Mickael Bouali
Résumé : La colonisation grecque a fait l’objet d’un âpre débat entre les tenants d’une vision traditionnelle et les défenseurs d’une approche révisionniste. Pour les premiers, c’est la métropole qui est à l’origine de la fondation d’une apoikia. L’œciste est désigné par la cité et prend la tête des colons, après avoir consulté l’oracle de Delphes. Pour les seconds, en revanche, l’implication de la métropole et l’oracle delphique sont des constructions postérieures. Loin d’être issus d’un processus bien encadré, les premières apoikiai seraient le fruit de migrations relevant essentiellement d’initiatives privées. Or, grâce aux travaux des archéologues, il paraît possible de dépasser cette opposition, en s’appuyant sur les écarts chronologiques qui séparent l’installation des premiers colons, de l’établissement d’une véritable apoikia. Cette étude défend la thèse selon laquelle l’approche révisionniste se concentre sur les premiers temps de l’installation, quand le modèle classique s’intéresse à la fondation officielle de ces établissements, une fois ceux-ci ancrés dans le nouveau territoire et reconnus par le pouvoir métropolitain.
Mots-clés : Sicile antique, colonisation grecque, apoikia, middle ground, fondation.
Enseignant titulaire en Histoire-Géographie au collège Gay-Lussac de Colombes, docteur en Histoire ancienne de l’université de Bordeaux (thèse sous la direction de Christophe Pébarthe), qualifié aux fonctions de maître de conférences en Histoire, civilisations, archéologie et art des mondes anciens et médiévaux, chercheur associé à l’Institut Ausonius (UMR 5607), Mickael Bouali travaille sur les constructions identitaires dans le bassin égéen et en Sicile, de l’époque archaïque à l’aube des Guerres puniques. En parallèle, il enseigne l’Histoire-Géographie et l’EMC dans les classes de sixième, cinquième, quatrième et troisième.
Introduction
Depuis une vingtaine d’années, le phénomène colonial grec fait l’objet d’un débat aussi âpre que passionné entre les tenants d’une vision traditionnelle, majoritaires sur le continent européen, et les défenseurs d’une approche révisionniste, plutôt située dans le monde anglo-saxon[1]. Dans la conception traditionnelle, la colonisation grecque est le produit d’une initiative politique et religieuse des différentes métropoles. Pour diverses raisons économiques et démographiques, la cité prend la décision de se séparer d’une partie de sa population et nomme un œciste, c’est-à-dire un chef d’expédition, afin de fonder une apoikia[2] sur d’autres rivages. Condition sine qua non au succès de l’entreprise, l’œciste doit également se rendre à Delphes pour y recevoir les consignes de l’oracle[3].
Or, ce modèle a été radicalement remis en cause par les travaux pionniers de Robin Osborne à l’extrême fin du XXe siècle. Alors que les critiques se concentraient sur le lexique utilisé pour envisager la colonisation grecque[4], celui-ci déplace la réflexion depuis le mot vers le concept lui-même. Il entreprend ainsi de déconstruire radicalement le phénomène et parvient à la conclusion que ce que l’on nomme « colonisation » ne peut qu’être une réalité de l’époque classique, projetée par les Grecs d’alors, puis par les historiens contemporains, sur un passé mythifié[5]. L’absence d’encadrement politique des premiers contingents, de la part d’une cité ou d’un État, est au cœur de son argumentation. À une conception coloniale traditionnelle, envisagée comme ethno-centrée[6] et résolument anachronique, il oppose une reconstitution selon laquelle les premiers établissements sont le fruit de migrations spontanées, relevant d’initiatives individuelles, qui ne diffèrent pas sensiblement par leur nature des formes de mobilités plus anciennes qui ont touché le bassin égéen.
Signe d’un zeitgeist marqué par la globalisation et le postmodernisme, le sillon tracé par Robin Osborne a largement essaimé depuis, dans la recherche anglo-saxonne, mais aussi plus timidement en France[7]. Le renouvellement de la documentation archéologique, et les questionnements contemporains ont bien évidemment favorisé la remise en cause du paradigme classique. Cependant, les tenants de l’approche dite traditionnelle demeurent majoritaires, tout du moins en Europe, et encore de nos jours, ce débat déchire la communauté universitaire. Ainsi, dans leur intervention introductive au colloque de Rome de 2012, Lieve Donnellan et Valentino Nizzo comparent le débat actuel à un schisme, « a new “Great Divide”[8] » tandis qu’Arianna Esposito et Airton Pollini pointent le risque d’un « apartheid intellectuel » entre « “revisionist” Anglophone scholars and “traditionalist” continental European scholars[9] », que certains chercheurs tentent aujourd’hui de surmonter.
En effet, en s’appuyant sur les apports de l’archéologie récente, combinés à une relecture des sources littéraires, il apparaît possible de dépasser ce « Great Divide », et d’abord par la chronologie. Ainsi, la datation canonique des différentes cités de Sicile ne correspond pas tout à fait aux sources archéologique. On compte un écart chronologique d’une vingtaine d’années entre la datation calculée à partir du témoignage de Thucydide et celle du Marbre de Paros[10]. En outre, dans les sources classiques, il s’écoule souvent quelques années, voire davantage, entre l’installation des premiers hellénophones et l’établissement d’une apoikia à proprement parler. Les études archéologiques menées dans la région ces dernières années ont d’ailleurs mis au jour différents établissements, donnant à voir des strates de peuplement imperceptibles jusque-là. Ces écarts chronologiques pourraient être à l’origine des deux manières actuelles d’envisager le phénomène colonial. L’approche révisionniste anglo-saxonne se concentrerait ainsi sur les premiers temps de l’installation, voire les errements initiaux, quand le modèle classique s’intéresserait à la fondation officielle de ces établissements, une fois ceux-ci dûment ancrés dans le nouveau territoire et reconnus par le pouvoir politique métropolitain.
À rebours du récit assez lisse que la tradition a dressé du phénomène colonial, ces écarts chronologiques interdisent toute forme de téléologie, rappelant que le succès d’une apoikia ne va pas de soi[11].
Une tradition largement uniformisée
Lorsque l’on envisage les premières fondations de Sicile, force est de constater que la tradition littéraire ne laisse que peu de place à l’idée d’une construction progressive et que le tableau dressé est souvent définitif. L’œuvre d’Hippys de Rhégion et la Ktisis Sikelias d’Hellanicos de Lesbos ayant été perdues, c’est la tradition élaborée par Antiochos de Syracuse qui est ici dominante. Celle-ci nous est essentiellement parvenue par la médiation de Thucydide et de Strabon. Ce dernier se fait également l’écho d’une tradition alternative mise en forme par Éphore de Cumes. Enfin, un témoignage plus tardif, celui de Polyen, s’avère également assez riche en informations sans qu’il soit possible d’établir avec précision sa source[12]. Comme l’a noté Michel Gras, c’est à Antiochos que nous devons cette conception traditionnelle où chaque fondation est l’œuvre d’un œciste et d’un groupe de colons bien homogène du point de vue ethnique et culturel[13].
Dans le livre VI de la Guerre du Péloponnèse, Thucydide retrace donc l’histoire des premières apoikiai de Sicile selon un schéma traditionnel associant une métropole et un œciste[14]. Naxos est la première cité fondée par un groupe de Chalcidiens d’Eubée, sous la férule de l’œciste Thouclès. L’année suivante, c’est Syracuse qui est fondée par un groupe de Corinthiens mené par l’œciste Archias. Quatre ans après, des colons venus de Mégare s’établissent d’abord, sous la conduite de Lamis, à Trôtilon. Puis, rejoignant des Chalcidiens à Léontinoi, ils en sont ensuite chassés et finissent par coloniser Thapsos. À la mort de Lamis, les colons sont alors forcés de quitter le nouveau site et s’en vont finalement fonder, sur l’invitation du roi sikèle Hyblon, la cité de Mégara Hyblaea. Cependant, Strabon, suivant Éphore, relaie une autre tradition et fait de celle-ci l’exacte contemporaine de Naxos[15]. Enfin, quarante-cinq ans après la fondation de Syracuse, Antiphémos et Entimos, à la tête de colons venus de Rhodes et de Crète, érigent Géla. Ces données nous permettent de dater, en chronologie absolue, la fondation de Naxos en 735 av. J.‑C., celle de Syracuse en 734 av. J.-C., celles de Léontinoi, Catane et de Mégara Hyblaea en 729 av. J.‑C. et celle de Géla en 688 av. J.-C.[16].
Les sources littéraires se font plus vagues concernant les fondations eubéennes du détroit de Sicile malgré l’ancienneté avérée de celles-ci. Ainsi, selon Thucydide et Pausanias[17], la fondation de Zancle, à la pointe nord-est de la Sicile, résulterait d’une action conjointe, dans les années 730 av. J.‑C., de pirates venus de Cumes, plus ancienne colonie d’Occident, et d’émigrants originaires d’Eubée, respectivement guidés par Périérès et Crataiménès[18]. Fondée vers 730 av. J.‑C., Rhégion est le pendant de Zancle, de l’autre côté du détroit. Suivant les versions consignées par Strabon, citant lui-même Antiochos, cette fondation est l’œuvre de Chalcidiens menés par l’œciste, Artimédès, celle de Zancléens conduit par Antimnestos ou encore d’un groupe de Messéniens du Péloponnèse[19].
Cette datation n’est évidemment pas la seule et des traditions concurrentes existent. Celle transmise par le Marbre de Paros s’accorde mieux aux données archéologiques et aboutit à une datation antérieure d’une vingtaine d’années. Cet écart chronologique a été abondamment étudié, de René Van Compernolle à Franco De Angelis. On observe ainsi un décalage analogue sur la grande majorité des sites[20]. Cet écart chronologique semble être le reflet des phases de développement successives de ces fondations. Ainsi, la datation transmise par Thucydide prendrait comme repère la naissance de la cité quand les sources archéologiques rendraient compte de l’arrivée des premiers colons.
On retrouve des écarts similaires concernant les fondations d’Italie du Sud. Ainsi, la fondation de Crotone est datée de 710/709 av. J.-C. selon Denys d’Halicarnasse, ce qui peut concorder avec les estimations d’Antiochos, qui la situe après celle de Sybaris. Cependant, cette datation diffère sensiblement de la tradition relayée par Pausanias, qui fait de Crotone une colonie des Lacédémoniens, fondée sous le règne du roi spartiate Polydoros, au début du VIIe siècle. Quant à Strabon, il établit, à travers la rencontre à Delphes de leurs deux œcistes respectifs, une synchronie entre les fondations de Crotone et Syracuse, trente générations après le sac de Troie, c’est-à-dire aux alentours de la date traditionnellement retenue de 734 av. J.‑C.[21]. Dans le cas de Crotone donc, on retrouve un écart chronologique d’une quarantaine d’années[22].
Faut-il expliquer ces écarts chronologiques par l’existence de sources divergentes, reposant sur des informations erronées ou des revendications contradictoires ? Est-ce la traduction du décalage déjà repéré entre établissement des premiers contingents et fondation de la cité à proprement parler ? Toujours est-il que le déroulement effectif de ces installations apparaît comme bien moins lisse que le récit qui en est souvent fait.
Un devenir incertain. Écarts chronologiques et tentatives avortées
Si les sources relaient volontiers l’écho des traditions locales sur les origines de chaque cité, il est également possible de retrouver la trace, en filigrane, des tentatives d’installation avortées. Hérodote rapporte explicitement le cas des Clazoméniens qui, repoussés par les Thraces, échouèrent à s’implanter une première fois sur le site d’Abdère[23]. Pour Maria Cecilia d’Ercole, certaines légendes associant des figures héroïques à des espaces dépourvus d’établissements grecs « pourraient cacher ces revers de la colonisation et les transposer sur le plan mythique[24] ». C’est ainsi qu’elle interprète les déboires du héros Diomède en Daunie dans l’Adriatique. Remontant au VIIe siècle, la version la plus ancienne du mythe dépeint le héros comme un conquérant malheureux, finalement éliminé par un chef autochtone n’ayant pas respecté sa parole[25].
L’épisode mythologique des Thespiades peut être interprété de manière analogue[26]. Héraclès, sur la base d’un oracle, envoya ses cinquante fils, accompagnés de volontaires, fonder une colonie en Sardaigne sous la conduite d’Iolaos[27]. Une fois sur place, ce dernier se comporta véritablement comme un œciste, défrichant les terres à mettre en culture et procédant à la division des terres, selon le modèle que l’on retrouve traditionnellement dans les récits de fondation. Cette légende croise d’ailleurs la geste sicilienne de Dédale puisqu’Iolaos fit venir celui-ci dans son apoikia afin de superviser la construction de nouveaux édifices[28]. Seulement, après le retour d’Iolaos en Grèce, des autochtones se mélangèrent aux colons initiaux si bien qu’après plusieurs générations, il n’y eut plus de différences entre colons et indigènes. Adoptant les mœurs de ces derniers, les descendants des premiers colons abandonnèrent ainsi leurs champs pour se réfugier dans les montagnes, vivant dans des cavernes et se nourrissant exclusivement des produits de leurs troupeaux. Maria Cecilia D’Ercole relie ce mythe au projet milésien de colonisation de la zone que l’on connaît à l’époque du tyran Histiée de Milet[29].
Que l’on souscrive à cette interprétation ou non, l’existence d’installations infructueuses apparaît comme très fortement probable. En effet, à moins de postuler une supériorité inhérente aux colons venus d’Égée, il n’y a aucune raison de s’imaginer que toutes les entreprises coloniales aient été d’emblée couronnées de succès. Le tableau dépeint deux à trois siècles plus tard, sur la base des établissements ayant effectivement prospéré depuis, ne peut refléter fidèlement l’ensemble des tentatives opérées au VIIIe siècle.
Quant aux sources archéologiques, on ne peut identifier que des établissements d’une envergure et d’une longévité certaine. Pourtant, même avec ce critère très restrictif, il apparaît que certains sites, ayant livré du matériel du VIIe voire du VIIIe siècle, demeurent encore non identifiés. Ainsi les sites de Butera, Monte Bubbonia, Monte Saraceno ou encore Monte San Mauro ont été diversement interprétés par les archéologues, de la véritable polis grecque à la bourgade indigène hellénisée. Concluant la partie dédiée à ces sites dans An Inventory of Archaic and Classical Poleis, les auteurs illustrent clairement ces problèmes d’identification : « These sites present a very strong degree of Hellenisation and may possibly have to be identified with Greek colonial foundations whose sites are unknown […] they may also be the sites of Greek cities not mentionned by the written sources, or they may be indigenous communities, or communities of mixed ethnicity[30]. »
De fait, à côté de ces sites non identifiés, subsistent des cités dont l’existence est attestée par les sources littéraires sans qu’il soit possible de les relier avec certitude à un lieu précis. C’est le cas de cités à l’origine incertaine, à l’image de Maktorion, comme de véritables fondations eubéennes à l’image d’Euboia ou encore Kallipolis ; la datation de ces dernières fluctuant entre le dernier tiers du VIIIe et le VIIe siècle[31]. En outre, il apparaît clair, sur un site comme celui de Géla qu’une phase d’occupation précédant la fondation de l’apoikia est décelable dès la fin du VIIIe siècle[32]. Cette occupation semble se rattacher au phénomène de colonisation en deux phases, ou « two stage settlement », défini par Jonathan Hall[33].
À propos de la fondation de Zancle, Thucydide note ainsi deux phases. Dans un premier temps, Zancle aurait été fondée par des pirates venus de Cumes, sans doute comme avant-poste pour contrôler le détroit. Ce n’est que plus tard, et Thucydide utilise ici « ὕστερον[34] », qu’une « bande d’émigrants » principalement originaire de Chalcis vint renforcer le contingent primitif et « exploiter le pays avec eux[35] ». Alors Zancle opta pour deux œcistes officiels, Périérès et Crataiménès, respectivement originaires de Cumes et de Chalcis. Mis à part ce connecteur temporel bien vague, nous n’avons guère d’indications concernant la durée écoulée entre la première installation des pirates cuméens et la fondation officielle de Zancle avec Périérès et Crataiménès comme œcistes[36]. On peut raisonnablement penser que durant cette période, au moins, le rapport de force avec les populations locales sur le site de Zancle a dû être relativement équilibré et qu’une situation de middle ground, telle que définie par Irad Malkin, a pu prévaloir[37]. Ce pourrait être une piste pour expliquer le choix d’un toponyme indigène pour nommer la cité nouvellement fondée[38].
Dans le cas de Léontinoi, Thucydide mentionne, de manière évasive, une guerre entre colons et Sikèles. Thouclès aurait ainsi préalablement chassé les Sikèles par les armes avant de fonder la cité[39]. Le témoignage de Polyen permet cependant d’ajouter un peu de complexité et de chronologie à ce récit de fondation[40]. En effet, selon lui, les colons et les Sikèles étaient originellement liés par un serment d’amitié et cohabitaient ensemble à Léontinoi. Ce middle ground originel fut cependant perturbé par l’arrivée de colons mégariens sur le territoire de la cité[41]. Le rapport de force n’étant alors plus le même, ceux-ci furent stipendiés par Thouclès et chassèrent les indigènes à sa demande. Quelques mois après, les Mégariens, qui avaient pris la place des Sikèles, furent à leur tour expulsés de la cité. On mesure ainsi les équilibres précaires sur lesquels ont pu reposer les établissements des premiers temps, les différentes forces en présence alternant aisément entre collaboration, cohabitation et conflit ouvert. L’errance des colons mégariens se poursuivit d’ailleurs jusqu’à la mort de leur œciste, Lamis. Ainsi, ayant fondé primitivement une cité à Trôtilon selon Thucydide, ou participé à la fondation de Naxos selon Strabon[42], ils passèrent par Léontinoi, d’où ils furent finalement expulsés, et Thapsos qu’il leur fallut cependant quitter à la mort de Lamis. Ce n’est qu’après toutes ces tentatives qu’ils finirent par fonder Mégara Hyblaea à l’appel du roi Sikèle Hyblon. Là encore, l’écart chronologique est important et la fondation définitive de la cité n’intervient qu’après une succession d’événements et de changements de rapport de force.
Les données archéologiques semblent confirmer, pour certains sites du moins, cette cohabitation précoce entre plusieurs groupes, hellénophones ou non. Ainsi, les fouilles menées sur le site de Naxos ont mis au jour, dans les strates correspondant aux premiers niveaux d’occupation, une grande quantité de céramiques de confection indigène, coexistant avec la céramique venue d’Égée. Pour Pier Giovanni Guzzo, c’est la preuve que des indigènes vivaient dans la cité aux premiers temps de sa fondation. Mettant en lien ces éléments avec la présence d’artefacts indigènes dans le mobilier funéraire, à l’image de la fibule de bronze retrouvée dans la tombe 72, il y perçoit la trace d’une composante indigène essentiellement féminine[43]. Cette cohabitation précoce entre groupes hellénophones et autochtones est d’ailleurs particulièrement bien documentée par les études de Maria Costanza Lentini pour Naxos et les travaux de Gert-Jan Burgers et Jan Paul Crielaard pour le site de l’Amastuola, près de Sybaris[44].
Ne peut-on pas dès lors penser qu’avant la fondation d’une apoikia en bonne et due forme, la plupart de ces sites se sont d’abord développés selon le modèle de l’enoikismos ? La notion, initialement forgée par Hans Georg Niemeyer à propos de l’extrême occident méditerranéen, a été réinvestie par Carla Antonaccio à propos de Pithécusses[45]. Si le site d’Ischia demeure unique à bien des égards, il n’est pas interdit de penser que les premières installations d’Égéens en Sicile aient permis une forme de cohabitation initiale. Owain Morris et Douwe Yntema défendent des thèses analogues à propos du site de Cumes, pour le premier, et du territoire de Tarente, pour le second[46].
Même dans le cas de Syracuse, qui fait souvent figure d’exemple canonique des violences entre indigènes et colons, le témoignage de Thucycide n’interdit pas d’envisager une première période de cohabitation. Il précise seulement que la ktisis de la cité, c’est-à-dire sa fondation officielle, n’intervient qu’après qu’Archias a chassé les Sikèle d’Ortygie. En outre, l’établissement des colons corinthiens à Ortygie pourrait avoir été, là encore, plus progressif que le récit thucydidéen ne le laisse paraître. En effet, sur la base de traces archéologiques, Maria Beatriz Borba Florenzano postule l’existence de voyages d’exploration corinthiens dans tout le sud de l’île, au-delà du Cap Passero et jusqu’à l’embouchure du fleuve Dirillo, qui accueillera, par la suite, la cité de Géla[47]. De plus, c’est d’Antiochos que Thucydide tient son récit et Michel Gras a montré combien celui-ci veilla scrupuleusement à ce que l’homogénéité ethnique de sa cité soit soulignée, quitte à éluder certains épisodes[48].
Il apparaît donc clair, à la lumière d’une relecture des sources et des travaux des archéologues, que la condition des premiers établissements coloniaux de Sicile est bien plus contrastée que ne le laisse entendre la tradition forgée par Antiochos de Syracuse. On retrouve des situations de middle ground et de cohabitation sur nombre de sites, et il n’est pas impossible que, dans un premier temps, ce schéma soit le plus répandu. Cela étant, Arianna Esposito rappelle opportunément qu’il serait malavisé d’étendre ce modèle, où l’apoikia succède automatiquement à une « phase précoloniale », à l’ensemble des sites coloniaux tant le rapport de l’un à l’autre n’est pas systématique[49].
À rebours de tout raisonnement téléologique, il est possible d’isoler, en élargissant la perspective à l’occupation de l’Italie du Sud, des établissements d’hellénophones qui ne connaissent pas d’évolution similaire vers l’apoikia. Ainsi, l’étude menée par Laurence Mercuri sur les nécropoles du site indigène de Canale Janchina a mis au jour une grande quantité de céramiques, de confection locale, mais de type eubéen, datées des années 730-720 av. J.‑C.. Elle en déduit la présence d’artisans eubéens dans la région, voire d’un véritable atelier, dans le cadre d’un emporion[50]. Cependant, Canale Janchina ne se transformera jamais en véritable cité eubéenne, probablement en raison de la fondation, 4 km au sud, de la cité de Locres Epizéphyrienne qui modifie le rapport de force dans la région[51]. De même, toujours sur la base du mobilier céramique étudié, on suppose la présence d’artisans eubéens, dans les environs de Sybaris, sur les sites de Broglio di Trebisacce et Francavilla Marittima[52]. Sur ce dernier site, un atelier « oenotrio-eubéen » a même été localisé sur le Timpone della Motta[53].
C’est encore un atelier de céramique qui a conduit à identifier le site de l’Incoronata, dans la Basilicate voisine, comme un établissement grec de type emporique, par les archéologues italiens qui ont fouillé le site durant la décennie 1990. Pour Giuliana Stea, l’Incoronata greca correspondrait même à une véritable colonie dont le développement aurait été interrompu à la fin du VIIe siècle[54]. Récemment, Mario Denti a proposé une nouvelle grille d’analyse pour comprendre le site, s’appuyant sur les dernières fouilles de son équipe pour insister sur la cohabitation entre Oenotres et Grecs et proposer une nouvelle chronologie[55]. Il n’en demeure pas moins que le développement du site semble brutalement s’arrêter lorsqu’est fondée, dans la zone, la cité de Métaponte[56].
Il est remarquable que ce ne soient pas des questions d’absorption culturelle qui fassent péricliter ces sites mais l’installation d’un nouvel établissement concurrent, sur le modèle du transfert de centralité opéré entre Pithécusses et Cumes décrit par Bruno d’Agostino[57]. Si dans le cas de la présence eubéenne le long du littoral tunisien, c’est le développement de Carthage qui a mis fin aux navigations, ce sont bien d’autres installations égéennes qui font échouer les établissements eubéens à Canale Janchina ou encore à l’Incoronata.
Étudiant les différents sites d’Italie du Sud, Douwe Yntema a récemment proposé un modèle en trois phases pour rendre compte de l’évolution du peuplement grec dans la région[58]. Ce faisant, il tâche de déconstruire la vision traditionnelle d’un peuplement uniquement envisagé à partir des fondations pérennes et montrerait que le développement des premiers établissements est un processus graduel. Résumons les principales phases de cette étude.
Une première phase s’étend de la fin du IXe siècle au début du VIIIe siècle. Elle est essentiellement documentée par des fragments de céramique – près de 600 – retrouvés sur le site d’Otranto. Des traces similaires ont été également mises au jour sur le site de l’Incoronata et, dans la péninsule du Salento, les sites de Scoglio del Tonno, Porto Cesareo, Fani et Vaste[59]. Durant cette période, la présence égéenne se limite à des activités commerciales individuelles, au vol de bétail et aux rapines. L’Italie, et plus précisément la péninsule du Salento, n’attire alors que quelques pionniers, des marchands et des pirates.
Une deuxième phase commence dans la seconde moitié du VIIIe siècle et se poursuit jusqu’aux premières années du VIIe siècle. Les interactions avec les autochtones, et notamment le commerce, s’intensifient et prennent alors une forme institutionnalisée et régulée. De cette nouvelle pratique naissent des établissements, souvent mixtes, où la présence d’Égéens se fait de plus en plus perceptible. Douwe Yntema distingue deux variantes en fonction de l’implantation régionale de ces établissements.
La première, « the Salento variant » s’applique à trois sites de la péninsule du Salento, dans le voisinage de Tarente : Otranto, Brindisi et Torre Saturo. Ce dernier a été interprété comme le premier point de chute des colons spartiates dans la région. Ces trois sites correspondraient à des établissements autochtones où vivent de petites communautés venues d’Égée de la fin du VIIIe à la première moitié du VIIe siècle[60]. L’impact de ces petites communautés sur les autres établissements indigènes de la région demeurerait très limité. Pour Douwe Yntema, ces communautés seraient en réalité des sortes d’enclaves, occupant une position plutôt marginale dans la région.
La deuxième, « The Basilicata variant », concerne quant à elle les sites, plus nombreux, de Basilicate. Ces établissements, plus ouverts, auraient eu une certaine influence sur l’écosystème de la région. Auraient d’abord préexisté des communautés indigènes au sein desquelles se seraient installés des Égéens, qu’ils soient potiers, fermiers ou encore mercenaires. C’est dans cette catégorie qu’il classe les sites, déjà évoqués, de l’Incoronata, Francavilla Marittima et l’Amastuola. Ensuite, il distingue de nouveaux établissements, où viennent s’installer les Égéens comme Andrisani et Lazázzera près du futur site de Métaponte ou Policoro sur celui de Siris. Là encore, le peuplement serait mixte et, contrairement à la « Salento variant », tous ces sites traduiraient « a strong cultural hybridization and signs of intermarriage[61] ».
Une troisième phrase correspondrait à l’établissement de véritables poleis et au développement de l’emprise territoriale de ces dernières à partir du VIIe siècle. Sur les nombreux établissements précédemment évoqués, seule une petite minorité déboucherait finalement sur de véritables poleis. Les campements d’Andrisani et de Lazázzera semblent engendrer la cité de Métaponte et l’habitat dispersé du site de Policoro, celle de Siris. Faute de sources suffisantes, il concentre son propos sur la Basilicate, mais il envisage une évolution analogue à propos de Sybaris et de Tarente[62].
Le principal mérite de ce séduisant modèle est de rendre compte du décalage qui peut exister entre l’ensemble des sites fréquentés par des hellénophones et les apoikiai à proprement parler. Dans ces conditions, comment comprendre le succès de certaines installations et l’arrêt des autres ? Est-ce simplement une question de rapport de force, ou certaines communautés affichent-elle d’emblée des objectifs différents ? Comment comprendre le passage d’un simple établissement à une apoikia ? Il ne s’agit pas ici de prendre part au débat sur les causes de la colonisation, mais de s’interroger sur le moment où l’on passe d’une phase à une autre. Arianna Esposito l’a plusieurs fois rappelé, il serait hasardeux d’opter pour une vision mécanique du processus et même d’envisager comme un même objet historique, deux phénomènes aux logiques parfois bien distinctes, le monde de la « précolonisation » et celui de la colonisation[63]. Autant qu’on puisse en juger, le passage de l’un à l’autre s’incarne, dans nos sources, à travers l’acte particulier de la fondation.
Fondation et processus colonial
Relativement négligé par les chercheurs du courant postcolonial qui y voit une reconstruction postérieure, le moment de la fondation revêt, au contraire, une importance fondamentale dans les travaux des tenants de l’approche classique. Contre les tendances hypercritiques de certains de ses collègues, Irad Malkin assume ainsi en grande partie l’authenticité des récits de fondation. L’œciste est au cœur du dispositif colonial en ce qu’il est à la fois mandaté par la métropole de la future apoikia, mais aussi qu’il tire sa légitimité d’un oracle delphique qui lui est spécifiquement adressé[64]. Non seulement Irad Malkin ne remet pas en cause l’historicité des oracles de fondation rendus à Delphes, mais il en fait une condition sine qua non du processus colonial. L’œciste est alors envisagé comme le résultat d’un « compromis politique et symbolique », permettant une représentation de la métropole et de la colonie. Celle-ci pouvait dès lors se prévaloir d’une double origine : « une apoikia venue de la patrie et un oikiste “de Delphes”[65] ». Cette approche présente l’immense avantage d’insister sur la dimension religieuse du processus. Pourtant, le lien à Delphes est loin d’être établi.
Ainsi que l’a montré Catherine Morgan, si l’on peut dater des environs de 725 av. J.-C. le passage à Delphes d’un sanctuaire purement local à une structure dont le rayonnement devient beaucoup plus large, celui-ci n’acquiert de dimension proprement panhellénique qu’après le début du VIe siècle[66]. En outre, Jonathan Hall relève que sur les 247 mentions littéraires relatives aux récits de fondations des apoikiai de Sicile et de Grande-Grèce qu’il a étudiés, l’oracle de Delphes n’apparait que dans les traditions de cinq d’entre elles[67]. Un tel encadrement religieux par le sanctuaire de Delphes apparaît donc comme peu probable dans la deuxième moitié du VIIIe siècle et il semble bien hasardeux d’envisager le processus colonial selon un modèle unique et, d’une certaine manière, centralisé.
C’est la thèse défendue par Pier Giovanni Guzzo paraît ici plus probante[68]. En effet, la reconstitution qu’il propose, sur la base d’un fragment de Charon de Lampsaque, connu grâce à Plutarque, situe ce moment de fondation à la jonction d’une autre pratique, la prexis aristocratique[69]. C’est, en effet, dans le prolongement de ces initiatives individuelles, à mi-chemin entre commerce et piraterie, telles que décrites par Hésiode, que se situeraient les premières fondations. Cependant, l’initiative individuelle ne suffirait pas et l’apoikia ne pourrait naître qu’après la sanction officielle d’une cité. Ainsi, Charon de Lampsaque raconte comment Phobos de Phocée, ayant combattu pour le roi des Bébryciens, Mandron, reçoit de celui-ci un territoire afin d’y fonder une nouvelle cité[70]. Toutefois, Phobos est alors contraint de se rendre à Phocée pour convaincre ses compatriotes du bien-fondé de son entreprise. Ce n’est qu’une fois l’accord des Phocéens obtenu qu’il peut revenir sur le territoire donné par le roi Mandron et fonder la nouvelle cité. On passe alors d’une initiative privée, en l’espèce le service de Phobos en tant que mercenaire auprès du roi Mandron, à une entreprise publique dès lors que la nouvelle fondation reçoit l’assentiment de la cité mère.
De même, selon Strabon, lorsque Théoclès entreprend de fonder une apoikia en Sicile, c’est d’abord vers sa patrie, Athènes, qu’il se tourne. Ayant échoué à convaincre ses compatriotes, c’est alors vers Chalcis d’Eubée qu’il s’oriente afin de mener son expédition à bien[71]. L’opposition entre action individuelle et initiative publique, souvent très schématiquement envisagée lorsque le débat se polarise entre courant postcolonial et thuriféraires d’une approche plus classique, mérite donc d’être dépassée tant la réalité apparaît comme plus complexe. Ce qui naît d’initiative privée, mêlant aventuriers, aristocrates, pirates ou encore mercenaires peut devenir public dès lors que les ressources, notamment humaines, de la patrie doivent être mobilisées. En définitive, et même si les travaux portant sur le développement de la polis au VIIIe siècle restent fondamentaux, ce qui donne aux fondations leur dimension « coloniale » n’est pas tant le caractère privé ou public de celui qui initie le processus, mais plutôt le changement de logique qui va s’opérer alors.
On peut ainsi faire nôtre la distinction qu’opère Arianna Esposito entre une phase précoloniale et le cadre colonial né de ces apoikiai. Alors que des logiques essentiellement économiques et commerciales animent les établissements de la phase précoloniale, des fondations urbaines naît un besoin d’appropriation de la terre. C’est cette évolution du rapport à la terre qui marque une rupture. Dès lors, la relation à l’environnement régional et aux communautés autochtones qui l’occupent ne peut plus être la même. Il s’agit, pour la nouvelle cité, d’acquérir, de manière plus ou moins rapide en fonction des cas, une chôra[72] suffisante. Cette transition n’est donc pas, ou pas seulement chronologique, mais relève avant tout d’un changement de logique[73]. Si une dimension chronologique demeure, c’est parce que les fondations urbaines n’interviennent que dans un second temps, ne serait-ce que parce qu’elles ne deviennent possibles qu’une fois la connaissance géographique du lieu d’implantation acquise. Néanmoins, le nouveau modèle n’épuise pas l’ancien, et des établissements de type précolonial, fondés sur l’échange peuvent évidemment perdurer après le début des apoikiai. De même, ainsi que l’écrit Arianna Esposito, si l’échange caractérise la phase précoloniale et le développement de la polis, la colonisation, cela « n’implique néanmoins pas que l’échange s’effectue nécessairement sur des termes égalitaires, ni que ce type d’interaction précède inévitablement des formes de contact hégémoniques[74] ».
La fondation induit donc une rupture ou, en tout cas, un certain bouleversement. Ce bouleversement n’est pas nécessairement identitaire, il est avant tout social et économique. Il peut correspondre à la lecture qu’Irad Malkin fait du témoignage de Thucydide, relatant le partage des terres agricoles réalisées à Zancle au détriment des autochtones à l’arrivée de l’apoikia de Périérès et Krataeménès[75]. Ce peut être également dans cette perspective que l’on peut interpréter le revirement des habitants de Léontinoi, stipendiant les colons mégariens afin de tuer les Sikèles avec lesquels ils cohabitaient jusqu’à présent[76]. Nous avons déjà vu que l’ampleur de ce bouleversement fait l’objet d’un débat et que, les mêmes données archéologiques peuvent donner lieu à deux interprétations antagoniques, ainsi que Pier Giovanni Guzzo le souligne à propos de Sybaris[77]. On peut ainsi se figurer un processus essentiellement violent, où les colons auraient repoussé les autochtones vers l’intérieur des terres, tout en conservant les femmes, ou au contraire, une cohabitation pacifique à l’intérieur de l’apoikia[78]. Il n’en demeure pas moins que les nouvelles fondations vont capter l’ensemble des excédents agricoles et des richesses de la région, donnant l’impression de se développer au détriment des établissements sikèles autrefois rayonnants[79].
Conclusion
En associant les apports de l’archéologie récente à une relecture des sources littéraires, de nombreux chercheurs tentent désormais de dépasser le débat qui agite la recherche contemporaine à propos de la colonisation grecque. Les deux approches, classique et révisionniste, portent évidemment une part de justesse mais, en les opposant au lieu de les associer, on court le risque d’une cécité croisée. Certes, à la fin du XXe siècle, il était nécessaire de questionner l’approche classique, tout aussi bien à l’aune des questionnements de notre époque qu’en raison de la documentation nouvelle fournie par vingt années de recherche archéologique. Pour autant, il paraît hasardeux de se réfugier dans une position hypercritique telle qu’elle peut exister depuis une vingtaine d’année, au point de vouloir balayer les réflexions antérieures sur l’acte de fondation. Ce faisant, on minimise l’importance, pourtant fondamentale, du rapport à la terre, et la colonisation grecque, noyée dans les migrations antérieures, perd ainsi sa dimension véritablement coloniale. Le travail de dépassement du « Great Divide », amorcé depuis presque une décennie, représente donc toujours un enjeu intellectuel nécessaire afin de comprendre au mieux la complexité et la non-linéarité des processus coloniaux.
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[1] Cet article trouve son origine dans la thèse suivante, Mickael BOUALI, Sikeliôtai, réflexion sur les hellénophones de Sicile, sous la direction de Christophe Pébarthe, Université Bordeaux Montaigne, 2020 (thèse de doctorat non publiée). Tous mes remerciements aux éditeurs de la revue Circé, en particulier à Mahaut Cazals, pour leurs judicieux conseils et leur réactivité.
[2] Formé à partir du préfixe ἀπό – au loin – et du nom οἰκία – maison –, une apoikia désigne une cité coloniale grecque fondée par une métropole.
[3] Cette conception traditionnelle émane des travaux pionniers des grands historiens de la colonisation grecque, de Thomas Dunbabin à Jean Bérard, en passant par Georges Vallet. Il y a évidemment une évolution entre ces prestigieux historiens et, encore aujourd’hui, les tenants d’une approche traditionnelle ne conçoivent pas le phénomène de manière identique. Toutefois, cette filiation se retrouve dans le rôle attribué à la cité de départ ou encore à l’importance accordée au sanctuaire de Delphes et à son oracle dans le processus de fondation, à l’image des travaux d’Irad Malkin par exemple.
[4] Moses Immanuel FINLEY, « Colonies : An Attempt at a Typology », Transactions of the Royal Historical Society, 26, 1976, p. 167-188 ; Michel CASEVITZ, Le vocabulaire de la colonisation en grec ancien, Paris, Klincksieck, 1985.
[5] Robin OSBORNE, « Early Greek Colonization? The nature of Greek settlement in the West », Archaic Greece. New Approaches and New Evidence, Londres, Classical Press of Wales, 1998, p. 251-27 ; Robin OSBORNE, « Greek « colonization » : What was, and what is, at stake ?, Conceptualising early Colonisation, Bruxelles, Institut Historique Belge de Rome, 13, 2016, p. 21-26.
[6] La critique d’Osborne, et plus largement du courant révisionniste, porte toute à la fois sur le témoignage des auteurs grecs classiques mais aussi sur leur réception chez les historiens, eux-mêmes travaillés par différents présupposées idéologiques liées à la colonisation contemporaine. Voir également le travail de déconstruction des travaux de Thomas James Dunbabin, grand historien de la colonisation grecque, lui-même issu d’une société coloniale, l’Australie, engagé par Franco De Angelis.
[7] Douwe YNTEMA, « Mental landscapes of colonization : The ancient written sources and the archaeology of early colonial-Greek southestern Italy », BABesch, 75, 2000, p. 1-49 ; Roland ÉTIENNE, La Méditerranée au VIIème siècle. Essais d’analyses archéologiques, Paris, De Boccard, 2010, p. 3-21.
[8] Lieve DONNELLAN et Valentino NIZZO, « Conceptualising early Greek colonization. Introduction », Conceptualising early Colonisation, Bruxelles, Institut Historique Belge de Rome, 13, 2016, p. 10.
[9] Lieve DONNELLAN et Valentino NIZZO, « Conceptualising early Greek colonization. Introduction », Conceptualising early Colonisation, Bruxelles, Institut Historique Belge de Rome, 13, 2016, p. 10 ; Arianna ESPOSITO et Airton POLLINI, « Postcolonialism from America to Magna Graecia », Conceptualising early Colonisation, Bruxelles, Institut Historique Belge de Rome, 13, 2016, p. 69-72 ; Arianna ESPOSITO « La précolonisation : un mot pour dire l’archéologie des premiers contacts ? », Cadernos do Lepaarq, 15-29, 2018, p. 141-142.
[10] La Chronique de Paros, ou Marbre de Paros, est une inscription datée de 264-263 avant J.-C. Composée de trois fragments, elle relate, sous forme de liste, les événements passés les plus importants, du règne du roi mythique Cécrops à l’époque de rédaction de l’inscription.
[11] Un salutaire rappel formulé récemment par Gillian Shepherd, « We cannot know how many initiatives were attempted unsuccessfully : essentially we only hear about the ones that survived, and a short-lived and inevitably insubstantial early settlement is unlikely to have left much by way of a visible footprint », Gillian SHEPHERD, « From innovation to tradition: seventh century Sicily », Interpreting the Seventh Century BC. Tradition and Innovation, Oxford, Archaeopress Archaeology, 2017, p. 339. Voir également Maria Cecilia D’ERCOLE, « Oublie Paros. Départs, retours et conquêtes imaginaires dans la colonisation grecque archaïque et classique », Portraits de migrants, portraits de colons, Paris, De Boccard, Vol II, 2010, p. 72, sur l’écart qui peut exister entre le projet de fondation et sa réalisation.
[12] Sur la pertinence du témoignage de Polyen, voir Michel GRAS, Henri TRÉZINY, Henri BROISE, Mégara Hyblaea. 5. La ville archaïque : l’espace urbain d’une cité grecque de Sicile orientale, Rome, École française de Rome, 2004, n.4, p. 548. Sur les sources relatives à la colonisation de manière générale, voir Arianna ESPOSITO et Airton POLLINI, « Diaspora, colonie, colonisation : défis et enjeux d’un lexique », Cadernos do Lepaarq, 15-29, 2018, p. 103.
[13] Michel GRAS, Henri TRÉZINY, Henri BROISE, Mégara Hyblaea…, p. 548-549.
[14] Thc. 6, 3-4. Toutes les sources mentionnées sont citées dans leur édition des Belles Lettres, collection Guillaume Budé.
[15] Str. 6, 2, 2.
[16] Franco DE ANGELIS, Archaic and Classical Greek Sicily : A Social and Economic History, Oxford, Oxford University Press, 2016, (Greeks Overseas), p. 68-71. Nous nous appuyons sur la datation communément admise suivant un calcul effectué à partir de la date de destruction de Mégara Hyblaea par Gélon, en 483. Voir également, Francesca VERONESE, Lo spazio e la dimensione del sacro. Santuari greci e territorio nella Sicilia arcaica, Padoue, Esedra Editrice, 2006 ; p. 151-154 ; 175-179 ; 257-259 ; 279-283 ; Lorenzo BRACCESI et Giovanni MILLINO, La Sicilia greca, Rome, Carocci editore, 2000, p. 15-19 ; 24-28 ; 36-39. Jean BÉRARD, La colonisation grecque de l’Italie méridionale et de la Sicile dans l’Antiquité : l’histoire et la légende, Paris, Bibliothèques des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 1941. Pour une analyse minutieuse du récit de fondation des cités de Sicile chez Thucydide, voir Andreas MORAKIS, Thucydides and the Character of Greek Colonisation in Sicily, Classical Quaterly, 61-2, 2011, p. 460-492.
[17] Thc. 6, 4, 5. Paus. 4, 23, 7.
[18] Franco DE ANGELIS, Archaic…, p. 68 ; Francesca VERONESE, Lo spazio…, p. 136-139 ; Lorenzo BRACCESI et Giovanni MILLINO, La Sicilia…, p. 19-21.
[19] Str. 6, 1, 6 ; Diod. 8, fr. 23, 2.
[20] Franco DE ANGELIS, Archaic…, p. 33 ; Jean-Luc LAMBOLEY, Les Grecs d’Occident. La période archaïque, Paris, SEDES, 1996 ; René VAN COMPERNOLLE, Etude de chronologie et d’historiographie siciliotes, Bruxelles, Institut historique belge de Rome, 1960.
[21] Dion. H. 2,59 ; Antiochos 555 FGH 10 ; Paus., 3,3 ; Str. 6,3,4.
[22] Jonathan M. HALL, « Foundation stories », Greek Colonisation. An Account of Greek Colonies and Other Settlements Overseas in the Archaic Period, Leyde, Brill, Vol II, 2008, p. 398.
[23] Hdt. 1,168.
[24] Maria Cecilia D’ERCOLE, Histoires méditerranéennes. Aspects de la colonisation grecque en Occident et dans la Mer noire (VIII-Ive siècles av J.-C.), Paris, Errance, 2012, p. 33.
[25] Maria Cecilia D’ERCOLE, « La légende de Diomède dans l’Adriatique préromaine », Les cultes polythéistes dans l’Adriatique romaine, Pessac, Ausonius Éditions, 2000, p. 20-22 ;
[26] Maria Cecilia D’ERCOLE, « Oublie Paros … », p. 84-87.
[27] Diod., 4,29, 1-3.
[28] La geste de Dédale en Sicile croise également d’autres récits de ce type prenant place en Italie du Sud. Ainsi, une tradition rapportée par Hérodote et Antiochos, via Strabon, fait des Crétois les premiers voisins de la cité de Tarente, nouvellement fondée par Phalantos. L’origine de ces derniers remonterait à la venue de Minos en Sicile, poursuivant Dédale après son évasion. Suite à l’échec de l’expédition, et à la mort de Minos, les rescapés de l’armée crétoise auraient fini par échouer sur le littoral des Pouilles, sans possibilité de rentrer en Crète. Dès lors, ils se seraient installés sur place, vivant auprès des autochtones jusqu’à fusionner avec eux, adoptant même – ou leur transmettant, selon les versions – le nom de Iapyges-Messapien, voir Hdt. 7,170,1-2 et Str. 6,3,2.
[29] Maria Cecilia D’ERCOLE, « Oublie Paros … », p. 84 ; Voir également l’interprétation que propose Roland ÉTIENNE, La Méditerranée…, p. 350.
[30] Mogens Herman HANSEN et Thomas Heine NIELSEN (dir.), An Inventory of Archaic and Classical Poleis, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 181.
[31] Pour Euboia et Kallipolis, voir Ibidem, p. 191-192 et 202. Sur les fondations ratées en Sicile, voir Franco DE ANGELIS, Archaic…, n. 14, p. 66.
[32] Ibidem, p. 194.
[33] Jonathan M. HALL, Hellenicity. Between Ethnicity and Culture, Chicago, University of Chicago Press, 2002, 99. Andreas MORAKIS, Thucydides…, p. 470-471.
[34] Adverbe de ὕστερος, signifiant « plus tard, ensuite ».
[35] Thc. 6,4,5.
[36] Pour Pier Giovanni GUZZO, De Pithécusses à Pompéi. Histoires de fondations : Quatre conférences au Collège de France, Paris, Centre Jean Bérard, 2016, p. 40, l’écart chronologique entre les deux événements est suffisamment important pour probablement produire deux faciès archéologiques différents. Voir également Andreas MORAKIS, Thucydides…, p. 473.
[37] Le middle ground désigne à la fois le processus dynamique qui conduit des entités culturelles distinctes à établir un nouveau système de compréhension mutuelle, mais aussi l’espace géographique où cette cohabitation se met en place, du fait de ce processus d’accommodation partagée. Il en résulte un certain équilibre où chacun des groupes tente d’aller vers l’autre en arborant ce qu’il perçoit comme les codes et les pratiques de ceux d’en face. Irad Malkin parle alors de « malentendus créatifs », car de ces actions naissent de nouvelles pratiques et significations propres à la zone intermédiaire ainsi créée.
[38] Voir Franco DE ANGELIS, Archaic…, n. 18, p. 68, sur l’origine sikèle du nom Zancle et l’opinion la plus répandue postulant l’existence d’un site indigène antérieure à la cité malgré l’absence de vestiges.
[39] Thc. 6,3,3.
[40] Polyen, 5,5. Sur les traces archéologiques d’une possible cohabitation entre Chalcidiens et Sikèles sur le site de Léontinoi, voir Gillian SHEPHERD, « From innovation… », p. 342. Sur la cohabitation entre autochtones et colons sur les différents sites de Sicile, voir Franco DE ANGELIS, « Equations of Culture : The Meeting of Natives and Greeks in Sicily », AWE, 2, 2003, p. 29-30.
[41] Pour Henri TRÉZINY, « Grecs et indigènes aux origines de Mégara Hyblaea », MDAI(R), 117, 2011, p. 24, et Roberto SAMMARTANO, « Tradizioni ecistiche e rapporti greco-siculi. Le fondazioni di Leontinoi e di Megara Hyblaea », Seia, 11, p. 47-93., cette variante, attribuant l’expulsion des Sikèles aux Mégariens et non aux Chalcidiens, serait une construction de la propagande athénienne datant de la Guerre du Péloponnèse.
[42] Thc. 6,4,1 ; Str., 6,2,2 ; Ps-Scymn. vv. 273-279.
[43] Pier Giovanni GUZZO, De Pithécusses…, p. 39-40. L’interprétation reste cependant délicate et Pier Giovanni Guzzo montre, à propos du cas de Sybaris comment un même ensemble de données archéologiques peut donner lieu à deux interprétations complètement opposées, voir Ibidem, p. 76-80. Sur la mixité du peuplement de Naxos, voir Nota KOUROU, « Euboea and Naxos in the Late Geometric period : the Cesnola Style », L’Eubea e la presenza euboica in Calcidica e in Occidente, Naples, Centre Jean Bérard, 1998, n. 10 et 11, p. 168.
[44] Gert-Jan BURGERS et Jan Paul CRIELAARD, Greci e indigeni a L’Amastuola, Mottola, Stampa Sud, 2011 ; Maria Costanza LENTINI, « Le origini di Naxos. Nuovi dati sulla fondazione », Contexts of early colonization, Rome, Palombi Editori, 2016, p. 311-322. ; Jonathan M. HALL, « Ancient Greek Ethnicities : Towards a reassessment », Bulletin of the Institute of Classical Studies, 58, 2, 2015, p. 25.
[45] On nomme enoikismos l’établissement permanent d’un groupe d’étranger au sein d’une communauté locale, formant ainsi une enclave pérenne. Hans Georg NIEMEYER, « The Greeks and the Far West : Towards a Revaluation of the Archaeological Record from Spain », La Magna Grecia e il lontano Occidente, Tarente, ISAMG, 1990, p. 29-54 ; Carla ANTONACCIO, « The Western Mediterranean », A Companion to the Archaic Greece, Oxford, Wiley-Blackwell, p. 321-325.
[46] Owen MORRIS, « Indigenous networks, hierarchies of connectivity and early colonisation in Iron Age Campania », Conceptualising early Colonisation, Bruxelles, Institut Historique Belge de Rome, 13, 2016, p. 137-148. ; Douwe YNTEMA, « Greek groups in southeast Italy during the Iron Age », Conceptualising early Colonisation, Bruxelles, Institut Historique Belge de Rome, 13, 2016, p. 209-224.
[47] Maria Biatriz BORBA FLORENZANO, « The organization of the khora in southeastern Greek Sicily : Syracuse and its hinterland (733-598 BC) », Cadernos do Lepaarq, 15-29, 2018, p. 290-293.
[48] Michel GRAS, Henri TRÉZINY, Henri BROISE, Mégara Hyblaea…, p. 448-449.
[49] Arianna ESPOSITO, « La question des implantations grecques et des contacts précoloniaux en Italie du Sud : entre emporia et apoikiai », Pallas, 89, 2012, p. 114.
[50] Laurence MERCURI, Eubéens en Calabre à l’époque archaïque, formes de contacts et d’implantation, Rome, École française de Rome, 1994.
[51] Arianna ESPOSITO, « La précolonisation… », p. 142 ; Arianna ESPOSITO, « La question des implantations… », p. 105 ; Jonathan M. HALL, Hellenicity…, p. 99.
[52] Arianna ESPOSITO, « La question des implantations… », p. 108 ; Jan K. JACOBSEN et Søren HANDBERG, « A Greek enclave at the Iron Age settlement of Timpone della Motta », Alle origini della Magna Grecia : mobilità migrazioni fondazioni : Atti del cinquantesimo convegno di studi sulla Magna Grecia, 1-4 ottobre 2010, Tarente, ISAMG, 2010, p. 683-718.
[53] Lucilla BARRESI et Marianna KLEIBRINK, « On the « Undulating Band » Style in Oinotrian Geometric Matt-Painted Pottery from the « Weaving House » on the acropolis of the Timpone della Motta, Francavilla Marittima », Prima delle colonie. Organizzazione territoriale e produzioni ceramiche specializzate in Basilicata e in Calabria settentrionale ionica nella prima età del ferro. Atti delle giornate di Studio Matera, 20-21 novembre 2007, Venosa, Osanna Edizioni, 2008, p. 223-237.
[54] Giuliana STEA, « Forme della presenza greca sull’arco ionico della Basilicata : tra emporia e apoikiai », Dal villaggio indigeno all’emporio Greco. Le strutture e i materiali del saggio T, Milan, 1999, p. 49-71.
[55] Mario DENTI, Des Grecs très indigènes et des indigènes très grecs. Grecs et Oenôtres au VIIème siècle avant J.-C. », Portraits de migrants, portraits de colons, Paris, De Boccard, Vol I, 2009, p. 77-89.
[56] Arianna ESPOSITO, « La précolonisation… », p. 143-144.
[57] Bruno D’AGOSTINO, « Pitecusa. Une apoikia di tipo particolare », ΑΠΟΙΚΙΑ. I più antichi insediamenti greci in Occidente., Naples, AION ArchStAnt, 1, 1994, p. 19-27. Pour un point synthétique sur le renouvellement des problématiques liées à ces deux sites, à l’aune des fouilles récentes menées par Matteo d’Acunto, voir Arianna ESPOSITO, « La précolonisation… », p. 138-140.
[58] Douwe YNTEMA, « Greek groups… », p. 212-220.
[59] Ibidem, n.10 et n.11, p. 212.
[60] Ibidem, p. 214. C’est l’hypothèse que propose Douwe Yntema en s’appuyant sur deux ensembles funéraires retrouvés respectivement à Brindisi et près du site de Torre Saturo.
[61] Ibidem, p. 219.
[62] Ibidem, p. 220-221.
[63] Arianna ESPOSITO, « La précolonisation… », p. 138.
[64] Irad MALKIN, Religion and Colonization in Ancient Greece, Leyde, Brill, 1987, p. 17-91 ; 184-226.
[65] Irad MALKIN, Un tout petit monde. Les réseaux grecs de l’Antiquité, traduit par Julie Delamard, Paris, Les Belles Lettres, 2018, (Mondes anciens), p. 164.
[66] Catherine MORGAN, Athletes and Oracles : The Transformation of Olympia and Delphi in the Eighth Century BC, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, p. 134 ; 147 ; 203-205. Voir également William G. FORREST, « Colonisation and the Rise of Delphi », Historia : Zeitschrift fur Alte Geschichte, 6, 1957, p. 160-175 ; Herbert William PARKE et David E.W. WORMELL, The Delphic oracle, Oxford, Blackwell, 1956.
[67] Jonathan M. HALL, « Foundation… », p. 400.
[68] Pier Giovanni GUZZO, De Pithécusses…, p. 44-45.
[69] On nomme prexis, l’activité d’échange que pratiquent les aristocrates de l’époque archaïque en vertu du système du don et contredon. À la différence du commerce régulier, celle-ci n’est pas le fait de professionnels et se situe aux limites de la piraterie. Voir Alfonso MELE, Il commercio greco arcaico. Prexis ed emporie, Naples, Cahiers du Centre Jean Bérard, 4, 1979.
[70] Plut. Mul. virt. 255 a-e. Voir aussi Polyen, 8,37. Les discussions autour de l’authenticité de ce texte ou de sa contamination avec le récit de fondation de Massalia ne sont pas de nature à modifier notre propos. En outre, c’est la présence effective de Bébryciens en Occident, et par là, dans le récit de fondation de Massalia, qui est aujourd’hui discutée et non la mention de ce peuple anatolien dans le récit de fondation de Lampsaque. Sur ce problème, voir Antoine PEREZ, « Les Bébryces d’Occident ont-ils existé ? », Pallas, Presses universitaires du Mirail, 2010, 84, p.37-58.
[71] Str. 6,2,2.
[72] La chôra est le territoire de la cité, par opposition à l’asty, qui est le centre urbain.
[73] Arianna ESPOSITO, « La question des implantations… », p. 114.
[74] Arianna ESPOSITO, « La précolonisation… », p. 138.
[75] Irad MALKIN, Un tout petit monde…, p. 91.
[76] C’est l’interprétation que fait Pier Giovanni GUZZO, De Pithécusses…, p. 50 de ce passage relaté par Thucydide, 6,3,3 et Polyen, 5,5.
[77] Pier Giovanni GUZZO, De Pithécusses…, p. 76-80.
[78] Tout en gardant à l’esprit que même dans le cas d’une appropriation violente, des phases de paix et d’échanges commerciaux doivent nécessairement succéder aux périodes d’affrontement, bien qu’elles soient peu documentées par les sources littéraires.
[79] Franco DE ANGELIS, Archaic…, p. 231-238.