, Lecteurs et lectures populaires à la Belle Époque, Paris, Éditions du Seuil, 2000, collection Points Histoire
[7] Philippe-Louis LARCHER, Le parfum de Combray : pèlerinage proustien à Illiers, Paris, Mercure de France, 1945, p. 7
[8] Ibidem, p. 18
[9] Delphine GUZOWSKI-SAURIER, Médiations et co-construction du Patrimoine littéraire de Marcel Proust, La Maison de Tante Léonie et ses visiteurs, thèse présentée pour l’obtention du diplôme de Doctorat en muséologie (Sciences de l’Information et de la Communication, Sociologie) sous la direction de Daniel Jacobi, Professeur à l’Université d’Avignon et Jacqueline Eidelman, Chercheur (Cerlis, CNRS/Université Paris V), soutenue le 8 décembre 2003, p. 69
[10] Mireille NATUREL, « Du lieu de pèlerinage au réseau européen le cas de la maison de Tante-Léonie » in Revue d’histoire littéraire de la France, 109e année, n°4, « Les Maisons d’écrivains », octobre-décembre 2009, Presses Universitaires de France, Paris, p. 833
[11] Delphine GUZOWSKI-SAURIER, Médiations et co-construction […], p. 70
[12] Mireille NATUREL, « Du lieu de pèlerinage […] », p. 834
[13] Ibidem, p. 838
[14] Jacques DEROUARD, Maurice Leblanc […], p. 226.
Ces informations ont également été confirmées par Jacques Derouard à l’occasion d’une conversation téléphonique en novembre 2013.
[15] Ces informations ont été délivrées par les personnels de l’accueil du Clos Lupin lors d’une conversation téléphonique en novembre 2013.
[16] « Nouveau tournant pour le « Clos Lupin » », article paru le 06/12/2012, disponible à cette adresse : http://www.seinemaritime.net/nos-actions/culture/lieux-et-patrimoine/clos-lupin.html
[17] Mireille NATUREL, « Du lieu de pèlerinage […] », p. 834
[18] Delphine GUZOWSKI-SAURIER, Médiations et co-construction […], p. 76
[19] http://www.youtube.com/watch?v=2zImBPGuAfM, reportage mis en ligne par le Département de Seine-Maritime le 15 février 2011, dernière consultation le 23/04/2014
[20] Citation extraite du discours de l’audioguide du Clos Lupin – Maison Maurice Leblanc, visite en août 2013.
[21] Ibidem.
[22] Jacques DEROUARD, Maurice Leblanc […], p. 232
[23] Marc LITS, Le genre policier dans tous ses états, d’Arsène Lupin à Navarro, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 2011, p. 66
[24] Philippe LEJEUNE, Le pacte autobiographique, Paris, Éditions du Seuil, 1975, p. 15
[25] Ibidem : « Dès qu’on englobe celle-ci [la page du titre] dans le texte, avec le nom de l’auteur, on dispose d’un critère textuel général, l’identité du nom (auteur – narrateur – personnage). Le pacte autobiographique, c’est l’affirmation dans le texte de cette identité, renvoyant en dernier ressort au nom de l’auteur sur la couverture. », p. 26
[26] Ibidem, p. 25
[27] Les analyses relatives au contenu de la visite s’appuient sur une visite guidée de la Maison de Tante Léonie-Musée Marcel Proust suivie en juin 2013.
[28] Delphine GUZOWSKI-SAURIER, Médiations et co-construction […], p. 108
[29] Mireille NATUREL, « Du lieu de pèlerinage […] », p. 834
[30] Enquête sur les maisons d’écrivains, Ibid., p. 32
[31] « Les Confidences d’Arsène Lupin » in Maurice LEBLANC, Maurice Leblanc
[32] Id.
[33] Jacques DEROUARD, Maurice Leblanc […], p. 216
[34] Marc LITS, Le genre policier […], p. 32-33
[35] Jacques DEROUARD, Maurice Leblanc […], p. 216
[36] Ibidem, p. 256
[37] Marc LITS, Le genre policier […], p. 163
[38] Alain DECAUX, « Lupin de Pied en cap » in Maurice LEBLANC, Maurice Leblanc, tome 1, Paris, Éditions du Masque, 1998, collection Intégrales du masque, p. 7
[39] Ibidem, p. 8
[40] Antoine COMPAGNON, « Lieu de mémoire », article en ligne sur le site du Collège de France, disponible à l’adresse :
http://www.college-de-france.fr/media/antoine-compagnon/UPL18784_1_A.Compagnon_Lieu_de_m_moire.pdf
« Coïncidant avec le raréfaction des souvenirs – et pour cause – ainsi qu’avec la parution de deux correspondances tout le contraire de frivoles – les lettres à sa mère (1953) et à Rivière (1955) –, la révélation merveilleuse fut celle du gigantesque labeur souterrain qui avait précèdé et préparé la Recherche. L’œuvre, loin d’être ce bavardage irrépressible et improvisé qu’on avait toujours vu malgré́ les protestations de Proust, n’était que la pointe de l’iceberg. Un immense continent immergé, une genèse de toute une vie, révolutionnait son visage et lui donnait une mémoire, une épaisseur historique. », p. 14