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Victor Hugo au répertoire de la Comédie Française : une classicisation de la dramaturgie romantique ? (1836-1870)

Anne-Caroline Lissoir

 


Résumé : Dès ses débuts, le drame romantique dérange l’Académie autant qu’il ravit un public nouveau. Sa création, sa postérité et son chef de file Victor Hugo suscitent aujourd’hui encore bien des débats. Les récentes recherches littéraires sur le théâtre romantique font effectivement état d’une réception orientée idéologiquement depuis le XIXe siècle. Pour parvenir à saisir l’essence même du romantisme, un nécessaire retour aux faits historiques s’impose pour comprendre objectivement l’itinéraire socio-culturel de cette esthétique depuis ses premières manifestations scéniques. En nous intéressant au cas particulier des reprises des drames de Hugo au XIXe siècle, nous cherchons à envisager son théâtre, non plus comme la révolution littéraire de 1830 susceptible d’être montée en épingle par ses détracteurs comme par ses partisans, mais comme une œuvre se constituant progressivement et en évolution avec son contexte socio-culturel.

Mot-clés : théâtre, drame, romantisme, patrimonialisation, réception.


Anne-Caroline Lissoir est agrégée de Lettres modernes. Elle est doctorante à Paris Sorbonne Universités (Paris IV) sous la direction de Florence Naugrette. Dans le cadre de sa thèse, elle s’intéresse aux reprises des drames de Victor Hugo sur les scènes parisiennes de 1830 à 1870. Elle est membre du CELLF (Centre d’études de la langue et des littératures françaises) et du PRITEPS (Programme de recherches interdisciplinaires sur le théâtre et les pratiques scéniques). Anne-Caroline Lissoir enseigne en lycée ainsi qu’en licence à l’Institut d’Études Théâtrales à l’Université Sorbonne Nouvelle (Paris III). Elle contribue également au projet RCF des registres de la Comédie-Française pour le XIXe siècle.

ac.lissoir@gmail.com


Introduction

Réduit à un court moment de l’histoire littéraire française et borné à quelques principes-phares, le théâtre romantique s’est vu pendant près d’un siècle cantonné à une esthétique anticlassique aussi tonitruante dans les principes de sa révolution que superficielle dans son incidence sur les mentalités. La révolution de la scène française opérée par le drame romantique a en effet été longtemps appréhendée comme une période d’esclandre intimement liée à la carrière théâtrale de Victor Hugo qu’il serait possible de borner de 1830 à 1843. La bataille d’Hernani, engagée le 25 février 1830 lors de la création de la pièce, ouvrirait en effet cette période où un « vent révolutionnaire[1] » soufflerait sur la scène de la Comédie-Française. On doit à Anne Ubersfeld d’avoir mis en lumière la mythification de cette date[2]  par ses partisans pour fonder une histoire du romantisme capable de répondre avec force aux affronts des classiques[3]. À la légende romantique s’ajoutent les enjeux idéologiques de l’enseignement à la fin du XIXe siècle[4] : à l’heure où la France prépare sa revanche contre la Prusse, les origines germaniques de la dramaturgie romantique[5] amènent les hussards noirs de la IIIe République[6] à restreindre cette révolution théâtrale à une rupture esthétique aussi soudaine que brève, légitimant par là-même une permanence du goût classique tout en discréditant la dramaturgie hugolienne perçue comme une excroissance de l’histoire du théâtre en France. Dans cette perspective idéologique, l’arrêt de mort du romantisme serait signé le 7 mars 1843 lors de la trop fameuse chute des Burgraves, dont le mythe a déjà été déconstruit[7].

Si Hugo lui-même immortalise la création de ses pièces comme « une tempête au fond de l’encrier[8] » capable d’ébranler les carcans académiques qui régissent la programmation du Théâtre-Français, une succession de premières tempétueuses sur la scène officielle ne saurait cependant suffire à révolutionner de manière durable et persistante le répertoire institutionnel. Bien au-delà de l’acte rebelle de modernisme en vue de contrer la sclérose de la littérature dramatique française, ce sont bel et bien les reprises des drames hugoliens à la Comédie-Française qui revitalisent en profondeur l’institution littéraire par une acclimatation du public aux nouvelles formes de la dramaturgie moderne. Reproductions de la création, les reprises apparaissent plutôt comme des variantes de la première présentation révélant l’évolution des goûts du public[9]. Ces reprises qui succèdent et survivent aux créations, sont les témoins de la progressive patrimonialisation du drame hugolien au sein du répertoire officiel, redéfinissant ainsi le génie littéraire non pas comme une avant-garde fracassante qui impose sa révolution aux goûts du public mais bien plutôt comme un processus socio-culturel d’intériorisation de nouvelles formes esthétiques.

D’un point de vue financier, l’étude pragmatique des registres des recettes de la Comédie-Française fait apparaître la pérennité du succès théâtral de Hugo et la légitimité de l’inscription de ses drames au répertoire de la Comédie-Française[10]. D’un point de vue esthétique, l’acceptation de la dramaturgie romantique par l’académisme s’opère non seulement grâce à l’engouement croissant du public pour le jeu scénique des comédiens en rupture avec la tradition déclamatoire mais aussi par la classicisation des représentations romantiques. D’un point de vue idéologique, la reprogrammation d’Hernani en 1867, à l’occasion de l’Exposition Universelle après quinze ans de censure, ouvre une relecture du drame à la lumière de la vie politique du chef de file des romantiques désormais érigé en monstre sacré du « panthéon dramatique[11] ».

Jouer et rejouer Hugo : la stratégie financière de la Comédie-Française

C’est Angelo, tyran de Padoue créé le 28 avril 1835 au Théâtre-Français qui ouvre dès 1836 la première vague de reprises des drames hugoliens sur la scène officielle. Deux ans plus tard, Hernani est à son tour repris, suivi par Marion Delorme, qui fait son entrée à la Comédie-Française après avoir été créée au théâtre de la Porte Saint-Martin le 11 août 1831. Pendant vingt-deux ans, ces trois pièces sont rejouées avec un succès financier honorable et régulier. Au total, les cent trente-quatre reprises d’Angelo, d’Hernani et de Marion ont rapporté entre 1836 et 1852 une somme de trente-deux mille quatre-cents cinquante Francs, somme non négligeable lorsque l’on sait la banqueroute à laquelle le Théâtre-Français dut faire face à la veille de 1830[12].

Peinant à répondre aux attentes d’un nouveau public né des bouleversements politiques, sociaux et culturels au tournant du XIXe siècle, la Comédie-Française cumule des recettes déplorables trahissant un désintérêt grandissant du public pour un répertoire jugé trop canonique et exigeant[13]. Dès la décennie 1820, les spectateurs, friands du grand spectacle offert par les genres dramatiques modernes comme la féerie, le mélodrame, le vaudeville ou la comédie historique sur les scènes des boulevards, ne fréquentent le Théâtre-Français que par obligation sociale. En 1825, lorsqu’il est nommé commissaire royal du Théâtre-Français, le baron Taylor doit alors sauver le théâtre de cette situation préoccupante[14]. Conscient de l’efficacité des œuvres modernes pour séduire un public nouveau lassé des canons classiques et appuyé par la grande majorité des comédiens-français, Taylor ouvre les portes de la Maison de Molière à toute cette jeune génération d’auteurs romantiques. Si d’aucuns déplorent alors cette décadence de l’institution, Taylor perçoit, quant à lui, en Dumas, en Vigny et en Hugo « de bienfaisants pourvoyeurs de recettes[15] ». Sa stratégie ne met pas longtemps à porter ses fruits : les tollés déclenchés dès 1829 par les créations d’Henri III et sa cour et du More de Venise, puis d’Hernani en 1830 font exploser les recettes[16].

Or, après le bref pic financier occasionné par ces quelques créations, les drames de Hugo paraissent s’effacer de la scène officielle, supplantés par les recettes colossales des pièces d’Eugène Scribe : « en face des batailles romantiques, tapageuses mais de courte durée » explique Maurice Descotes, « la stabilité de la réussite de Scribe atteste que c’est bien lui, non Hugo, Vigny qui atteignent le grand public[17] ». Ni Hernani (cinquante-deux reprises de 1837 à 1852) ni Marion Delorme (quarante-trois reprises de 1838 à 1852), ni Angelo, tyran de Padoue (trente-neuf reprises de 1836 à 1851) ne peuvent alors concurrencer les trois comédies historiques de Scribe Bertrand et Raton (cent soixante dix-sept représentations de 1833 à 1850 dont cent trente-sept de 1833 à 1840), Le Verre d’eau (cent quatre-vingts représentations de 1840 à 1850) et Une Chaîne (cent onze représentations de 1841 à 1849)[18] qui s’imposent sur la scène du Théâtre-Français comme les œuvres dramatiques les plus à même de répondre aux nouvelles exigences du public.

Pourtant, si les reprises des trois drames hugoliens n’occasionnent plus le tumulte des premières heures, une régularité des recettes s’établit année après année au point que la programmation des drames hugoliens apparaît comme une stratégie rationnelle de sécurité financière pour la Comédie-Française. Si Angelo et Marion, repris à la fin de la décennie 1830 et au début de la décennie 1850, sont programmés de manière plus irrégulière qu’Hernani qui apparaît sans relâche à l’affiche pendant neuf ans dans les années 1840, chacune de leur reprise se solde néanmoins d’un joli bénéfice annuel qui légitime leur reprogrammation une quarantaine de fois chacun[19]. Quant à Hernani, la pièce ne connaît aucun pic financier sur la période, mais une régularité de la courbe des recettes annuelles s’observe nettement, révélant là encore la stratégie financière de la Comédie-Française qui s’enrichit de la popularité désormais établie des drames de Hugo. Dans ses chroniques dramatiques, Théophile Gautier relève la sérénité ambiante qui émane des reprises d’Hernani de 1844 et 1847 : la reprogrammation des drames de Victor Hugo sur la scène officielle ne constitue plus une prise de risque mais bien plutôt l’assurance d’une bonne rente :

Pour ceux qui, comme nous, ont assisté aux luttes des premières représentations, où chaque mot soulevait une tempête, où chaque vers était disputé pied à pied, c’est à coup sûr une chose merveilleuse que de voir aujourd’hui toutes les pensées, toutes les intentions du poète unanimement comprises et applaudies.[20]

Et il ajoute trois ans plus tard :

Maintenant les orages soulevés par la haine, l’envie et la médiocrité se sont apaisés. L’on apporte à cette belle pièce, cousine germaine du Cid, l’admiration sereine et tranquille qu’inspire la contemplation des chefs d’œuvres classiques.[21]

Pour Gautier, si les reprises des drames de Hugo manifestent un engouement à l’égard du génie dramatique hugolien, c’est que désormais « le public est assez mûr pour applaudir ce qu’il aurait sifflé autrefois.[22] » Aussi la stabilité financière assurée à la Comédie-Française par les reprises des drames hugoliens s’accompagne-t-elle d’une acclimatation du public à la dramaturgie romantique.

Institutionnaliser l’esthétique du « grand spectacle » : l’intériorisation par le Théâtre-Français de nouvelles pratiques scéniques

Cette intériorisation de l’esthétique théâtrale de Victor Hugo s’explique par l’accoutumance du public de la Comédie-Française aux « pièces à grand spectacle[23] ». Dès la fin du XVIIIe siècle, les genres dramatiques modernes comme la féerie, le mélodrame, le vaudeville, la comédie historique ou encore la pantomime s’imposent pour régner sur les scènes parisiennes jusqu’à la fin du XIXe siècle[24]. Revendiquant un démantèlement des catégories dramatiques habituelles, ces spectacles paraissent d’emblée au regard des auteurs romantiques comme une source foisonnante où puiser les principes esthétiques de la révolution dramatique. Les comédiens, par leur force interprétative, se chargent d’importer ces formes modernes sur les scènes officielles. À la Comédie-Française, dès les années 1820, le sociétaire Talma incite les jeunes comédiens français à imiter le jeu des acteurs du boulevard : il s’agit ainsi de transgresser les frontières érigées par le système du privilège entre grands théâtres et théâtres secondaires[25]. Plus tard, Marie Dorval se distingue par son parcours insolite : fille de comédiens ambulants, elle débute sur le Boulevard du Crime et devient rapidement la figure de proue de la Porte-Saint-Martin, pour faire finalement en 1834 son entrée comme pensionnaire de la Comédie-Française. Marie Dorval importe alors sur la scène académique un jeu spontané et intense rompant avec la tradition déclamatoire. Elle s’illustre particulièrement dans Antony de Dumas et Chatterton de Vigny mais aussi et surtout dans Marion Delorme et Angelo, tyran de Padoue où elle participe par ses performances scéniques à la reconnaissance officielle de la valeur du jeu mélodramatique[26].

S’il était nécessaire à Hugo de confier en 1830 certains grands rôles à des acteurs comme Marie Dorval venus des scènes secondaires ou de pratiquer le contre-emploi lors des créations de ses drames afin de surprendre son public en brouillant le jeu traditionnel[27], à partir de 1836, les comédiens-français qui reprennent les rôles d’Hernani, de Marion ou d’Angelo présentent tous désormais des profils hybrides. Ligier qui incarne durant neuf ans Don Carlos et Beauvallet qui marque les rôles d’Angelo (qu’il crée en 1835), de Didier (qu’il reprend en 1838) et d’Hernani (qu’il reprend en 1840) se sont tous les deux formés au mélodrame à la Porte Saint-Martin et à l’Ambigu-Comique avant d’intégrer la troupe de la Comédie-Française. Quant à Émilie Guyon et Madame Mélingue, elles troquent leur place en 1843 : la première quitte le Théâtre-Français pour l’Ambigu laissant à la seconde, venue du boulevard du Temple, le soin de reprendre le rôle de Doña Sol en y infusant son style mélodramatique. Ce va-et-vient des pensionnaires et sociétaires entre scènes principales et scènes secondaires institutionnalise la porosité des genres dramatiques par l’acclimatation du public académique au jeu des acteurs du boulevard. Lorsqu’il fait l’éloge de la polyvalence de Mademoiselle Judith, qui reprend en 1852 le rôle-titre de Marion Delorme, Théodore de Banville salue en filigrane cette consécration des formes dramatiques hybrides :

[Mlle Judith] a conquis le droit hautain d’avouer ses préférences en montrant qu’elle savait tout jouer, Molière, Molière d’abord et toujours et M. Scribe comme Marivaux, et Marivaux comme M. Ponsard. Elle a manifesté une assez grande supériorité dans le répertoire ancien pour avoir le droit de se proclamer une actrice romantique, non pas par des théories, mais par des créations, et par des reprises qui sont des créations plus belles encore[28].

L’intériorisation des nouvelles pratiques scéniques s’accompagne paradoxalement d’une classicisation des reprises. C’est le phénomène observé par Théophile Gautier dans ses chroniques dramatiques à l’occasion de la reprise d’Hernani en 1845 :

Quand on songe aux tumultes, aux cris, aux rages de toutes sortes soulevés par cette pièce, il y a dix ans, on est tout étonné que la postérité soit venue si vite pour elle. […] On en met des morceaux dans les cours de littérature et les jeunes gens en apprennent des tirades pour se former le goût. C’est maintenant une pièce classique.[29] 

C’est néanmoins avec sévérité que Gautier déplore cette classicisation : « [Les comédiens] négligent les nuances délicates pour la sonorité des vers. Ils mènent les alexandrins de Victor Hugo deux par deux, comme si c’étaient des vers classiques ou des bœufs.[30] » Or, ce mouvement de récupération classique du répertoire romantique est intimement lié à l’apparition d’une actrice qui marque l’histoire de la Comédie-Française : Rachel Félix. À l’heure où la scène officielle se trouve en pleine transition, Rachel entre comme pensionnaire en 1842 et s’empare successivement de tous les rôles de jeunes premières tragiques dans Cinna, Horace, Andromaque, Iphigénie, Mithridate, Bajazet, Polyeucte, Esther, Phèdre, Athalie, Britannicus et Nicomède. La sobriété de son jeu est perçue par les partisans de l’académisme non seulement comme une réactualisation de la déclamation classique, mais aussi comme le moyen de redonner tout son éclat au répertoire traditionnel. Rachel ne tarde pourtant pas à s’approprier avec un succès tout aussi spectaculaire le répertoire contemporain. Lorsqu’elle reprend en 1851 le rôle de La Tisbé dans Angelo qui fait exploser les recettes de la Comédie-Française, la simplicité épurée de son interprétation vise moins à renouer avec le classicisme qu’à rompre avec la vogue mélodramatique pour mieux se distinguer des autres comédiennes. Véritable vedette[31], Rachel Félix invente un nouveau type d’actrice bien plus qu’elle ne cherche à préserver le répertoire officiel du romantisme : en 1850, ce ne sont pas tant les pièces que l’on court voir au Théâtre-Français, mais bien plutôt la comédienne qui les interprète[32]. Il importe alors finalement peu de savoir si Rachel classicise les drames romantiques lors des reprises, ce qui apparaît surtout c’est qu’elle participe à l’harmonisation du répertoire institutionnel, répondant dès les années 1840 à l’ambition du futur administrateur général la Comédie-Française, Édouard Thierry, de réconcilier ensemble la tradition classique et le théâtre contemporain en vue de légitimer toutes les formes de la production dramatique française[33].

Consacrer Hugo : le devenir idéologique des drames hugoliens

L’inscription harmonieuse de la dramaturgie hugolienne au répertoire officiel se voit contrariée en 1852 par l’exil de Hugo qui modifie radicalement la réception et la postérité de son œuvre littéraire. Le 11 décembre 1851, Hugo est déclaré ennemi national en même temps que son théâtre est proscrit des scènes françaises. Au cours de ces quinze années de silence théâtral, le bannissement des drames hugoliens hors du répertoire officiel métamorphose la portée du romantisme de 1830 : un transfert du champ littéraire au champ politique s’opère mythifiant Hugo non plus comme le chef de file des romantiques mais bien plutôt comme le partisan de la République.

Sous le Second Empire, la Comédie-Française, qui doit faire face aux conséquences du décret sur la liberté des théâtres en 1864[34], reprogramme Hernani à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1867. Il ne s’agit alors pas à proprement parler d’une reprise, mais bien plutôt d’un remontage : là où les reprises s’inscrivent dans la continuité des créations, le remontage d’Hernani induit une redécouverte de l’œuvre qu’il est désormais nécessaire de réapprendre dix-huit ans après la dernière représentation[35]. Or, cette redécouverte revêt des motivations politiques et idéologiques que Hugo redoute depuis Guernesey. Conscient de la dimension politique subversive dont sont désormais tributaires ses drames de 1830, il devance la censure en apportant lui-même des modifications à ses propres alexandrins et confie à ses amis Auguste Vacquerie et Paul Meurice le soin d’assurer la mise en scène et de lui rendre scrupuleusement compte des répétitions[36]. La reprise est finalement un succès : Sully Prudhomme, Verlaine ou encore François Coppée vivent cette représentation comme une commémoration de 1830. Quant à Théophile Gautier, désormais vétéran de la bataille de 1830, il s’exprime en ces termes dans son Histoire du romantisme en 1874 : « Hernani n’a plus besoin de sa vieille bande, personne ne songe plus à l’attaquer[37] » et il ajoute dans ses chroniques dramatiques : « Le public fait comme don Carlos, il a pardonné au rebelle, et lui a rendu tous ses titres.[38] » La réactualisation politique de l’histoire subversive d’un banni est ici formulée par Théophile Gautier qui compare le dramaturge exilé à son personnage de proscrit : Hernani est devenu a posteriori aux yeux du public un double de Victor Hugo[39]. Aussi l’œuvre se voit-elle attelée à une charge politique susceptible d’être à tout moment le détonateur d’une polémique. C’est ce qui se produit en novembre de la même année lorsqu’en plein Risorgimento italien, Hugo réagit à la condamnation de Garibaldi par Napoléon III en publiant la « Voix de Guernesey », un pamphlet défendant le chef de la République romaine. D’emblée, alors que le remontage d’Hernani bat son plein à la Comédie-Française et que Ruy Blas est déjà reprogrammé à l’Odéon, les reprises d’Hernani sont enrayées, celles de Ruy Blas annulées. Pour Stéphane Desvignes, Hugo ne peut ignorer que sa récente publication nuit au nouveau succès d’Hernani, mais il souligne ainsi l’incompatibilité politique entre le régime impérial et lui[40]. Refusant que ce soit sous le Second Empire que soient consacrées littérairement ses pièces, c’est volontairement que Hugo saborde son propre succès en 1867. Aussi faut-il attendre 1870 et le retour de la République pour voir Hugo accepter la panthéonisation politique de son œuvre dramatique.

Après la chute de l’Empire, au lendemain de la défaite de Sedan le 2 septembre 1870, le dramaturge est placé au rang des grands patriotes, et son œuvre est relue à la lumière de l’idéal républicain. Lorsque le Théâtre-Français rouvre ses portes le 21 novembre 1870 après une fermeture de deux mois pendant la Débâcle, la programmation de cette représentation exceptionnelle est exclusivement consacrée à Hugo et à la célébration d’une nouvelle ère politique. Les comédiens-français se mobilisent pour faire entendre les œuvres les plus populaires du poète : des poèmes des Contemplations et de Châtiments comme « La Coccinelle », « Chose vue un jour de Printemps », « Le Revenant » et « Paroles d’un conservateur » ainsi que plusieurs passages de la Légende des Siècles comme « Les Pauvres gens » ou « Booz endormi » sont récités. Sont également représentés l’acte V d’Hernani et de l’acte III de Lucrèce Borgia. En ne représentant que deux dénouements aux côtés d’extraits lyriques et épiques de l’œuvre hugolienne, la Comédie-Française ne consacre pas le drame romantique mais bel et bien le poète national. Cette soirée dont la recette reversée à des sociétés de secours aux victimes de guerre s’élève à cinq mille cent francs prend ainsi les allures d’un culte national.

Conclusion

L’entrée des drames romantiques de Victor Hugo au répertoire de la Comédie-Française consiste en un processus d’intériorisation de la dramaturgie moderne amorcé dès les premières reprises : les pratiques scéniques du théâtre populaire jusqu’alors proscrites sur une scène officielle se voient institutionnalisées au fur et à mesure de reprises lucratives. Cette progressive légitimation académique du théâtre romantique hugolien est cependant enrayée et compromise dès 1852 lorsque l’exil du dramaturge implique désormais une lecture nécessairement politique de son œuvre. Si le devenir classique du théâtre de Hugo s’enferme alors dans un dilemme esthétique et idéologique dont il peine encore à sortir[41], c’est que le processus de classicisation est double : les reprises de ses drames relèvent à la fois d’une reconnaissance littéraire du drame moderne par la scène académique réconciliant finalement la tradition et la modernité en un seul répertoire harmonisé, et d’une panthéonisation politico-idéologique institutionnalisant la figure du grand homme, bien au-delà de la sphère théâtrale.


Annexe

 


Bibliographie

Bibliographie primaire

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Bibliographie secondaire

Sources

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Registre des recettes journalières, archives de la Comédie-Française, Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française, Jardin du Palais-Royal, Paris.

Sur le theatre de Victor Hugo

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[1] Victor Hugo, Les Contemplations, « Réponse à un acte d’accusation », Librairie Générale Française, 2002, p. 50, v. 66.

[2] Théophile Gautier, Histoire du romantisme, suivi de quatre portraits romantiques, chapitres XI « Première représentation d’Hernani » et XII « Hernani », éd. Adrien Goetz, Gallimard, coll. « Folio Classiques », Paris, 2011, p. 134-146.

[3] Myriam Roman et Agnès Spiquel, « Hernani, récits de bataille », Communication au Groupe Hugo du 16 décembre 2000.

[4] Arnaud Laster, « Victor Hugo raconté aux lycéens ou de quoi se compose une mauvaise réputation », Victor Hugo. Les idéologies., Actes du colloque interdisciplinaire, 23-24-25 mai 1983, p. 235-243.

[5] Nous pensons notamment à l’influence très importante de La Dramaturgie de Hambourg de Gotthold Ephraïm Lessing, publiée en 1767 sur les pratiques scéniques françaises dès la fin du XVIIIe siècle.

[6] Florence Naugrette, « Le drame romantique, un contre-modèle ? Sa place dans les histoires littéraires et manuels scolaires de la IIIe République », Communication au Groupe Hugo, 29 mai 2010.

[7] Nous renvoyons aux articles de Patrick Berthier, « L’“échec” des Burgraves », Revue d’Histoire du Théâtre, no 187, 1995, p. 257-270, d’Olivier Bara, « Le triomphe de la Lucrèce de Ponsard (1843) et la mort annoncée du drame romantique : construction médiatique d’une événement théâtral », dans Qu’est-ce qu’un événement littéraire au xixsiècle sous la direction de Corinne Saminadayar-Perrin, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008, p. 151-167 et à la communication d’Agathe Giraud « La chute des Burgraves : un mythe à déconstruire », Communication au Groupe Hugo le 27 janvier 2018.

[8] Victor Hugo, Les Contemplations, « Réponse à un acte d’accusation », op. cit ., p. 49, v.34.

[9] Isabelle Moindrot, « Création, remises, reprises. Le répertoire au fil du temps, du Romantisme à 1914 », dans Michel Noiray et Solveig Serre, Le Répertoire de l’Opéra de Paris (1671-2009). Analyse et interprétation, Actes du colloque de l’Opéra de Paris (décembre 2009), Ecole Nationale des Chartes, 2011, p. 337-346.

[10] Notre étude est principalement fondée sur l’observation des registres journaliers et des recettes de la Comédie-Française. Elle ne permet donc d’éclairer que partiellement ce phénomène de patrimonialisation. Une étude plus approfondie de la presse dramatique de 1830 à 1870 est nécessaire pour prétendre embrasser cette question de manière aboutie et exhaustive.

[11] Maurice Descotes, Le drame romantique et ses grands créateurs (1827-1839), Presses Universitaires de France, 1955, p. 246.

[12] Nous excluons de cette étude Le roi s’amuse qui est interdit dès le lendemain de sa première représentation le 22 novembre 1832 sans être repris avant 1882 et Les Burgraves dont la reprise programmée en 1846 n’a jamais eu lieu. Quant à Marie Tudor, Ruy Blas et Lucrèce Borgia, ces trois drames créés sur des scènes secondaires n’entrent respectivement au répertoire officiel qu’en 1879 et 1918.

[13] Maurice Descotes, Public de théâtre, Presses Universitaires de France, Paris, 1964, p. 208-320.

[14] Maurice Descotes, Le drame romantique et ses grands créateurs (1825-1839), op. cit., p. 45.

[15] ibid., p. 49.

[16] Sur cette question, nous renvoyons aux deux ouvrages d’Anne Ubersfeld, Le Roi et le bouffon : étude sur le théâtre de Victor Hugo de 1830 à 1839, José Corti, Paris, 2001 et Le Roman d’Hernani, Mercure de France, Paris, 1985.

[17] Maurice Descotes, Le drame romantique et ses grands créateurs (1825-1839), op. cit.,. p. 290.

[18] Jean-Claude Yon, Eugène Scribe : la fortune et la liberté, thèse de doctorat, volume 2, p. 49-52.

[19] voir annexe.

[20] Théophile Gautier, Œuvres complètes. Critique théâtrale, texte établi, présenté et annoté par Patrick Berthier avec la collaboration de Claudine Lacoste-Veysseyre et François Brunet, Honoré Champion, coll. « Texte de littérature moderne et contemporaine», 2007-2010, tome IV [1843-août 1844], p. 623.

[21] Théophile Gautier, Œuvres complètes. Critique théâtrale, op. cit., tome VII [juillet 1847-1848], p. 201.

[22] Théophile Gautier, Œuvres complètes. Critique théâtrale, op. cit., tome V [septembre1844-1845], p. 368-369.

[23] Sabine Chaouche et Roxane Martin, Le développement du « grand spectacle » en France : politiques, gestion, innovations (1715-1864), European Drama and Performance Studies, n°1, Classiques Garnier, Paris, 2013, p. 7.

[24] Roxane Martin, « La féerie théâtrale au XIXe siècle » in Magie et Magies dans la littérature et les arts du XIXe siècle français, études réunies et présentées par Simone Bernard-Griffith & Céline Bricault, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, coll. « Révolutions et Romantismes », n° 19, 2e  trimestre 2012, p. 259-270.

[25] Maurice Descotes, Le drame romantique et ses grands créateurs (1825-1839), op. cit.,. p. 52.

[26] Florence Filippi et Julia Gros de Gasquet, « Entre jeu romantique et jeu mélodramatique, Marie Dorval au miroir de ses modèles », Revue d’Histoire du Théâtre numéro 274 [en ligne], 2017.

[27] Florence Naugrette, « Rôles, emplois, types : le personnel dramatique »  in Frank Lestringant, Bertrand Marchal et Henri Scepi,  Musset : un trio de proverbes, Classiques Garnier, 2012, p. 25-39.

[28] Théodore de Banville, « Mlle Judith : portrait 66 », Nouvelle Galerie des Artistes dramatiques vivants, contenant quarante portraits en pieds des principaux artistes dramatiques de Paris, peints et gravés sur Acier par Charles Geoffroy, Librairie Théâtrale, Paris, t. I, 1854.

[29] Théophile Gautier, Œuvres complètes. Critique théâtrale, op. cit., tome V [septembre1844-1845], p. 368.

[30] Théophile Gautier, Œuvres complètes. Critique théâtrale, op. cit., tome IV [1843-août 1844], p. 624.

[31] Julia Gros de Gasquet, « Rachel, interprète de Corneille », in Myriam Dufour-Maître et Florence Naugrette, Corneille des Romantiques, Presses Universitéaires de Rouen et du Havre, 2006.

[32] Sylvie Chevalier, « Rachel et les romantiques. » in Romantisme, n°38. Le spectacle romantique, 1982, pp. 117-126.

[33] Stéphane Desvignes, Le Théâtre en liberté. Victor Hugo et la scène sous le Second Empire, op. cit.,  p. 209-210.

[34] Jean-Claude Yon Histoire culturelle de la France au XIXe siècle, Armand Colin, Paris, 2010, p. 157.

[35] Pour opérer cette distinction, nous nous appuyons sur les travaux d’Isabelle Moindrot qui explique que le remontage nécessite une redécouverte de la pièce après une longue absence sur scène, là où la simple reprise s’inscrit dans la lignée directe et fidèle de la création sans manifester d’écart.

[36] Jeanne Stranart, « L’interdiction de Ruy Blas et l’interruption d’Hernani en 1867, vues par Juliette Drouet », in Jean-Marc Hovasse, Correspondance et théâtre, p. 227-236.

[37] Théophile Gautier, Histoire du romantisme, suivi de quatre portraits romantiques, « La reprise d’Hernani (le 21 juin 1867) », op. cit., p. 430.

[38] Théophile Gautier, Victor Hugo, « La reprise d’Hernani de 1845 », choix de textes, introduction et notes par Françoise Court-Pérez, Honoré Champion, Paris, 2000p. 149-150.

[39] Jean-Marc Hovasse, Victor Hugo et le parnasse, thèse de doctorat sous la direction de Guy Rosa, Université Paris 7, 1999.

[40] Stéphane Desvignes, Le Théâtre en liberté. Victor Hugo et la scène sous le Second Empire, op. cit., p. 97.

[41] Florence Naugrette, La Mise en scène du théâtre de Hugo de 1870 à 1993, op.cit., p. 17.

 

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Les vesiis de Morlaàs (Béarn). Un éclairage inédit sur le voisinage dans la Gascogne médiévale

Coralie Nazabal

 


Résumé : Vecindad, vincinia, besiau… Le phénomène de voisinage est un fait social bien connu, en particulier des historiens dont les travaux portent sur l’Italie communale ou la Navarre médiévale et moderne. Bien que connu au nord des Pyrénées, dans un Sud-Ouest français dont on peine encore à tracer les contours, il y reste moins étudié. Or la besiau (communauté de voisins), variante de la communauté rurale si familière aux médiévistes, y est une composante socio-économique centrale dès le Moyen Âge. Cet article traite de la manière dont le phénomène de voisinage se manifeste en Béarn dans la seconde moitié du XIVe siècle, au travers du cas de la petite ville de Morlaàs sous le règne de Gaston III de Foix-Béarn dit Fébus (1343-1391).

Mot-clés : communautés d’habitants, voisinage, Béarn, Gascogne, Gaston Fébus.


Diplômée d’un master recherche en histoire à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, Coralie Nazabal est l’auteure d’un mémoire mené sous la direction de Véronique Lamazou-Duplan et de Dominique Bidot-Germa, portant sur les structures et le fonctionnement de la société de Morlaàs (Béarn) dans la seconde moitié du XIVe siècle. Elle a pris part, durant trois années consécutives, à l’organisation des Journées Internationales d’Histoire de Flaran. Elle se consacre aujourd’hui à la préparation des concours de l’enseignement.

Publication antérieure : « Ville et campagne en Béarn : Morlaàs, une ville sous tension (1367) », Campo y ciudad. Mundos en tensión (siglos XII-XV), Actas de la XLIV Semana Internacional de Estudios Medievales de Estella-Lizarra, 18/21 de julio de 2017, Gobierno de Navarra.

coralienazabal@orange.fr


Introduction

À l’occasion d’un travail universitaire portant sur un document notarié béarnais inédit du XIVe siècle, nous avons mis au jour un groupe de personnages qualifiés de vesiis (voisins) qui a fortement attiré notre attention sur le phénomène du voisinage[1]. Le voisinage est l’une des formes que revêtent les communautés d’habitants ; ses membres sont appelés « voisins ». Le phénomène de voisinage se manifeste dans différents espaces européens parmi lesquels le sud-ouest pyrénéen. Il existe aujourd’hui une importante historiographie régionale et il est par conséquent tentant de penser que l’on sait déjà tout ou à peu près au sujet du voisinage en Béarn. Aussi serait-il légitime de s’interroger sur l’éclairage nouveau que peut apporter notre recherche. Celle-ci procède d’un travail ne portant pas sur les seuls voisins mais sur la totalité d’une petite ville au prisme d’un notaire. Notre hypothèse de recherche porte donc sur le fait que cette approche globalisante méthodique permettra d’enrichir la connaissance de ce groupe par une dimension sociale non focalisée sur leur statut juridique et de faciliter l’ancrage d’éventuelles études comparatives.

Le document sur lequel porte cette étude est un minutier qui fut rédigé entre le 19 novembre 1364 et le 27 avril 1368 par le notaire public de Morlaàs Odet de Labadie. Les autres minutiers morlanais ayant disparu, il apporte un éclairage inédit sur le fonctionnement de la ville au Moyen Âge. Morlaàs est une ville de première importance dans le Béarn médiéval dont elle est l’ancienne capitale. On ne sait que peu de choses au sujet d’Odet de Labadie mais on peut d’ores et déjà souligner le fait qu’il n’est pas un notaire ordinaire : le seul fait d’instrumenter à Morlaàs lui confère un statut particulier compte tenu de l’importance de la ville dans l’administration de la vicomté de Béarn. Il instrumente sous le règne de Gaston III de Foix-Béarn dit Fébus (1343-1391), dans un contexte troublé. Fébus refuse en effet de prendre part aux conflits opposant la couronne de France à celle d’Angleterre et profite de la défaite de Philippe VI de Valois à Crécy en 1347 pour proclamer que le Béarn est une terre qu’il ne tient que de Dieu et pour laquelle il ne doit d’hommage à quiconque, le roi de France ayant des affaires plus urgentes à régler que la sécession d’une vicomté à plusieurs centaines de kilomètres de là. Il maintient cette position en 1356, à la signature du traité de Brétigny-Calais par Jean II le Bon et Édouard III d’Angleterre qui cède à l’Angleterre une Aquitaine fort élargie en l’échange du renoncement d’Édouard au trône de France. Or, dans les clauses de ce traité, seuls les territoires nouvellement cédés à l’Angleterre sont expressément mentionnés : les terres de l’Aquitaine d’avant 1328 ne sont pas citées. C’est dans cette faille que va s’engouffrer Gaston III, ce qui a pour conséquence d’aboutir à une situation de tension entre lui et Édouard de Woodstock, plus connu sous le nom de Prince Noir, nommé Prince d’Aquitaine en 1362. Ce contexte, nous le verrons, a une incidence directe sur les communautés béarnaises, à commencer par celle de Morlaàs.

Avant de replacer plus précisément le document dans son contexte puis d’exposer les résultats de notre recherche, nous pensons utile de rappeler brièvement l’état des connaissances sur ce fait social bien connu mais au sujet duquel on ne trouve à ce jour que des études fragmentaires, circonscrites à un territoire, sans que nous ne puissions en dégager une vision d’ensemble[2]. Jean-Pierre Barraqué propose de la vesiau (dans le contexte gascon qui nous intéresse ici) la définition suivante : elle « regroupe les hommes libres […] disposant d’une certaine autonomie et étant propriétaires d’une maison, l’ostau, qui est aussi un foyer fiscal (c’est à partie de l’ostau que se prélève l’impôt) » [3]. Aussi, afin de saisir le phénomène de voisinage dans sa globalité, il faut avoir pleinement conscience du fait que sa dimension spatiale est absolument indissociable de sa dimension socio-économique[4]. Le voisinage et les voisins (et leurs équivalents dialectaux) constituent une forme d’organisation bien connue des sociétés médiévales, dont on retrouve de multiples mentions et dont certaines sont recensées dans le Glossarium mediae et infimae latinitatis[5]. Si le phénomène du voisinage est connu, il n’a cependant jamais été étudié dans toute sa complexité. On ne peut que constater l’existence d’un horizon documentaire et historiographique très vaste sur les plans historique et géographique, et sémantiquement complexe. Dès lors, il ne s’agira pas ici de prendre en compte une historiographie générale, cette ambition étant hors de proportions dans le cadre d’un article, mais de présenter le conditionnement historiographique général qui a servi de toile de fond à notre recherche. Si la période qui va retenir notre attention dans les quelques pages à venir correspond à la seconde moitié du XIVe siècle, le voisinage est un processus d’organisation sociale durable dans la mesure où l’on en retrouve des mentions dans la Loi Salique[6] et qu’il ne s’éteint pas avec le Moyen Âge, ni même avec l’époque moderne, ainsi qu’en témoigne une étude de Sandra Ott portant sur une communauté pastorale souletine[7]. En outre, c’est au sein de l’espace germanique que l’on retrouve les traces parmi les plus anciennes du voisinage, celles-ci remontant au moins au VIIIe siècle. Karol Modzelewski a expliqué que « la création des communautés territoriales qui en même temps avait un caractère de voisinage ne pouvait être l’œuvre d’aucune autorité hiérarchique, ni franque, ni alémanique. La seule chose qui restait à faire aux Francs était de mettre au-dessus de ces communautés des comtes comme représentants territoriaux du pouvoir ducal et royal[8] ». Le voisinage est donc une forme d’organisation sociale forte avec lequel les nouvelles autorités en place ont dû composer. D’autres espaces de l’Occident médiéval sont concernés par le voisinage, à commencer par l’Italie communale. François Menant parle de la vicinia comme de la « communauté de base[9] » et explique qu’elle « est suffisamment importante pour avoir une identité propre et une influence au sein de la ville mais [qu’]elle est aussi suffisamment restreinte pour que ses membres se connaissent bien et vivent en démocratie directe. La participation côte à côte aux campagnes militaires, la répartition de l’impôt, l’exercice de la basse justice, le souci de l’approvisionnement en eau, de l’évacuation des ordures, de l’entretien des rues, font des vicini, les ‘’voisins’’, une communauté très vivante et solide, qui coïncide souvent avec la paroisse ou, au fil du XIIIe siècle, avec la confrérie[10] ». Il précise que la vicinia étant avant tout une unité territoriale, elle peut « présenter une certaine mixité sociale, des palais aristocratiques se mêlant à un habitat plus modeste[11] ». Outre-Pyrénées, c’est le terme de vecindad qui a cours. Le phénomène y a notamment été étudié par José María Imízcoz Buenza[12], Ana Zabalza Seguín[13] ou encore Tamar Herzog[14]. Enfin, le voisinage est un phénomène au large spectre sémantique. On observe en effet un glissement faisant passer le terme de voisin comme simple habitant d’un vicus au citoyen actif d’une communauté : ce glissement est tangible dans le Lexicon Mediae Latinitatis de Niermeyer[15]. Dans ce vaste contexte historiographique, notre recherche porte sur un espace (la Gascogne) où le phénomène de voisinage est très prégnant (avec une identification de la communauté à la vesiau) et a bien été étudié, pour aboutir à des propositions relativement assurées et homogènes… mais à partir d’informations parfois hétérogènes. Dans le Dictionnaire béarnais ancien et moderne de Vastin Lespy et Paul Raymond, on lit tout d’abord que le besii (vesii) est un « membre de la commune ». On y précise qu’« être besii, voisin, c’était posséder le jus civitatis[16] ». De plus, d’après les Fors de Béarn publiés par Adolphe Mazure et Jean-Auguste Hatoulet[17], « si un homme étranger achète maison à Morlaàs […], il n’est pas voisin, encore qu’il paye et qu’il ait payé amendes, tailles et droits de voisinage ». Les notions de liberté et de propriété sont donc essentielles, mais est-ce à dire que tout libre propriétaire d’ostau est automatiquement reçu en tant que vesii ? Les choses ne sont pas si évidentes. L’article 151 des Jugés de Morlaàs[18], intitulé « comment devient-on voisin », précise la chose suivante : « après délibération plénière avec Monseigneur Gaston et entre nous, nous avons déclaré que si quelque étranger achetait une maison à Morlaàs, ne se comportait pas publiquement en voisin et prêtait pas le serment de voisinage, il n’est pas tenu pour voisin, même s’il avait payé les redevances, tailles et charges de voisinage[19] ». Lespy ajoute, s’appuyant sur les Fors édictés par Henri II de Navarre (1517-1555) en 1552, que l’on « naissait voisin, ou l’on était reçu en cette qualité […]. Aussi, tout fils de voisin est voisin, et l’étranger qui se marie avec une héritière, fille de voisin. Cet étranger n’était tenu qu’à prêter serment de ‘’voisinage’’. L’étranger se mariant avec fille de ‘’voisin’’ qui n’était pas héritière, était astreint à d’autres formalités, segon la costuma e loc d’on volera esta vesin, selon la coutume et le lieu d’où il voudra être voisin[20] ». Enfin, un acte du XVIe siècle transcrit par l’Abbé Daugé (1858-1945) permet d’apporter quelques précisions : « le voisin, besin, existait alors dans chaque localité. C’était l’homme franc, ayant droit de franchise pour l’entrée de ses denrées, citoyen actif admis dans le conseil des affaires de la commune. La délibération tenue par le conseil s’appelait besiau ou besiade, assemblée de voisins. La réception en qualité de voisin était constatée par un acte notarié public. Le récipiendaire fournissait le jour de sa réception une arbalète qui, déposée dans la maison commune, lui servait d’arme et de signe d’autorité de police le jour où il était appelé à faire le guet pour la défense et le bon ordre de la communauté, aujourd’hui commune[21] ». L’acte précise que la réception comme voisin doit faire l’objet d’un acte notarié public. C’était aussi le cas à Morlaàs, bien qu’aucun de ces actes ne fut enregistré dans le minutier d’Odet de Labadie[22].

À la lumière de ces éléments historiographiques et de définition autour du phénomène communautaire de voisinage au Moyen Âge, cet article entend ainsi apporter un éclairage inédit sur les vesiis de Morlaàs, en Gascogne, dans la seconde moitié du XIVe siècle. Après une rapide présentation des contextes géographique et historique ainsi que du document-source sur lequel s’appuie cette étude, il sera question de mettre en lumière les spécificités internes à la communauté des voisins morlanais qui se trouve être plus complexe qu’il n’y paraît.

Les voisins dans un minutier béarnais du temps de Gaston Fébus (1364-1368)

Morlaàs est une petite localité du Béarn, dans l’actuel département des Pyrénées-Atlantiques, au nord-est de la ville de Pau dont elle est limitrophe. Située entre les vignobles du Vic-Bilh et la plaine du gave, elle s’est développée sur les hauteurs du plateau de Ger, à un peu plus de 300 mètres d’altitude.

Figure 1 – Situation géographique de Morlaàs ©IGN 2016 – www.geoportail.gouv.fr

Au Moyen Âge, la ville se trouve à la croisée de deux axes importants : celui reliant Toulouse à l’Espagne (menant également à Auch) ainsi que la voie est-ouest, dite camin morlaner. Sur le plan religieux, la ville abrite la chapelle hospitalière de Berlanne qui est un point d’étape important sur la route de Saint-Jacques. Tout ceci contribue au fait que Morlaàs soit alors l’une des villes les plus importantes de la vicomté dont elle est la capitale jusqu’en 1242. Parce que la ville marque l’entrée en Béarn, elle a une importance capitale dans l’administration de la vicomté. De son ancien statut, Morlaàs a d’ailleurs gardé « toute son importance, la fonction de résidence seigneuriale exceptée[23] ». Il nous est aujourd’hui possible de nuancer cette dernière affirmation concernant la fonction de résidence seigneuriale : si le château Moncade d’Orthez est préféré par les vicomtes à Morlaàs depuis le règne de Gaston VII Moncade (vers 1225-1290), Fébus mène, en 1371, une vaste campagne d’achats pour son « ostau[24] ».

La ville médiévale est structurée en quatre bourgs : le bourg Saint-Nicolas, aussi connu sous le nom de Morlaàs-Viele à partir de la fin du Moyen Âge et jusqu’à l’époque moderne, le Bourg-Vieux ou Bourg-Mayou auquel est rattaché le Marcadet et, enfin, le Bourg-Neuf. Il semble que le premier bourg primitif soit d’époque pré-médiévale, aucune preuve archéologique n’ayant à ce jour permis d’étayer l’hypothèse d’une ville gallo-romaine[25].

Figure 2 – Organisation des bourgs de Morlaàs et emplacement du château vicomtal de Fébus, d’après LASSERRE (Jean-Claude) (dir.), Vic-Bilh, Pyrénées-Atlantiques, Morlaàs, Montanérès, cantons de Garlin, Lembeye, Thèze, Morlaàs, Montaner, Imprimerie Nationale, coll. Inventaire topographique, 1989.

Odet de Labadie, notaire public, compose le Minutier de Morlaàs entre 1364 et 1368, dans un Béarn qui n’échappe pas à l’agitation qui règne en Europe occidentale. La guerre de Cent Ans fait rage depuis 1337 et si les affrontements directs n’ont pas lieu sur son territoire, la vicomté n’en est pas moins concernée en raison, notamment, des prises de position de Fébus. Celui-ci profite en effet du désordre pour faire un pari audacieux : proclamer que le Béarn est une terre qu’il ne tient que de Dieu et pour laquelle il ne doit d’hommage à quiconque, ce qui aura pour conséquence d’exacerber les tensions entre le vicomte et le Edouard de Woodstock, plus connu sous le nom de Prince Noir, alors Prince d’Aquitaine et auquel il refuse l’hommage[26]. Ces tensions trouvent un écho dans un certain nombre d’actes du minutier d’Odet de Labadie et ont des implications directes sur Morlaàs et ses habitants[27].

Le minutier d’Odet de Labadie compte 1304 actes identifiables, répartis sur 172 folios. D’autres ont sans doute été dressés mais les conditions de conservation du codex n’en permettent pas l’identification. La répartition des actes retenus par le notaire est la suivante[28] :

Figure 3 – La répartition des actes du 3 E 806, Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques.

Les actes relatifs à une obligation juridique représentent à eux-seuls près de 73% des actes du minutier. Francis Brumont définit l’obligation comme étant « un engagement à payer une somme d’argent, à livrer un produit, à effectuer un travail dans un délai fixé par l’acte qui n’excède généralement pas une année[29] ». Viennent ensuite les actes de procédure en cas de litige qui concernent 11,7% des actes du minutier, témoignant du « rôle du notaire dans le domaine qualifié aujourd’hui de pénal », pour reprendre les termes de Jean Favier[30]. Ceux relatifs aux affaires de famille (actes relatifs à la dot, contrat de mariage, donations, règlements en succession, etc.), qui représentent un peu plus de 5% des actes, constituent un moyen privilégié d’approche des relations entre les individus et, plus largement, entre les groupes familiaux, ce qui n’est pas inintéressant pour notre sujet. Quelques actes relatifs aux matières féodales et ecclésiastiques ont été rédigés par Odet de Labadie et livrent de précieuses informations quant à la gestion et l’encadrement d’une société par ses élites ecclésiastiques mais ne nous renseignement finalement qu’assez peu sur la question des vesiis. Bien qu’un certain nombre de voisin morlanais aient des parents dans les ordres (notamment chez les Mendiants qui occupent une place importante à Morlaàs), les quelques informations que l’on parvient à glaner se retrouvent plus volontiers dans des actes relevant de l’obligation juridique. Ces écrits répondent à une logique de production qui n’a pas pour objectif de renseigner sur des individus autrement que par les engagements et les affaires de nature juridique auxquels ils sont associés. Néanmoins, l’analyse fine de ces minutes a permis la réalisation d’une étude socio-économique relativement précise de la Morlaàs des années 1364-1368 dans une perspective multiscalaire, à la fois individuelle et collective. En outre, il nous a été possible d’identifier clairement 126 vesiis[31], dont une partie appartient aux grandes familles morlanaises[32]. Selon Pierre Tucoo-Chala, la vesiau ou communauté de vesiis est la cellule administrative de base en Béarn[33]. Qu’en est-il à Morlaàs dans la seconde moitié du XIVe siècle ?

Les apports du document : il y a voisins et voisins !

Sans surprise, la plupart des voisins de Morlaàs appartiennent aux grandes familles de la ville. C’est notamment le cas de Per Iohan Arner, de Bernat de Duras ou encore de Caubet de la Tor[34]. En tant que parties, les voisins apparaissent dans un peu plus de 41% des actes du Minutier de Morlaàs, ce qui tend à démontrer leur forte implication dans les affaires de la ville, en tant qu’individus et en tant que groupe social.  L’essentiel des actes dans lesquels les voisins apparaissent relèvent d’affaires strictement personnelles. Néanmoins, leur qualité de vesii est systématiquement mentionnée, ce qui en fait un marqueur social essentiel au sein de la communauté urbaine. Qui sont-ils donc, ces voisins ? Ce qui est certain, c’est qu’ils comptent parmi les Morlanais que l’on connaît le mieux pour la période 1364-1368 (couverte par les actes du minutier). Parmi les individus dont le nom revient le plus fréquemment sous plume du notaire, six sont des vesiis. Afin de mieux saisir la dimension sociale de ce groupe, nous proposons de réaliser une « galerie de portraits » portant sur ces six voisins.

Figure 4 – Individus dont le nom revient le plus fréquemment dans les actes du 3 E 806, AD64.

On compte 27 occurrences pour le nom de Per Johan Armer. On ne sait qu’assez peu de choses le concernant, si ce n’est qu’il est l’époux d’une certaine Clarmontine[35]. L’intérêt principal des actes dans lesquels il est mentionné, portant essentiellement sur des affaires de la vie courante, est qu’ils permettent de reconstituer ses réseaux de sociabilité. Il est notamment en relation étroite avec Arnautolat de Marsaa à qui il vend un terrain pour 8 florins. Per Johan Armer fait également partie des témoins de la promesse qu’a faite Arnautolat de Marsaa de marier sa fille à un certain Berthomiu de Latapie qui est lui-aussi vesii, de même que Pee Saliee, borgues de Morlaàs, trésorier de Gaston III et jurat de Morlaàs, Arnauto Bruu de Cucuroo, notaire de Montaner, et Bernat deu Blanc, borgues de Morlaàs[36]. On peut émettre l’hypothèse que ces témoins ont moins été choisis par Arnautolat de Marsaa pour les relations personnelles qu’ils entretiennent avec lui qu’en raison de leurs statuts respectifs. De plus, la stratégie matrimoniale mise en place ici relève clairement d’un processus d’endogamie sociale. Le nom de Per Iohan Armer revient à plusieurs reprises dans des baux à complant : il s’agit d’achats de vin destinés à sa consommation personnelle[37]. De même, il est cité dans un certain nombre de procurations[38]. En avril 1366, il est le commanditaire de travaux de pierres pour son ostau neuf, ce qui laisse à penser qu’il est le propriétaire de plusieurs biens immobiliers à Morlaàs[39]. Per Iohan Armer est également un propriétaire terrien qui loue des terres et qui pratique l’élevage ovin[40]. Au mois de mars 1367, il est cité à comparaître devant le comte de Foix dans une affaire l’opposant à la fille de Johan Babii, les Babii appartenant à l’une des grandes familles de Morlaàs[41]. Aucun détail n’est donné par le notaire sur cette affaire ; Per Iohan Armer n’a manifestement pas l’intention de s’y rendre et donne procuration à un certain nombre d’individus pour le représenter. Notons que nous sommes alors à la fin de l’hiver 1367, que le Béarn se trouve alors dans une situation très instable et que Gaston III a sans doute alors d’autres préoccupations[42]. Quoi qu’il en soit, Per Iohan Armer semble être l’une des figures incontournables du Morlaàs de la seconde moitié du XIVe siècle, fortement impliqué dans les affaires de la ville et, à titre personnel, un riche personnage à la tête d’un important patrimoine foncier et immobilier.

On dispose de très peu d’informations à propos de Manaut de Castelhoo. Tout comme Per Iohan Armer, il achète du vin et il est à ce titre mentionné comme débiteur dans six baux à complant[43]. Son nom apparaît dans plusieurs reconnaissances de dettes dont on ne sait rien de plus que le montant dû, le délai de paiement et le nom des créanciers et débiteurs étant donné la brièveté des actes. Il se trouve en position de créancier dans une dizaine de cas[44]. Il est mentionné en tant que procureur d’une certaine Guirautine de Sedze pour laquelle il vend un ostau qu’elle possède dans le Bourg Neuf[45]. Peu d’informations sur ce Manaut de Castelhoo, donc, mais les quelques indices dont on dispose laissent entendre qu’il est un personnage impliqué dans les affaires économiques de la ville.

Arnautolat de Marsaa est, lui, à la tête d’un certain patrimoine immobilier à Morlaàs En novembre 1364, il loue une moitié d’ostau à Jacmes Dauree, un autre vesii de Morlaàs[46]. Propriétaire de bétail, il en met une partie au moins en gage chez un certain Ramon d’Abadie de Sendetz[47]. Il est débiteur dans 14 baux à complant pour l’achat de vin[48]. Arnautolat de Marsaa contracte, avec Arnautoo de Sendetz, un autre voisin de Morlaàs, un prêt important de 30 florins d’or, auprès de Guirautane, épouse de Bonetolo de Cadelhoo, membre de la vesiau également.

Le nom de Guilhem Sans de la Borde d’Espoey revient à deux reprises dans des actes se rapportant à la maltôte, cet impôt extraordinaire dont Philippe le Bel est l’instigateur, qui s’applique sur les biens de consommation courants tels que le vin, et dont la levée a pour but de faire face à des situations exceptionnelles[49]. On le retrouve également dans un certain nombre d’affaires d’ordre privé qui ne nous renseignent que peu à son sujet[50]. Son implication dans l’économie de la ville est tout à fait semblable à celles de ces autres voisins que l’on vient d’évoquer.

Arnaut de Blaxoo est également mentionné dans les actes évoquant la maltôte. Il se trouve que c’est lui qui obtient, avec Johan de Ponsoo et Johanet de Bere, deux autres vesiis de Morlaàs, la charge de perception de cet impôt pour l’année 1366[51]. Arnaut de Blaxoo paraît être à la tête d’un important capital financier, ainsi que semble l’indiquer la succession de mises en dépôt dans lesquelles il est mentionné en tant que créancier[52]. Il est également le propriétaire d’un cheptel nombreux qu’il met engage[53]. On le retrouve dans un certain nombre d’actes comme procurateur, aux côtés de Per Iohan Armer, Johan de Bordeu ou Johan deu Badagle, par exemple, tous membres de la vesiau. Enfin, il est cité dans un mandement daté de la fin avril 1367, ordonnant l’érection de remparts autour de Morlaàs ; cet acte est à mettre en relation directe avec le contexte politique troublé dans lequel se trouve alors la vicomté[54].

Si tous ces actes dans lesquels le notaire mentionne les vesiis ne sont pas en relation directe avec ce statut, ils nous renseignent néanmoins sur leurs pratiques sociales et commerciales. Les voisins constituent un groupe relativement homogène, une familia : bien que leurs réseaux de sociabilité puissent dépasser la seule vesiau, le vesiis traitent largement entre eux, ce qui nous amène à confirmer les propos de Dominique Bidot-Germa lorsqu’il évoque l’« oligarchie des voisins morlanais[55] ». Dans cette galerie de portraits, il nous reste cependant à évoquer un personnage figurant dans le tableau dressé plus haut : Monde de Bere.

Étudier le voisinage dans le Béarn médiéval implique nécessairement de traiter des voisines (vesies). Or il se trouve que Monde de Bere, figure féminine la plus représentée dans le minutier d’Odet de Labadie, est une voisine de Morlaàs. On sait tout d’abord qu’elle est propriétaire d’un important cheptel qu’elle met en gage chez des individus qui ont tous la particularité de ne pas être des Morlanais : ils sont respectivement d’Osse[56], de Luc[57], d’Andoins[58], et d’Espéchède[59]. Elle est également mentionnée dans un acte attestant du paiement de deux maîtres charpentiers pour des travaux qui avaient été engagés par Guilhemoo de Bere, vesii de Morlaàs et qui est vraisemblablement son père[60]. De même, on la retrouve dans plusieurs reconnaissances de dettes dans lesquelles elle est systématiquement dans la position du créancier[61]. Elle est à la tête d’un important patrimoine financier qui lui permet d’occuper une place conséquente dans les affaires de Morlaàs et des alentours. Bien que l’on sache la famille de Bere liée à Per Iohan Armer, Bernat de Duras, Pee Salier ou Caubet de la Tor, entre autres[62], le réseau de Monde est différent de celui des voisins précédemment cités. On peut se demander de quelle manière celle-ci est vesie. Si l’on s’en tient aux éléments issus des différents textes normatifs que nous avons présentés plus haut, on peut supposer que Monde de Bere est dite vesie en tant que fille de vesii héritière et donc en pleine possession de son patrimoine, selon les modalités de succession spécifiques ayant cours dans les Pyrénées. Elle semble en effet moins impliquée dans les affaires de la ville, y compris pour ses affaires privées. Il n’est cependant pas exclu que les vesies aient un rôle quelconque dans l’administration de la ville ou même prennent part à l’assemblée des voisins. Notons que, dans les actes de réception comme voisins du Livre noir de Salies, aucune femme n’est mentionnée. Deux hypothèses peuvent dès lors être formulées : la première consiste à envisager une évolution qui irait dans le sens d’une fermeture plus ou moins progressive de la vesiau aux femmes ; la seconde suppose qu’il en serait ainsi dès l’époque médiévale. La question reste ouverte.

Que sait-on justement des assemblées de voisins, de leur rôle, de leur place dans le paysage socio-économique de la ville ? Concernant Morlaàs, on ne dispose que d’assez peu d’informations à ce sujet, hormis le fait que les assemblées de la vesiau se a lieu en l’église Sainte-Foy et, lorsque les circonstances l’exigent, notamment en cas d’affluence particulièrement importante, à l’extérieur de celle-ci[63].

Les voisins morlanais tiennent une place essentielle dans les activités économiques de la ville et des alentours. De plus, Dominique Bidot-Germa, qui a beaucoup travaillé sur le minutier de Morlaàs dans le cadre de sa thèse de doctorat, a constaté un « véritable accaparement par cette oligarchie de « voisins » morlanais ou de leurs proches de charges communales en même temps que notariales[64] » : Arnaut Brun de Cuqueron, un des vesiis les plus influents de la ville, occupe la charge de jurat sans interruption entre 1364 et 1368 ; Brun de Duras, un autre vesii, occupe la charge de 1365 à 1366 tout en étant, en parallèle, titulaire d’offices importants auprès de Gaston III, ce qui est aussi le cas d’un certain Galhardolo d’Oroix (dont le père était garde de Morlaàs)[65]. La vesiau de Morlaàs comporte donc en son sein des individus dont l’influence va bien au-delà de la ville. Reste à savoir comment s’organise concrètement cette vesiau.

S’il a jusque-là été question de vesiis de Morlaas et donc de voisins membres de la communauté de Morlaàs, quelques actes du minutier semblent venir complexifier encore un peu plus la lecture que l’on peut à ce jour faire du phénomène de voisinage. On repère en effet trois actes dans lesquels il est question de vesiaus spécifiques à des espaces distincts de la ville de Morlaàs.

Johan deu Forn, Pee de Sacase, Johan de Sent Pau, Domenges de Pardalhaa, Arnautoo de Sendetz, Bernat d’Osques, Gassiot deu Cloos de Momii, Bonshom de Casanhe, vesiis de Marcadet, cascuns peu tot, per nom de la vesiau de Marcadet segon que dixon, devin dar a Arnaut d’Arricau, besii de Morlaas, VIII floriis d’aur boos e pagar per cap de tres setmanes a prop Pasques prosmaa. Obligan etc. speciaumentz que sen obligan au destret   deu dus serians deu senhor. Feyt a Morlaas, XXVI de martz. Testimonis : Pelegrii d’Ossuu de Montaner, Bernat d’Anoye diit Missero de Morlaas[66].

Il s’agit d’une reconnaissance, au nom de leur vesiau, d’une dette de 8 florins d’or par huit vesis de Marcadet, à Arnaut d’Arricau, vesii de Morlaas ; ils s’obligent à la rembourser sous la contrainte des sergents de ville dans un délai de trois semaines suivant Pâques, l’acte étant daté du 26 mars 1366 (n.st). Le deuxième acte est le suivant :

Notum sit etc., que cum d’autes betz, Guilhem Arnaut de Beoo, capitayne per lo senhor en loc de Morlaas, agos mandat aus vesiis de Morlaas Viele que, ab carte e [sotz] serte pene que fessen un embarat a Morlaas Viele en lo camp de Berthomiu de Bordeu. Es assaber que lo diit capitayne dix que de la terre que preneren deu diit camp ob de far lo diit embarat que lo senhor los ne portare bone e ferme garenthie, e asso dix ad Arnaut Guilhem d’Ossuu, a Pascau de Coaraze, a Johan de Theze e a Pee de Theze, besiis de Morlaas Viele. De las quoas causes los diitz besiis requeren carte. Actum III dies en decembre. Testimonis : fray Ramon[…] de Leme, fray deu cobent deus menors de Morlaas, Johan de Bordeu, vesii de Morlaas[67].

Il s’agit-là d’un mandement du capitaine Guilhem Arnaut de Beoo adressé aux voisins de Morlaas Viele pour construire une clôture dans le champ de Berthomieu de Bordeu  avec la caution formelle du seigneur. Il est rédigé le 3 décembre 1366 Enfin, un troisième acte est à mentionner :

Johan de Navalhes, Johanet de Bere e Guiraut de Sent Castii, vesiis de Borg Nau, per nom de lor e de tot la vesiau de Borg Nau segon que dixon, acomanan lo forn de Borg Nau ad Arnautoo de Bayze de l’ospitau d’Aubertii aqui present per de la feste de Nadau prosmar bien en IIII ans complitz e li liuratz […] franc e quitis lo quoau forn lo diit Arnautoo prenco en comane per los diitz IIII ans e prometo lo diit Arnautoo de thier lo diit forn bee e leyaumentz en l’estat que are es e de far lo cozer segon que autes betz acostumat de coser e prometo lo diit Arnautoo de far las obres necessaris au diit forn […] la some de V sos e dequi en sus fray Guilhem de Senta-Crotz per nom e cum procurador de l’ospitau d’Aubertii segon que dix que las hi prometo far en caas que mestier ni agos obligatz cascus etc. los diitz besiis de Bornau e lo diit Arnautoo de Bayze requerin se[u]cles cartes d’une tenor etc. Actum testimonis uts[68].

Ici, Johan de Navailles, Johanet de Bere et Guiraut de Saint-Castin, tous trois vesiis du Bourg-Neuf, mettent en dépôt,au nom de leur vesiau, le four du Bourg-Neuf à un certain Arnautoo de Bayze de l’hôpital d’Aubertin pour une durée de quatre ans. Notons que Johan de Navailles[69] et Guiraut de Saint-Castin[70] sont également cités comme vesiis de Morlaàs, à la différence de Johanet de Bere dont on a une seule autre mention dans un acte portant sur une tutelle mais dans lequel l’intéressé n’est pas mentionné en tant que voisin.

Dans les trois cas, les communautés de voisins du Marcadet, de Morlaàs-Viele et du Bourg-Neuf sont explicitement mentionnées. Aussi peut-on s’interroger sur l’hypothèse d’une coexistence, au sein d’une même ville, de plusieurs communautés de voisins. Ce phénomène de vesiaus multiples a été observé par Jeanne-Marie Larsen-Leducq dans sa monographie consacrée à la bastide de Vielleségure[71], commune située à environ 45 kilomètres de Morlaàs, à proximité de Navarrenx. Quatre vesiaus sont identifiées au sein de la bastide : la Carrère, la Besiau de dessus, appelée aujourd’hui Besiau de Haut, la Besiau debaig et Maubourguet[72] (notons au passage la persistance du terme de vesiau dans la toponymie comme marqueur d’une organisation socio-économique structurante). Cependant, il s’agit à Vielleségure d’une transposition de communautés préexistantes tandis que Morlaàs est une ville-neuve[73], ce qui n’empêche pas que le peuplement et l’affirmation des différents noyaux de la ville se soient étalés dans le temps. Quoi qu’il en soit, les processus de peuplement et d’organisation sont différents. À Morlaàs, il semble être davantage question d’une complexification liée à l’affirmation de l’Etat princier et à ses exigences fiscales[74]. On note également une différence d’échelle : Vielleségure n’est pas Morlaàs. Intéressons-nous de plus près aux membres des vesiaus de Marcadet et de Morlaàs-Viele nommés dans les actes ci-dessus. Concernant la vesiau de Marcadet, sur les huit noms mentionnés, trois sont cités de manière certaine dans d’autres actes en tant que vesiis de Morlaas : il s’agit de Johan deu Forn[75], d’Arnautoo de Sendetz[76] et de Boshom de Cassanhe[77]. Pour la vesiau de Morlaàs-Viele, tous les voisins nommés se retrouvent cités dans d’autres actes en tant que vesiis de Morlaas[78].

S’il existe plusieurs vesiaus à Morlaàs, reste à savoir comment elles s’organisent, d’autant plus que l’on ne dispose d’aucune information claire concernant le Bourg-Vieux. Aussi peut-on émettre deux hypothèses. La première d’entre elles consiste à considérer qu’il existe trois noyaux : les vesiaus du Bourg-Neuf, de Morlaàs-Viele et du Marcadet. En l’absence d’indice quant à l’existence du vesiau en son sein, on pourrait alors envisager que le Bourg-Vieux soit intégré à un autre noyau (vraisemblablement le Bourg-Neuf) et que la vesiau qui lui correspond soit alors nommée, de manière englobante, vesiau du Bourg-Neuf.

Figure 5 – Organisation des vesiaus de Morlaàs – hypothèse n°1.

On aurait alors des vesiaus organisées de manière hiérarchique, les trois vesiaus de Morlaàs-Viele, du Bourg-Neuf et du Marcadet subordonnées à une vesiau plus importante qui serait celle dite « de Morlaàs » et au sein de laquelle seraient désignés (par un processus électoral ? Selon des critères de propriété immobilière et/ou foncière ?), dans le but de siéger aux assemblées des voisins de Morlaàs.

La seconde hypothèse impliquerait la coexistence, sur un même plan, de quatre vesiaus, chacune dépendant d’un des quatre bourgs identifiés par Benoît Cursente[79]. Dans ce cas, on pourrait relier la vesiau de Morlaas au Bourg-Vieux. Une hiérarchie s’établirait également mais la question se poserait davantage en termes de poids économique. La vesiau de Morlaàs est, et de très loin, la plus mentionnée dans les actes du minutier d’Odet de Labadie. Les trois autres ne le sont que très ponctuellement.

Figure 6 – Organisation des vesiaus de Morlaàs – hypothèse n°2.

Le Dénombrement Général des maisons de la vicomté de Béarn réalisé en 1385 ne nous permet pas de dissiper le brouillard qui entoure cette question dans la mesure où les officiers qui l’ont réalisé ne distinguent que deux entités : Morlaas et le Borc-Nau[80]. De fait, il n’est pas possible d’établir de parallèle entre le bourg dans lequel un voisin possède un ostau et la vesiau à laquelle il appartient.

On dispose également de deux actes qui font mention de gardes spécifiquement rattachés au Bourg-Neuf :

Per Guirautoo de la Tor e Johane sa molher, e Peyrolo de Nostii Ga[vineter] de Morlaas, cum gardes que dixon que ere de Borg Nau de Morlaas, devin dar a Per d’Escarer, vesii de Morlaas, VIII liures de Morlaas e aqueres per arason de l’arrendament de la maletote de l’an present, segon que dixon pagar la mieytat a Sent Johan-Baptiste prosmar vient e l’aute mieytat a la Sent-Andreu Apostol a prop segent obligatz lors bees e causes e ors deudiit borg nau entant que poden cum gardes. Feyt a Morlaas IX dies en martz. Testimonis :Johan de Ponsso, Galhard de Peletroys de Morlaas[81].

Pee Guirautoo de la Tor e Peyroo de Nostii Ga[vineter], gardes de la vesiau de Bornau, per nom de lor e de tot la vesiau de Bornau segon que dixon, benon e arrendan la maletoate deu vii e de la pomade de la vesiau de Bornau per de la feste de Sent Andreu prosmar passade entro la feste de Sent Andreu prosmaa bient, es assaber a Johan de Ponsoo, a Johanet de Boc e ad Arnaut de Blaxoo, vesiis de Bornau, e asso per la some e prets de VIII liures de Morlaas que las diites gardes ne reconegon aver prees e reebut. Laqouau vente e arrendament las diites gardes los prometon far boo en tot lo diit termi segon que autes vetz es acostumat obligan lors bees e los de la diite vesiau cum gardes, etc. Actum VIII dies en gier. Testimonis : Bernat Baradat de Gerzerest, Per d’Escarer de Morlaas[82].

Rappelons que les gardes étaient « en principe chargés d’assurer l’exécution des mesures décidées par le baile ou par les jurats ; leur compétence s’étendait à tous les domaines sauf au judiciaire. Comme les jurats, ils étaient nommés pour un an et rééligibles », selon la définition qu’en donne Pierre Tucoo-Chala. Il précise qu’ils sont « au nombre de deux dans les villages, de quatre dans les gros bourgs [et que] leurs fonctions étaient ainsi définies : ‘’pouvoir d’exécuter toute besogne que la cité aura à faire envers les officiers du comte ou toute autre personne’’.[83] On connaît six gardes pour Morlaàs entre 1364 et 1366 dont quatre sont expressément qualifiés de gardes de Borg Nau de Morlaas[84] ou de gardes de la vesiau de Bornau[85]. Par conséquent, cela implique que le Bourg-Neuf bénéficie d’une organisation qui lui est propre, directement subordonnée au bayle de Morlaàs Pelegrii d’Ossun ainsi qu’à la vesiau de ce même bourg, si l’on s’en tient à la manière dont sont qualifiés certains des gardes. Tous ces éléments tendent à démontrer que la vesiau du Bourg-Neuf semble jouir d’une influence importante au sein de la ville de Morlaàs.

Enfin, on retrouve les vesiaus de Morlaàs-Viele et de Marcadet dans une série de quatre actes dressés au mois de mai 1367.

Pelegrii d’Ossuu, bayle de Morlaas en quet temps, per nom de eg e deus juratz de Morlaas, segon que dix comissaris per lo senhor a far lo barralh de Morlaas, mana de las partz deu senhor en pene de .C. marx d’argent, a Pelegrii Lambert e ad Arnaut de Blaxoo, vesiis de Morlaas, que de [si] a dimartz prosmaa bien, egs agossen manat e trey[at] la talhe de Bornau tot per aixi cum eg l[…]s y da[…]e en rotle. Requeren carte. Actum lo segon die de may. Testimonis fray Per de Forx, monge, Arnaut de Manhet de Montcaub[86]

Lo diit bayle fe lo medix man a Berdoo d’Osques e a Domenioo de Perdelhaa, vesiis de Marcadet, de la talhe de Marcadet. Requeren carte. Actum ut supra. Testimonis Domenioo de la Darer, Guilhoo de Viele Franque de Morlaas[87].

Lo diit bayle fe lo medix man a Pee deu Blanc e a Per Bruu de la talhe de la Une carere deu borg. Requeren carte. Actum ut supra. Testimonis Caubet de la Tor, Frances de Bordeu, sartre de Morlaas[88].

Lo diit bayle fe lo medix man a Bernat de Nostii diit Filhou e a Pascau de Coarase de la talhe de Morlaas Viele. Requeren carte. Actum ut supra. Testimonis Bernat deu Blanc, Per Bruu de Morlaas[89].

Depuis le mois d’avril 1367, Gaston III de Foix-Béarn organise la mise en défense de la vicomté alors qu’il craint le retour Prince Noir qui a passé les Pyrénées pour se joindre à Pierre Ier de Castille (dit le Cruel) dans la guerre qui l’oppose à Henri de Trastamare, et à qui il refuse toujours l’hommage pour la vicomté de Béarn. À la tension politico-militaire que connaît alors la vicomté s’ajoute assez logiquement une tension fiscale : il s’agit en effet de financer la construction de fortifications autour de Morlaàs (« far lo barralh de Morlaas[90]»). C’est précisément ce dont il est question dans ces quatre actes dans lesquels le bayle Pelegrii d’Ossun ordonne le paiement de la taille du Bourg-Neuf aux voisins de Morlaàs (acte n°1), la taille du Marcadet aux voisins du Marcadet (acte n°2) et celle de Morlaàs-Viele aux voisins de Morlaàs-Viele (acte n°4). Les choses sont moins claires concernant l’acte n°3 dans lequel il est question de « la une carrere deu borg ». Cette expression renverrait-elle au Bourg-Vieux ? Mais dans ce cas, pourquoi ne pas parler clairement de Borg Vielh ? De plus, on sait de Pee Brun qu’il est vesii de Morlaàs[91] et de Pee deu Blanc qu’il est borges de Morlaàs mais jamais mentionné comme vesii. Quoi qu’il en soit, on constate le rôle majeur des vesiaus en matière de fiscalité.

Il semble donc que l’on ait affaire à des vesiaus multiples à Morlaàs. Si l’on ne dispose d’aucune donnée qui puisse permettre l’élaboration d’une chronologie et donc d’établir l’antériorité d’une vesiau par rapport aux autres, il est assez probable, si l’on considère les vesiaus comme des entités dont la nature est avant tout économique et fiscale, que les trois vesiaus de Morlaàs-Viele, du Bourg-Neuf et du Marcadet apparaissent dans un second temps. On comprend assez bien l’enjeu pour le Marcadet qui est, ainsi que son nom l’indique, le lieu de tenue du marché hebdomadaire et des foires, et qui pourrait donc faire l’objet d’une gestion spécifique. La chose est moins claire concernant Morlaàs-Viele et le Bourg-Neuf. L’existence d’une résidence vicomtale a-t-elle une influence sur cette organisation communautaire plurielle ? Nombre de questions demeurent. La seule chose que l’on peut affirmer à ce jour, c’est que la communauté de voisins de Morlaàs est multiple et structurée en plusieurs vesiaus qui s’inscrivent spatialement dans un bourg mais dont on éprouve encore des difficultés à comprendre l’organisation hiérarchique.

Conclusion : une recherche à prolonger

Le voisinage est donc un phénomène complexe qu’il est nécessaire d’envisager sur un temps long, en s’efforçant de comprendre ce qui relève de la permanence, de l’adaptation, de l’innovation. De même, il est intéressant de chercher à comprendre comment il s’organise dans d’autres espaces européens pour lesquels le sujet a été plus étudié (ce qui est notamment le cas pour l’Italie communale), sans pour autant chercher à établir un quelconque modèle qu’il serait aussi tentant que risqué de chercher à transposer. Cette présentation de la situation morlanaise réalisée à partir du seul écrit notarié médiéval conservé pour la ville permet néanmoins de donner un éclairage sur ce qu’est le voisinage dans la Gascogne médiévale, à commencer par l’existence, à Morlaàs, d’une sorte de « sous-voisinage » surprenant en dehors du contexte italien. Il semble dès lors que l’hypothèse précédemment formulée selon laquelle notre étude peut enrichir la connaissance du phénomène des voisins a reçu une première confirmation.

Trois axes de recherche semblent se dessiner. Tout d’abord se pose la question du rapport entre « voisin des villes » et « voisin des champs » : à travers des exemples de Morlaàs et de Vielleségure, on peut d’ores et déjà s’interroger sur la plasticité du phénomène. Ces communautés s’inscrivent-elles dans un héritage archaïque haut-médiéval, relèvent-elles d’adaptations aux « modernités » médiévales, d’une réalité hybride ? On peut également s’interroger sur le cas de Morlaàs dans l’Europe des voisins. Nous l’avons vu, le voisinage est un phénomène européen qu’il s’agit de considérer dans toute sa complexité et ses spécificités. Qu’en est-il donc du vesii gascon au regard du voisinage italien, navarrais, etc. ? Enfin, il serait intéressant de réfléchir à la place du voisinage dans le phénomène des communautés[92] : la présence d’une communauté de voisins sur un territoire est-elle exclusive d’autres formes d’organisations communautaires ? Quelles sont les spécificités du voisinage ? Est-il possible de saisir une forme de sentiment d’appartenance à la communauté vicinale, etc. ? Autant d’interrogations qui élargissent le spectre des recherches à mener afin d’affiner notre connaissance du phénomène de voisinage.


[1] Coralie Nazabal, Morlaàs de 1364 à 1368 d’après le minutier d’Odet de Labadie (AD64, III E 806), Master Recherche du Master Histoire, Civilisations, Patrimoines de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2017 (sous la direction de V. Lamazou-Duplan et de D. Bidot-Germa), vol. 1 Synthèse (288 p.), vol. 2 Annexes (293 p.).

[2] J’adresse mes très sincères remerciements à Benoît Cursente pour ses conseils avisés, pour la confiance qu’il me témoigne, et pour la gentillesse et la bienveillance dont il a toujours fait preuve à mon égard : mercés hòrt, car mèste ! Je remercie également Dominique Bidot-Germa d’avoir pris le temps de me relire et de me conseiller de façon éclairante. De même, je remercie Véronique Lamazou-Duplan pour son aide précieuse et sa présence à toute épreuve durant la réalisation de mon mémoire de Master et bien au-delà. Enfin, je remercie l’ensemble de l’équipe de Circé et plus particulièrement Lionel Germain, l’une des belles rencontres de mon expérience parisienne, pour m’avoir donné l’opportunité de proposer cet article et pour m’avoir accompagnée dans sa rédaction..

[3] Jean-Pierre Barraqué, « Oloron, le difficile développement d’une ville du piémont béarnais », in Mundos medievales I : Espacios, sociedades y poder : homenaje al profesor José Ángel García de Cortázar y Ruiz de Aguirre, Vol. 1, 2012, p. 79-92.

[4] Dans son introduction à l’ouvrage collectif Communautés d’habitants au Moyen Âge (XIe-XVe siècles), Joseph Morsel émet l’hypothèse selon laquelle « Outre les liens tissés entre les membres, ce qui caractériserait la communauté (rurale, urbaine, artisanale, confraternelle, etc.) serait donc aussi le rapport à l’espace ». Cf. Joseph Morsel (dir.), Communautés d’habitants au Moyen Âge (XIe-XVe siècles), Éditions de la Sorbonne, Série du LAMOP, Bialec, Heillecourt, 2018.

[5] Du Cange et alii, Glossarium mediae et infimae latinitatis, L. Favre, Niort, 1883-1887.

[6] Lex Salica, tit. 47, §4. La première composition de la Loi Salique remonte approximativement au règne de Clovis ((481-511).

[7] Sandra Ott, The circle of Mountains : A Basque Shepherding Community, University of Nevada Press, 1993.

[8] Karol Modzelewski, L’Europe des Barbaresop. cit., p. 255.

[9] Menant François, L’Italie des Communes (1100-1350), Belin, Paris, 2005, p. 202-203.

[10]Ibidem.

[11]Ibidem.

[12]José María Imízcoz Buenza, Elites, poder y red social, las élites del País Vasco y Navarra en la Edad Moderna, Servicio editorial de la Universidad del País Vasco, 1996.

[13]Ana Zabalza Seguín, Aldeas y campesinos en la Navarra Prepirenaica (1550-1817), Gobierno de Navarra, Departamiento de Educació y Cultura, Huarte Gráfica S.A.L, Pamplona, 1994.

[14] Herzog, Tamar, Defining Nations : Immigrants and Citizens in Early Modern Spain and Spanish America, Yale University Press, 2003.

[15] Niermeyer, Jan Frederik, Lexicon Mediae Latinitatis, Brill Leiden, Allemagne, 1954.

[16] Vastin Lespy, Paul Raymond, Dictionnaire béarnais ancien et moderne […], p. 72.

[17] Adolphe Mazure, Jean-Auguste Hatoulet, Fors de Béarn, Pau, Vignancourt, 1840, p.161.

[18] Les Judyats ou sentences constituent un recueil de jugements rendus au XIIIe et au XIVe siècle par la cour de Morlaàs notamment, et ayant valeur de jurisprudence.

[19] « Item que cum Mossen Gaston agos ague plenere deliberation enter nos, dixom que si augun homi estrani crompave mayson a Morlaas e no-s mustrave vesin publiquementz et no jurave besiau, ab que leys, talhes e besiaus agos pagades, que no es besin. », Article 151 des Jugés de Morlaàs, in Les Fors anciens de Béarn, publiés par Paul Ourliac et Monique Gilles, Éditions du CNRS, Toulouse, 1990, p. 413. Pierre Toulgouat, dans son ouvrage Voisinage et solidarité dans l’Europe du Moyen Âge, lou besi de Gascogne, G.-P. Maisonneuve et Larose, Paris, 1981, fait le constat que la coutume de Navarre est relativement similaire à ce sujet : « celui qui acquerra bois, terre ou autre vesiadge (voisinage, vencidad), même s’il paye les charges, ne sera reçu voisin et ne jouira des droits que s’il est reçu voisin à la besiau » (p. 86).

[20] Vastin Lespy, Paul Raymond, Dictionnaire béarnais…, op.cit., p. 72.

[21] Pierre Toulgouat, Voisinage et solidarité dans l’Europe du Moyen Âge…, op. cit., p. 90. L’acte qui nous est ici rapporté est tiré de l’ouvrage Habas et son Histoire de Césaire Daugé, publié à  Dax en 1906. Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de donner la page dont a été tirée cette citation, Pierre Toulgouat n’utilisant pas le système de notes rigoureux qui incombe à une étude historique universitaire et n’ayant pas pu consulter nous-même cet ouvrage.

[22] On en relève 91 dans le Livre noir de Salies de Béarn, livre dans lequel le conseil de la ville a décidé, le 15 juin 1517, de consigner les affaires de la cité. Ces réceptions comme voisins sont tantôt individuelles, tantôt collectives et concernent une période allant du 16 juin 1517 au 8 novembre 1684. Ces réceptions font toujours suite à une demande de par les individus concernés. Un acte de refus de réception comme voisin y figure également ; son motif n’est pas précisé. Cf Jacques Staes, Benoît Cursente, et alii., Le Livre noir de Salies (1517-1684), Publication intégrale, annotée et commentée, Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau et du Béarn, Orthez, 2017.

[23] Pierre Tucoo-Chala, « Les fonctions urbaines des capitales du Béarn médiéval, étude comparative », separata de Homenaje a Don José María Lacarra de Miguel en su jubilación del profesorado, Estudios medievales, IV, Anubar Ediciones, Zaragoza, 1977, p. 7-35.

[24] Coralie Nazabal, Morlaàs de1364 à 1368 d’après le minutier d’Odet de Labadie, op.cit., p. 159-165.

[25] Benoît Cursente, « Le développement urbain de Morlaàs à la fin du XIe et au début du XIIe siècle », in Bulletin philologique et historique jusqu’à 1610 du Comité des travaux historiques et scientifiques, France, 1972.

[26] Pierre Toulgouat, Gaston Fébus, Prince des Pyrénées, (1331-1391), Atlantica, Biarritz, 2008, p. 118-119. Le document original est publié par Pierre TUCOO-CHALA dans La vicomté de Béarn et le problème de sa souveraineté, des origines à 1620, Bière Imprimeur, Bordeaux, 1961 : n°27 (1365), p. 164.

[27] Coralie Nazabal, « Ville et campagne en Béarn : Morlaàs, une ville sous tension (1367) », XLIV Semana Internacional de Estudios medievales, Erdi Aroko Ikerlanen Nazioarteko Astea, p. 297-290.

[28] Graphique réalisé à partir de la grille de répartition mise au point autour de Gabriel Audisio in L’Historien et l’activité notariale. Provence, Vénitie, Égypte, XVe-XVIIIe siècles, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 2005. Adaptée au notariat gascon par Dominique Bidot-Germa, elle a été appliquée au Lavedan de manière probante par Jérémie Kuzminski dans le cadre de son mémoire de Master intitulé Essai d’anthropologie historique : vivre dans la société lavedanaise du XVe siècle. Conditions matérielles, relations sociales et systèmes de pensées à travers l’étude des sources notariales, Mémoire de Master 2, Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2013 (dir. Jean-Pierre Barraqué), p. 181-182.

[29] Francis Brumont, « Le crédit rural en Espagne du Nord-Ouest à l’époque moderne » actes des XVIIe journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, septembre 1995, texte paru dans Endettement paysan et crédit rural dans l’Europe médiévale et moderne, Maurice Berthe (dir.), Presses universitaires du Mirail, France, 1998, p. 239-281.

[30] Jean Favier, Article « Droits », Dictionnaire de la France médiévale, Paris, 1993, p. 361-362.

[31] Il s’agit d’une source dont nous avons une bonne connaissance, l’ayant étudiée dans son intégralité dans le cadre de notre mémoire de Master soutenu en juin 2017.

[32] Voir Annexe n°1.

[33] Pierre Tucoo-Chala, Gaston Fébus et la Vicomté de Béarn (1343-1391), Imprimerie Bière, Bordeaux, 1959, p. 116.

[34] Dominique Bidot-Germa, Un notariat médiéval, Droit, pouvoir et société en Béarn, Presses Universitaires du Mirail, 2008, p. 214-219.

[35] 3 E 806, fol. 35.

[36] 3 E 806, fol. 55v.

[37] 3 E 806, fol. 51.

[38] 3 E 806, fol. 11, 53, 60, 76, 83, 90, 100, 100-100v, 126, 131-131v, 142.

[39] 3 E 806, fol. 85v.

[40] 3 E 806, fol. 35v.

[41] 3 E 806, fol. 131-131v.

[42] Les tensions entre Gaston III et le Prince Noir sont vives : après sa victoire lors de la bataille de Launac qui lui permet de figurer parmi les grands féodaux des Pyrénées, Fébus renforce sa volonté de se positionner comme le seigneur d’une terre indépendante et de faire du Béarn une souveraineté en refusant l’hommage qu’il doit pour elle au Prince Noir. Cf. Véronique Lamazou-Duplan et Dominique Bidot-Germa, « Assises et discours politiques en Béarn au temps de Fébus », Signé Fébus, Comte de Foix, Prince de Béarn, Somogy Editions d’Art, 2013, p. 38-49.

[43] 3 E 806, fol. 31v, 39, 75, 150, 150v, 155v.

[44] 3 E 806, fol. 21v, 22v, 67, 81v, 91, 93v, 94, 146, 148, 150v, 159.

[45] 3 E 806, fol. 145v.

[46] 3 E 806, fol. 6.

[47] 3 E 806, fol. 8v, 21.

[48] 3 E 806, fol. 50v, 62, 88v, 94v, 118v, 130v, 136, 144, 150v, 165, 166.

[49] 3 E 806, fol. 10v, 18.

[50] 3 E 806, fol. 22v, 63, 108v, 122.

[51] 3 E 806, fol. 107v.

[52] 3 E 806, fol. 20, 20v, 23v, 62, 99v, 103v.

[53] 3 E 806, fol. 97, 145, 149.

[54] 3 E 806, fol. 139v.

[55] Dominique Bidot-Germa, Un notariat médiéval… op. cit, p. 115.

[56] 3 E 806, fol. 133v.

[57] 3 E 806, fol. 77bis, 132v.

[58] 3 E 806, fol. 125v.

[59] 3 E 806, fol. 153.

[60]3 E 806, fol. 123v.

[61] 3 E 806, fol. 9v, 24v, 31v, 59v, 75v, 98v, 107, 114, 115, 115v, 127v, 143v.

[62] 3 E 806, fol. 60.

[63] 3 E 806, fol. 37v.

[64] Dominique Bidot-Germa, Un notariat médiéval… op. cit.

[65] Dominique Bidot-Germa, Un notariat médiéval… op. cit., p. 115.

[66] 3 E 806, AD64, fol. 82v. « Johan deu Forn, Pee de Sacase, Johan de Sent Pau, Domenges de Pardalhaa, Arnautoo de Sendetz, Bernat d’Osques, Gassiot deu Cloos de Momii et Bonshom de Casanhe, voisins du Marcadet, en leur nom et pour toute leur communauté, doivent à Arnaut d’Arricau, voisin de Morlaàs, huit florins d’or bons et s’engagent à les payer dans un délai de trois semaines suivant Pâques. Ils s’obligent sous la contrainte des sergents de la ville. Fait à Morlaàs le 26e jour de mars [1366]. Témoins : Pelegrii d’Ossuu de Montaner, Bernat d’Anoye dit Missero de Morlàas ».

[67] 3 E 806, AD64, fol. 99. « Notum sit, etc. que comme d’autres fois, Guilhem-Arnaut de Beoo, capitaine du seigneur en la ville de Morlaàs, fait savoir aux voisins de Morlaàs-Viele par l’envoi d’une lettre et sous une certaine peine qu’ils doivent construire une clôture à Morlaàs-Viele, dans le champ de Berthomiu de Bordeu. Le capitaine dit que pour la terre qu’ils prendront audit champ afin de faire ce fossé, le seigneur apporte bonne et ferme garantie, à Arnaut-Guilhem d’Ossun, Pascau de Coarraze, Johan de Thèze et Pee de Thèze, voisins de Morlaàs-Viele. Desquelles choses lesdits voisins requièrent une carte. Fait le 3e jour de décembre [1367]. Témoins : frère Ramon[…] de Leme, frère du couvent des Mineurs de Morlaàs, Johan de Bordeu, voisin de Morlaàs ».

[68] 3 E 806, AD64, fol. 101-101v. « Johan de Navailles, Johanet de Bere et Guiraut de Saint-Castin, voisins du Bourg-Neuf, en leur nom et en celui de toute leur communauté, baillent à ferme le four du Bourg-Neuf à Arnautoo de Bayze de l’hôpital d’Aubertin ici présent, de la fête de Noël prochaine pour 4 ans accomplis, et lui [luiratz][…] franc et quittes. Lequel four ledit Arnautoo reçoit pour lesdits 4 ans. Ledit Arnautoo s’engage à tenir ledit four bien et légalement en l’état dans lequel il est maintenant et de faire cuire selon que les autrefois il était coutume de cuire et il s’engage, ledit Arnautoo, à faire les travaux necessaries audit four […] la somme de cinq sous et de là, en plus, frère Guilhem de Sainte-Croix, en son nom et en tant que procureur de l’hôpital d’Aubertin selon ses dires, leur promet de les faire en cas de nécessité […]. Lesdits voisins du Bourg-Neuf et ledit Arnautoo de Bayze requièrent la rédaction d’une charte d’une teneur, etc. Actum testimonis uts ».

[69] 3 E 806, AD64, fol. 23v, 95v, 147, 152.

[70] 3 E 806, AD64, fol. 23v, 109.

[71] Jeanne-Marie Larsen-Leducq, Histoire d’un village : Vielleségure, Presses d’ICN, Orthez, 2014.

[72] Jeanne-Marie Larsen-Leducq, Histoire d’un village… op. cit., p. 38.

[73] Jean-Loup Abbé, Dominique Baudreu, Maurice Berthe,« Les villes neuves médiévales du sud-ouest de la France (XIe-XIIIe siècles), in Las vilas nuevas del Suroeste europeo. De la fundación medieval al siglo XXI. Análisis histórico y lectura contemporánea de Hondarribia (16-18 novembre 2006), Pascual Martinez Sopena, Mertxe Urteaga (eds.), Boletín Arkeolan, 14, 2006 (paru en 2009), p. 3-33.

[74] Coralie Nazabal, « Ville et campagne en Béarn… » op. cit.

[75]3 E 806, AD64, fol. 49, 138v, 128v, 75, 124v.

[76]3 E 806, AD64, fol. 90v, 93, 139v, 151.

[77] 3 E 806, AD64, fol. 67v.

[78] 3 E 806, AD64 : Arnaut Guilhem d’Ossun, fol. 17, 18, 165v ; Pascau de Coarraze, fol. 75v, 107, 107v, 115, 128, 136, 140, 147v ;  Johan de Thèze, fol. 125v ; Pee de Thèze, fol. 30, 77bis, 106, 107, 119.

[79] Benoît Cursente, « Le développement urbain de Morlaàs à la fin du XIe et au début du XIIe siècle », in Bulletin philologique et historique jusqu’à 1610 du Comité des travaux historiques et scientifiques, France, 1972.

[80] Paul Raymond, Dénombrement Général des Maisons de la vicomté de Béarn en 1385, Ribaut, Pau, 1873.

[81] 3 E 806, AD64, fol.77v « Per Guirautoo de la Tor et son épouse Jeanne, et Peyrolo de Nousty Ga[vineter] de Morlaàs, en tant que gardes du Bourg-Neuf, doivent huit livres à Per d’Escarer, voisin de Morlaàs, pour la ferme de la maltôte de l’année. Ils s’engagent à payer la moitié de la somme à la Saint-Jean-Baptiste prochaine et l’autre moitié à la Saint-André, apôtre. Ils sont obligés sur leurs biens. Fait à Morlaàs le 9e jour de mars. Témoins : Johan de Ponsso, Galhard et Peletroys de Morlaàs ».

[82] 3 E 806, AD64, fol. 77v. « Pee Guirautoo de la Tor et Peyroo de Nousty Ga[vineter], gardes de la communauté du Bourg-Neuf, en leur nom et en celui de toute la communauté, baillent à ferme la maltôte du vin et du cidre de la communauté du Bourg-Neuf de la Saint-André passée à la Saint-André suivante à Johan de Ponsoo, Johanet de Boc et à Arnaut de Blachon, voisins du Bourg-Neuf, et ce pour la somme de 8 livres de Morlaàs. Les gardes attestent avoir reçu et pris la somme et s’engagent à faire bien durant ce délai selon qu’il était coutume autrefois. Ils s’obligent sur leurs biens et ceux de ladite communauté en tant que gardes. Actum le 8e jour de janvier. Témoins : Bernat Baradat de Gerzerest, Per d’Escarer de Morlaàs ».

[83] Pierre Tucoo-Chala, Gaston Fébus et la vicomté de Béarn : 1343-1391, Imprimerie Bière, Bordeaux, 1959, p. 117.

[84] 3 E 806, AD64, fol. 77v.

[85] 3 E 806, fol. 107v.

[86] 3 E 806, AD64, fol. 139v. Pelegrii d’Ossun, bayle de Morlaàs en ce temps, en son nom et en ceux des jurats de Morlaàs commissionnés par le seigneur pour faire le fossé de Morlaàs, ordonne de la part du seigneur sous peine de cent marcs d’argent à Pelegrii Lambert et à Arnaut de Blachon, voisins de Morlaàs, que d’ici à mardi prochain, ils aient baillé à ferme la taille du Bourg-Neuf […]. Ils requièrent la rédaction d’une charte. Actum le 2e jour de mai. Témoins : frère Per de Forx, moine, Arnaut de Manhet de Montcaub ».

[87] Ibidem. « Le bayle fait le même mandement à Berdoo d’Osques et à Domenioo de Perdelhaa, voisins de Marcadet, pour la taille du Marcadet. Ils requièrent la rédaction d’une charte. Fait le 2 mai 1367. Témoins : Domenioo de la Darer, Guilhoo de Viele Franque de Morlaàs ».

[88] Ibidem. « Le bayle fait le même mandement à Pee deu Blanc et à Per Bruu pour la taille de [la Une] rue du bourg. Ils requièrent la rédaction d’une charte. Fait le 2 mai 1367. Témoins : Caubet de la Tor et Frances de Bordeu, tailleur de Morlaàs ».

[89] Ibidem. « Le bayle fait le même mandemant à Bernat de Nousty dit « Filhou » et à Pascau de Coarraze pour la taille de Morlaàs-Viele. Ils requièrent la rédaction d’une charte. Fait le 2 mai 1367. Témoins : Bernat deu Blanc et Per Bruu de Morlaàs ».

[90] Coralie Nazabal, « Ville et campagne en Béarn… » op. cit.

[91]3 E 806, fol. 156.

[92] Joseph Morsel (dir.), Communautés d’habitants au Moyen Âge (XIe-XVe siècles), Éditions de la Sorbonne, Série du LAMOP, Bialec, Heillecourt, 2018.


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Annexe : index des noms de voisin dans le minutier d’Odet de Labadie(1364-1368)

Vesiis de Morlaas

[…] d’Assat, fol.17v.

[…] de Momas, fol. 40v.

[Bonetolo] de Cadelhoo, fol. 68v.

[Johan de] Bordeu, fol. 6.

[Johanet] de Cucuroo, fol. 40v.

A.

Archaloo de Vielefranque, fol. 77bis

Arnaut Bernat de Pomees, fol. 70v, 72.

Arnaut Blaxoo, fol. 20v.

Arnaut Daricau, fol. 30v, 82v, 83v, 98v.

Arnaut de [Daa Ramon], fol. 73.

Arnaut de Blaxoo, fol. 20v, 23v, 23v-24, 40v, 55, 62, 96, 97, 99v, 103v, 107v, 119, 133, 145, 149.

Arnaut de Casenave dit clec deo Sent Laurentz, fo. 40.

Arnaut de Iacmes, fol ? 72v-73.

Arnaut de Narb, fol. 50v, 58v.

Arnaut de Sent Castii, fol. 31v, 51, 106v, 114v.

Arnaut de Tre[yener], fol. 79.

Arnaut den Vinhes, fol. 5, 94, 161v.

Arnaut de Blanc, fol. 98v.

Arnaut deu Vinhau, fol. 129.

Arnaut Guilhem d’Ossuu, fol.17, 18, 165v.

Arnaut Guilhemet, fils d’Arnaut de Sent Castii, fol. 31v.

Arnaut Guilhem de Gert, fol. 39v, 99.

Arnautolat de Marsaa, fol. 6, 8v, 9, 21, 50v, 62, 82, 88v, 90v, 92v, 118v, 130v, 136, 144, 150v, 165, 166.

Arnautoo de Baylere, fol. 18, 58, 65v, 68v.

Arnautoo de Bordeu, fol. 74v.

Arnautoo de la Fosse, fol. 58v, 143v.

Arnautoo de Lacoste, fol. 41, 82.

Arnautoo de Sendetz, fol. 90v, 93, 139v, 151.

Arnautoo de Sent Castii, fol. 51v.

Arnautoo de Theze, fol. 5v, 18, 39v, 40v, 130v, 136v.

Arnautoo Debat, fol. 108v.

Arnautoo Lambert, fol. 111.

Auger d’Espoey Guixar, fol. 108v.

Auger Merser, fol. 40v.

B.

Berdolet deu Port, fol. 24, 24v, 140v, 158.

Berdolo Darrife, fol. 95v.

Berdolo de Daa Ramon, fol. 73.

Berdolo de Prat de Buros, fol. 49, 53v, 74v, 75v, 77bisv, 127v, 157.

Berdolo deu Prat, fol. 47, 106v.

Berdot Lacoste, fol. 82, 117v, 147.

Berdot de Poey, fol. 82v, 119v.

Berdot d’Osques, fol. 20v.

Bergunhat de Bordeu, fol. 105v.

Bernadon deu Port, fol. 92v.

Bernat Baradat, fol. 139v.

Bernat d’Anoye dit Mixero, fol. 8v, 11, 151.

Bernat d’Aromaas, fol. 147, 155v.

Bernat de Bordeu, fol. 147v.

Bernat de Cadelhoo, fol. 50v.

Bernat de Cururon, fol. 105v.

Bernat de Duras, fol. 35.

Bernat de Marqu[er] Sus, fol. 72v-73.

Bernat de Nabeta, fol. 122v.

Bernat de Nostii, dit Filhou, fol. 79.

Bernat Guilhem de Lescar, fol. 119v.

Bernat Juus de Sedzere, fol. 73v, 89v, 106v, 136.

Bonetolo de Cadelhoo, fol. 77bisv.

Berthomiu Cauderer, fol. 8v, 22v.

Bosom de Cassannhe, fol.82v.

C.

Colomec Colom, fol. 127v, 133v.

Combien d’Anglade, fol. 142.

Conderane de Theze, fol. 5v.

Condor […], fol. 118.

D.

Domenioo de Ladarre[r], fol. 108v, 123.

Domenioo d’Espoey, fol. 22v, 79.

F.

Florane (veuve de Johan de Cort), fol. 119.

Florane (épouse d’Arnaut deu Treyener), fol. 140v.

Florane de Cadelhoo, fol. 89v, 90v, 138v.

Frances de Bordeu, fol. 18v-19v, 71, 105v, 129, 145v.

Francote (veuve de Domenioo de Sedze), fol. 132.

G.

G[…] de Saut, fol. 5v.

Galhard d’Oroys, dit de Pau,  82v.

Galhardolo d’Oroys, fol. 115.

Galhardot d’Oroys, fol. 84v.

Gassiot de Pii de Momii, fol. 70.

Goalhard de Duras, fol. 18v-19v, 25v, 33, 36, 39, 40v, 159.

Goalhard de Peletroys, fol. 23v, 23v-24.

Goalhard de Saubaterre, fol. 21v, 64v, 155, 164v, 165v.

Goalhard[ot]e (veuve de Johandot d’Escarer), fol. 74v.

Guilhamoo de Lortet, fol. 67v, 165.

Guilhem Alhade, fol. 22v.

Guilhem Bernat de These, fol. 82, 149v.

Guilhem de Barbazaa, fol. 130v.

Guilhem de Blaxoo, fol. 23v, 31v, 59, 61v, 70, 96v, 122v, 123, 128v, 144v, 145, 157v.

Guilhem de Cortiade, fol. 157v.

Guilhem de Davan de Maucor, fol. 127v.

Guilhem de Momaas, fol. 165.

Guilhem de Prat, fol. 122v.

Guilhem de Setees, fol. 108v, 122v, 147v.

Guilhem de Lapar[…], fol. 18.

Guilhem lo Proherer, fol. 31v.

Guilhem Picharer, fol. 136.

Guilhem Sans de la Borde d’Espoey, fol. 10v, 18, 63, 74, 82v, 88, 88v, 90, 95v, 98, 111, 114, 120, 123, 140v, 122v.

Guilhemolo de Bere, fol. 118, 123v.

Guilhemolo de Lissarre, fol. 46v, 140.

Guilhemolo de Prat, fol. 18v-19v, 23v, 23v-24.

Guilhemoo de Casanhe, dit Conches, fol. 18v-19v.

Guilhemoo de Setees, fol. 34.

Guilhoo de Vielefranque, fol. 18v-19v.

Guiraut de Domii de Lescar, fol. 6, 64, 104.

Guiraut de Lacoste, fol. 93v.

Guiraut de Sent Castii, fol. 23v, 109.v

Guix[ain] d’Esclees de Mauborguet, fol. 59.

I.

Iohan de Bordeu, fol. 11v, 50v, 65, 56biv, 59v.

Iohan de Meysii, fol. 65.

Iohan de Navalhes, fol. 62v.

Iohan de Saut, fol. 24v.

Iohan de Sent Pau, fol. 17v.

Iohan de Theze, fol. 8v.

Iohan deu Badacle, fol. 62v

Iohan deu For[t], fol. 53.

Iohan Faur de Serres, fol. 25v-26.

Iohanet de Cadelhoo, fol. 23, 63.

Iohanet de Cucuroo, fol. 23, 67v, 111.

Iohanet de Momaas, fol. 114-114v.

Iohanote de Biniaa, fol. 53v.

J.

Jacmes Daurer, fol. 6, 41.

Jacme den Estene, fol. 34, 56bisv, 75.

Johan de Bordeu, fol. 69, 83, 104, 120.

Johan de Meysii, fol. 18v-19v.

Johan de Navalhes, fol. 23v, 95v, 147, 152.

Johan de Ponsoo, dol. 74v, 105, 107v, 141.

Johan de Saut, fol. 59v, 66v, 68v, 100v, 128v.

Johan de Sent Castii, fol. 30v, 117v.

Johan de Theze, fol. 125v.

Johan deu Badagle, fol. 64, 77bisv.

Johan deu Forn, fol. 75, 49, 124v, 128v, 138v.

Johan Ferrador, fol. 20, 56.

Johan Sant, fol. 146v.

Johandolo de Lacase, fol. 140.

Johandolo d’Osque, fol. 162v.

Johandot de Bere, fol. 50v.

Johanet de Cadelhoo, fol. 49, 80v, 90, 151v, 163.

Johanet de Cucuroo, fol. 33, 33v, 102v, 105v, 133v, 134v.

Johanet de Lacoste, fol. 20.

Johanet de Lagoarde, fol. 36v.

Johanet de Momaas, fol. 122v, 130v, 162v.

Johanete (épouse de Johan de Ponsoo), fol. 147.

Johanete (veuve de Bernat de Luc Mentoos), fol. 151.

M.

Mo[rin]cot de Sus, fol. 6, 8.

Manaut d’Abos, fol. 6v, 7.

Manaut de Castelhoo, fol. 17v, 21v, 23, 31v, 33, 39, 59v, 67, 75, 81v, 86, 91, 93v, 94, 94v, 145v-146, 148, 150, 15v, 155v, 159.

Manaut de Latapie de Laa, fol. 69.

Manaut de Marsaa, fol. 6, 55v, 15-105v, 114v, 117v.

Margaride deus Salies, fol. 157v.

Marthii de Saubeterre, fol. 48v, 73, 75, 103v, 105v-106, 128, 164.

Maurii de Moneynh, fol. 36v.

Miremonde de Neyrac (épouse de Johanet Daurelhaa de Morlaas), fol. 83v.

Monat Ferrador, fol. 76, 95v, 163, 163v.

Monde de Bere fol. 9v,  24v, 31v, 60v, 77bis, 98v, 107, 114, 115, 115v, 123v, 125v, 127v, 132v, 133v, 143v, 153.

Mondete (fille de Pelegrii Merser), fol. 124.

Morincot d’Assat, fol. 43, 103v, 105v-106, 164.

Morincot de Sus, fol. 106v, 122.

N.

Navarine (épouse d’Arnaut Bernat de Pomers), fol. 122.

Nicholau de Vielefranque, fol. 18v-19v, 73v, 106v.

O.

Ossaleze (fille de Guilhem de Bere, dit Conpanhs), fol. 147v.

P.

Pascau de Coarase, fol. 18, 21, 26v, 39, 59v, 62, 75v, 107, 107v, 115, 128, 136, 140.

Pascau deu Frexo, fol. 72v.

Pee Bernat d’Aromaas, fol. 47v.

Pee Bruu, fol. 156.

Pee d’Angos, fol. 156/

Pee d’Aubiaa d’Aux, fol. 31, 53v.

Pee de Geyres, fol. 30v, 51, 860v, 56, 61, 71v, 86v.

Pee de Lac, fol. 18v-19v.

Pee de Lezat, fol. 8, 22v-23.

Pee de Momaas, fol. 61v, 64v, 122v.

Pee de Noguer Gavineter, fol. 83.

Pee de Theze, fol. 30v, 77bis, 106v, 107v, 119.

Pee d’Escarer, fol. 8, 9, 18, 40v, 51v, 65v, 67, 69, 77v, 86, 114v, 130v.

Pee Frobidor, fol. 138v, 143, 166.

Pee Guiratoo de la Tor, fol. 5, 20-20v, 21v, 31v, 120, 127v.

Pee Ramon de Listoo, fol. 118.

Pelegrii Lambert , fol. 67, 72.

Pelegrii d’Aurelhaa, fol. 54v-55, 55, 66, 124, 127v, 136, 160v.

Pelegrinat de Narb, fol. 23, 33.

Per de Larban, fol. 138.

Per d’Escarer, fol. 91v, 93, 144v, 155.

Per Iohan Armer, fol. 9, 11, 21v, 26v, 35, 35v, 51v, 54v, 55v, 85v, 131-131v, 148, 165.

Peyroo Decarer, fol. 11.

Peyrolet Bruu den Gilis, fol. 11, 116, 119v, 136v, 137-137v, 147.

Peyrolet de la Tor, fol. 34.

Peyrolo de Beneyac, fol. 24, 24v, 34, 76, 102, 107, 151, 155.

Peyrolo de These, 86.

Peyrolo deu Blanc, fol. 80v, 110, 150v, 162.

Peyroo de Baylere, fol. 82v, 90v, 121v, 122, 137.

Peyroo de Bordeu, fol. 147v.

Peyroo de Corude de Maucor, fol. 157.

Peyroo de Laborde d’Andonhs, fol. 72v.

Peyroo de Nostii Ga[vin]eter, fol. 119v, 143v, 153v.

Peyroo de THese, fol. 89.

Peyrot Disave, fol. 70v, 72.

Peyrot de Puisader, fol. 18v-19v.

Peyrot Ferrador, fol. 34, 114-114v, 137v.

R.

Ramon Arnaut deu Poey, fol. 94.

Ramon de Sevinhac, fol. 53v.

Ramon Guilhem Alhade, fol. 22v.

Ramonet de Luc Mendoos, fol. 25v, 71v, 118.

Ramonet deu Senher, fol. 137.

S.

Seguiane (fille de Johan Babii), fol. 110-110v.

Vidalot Ferrador, fol. 39v.

V.

Vidau Ferrador, fol. 56v, 61v, 80, 80v, 114v, 130.

Vidau Babii, fol. 5, 8, 18v, 21v, 58-58v, 142v.

Vidau de Mont Forner, fol. 62.

Vidau Tapie, fol. 144v.

Vesiis de Morlaas Viele

Arnaut Guilhem d’Ossuu, fol. 99.

Johan de Theze, fol. 99.

Pascau de Coarase, fol. 99.

Pee de Theze, fol. 99.

Vesiis de Marcadet

Arnautoo de Sendetz, fol. 82v.

Bernat d’Osques, fol. 82v.

Bonshom de Casanhe, fol. 67v.

Domenges de Perdelhaa, fol. 82v.

Gassiot deu Cloos de Momii, fol. 82v.

Johan deu Forn, fol. 82v.

Johan de Sent Pau, fol. 82v.

Pee de Sacase, fol. 82v.

 

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Portrait de Dominique Iogna-Prat, historien de l’Église

 

Dominique Iogna-Prat est directeur d’études à l’EHESS et occupe la chaire « Les « territoires » de l’Église. Médiévistique et sciences sociales des religions ». Ses recherches qui ont introduit l’ecclésiologie dans le champ des sciences sociales lui permettent de penser l’Église comme organisatrice du fait social sur le temps long.
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Les écrits contre-insurrectionnels du général Christophe Michel Roguet. Une réflexion militaire et politique

Ivan Burel

 


Résumé : Officier de l’armée française, traversant les événements insurgés français de 1830 à 1852, le général Christophe Michel Roguet est l’un des théoriciens les plus notables de la guerre de rues et de la guérilla lors de la première moitié du XIXe siècle. Associant la répression militaire à des méthodes et objectifs politiques, ses écrits permettent d’étudier comment un officier français attribue à la contre-insurrection le rôle de pilier de l’ordre sociétal. Par les tactiques militaires défendues, et par sa détermination à venir à bout de l’insurgé par la persuasion politique ou par la force seule, la réflexion de Roguet est une illustration des discours et pratiques de répression des insurgés de 1830 à 1852, et ce aux échelles française et européenne.

Mot-clés : guérilla ; Roguet ; contre-insurrection ; insurrection ; barricade.


Ivan Burel est né le 14 octobre 1995. Professeur agrégé d’histoire, il est doctorant contractuel à l’université de Lille, laboratoire IRHiS, et enseigne aux étudiants en Histoire de Licence 1 et Licence 3. Il effectue une thèse sous la direction de Philippe Darriulat (Sciences Po Lille) sur le sujet suivant : « La répression de l’insurrection en France, au Royaume-Uni et au Royaume des Pays-Bas (frontières de 1815) de 1815 à 1871 ».

ivan.burel@univ-lille.fr


Introduction

Évoquant les combats de rue traversant l’histoire de la première moitié du XIXe siècle, Hervé Couteau Bégarie jugeait que si le maréchal Bugeaud figurait en bonne place parmi les figures identifiées à la conduite de cette guerre urbaine, « moins connu, le général Roguet est à redécouvrir[1] ».

Fils du général comte François Roguet, Christophe Michel Roguet entre sous les drapeaux lors de la Restauration. Il participe à la campagne d’Espagne de 1823, aux combats du 11-12 mai 1839 contre l’insurrection de la société des saisons à Paris et sert brièvement en Algérie. Aide de camp du prince président sous la République, il prend « une part active à la préparation et au succès du coup d’Etat du 2 décembre 1851[2] ». Contributeur du Journal des sciences militaires et du Spectateur militaire, son intérêt pour la question insurgée est notable dès 1833 et la parution de son ouvrage De la Vendée militaire suivi en 1836 de son Essai théorique sur les guerres d’insurrection ou suite à la Vendée militaire. Roguet étudie même la guerre urbaine par l’envoi de trois mémoires au ministère de la Guerre en juillet 1832, juin 1839 et décembre 1848, mémoires qui aboutissent en 1850 à son ouvrage Insurrection et guerre de barricades dans les grandes villes.

La contre-insurrection désigne au XIXe siècle les opérations d’un gouvernement et de ses forces de maintien de l’ordre (la troupe de ligne mais aussi la garde nationale, la garde mobile en 1848, la garde royale ou républicaine, la gendarmerie et ce avec la collaboration des forces de police) destinées à réprimer un mouvement insurgé. D’autres qualificatifs sont employés par ces forces de l’ordre pour qualifier l’insurrection : « émeute », « révolte » ou « jacquerie » pour le cas spécifique de 1851-1852[3]. Le dictionnaire de l’armée de terre emploie pour le cas rural le terme de « petite guerre » ou de « guérilla[4] » hérité de la guerre de la péninsule ibérique de 1808 à 1814, illustrant l’importance de ce conflit dans les réflexions des militaires français en matière de guerre de contre-insurrection. Selon Lawrence Keeley, la guérilla n’est pas une forme de guerre à ignorer, au contraire, elle s’apparente à la forme première du combat entre les peuples, anticipant de loin le combat en rase campagne[5]. Cette guerre d’embuscades et, dans sa forme urbaine, de barricades est intégrée par Hervé Couteau Bégarie dans la longue histoire des guerres irrégulières[6]. Guerres devant être étudiées selon Béatrice Heuser et Jeannie Johnson en prenant en compte les différences culturelles propres à chaque époque mais également à chaque culture stratégique[7].

Cette culture stratégique – dont font partie les écrits de Roguet – se nourrit des réflexions des militaires français émergeant à la lumière des combats livrés lors des guerres révolutionnaires et impériales : l’insurrection de la Vendée, la guerre de la péninsule ibérique ainsi que les autres conflits irréguliers rencontrés en Europe (Tyrol, Russie, Calabre, etc.), en Égypte et à Saint-Domingue. À ces héritages récents s’ajoutent les études portant sur les combats d’Afrique du Nord à compter de 1830. Parmi l’importante littérature sur le sujet, relevons les Mémoires du maréchal Suchet relatant ses campagnes à la tête de l’armée napoléonienne en Aragon et en Catalogne à compter de 1809. Des campagnes reconnues pour leur succès contre l’armée régulière espagnole et les guérilleros, comme pour les tentatives constantes de rallier les populations à la cause impériale. Encensée par la critique militaire à l’échelle européenne, l’œuvre de Suchet sert à alimenter une part importante de la réflexion des contemporains sur la guérilla, à commencer par celle de Roguet. Ce dernier est en effet chargé du compte rendu de l’œuvre pour Le Spectateur militaire[8], dont un article reprend les leçons de Suchet afin de prévoir une éventuelle occupation de l’Espagne[9].

La contribution de Roguet nous apparaît originale dans le contexte de son époque étant donné la place prépondérante qu’y occupe la contre-insurrection, sujet qui à la lecture de la masse théorique du premier XIXe siècle reste mineur par rapport aux réflexions sur la « grande » guerre[10] opposant deux armées régulières en rase campagne ou lors d’un siège. Notable est également son intérêt pour la guerre urbaine assimilée par Stendhal à une « guerre de maréchaussée[11] » et souvent méprisée par les officiers de l’armée[12] qui jugent pour beaucoup dégradant de se voir confier une tâche de maintien de l’ordre intérieur, tâche supposée être du ressort de la gendarmerie[13]. Si cette guerre des rues est étudiée et fait l’objet de nombreux rapports[14], Roguet se singularise pour avoir fait paraître ses réflexions dans un ouvrage publié et accessible et non dans des instructions confidentielles ou dans de seuls rapports et mémoires au ministère de la Guerre. À la différence de Bugeaud, auteur d’un manuscrit sur la guerre urbaine[15], il parvient à faire publier les conclusions de son traité. De même, notre auteur est l’un des rares à avoir théorisé à la fois la guerre de contre-insurrection rurale et celle urbaine, permettant une comparaison entre ces deux formes de la guerre irrégulière par l’intermédiaire de ses écrits. Quand d’aucuns, tel Lemière de Corvey, évoquent l’insurrection dans sa forme rurale comme urbaine[16], Roguet se place résolument du point de vue de celui chargé d’écraser la révolte. Il ne théorise pas l’emploi de la guérilla comme une arme, mais définit les meilleurs moyens pour écraser celle-ci, en associant la répression militaire à une logique politique de conservation de la société. Il assigne ainsi au militaire engagé contre une insurrection le rôle de « sauver la civilisation en péril[17] » face à l’émeute. Étudier ses conceptions nous permet dès lors d’examiner le rapport aux civils et à un ennemi « non régulier » entretenu par un officier français de la première moitié du XIXe siècle, dans le cadre d’un combat où, à la différence d’un affrontement ouvert, l’ennemi est mal différencié du reste de la population civile. Lui-même civil, l’ennemi se voit nier la qualité de combattant ce qui, selon Laurence Montroussier, conditionne le degré de violence qui lui est appliqué[18] et Roguet préconise en effet en matière de guerre urbaine une répression violente, s’inscrivant dans un espace public conservateur légitimant l’emploi de la force contre ses propres concitoyens en révolte. Des conclusions qui rejoignent celles du maréchal de Castellane, du général Magnan ou du maréchal Bugeaud. Toutefois, Roguet s’emploie également dans le cadre de l’insurrection rurale à rallier les populations en révolte, non pas au moyen d’une coercition brutale mais par une persuasion faite sur le long terme, grâce à des moyens tant militaires que civils. Au contraire de l’insurrection urbaine où le corps militaire doit être séparé du corps de la « multitude » citadine, une foule dont les éruptions dignes d’un « pays volcanisé[19] » doivent être vaincues par la force, immédiatement et sans compromis. Dès lors, nous étudierons en quoi les théories de Roguet en matière de contre-insurrection s’inscrivent dans une réflexion associant moyens militaires et objectifs politiques pour venir à bout d’un soulèvement.

Héritages et influences d’une réflexion stratégique

Les héritages historiques. Légitimer le présent par l’usage du passé

Selon Walter Laqueur « la guérilla est aussi vieille que les collines[20] » et le général Roguet s’inspire longuement des combats du passé, faisant remonter la guerre d’insurrection à « Viriathe, Sertoriux, Spartacus, Tacfarinas[21] », un recours à l’antique qui relève du poncif chez les militaires français. Ainsi, Abd el-Kader est qualifié à de nombreuses reprises de nouveau « Jugurtha » contre l’armée française, nouvelle légion romaine[22]. Étudiant la Vendée insurgée, Roguet croit y déceler une réminiscence de la guerre des Cévennes : « L’état des Cévennes, au temps des camisards, a quelque rapport avec celui de la Vendée […] l’histoire ne fait, pour ainsi dire, que répéter les mêmes leçons[23]. »

Cette conception, loin d’être l’apanage de Roguet, le rattache à la tradition historiographique du XIXe siècle, tradition qui, à l’image d’Augustin Thierry, entend analyser le passé « à la lanterne du présent.[24] » Le recours au passé n’est pas à entendre comme un seul habillage savant de ses réflexions, il s’agit d’un argument légitimant pour l’auteur les arguments défendus. Selon Roguet, si Charles X a dû abdiquer en 1830, c’est parce qu’il s’est refusé à imiter Henri III abandonnant Paris en 1588[25]. Indépendamment de l’écart de plusieurs siècles qui sépare le dernier Bourbon du dernier Valois, la décision d’Henri III était, pour notre auteur, pertinente et aurait pu de ce fait fonctionner en 1830 ; en conséquence, elle pourrait être employée en 1848. Un argumentaire qui dépasse d’ailleurs le seul cadre militaire, à l’image du débat sur les fortifications de Paris qui traverse la monarchie de Juillet, où la figure de Vauban et ses projets défensifs pour la capitale sont invoqués à plusieurs reprises. Pour les défenseurs des fortifications de Paris, leur projet est une continuité de Vauban, une simple défense de la capitale face à une poussée ennemie[26]. À l’inverse, cette réutilisation de l’héritage de Vauban est pour Arago un argument important mais au détriment des défenseurs des fortifications : le but de Vauban était selon lui de tenir Paris à la merci du roi et d’asservir les Parisiens par ses œuvres de retranchement[27].

À la campagne, les conservateurs de la monarchie de Juillet finissante et de la Deuxième République voient quant à eux ressurgir un spectre passé, celui de la « jacquerie », dont la peur s’est faite sentir dès l’affaire sanglante de Buzançais dans l’Indre – peur abondamment relayée par la presse – où, le 14 février 1847, des « blouses » massacrent le fils d’un propriétaire[28]. Ainsi, en décembre 1851, ce qu’a illustré Aurélien Lignereux, les partisans de l’ordre se croient aux prises avec une nouvelle « jacquerie », le mot étant alors allègrement employé. Grâce à la peur suscitée par les échos magnifiés de soi-disant orgies insurgées, la presse bonapartiste réussit à disqualifier le discours des paysans en révolte, associant au souvenir lointain de la « grande peur » et des affrontements ruraux les craintes conservatrices de voir dans l’année 1852 celle d’un affrontement final et apocalyptique avec les démocrates-socialistes[29].

Au-delà de ces combats métropolitains, la prise en compte des circulations entre colonies et entre nations traverse les réflexions de notre auteur.

Circulations européennes et impériales

Une circulation des savoirs contre-insurrectionnels aux échelles européennes et impériales est effective en ce premier XIXe siècle, née du retour sur expérience des combats de Vendée, de la péninsule ibérique, de Calabre ou encore de Saint-Domingue, forgeant cette génération de soldats qui se retrouve en Algérie à partir de 1830[30]. Pour Roguet, les leçons les plus marquantes sont à chercher dans les combats de Vendée et d’Espagne, auxquels il consacre respectivement un ouvrage et un article à part entière. À l’inverse, l’Algérie n’est traitée que de façon anecdotique dans ses écrits, probablement du fait de de son court service en Afrique contrairement à d’autres tels Lamoricière, Bugeaud ou Changarnier qui s’inspirent de leurs expériences coloniales pour fonder leurs pratiques métropolitaines – notamment celle du quadrillage en milieu urbain[31].

En matière de guerre urbaine, le souvenir des deux sièges de Saragosse de 1808 et 1809 est un témoignage récurrent non seulement pour Roguet qui l’évoque à plusieurs reprises dans ses ouvrages[32] mais également pour ses contemporains[33], et ce à de rares exceptions[34]. Selon le maréchal Lannes en charge du siège de la cité en 1809, ce combat « ne ressemble en rien à la guerre que nous avons faite jusqu’à présent[35] », la férocité des combats, les 54 000 victimes d’un combat de rues acharné marquent les mémoires pour les décennies à venir. Comparer Saragosse à une insurrection urbaine devient en conséquence un topos courant chez les décideurs français. Louis-Philippe, confronté au soulèvement républicain de Paris en avril 1834, déclare à l’ambassadeur d’Autriche : « C’était comme au siège de Saragosse, chaque maison était transformée en forteresse[36]. » En juin 1848, le colonel Allard assimile dans son rapport à l’Assemblée les barricades ouvrières avec celle des Espagnols insurgés[37]. Par conséquent, en reliant à Saragosse les combats de rues auxquels ils sont confrontés, les militaires et gouvernants mettent à l’écart de la nation les insurgés, les assimilant à une insurrection étrangère. « Messieurs, on a dit que les baïonnettes françaises n’avaient soif que du sang étranger. Cela est vrai en ce sens qu’elles ne désirent combattre que contre les ennemis de la France, mais, toujours aussi, elles sont prêtes à combattre les factieux[38]. », déclare Bugeaud, pas encore maréchal mais déjà farouche adversaire de tout insurgé, à la Chambre des députés le 1er février 1832.

Un facteur insurgé qui plane sur la France mais l’analyse de Roguet a la pertinence de sortir des seules frontières hexagonales pour embrasser un regard européen, concevant comme nombre de penseurs militaires et politiques le combat contre le « factieux » à l’échelle du continent.

La contre-insurrection, enjeu européen

De fait, Roguet étudie le combat contre les insurgés dans une perspective européenne : « 6 à 8000 réfugiés de toutes les nations ont pris la part la plus active aux désordres européens ; une réserve révolutionnaire de tous les pays se transporte successivement d’une capitale à l’autre et y impose l’anarchie[39]. » Réminiscence de l’« âge des ombres[40] », du complot omniprésent, cette réserve d’insurgés sans visage et sans patrie est à combattre par la force[41]. Après juin 1848, le soldat se voit assimilé en France et chez les conservateurs européens au pilier de la civilisation, la « dictature du sabre » préférable au « poignard démagogique[42] ». La circulation des pratiques insurgées en 1848 ayant déjà été relevée[43], celle-ci se fait sentir de même dans le camp de la contre-insurrection. La presse militaire de l’espace germanique glorifie comme martyrs de la civilisation les généraux morts en juin 1848[44], l’United Service Journal britannique fait un portrait élogieux de Cavaignac[45], quand l’ouvrage de Roguet sur la guerre de rues a droit à une recension complète dans l’Allgemeine Militär Zeitung[46]. Une recension qui, si elle juge cette réflexion comme manquant de recul, reste très favorable aux propositions de Roguet.

Ce regard européen questionne ainsi le caractère de l’ennemi dont, pour reprendre Carl Schmitt, la nature justifie les moyens mis en œuvre pour le combattre[47]. En se positionnant face à un adversaire à l’influence européenne, Roguet légitime l’usage de la force contre une menace qu’il s’inquiète de voir progresser[48] et contre laquelle l’armée se pare de l’attribut d’un bouclier indispensable[49]. Cependant, examinons plus en détail cette notion d’ennemi chez Roguet et en quoi les moyens militaires doivent s’accompagner d’une victoire politique, particulièrement dans un cadre rural.

Qui est l’ennemi ? Procédés d’action militaires et politiques envers les combattants irréguliers et les non combattants

Gagner les cœurs et les esprits. Le militaire au service du politique dans une insurrection rurale

Contrairement à certains de ses condisciples adeptes de la « loi du sabre » tels le général Boyer[50], Roguet ne voit pas dans la répression armée une fin, mais un moyen. Les lendemains d’Empire sont traversés par l’idéalisation d’un soulèvement général populaire, qui dans le cas de l’Espagne 1808 aurait conduit à la libération de la patrie face aux troupes françaises, à l’exemple de Carlo Bianco désireux de répéter cette expérience dans la péninsule italienne[51]. Cependant, considérer le peuple comme unanimement insurgé peut à rebours amener les soldats en charge de la répression à gommer les différences entre combattants ou non combattants et ainsi réprimer sans ménagement, à l’image du général Boyer, qui avait réussi par ses actes à se faire appeler le « Cruel » en Haïti, en Espagne et à Oran[52].

Roguet se distingue au contraire par son soin à souligner l’importance de rallier les habitants et, plus motivé par le pragmatisme que par humanisme, de ne pas les pousser dans les bras des insurgés par des pratiques brutales[53]. S’il préconise de restreindre le pillage et la maraude à la suite de précédents traités militaires[54], il dépasse ce lieu commun de la contre-insurrection en prônant une politique des « cœurs et des esprits » avant l’heure. Définie par le général Templer dans sa campagne de Malaisie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale[55], cette expression est néanmoins appropriée pour désigner les conceptions de Roguet. Prenant exemple sur Suchet en Aragon, il prône une gestion administrative exemplaire de la province occupée, destinée à maintenir l’ordre économique, à lutter contre l’absence d’emploi par la fondation de travaux publics et à assurer une justice exemplaire[56]. Cette volonté de ne pas antagoniser les civils rejoint une lecture très négative des effets des « colonnes infernales » ayant cherché à réduire par la terreur les Vendéens sous la Convention ; une politique n’ayant contribué qu’à provoquer un désir de vengeance traversant l’ensemble de la population, analyse rejoignant celle de Napoléon[57]. Une vision critique non-unanime cependant, Pélissier mentionnant en Algérie que sa troupe serait surnommée, ou en tout cas l’espère-t-il, la « colonne infernale » par les locaux[58].

Pour achever le ralliement des populations, la question des troupes à employer pose question. Comme le souligne Mathilde Larrère, la garde nationale est employée dans les combats, servant notamment à maintenir les communications et à assurer les arrières de la troupe[59]. Toutefois, Roguet se livre à une lecture très négative de son efficacité. S’inspirant de l’expérience vendéenne et des critiques de Hoche, les gardes nationaux seraient trop animés par leurs passions politiques et, employés en campagne, ne seraient pas en mesure de faire preuve d’une discipline suffisante envers les civils. Cette garde serait de même un potentiel foyer de sympathisants envers des politiques contraires à celles du gouvernement et, au nom de cette conception, notre auteur se montre partisan de son confinement à de simples tâches de police[60].

À en croire Roguet, une fois la vie et les propriétés des habitants garanties, les populations devraient être gagnées par un important travail de propagande, aussi bien par une presse stipendiée aux intérêts gouvernementaux que par des acteurs non étatiques (cabaretiers, marchands de foire, vétérinaires, etc.)[61]. La contre-insurrection doit s’enraciner dans le quotidien des habitants pour les couper sans cesse de la propagande opposée des insurgés. Le peuple est alors « éclairé », persuadé et non brutalisé. Cependant, pour s’assurer de séparer le peuple de l’insurgé et de le rapprocher de l’autorité, Roguet entend mener une politique aussi bien offensive que défensive. Offensive, au sens où elle rejoint la pratique habituelle d’organiser des colonnes mobiles supposées, à la différence des colonnes infernales vendéennes, ne s’en prendre qu’aux combattants. Défensive en ce que Roguet veut créer des villages fortifiés, protégés par l’armée et les milices locales et interdisant l’accès des bandes insurgées aux villages[62]. Un projet resté à l‘état de théorie mais qui ressemble fortement à un enfermement et n’est pas sans rappeler les tentatives de quadrillage colonial.

Si les tentatives de conjuguer persuasion politique et militaire sont apparentes dans un contexte d’insurrection rurale, ces points semblent cependant atténués par le recours à la seule force dans un cadre urbain.

Séparer les corps : le soldat, l’insurgé, la foule urbaine

La différence dans le traitement qui lui est réservé entre insurgé rural et urbain peut s’expliquer dans la théorie de Roguet par la nature de leurs soulèvements : alors qu’une guérilla rurale se déroule sur le long terme, l’insurrection urbaine est soudaine et, dans le cas français jusqu’en 1852, se joue en quelques jours.

De même, une différence notable se trouve dans les représentations faites de l’insurgé urbain. Comme le souligne Pierre Michel, le XIXe siècle est marqué par l’idée du « barbare », du « sauvage », dont l’image reste certes associée aux populations extra-européennes mais se trouve peu à peu assimilée à une part des populations d’Europe[63]. Le 8 décembre 1831, Saint-Marc Girardin publie dans le Journal des débats son fameux article, décelant les barbares de la société dans les manufactures, les faubourgs industrieux[64]. Au lendemain de l’insurrection des canuts de 1831[65], l’insurgé urbain se voit lié dans les discours gouvernementaux et militaires à l’« anarchiste[66] », au « factieux », à cette armée de l’ombre recouvrant la France. Sous la Deuxième République, toute une presse conservatrice croit en l’imminence d’une guerre civile fomentée par les clubs, ce qu’illustre la pièce d’anticipation Le Lendemain de la victoire. Vision de Louis Veuillot[67], lui-même proche de Bugeaud et dont le traité sur la guerre des rues manqua d’être publié dans le journal L’Univers[68].

Dans cet « âge des ombres » faisant de l’insurrection non pas une révolte spontanée mais le résultat d’un complot planifié (les évènements des 5 et 6 juin 1832 seraient selon Le Moniteur le fait de manœuvres souterraines fomentées par des « républicains » et des « carlistes[69] »). La foule elle-même est un danger selon Roguet car influençable par quelques comploteurs décidés[70]. En effet, il garde en mémoire le ralliement le 29 juillet 1830 des 5e et 53e régiments de ligne à l’insurrection alors que, manquant de vivres, les hommes s’étaient laissés approcher par le peuple et avaient fraternisé avec lui. Pour empêcher une pareille répétition, Roguet encourage comme nombre de ses homologues une séparation physique[71] mais de fait symbolique entre le soldat et cette foule émeutière. Il ne peut exister de compromis et de pourparlers menés avec une foule en armes ou des insurgés révoltés :

Les méprises, les engagements ; pris en apparence avec les révoltés, sont leur principal moyen de succès, l’insurrection les obtient à l’aide de pourparlers toujours compromettants et dangereux. Dans aucun cas, la troupe et ses chefs ne doivent entrer en rapport avec les insurgés, si habiles à profiter des hésitations et des malentendus, et décidés à pousser tout à l’extrême, tant que l’on reste sur la voie des concessions. Toute hésitation est funeste, même au seul point de vue de l’humanité[72] .

Contre une foule influencée, c’est donc la force qui doit parler[73]. Le maréchal Castellane dans ses instructions secrètes à Lyon en 1849 ne dit pas autre chose, ordonnant le feu après sommation contre une colonne d’émeutiers refusant de se disperser, même si les femmes et enfants sont à leurs têtes[74] – instructions qui, en 1858, deviennent la règle de conduite à suivre dans toute la région du Sud-Est dépendant de son commandement. Les femmes et enfants, supposés tueurs d’officiers en puissance, ne doivent se voir accorder aucune exception[75]. La troupe a pour consigne dès lors d’ouvrir le feu si la foule approche à moins de cinquante pas de son emplacement. Bugeaud, plus modéré dans ses instructions, juge que la foule peut entendre raison et se disperser si le chef commande avec autorité mais laisse malgré tout l’option de la fusillade ouverte[76]. Cette politique de dureté peut cependant avoir des effets contraires, ce qu’illustre la fusillade devant le ministère des Affaires étrangères du 23 février 1848 dont l’indignation populaire en résultant fait basculer le mouvement populaire en un soulèvement républicain. Selon Jonathan M. House, le manque d’entrainement des troupes au combat urbain risque de les faire excessivement réagir contre les insurgés, aggravant l’insurrection au lieu de la comprimer[77]. Et une fois l’insurrection ayant pleinement éclaté, ses acteurs peuvent alors faire pleinement usage d’un procédé tactique qui devient vite synonyme de l’insurrection : la barricade.

Comment tenir une ville

Franchir les Thermopyles : contre la barricade

Si le siège est une pratique courante, la guerre dans la ville même est d’ordinaire rejetée par les militaires[78]. Ce champ de bataille empêche le soldat de faire preuve de sa supériorité manœuvrière – hormis à une échelle tactique réduite –, d’autant plus qu’il n’est pas formé à s’y battre, ce que regrette d’ailleurs Bugeaud[79]. Le souvenir des combats de Saragosse, qui déforme plus qu’il ne forme les commandants à cette guerre, s’y ajoutant, les officiers s’attendent à un conflit âpre et sanglant.

Dans cette guerre de rues, la barricade est un instrument tactique mais, comme l’ont illustré les travaux du colloque organisé par Alain Corbin et Jean-Marie Mayeur, elle est aussi un véritable symbole de la guerre de rues au XIXe siècle[80]. Nouvelles Thermopyles selon Victor Hugo[81], son efficacité tactique est indéniable. Protégé par sa barricade bloquant les charges de cavalerie et de surcroit stoppant les troupes régulières en mouvement, le militant républicain Charles Jeanne dépeint lors des combats de juin 1832 les assauts frontaux de la ligne et de la garde nationale repoussés à plusieurs reprises par des défenseurs déterminés et retranchés[82]. En conséquence, Roguet s’intéresse vivement à cette question. À l’opposé de charges frontales pratiquées en juillet 1830 mais qui subsistent jusqu’en juin 1848[83], Roguet préconise une méthode plus économe du sang des soldats :

Pour enlever une barricade, ordinairement faite par 10 à 20 hommes, défendue tout au plus par 50 à 100 hommes, deux patrouilles jumelées de 100 hommes chaque, dont une agissant sur les flancs, par les rues latérales ou l’intérieur des maisons, suffisent en une demi-heure. L’attaque, uniquement faite de front, et par le bas de la rue même, exigerait dix fois plus de monde, de temps et de pertes[84].

L’objectif est ici de fixer une barricade par un premier détachement, tandis qu’un autre la prendrait à revers par le flanc ou les maisons. Cette méthode implique de percer des cloisons à travers les appartements, afin de les traverser et de prendre à revers les combattants de la barricade. Une méthode appliquée lors des combats de barricades de juin 1848, mais reprise lors de postérieures réflexions sur le sujet, à l’exemple des consignes du général Magnan en 1854 pour la garnison de Paris en cas d’émeute urbaine[85]. Cette pratique d’investissement des barricades par une progression conjointe entre la rue et les immeubles se retrouve outre-Rhin[86], héritage des combats de Francfort de septembre 1848 mais aussi d’une influence française, les combats de barricades de juin 1848 faisant l’objet de nombreuses descriptions dès le lendemain des combats, à l’échelle européenne[87].

Cependant, cette tactique interroge quant au rapport des officiers français aux civils et à la propriété. En passant par les maisons des habitants pour atteindre les barricades, le combat est amené à prendre place au sein de leurs propres foyers, avec tous les dommages matériels et les pertes humaines que l’on peut envisager. L’artillerie, dont l’usage est encouragé en cas de résistance sérieuse, provoque non seulement d’important dommages pour la rue mais aussi de forts risques de pertes collatérales et d’incendie[88]. Ces risques ne sont pas ignorés, ils sont au contraire pleinement acceptés. Les instructions du général Magnan, qui est conscient des dommages risquant d’être occasionnés, prescrivent de ne pas tenir compte des plaintes des habitants en pénétrant dans les maisons[89]. Instructions qui ne tiennent pas compte des risques que peut provoquer l’invasion par les soldats d’une maison dans le feu des combats, risques dont le massacre de la rue Transnonain du 14 avril 1834, où un peloton de soldats ayant cru voir un coup de feu tiré depuis un immeuble l’investit et passe à la baïonnette ses occupants, est l’exemple le plus vivace dans la mémoire collective des Parisiens[90].

Le temps semble loin où le maréchal Marmont interdisait en juillet 1830 d’ouvrir le feu sans avoir reçu au moins cinquante coups de feu, commandait de ne pas entrer dans les maisons d’où partaient les tirs et se refusaient à faire donner mitraille et boulets rouges pour éviter pertes et dommages matériels[91]. Nous pouvons voir dans cette évolution des pratiques une marque de la détermination des officiers français à tenir la ville, à vaincre la barricade coûte que coûte illustrant le mot d’ordre couramment utilisé dans les semaines précédant juin 1848 : « Il faut en finir[92]. »

Des considérations tactiques mais qui, à l’échelle de la ville entière, questionnent les moyens de tenir celle-ci dans son ensemble.

Réprimer, concentrer ou évacuer ? Stratégies militaires et raisonnement politiques

Roguet s’applique à définir des lignes de conduite à l’échelle de la ville entière. Selon lui, en cas d’insurrection grave, quatre stratégies sont applicables : « 1. N’évacuer aucun quartier, réprimer partout l’émeute. 2. Occuper un quartier militaire, sauf à agir ultérieurement en dehors de ce grand réduit. 3. Concentrer toutes ses forces dans une position extérieure, contigüe, dominante. 4. Se replier sur une place voisine pour revenir, avec toutes ses forces réunies, contre la capitale[93]. » Ces stratégies incarnent la somme du retour sur expérience, pour employer un phrasé militaire contemporain, le RETEX, des combats urbains depuis un demi-siècle. La première stratégie est celle de Marmont en juillet 1830, une répression immédiate de toutes les émeutes. C’est aussi la demande de Bugeaud appelant à quadriller la ville de Paris de fortins garnisonnés, inspirés des « blockhaus » d’Algérie à partir desquels les soldats d’infanterie pourraient rejoindre les gardes nationaux et écraser immédiatement l’émeute[94]. Stratégie sévèrement jugée par Roguet car synonyme pour lui d’une fatigue et d’une dispersion des troupes pouvant donner la victoire aux rebelles[95]. Roguet, ce qu’a pu déceler l’analyse d’Édouard Ebel, reprend au contraire dans sa deuxième solution le point de vue de Cavaignac laissant au 23 juin 1848 les barricades se créer pour mieux concentrer ses troupes et écraser l’insurrection qui se dévoile[96].

Les deux dernières solutions de Roguet sont plus osées, car il s’agit d’abandonner la ville aux insurgés pour se retirer sur une position militaire proche ou sur un autre point du pays ; dans une perspective militaire, c’est laisser le terrain à l’ennemi et reconnaitre une défaite temporaire. Roguet rappelle que ceci doit être exceptionnel, mais il met en avant cette solution dès son premier mémoire de juillet 1832[97]. Nous pouvons y voir une défense de la conduite de son père à Lyon en novembre 1831, dont l’évacuation de la ville avait suscité de vives critiques. En effet, l’accusation d’une fuite en désordre face à l’ennemi voire de lâcheté n’est pas loin, un camouflet d’autant plus infamant que cet ennemi n’est pas un soldat régulier mais un rebelle. De plus, alors que les forces de l’ordre assimilent insurgés et pillards, se replier signifie livrer la ville ou même à l’échelle plus réduite un village aux orgies insurgées, visions d’épouvante relevant avant tout de la fiction[98].

Pourtant, selon le témoignage de Tocqueville, Adolphe Thiers, croyant que l’insurrection parisienne de juin 1848 semblait en bonne voie de l’emporter, était prêt à faire évacuer la ville par le gouvernement, à se réfugier sur une hauteur pour mieux concentrer les forces disponibles et écraser la cité rebelle. Une anticipation de sa conduite en mars 1871 face au mouvement communard investissant la capitale[99].

Conclusion

En conclusion, Roguet s’inscrit dans une période qui selon Paddy Griffith voit apparaître une « doctrine systématique de contre-insurrection[100] », et ce à deux moments du premier XIXe siècle. D’une part, de la révolte des Canuts de 1831 à la défaite des insurrections de Paris et de la région lyonnaise lors de l’année 1834, d’autre part sous la Deuxième République, de 1848 à 1852. Au-delà des seules prescriptions militaires, l’étude des écrits de cet officier supérieur souligne l’interdépendance des facteurs militaires et politiques dans une logique de contre-insurrection. Interdépendance se traduisant par la légitimation politique de la répression et par la disposition à livrer une contre-insurrection sans compromis pour préserver l’ordre social en vigueur.

L’impact de la pensée de Roguet est difficile à évaluer. Doit-on parler d’une réflexion originale ? Elle l’est de par sa polyvalence, son traitement systématique et comparé du fait insurrectionnel en milieu urbain et rural et son insistance à mettre le ralliement des populations au cœur de sa réflexion. Cependant, il serait exagéré de mentionner une « doctrine » à proprement parler, étant donné le peu de références dans des travaux ultérieurs aux conclusions de Roguet – à la différence de Bugeaud dont les leçons seront reprises abondamment dans le cadre insurrectionnel colonial au sein des troupes françaises[101] mais également dans le monde anglo-saxon[102]. Les mémoires sur la guerre urbaine que Roguet envoie au ministère de la Guerre en décembre 1849 ont notamment souffert des vives critiques du colonel de Laveaucoupet chargé pour le ministère de leur évaluation et dont le jugement à leur égard est mitigé, reprochant notamment à leur auteur de mal connaître les conditions réelles du combat en ville[103].

De plus, ses leçons, comme Roguet le rappelle lui-même, sont davantage des comptes rendus de pratiques déjà employées par ses collègues et prédécesseurs. À la différence de Saint-Arnaud dont la gestion du 2 décembre 1851 est saluée comme un modèle par les manuels de combat urbain outre-Atlantique[104], Roguet n’a pas exercé de commandement à l’échelle d’une ville pendant une insurrection. Il prend certes part aux combats du 5 et 6 juin 1832 et du 11 mai 1839 à Paris mais à la tête de son seul bataillon et il n’a pas de rôle déterminant dans la victoire. Enfin, après le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte auquel il participe activement et l’avènement du Second Empire, ses contributions théoriques se désintéressent de la guerre des rues au profit d’études historiques. Marque peut-être d’une chute de l’intérêt qui était apparue en 1848 dans la littérature militaire pour les combats de barricades, après la défaite des mouvements insurgés du Printemps des peuples[105].

Ce n’est donc pas une école, ou même une doctrine amenée à perdurer, qu’a créé Roguet mais une synthèse, un ensemble de manuels supposément prêts à être livrés clés en main à des officiers confrontés à des civils en armes. Ses réflexions demeurent de même éclairantes pour l’historien afin de comprendre les regards politiques et militaires de son époque sur la guerre irrégulière. Elles illustrent la relation complexe d’un officier de France à son peuple qu’il est astreint par ses devoirs à protéger d’un ennemi extérieur mais contre une partie duquel il peut avoir à livrer bataille, sur le sol de la patrie.

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[1] Hervé Couteau-Bégarie, « Guerres irrégulières : de quoi parle-t-on ? », Stratégique, 2009/1 (N°93-94-95-96), p. 13-30.

[2] Adolphe Robert, Edgar Bourloton, Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français comprenant tous les mémoires des Assemblées françaises et tous les Ministres français. Depuis le 1er mai 1789 jusqu’au 1er mai 1889, Tome cinquième, Paris, Bourloton, 1891, p. 183.

[3] Aurélien Lignereux, La France rébellionnaire. Les résistances à la gendarmerie (1800-1859), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 210.

[4] Étienne Alexandre Bardin, Dictionnaire de l’armée de terre, ou recherches historiques sur l’art et les usages militaires des anciens et des modernes, volume 5, Paris, Corréard, p. 2727.

[5] Lawrence H. Keeley, Les guerres préhistoriques, Paris, Perrin, 2009, p. 103.

[6] Hervé Couteau-Bégarie, « Guerre irrégulière : de quoi parle-t-on ? », op. cit.

[7] Beatrice Heuser et Jeannie Johnson, « Introduction. National Styles and Strategic Cultures », Insurgencies and Counterinsurgencies. National Styles and Strategic Cultures, Cambridge, Cambridge University Press, 2016, p. 2.

[8] Christophe Michel Roguet, « Mémoires du Maréchal Suchet, duc d’Albuféra sur ses campagnes depuis 1808 jusqu’en 1814 », Le Spectateur militaire, Tome 17, 15 avril 1834 – 15 octobre 1834, p. 227.

[9] Christophe Michel Roguet, « De la guerre d’insurrection dans la péninsule », Le Spectateur militaire, Tome 18, 15 octobre 1834-15 mars 1835.

[10] Gérard Chaliand, Une histoire mondiale de la guerre, Paris, Odile Jacob, 2005, p. 354.

[11] Cité dans Fabien Cardoni, La garde républicaine. D’une République à l’autre (1848-1871), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 217.

[12] Ibidem.

[13] William Serman, Le corps des officiers français sous la Deuxième République et le Second Empire : aristocratie et démocratie dans l’armée au milieu du XIXe siècle, 1978, p. 1372.

[14] SHD, GR 1M 2151, Mesures à prendre en cas de troubles en province et dans Paris. Défense de Paris.

[15] Thomas Robert Bugeaud, La guerre des rues et des maisons. Manuscrit inédit présenté par Maité Bouyssy, Paris, Jean-Paul Rocher, 1997.

[16] Jean Frédéric Auguste Lemière de Corvey, Des partisans et des corps irréguliers, Paris, Anselin, 1823, p. 225-226.

[17] Christophe Michel Roguet, Insurrection et guerre de barricades dans les grandes villes, Paris, Dumaine, 1850, p. 109.

[18] Laurence Montroussier, Ethique et commandement, Paris, Economica, 2005, p. 161.

[19] Auguste Romieu, Le spectre rouge de 1852, Paris, Ledoyen, 1851, p. 87-88.

[20] Walter Laqueur, The Guerilla Reader, A historical anthology, Philadelphie, Temple University Press, 1977, p. 1.

[21] Christophe Michel Roguet, Essai théorique sur les guerres d’insurrection ou suite à la Vendée militaire, Paris, J Corréard, 1836, p. 116.

[22] Armand Jacques Leroy de Saint-Arnaud, Lettres du Maréchal de Saint-Arnaud, 1832-1854. Tome premier, Paris, Michel Lévy frères, 1864, p. 167.

[23] Christophe Michel Roguet, De la Vendée militaire, avec cartes et plans, par un officier supérieur, Paris, Corréard, 1834, p. 153.

[24] Loïc Rignol, « Augustin Thierry et la politique de l’histoire. Genèse et principes d’un système de pensée », Revue d’histoire du XIXe siècle, 25/2002.

[25] Christophe Michel Roguet, Insurrection…, op. cit., p. 75-76.

[26] Éléanor-Zoa Dufriche de Valazé, Fortifications de Paris : du système à suivre pour mettre cette capitale en état de défense, Paris, Paul Renouard, 1833, p. 2.

[27] François Arago, « Lettre sur l’embastillement de Paris », Le National, 21 juillet 1833.

[28] Frédéric Chauvaud, Histoire de la haine, Une passion funeste, 1830-1930, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, p. 220.

[29] Aurélien Lignereux, La France rébellionnaire, p. 210.

[30] Nicolas Cadet, « La question de la « brutalisation » des conflits à l’époque napoléonienne : l’exemple de la guerre de Calabre de 1808 à 1809 », Les Européens dans les guerres napoléoniennes, Toulouse, Privat, 2012, p. 114-115.

[31] Thomas Robert Bugeaud, La guerre des rues…, op. cit., p. 119-120.

[32] Christophe Michel Roguet, Insurrection…, op. cit., p. 22.

[33] Paddy Griffith, Military thought in the French army. 1815-1851, Manchester, Manchester University Press, 1989, p. 44.

[34] SHD, GR 1M 1985, Note sur l’emploi des Mortiers-Grenadiers pour l’attaque des barricades.

[35] Cité dans Jean-Louis Dufour, La guerre, la ville et le soldat, Paris, Odile Jacob, 2002, p. 137.

[36] Ernest Daudet (éd.) Journal du comte Rodolphe Apponyi, Attaché de l’ambassade d’Autriche à Paris (1831-1834), Paris, Plon, 1914, p. 418.

[37] Rapport fait au nom de la commission chargée de l’enquête sur l’insurrection qui a éclaté dans la journée du 23 juin et sur les évènements du 15 mai, Séance du 3 août 1848, p. 42.

[38] Henry d’Ideville, Le Maréchal Bugeaud d’après sa correspondance intime et des documents inédits, 1784-1849, Tome 2, Paris, Firmin-Didot, 1882, p. 187.

[39] Christophe Michel Roguet, Insurrection…, op. cit., p. 310-311.

[40] Jean-Noël Tardy, L’âge des ombres : complots, conspirations et sociétés secrètes au XIXe siècle, Paris, Les Belles-Lettres, 2015.

[41] Christophe Michel Roguet, Insurrection…, op. cit., p. 306.

[42] Juan Donoso Cortés, Lettres et Discours, Paris, Jacques Lecoffre, 1850, p. 29.

[43] Catherine Brice, « La Commission des barricades de la République romaine (1848-1849) : une ‘‘technologie politique’’ ? Réflexion sur les contextes mouvants de l’innovation », Diasporas, 29, 2017, p. 131-133.

[44] « Tod des Generals Brea », Allgemeine Militär Zeitung, Carl Wilhelm Leske, Leipzig und Darmstadt, 1848.

[45] « The military career of general Cavaignac », The United Service Journal and Naval and Military Magazine, 1848, Part III.

[46] « Roguet, General, die Zukunft der europäischen Armeen oder Bekämpfungsystem der Aufstände in den grössen Städten, von Heilmann, Oberlieutnant und Brigade Adjudant, Leipzig und Meissen, Goedschechen Buchhandlung, 1851 », Allgemeine Militär Zeitung, Carl Wilhelm Leske, Leipzig und Darmstadt, 1851.

[47] Carl Schmitt, Der Nomos der Erde, Berlin, Duncker, 1950.

[48] Christophe Michel Roguet, Insurrection…, op. cit., p. 109.

[49] L. Touillon, Le Barde – Poésies nationales à la gloire de l’armée, Paris, Choiseul, 1850.

[50] Pierre Serna, « Pour un épilogue : Le massacre au XVIIIe siècle ou comment écrire une histoire de l’in-humain des Lumières aux Révolutions, puis à la conquête de l’Algérie », La Révolution française, 2011.

[51] Walter Laqueur, The Guerilla Reader, p. 67.

[52] Edmond Pellissier de Reynaud, Annales algériennes, T 1, Paris, Dumaine, 1854, p. 75.

[53] Christophe Michel Roguet, De la Vendée…, op. cit., p. 94.

[54] Léopold Sigisbert Hugo, Coup d’œil militaire sur la manière d’escorter d’attaquer et de défendre les convois, et sur les moyens de diminuer la fréquence des convois et d’en assurer la marche. Suivi d’un mot sur le pillage, Paris, Magimel, 1796, p. 30.

[55] Lars Wedin, Marianne et Athéna, La pensée militaire française du XIXe siècle à nos jours, Paris, Economica, 2011, p. 349.

[56] Christophe Michel Roguet, « De la guerre d’insurrection dans la péninsule », p. 643-647.

[57] Napoléon Bonaparte, Commentaires de Napoléon Ier, tome IV, Paris, Plon, 1867, p. 141.

[58] Jacques Frémeaux, La conquête de l’Algérie, Paris, CNRS Editions, 2016, p. 219.

[59] Mathilde Larrère, L’urne et le fusil, La Garde nationale parisienne de 1830 à 1848, Paris, Presses Universitaires de France, 2016, p. 198.

[60] SHD, GR 1M 2002, Note sur la garde nationale, par le général de brigade Roguet, Laon, le 1er août 1850.

[61] Christophe Michel Roguet, De la Vendée…, op. cit., p. 188.

[62] Ibidem, p. 69.

[63] Pierre Michel, Un mythe romantique. Les barbares, 1789 – 1848, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1981.

[64] Saint-Marc Girardin, Le Journal des débats, 8 décembre 1831.

[65] Jean-Claude Caron, « L’écriture des Trois Glorieuses : Héros et Barbares dans le cycle des violences insurrectionnelles », La Révolution 1789 – 1871, Ecriture d’une Histoire immédiate, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2008, p. 290.

[66] SHD, GR 1M 822. Notices sur les divers évènements et sur les différentes expéditions qui ont eu lieu de 1830 à 1835.

[67] Louis Veuillot, Le lendemain de la victoire, vision, Paris, Lecoffre, 1850.

[68] Thomas Robert Bugeaud, La guerre des rues…, op. cit., p. 11.

[69] Le Moniteur, Jeudi 7 juin 1832.

[70] Christophe Michel Roguet, Insurrection…, op. cit., p. 145.

[71] Édouard Ebel, « Du maintien de l’ordre à la guerre des rues : la gestion des foules entre 1830 et 1871 », La ville en ébullition : Sociétés urbaines à l’épreuve, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.

[72] Christophe Michel Roguet, Insurrection…, op. cit., p. 158.

[73] Édouard Ebel, « Du maintien de l’ordre à la guerre des rues ».

[74] Esprit Victor Elisabeth Boniface de Castellane, Journal du maréchal de Castellane 1804-1862. Tome 4, 1847-1853, Paris, Plon, 1896, p. 288.

[75] SHD, GR 1M 2151. Mesures à prendre en cas de troubles en province et dans Paris. Défense de Paris.

[76] Thomas Robert Bugeaud, La guerre des rues…, op. cit., p. 114-115.

[77] Jonathan M. House, Controlling Paris. Armed Forces and Counter-Revolution, 1789 – 1848, New York, New York University Press, 2014.

[78] Jean-Louis Dufour, La guerre, la ville, Paris, Odile Jacob, 2002, p. 43.

[79] Thomas Robert Bugeaud, Guerre de rues…, op. cit., p. 11.

[80] Mark Traugott, « Les barricades dans les insurrections parisiennes : rôles sociaux et modes de fonctionnement », La Barricade, Publications de la Sorbonne, 1997, p. 73.

[81] Thomas Bouchet, « La barricade des Misérables », La Barricade, Publications de la Sorbonne, 1997, p. 129.

[82] Charles Jeanne, A cinq heures nous serons tous morts. Sur la barricade Saint-Merry, 5-6 juin 1832, Paris, Vendémiaire, 2011, p. 47.

[83] Édouard Ebel, « Théories et pratiques de la guerre des rues à Paris au XIXe siècle », Revue Historique des Armées, N°231, 2e trimestre 2003, p. 52.

[84] Christophe Michel Roguet, Insurrection…, op. cit., p. 152.

[85] SHD, GR 1 K 28, Armée de Paris. Dispositifs en cas de troubles.

[86] « Beitrag zur Taktik des Angriffes beim Barrikadenkampf in Städten und Dörfern », Allgemeine Militär Zeitung, Carl Wilhelm Leske, Leipzig und Darmstadt, 1848.

[87]« The Battle of Paris, from the testimony of an eye witness », The United Service Journal and Naval and Military Magazine, 1848, part II, pp. 481-500.

[88] Christophe Michel Roguet, Insurrection…, op. cit., p. 150.

[89] SHD, GR 1 K 28, Armée de Paris.

[90] Jill Hardin, Barricades. The War of the Streets in Revolutionary Paris, 1830-1848, Palgrave Macmillan, 2002, p. 96.

[91]Auguste Frédéric Louis Wiesse de Marmont, Mémoire justificatif du maréchal Marmont, duc de Raguse, Paris, Gaultier Laguionie, 1830.

[92] Jean-Claude Caron, Frères de sang, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2009, p. 164.

[93] Christophe Michel Roguet, Insurrection…, op. cit., p. 91.

[94] Thomas Robert Bugeaud, La guerre des rues…, op. cit., p. 119-120.

[95] Christophe Michel Roguet, Insurrection…, op. cit., p. 93.

[96] Édouard Ebel, « Du maintien de l’ordre à la guerre des rues ».

[97] SHD, GR 1M 2151, Mesures à prendre en cas de troubles en province et dans Paris. Défense de Paris.

[98] Ted W. Margadant, French Peasants in Revolt, The Insurrection of 1851, Princeton, Princeton University Press, 1979, p. 39.

[99] Alexis de Tocqueville, Souvenirs, Paris, Calmann Lévy, 1893, p. 224.

[100] Paddy Griffith, « Military thought in the French army », p. 44.

[101] Thomas Rid, “The Nineteenth Century Origins of Counterinsurgency Doctrine”, 5, Volume 33, October 2010, p. 756.

[102] Charles E. Callwell, Petites guerres, Paris, Economica, 1998, p. 126.

[103] SHD 1M 2151. Mesures à prendre en cas de troubles en province et dans Paris. Défense de Paris, « Notes au crayon écrites par le colonel de Laveaucoupet, chef de cabinet du Ministre, en marge du rapport du général Roguet. »

[104] Albert Ordway, Drill regulations for street riot duty: including lecture on relations between military and civil authority; rights and duties of military officers; and methods of dealing with riots, by Brigadier General Albert Ordway, District of Columbia Militia, Washington, Chapman, 1891, p. 322.

[105] SHD GR 1M 2004. « Conférence sur les combats de rue et de maison », Rapporteur. M. Granet, sous-lieutenant aux chasseurs de la garde, 26 février 1870, p. 1.

 

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Les « insignes fripons » embastillés : regards sur les coupables de friponnerie emprisonnés à la Bastille au XVIIIe siècle

Natacha Rossignol

 


Résumé : La prison de la Bastille est connue pour être devenue, après sa démolition, le symbole de l’aube d’une révolution qui métamorphosa la France. Si l’on en a surtout retenu les cas d’emprisonnement pour idées subversives, en revanche on sait moins qu’elle fut un lieu de prédilection d’enfermement des fripons de toutes espèces. Qu’ils soient faux sorciers, imposteurs, escrocs, usurpateurs, charlatans, rien ne faisait peur à ces singuliers personnages et leur principal objectif dans la vie était de faire des dupes pour en retirer des avantages. Les règnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI ont vu l’embastillement de nombreux fripons et les sources concernant ces individus nous permettent de mettre en lumière le regard que l’on pouvait porter sur ceux-ci. On y découvre une indéniable fascination de la part de leurs contemporains, y compris les lieutenants généraux de police, pour les étonnantes capacités de ces hommes et de ces femmes hors du commun.

Mot-clés : Bastille, fripon, friponnerie, escroquerie, escroc, imposteur, charlatan, argent, XVIIIe siècle.


Après avoir soutenu en 2017 un mémoire de Master sur Le jeu devant l’opinion dans la France du XVIIIe siècle, Natacha Rossignol est actuellement doctorante en histoire moderne à l’Université de Bourgogne Franche-Comté, où elle prépare une thèse sur les fripons et la friponnerie dans l’espace européen du XVIIIe siècle sous la direction d’Edmond Dziembowski, professeur d’histoire moderne à l’UBFC. Elle est rattachée au laboratoire de recherche du Centre Lucien Febvre EA 2273 dirigé par Paul Dietschy, professeur d’histoire contemporaine à l’UBFC.

natacha.rossignol@edu.univ-fcomte.fr


 

Introduction

Aujourd’hui désuet, le mot fripon faisait partie du langage courant au XVIIIe siècle. En 1762, le Dictionnaire de l’Académie française propose pour sa quatrième édition cette définition : « fourbe, qui n’a ni honneur, ni foy, ni probité[1] ». En 1798, lors de sa cinquième édition est ajouté « voleur adroit[2] ». De manière plus générale, le mot fripon est employé, à cette époque, pour parler de quelqu’un qui trompe son monde. Un fripon est un faiseur de dupes, un escroc, un imposteur, un charlatan. Ses friponneries engendrent des vols d’argent, la plupart du temps de manière consentie par la dupe, mais ce vol demeure un crime[3] car on considère que la personne a été trompée, à juste titre. Beaucoup de fripons furent donc emprisonnés, et beaucoup finirent à la Bastille.

Cet article s’appuie sur Les archives de la Bastille recueillies et publiées par François Ravaisson à la fin du XIXe siècle[4]. Il s’agit d’une sélection des documents de police conservés à la Bibliothèque de l’Arsenal, principalement les dossiers des prisonniers et les documents du lieutenant général de police liés à l’administration de la prison. Il existe 19 volumes publiés par Ravaisson et nous avons exploité ceux qui concernent les années 1700 à 1788[5]. Les affaires de friponnerie étant plurielles, nous avons sélectionné les cas les plus parlants, ou ceux qui illustrent le mieux les exemples de même nature. Ces sources, bien que limitées[6], sont une aide précieuse pour la recherche qui nous intéresse ici. En effet, s’il existe déjà plusieurs ouvrages importants sur la Bastille[7] et si certains forfaits de près ou de loin liés à la friponnerie ont fait l’objet d’études[8], nous observerons ici le regard que portaient les officiers[9] sur les fripons. Au travers de leurs rapports et de leur correspondance, nous tâcherons de mettre en lumière l’opinion des autorités sur ces individus. Notre étude ne relève donc pas tant de l’histoire de la police[10] ou de l’histoire judiciaire[11] que de l’histoire des mentalités et des représentations collectives. Il nous faudra par ailleurs comprendre pourquoi des accusés de sorcellerie ou d’escroquerie financière eurent droit à cette épithète qui, nous le verrons, n’est pas anodine. Ainsi, si l’analyse des cas d’embastillement pour friponnerie nous permet de découvrir ces personnages, elle nous livre également un éclairage précieux sur la société et les états d’esprit du siècle des Lumières, en nous révélant le regard que les contemporains portaient sur ces personnages et leurs méfaits.

Définir la friponnerie à partir des archives de la Bastille

Tâcher de reconnaître un coupable de friponnerie

En 1707, un italien nommé Benciolini est enfermé à la Bastille. Cet homme était coupable d’avoir soutiré plus de 40 000 livres à différentes personnes, dont des princes. Changeant son nom au gré de ses besoins, il se fit passer pour un homme bien né en qui l’on pouvait avoir une confiance presque aveugle. De notre point de vue contemporain, nous n’hésiterions pas longtemps à qualifier cet homme d’escroc. Mais à l’aube du XVIIIe siècle, les choses ne sont pas aussi évidentes. Si le commissaire Socquard reconnaissait volontiers que Benciolini était un « bon chevalier d’industrie[12] », c’est-à-dire un homme vivant d’impostures, il avait cependant plus de peine à identifier de manière claire et précise son forfait. Il est vrai qu’au début du XVIIIe siècle, le crime d’escroquerie n’était pas encore bien défini par la justice[13] et les archives de la Bastille font écho à ce manque : « On a peine à qualifier son crime : ce n’est point vol de violence, débauche, ni attentat criminel, c’est plutôt un vol de séduction, une imposture d’un étranger commencée dans son pays et soutenue avec une extrême persévérance dans diverses villes du royaume[14]. » Le lieutenant général de police, Marc René de Voyer de Paulmy d’Argenson, était en revanche sûr d’une chose : Benciolini était « un scélérat du premier ordre qui avait commis une infinité de friponneries[15] ». Si l’on ne savait pas encore trop reconnaître ou qualifier l’escroquerie, on était parfaitement capable en revanche de reconnaître une friponnerie. Une friponnerie, peu importe les moyens employés ou le but escompté, engendrait à coup sûr des dupes, en petite ou grande quantité. Un fripon, c’était donc quelqu’un qui trompait les autres dans un but purement personnel.

Le cas Benciolini montre de façon nette que si certains crimes d’escroquerie ou d’imposture ne connaissaient pas encore une définition juridique certaine et déroutaient quelquefois les autorités, on n’avait en revanche aucune peine à qualifier un faiseur de dupes de fripon et ses actes de friponnerie. De plus, il faut souligner que le motif d’embastillement pour friponnerie allait toujours de pair avec un autre chef d’accusation.

Les différentes raisons d’enfermement à la Bastille, relatives à la friponnerie

Dans les archives de la Bastille, les mots fripon, friponne et friponnerie reviennent à de très nombreuses reprises. Lorsqu’un de ces termes apparaît dans ces documents, c’est dans des cas précis et pour des personnes accusées de crimes particuliers. Viennent en premier lieu les cas liés à la sorcellerie. Entrent dans cette catégorie les sorciers, les devins et diseurs de bonne aventure, les chercheurs de trésors et les soi-disant détenteurs du secret de la pierre philosophale[16]. Ensuite nous retrouvons les crimes liés à la finance : fabrication de fausse monnaie, billonnage, détournements de fonds, et toute autre sorte d’escroquerie financière. Les autorités employèrent également le terme de fripon pour parler des charlatans, des aventuriers, des intrigants, des espions et des personnes coupables d’abus de confiance. Enfin, les faussaires ont également eu le droit à l’épithète de fripon. Fausses lettres de cachets, faux papiers, fausses lettres de grâce, ou encore faux billets de loterie gagnants, les fripons ne reculaient devant rien et falsifiaient toutes sortes de documents, du plus anodin au plus notable.

On qualifiait souvent d’« insignes » les individus qui commettaient des actes de friponnerie. Le sens de ce mot est, comme nous le savons, relativement ambivalent puisque, s’il fait certes référence au caractère remarquable d’une personne, il peut le faire à des fins mélioratives ou péjoratives. L’emploi de ce mot à l’égard des fripons ne semble pas anodin mais paraît au contraire très révélateur du regard, tantôt fasciné, tantôt réprobateur, que les autorités portaient sur eux à cette époque.

Le traitement des fripons à la Bastille

Après la Révolution, la légende noire de la Bastille, prison abominable, lieu de tourments sans fin, fit couler beaucoup d’encre. Par la suite, afin de distinguer le mythe et la réalité, plusieurs historiens ont essayé de retracer la véritable histoire de ce lieu[17]. Il ressort de ces ouvrages que les conditions de vie des prisonniers dépendaient avant tout de leur condition sociale et de leurs moyens de s’offrir une détention agréable ou non. C’est ce que rappelle Monique Cottret : « Du tragique au dérisoire, la vie bastillonnaire offre une multitude de nuances possibles qui expliquent les témoignages contradictoires[18]. » En effet, tout confort se payait. S’ils avaient les ressources nécessaires, rien n’interdisait aux prisonniers de s’aménager une cellule confortable, meublée et même de s’entourer d’animaux de compagnie[19]. Ils avaient également la possibilité de se faire livrer de la nourriture, sous forme de denrées brutes ou de mets préparés par des pâtissiers ou des rôtisseurs, ce qui leur permettait « de maintenir la position sociale qu’ils occupaient avant leur incarcération[20]. » Ce fut notamment le cas du marquis de Sade qui se fit livrer de nombreuses denrées par sa femme lors de sa détention en 1787[21] ainsi que de la vaisselle fine[22]. Le gouverneur recevait du Roi une somme quotidienne pour chaque prisonnier, proportionnelle à sa condition sociale, pour subvenir à ses besoins indispensables. Mais celui-ci pouvait parfois détourner, à son profit, une partie de ces versements, ce qui lésait les détenus et cela d’autant plus lorsqu’ils étaient de condition modeste[23].

La durée de détention des fripons dépendait du bon vouloir des autorités[24]. Ceux accusés de sorcellerie étaient le plus souvent transférés dans une autre prison (Bicêtre, la Salpêtrière, l’Hôpital) dès que les interrogatoires (qui pouvaient durer soit quelques semaines ou dans les cas les plus complexes, une année[25]) étaient achevés. Cette autre détention, quant à elle, pouvait durer plusieurs années. D’autres fripons étaient maintenus enfermés tant que le gouverneur n’avait pas la preuve de leur imposture, ou plutôt la certitude de leur faux talent. En effet, lorsqu’un homme était enfermé parce qu’il prétendait détenir le secret de la pierre philosophale, le même rituel se mettait en place. Il lui était fourni de quoi travailler et l’on attendait d’avoir la preuve qu’il ne savait pas changer le plomb en or. Le roi voulait à chaque fois s’assurer que l’opération était bien impossible : « Comme cette affaire paraît mériter attention, quoiqu’on soit ordinairement, ou pour mieux dire toujours, trompés dans celle de pareille nature, il semble cependant nécessaire de vérifier ce qui en est[26]. »

La Bastille étant une prison d’état, c’était le roi qui payait les frais de détention de ses prisonniers. Ainsi, il fallait valoir la dépense que l’on faisait faire au souverain[27]. Ce ne fut pas le cas des deux escrocs Taussin père et fils embastillés en 1701. Proxénètes, prêteurs sur gage à grosse usure, ces deux hommes falsifiaient des lettres de change et soutiraient de l’argent à des parents qui pensaient, en toute bonne foi, le donner à leurs enfants. Bien que l’exempt Savery[28] reconnût que ces deux personnages étaient « les deux plus grands poisons qui soient à Paris, ne vivant que d’industrie et de filouterie[29] », ils furent relâchés rapidement. Si l’on compare leur cas avec celui de Du Hautoy enfermé la même année, une nette différence apparaît. Cet homme falsifiait également des lettres de change, faisait de faux papiers, mais ces derniers étaient en rapport direct avec l’Électeur palatin[30]. Au lieu de tromper les gens du peuple, il trompait les grands, les très grands, ce qui inquiétait manifestement l’autorité. Bien que Du Hautoy fût atteint d’une fistule à l’anus, mal qui augmentait les frais de son incarcération, on ne le relâcha pas pour autant. Puisque tous les papiers qu’il avait falsifiés n’étaient pas encore récupérés et donc que son porteur n’était pas neutralisé, il resterait à la Bastille quoiqu’il en coûte : « M. Du Hautoy ne peut pas encore être mis en liberté, et si son mal le presse, il faut le faire traiter à la B. avec le plus de soin qu’il se pourra[31]. » Le cas de Du Hautoy se rapproche de celui de Benciolini, qui, étant « assurément un imposteur des plus dangereux qui a affronté en plusieurs endroits des hommes considérables[32] », ne fut chassé du royaume et reconduit à la frontière qu’en 1715, soit huit ans après son ordre d’entrée à la Bastille. Pour en revenir aux Taussin, nettement moins dangereux pour la haute société, l’exil immédiat ne posa en revanche pas de problèmes : ils furent renvoyés dans leur province[33]. Peu semble importer au lieutenant général de police d’Argenson s’ils écument à nouveau la Gascogne : au moins ce ne sera pas au roi qu’ils porteront préjudice.

Le fripon, produit et miroir de la société

Bien connaître sa proie

Lorsque les officiers racontaient comment les fripons trompaient leurs dupes, c’était en émettant bien souvent une remarque importante[34]. Les fripons connaissaient les désirs et les faiblesses de leurs cibles et s’en servaient pour arriver à leur fin. Les dupes, pour leur part, croyaient que la personne qui leur promettait monts et merveilles leur apporterait ce qu’elles recherchaient : l’amour, un trésor, de l’argent, une réputation, la santé etc. Évoquons le cas de Desbroys, embastillé en 1724 pour sorcellerie : « Il a cru pouvoir se procurer quelques secours en faisant entendre à des personnes faibles et crédules qu’il avait des secrets pour se faire aimer, pour découvrir des trésors cachés, et pour prédire l’avenir, et il a sous ce faux prétexte abusé de leur crédulité, a tiré d’eux de l’argent[35]. » Desbroys arrivait à convaincre ses dupes qu’il avait réponse à tous les besoins, à tous les désirs, même les plus inavouables, et grâce à ce talent, il réussit à en tromper plus d’un. Cette capacité des fripons à deviner l’attente de leur proie a été bien soulignée par l’avocat Nicolas Des Essarts, qui rédigea entre 1786 et 1790 un Dictionnaire universel de Police et dont on peut lire, à l’article « Escrocs, filous, escroqueries et filouteries de toutes espèces », les remarques suivantes :

Les Filous n’ont pas étudié le cœur humain comme les Philosophes, pour en tirer des règles de conduite & de morale ; ils pénètrent tous ses replis pour en connoître les foiblesses, & pour en tirer profit. L’un aspirant à se faire une fortune brillante aux dépens des sots de toutes les conditions & de tous les rangs, réfléchit sur les habitudes attachées, pour ainsi dire, à chaque état. Lorsqu’il a découvert les passions ordinaires qui agitent un individu de telle classe, il l’attaque par l’endroit foible qu’il a apperçu. L’amour-propre flatté, caressé & exalté, est un des moyens que les Filous de la grande espèce emploient constamment […] Souples, adroits à saisir toutes les nuances qui s’offrent à leurs yeux perçans, ils ne négligent rien pour connoître les préjugés & les goûts des personnes qu’ils veulent subjuguer[36].

Ce portrait, qui laisse percer une certaine fascination, insiste à juste titre sur le talent que montraient les fripons, mentalistes et psychologues avant la lettre, en s’adaptant aux règles qui régissaient les différentes conditions sociales et en tirant profit des faiblesses qui leur étaient propres. Savoir s’adapter aux dupes permettait de tromper efficacement. Évoquant les faux sorciers, Ulrike Krampl émet à ce sujet une remarque très pertinente : « L’art de séduire, de faire espérer autrui par des promesses, révèle une vraie compétence à diriger, certes à une échelle très restreinte et localisée, les âmes et les corps des contemporains en donnant discrètement du sens aux aléas de la vie[37]. » Mais les fripons ne se contentaient pas de bien cerner le cœur humain. Ils connaissaient aussi remarquablement le fonctionnement de leur société, dont ils exploitaient les codes de conduite mais aussi les failles pour s’y faire une place et, in fine, mieux abuser leurs proies.

L’habit fait le moine : une société d’apparence qui facilite le travail du fripon

Un des grands talents des fripons consistait en leur capacité d’analyser finement et précisément la société dans laquelle ils vivaient. Connaissant bien ses particularités et ses failles, ils se servaient de ce savoir pour s’y fondre parfaitement et s’y adapter en fonction du lieu et de la compagnie qui les entourait. À cet égard, les archives de la Bastille se montrent fort éloquentes. Les dupes regroupaient des catégories de personnes assez semblables en fonction du crime du fripon. Prenons l’exemple des sorciers. Ces derniers visaient principalement des dupes faciles[38], prises dans un panel de personnes simples et peu éduquées : « on a trouvé chez Tirmont plusieurs livres et caractères et d’inventions diaboliques, dont tout l’effet consiste à profiter de la simplicité de quelques dupes[39] ». Parfois, le bouche à oreille amplifiait la réputation des fripons et jouait en leur faveur, comme ce fut le cas de ce charlatan enfermé en 1703, nommé Lully. Ce personnage avait non seulement identifié les désirs des gens, mais a également pu profiter de sa réputation naissante et grandissante, comme nous l’explique l’exempt Loir :

J’ai découvert ici, depuis quelques jours, un charlatan ridicule, qui prétend avoir des secrets merveilleux pour satisfaire les passions ou pour les guérir ; il prétend, dit-il, que la force de ses remèdes pénètre jusqu’à l’âme, qu’il sait radoucir les tempéraments les plus féroces, amortir la colère, exciter la haine ou l’amour ; il débite pour cela des poudres qui ne sentent que le pur brûlé ; mais il ne laisse pas d’en faire un assez grand débit, car il se forme beaucoup plus de nouvelles dupes qu’on n’en voit d’anciennes se détromper ; ainsi avant que chacun ait fait son expérience, et qu’un fripon soit connu pour ce qu’il est, il a fait à Paris beaucoup de mal[40].

L’officier reconnut que malgré son caractère quelque peu ridicule, Lully avait été redoutablement efficace ! Tromper les personnes de la haute société, souvent beaucoup moins naïves et crédules, était une gageure encore plus ambitieuse pour les fripons qui devaient alors redoubler d’efforts et d’imagination pour parvenir à leurs fins. En 1705, fut enfermé, après plus d’un an de fuite, un certain Doucelin d’Albaterre, qui s’était fait passer pour l’héritier de la couronne de Castille. Ce curieux personnage ne manqua pas de forcer le lieutenant général de police d’Argenson à une certaine reconnaissance de ses capacités imaginatives : « Des volumes entiers ne suffiraient pas, s’il fallait rapporter toutes ses extravagances[41]. » L’aventurier Blaud, se faisant appeler alternativement chevalier de Bon ou de Saint-Luc, ou encore Blaud, Seneuve, Couprie, Melfort, inspire la même fascination en 1741. Ce caméléon « qui a de l’esprit et qui débite bien son discours[42] » a réussi à escroquer beaucoup de monde en se faisant inviter et prêter de l’argent par « tous ceux qu’il pouvait séduire[43] ». Le lieutenant général de police, Claude Henry Feydeau de Marville, le regardait comme « un misérable dont la vie paraît être un tissu de crimes et de friponneries[44] ». Derrière ces mots sévères, perce néanmoins un soupçon d’admiration : « il paraît être un maître fripon[45] », qui a été l’auteur d’une « infinité d’impostures[46] ». En bref, ce fripon était « un des plus hardis que la terre souffre[47] ». Ceux qui prétendaient détenir le secret de la pierre philosophale eurent droit, eux aussi, à ce même respect à peine voilé. Ceux-ci, nous l’avons vu, réussissaient à abuser pour un temps le roi et la police. En 1711, un certain Troin fut embastillé pour ce crime. C’est toute une province que ce dernier aurait fait plonger dans ses filets comme le décrit le lieutenant-général de Provence, François de Grignan, qui « souhaitait tirer de l’erreur la contrée de Provence où il joue ce personnage[48] ». Troin en était même venu à tromper l’évêque de Senez. Lorsqu’il décéda à la Bastille, l’autorité fut déçue de n’avoir pu réussir à prouver son imposture : « La mort naturelle ou précipitée du malheureux fait, ce me semble, assez connaître que c’était un insigne fripon qui a mieux aimé mourir que de révéler le secret de ses friponneries[49]. » Sa disparition engendra un soulagement général, mêlé de regrets : « Enfin il ne trompera plus personne, et il aurait été seulement à désirer qu’il eût détrompé avant sa mort ceux dont il avait fasciné les yeux et séduit la crédulité[50]. » Puisque la police ne put prouver son imposture avant son trépas, ceux qui avaient cru en ses capacités persistèrent à croire en ses talents. La tromperie de hauts personnages par les fripons n’était pas, par ailleurs, sans provoquer un certain malaise. En effet, comme l’a relevé Ulrike Krampl, l’on n’osait pas traiter ces dupes renommées de la même manière que des dupes anonymes : « L’embarras devant l’implication de personnages haut placés se fait sentir aussi bien dans les affaires instruites que dans les directions des autorités[51] ».

Comme l’a bien souligné Daniel Roche, la société des Lumières était une société d’apparence, ou les codes sociaux se retrouvaient dans l’habillement et la façon de se comporter[52]. Même si certaines conceptions peuvent nous paraître aujourd’hui étonnantes voire farfelues, les hommes et les femmes du XVIIIe siècle appréhendaient la personnalité des gens avant tout sous cet angle. Benoît Garnot analyse les idées reçues sur les criminels en ces termes : « Les délinquants sont perçus par la plus grande partie de la population de manière stéréotypée […] on attribue fréquemment aux délinquants des caractères physiques qui les démarquent de la bonne société de leur temps, leur ignominie étant visible jusque dans leur apparence et inscrite dans leur chair comme la marque du Diable[53]. » Est-il besoin de rajouter que ces a priori sont évidemment faux : « Ces conceptions révèlent des peurs sociales, mais ne correspondent pas à la réalité de la population délinquante[54]. » En ce qui concerne les fripons, c’était même l’opposé qui s’imposait aux yeux de leurs contemporains, puisque ces imposteurs faisaient tout pour se fondre dans le milieu dans lequel ils cherchaient à faire des dupes et c’est ainsi que cette société d’apparence les servait de manière tout à fait providentielle. Ils prenaient tantôt des atours de comtes, de marquis, de ducs et même de rois. Le portrait qu’a brossé Catherine Samet du fripon insiste sur cette remarquable faculté d’adaptation : « Il sait jouer de tous les titres, de toutes les personnalités, de tous les costumes. La mise en scène n’a pas de mystère pour lui. C’est un excellent acteur. Il aime tromper […] [il] est un ‘‘animal social’’. Il est séducteur, stratège, politique et économiste[55]. »

Pour commettre ses méfaits, le fripon changeait non seulement d’apparence mais également de nom. Les archives de la Bastille nous apprennent à ce sujet que chaque fripon pouvait faire usage de nombreux patronymes, qu’il choisissait en fonction des milieux qu’il voulait infiltrer. Vincent Denis nous explique cette importance du nom :

Dans ces stratégies de reconnaissance, l’usage du nom et du titre mérite une attention particulière […] Le nom constitue le premier élément de l’imposteur, mais son premier capital également, puisqu’il s’agit de le faire accepter ou de le faire fructifier : par le nom, on espère gagner la reconnaissance, l’argent, les honneurs auxquels on prétend. Aussi l’imposteur, peut-être avant même d’être une silhouette avenante, est-il un nom. Il n’est jamais anonyme […] Il y a dans la prolixité à se nommer et à se faire nommer, une dimension performative essentielle[56].

Les fripons nous apprennent beaucoup de leur société, dont ils constituent de vrais miroirs puisqu’ils en reflètent à eux seuls les règles de conduite et les faiblesses. Ce constat est à rapprocher de l’analyse de l’imposteur contemporain faite par Roland Gori, professeur de psychopathologie. À ses yeux, l’imposteur est une « véritable éponge vivante[57]», ce qui fait de lui un caméléon redoutable. « Par ses emprunts aux couleurs de l’environnement » remarque-t-il, « l’imposteur témoigne d’une exceptionnelle « adaptation à la réalité » […] C’est le prototype de l’adaptation et de l’habileté sociale, le sujet idéal des façonneurs de comportements[58]. » Il va de soi que, pour certains observateurs, cette grande capacité d’adaptation des fripons les rend d’autant plus dangereux.

Le bouleversement de l’ordre social engendré par la friponnerie

Les fripons faisaient planer sur la société d’Ancien Régime une menace subtile mais bien réelle. Nous l’avons vu pour le cas de Benciolini : le lieutenant général de police d’Argenson parlait d’un homme des plus dangereux[59]. Pourquoi un individu qui ne faisait qu’escroquer de l’argent était-il à ce point un danger pour la société dans laquelle il vivait de ses friponneries ? Suivons la piste que nous ouvre Pierre Deyon : c’est l’estimation même du danger qui influence les lois. Plus le risque est grand, plus la loi sera rigoureuse : c’est « l’appréciation du risque couru par la société bien plus que le degré de responsabilité et de conscience du délinquant qui inspire la législation royale et la jurisprudence des tribunaux […] le vol est puni moins en fonction des motifs du voleur et des dommages infligés à la victime qu’en fonction du danger ressenti par le corps social dans ses hiérarchies et ses institutions[60] ». À ce titre, Catherine Samet met en lumière un fait important : « L’abus de fausses qualités est, évidemment, particulièrement mal toléré par la société d’Ancien Régime. D’abord parce qu’il remet en cause la sécurité des signatures et des contrats du système économique, mais aussi parce qu’il porte atteinte à l’honneur et, de façon générale, aux personnes. D’autant que les noblesses ‘‘natives’’ retrouvent, à l’époque de Louis XV, une certaine influence[61]. » Nous l’avons vu, les principales armes des fripons étaient leurs fausses identités et leurs fausses apparences. Se faire passer pour quelqu’un d’autre, et surtout pour un noble, entachait la véritable noblesse et portait atteinte à son honneur, vertu cardinale du second ordre. Il n’était donc pas anodin, même si cela était très répandu, de se faire passer pour ce qu’on n’était pas[62]. Les fripons créèrent une faille dans le pilier qu’était la noblesse, et, partant, dans la société d’ordres et de corps.

De la même manière, l’enrichissement facile et parfois fulgurant des fripons ne pouvait que perturber la société. Ulrike Krampl insiste sur ce danger : « Dans une société fortement hiérarchisée, faire fortune a des conséquences sociopolitiques […] l’enrichissement, par sa capacité à modifier l’assise sociale d’une personne, interfère dans l’équilibre des tensions qui organisent la société[63]. » Lorsqu’on ne possédait ni nom ni titre, une soudaine ascension pécuniaire était difficilement admise par les contemporains. Or, l’argent était un élément essentiel et déterminant dans toute friponnerie. C’était même le ressort primordial.

Un regard ambigu sur la friponnerie

Les fripons, les dupes et l’argent : un triangle amoureux

Peu importe le biais ou le chemin, il semble que la quête de tout fripon soit l’argent. Tout tournait autour de lui : il fallait se faire un nom pour pouvoir se faire recevoir, se faire entretenir pour économiser quelques dépenses et surtout, soutirer des richesses à des dupes prestigieuses ou totalement anonymes. À cet égard, les archives de la Bastille nous montrent que les femmes qui commettaient des actes de friponnerie étaient animées par ce même désir. C’est le cas de la veuve Bougie, qui, en 1753, soutira 10 380 livres à un correcteur de compte[64]. Il faut également mentionner Marie Élisabeth Charlotte Valérie de Bruls, une aventurière enfermée à la Bastille en 1761. Autrichienne, fille d’un perruquier, elle s’est enfuie de son pays pour rejoindre Paris travestie en homme. Le fil de ses mensonges et de ses travestissements s’avère difficile à suivre tant l’intéressée se montre intarissable sur ce chapitre. Ses prétendues identités furent multiples : fille d’un capitaine des gardes de la reine de Hongrie, filleule du prince Charles de Lorraine et de la princesse Charlotte, abbesse de Remiremont, veuve d’un comte de Bruls officier suisse au régiment de Vigé ou encore épouse de Favier du Tilleul. Elle multiplia l’emprunt de noms : Likinda, veuve Vasser, comtesse d’Herchond, ou encore milady Mantz. Tous ces stratagèmes n’étaient déployés que pour une finalité : l’argent. Et avec succès. Elle fut entretenue par Turin, contrôleur des guerres en Champagne, par la comtesse du Rumain, qui lui loua elle-même un appartement à l’hôtel de l’Impératrice, puis elle escroqua entre 20 000 et 25 000 livres à un joaillier. Elle réussit également à duper la comtesse de Choiseul-Meuse et l’ambassadrice de l’Empereur[65] à qui elle soutira également des espèces et des diamants. C’est une « femme extraordinaire[66] », ne pouvait s’empêcher de s’exclamer l’inspecteur Buhot. Son cas prouve, si besoin était, que les femmes étaient elles aussi capables de friponner et qu’elles subjuguaient tout autant que leurs congénères masculins, d’autant qu’on ne s’attendait pas toujours à ce qu’elles soient capables d’escroquerie.

La cupidité n’était pas l’apanage des seuls fripons et friponnes. C’est ce même appétit pour les richesses qui fait tomber bien souvent les dupes dans le piège qui leur est tendu. Cela est tout à fait significatif dans les cas d’escroquerie pour sorcellerie. Les gens étaient prêts à rétribuer une personne pour obtenir une information sur un trésor ou sur la manière de faire fortune. Comme le souligne Ulrike Krampl, si « l’enrichissement constitue le principal objet que visent les magies des faux sorciers […] les paroles prometteuses tombent rarement dans le vide car le désir de fortune semble avoir saisi la société tout entière[67]. » Il est donc intéressant de relever que ce qui rapproche la dupe de son dupeur réside dans un but similaire : « En dépit des différences de statut social, les faux sorciers partagent pleinement l’intérêt de leurs clients : réussir et s’enrichir[68]. » Imprégnée du catholicisme, la société d’Ancien Régime réprimait fortement cette soif d’argent et regardait ce penchant d’une manière extrêmement défavorable. Ulrike Krampl nous décrit ainsi le cas d’un chimiste qui fit fortune en très peu de temps et qui affichait son amour pour les richesses. Il fut décrié par tout son entourage et son attitude fut jugée inadmissible[69]. Aimer l’argent ouvertement était source de déshonneur.

L’honneur en jeu

Afin que les gains de son imposture soient les plus importants possible, le fripon devait privilégier des dupes issues du milieu où l’argent était le plus abondant et le plus facilement dépensé : la haute société. Or, dans ce milieu, il existait une valeur primordiale : l’honneur. Suivons Benoît Garnot dans sa définition de ce qu’était l’honneur au XVIIIe siècle :

L’honneur implique à la fois le respect que l’on doit à un homme ou à une femme en fonction de son statut, et les qualités qui justifient ce respect, particulièrement le courage, la droiture et la fidélité à la parole donnée dans le cas des hommes, et dans le cas des femmes la pudeur, la virginité avant le mariage et la fidélité ensuite, pour que soit préservée la pureté de sang du lignage. Les Gens sont honorés parce qu’ils sont honorables, et ils sont honorables parce qu’ils sont honorés (A. Jouanna) […] L’honneur est une composante essentielle de la personnalité sociale, sans doute même la première, et il est essentiel de le conserver et de le défendre, la perte de l’honneur constituant la pire des déchéances[70].

Il était capital pour un fripon voulant s’infiltrer dans la haute société de passer pour une personne honorable, c’est-à-dire une personne que l’on pouvait recevoir chez soi, à qui l’on pouvait faire confiance et prêter de l’argent sans crainte. Sa parole, comme celle de tout gentilhomme, devenait alors à elle seule un gage de confiance et de respectabilité. Ainsi, l’identité usurpée ou inventée, qui permettait de jouir en toute tranquillité des bienfaits de l’honneur, devait être accompagnée d’une apparence digne de cette honorabilité. Pour comprendre l’importance du comportement de l’imposteur qui souhaitait se fondre dans les apparences nobiliaires, examinons le cas d’un dénommé Roger, emprisonné à la Bastille en 1767. Roger était un soldat du régiment d’infanterie du Dauphiné qui se fit passer pour le fils de Mme de Flavacourt à qui il écrivait régulièrement. Importunée par ces lettres, celle-ci écrivit à Antoine de Sartine, lieutenant général de police, pour se débarrasser de cet homme encombrant en demandant une lettre de cachet. Il fut ainsi embastillé. Lorsque l’on étudie son cas, on observe que Roger commit deux erreurs qui empêchèrent son imposture de réussir et qui, in fine, lui furent fatales. Tout d’abord, la biographie qu’il mettait en avant correspondait mal à l’identité qu’il avait usurpée. En effet, il se voyait régulièrement contraint d’en modifier certains détails dans la mesure où il ne s’était pas suffisamment documenté sur la famille dont il se prétendait issu. En second lieu, son comportement était loin d’être celui d’une personne de haut rang comme le remarqua, à l’occasion de son emprisonnement, le commissaire Rochebrune : « Je ne dirai point qu’il est fou, mais je le trouve méchant, violent, emporté, grossier et sans éducation, et rien n’annonce qu’il soit même d’une naissance bourgeoise, n’ayant ni politesse, ni connaissance du français[71]. » Roger finit même par exaspérer les autres prisonniers au point qu’ils firent usage d’une grande violence à son égard : « Tous les prisonniers de la salle se sont ameutés, et ils étaient déterminés de le lapider cette nuit […] ce matin on n’a pu les contenir, ils ont exécuté leur dessein ; en sorte qu’ils l’ont beaucoup maltraité[72]. » Cet escroc médiocre ne s’en remit pas et mourut de ses blessures[73]. Le fripon se devait donc de rentrer corps et âme dans son personnage pour que son imposture puisse réussir. Le traitement brutal infligé à Roger s’explique aisément dans la mesure où il a abusé de fausses qualités et a prétendu être quelqu’un d’honorable, alors qu’il n’en avait ni l’apparence ni le comportement. Cependant, l’honneur ne concerne pas que l’imposteur. Il concerne aussi la dupe.

Les imposteurs étaient enfermés à la Bastille après l’envoi d’une lettre de cachet. Celle-ci était souvent réclamée par des particuliers, comme nous venons de le voir, qui demandaient l’emprisonnement d’une personne pour différentes raisons[74]. Vincent Denis nous dit ceci à propos des imposteurs : « La fréquence des lettres au lieutenant général de police, et inversement la rareté des témoignages directs, montrent dans ces affaires la volonté de mettre à distance les victimes et l’imposteur, comme si leur association était vécue comme une véritable souillure. À plusieurs reprises, des poursuites semblent avoir été abandonnées par honte du scandale[75]. » Mais quel était vraiment le motif du scandale ? Ce qui était vraiment honteux et déshonorant, c’était de ne pas avoir été plus astucieux que l’imposteur, d’être tombé dans ses filets et de se voir contraint d’avouer à tous d’avoir été dupé. Relevant le rapport entre honneur et duperie, Ulrike Krampl estime que ces deux notions s’avèrent totalement incompatibles : « S’avouer dupe revient à avouer une faiblesse sociale, aveu d’impuissance qui met en jeu l’honneur, ressource sociale de premier ordre[76]. » La seule chose qui pousserait une dupe à parler, c’est l’argent. Seul lui se montrerait plus fort que l’honneur : « En dépit du risque de mettre en jeu leur réputation, les ‘‘dupes’’ privilégient le fait qu’elles ont été dépossédées d’importantes sommes d’argent. N’avoir plus rien à perdre peut amener à parler[77]. » Elles sont d’autant plus honteuses qu’elles perdent sur tous les tableaux, à la fois leur argent et leur honneur, alors que celui qui leur a tout ravi subit pour sa part une punition qui n’en est pas forcément une. En effet, la Bastille posséderait le pouvoir de métamorphoser positivement ses hôtes, comme le souligne Monique Cottret : « La Bastille ne terrorise plus ; un court séjour donne en quelque sorte un certificat d’honorabilité[78]. » Tandis qu’un passage à la Bastille pour un fripon ne signifiait nullement la fin de sa carrière, les dupes voyaient, quant à elles, leur réputation durablement entachée. La police éprouvait beaucoup de peine à dissimuler son embarras devant l’implication des grands personnages victimes d’une tromperie[79]. Le vrai gagnant restait donc l’imposteur, qui pouvait se targuer d’avoir été le plus rusé et d’avoir prouvé à tous ses talents. Le fait est d’autant plus avéré, comme nous allons le voir, lorsqu’il s’agit d’une friponnerie partie du sommet de l’État.

La friponnerie pardonnée ? Le cas fascinant de La Jonchère

Lors du jugement des cas d’escroquerie, la question de l’exemption pouvait se poser. En effet, dans le cas des individus mineurs, on se demandait s’il ne convenait pas de les juger irresponsables de leurs actes. De la même manière, lors du jugement des personnes âgées, voire très âgées[80] on pouvait s’interroger sur leur éventuelle sénilité. Mais à la suite des 477 jugements pour escroquerie qui ont eu lieu au XVIIIe siècle, aucun accusé ne fut exempté pour ces motifs[81]. Les magistrats leur reconnaissaient en effet de telles facultés intellectuelles, qu’ils ne leur accordaient jamais la moindre décharge de responsabilité. Comme le souligne Catherine Samet, « les manœuvres nécessitent une vivacité d’esprit qui caractérise à la fois l’intention coupable et également une certaine capacité[82]. » La justice d’Ancien Régime semblait donc ne pas mettre en doute l’intelligence des fripons qu’elle jugeait et semblait même éprouver une certaine fascination à leur égard. Et, de la fascination au pardon, le pas est d’autant plus aisément franchi que le rang social du fripon est élevé.

En 1723, un cas très particulier se présenta au lieutenant général de police Marc Pierre de Voyer de Paulmy d’Argenson. Le 24 mai, Gérard Michel de La Jonchère est emprisonné à la Bastille. Il était trésorier de l’extraordinaire des guerres, placé sous la responsabilité du secrétaire d’État de la Guerre, Claude Le Blanc. Albert Babeau, qui a publié le journal de captivité de La Jonchère, nous éclaire sur le fonctionnement très particulier de l’extraordinaire des guerres. C’était en effet :

Une institution qui fonctionnait en dehors des règles normales. Elle s’alimentait, en temps de guerre, par des contributions levées sur l’ennemi, en temps de paix, par des revenants-bons et des épargnes de divers genres. Les trésoriers n’étaient pas astreints à rendre leurs comptes annuellement ; ils pouvaient retenir les deniers, les appliquer à leurs affaires, et les ministres, par un usage abusif, leur délivraient des ordonnances d’ajournement de compte lorsqu’ils étaient débiteurs de deux ou trois millions[83].

Pour un individu peu scrupuleux, il va sans dire qu’une telle charge était une aubaine. Les sources concernant l’affaire La Jonchère montrent qu’il en profita pleinement. Le trésorier fit fortune en très peu de temps et il acquit un hôtel rue Saint Honoré, dans lequel trônait son portrait peint par Hyacinthe Rigaud. Cette soudaine ascension financière éveilla les soupçons des frères Pâris[84]qui ouvrirent une enquête et s’appliquèrent à examiner méticuleusement les comptes du trésorier. Ils purent ainsi démontrer qu’ « il avait distribué en billets la solde des officiers, pour le paiement de laquelle il avait reçu des espèces ; cette opération illicite lui aurait procuré des bénéfices illicites évalués à douze ou treize millions[85]. » Non seulement La Jonchère profita du non suivi strict des comptes, mais il se servit également des billets du système de Law pour engranger encore plus de liquidités. On comprend mieux comment il a pu rassembler une telle fortune en si peu de temps. L’affaire fit grand bruit à Paris : Edmond Barbier et Mathieu Marais ne manquèrent pas de mentionner cette surprenante affaire dans leur journal[86]. La Jonchère fut en toute logique emprisonné à la Bastille, avec le confort et les avantages que lui garantissait son rang. Il eut le privilège d’avoir en sa compagnie son serviteur, Lorange, ainsi que de quoi lire, écrire et meubler sa cellule selon ses goûts. Au bout de quatorze mois d’embastillement, il fut finalement libéré, mais déclaré par un arrêt de la Chambre de l’Arsenal « incapable désormais de tenir ni posséder aucune charge de finance et le condamnait par corps à porter au trésor royal la somme de 1 381 688 livres en espèces sonnantes[87] ». Le trésorier ne fut pas la seule personne inculpée dans cette affaire. Suspecté de malversation, le secrétaire d’État de la Guerre, Le Blanc, fut finalement acquitté grâce aux soutiens hauts placés dont il bénéficiait. Le comte de Belle-Isle, petit-fils de Nicolas Fouquet, le célèbre surintendant de Louis XIV, fit à son tour un séjour à la Bastille de plusieurs mois. En revanche, il ne fut pas acquitté comme Le Blanc, mais condamné à restituer 600 000 livres. Nous pourrions croire que ces individus peu consciencieux, ayant porté préjudice à l’honneur de l’État, aient vu leur carrière s’arrêter à ce stade. Mais il n’en est rien. Le Blanc fut à nouveau secrétaire d’État de la guerre deux ans après l’affaire. Le comte de Belle-Isle devint Maréchal de France en 1741, fut nommé duc et pair de France en 1748, ministre d’État en 1750 puis secrétaire d’État de la Guerre en 1758[88]. La Jonchère fut pour sa part promu trésorier de l’ordre royal de Saint-Louis[89] ce qui lui donnait le titre de commandeur et lui octroyait 3 000 à 4 000 livres de pension. Tout ceci passait bien sûr outre sa condamnation à ne plus être en charge du moindre compte. Bien qu’exceptionnelle par le rang social des personnages impliqués, l’affaire n’en reste pas moins éclairante sur le regard porté en haut lieu sur la friponnerie, qu’elle soit issue du ruisseau ou qu’elle prenne naissance dans les ors versaillais. Quel que soit leur crime, les fripons suscitent une perplexité mêlée d’admiration. Plus la dupe est importante, plus la friponnerie devient un exploit digne d’être célébré. Or, existe-t-il dans la société d’Ancien Régime une dupe plus prestigieuse que la monarchie ?

Conclusion

Les archives de la Bastille sont une source précieuse pour étudier les fripons et la friponnerie, phénomène qui, nous l’avons souligné, affecte toutes les strates de la société, des plus humbles, aux plus hautes sphères, et s’en prend à toutes sortes de dupes, des plus anodines aux plus prestigieuses et controversées. L’étude de ces surprenants personnages révèle aussi beaucoup des mentalités des contemporains. Ils fascinaient souvent plus qu’ils n’étaient décriés. Cette admiration, il est vrai, s’exprime la plupart du temps avec circonspection. Certaines précautions de langage prennent alors tout leur sens. Le recours fréquent à des mots à double-sens atteste du magnétisme exercé par ces « insignes fripons », expression qui parcourt nos sources, sur une France partagée entre réprobation et compréhension. En effet, la police n’est pas la seule à donner son opinion sur ces personnages : nous croisons leur chemin dans les pièces de théâtre, les traités, les romans, les correspondances, et l’iconographie. Ils semblent être omniprésents et une étude plus profonde est indispensable pour mieux cerner l’importance de ces individus et ce qu’ils ont à révéler de la société dont ils sont issus. C’est pourquoi cette analyse n’est que le commencement d’un travail bien plus vaste faisant l’objet d’une recherche doctorale en cours[90].


[1] Académie française, Dictionnaire de l’Académie française, 4e édition, Paris, Veuve Brunet, 1762. Consultable en ligne : http://artfl.atilf.fr/dictionnaires/ACADEMIE/QUATRIEME/quatrieme.fr.html

[2] Académie française, Dictionnaire de l’Académie française, 5e éd., Paris, Veuve Brunet, 1798.

[3] Au XVIIIe siècle, un crime est une action méchante et punissable par les loix, tandis qu’un délit est un crime commis par un ecclésiastiqueDictionnaire de l’Académie française, 5e éd., op cit.

[4] François Ravaisson, Archives de la Bastille: documents inédits, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866.

[5] Il s’agit de la fin du règne de Louis XIV, où nous retrouvons encore beaucoup de cas de sorcellerie, crime toujours regardé avec beaucoup de suspicion, voire d’angoisse, à la suite de l’affaire des poisons (1679-1682) et nous nous sommes arrêtés avant la Révolution, puisque la Bastille ne comptait à cette période plus que quelques prisonniers.

[6] Ravaisson n’a pas retranscrit la totalité des archives disponibles et les motifs d’embastillement qu’il décrit ne correspondent pas toujours à la réalité des chefs d’accusations. Il faut pour cela se reporter aux archives manuscrites.

[7] Frantz Funck-Brentano, Légendes et archives de la Bastille, Paris, Hachette, 1935 ; Monique Cottret, La Bastille à prendre : histoire et mythe de la forteresse royale, 1re éd., Paris, Presses universitaires de France, coll. « Histoires », 1986 ; Claude Quétel, L’histoire véritable de la Bastille, Paris, Tallandier, 2013.

[8] Ulrike Krampl, Les secrets des faux sorciers: police, magie et escroquerie à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, coll.« Collection En temps & lieux », n˚ 31, 2011 ; Vincent Denis, « Imposteurs et policiers au siècle des Lumières », Politix, 74, janvier 2009, p. 11‑30 ; Catherine Samet, Naissance de l’escroquerie moderne du XVIIIe au début du XIXe siècle: la naissance de la notion d’escroquerie d’après la jurisprudence du Châtelet et de parlement de Paris durant le siècle de Louis XV (1700-1790), Paris, France, L’Harmattan, coll.« Logiques juridiques », 2005.

[9] Il s’agit des lieutenants généraux de police, des commissaires et des exempts (voir note 28).

[10] Paolo Napoli, Naissance de la police moderne : pouvoir, normes, société, Paris, Éd. la découverte, coll.« Armillaire », 2003 ; Catherine Denys, Brigitte Marin et Vincent Milliot, Réformer la police: les mémoires policiers en Europe au XVIIIe siècle, Rennes, PUR, 2009 ; Nicolas Vidoni, La police des Lumières, Paris, Perrin, 2018.

[11] Jean-Pierre Royer, Histoire de la Justice en France, du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, PUF, 2010 ; Catherine Samet, Naissance de l’escroquerie moderne…, op. cit. Pour une histoire de la police et de la justice, voir également la bibliographie d’Arlette Lebigre et de Benoît Garnot.

[12] François Ravaisson, Archives de la Bastille: documents inédits., vol. 11, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866, p. 405.

[13] Catherine Samet, Naissance de l’escroquerie moderne…, op. cit., p. 32‑33.

[14] François Ravaisson, Archives de la Bastille…, op. cit. vol. 11, p. 407.

[15] Ibidem p.409.

[16] Tous ces crimes ont été pratiqués par des hommes et par des femmes, sauf les cas concernant la pierre philosophale où seuls des hommes ont été embastillés pour ce motif.

[17] Voir note 7.

[18] Monique Cottret, La Bastille à prendre…, op. cit., p. 32.

[19] Ibidem p. 32-33.

[20] Odile Roblin, L’alimentation à la prison de la Bastille au XVIIIe siècle : une culture de la table élitaire ? Mémoire de Master 2 « Histoire et cultures de l’alimentation ». Sous la direction de Florent Quellier, Université François Rabelais de Tours, Tours, 2017 p.158.

[21] Ibidem p. 72.

[22] Ibidem p. 75.

[23] Monique Cottret, La Bastille à prendre…, op. cit., p. 32.

[24] La lettre de cachet laisse la décision de la liberté entre les mains des autorités. Il n’y avait donc rien de préétabli à l’avance, c’est pourquoi il existe tant de différences de durée de séjour. Les fripons ne font pas exception. Voir à ce propos Claude Quétel, L’histoire véritable de la Bastille…, op. cit., p. 441‑466.

[25] François Ravaisson, Archives de la Bastille: documents inédits., vol. 10, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866, p. 381‑403.

[26] François Ravaisson, Archives de la Bastille: documents inédits., vol. 13, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866, p. 184.

[27] François Ravaisson, Archives de la Bastille…, op. cit. vol. 10, p. 380.

[28] Officier chargé des arrestations.

[29] François Ravaisson, Archives de la Bastille…, op. cit. vol. 10, p. 377.

[30] Prince germanique faisant partie des sept souverains ayant pour fonction d’élire l’empereur du Saint Empire Romain Germanique.

[31] François Ravaisson, Archives de la Bastille…, op. cit. vol. 10, p. 321.

[32] François Ravaisson, Archives de la Bastille…, op. cit. vol. 11, p. 411.

[33] François Ravaisson, Archives de la Bastille…, op. cit. vol. 10, p. 380.

[34] Surtout pour les affaires de sorcellerie et de pierre philosophale, comme dans le cas Tirmont (Ibidem p. 271), Troin (François Ravaisson, Archives de la Bastille: documents inédits., vol. 12, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866, p. 68., voir partie II/ B/) et celui que nous allons évoquer.

[35] François Ravaisson, Archives de la Bastille…, op. cit. vol. 13, p. 499-500.

[36] Nicolas-Toussaint Des Essarts, Dictionnaire universel de police, contenant l’origine et les progrès de cette partie importante de l’administration civile en France, Paris, Moutard, 1786, vol. 3, p. 537.

[37] Ulrike Krampl, Les secrets des faux sorciers…, op. cit., p. 114.

[38] Ibidem p. 78.

[39] François Ravaisson, Archives de la Bastille…, op. cit. vol. 10, p. 271.

[40] François Ravaisson, Archives de la Bastille…, op. cit. vol. 11, p. 164.

[41] Ibidem p. 243.

[42] François Ravaisson, Archives de la Bastille: documents inédits., vol. 15, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866, p. 118.

[43] Ibidem p. 124.

[44] Ibidem p. 126.

[45] Ibidem p. 125.

[46] Idem.

[47] Idem.

[48] François Ravaisson, Archives de la Bastille…, op. cit. vol. 12, p. 53.

[49] Ibidem p. 67.

[50] Ibidem p. 68.

[51] Ulrike Krampl, Les secrets des faux sorciers…, op. cit. p. 108.

[52] Daniel Roche, La Culture des apparences. Une histoire du vêtement (XVIIe-XVIIIe siècle), Paris, Fayard, 1990.

[53] Benoît Garnot, Crime et justice aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Imago, 2000 p. 77.

[54] Idem.

[55] Catherine Samet, Naissance de l’escroquerie moderne…, op. cit. p. 309.

[56] Vincent Denis, « Imposteurs et policiers au siècle des Lumières »…, op. cit., p. 15‑16.

[57] Roland Gori, La fabrique des imposteurs : essai, Arles, Actes Sud éditions., coll. « Babel », 2015 p. 13.

[58] Idem.

[59] François Ravaisson, Archives de la Bastille…, op. cit. vol. 11, p. 410.

[60] Pierre Deyon, Le Temps des prisons, Paris, Éditions universitaires, coll. « Encyclopédie universitaire », 1975, p. 22.

[61] Catherine Samet, Naissance de l’escroquerie moderne..., op. cit. p. 223.

[62] Ibidem, p. 419.

[63] Ulrike Krampl, Les secrets des faux sorciers…, op. cit. p. 145.

[64] François Ravaisson, Archives de la Bastille: documents inédits., vol. 16, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866, p. 300.

[65] L’empereur du Saint-Empire Romain Germanique n’ayant pas d’envoyée féminine, il doit s’agir de l’épouse de l’ambassadeur alors en poste.

[66] François Ravaisson, Archives de la Bastille: documents inédits., vol.18, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866, p. 153.

[67] Ulrike Krampl, Les secrets des faux sorciers…, op. cit. p. 128.

[68] Ibidem p. 144.

[69] Ibidem p. 147.

[70] Benoît Garnot, Justice et société en France aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Ophrys, coll. « Synthèse histoire », 2000 p. 14.

[71] François Ravaisson, Archives de la Bastille: documents inédits., vol.19, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866, p. 360.

[72] Ibidem p. 374.

[73] Idem.

[74] Telles qu’inconduite, indécence, délinquance, folie présumée, ou même pour empêcher une mésalliance : Claude Quétel, Une légende noire : les lettres de cachet, Paris, Le Grand livre du mois, 2011.

[75] Vincent Denis, « Imposteurs et policiers au siècle des Lumières »…, op. cit. p. 28.

[76] Ulrike Krampl, Les secrets des faux sorciers…, op. cit. p. 64.

[77] Ibidem p. 65.

[78] Monique Cottret, La Bastille à prendre…, op. cit. p. 63.

[79] Voir note 51.

[80] L’escroc le plus âgé qui fut jugé, Alexandre André Maudaire, avait 85 ans. Catherine Samet, Naissance de l’escroquerie moderne..., op. cit. p. 442.

[81] Ibidem p. 445.

[82] Idem.

[83] Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France. Tome XXV. Un Financier à la Bastille sous Louis XV.  Journal de La Jonchère, Paris, H. Champion, 1875 p. 3-4.

[84] Antoine, Claude, Joseph et Jean Pâris étaient tous les quatre financiers. Leur fulgurante ascension leur a permis d’atteindre les plus hautes sphères politiques du royaume.

[85] Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, Mémoires de la Société de l’histoire de Paris… op. cit. p. 4.

[86] Edmond Jean François Barbier, Chronique de la régence et du règne de Louis XV (1718-1763) ou Journal de Barbier, vol.8, Paris, Charpentier, Libraire-éditeur, 1857 ; Mathieu Marais, Journal et mémoires de Mathieu Marais, avocat au Parlement de Paris sur la Régence et le règne de Louis XV (1715-1737), Paris, Firmin Didot frères, 1863.

[87] Ibidem p. 13.

[88] Jean de Viguerie, Histoire et dictionnaire du temps des Lumières, Paris, R. Laffont, coll. « Bouquins », 1995 p. 748.

[89] Ordre de chevalerie créé en 1693 pour récompenser les services rendus à l’armée.

[90] Natacha Rossignol, Fripons et friponnerie dans l’espace européens des Lumières (vers 1680- fin XVIIIe siècle) thèse en cours depuis 2017, sous la direction du professeur Edmond Dziembowski, Université de Bourgogne Franche-Comté.

 

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