Ecclesia castri et capella fortalicii : lieux de culte et lieux fortifiés en Provence orientale au second Moyen Âge

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Aude Lazaro

 


Résumé : La multiplication des châteaux, entre le XIe et le XIIIe siècle, entraîne la réorganisation du territoire mais aussi du maillage ecclésial. Fondé sur l’étude des données archéologiques et textuelles ainsi que sur les données spatiales, cet article se propose de questionner les interactions entre lieux de culte et lieux fortifiés en Provence orientale et de saisir l’impact des châteaux sur la topographie religieuse des XIe-XVe siècles. Il s’intéresse notamment aux chapelles castrales et, plus généralement, à l’ensemble des lieux de culte articulés avec un château.

Mots-clés : église castrale, château, lieux de culte, Moyen Âge, Provence. 


Introduction

« L’attraction réciproque entre les centres religieux et les fortifications est un phénomène très complexe qui peut se reproduire plusieurs fois au même lieu, selon des phases et des formes différentes, au cours des siècles. »

Aldo A. Settia, « Églises et fortifications médiévales dans l’Italie du Nord », Chiese, strade e fortezze nell’Italia medievale, Rome, Herder, 1991, p. 60-61.

Complexes. On ne saurait mieux définir les phénomènes de polarisation et les interactions entre castrum, castellum et ecclesia, entre habitat, lieux de pouvoir et lieux de culte du XIe siècle au XVIe siècle[1]. Premièrement, parce qu’il existe une grande variété de mots susceptibles de désigner des lieux fortifiés ou des fortifications. Les textes des XIe-XIIIe siècles utilisent ainsi indifféremment castrum et castellum pour désigner un château et le lieu où se concentrent les pouvoirs seigneuriaux – et les listes de châteaux où les lieux sont tour à tour dénommés castrum ou castellum attestent de la perméabilité de ces termes. Dès le XIVe siècle, et au moins jusqu’au XVIe siècle, les textes relatifs aux lieux fortifiés du bassin versant du Var y ajoutent fortalicium[2] qui permet de désigner le castrum dans son sens premier et limité de résidence fortifiée, alors que le terme de « castrum » désigne de plus en plus souvent un village enclos voire un habitat groupé, dont dépend un territoire[3]. Cette évolution serait le reflet du rôle polarisant du castrum[4]. Affirmation visuelle du pouvoir, point fort commandant un territoire mais aussi lieu d’habitation, le château, quel que soit le nom qu’on lui donne[5], est donc susceptible de cumuler des fonctions et de transformer l’ensemble de l’organisation territoriale ainsi que du maillage cultuel. D’ailleurs, la multiplication des castra aux XIe-XIIe siècles se serait « accompagnée d’une recomposition du réseau paroissial au profit des églises castrales[6] ». De fait, le maillage ecclésial constitue le deuxième point à considérer pour expliquer la complexité de ces interactions. Le mot « église », au moins jusqu’au XIVe siècle en Provence orientale, est en effet tout autant susceptible de désigner l’église remplissant les fonctions paroissiales qu’une chapelle destinée à l’usage d’une famille ou d’une seule partie de la population d’un finage. De plus, l’église du castrum peut aussi être l’église paroissiale ou « l’église paroissiale castrale[7] », pour peu que le mot castrum désigne l’habitat groupé enclos de remparts. Ces mots, dont la « diversité est beaucoup plus grande que les images auxquelles renvoient nos notions de « château » et d’« église »[8], répondent donc à des réalités multiples et mouvantes sur lesquelles cet article se propose de revenir à travers l’étude de plusieurs sites du second Moyen Âge en Provence orientale.

Corpus, sources et méthodologie

L’objet d’étude retenu dans le cadre de cet article est donc l’église du château, ou du « castrum », quel que soit son statut. L’espace géographique correspond à l’ensemble du bassin versant du Var, dans le département des Alpes-Maritimes principalement et dans celui des Alpes-de-Haute-Provence pour sa partie la plus occidentale, soit un peu plus de 2800 km2. Cette ancienne zone frontière – le cours du Var marquait depuis 1388 et jusqu’en 1860 la frontière entre la Provence et les États du comté puis duché de Savoie (puis royaume de Piémont-Sardaigne) –, par sa position stratégique, concentrait en effet de nombreuses fortifications.

Cet espace bénéficie des travaux de plusieurs chercheurs dont ceux d’Alain Venturini[9] sur l’évolution du réseau castral en Provence orientale ainsi que ceux de Yann Codou, Catherine et Jean-Claude Poteur sur les sites castraux et les églises des Alpes-Maritimes, notamment pour le haut Moyen Âge et le Moyen Âge central[10]. Les sources convoquées pour constituer le corpus étudié font tout autant appel aux données textuelles qu’aux données archéologiques et spatiales. Les sources textuelles regroupent principalement les cartulaires des anciennes abbayes de Saint-Honorat de Lérins[11], de Saint-Victor de Marseille[12] et de la cathédrale de Nice[13], les chartes de Saint-Pons de Nice[14], ainsi que les Pouillés réunis par Étienne Clouzot[15]. S’y adjoignent, pour documenter le devenir de ces sites à l’Époque moderne, les visites pastorales des XVIIe et XVIIIe siècles conservées aux archives départementales des Alpes-Maritimes[16] . Les données archéologiques mobilisées proviennent quant à elles principalement des travaux de Jean-Claude Poteur[17] et de Éric Guilloteau[18] pour la période médiévale, ainsi que de ceux coordonnés par Michiel Gazenbeek[19] pour une approche diachronique, tandis que les nombreux plans et relevés dressés par Georges Bretaudeau s’avèrent, par la qualité des levés et des observations, très précieux[20]. Certaines études de cas, articulées entre recherches en archives et travail de terrain, telles celles d’Aspremont et Dosfraires, ont été menées dans le cadre de ma recherche doctorale.

Les données cartographiques et toponymiques, enfin, constituent un apport non négligeable à la recherche menée. Outre les indications qui permettent d’identifier certains sites peu ou pas documentés, les cartes et plans anciens, par les toponymes désormais disparus qu’ils conservent, constituent une mine d’informations encore trop peu exploitée[21]. Dépouiller l’ensemble des cartes anciennes pour lister ces toponymes n’était guère possible dans le cadre de cet article mais il m’a cependant été possible, grâce aux BD Topo de l’IGN, de proposer une première carte des toponymes actuels évoquant des fortifications, de quelque époque qu’elles soient[22] (fig. 1). Par la densité des toponymes conservés, cette carte offre de multiples pistes de recherche pour l’étude des phénomènes de fortification de cette portion des Alpes.

Dénombrer et renseigner l’ensemble des castra et lieux fortifiés habités au second Moyen Âge dans le bassin versant du Var, afin de repérer les lieux de culte susceptibles de s’articuler avec ces sites, reste cependant une tâche ardue à bien des égards. Il faut composer avec une documentation disparate et éclatée ainsi que des données parfois lacunaires. Tout d’abord, il y a le biais des textes car, outre les problèmes de conservation des fonds d’archives, bien des châteaux peuvent ne pas avoir été mentionnés. De plus, si une première attestation d’un « castrum » ne présume pas de sa date de création (ni même qu’il s’agisse véritablement d’un château), les vestiges visibles peuvent être postérieurs à cette première attestation ainsi que l’a démontré Jean-Claude Poteur pour le château du Mas notamment, attesté dès 1232 mais dont les murs sont datés du XIVe siècle[23].Même les plans cadastraux du XIXe siècle (pourtant assez précis) qui signalent ces édifices invitent à la prudence : la « tour en ruine[24] », carré de 25 m2 signalé en 1869 et vestige du « castrum Pugeti de la Figeta » attesté dès 1232, se trouve en face d’une « église en ruine[25]», laquelle aurait la forme d’un carré de 30 m2. Or, en l’état actuel de nos connaissances, il est peu probable qu’une église du XIIIe siècle puisse présenter ce plan et ces dimensions. Ainsi que l’a très justement résumé Georges Barbier, l’étude de nombreux sites reste donc malaisée :

« La recherche sur le terrain permet, dans la plupart des cas, de retrouver des ruines plus ou moins informes et, par là même, difficiles à analyser ou bien des édifices tellement remaniés entre le XVIIe siècle et le milieu du XXe siècle, qu’il n’est plus possible de reconnaître la configuration médiévale de ces bâtiments.[26] »

L’inaccessibilité de bien des sites (crêtes rocheuses escarpées, dense végétation, isolement des sites), conjuguée à la difficulté de les localiser précisément, surtout quand le toponyme – s’il subsiste un toponyme – désigne tout un versant de montagne (et cela peut alors rapidement se chiffrer en dizaines de milliers de mètres carré à prospecter avec une visibilité médiocre due au couvert végétal), explique donc que, en dépit des efforts jusqu’à présent déployés, la tâche reste incomplète.

De plus, si les ruines des fortifications marquent souvent, aujourd’hui encore, le paysage, les vestiges des lieux de culte sont plus difficilement identifiables. À titre d’exemple, Jean-Claude Poteur a pu retrouver sur le territoire de Puget-Théniers les vestiges du « castrum Sancte Margarite » attesté vers 1232[27] dont il ne restait plus qu’un donjon carré, une ferme se trouvant à l’emplacement du château[28], tandis qu’il ne subsiste aucune trace de l’église, laquelle n’est d’ailleurs jamais mentionnée au Moyen Âge, si ce n’est par son hagiotoponyme. Pourtant, une visite pastorale de 1614 signale parmi les lieux de culte de Puget-Théniers une chapelle « Sta Margarita situata nella ragione cossi appellata[29] ».

Enfin, bien que quelques fouilles archéologiques aient pu ponctuellement être menées, fournissant par là même du mobilier susceptible de dater les constructions[30], les travaux récents, mettant en œuvre les outils d’étude et de datation développés et affinés depuis le début de ce siècle, demeurent rares.

En dépit de ces contraintes et limites, il m’a été possible d’identifier 77 lieux de culte pour 69 châteaux. Chaque site a été listé dans un tableur où ont été renseignés ses coordonnées géographiques, la première mention du castrum et de l’église, l’éventuel titulaire du lieu de culte quand celui-ci est connu pour la période médiévale, ainsi que les actes et documents concernant le site.

Église paroissiale ou chapelle castrale ? 

Il est souvent délicat de différencier les églises bâties au sein de villages fortifiés et remplissant les fonctions d’une église paroissiale, telle celle du castrum de Puget-Théniers[31], des « chapelles de château (castri) qui s’orientent déjà vers le statut de chapelles seigneuriales[32] » ou qui sont construites pour la seule commodité des seigneurs et occupants d’une place forte, telle celle du château de Toudon[33] .

Quand les termes de castrum et d’ecclesia apparaissent dans un même texte, il s’agit généralement de localiser une église qui se trouve hors du castrum : par exemple, l’église Saint-Martin est située sur une colline au-dessus du castrum de Bairols au milieu du XIe siècle (« ecclesiam sancti Martini, que sita en in Poio, super castrum Ba[i]orols »), tandis que l’église du lieu de Bairols n’est nommée qu’à partir de 1351[34]. C’est aussi le cas de l’église Saint-Martin située sous l’ancien château de la Roquette-sur-Var (« ecclesiam Sancti Martini qui est subtus castrum qui nominant Rocheta[35] »). C’est encore le cas de l’église Saint-Cassien édifiée « sous » le castrum d’Amirat (« ecclesiam S. Cassiani, subtus Amirato castro aedificatam[36] »). De plus, la plupart des églises que l’on peut identifier sont des églises paroissiales : qu’il s’agisse de la liste des prieurs assistant à un synode ou des comptes de décimes, les textes s’intéressent à l’église du lieu, en l’occurrence à l’église de l’habitat, qu’il soit ou non nommé castrum, et non pas à l’éventuelle chapelle castrale qui se trouverait dans le château.  Cependant, à l’instar de l’hypothèse émise pour les églises du castrum de Thorenc[37], la mention, dans une même liste, d’un prieur à la « Gauda » et d’un autre à « Sancto Stephano de Gauda » pourrait indiquer que l’église Saint-Étienne aurait pu être l’église du château, d’ailleurs signalée en tant que « chapelle de St Etienne » à côté du « château de la Gaude » en 1760[38] tandis que l’édifice dont la titulature nous est inconnue était l’église Saint-Pierre, chapelle désormais ruinée sur la commune de Saint-Jeannet[39], signalée comme prieuré rural en 1446[40] et ancienne église paroissiale du lieu. Pourtant, lors de sa visite pastorale en 1719, l’évêque note que la chapelle du château serait celle de Saint-Pierre : « nous avions dessein de visiter au sortir de La Gaude la chapelle de St Etienne qui est une annexe du prieuré de La Gaude […] la chapelle de St Etienne est abandonnée depuis longtemps […] et celle du château de la Gaude est aussi abandonnée […] elle est sous le titre de St Pierre[41] ».  On peut envisager qu’il s’agisse d’une erreur, des cartographes ou de l’évêque car, après tout, les deux lieux de culte sont abandonnés au XVIIIe siècle. Il est également possible que la confusion provienne d’une seconde chapelle Saint-Étienne, autrefois située au débouché du vallon de Saint-Étienne (actuel lieu-dit Saint-Estève), à environ un kilomètre à vol d’oiseau de celle indiquée à côté du château. De cette hypothèse résulterait la situation suivante : une chapelle basse dédiée à saint Etienne, ancienne « annexe du prieuré de La Gaude », et qui serait l’église mentionnée en 1312, une chapelle Saint-Pierre « du château de la Gaude », principale église du lieu au XIVe siècle, puis, peut-être du fait de l’abandon de l’église basse de Saint-Etienne, une chapelle plus tardive, en l’honneur du même saint, sur le mamelon du château[42]. Cette hypothèse pourrait être corroborée par la seule mention de l’« ecclesia de Gauda » en 1351[43] puis puis d’un seul « prior de Gauda » en 1376[44] quand il était question en 1312 d’un prieur à la « Gauda » et d’un autre à « Sancto Stephano de Gauda »[45].

Ce polycentrisme cultuel amène toutefois plusieurs questions : quand deux desservants sont indiqués pour deux églises d’un même lieu, quel est le statut de ces églises et existe-t-il une hiérarchie plaçant l’une sous l’autorité de l’autre ? Tout d’abord, il est intéressant de constater que les chapelles castrales ne semblent pas concernées par les comptes de décimes : ainsi, alors que la chapelle castrale de Beuil est attestée dès 1353[46], elle ne figure ni dans la liste de 1351 ni dans celle de 1376[47]. Par ailleurs, si on peut émettre l’hypothèse que les églises listées sans leurs titulaires constituaient les églises principales, hypothèse que la qualification de « rural » pour certains des lieux de culte désignés par leur titulaire vient appuyer (« prioratus ruralis de Beate Marie de Pratis » ; « prioratus ruralis sancti Laurenti de Iloncia » en 1376 par exemple[48]), l’étude des montants dus par chaque édifice à la cour pontificale peut également apporter des indices. On observe en effet que, quand deux églises sont indiquées pour un lieu, les sommes dues par les églises dont le titulaire est donné sont toujours moins élevées que celles dues par les églises dont on ne connaît pas le titulaire[49] :

Année Église Montants
1351 Église Notre-Dame-des-Prés de Levens 2 lb., 10 s.
1351 Église de Levens 3 lb., 15 s.
1351 Église Saint-Laurent d’Ilonse 14 s.
1351 Église d’Ilonse 2 lb., 4 s.
1351 Église Saint-Ambroise de Gourdon 10 lb., 3 s., 4d.
1351 Église de Gourdon 32 lb., 15 s., 10 d.
1376 Église Notre-Dame-des-Prés de Levens 5 fl.
1376 Église de Levens 10 fl.
1376 Église Saint-Laurent d’Ilonse 2 fl.
1376 Église d’Ilonse 10 fl.

Les lieux de culte « secondaires », et notamment les chapelles castrales, sont ainsi très peu documentées pour la période médiévale.

À l’Époque moderne, l’intérêt porté par les ingénieurs militaires aux fortifications permet également de documenter quelques-unes de ces chapelles castrales : le plan de Toudon du capitaine Carlo Morello levé vers 1650 permet d’identifier l’église paroissiale, aujourd’hui encore conservée, et, à son contact, sur une plateforme rocheuse ceinte d’un mur, une chapelle castrale désormais disparue[50] (fig. 2). De même, le château de Thiery possédait encore au XVIIe siècle une chapelle castrale distincte de l’église paroissiale, connue par un plan de l’Époque moderne[51].

Qu’il s’agisse de l’église paroissiale du castrum ou de la chapelle castrale, la titulature de ces lieux de culte est inconnue dans un quart des cas (25 %). Pour les autres, la Vierge Marie se place en tête (12 %), suivie de saint Pierre et saint Jean-Baptiste (8 % chacun), saint Martin et saint Michel (6 % chacun), saint Laurent (4 %), saint Véran, sainte Marguerite, saint Arige et saint Estève (2,5 % chacun). Pour les 14 % restant, les titulaires ne sont pas identifiés dans plus d’un édifice. Des saints « ayant mené dans le siècle une vie noble pleine de religion » à savoir « Michel, Martin, Maurice, Georges, Sébastien et Pancrace, chers aux soldats, et encore aux saints rois, offerts en exemples aux souverains et aux princes » et auxquels les chapelles castrales auraient été « très souvent vouées »[52], seuls saint Martin et saint Michel sont attestés par les textes[53]. Cela n’est guère étonnant car, dans le corpus de lieux de culte identifiés dans le bassin versant du Var, seules 8 seraient des chapelles castrales et pour ces 8 édifices, seuls quatre titulaires sont connus : la Vierge Marie, saint Laurent, saint Michel et saint Pierre. Quant à saint Jacques, qui pourrait être intégré à « la culture chevaleresque »[54], il n’est attesté pour aucun de lieux de culte identifiés dans cet espace. De plus, en l’absence d’actes de fondation, on ne peut connaître les éventuels vocables initiaux de ces lieux de culte. Les premiers titulaires mentionnés sont la Vierge Marie et saint Martin, dès le XIe siècle, mais ce n’est véritablement qu’au XIVe siècle que se multiplient les mentions des titulaires, illustrant davantage un effet de source qu’une réalité sociale.

Si Florian Mazel observe en Provence une « multiplication des chapelles seigneuriales à l’intérieur des principaux châteaux, chefs-lieux de seigneuries, à partir de la fin du XIIe siècle[55] », les attestations de ces édifices demeurent rares en Provence orientale. Bien qu’il soit manifeste que tous les châteaux n’étaient pas pourvus de lieux de culte, la faible présence de ces édifices semble surtout résulter d’une absence de données, tant archéologiques que textuelles : aucun écrit n’attestant de son existence et l’édifice ayant disparu, seul le plan de Carlo Morello permet de connaître la chapelle de l’ancien castrum de Toudon dont l’auteur nous apprend d’ailleurs que « è stato demolito la maggior parte[56] ». La chapelle Notre-Dame du château de Beuil (« capella beata Maria fortalici Bolli Glandaten diocesi[57] »), seulement connue par un acte de concession de jours d’indulgence, n’existe déjà plus au XIXe siècle, tout comme le château où elle se trouvait. De même, l’église Saint-Pierre-Pape de la Roquette-sur-Var aurait été édifiée à l’emplacement d’une chapelle castrale dont il ne reste rien[58].Quant à la chapelle castrale de Massoins, ses vestiges auraient servi de base à la chapelle de la confrérie des Pénitents noirs autorisée en 1743[59].

Un rapide coup d’œil dans les proches vallées permet de confirmer cet état de fait : dans la vallée de la Roya, il n’est aujourd’hui plus possible d’identifier dans les vestiges du château Saint-Georges de Saorge la chapelle castrale pourtant représentée sur plusieurs plans du XVIIe siècle. Dans la vallée du Loup, alors que les textes attestent d’une chapelle castrale dans le château de Cipières[60], la reconstruction de ce dernier aux XVIIe/XVIIIe siècles a entrainé la disparition de l’édifice cultuel attesté dès le XIVe siècle. Pourtant, même les petites fortifications semblent côtoyer des lieux de culte : à la tour du Barri Vieil de Magnan, élément d’« una antica muraglia con una torre nominata il Barri vecchio qual era anticamente un luogo da ridursi per tempo di guerre[61] », dont une portion a pu être fouillée lors des diagnostics archéologiques effectués en 2015 sur le tracé de la ligne 2 du tramway de Nice, était accolée une chapelle Saint-Laurent mentionnée dès 1512[62] . Était-ce la même configuration que l’on retrouvait à la tour du Puget sur la rive droite du Var ? La mention au XVIIIe siècle d’une « chapelle de St Jean de la Tour du Puget […] trouvée en très mauvais état [et qui] est comme abandonnée depuis la dernière guerre[63] », qui semble ne pas correspondre à l’église « Saint-Pierre de Pugeton » mentionnée en 1446[64], paraît plaider en faveur de cette hypothèse.

Quant à l’antériorité d’un site sur l’autre, s’il reste « difficile de donner la priorité à l’une des deux constructions[65] », il semble tout de même que, à l’instar de ce qu’avait observé Aldo A. Settia, l’église extérieure, à savoir l’église paroissiale, soit la plus ancienne. À défaut de pouvoir discriminer les lieux de culte sur la base de leur bâti ou des mentions qui attestent de ces édifices – et comme les textes passent très souvent sous silence les chapelles castrales, on ne pourrait du reste se baser sur ces seuls documents[66] – il semble que la plupart des sites d’implantation des églises « basses » soient plus anciens que ceux des chapelles castrales. Le site de l’ancien village de Dosfraires, aujourd’hui complètement ruiné et masqué sous une végétation qui ne cesse de progresser, s’implante sur un site occupé depuis l’Antiquité, comme en témoigne l’abondant mobilier antique qui parsème le site (fond de dolium, tegulæ, fragment de meule en rhyolite remployé dans la construction de l’un des murs du clocher de l’église Saint-Jean-Baptiste, etc.) alors que le site du château, notamment dans les zones d’effondrements sur les pentes ouest, conserve du mobilier qui, s’il n’a pu être daté, évoque davantage le début de l’époque moderne. La différence de mobilier entre le col et les pentes de la crête ne saurait cependant suffire à affirmer la postériorité du château sur le site de l’église paroissiale mais pourrait constituer un indice. En effet, seule la prospection systématique de ces sites (tant du château que de l’habitat le plus proche) permettrait de confirmer cette hypothèse.

Organisation spatiale et implantation de l’ecclesia castri et de la capella fortalici

L’ « intensification progressive » du réseau castral dans le pays de Nice au cours des XIe, XIIe et XIIIe siècles[67] semble concerner une grande partie de la Provence orientale sur les derniers siècles du Moyen Âge.

Les typologies d’implantation des châteaux, ainsi que l’avait déjà observé Jean-Claude Poteur, sont multiples mais, ici, il s’agit surtout de comprendre l’implantation des lieux de culte par rapport aux lieux fortifiés. Identifier la position de l’église ou de la chapelle par rapport à celle du château peut notamment être possible grâce aux textes : la mise en possession de la juridiction du Broc, d’Olive et de Gattières du 3 juillet 1358 est passée dans le château de Gattières devant l’église Saint-Nicolas (« in castro de Gaterii ante ecclesiam beati Nicolai[68] »). Plus souvent, c’est l’observation du parcellaire et l’étude des cadastres et plans anciens qui permet de comprendre la topographie des sites.

Pour un peu plus d’un tiers des cas étudiés (37,7%), il n’est pas possible, soit parce que le site a complètement disparu soit qu’il a été trop remanié, de restituer le schéma d’implantation des sites. Pour les 63,3% connus, plusieurs cas de figure ont pu être observés, desquels ont été tiré huit types[69] (fig. 3) :

  • le cas le plus représenté, avec 20,8 % du corpus, est celui des églises édifiées à l’extrémité d’une crête, le château occupant la partie principale de la crête. C’est le cas, par exemple, de l’église Saint-Jean-Baptiste de l’ancien castrum de Dosfraires (commune du Broc) ou de l’église Saint-Arige du castrum de La Roque-en-Provence (fig. 4). La prédominance des sites en crêtes doit être mise en relation avec le phénomène qu’on peut observer pour le pays de Nice au XIIIe siècle, moment où les surfaces fortifiées se réduisent afin de « pouvoir être élevées rapidement et [de] pouvoir jouer leur rôle stratégique en employant une garnison la plus faible possible[70] » ;
  • quand le château est sur une crête, l’église peut également se trouver en contrebas, alors associée avec un habitat. C’est vraisemblablement le cas de l’église de Cuébris sous le roc qui accueillait le château. Ce cas de figure concerne 11,7 % des sites ;
  • toujours implanté sur une crête, le château peut également accueillir un lieu de culte à l’intérieur de ses murs. Sur le corpus retenu, seules les chapelles castrales d’Aspremont Villevieille et de Dosfraires (soit 3,9 %) répondent à cette configuration même si elle est connue pour d’autres sites de Provence orientale ;
  • dans 7,8 % des cas, le château s’implante au sommet d’un mamelon ou d’une colline. Autour de ce site viennent se grouper, de façon concentrique, l’habitat avec son église. C’est par exemple le cas des villages de Gattières ( 5) et de Levens ;
  • l’habitat et l’église peuvent également se trouver sur l’un des versants de la colline où s’implante le château, celui-ci formant alors le noyau tandis que l’habitat se développe telle la queue de poussières d’une comète. C’est le cas des villages du Mas et de Massoins. Ponctuellement, l’église semble isolée en contrebas du château mais cela peut résulter de la disparition ou du déplacement de l’habitat. Cette configuration se présente dans 6,5 % des cas ;
  • l’église peut également se trouver enclose avec le village à l’intérieur des murs du castrum, telle celle de Puget-Théniers (cela représente 5,2 % du corpus). Il faut alors se demander si, à l’instar du castrum et du « bourg » de Puget-Théniers, les remparts protégeant l’habitat ne résultent pas de l’extension d’un premier site fortifié plus réduit ;
  • par ailleurs, si elles sont signalées dans les textes comme « subtus» ou « super » castrum, certaines églises (2,6 % du corpus) sont en réalités situées bien au-delà du castrum et de l’habitat, telle celle de Saint-Martin « que sita est in Poio, super castrum Ba[i]orols » ;
  • enfin, sont réunis dans la dernière typologie les castra et églises qui répondent à des configurations trop diverses pour constituer une catégorie pertinente (3,9 %).

Notons également que certains sites peuvent s’inscrire dans deux de ces typologies, notamment lorsqu’il est possible d’identifier la chapelle castrale et l’église paroissiale.

On observe que pour 89,3% des sites en crête, l’église s’implante hors les murs, soit à l’extrémité de la crête soit en contrebas du site castral. Plus qu’une contrainte imposée par la topographie, cette disposition tend à indiquer une attraction du château sur l’église, la seconde venant s’implanter aux abords de la première. Même les lieux de culte édifiés à l’intérieur de l’enceinte, qui ne représentent que 10,7% des sites en crête, sont placés en position excentrée par rapport à l’emprise du site castral. Ce phénomène de polarisation est tout autant manifeste pour les sites castraux implantés sur un mamelon ou une colline : que l’église et l’habitat se groupent de façon concentrique autour du château ou que l’occupation se développe en comète, le noyau est toujours le château. Il faut également noter que cette polarisation se fait parfois au détriment d’églises plus anciennes : jusqu’au milieu du XIIIe siècle, l’église Notre-Dame-des-Prés, « cum villa sua », est nommée l’église Sainte-Marie de Levens[71]. Or, dans la première moitié du XIVe siècle, l’ecclesia Sancta Maria de Levens devient l’église Sainte-Marie des Prés, parfois Sainte-Marie des Prés de Levens ou même l’église des Prés[72]. Or, l’adjonction du toponyme « de Pratis » semble coïncider avec le développement, à partir des années 1280, d’une nouvelle église dans le castrum de Levens[73].

Pour les trois seuls cas documentés par les observations de terrain dans le bassin versant du Var, la chapelle castrale s’implante à l’une des extrémités du site fortifié : celle d’Aspremont Villevieille se trouve ainsi à la pointe sud du château (fig. 6 et 7) de même que celle de Dosfraires (fig. 8). C’est manifestement une disposition semblable que Jean-Claude Poteur identifie pour la chapelle Saint-Michel de Rocaforte (territoire de La Penne), l’hagiotoponyme indiquant « l’emplacement de la chapelle castrale qui s’élevait dans la cour devant l’accès, encore visible, vers le château[74] »[75]. À l’instar de ce qu’a pu observer Florian Mazel pour la Provence, il semble que ces chapelles, implantées en limite des fortifications, soient fondées au sein de châteaux déjà anciens[76].

S’il n’est pas toujours possible de distinguer le lieu de culte « secondaire » du lieu de culte paroissial, quelques cas témoignent de « couples[77] » : le château de la Gaude, sur l’actuelle commune de Saint-Jeannet, comptait une église Saint-Pierre légèrement en contrebas ainsi qu’un autre lieu de culte dédié à saint Etienne (ou Estève) situé sur le promontoire du château (fig. 9). Ce lieu de culte, nommé « Sancto Stephano de Gauda » en 1312[78] (un autre prieur, pour la « Gauda », sans doute celui de l’église Saint-Pierre, est attesté dans la même liste), est toujours signalé sur les cartes du XVIIIe siècle sous le nom de « chapelle de St Etienne »[79]. Cette dualité, tant sur le terrain que dans la façon dont sont recensés les prieurs n’est pas sans rappeler le cas des églises du castrum de Thorenc[80]. D’ailleurs, pour plusieurs de ces castra, il est fait mention d’une villa, parfois antérieurement à la première mention du castrum ou du castellum, voire simultanément. Il n’est alors pas rare que les églises de villa, face à la concurrence de l’église du castrum, deviennent de « simples » lieux de culte « ruraux » : c’est le cas de l’église de Notre-Dame-des-Prés de Levens ou encore de celle de Notre-Dame-de-Verdelaye de Gréolières. Le bilan d’étape que constitue cet article semble ainsi de confirmer le rôle polarisant du château en Provence orientale au tournant des XIIIe et XIVe siècles.

Caractéristiques architecturales de l’ecclesia castri et de la capella fortalicii

Les caractéristiques architecturales des châteaux et autres lieux fortifiés de la Provence orientale pendant le second Moyen Âge pourraient constituer une thèse à elles seules et, du reste, outre que la question a déjà été bien traitée[81], ce sont ici les lieux de culte castraux ou associés avec un château qui nous intéressent.

Tout d’abord, il convient de distinguer les églises fortifiées des églises postérieurement « mises en défense ». Il n’est pas fait mention en Provence orientale d’églises « incastellatæ » telles celles relevées par Aldo A. Settia[82]. Cela tient vraisemblablement au faible volume d’églises castrales conservées. Néanmoins, l’église Saint-Jacques-le-Majeur d’Aspremont aurait participé à défendre le mamelon où s’implante le nouveau village, ce qui serait suggéré par des meurtrières sur le gouttereau occidental de l’église[83]. Toutefois, la mise en œuvre de ces ouvertures n’étant pas datée, il est impossible d’affirmer qu’elles furent contemporaines de la construction de l’édifice, notamment car le nouveau château s’implante sur le site où se trouvait déjà la chapelle Saint-Jacques qui allait par la suite accéder à la dignité paroissiale. Les seuls cas véritablement connus, par l’archéologie ou les textes, sont ceux d’églises « mises en défense » à des époques tardives. Ainsi, l’église Saint-Arige de la Roque-en-Provence présente une surélévation fortifiée constituant un comble avec meurtrières, sans doute vers la fin du XVIe siècle ou aux XVIIe-XVIIIe siècles[84]. Le prieur de Saint-Dalmas-le-Selvage aurait quant à lui fortifié l’église du lieu en 1597 et il y aurait « mi[s] des hommes »[85]. Une représentation de ce qui pourrait être l’ancienne cathédrale de Glandèves à l’époque moderne (fig. 10), à l’époque où le siège de l’évêché a disparu et où l’église d’Intervalibus est devenue l’église principale du lieu, permet d’observer des aménagements évoquant des échauguettes, qui ne sont aujourd’hui plus visibles, aux angles du bâtiment[86], configuration qui rappelle celle de la chiesa-fortezza di San Pietro de Cipressa (Ligurie), église du XIIIe siècle transformée en forteresse au milieu du XVIe siècle. Que la vue d’Entrevaux figure l’église Notre-Dame-de-la-Seds ou Saint-Michel-de-la-Seds, ces deux églises, qui se trouvaient initialement au cœur de l’ancien siège épiscopal, se retrouvèrent en position excentrée quand l’habitat se regroupe en rive droite du Var où fut édifiée l’église d’Entrevaux. Hors les murs, ces deux églises ont donc pu être fortifiées soit pour servir de lieu de refuge à la population qui résidait encore en rive gauche, soit pour servir d’avant-poste avant les remparts encerclant Entrevaux plus en amont. Ces quelques exemples suggèrent le caractère tardif des « mises en défense » des églises du bassin versant du Var qui sont réalisées, pour la plupart, aux XVe et XVIe siècles.

Si « la fortification des églises ne se limite pas aux églises paroissiales[87] », on ne dispose pas d’assez de données pour les chapelles castrales du territoire étudié afin de proposer une vue d’ensemble de ces édifices. Néanmoins, qu’il s’agisse de la chapelle du château d’Aspremont, de celui de Dosfraires ou de celui de Toudon, ce sont manifestement de petits édifices à nef unique[88]. La chapelle d’Aspremont Villevielle a une longueur intérieure maximale de 8,40 m, et une nef de 6,60 m de long pour 3,90 m de large[89] (fig. 11). Celle du château de Dosfraires est légèrement plus petite avec une nef de 5,60 m de long pour une largeur qui devait avoisiner les 3,30 m (fig. 12), soit une superficie d’environ 20m2 quand celle de l’église paroissiale (sans la surface du clocher) avoisinait les 80m2. Le chœur peut présenter une abside saillante semi-circulaire, telles celles d’Aspremont et Dosfraires, ou celles, hors du corpus étudié, de Saint-Georges de Saorge et de Saint-Quentin d’Agerbol. Sur la base du plan de Carlo Morello[90], l’édifice peut également présenter un chevet carré, disposition qui demeure cependant rare dans les églises de Provence orientale. Aussi, le seul élément commun à ces édifices reste finalement leurs dimensions réduites.

Pérennité et devenir des sites

Le devenir de ces sites est très inégal. Dans l’ensemble, on peut distinguer d’une part les châteaux abandonnés mais qui ont concentré à leur abord un habitat ayant abouti à la création des villages tels qu’on peut les observer aujourd’hui (Gilette, Briançonnet, La Roque-en-Provence, etc.) – avec souvent le maintien de l’église paroissiale –, d’autre part, les sites complètement abandonnés, (Aspremont Villevieille, Gerbière, La Caynée, Dosfraires, etc.).

On lit souvent que l’abandon de tel ou tel site, à l’instar de celui de Saint-Blaise, est imputable aux « épidémies et […] troubles de la fin du Moyen Âge[91] », mais il est manifeste que d’autres facteurs doivent être pris en compte. Ce sont par exemple les difficultés de subsistance qui pourraient expliquer la désaffectation complète de ces sites. À Aspremont, dans les raisons exposées pour justifier en 1426 le déplacement du village et du château sont mises en avant la pénurie d’eau, l’éloignement avec la ville de Nice ainsi que l’éloignement des terres pour les paysans[92]. En effet, si les destructions occasionnées par les conflits armés concernent les châteaux, ainsi que l’habitat, ils ne sont cependant pas systématiquement en cause dans l’abandon des sites. En 1400, parmi les remontrances adressées au comte de Savoie, les officiers du duc d’Anjou signalent la prise du donjon de Collongues (« combatiront lo donion ») et précisent que les capitaines du comte « cremeron tota la villa[93] ». Or, si le village est incendié au début du XVe siècle et que le château est toujours en ruine au XVIIIe siècle[94],  l’habitat s’est maintenu le long de la crête où s’implantaient les fortifications. Dans l’hommage rendu par les habitants de Gattières à l’évêque de Vence en 1404, la destruction des lieux et la mortalité sont imputées à la guerre : « tam propter guerras tam propter mortalitates ex quibus guerrie locus ipsa fuit quasi destructus domusque dissipata per appositionem ignis…[95]». Pourtant, le village demeure groupé autour de son château, configuration dont le parcellaire porte toujours la trace.  De même, les châteaux de Malaussène et Massoins sont rasés en 1412 sur ordre d’Amédée VIII[96] sans pour autant que l’habitat ne se déplace. On ne saurait cependant nier l’impact de ces conflits sur les lieux de culte : qu’il s’agisse de la chapelle castrale ou de l’église paroissiale de Dosfraires, ces deux édifices sont manifestement victimes du conflit entre Savoie et Provence à la fin du XVIe siècle. L’arrachement d’une partie de l’embrasement extérieur d’une des baies de la chapelle du château de Dosfraires pourrait en témoigner : à l’exception du bloc formant le cintre, l’ouverture sur l’extérieur du mur a en effet disparu de la fenêtre la plus méridionale (fig. 12). L’absence du seul parement extérieur en cet endroit, alors même que la fenêtre se trouve à plusieurs mètres au-dessus du sol, semble indiquer que l’ouverture fut visée par un tir de canon, peut-être lors des conflits de 1595 (fig. 13)[97]. La fenêtre n’ayant pas été réparée, cela correspondrait avec l’abandon du site vers les XVIIe-XVIIIe siècles.

Il n’y a manifestement pas de période particulièrement plus prononcée pour l’abandon de ces châteaux et de leurs églises ou chapelles. Si les châteaux de Massoins et Malaussène sont rasés en 1412, si celui d’Aspremont est abandonné au profit d’un nouveau site dans les années 1430, d’autres ne disparaissent qu’à l’Époque moderne. Celui de Thiéry aurait ainsi été détruit vers 1650 sur ordre du duc de Savoie[98] . Celui de Dosfraires (commune du Broc) est attaqué en 1595[99] et, s’il est encore signalé au XVIIe siècle[100], plusieurs cartes des années 1760, n’indiquent plus que les « vestige[s] du Chateau de Dos Fraires[101] » ou encore la « masure du chateau de Dos Fraires[102] ». De fait, les visites pastorales révèlent que, dès le début du XVIIe siècle, l’église Saint-Jean-Baptiste édifiée sur un petit col au sud-est du château était démolie[103] et que « le service divin se fai[sai]t en la chapelle de Ste Marguerite[104] ».

Conclusion

L’importance stratégique de la vallée du Var, ainsi que le morcellement des territoires a conduit, en Provence orientale, à la création de nombreux châteaux, « représentations architecturales majeures du pouvoir[105] ». Ainsi que l’écrit Martin Aurell, « ces constructions castrales sur des sites de hauteur sont, tout au long des XIe et XIIe siècles, à l’origine d’une des plus importantes transformations de l’habitat provençal qui se regroupe autour d’elles[106] ». De fait, les premiers résultats de cette étude tendent à démontrer le rôle essentiel du château dans la polarisation de l’habitat et pour la fixation du pôle unique qui caractérise les derniers siècles du Moyen Âge en Provence orientale. Il ne faut cependant pas en déduire que le château, voire l’habitat groupé nommé castrum, fut le seul élément à polariser lieux de culte et habitat : la mention de nombreuses ville et de leurs églises au côté des castra confirme le polycentrisme de ces territoires et les différents mouvements de polarisation qu’étaient susceptibles d’exercer ces pôles d’influence entre eux, même si les pôles « secondaires » semblent se rétracter aux XIVe-XVe siècles.

Enfin, pour ce qui est des chapelles castrales, le silence des textes et l’absence de données archéologiques sur les lieux de culte au profit des structures strictement défensives ne permettent guère de renseigner, sinon partiellement, la question des fonctions de ces édifices[107] ainsi que celle de leur mise en place au sein du château. Les quelques fenêtres ouvertes grâce aux prospections menées dans le cadre de ma thèse demanderaient ainsi à se multiplier pour espérer saisir, « par juxtaposition de petites touches[108] », les particularités architecturales de ces monuments ainsi que les périodes de fondation et/ou de réaménagement de ces sites, éléments d’un maillage cultuel et défensif étroitement liés aux imbrications multiples et complexes.


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Illustrations

Figure 1 : carte de répartition des principaux toponymes évoquant des fortifications dans le bassin versant du Var (conception A. Lazaro).

 

Figure 2 : plan du château et village de Toudon d’après le plan de Carlo Morello (Torino, Biblioteca reale, Avvertimenti sopra le fortezze di S.A.R. del capitano Carlo Morello, primo ingegnere et luogotenente generale di Sua artigliera, 1656 – DAO A. Lazaro et M. Pottier).

 

Figure 3 : principales typologies d’implantation des lieux de culte associés avec un castrum dans le bassin versant du Var (conception A. Lazaro).

 

Figure 4 : château de Dosfraires, restitution du château et du village (DAO A. Lazaro).

 

Figure 5 : château de Gattières (Nice, AD 06, Limites de Gattières, Carros et Le Broc, 1726, 01FI 0118 (Fonds Città e Contado di Nizza, mazzo 38, Gattières, n° 3), cl. AD 06).

 

Figure 6 : chapelle castrale d’Aspremont Villevieille (Alpes-Maritimes), vue zénithale/aérienne (cl. J. Féru 2023).

 

Figure 7 : chapelle castrale et château d’Aspremont Villevieille (Alpes-Maritimes), vue aérienne (cl. A. Lazaro 2023).

 

Figure 8 : chapelle castrale et château de Dosfraires (Alpes-Maritimes), vue aérienne (cl. A. Lazaro 2023).

 

Figure 9 : chapelle Saint-Étienne du château de La Gaude (Torino, ASTo, Carta Topografica in misura del Contado di Nizza […] Parte Quinta ed Ultima (1760-1763), cl. ASTo).

 

Figure 10 : échauguettes sur un des lieux de culte de Glandèves (Torino, ASTo, Antrevaus, s.d., cl. ASTo).

 

Figure 11 : plan de la chapelle du château d’Aspremont Villevieille (DAO A. Lazaro).

 

Figure 12 : plan de la chapelle du château de Dosfraires (DAO A. Lazaro).

 

Figure 13 : arrachement du parement extérieur de la fenêtre méridionale de la chapelle castrale de Dosfraires (Alpes-Maritimes). Seul le bloc formant le cintre est conservé en partie sommitale (cl. A. Lazaro 2023).

 

Figure 14 : parement extérieur du mur est de la nef de la chapelle castrale de Dosfraires (Alpes-Maritimes) (cl. A. Lazaro 2023).

 


* Pour leur relecture et conseils, j’aimerais en premier lieu adresser mes remerciements à Michel Lauwers et à Germain Butaud. Il me faut également remercier le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur pour le soutien financier apporté à la réalisation de la thèse dont sont extraites les données ici présentées, ainsi que l’École française de Rome grâce à laquelle j’ai pu mener deux séjours de recherche dans les archives et bibliothèques de Rome. Je tiens aussi à adresser toute ma gratitude à Claude et Germaine Salicis, ainsi que à Alain Carré, Jérôme Féru et Mallorie Pottier pour leur aide sur le terrain.

[1] Pour les périodes antérieures dans le sud-est de la France, il convient de se reporter aux travaux de Laurent Schneider et Michel Fixot. À signaler, également, les actes (à paraître) du colloque de 2019 consacré au Perchement et [aux] réalités fortifiées en Méditerranée et en Europe entre le V eet le Xe siècle, édités par Philippe Pergola, Gabriele Castiglia, Elie Essa Kas Hanna, Ilaria Martinetto et Jean-Antoine Segura, et notamment l’article de Daniel Mouton, Jean-Antoine Segura et Mariacristina Varano consacré aux sites perchés de Provence.

[2]« infra castrum sive fortalicium Gillete », Nice, AD 06, NI MAZZO 039 (1526). Voir également l’acte du 20 mai 1403 (Nice, AD 06, G 1532).

[3] Renée Laporte, « Fortifications de Provence orientale à l’époque romane », Recherches régionales, 1983, n° 3, p. 26.

[4]Voir notamment les travaux de Pierre Toubert sur l’incastellamento (Pierre Toubert, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du IXe siècle à la fin du XIIe siècle, Rome, École française de Rome, 1973).

[5]De plus, ainsi que Élisabeth Sauze l’a récemment rappelé, l’absence du mot castrum « ne doit pas être interprétée comme l’absence de fortification » (Élisabeth Sauze, « Approche toponymique du phénomène castral en Provence », in Philippe Pergola, Gabriele Castiglia, Elie Essa Kas Hanna, Ilaria Martinetto et Jean-Antoine Segura (éd.), op. cit., p. 76).

[6] Florian Mazel, La noblesse et l’Église en Provence, fin Xe-début XIVe siècle. L’exemple des familles d’Agoult-Simiane, de Baux et de Marseille, Paris, CTHS, 2002, p. 513.

[7]Id.

[8]Yann Codou, Michel Lauwers, « Castrum et Ecclesia, le château et l’église en Provence orientale au Moyen Âge », Archéologies transfrontalières Alpes du Sud, Côte d’Azur, Piémont et Ligurie, Bilan et perspectives de recherche, Monaco, Musée d’anthropologie préhistorique de Monaco, 2008, p. 218.

[9]Alain Venturini, « Episcopatus et bajulia. Notes sur l’évolution des circonscriptions administratives comtales au XIIIe siècle : le cas de la Provence orientale », Territoires, seigneuries, communes. Les limites des territoires en Provence, Actes des 3èmes journées d’histoire de l’espace provençal, Mouans-Sartoux 1987, Mouans-Sartoux, Centre régional de documentation occitane, 1987, p. 31-62.

[10] La synthèse récente consacrée aux églises médiévales des Alpes-Maritimes par ces trois auteurs compile de nombreuses données et dresse un utile panorama du patrimoine religieux du département (Yann Codou, Catherine Poteur, Jean-Claude Poteur, Églises médiévales des Alpes-Maritimes, Nice-Gand, 2020).

[11] Cartulaire de l’abbaye de Lérins, vol. 1, publié par Henri Moris et Edmond Blanc, Paris, 1883 ; Cartulaire de l’abbaye de Lérins, vol. 2, publié par Henri Moris, Paris, 1905.

[12] Cartulaire de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille, vol. 1, publié par Benjamin Guérard, Paris, 1857.

[13] Cartulaire de l’ancienne cathédrale de Nice, publié par Eugène Caïs De Pierlas, Turin, 1888.

[14] Chartrier de l’abbaye de Saint-Pons, hors les Murs de Nice, publié par Eugène Caïs De Pierlas et Gustave Saige, Monaco, 1903.

[15] Étienne Clouzot, Pouillés des provinces d’Aix, Arles et Embrun, Paris, 1923.

[16] Les cotes de ces documents sont données en notes de bas de page avec chaque référence.

[17] Jean-Claude Poteur, Archéologie et sociologie des châteaux de Provence orientale au Moyen Âge, sous la direction de Jean-Marie Pesez, EHESS, 3 vol., 1981 (thèse de doctorat non publiée).

[18] Éric Guilloteau, Les fortifications médiévales dans les Alpes-Maritimes, rapport d’étude Ministère de la Culture, 2012.

[19]Michiel Gazenbeek, Rapport du Projet Collectif de Recherches « Enceintes de hauteur des Alpes-Maritimes », Nice, CEPAM, UMR 6130, CNRS/UNSA, Service régional de l’archéologie Provence-Alpes-Côte d’Azur, dactyl., 2003 ; Michiel Gazenbeek, Enceintes et habitats perchés des Alpes-Maritimes, Musée d’art et d’histoire de Provence, Grasse, 2004.

[20] Georges Bretaudeau, Oppida, castellaras et enceintes fortifiées des Alpes-Maritimes, Nice, Institut de Préhistoire et d’Archéologie des Alpes-Maritimes, 1994 et Georges Bretaudeau, Les enceintes des Alpes Maritimes, Nice, Institut de Préhistoire et d’archéologie Alpes Méditerranée, 1996.

[21] Elisabeth Zadora-Rio, Archéologie et toponymie : le divorce, Les petits cahiers d’Anatole, n° 8, 2001.

[22] Ce sont les toponymes comprenant « castel » (« Pra du castel », « Le castellar », « Le castelet » ou « Le castellaras », par exemple), « château », « châtel » ou « chastel » (« Le château », « Les prés du château », « Le chastellan » ou encore « Le chastellas », par exemple) et « fort » (« La forteresse », « Castel fortis » ou « Chastelfort », par exemple) qui ont été retenus.

[23] Jean-Claude Poteur, Archéologie et sociologie des châteaux…, vol. 1, p. 16.

[24] Nice, AD 06, 25FI 093/1/C2 (1868) et 03P_1089 (1869), vue 65.

[25]Id.

[26] Georges Barbier, « Châteaux et places fortes du comté de Beuil », Nice-Historique, 1994, n° 11, p. 177.

[27] Honoré Bouche, La chorographie ou Description de Provence, Aix-en-Provence, 1664, p. 282. La seule édition complète de cette liste de castra se trouve dans cet ouvrage qui s’ouvre par une approche chorographique de la Provence.

[28] Jean-Claude Poteur, Archéologie et sociologie des châteaux…, vol. 2, p. 484.

[29] Nice, AD 06, 03G 0002 (1614), fol. 7 v°.

[30] Je pense notamment à la fouille du château du Mas dont les tranchées de fondation ont permis de récolter du mobilier céramique permettant de dater les différents niveaux d’occupation du site (Jean-Claude Poteur, Archéologie et sociologie des châteaux …, vol. 2, p. 423-424).

[31] Si le château se trouvait sur la crête au nord-ouest du village actuel, le castrum correspondait au village enclos dans des remparts en rive droite de la Roudoule. À la fin du XIVe siècle, moment où est attesté le cimetière de l’église Sainte-Marie, le lieu est d’ailleurs indifféremment nommé « castrum » ou « burgus ». En effet, si le bourg et le castrum sont théoriquement deux entités distinctes, l’une « ultra pontem Rodole » en rive gauche de la Roudoule, l’autre en rive droite, vraisemblablement entre le béal (canal) et la Costa, la différence entre les deux n’est manifestement pas toujours nette : un acte, passé en 1378 « in castro de Pugeto, videlicet in domo Claustri » signale également la domus Claustri « in burgo Pugeti » (Cartulaire de l’abbaye de Lérins, vol. 2, n° XXXV).

[32] Dom Jean Becquet, « La paroisse en France aux XIe et XIIe siècles », Le istituzioni ecclesiastiche della « societas christiana » dei secoli XI-XII, Milan, Vita e pensiero, 1977, p. 206.

[33] L’édifice n’étant attesté que par le plan de Carlo Morello, il est impossible de le dater.

[34] Marseille, AD 13, B 192. Voir également Étienne Clouzot, Pouillés…, p. 283.

[35] Chartrier de l’abbaye de Saint-Pons…, n° IV (ca. 1028).

[36] Cartulaire de l’abbaye de Saint-Victor …, n° CXVI (1043).

[37] Aude Lazaro, « Églises de castrum et églises de villa : le polycentrisme religieux et l’habitat rural en Provence orientale (XIe-XVe siècle) », Revue archéologique des Alpes du Sud, n° 1, 2021-2022, p. 173.

[38] Torino, ASTo, Carta Topografica in misura del Contado di Nizza […] Parte Quinta ed Ultima (1760-1763). Il faut également signaler un plan vraisemblablement de la même époque qui indique « Chateau de la Gaude et chapelle de St. Etienne » (Torino, ASTo, Partie du cours du Var depuis son Confluent avec la Vesubia jusques à son embouchure dans la Méditerranée, s.d.).

[39] Voir la synthèse de l’étude du bâti menée par Fabien Blanc-Garidel sur cet édifice en 2012 (Fabien Blanc-Garidel, « Saint-Jeannet // Chapelle San Peïre », Fabien Blanc-Garidel (dir.), L’archéologie entre monts & rivages. 10 ans d’archéologie à Nice et dans la métropole Nice Côte d’Azur, Nice, Service d’Archéologie Nice Côte d’Azur, tome 2, 2020, p. 86-88).

[40] Nice, AD 06, G 1550 (1446).

[41] Nice, AD 06, G 1262 (1719), fol. 39 v°.

[42] Si les dédicaces au protomartyr sont traditionnellement associées aux églises du haut Moyen Âge, la construction par la communauté de Saint-Paul-de-Vence d’une chapelle en l’honneur de saint Étienne au début du XVe siècle prouve que le premier Moyen Âge n’avait pas l’exclusivité de cette dévotion.

[43] Étienne Clouzot, Pouillés…, p. 299.

[44] Ibid., p. 301.

[45] Ibid., p. 297.

[46] Nice, AD 06, NI MATIERES ECCLESIASTIQUES MAZZO 006, doc. 1 (1353).

[47] Étienne Clouzot, Pouillés…, p. 261 et 266.

[48] Ibid., p. 286.

[49] Les montants donnés dans ce tableau proviennent des Pouillés réunis par Étienne Clouzot.

[50]Torino, Biblioteca reale, Avvertimenti sopra le fortezze di S.A.R. del capitano Carlo Morello, primo ingegnere et luogotenente generale di Sua artigliera, 1656. Une copie de ce plan peut être consultée aux archives départementales des Alpes-Maritimes (Nice, AD 06, 03FI 04458).

[51] Patrimoine des Alpes-Maritimes : entre Var et Cians, Nice, Conseil départemental des Alpes-Maritimes, coll. Passeurs de mémoire, 2015, p. 99.

[52] Michel Parisse, « La conscience chrétienne des nobles aux XIe et XIIe siècles », La cristianita dei secoli XI et XII in occidente : coscienza e strutture di una società, Milan, Vita e Pensiero, 1983, p. 265.

[53] Signalons tout de même, dans la vallée de la Roya, la chapelle Saint-Georges du château Saint-Georges de Saorge.

[54] Florian Mazel, La noblesse et l’Église…, p. 520.

[55] Florian Mazel, La noblesse et l’Église…, p. 511.

[56] Torino, Biblioteca reale, Avvertimenti sopra… et Nice, AD 06, 03FI 04457.

[57]Nice, AD 06, NI MATIERES ECCLESIASTIQUES MAZZO 006, doc. 1 (1353).

[58] Patrimoine des Alpes-Maritimes …, p. 85.

[59] Colette et Michel Bourrier-Raynaud, Les Chemins de la tradition : chapelles et oratoires au cœur du haut-pays niçois, Nice, Serre éditeur, 1985, p. 72.

[60] Colette Samaran, Étude sur la vie rurale en Haute-Provence orientale au début du quatorzième siècle d’après le témoignage de deux registres notariaux. Diplôme de l’Université d’Aix-en-Provence, Faculté de lettres d’Aix, 1957, p. 84 (diplôme d’études supérieures non publié).

[61]Transcription de la Descrittione della Lyguria…, p. 102.

[62] Voir la notice consacrée aux fouilles menées sur le Barri Vieil (Romuald Mercurin, Philippe Rigaud (coll.) et Éric Guilloteau (coll.), « Nice // Barri Vieil (quartier de Magnan) », Fabien Blanc-Garidel (dir.), L’archéologie…, p. 96).

[63] Nice, AD 06, G 1262 (1719), p. 37.

[64] Nice, AD 06, G 1550 (1446).

[65] Aldo A. Settia, « Églises et fortifications médiévales dans l’Italie du Nord », Chiese, strade e fortezze nell’Italia medievale, Rome, Herder, 1991, p. 59.

[66] Si les titulatures constituent parfois des indices de datation, la pérennité du culte à saint Étienne et à saint Michel dans la partie orientale de la Provence ne permet guère d’utiliser cette approche pour dater la construction et/ou la fréquentation des lieux de culte.

[67]Jean-Claude Poteur, « Le réseau castral du Pays de Nice (Xe – XIIIe siècle) », Recherches Régionales -Alpes-Maritimes et Contrées limitrophes, 1983, n°3, p. 36.

[68] Nice, AD 06, G 1531, doc. 3, fol. 1 r°.

[69] Tous les pourcentages donnés concernent le corpus présenté plus haut, soit 77 sites (77 lieux de culte dans l’environnement d’un château ou d’un castrum, attesté par les textes, les documents d’archive ou les données de terrain).

[70]Jean-Claude Poteur, « Le réseau castral… », p. 41.

[71] Chartrier de l’abbaye de Saint-Pons…, n° XII (ca. 1075), n° XLVI (1247) et n° LX (1252).

[72] Étienne Clouzot, Pouillés…, p. 282 et 286.

[73] Chartrier de l’abbaye de Saint-Pons…, n° XCVIII (1286).

[74] Jean-Claude Poteur, Archéologie et sociologie des châteaux…, vol. 2, p. 482.

[75]Cette configuration serait à rapprocher de celle des chapelles implantées au-dessus de la porte qui permettaient « d’afficher à la fois une appartenance aristocratique et le privilège d’une protection divine grâce à la présence de reliques » (Élisabeth Chalmin-Sirot, Vivre et croire. Les chapelles seigneuriales en France à la fin du Moyen Âge, Saint-Guilhem-le-Désert, Éditions Guilhem, 2022, p. 39).

[76] Florian Mazel, La noblesse et l’Église…, p. 514.

[77] Monique Bourin, Aline Durand, « Église paroissiale, cimetière et castrum en bas Languedoc (Xe-XIIe s.) », L’environnement des églises et la topographie religieuse des campagnes médiévales. Actes du IIIe congrès international d’archéologie médiévale (Aix-en-Provence, 28-30 septembre 1989), Caen, Société d’Archéologie Médiévale, 1994, p. 101.

[78] Étienne Clouzot, Pouillés…, p. 297 et Nice, AD 06, G 1285.

[79] Torino, ASTo, Carta Topografica in misura del Contado di Nizza […] Parte Quinta ed Ultima (1760-1763).

[80] Aude Lazaro, « Églises de castrum… », p. 173.

[81] Jean-Claude Poteur, Archéologie et sociologie des châteaux…

[82] Aldo A. Settia, « Églises et fortifications… », p. 64.

[83] PAM : entre Var et Paillon, p. 143.

[84] Jean-Claude Poteur, Archéologie et sociologie des châteaux…, vol. 2, p. 18.

[85] Pierre Gioffredo, Histoire des Alpes-Maritimes. Une histoire de Nice et des Alpes du sud des origines au 17e siècle, troisième partie, de 1529 à 1652, Éditions Nice Musées, 2008, p. 407.

[86] Torino, ASTo, Antrevaus, s.d. (« G. chiesa tenuta p[er] queli dela vila »).

[87] Aldo A. Settia, « Églises et fortifications… », p. 55.

[88] Les églises paroissiales, bien que plus grandes, ne présentent pas nécessairement un plan différent (cf. Toudon), d’autant plus que l’ajout des collatéraux n’est pas forcément bien daté.

[89] Aude Lazaro, « Églises de castrum… », p. 177 et Aude Lazaro, Chapelles des Alpes-Maritimes : prospections et études de bâti. Rapport final d’opération portant sur les communes de Andon, Aspremont, Bonson, Clans, Gilette, Gourdon, Grasse, Ilonse, Lieuche, Lucéram, Venanson et Villars-sur-Var, 2021, p. 37.

[90] Torino, Biblioteca reale, Avvertimenti sopra… et Nice, AD 06, 03FI 04457.

[91] PAM : entre Var et Paillon, p. 121.

[92] Louis Trastour, Aspremont mon village, Nice Historique, 1971 (2), p. 11.

[93] Eugène Caïs de Pierlas, La ville de Nice pendant le premier siècle de la domination des princes de Savoie. Turin, 1898, p. 385.

[94] Nice, AD 06, 25FI 045/1/B, 1835, et 03P_0442, 1836, vue 36.

[95] Nice, AD 06, G 1532, doc. 3 (1404), fol. 1 v°.

[96] 29 oct. 1412, fol. 73, Comptes des receveurs généraux, vol. 2, dans Eugène Caïs de Pierlas, La ville de Nice…, p. 139.

[97] Plusieurs canons furent rapportés de l’artillerie du château de Nice pour reprendre le site de Dosfraires.

[98] PAM : entre Var et Cians, p. 99.

[99] Hervé Barelli, Nice et son comté, 1590-1680. Témoignages, récits et mémoires (tome 1), Nice, Mémoires millénaires éditions, 2011, p. 67, ainsi que Pierre Gioffredo, Histoire des Alpes-Maritimes…, p. 394-395.

[100] Nice, AD 06, 01FI 1419 (1662), Cours du Var d’Annot à la mer.

[101] Torino, ASTo, Carta Topografica in misura del Contado di Nizza […] Parte Quarta (1760-1763).

[102] Torino, ASTo, Plan Topographique en mesure du cours du fleuve Var […] et de celui des Rivieres du Steron (1759).

[103] Voir notamment la visite de 1603 (Nice, AD 06, G 1216, fol. 16 v°), celle de 1654 (G 1230, fol. 114 et fol. 116) et celle de 1683 (G 1248, fol. 32 v° et 33 r°).

[104] Nice, AD 06, G 1216 (1603), fol. 16 v°.

[105] Fabien Blanc-Garidel (dir.), L’archéologie…, p. 33.

[106] Martin Aurell, Jean-Paul Boyer, Noël Coulet, La Provence au Moyen Âge, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2005, p. 22.

[107] La concession de jours d’indulgence pour la visite de la chapelle de la forteresse de Beuil indique tout de même que le lieu de culte était ouvert à tous, au moins pour certaines dates et célébrations.

[108] Élisabeth Chalmin-Sirot, Vivre et croire…, p. 12.

 

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