Vénus Érycine en Afrique romaine

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Céline Durand

Résumé
L’objectif de cet article est d’étudier la présence et la diffusion du culte de la Vénus dite Érycine en Afrique romaine. Cette épithète topique liée au Mont Éryx en Sicile a tout particulièrement été mise en relation avec le temple de Sicca Veneria, actuelle El Kef en Tunisie, point de départ, selon l’historiographie, de sa diffusion dans le reste des provinces africaines. Pourtant, les éléments à notre disposition tendent à montrer que le culte de l’Érycine n’était pas présent à Sicca Veneria. Une relecture de cet aspect de la déesse dans l’Afrique romaine s’impose donc.

Céline Durand, doctorante en histoire ancienne à Normandie Univ, France ; UNICAEN, CRAHAM ; CNRS, UMR 6273 / Université Paris-Sorbonne Paris IV-UMR 8167 Orient et Méditerranée : « Vénus dans les religions de l’Afrique Romaine (Ier siècle- Ve siècle), sous la direction de Pierre Sineux et Michèle Coltelloni-Trannoy.


Introduction

Après l’inévitable Augusta, Erucina est l’épithète la plus fréquemment utilisée pour qualifier Vénus en Afrique romaine. Cette épithète est liée au mont Éryx, en Sicile, où le temple d’une Aphrodite-Astarté-Vénus est attesté. D’après Diodore de Sicile, ce sanctuaire tiendrait son nom du roi Éryx, fils d’Aphrodite et de Butas. Pendant son règne, ce roi aurait construit un temple pour sa mère sur le plus haut point de la cité[1]. Ce temple et son fonctionnement sont bien connus grâce à plusieurs autres témoignages littéraires[2]. . La déesse y est d’abord vénérée par les Sicanes, peuple autochtone auquel viennent se mêler plus tard des colons élymes et phéniciens. Suite à la conquête de la Sicile par les Carthaginois, ces derniers adoptent la déesse du mont Éryx et l’exportent dans le monde punique sous le nom d’Astarté Érycine[3]. Enfin, en 248 av. J.-C., le sanctuaire passe sous le contrôle des Romains.

Quatre inscriptions mentionnent Venus Erucina en Afrique romaine. Si la première a été retrouvée à Carthage, les autres ont toutes été découvertes à Cirta et dans sa région[4]. Mais, c’est surtout le site de Sicca Veneria, l’actuelle El-Kef en Tunisie, qui a retenu l’attention des observateurs, faisant de cette cité le point de départ de la diffusion du culte de l’Érycine dans l’ensemble de l’Afrique romaine. Pourtant, paradoxalement, aucune inscription retrouvée à Sicca Veneria ne qualifie la déesse d’Erucina et seule l’épithète Concordia est attestée par un document resté inédit[5]. C’est en fait à la suite de deux auteurs antiques, Valère-Maxime au Ier siècle de notre ère et Solin au IIIe siècle, que l’historiographie a majoritairement  identifié la déesse de Sicca Veneria à la déesse Érycine. Ces témoignages ne résistent cependant pas à une analyse approfondie, hypothéquant l’identification couramment admise et imposant une relecture du culte de Vénus Érycine en Afrique romaine. Il convient donc d’essayer de déterminer l’origine de la déesse de Sicca Veneria et de comprendre comment auteurs antiques et modernes ont été amenés à l’identifier à la Vénus du mont Éryx. Puis, dans un second temps, une étude des différentes inscriptions où l’épithète Erucina apparaît doit permettre, dans la mesure du possible, de déterminer les modalités de diffusion de cet aspect du culte de Vénus en Afrique romaine et ainsi redonner à chaque site (Mont Éryx, Sicca Veneria, Carthage, Cirta) sa vraie place.

I – La déesse de Sicca Veneria, fille du mont Éryx ?

En 1981, A. Beschaouch introduisait son article sur Sicca Veneria en soulignant que le nom de la cité évoquait « le souvenir d’une grande déesse, Vénus, comme la vigueur d’un culte où se manifestaient les interférences culturelles entre la Sicile et le monde de Carthage »[6].  Il mettait ainsi clairement en relation le culte de la déesse célébrée dans la cité africaine avec celui du Mont Éryx en Sicile. Nombreux sont en fait les auteurs qui, avant mais aussi après lui, ont qualifié la déesse de Sicca Veneria d’Érycine. Ainsi, G.-C. Picard, repris trente ans plus tard par Z.B. Ben Abdallah, estimait que le culte de Vénus Érycine s’était diffusé en Afrique romaine à partir de la cité du Haut-Tell[7]. Beaucoup plus récemment, H. Hurst[8] qualifiait encore le temple de Sicca Veneria de satellite de celui du Mont Éryx.  À des degrés divers, ces analyses ont été partagées par M. Le Glay, R. Schilling, R. Zucca, C. Bonnet, E. Lipinski, R.E.A. Palmer ou encore A. Cadotte[9].

Une telle unanimité quant à la qualification d’Érycine de la Vénus de Sicca Veneria semble indiquer que les preuves à notre disposition pour soutenir cette hypothèse sont irréfutables. Pourtant, l’historiographie concernant les origines à la fois de la cité et de sa déesse principale montre qu’il n’en est rien. La nature précise de la divinité célébrée à Sicca Veneria est en fait profondément liée à l’histoire de la cité et aux circonstances de sa fondation. Ces dernières peuvent en partie être lues à travers l’histoire de son toponyme, Sicca étant, comme le souligne N. Kallala qui lui a consacré une étude, « l’un des rares noms antiques d’Afrique à avoir subi tant de transformations au cours de l’histoire, en s’enrichissant à chaque fois d’éléments nouveaux ou en se métamorphosant complètement, chaque changement portant en soi une signification particulière et rappelant une étape de l’histoire de la ville et une part de sa culture » [10] . Si l’hypothèse d’une fondation de la cité par les Phéniciens, faisant de Succoth Benoth, déesse de la volupté célébrée en Assyrie, Phénicie et Syrie, la source du nom de la cité et l’ancêtre de Vénus, a été très en vogue jusqu’au XIXe siècle[11],  elle a ensuite laissé place à l’hypothèse de la fondation sicilienne et donc à la parenté entre les deux Vénus. Nous ne reviendrons pas ici sur les arguments excluant la fondation sicilienne de la cité, N. Kallala s’en étant très bien chargé dans son article. Par contre, nous allons nous attacher à réexaminer ce qui concerne tout particulièrement le culte de Vénus.

C’est en fait essentiellement la supposée présence de la pratique des prostitutions sacrées qui a amené à l’identification de la déesse vénérée à Sicca Veneria à la déesse Érycine. En effet, si l’épithète ne figure sur aucun document épigraphique,  elle apparaît en revanche dans un passage de Solin qui affirme que Sicca Veneria aurait été fondée par les Sicules qui y auraient transporté les pratiques religieuses relatives au culte de Vénus Érycine[12]. S’il n’est pas dit ce que sont précisément ces pratiques religieuses, un recoupement avec un autre témoignage de Valère-Maxime, daté du Ier siècle, permet de les identifier : « […] il y a à Sicca un temple de Vénus où les femmes d’âge nubile se rendaient et, en partant de là, elles amassaient l’argent de leur dot au moyen des injures auxquelles leur corps était soumis, décidées à s’engager dans des liens bien honnêtes par le biais de liaisons si déshonorantes » [13].  Nous comprenons dès lors que Sicca Veneria est une fondation sicilienne et que le temple de Vénus qui y est implanté est une succursale de celui du Mont Éryx. Pourtant, la confrontation de ces deux extraits littéraires aux autres sources ne permet pas de valider ces affirmations. En effet, nulle trace sicilienne n’a été retrouvée dans l’onomastique de la cité[14]. Par ailleurs, le rite tel qu’il est décrit ici, ne correspond en rien à celui du mont Éryx. En effet, si, en Sicile, il concerne des esclaves qui ont été consacrées au temple et qui s’adonnent aux relations sexuelles dans son enceinte, il en est tout autrement à Sicca Veneria. Les femmes concernées sont  libres,  en âge de se marier et  ne s’adonnent à cette pratique que de manière temporaire et dans un seul but, celui de se constituer une dot. Nous nous orientons donc vers des formes très différentes de pratiques sexuelles liées aux deux temples. Ce fait ne doit pas nous étonner, tant les témoignages relatifs aux prostitutions liées aux religions antiques montrent des pratiques diverses, qu’il est d’ailleurs souvent difficile de caractériser avec précision[15].  D’ailleurs, S. Benko[16] a émis l’hypothèse selon laquelle Valère-Maxime aurait pu se tromper sur les modalités du rite : les femmes ne se seraient pas prostituées pour se constituer une dot mais pour la déesse. Pour appuyer son argumentation, S. Benko se réfère à un passage d’Hérodote sur l’existence d’une telle pratique à Babylone. Mais c’est oublier que le même auteur antique témoigne d’un rituel similaire à celui de Sicca Veneria en Anatolie occidentale : « car toutes les filles, dans le pays des Lydiens, se livrent à la prostitution : elles y gagnent leur dot, et continuent ce commerce jusqu’à ce qu’elles se marient »[17]. Et à Chypre, selon Pompée Trogue repris par Justin,  « c’était la coutume […] qu’à des jours marqués, les jeunes filles nubiles vinssent sur le rivage de la mer gagner l’argent qui devait les doter, en sacrifiant à Vénus les restes de leur virginité »[18].  Pour ces trois sites, le but de la pratique semble donc bien économique, avec une dimension sociale qui l’emporte sur la dimension religieuse. Il apparaît donc abusif de parler de prostitutions sacrées. Nous parlerions plutôt, suivant les termes employés par J. F. Martos Montiel [19], de « prostitutions prénuptiales » qui seraient une « institution » plus qu’un rite. Et cet acte aurait été placé dans les environs du temple de la déesse du fait de son rôle de divinité de la fécondité[20]. Il apparaît donc nécessaire de ne pas utiliser l’expression de prostitutions sacrées pour qualifier les pratiques décrites par Valère-Maxime. Et quoi qu’il en soit, elles n’ont jamais concernées le culte de Vénus à Sicca Veneria à l’époque romaine. Le rite décrit par  l’auteur du Ier siècle n’a concerné que la ou les déesse(s) qui a/ont précédé la nôtre sur le site. Et ce rite ne s’apparente en rien à celui décrit pour le mont Éryx.

D’autres arguments ont été évoqués pour justifier la filiation entre les sanctuaires du Mont Éryx et de Sicca Veneria, notamment la ressemblance entre les fonctionnements et  personnels des deux temples. En effet, les témoignages des auteurs antiques, notamment Polybe et Thucydide[21]s’accordent tous sur l’opulence du temple sicilien. Nous n’avons, par contre, pas de description aussi précise concernant le temple africain mais les indices de sa richesse existent : présence d’un actor et d’un curateur parmi le personnel du temple, pillage du temple au IVe siècle après la destruction de l’enceinte par des latrones, ce qui implique que les voleurs savaient que leurs efforts allaient être récompensés. Par ailleurs, parmi les personnes ou groupes de personnes en lien avec les deux sanctuaires, nous connaissons  les Venerii, une affranchie au mont Éryx[22] et une esclave à Sicca Veneria.  Le rapprochement entre les Venerii siciliens et les Venerii africains n’a, à notre connaissance, jamais été fait : probables gardes du temple en Sicile[23],  groupe de prêtres ou plus sûrement de fidèles à Sicca Veneria. Par contre, le recoupement avec le témoignage de Valère-Maxime a amené A. Cadotte à émettre l’hypothèse selon laquelle Baricca, serva Veneris de la cité africaine[24], pourrait éventuellement être une prostituée au service de la déesse[25]. Pourtant, nous l’avons vu, l’auteur du Ier siècle ne décrit pas un rite mettant en scène des esclaves professionnelles rattachées de façon permanente au sanctuaire mais des jeunes filles libres en âge de se marier ne pratiquant cette activité que temporairement. Et surtout, dès le  Ier siècle, Valère-Maxime nous indique que le rite n’existe plus à son époque. Or, Baricca a, semble-t-il,  vécu au IIIe siècle. Des points communs dans le personnel des deux temples ne sont donc pas suffisants pour leur trouver une filiation. D’autres temples présentaient une organisation similaire. Ainsi  J. Toutain[26] a mis en rapport les Venerii non pas avec la Sicile mais avec les fidèles d’Astarté, qui étaient organisés en confréries comme l’atteste une inscription de Carthage[27].

Ensuite, dans son article sur la déesse Érycine à travers le monde méditerranéen, R. Zucca a fait le parallèle entre les deux sites d’installation des temples du Mont Éryx et de Sicca Veneria. Aucun des deux sanctuaires n’a laissé de ruines. Mais nous savons que le temple sicilien était installé sur un éperon rocheux qui dominait la ville au nord-est. Un denier de C. Considius Nosianus datant de 60 av. J.-C. nous le montre au sommet d’une montagne entouré d’une enceinte[28]. Le temple de Sicca Veneria n’a, lui, laissé aucune trace, qu’elles soient archéologiques ou numismatiques. Toutefois, depuis le XIXesiècle, de fortes présomptions existent quant à la localisation du temple sur l’emplacement de l’actuelle Casbah, autrement dit, là encore,  sur un site élevé surplombant la cité. Toutefois, cet argument n’est, une nouvelle fois, pas suffisant pour identifier les deux déesses, une telle disposition  ne se limitant pas à ces deux temples et se retrouvant fréquemment dans les pratiques antiques, notamment phéniciennes[29].

 

Enfin, un autre témoignage littéraire a été sollicité pour soutenir l’existence de liens étroits entre le mont Éryx et Sicca Veneria, celui d‘Élien qui, suivant un autre témoignage d’Athénée[30],  relate le départ des colombes et de la déesse du mont Éryx pour l’Afrique : « Sur le mont Éryx en Sicile, là où se trouve le temple d’Aphrodite, auguste et pur, les habitants célèbrent à une date déterminée la fête du Départ en mer et disent qu’Aphrodite fait voile de la Sicile vers la Libye. Au même moment, les colombes disparaissent de l’endroit, comme si elles partaient avec la déesse. On s’accorde à dire que d’habitude, une grande quantité de ces oiseaux envahit le temple d’Aphrodite » [31]. Ce voyage durait neuf jours, au bout desquels les colombes surgissaient de la mer et annonçaient ainsi le retour de la déesse. Plusieurs auteurs modernes[32] ont  vu comme lieu de destination des colombes et donc de la déesse la cité de Sicca Veneria. Pourtant, le texte d’Élien se contente de parler de la Libye, sans davantage être précis. Or, dans l’Antiquité, ce terme désigne l’ensemble des régions situées à l’ouest de l’Egypte. Désigner la cité du Haut Tell comme ville de destination paraît donc hâtif et ce, d’autant plus que d’autres cités ont pu être évoquées telles que Carthage[33], où le culte de Vénus Érycine est également connu.

En définitive, il apparaît  peu probable que le temple de Sicca Veneria ait été une succursale du temple du mont Éryx. Les études actuelles réorientent plutôt vers une origine libyque de la cité et donc de la déesse, piste évoquée dès la fin du XIXe siècle par  E. Esperandieu[34] puis quelques années plus tard par S. Gsell et remise au goût du jour ces dernières années par M. Fantar et N. Kallala. Pour S. Gsell, le rite des prostitutions sacrées mis en relation avec la déesse de Sicca Veneria pourrait être « un vieux rite  africain de magie sympathique, propre à stimuler la fécondité de la nature. » Il pense également possible « que ce rite se soit allié au culte d’une déesse indigène ; que, constaté par des étrangers, il leur ait donné la pensée d’identifier la déesse avec la patronne du mont Éryx où les mêmes croyances primitives avaient suscité les mêmes pratiques»[35]. Autrement dit, S. Gsell évoquait la possibilité d’un schéma chronologique voyant se succéder sur le site de Sicca Veneria les cultes d’une divinité libyque, d’Astarté et enfin de Vénus. Toutefois, cette proposition était faite avec prudence et ne restait qu’une hypothèse sans réel appui archéologique, épigraphique ni même étymologique[36]. Mais en 1992, une proposition faite par M. Fantar quant à l’étymologie de Sicca est venue la soutenir et lui donner une nouvelle vigueur face à la piste sicilienne privilégiée jusqu’alors. L’auteur tunisien propose d’apparenter « Sicca à une racine libyque à laquelle appartient un terme berbère très courant ‘Tazicca’, qui désigne la chambre et sans doute aussi l’habitation… Tazicca ou Tasicca peut donner Sicca »[37]. Dans un article de 2001, le même auteur considère même que rien ne s’oppose à ce qu’on puisse attribuer au terme sicca le sens de temple ou de chapelle. Une telle étymologie indiquerait donc que la genèse et le développement de la cité seraient, dès l’époque libyque, liés à la présence d’une divinité autochtone : « la chapelle ou l’habitation divine serait à l’origine de la fameuse forteresse libyco-punique et partant à l’origine de la cité. De ce fait, la déesse tutélaire de la chapelle ou du sanctuaire serait, elle-même, de souche libyque »[38]. Soutenue par N. Kallala dans son article de 2002[39], cette piste libyque permettrait de mieux comprendre pourquoi Sicca Veneria est le seul site africain pour lequel nous disposons d’un témoignage relativement clair quant à un rite sexuel profane ou sacré en lien avec une divinité. Le culte d’Astarté Érycine est connu à Carthage et pourtant, la présence de prostitutions en l’honneur de cette déesse (ou d’ailleurs d’une autre déesse) semble devoir être exclue faute de témoignages recevables[40]. Par ailleurs, nous pouvons citer l’étude faite par S. Gsell dans le tome V de son Histoire Antique de l’Afrique du Nord[41]sur les rapports hommes, femmes et enfants dans les sociétés africaines indigènes. Les témoignages qu’il rapporte, s’ils ne sont pas tous acceptables tels quels, ce que l’auteur souligne bien, montrent cependant l’existence de coutumes nuptiales particulières chez les tribus préromaines qui pourraient étayer la possibilité d’une origine autochtone du rite de Sicca Veneria, même si, une nouvelle fois, les preuves à notre disposition ne sont pas irréfutables. Certains témoignages, à l’image de celui d’Hérodote concernant les Machlyes et les Auses[42], n’ont que peu de crédibilité. Concernant ces deux peuples riverains de la petite Syrte, l’auteur grec nous explique qu’ils ne se mariaient pas et que les femmes étaient mises en commun. Mais Hérodote explique également que ces peuples accordaient une grande valeur à la virginité de leurs jeunes filles, ce qui n’est pas vraiment compatible avec les pratiques décrites ci-dessus. Par ailleurs, un passage d’un autre auteur, Nicolas de Damas[43], décrit le mariage chez les Machlyes, rendant difficilement recevable la description d’Hérodote. Le même auteur décrit une autre pratique présente chez les Nasamons, un peuple de la grande Syrte : lorsque l’un d’eux se marie, la première nuit de ses noces, la mariée accorde ses faveurs à tous les convives, et chacun lui fait un présent qu’il a apporté de sa maison[44]. S. Gsell juge recevable ce témoignage, Pomponius Méla décrivant la même coutume pour un peuple appelé Augiles mais qui, d’après l’historien, est bien les Nasamons. De plus, un rite similaire est décrit par Diodore de Sicile[45] aux  îles Baléares et par El Bekhri[46]  chez les Ghomara, un peuple marocain, au Moyen-Age, avec quelques variantes cependant. Une autre possible survivance liée à des pratiques existant durant l’Antiquité est celle décrite par H. Renault en 1917 qui évoque le cas des Ouled-Naïl, tribu dans laquelle les filles se prostituent afin de se constituer un pécule servant de dot[47].

Si beaucoup d’incertitudes demeurent sur l’histoire religieuse du site, et notamment sur son origine libyque, nous pouvons cependant exclure un rôle du temple du Mont Éryx à Sicca Veneria. Certes, nous pouvons, avec M.H. Fantar, nous poser la question de savoir si le rite sexuel lié au temple depuis son origine a pu être nourri et revigoré par des apports extérieurs[48], mais rien dans les traces archéologiques, dans l’onomastique ou dans les témoignages littéraires, ne permet de faire du temple de Sicca Veneria une succursale du Mont Éryx et donc de qualifier la Vénus qui y était célébrée d’ Érycine, ce que les sources antiques ne font pas, à l’exception de Solin. Mais nous pouvons aisément imaginer que ce témoignage résulte d’un parallèle fait dans l’esprit de l’auteur du fait de l’existence de pratiques sexuelles dans ou à proximité des deux temples. Dans l’état actuel de nos connaissances, cette reconstruction a posteriori ne semble cependant recouvrir aucune réalité historique[49]. Ce parallèle a été sûrement facilité par la renommée internationale du  temple sicilien.  Etait-il également fait par les fidèles de la déesse à Sicca Veneria avant le IIIe siècle ? Nous ne pouvons le dire, ne connaissant pas la source de Solin. Pourtant, cette question est primordiale pour comprendre la diffusion du culte de Vénus Érycine en Afrique : doit-on imaginer un culte se diffusant dans la province à partir de Sicca Veneria ou, au contraire, expliquer l’identification de la déesse de Sicca Veneria à celle du Mont Éryx du fait de la présence du culte de cette divinité dans d’autres cités africaines ?

 

II. Le culte de Vénus Érycine en Afrique romaine : un essai de relecture

 1. À Carthage, un culte lié au Mont Éryx

La diffusion du culte de Vénus Érycine en Afrique romaine n’est pas aisée à suivre. En effet, les données à notre disposition sont souvent insuffisantes pour avoir une photographie précise du processus. Mais s’il est une donnée certaine, c’est le cas à part constitué par Carthage. En effet, géographiquement parlant, la cité carthaginoise est excentrée des autres sites où le culte de la déesse Érycine est attesté. Et la présence de cet aspect du culte semble devoir être mise en rapport, sans nul doute possible, avec les liens entretenus par la cité avec la Sicile, plusieurs éléments allant dans ce sens. C’est tout d’abord la possible mise en relation du dévot de Vénus Érycine, L. Cassius Apolaustus, avec la gens Cassia, étudiée par L. Bivona qui a mis en évidence les liens de la gens avec la Sicile où elle finit par s’installer pour des raisons économiques ou politiques. Le choix de L. Cassius Apolaustus aurait donc été guidé par les liens unissant la famille africaine avec l’île abritant le sanctuaire de Vénus Érycine[50]. Le culte de la déesse du mont Éryx était par ailleurs connu depuis plusieurs siècles dans la cité carthaginoise puisqu’une inscription mentionnant une servante d’Astarté Érycine[51]y a été retrouvée. Celle-ci a été interprétée par M.H. Fantar[52] et C. Bonnet[53] comme un possible témoignage de dévotion d’une servante du mont Éryx de passage à Carthage suite à une visite au sanctuaire de Sicca Veneria, n’impliquant pas dès lors la présence d’un culte organisé à la déesse Érycine dans la cité.  Mais l’absence de filiation entre les sanctuaires sicilien et tellien, ainsi que la présence à l’époque romaine de la dédicace à Vénus Érycine à Carthage, tendent à indiquer une présence ancienne et qui s’est perpétuée du culte de la déesse Érycine sur ce site. G.-C. Picard a émis l’hypothèse d’une possible adoption du culte de la déesse du mont Éryx  à Carthage suite à l’alliance des Elymes avec les Carthaginois face aux Grecs de Sicile[54], ce qui n’est pas du tout incompatible avec  la présence d’un culte de l’Astarté phénicienne dans la cité[55]. Cette Astarté Érycine aurait par la suite été identifiée à Vénus à l’époque romaine. Outre le partage de la même épithète, des statuettes de terre cuite représentant à l’époque punique une Astarté tenant une colombe entre ses mains et à l’époque romaine, une Vénus dans la même posture permettent d’établir des liens entre la déesse phénico-punique et la déesse romaine, faisant de Carthage un des rares sites africains, si ce n’est le seul, où l’identification Astarté-Vénus est avérée.

 2. À Cirta, l’existence d’un temple de Vénus Érycine ?

La région de Cirta concentre la majorité des inscriptions relatives au culte de Vénus Érycine. À Cirta même, un dédicant fait don d’une statue de Mercure qui est placée dans le temple de l’Érycine[56]. La restitution n’est pas absolument certaine, l’inscription ne faisant apparaître que l’abréviation Aeruc. Certains auteurs ont pensé qu’il pouvait s’agir de la déesse Aerecura[57]. Mais l’abréviation indique que la déesse concernée était très populaire. Certes Aerecura est célébrée dans le pagus voisin de Thibilis mais elle ne semble pas constituer une divinité propre[58]. Par ailleurs, si les formes prises par le nom de cette déesse sont multiples à travers le monde romain, la forme Aerucura n’est pas connue. La restitution Aerucinae semble donc la plus probable, la seule mention de l’épithète étant acceptable du fait non seulement de la grande popularité de cet aspect de Vénus dans la région mais aussi plus largement de la déesse dans la cité, comme nous allons le voir. De plus, le temple est préexistant à l’inscription le mentionnant, qui semble devoir être datée du règne de Septime-Sévère et permet d’étayer encore davantage la seule mention abrégée de l’épithète.

Deux autres inscriptions à Vénus ont été découvertes à Cirta. L’une mentionne l’offrande d’un édicule avec deux amours par un triumvir revêtu de la questure et de l’édilité[59] qui a par ailleurs fait élever une statue à l’empereur Commode. La seconde est l’œuvre d’un légat d’Auguste propréteur dont l’identité n’est pas certaine, soit P. Cassius Secundus soit P. Metilius Secundus[60]. Quoiqu’il en soit, les trois inscriptions montrent la grande faveur de la déesse auprès des élites cirtéennes, qui, en s’adressant à elle, devaient faire preuve de leur loyalisme envers le pouvoir impérial[61]. C’est d’ailleurs dans ce sens que J. Scheid interprète l’inscription CIL VIII 6964 qui, si elle est l’œuvre de P. Metilius Secundus, serait la conséquence des fonctions religieuses officielles de ce membre du collège des Frères Arvales[62]. Cette popularité de la déesse auprès des élites ne doit pas nous étonner. D’une part, parce que nous ne devons pas oublier que Vénus était la protectrice de la gens Iulia et que P. Sittius était un proche de César[63]. D’autre part,  le culte de Vénus Érycine était très populaire à Rome, où la déesse avait deux temples, un érigé à l’intérieur du Pomerium, sur le Capitole, dès 217 av. J.-C., faisant d’elle une déesse pleinement romaine, et un second extra pomerium fondé en 181 av. J.-C.[64]. Sous l’Empire, les Julio-Claudiens ont redonné  un nouvel élan au culte du Mont Éryx en rénovant son temple. Le culte de Vénus, et notamment de l’Érycine, était donc en faveur à Cirta auprès des élites tout comme il l’était à Rome[65].

C’est avec deux autres divinités également populaires à Cirta que Vénus Érycine est mise en relation : Publius Paconius Cerialis fait poser un dé de piédestal à Silvain et fait placer, dans le temple de la déesse, une statue de  Mercure. Ce dernier présente deux visages en Afrique romaine. Le premier est celui du dieu classique du commerce invoqué en majorité par des militaires ou des fonctionnaires et que l’on retrouve associé à Vénus notamment à Thugga et à Lepcis Magna. Le second  présente  un  visage  plus  original,  puisqu’il  s’agit  d’un  dieu   agraire protecteur de la fécondité[66]. C’est dans ce cadre que s’est effectué le rapprochement avec Silvain, divinité qui, dans la mythologie classique, est le dieu de la vie champêtre[67]. L’assimilation de Mercure et de Silvain en Afrique offre un nouveau champ d’action aux deux divinités, puisque leur culte commun semble étroitement lié à la culture de l’olivier[68]. C’est cet aspect qui prédomine dans la région de Cirta où plusieurs stèles figurant Mercure avec le scorpion ont été retrouvées[69].L’association de Vénus Érycine,Silvain et Mercure sur une même inscription relève donc, semble-t-il, d’une fonction commune de fécondité.

 3. À Madaure, un culte organisé

À Madaure, le culte de Vénus Érycine a connu un succès suffisamment important pour qu’elle ait son propre lieu de culte au IIe siècle de notre ère. Ce sont les prêtres Lucius Velleius Castus et Caius Iulius Surus qui lui ont offert ce temple et qui, semble-t-il, étaient à son service[70].

 Le culte de Vénus Érycine à Madaure se distingue nettement de celui des autres sites par la forte influence orientale mise en évidence par l’unique mais cependant très riche inscription qui le mentionne. Le formulaire utilisé qualifie la déesse de Dea Sancta Venus Erucina Augusta. Cette accumulation d’épithètes constitue un unicum dans notre corpus, donnant l’impression que les deux dédicants ont voulu souligner le caractère « étranger » de la déesse, ce qui pourrait indiquer qu’elle n’était pas perçue de la même manière ailleurs en Afrique. Le caractère oriental de la déesse est renforcé par les modalités de l’offrande de la cella, la déesse en ayant fait la demande lors d’un  songe.

 L’inscription a été retrouvée dans le fort byzantin de Madaure, tandis qu’une autre inscription à Vénus Auguste était trouvée dans les environs immédiats. Cette proximité de découverte entre les deux inscriptions indique-t-elle la présence d’un temple de la déesse Érycine dans cette zone de la cité ? Rien n’est garanti mais l’existence d’un culte organisé avec un temple et un personnel à son service est avérée.

Si la Vénus de Madaure se distingue de celle de Cirta par son caractère plus oriental, elle lui ressemble par  la dimension de divinité de la fécondité qui semble la caractériser et par son association à Mercure. Deux reliefs représentent en effet Vénus associée, sur le premier, à Priape ithyphallique portant des fruits et à un chien, et sur le second,  à Mercure et une divinité qui pourrait être la Fortune. Si rien dans le second relief ne peut nous amener à le mettre directement en relation avec la déesse Érycine,  on ne peut oublier, concernant le premier, que le chien est un des attributs de la déesse sicilienne.

 4. À Thibilis, une association avec la Déesse-Mère ?

 Thibilis est un vieux centre indigène pré-romain où un pagus de citoyens se constitua sous dépendance de Cirta. Le culte de Vénus Érycine y est connu par une dédicace de Lucius Iulius Percennus, fils de Caius, un citoyen romain d’origine africaine ou non qui agit  à titre personnel[71]. Le sol de la cité ne nous a fourni qu’un seul autre document consacré à notre déesse qui l’associe à  la Magna Mater[72]. C’est l’unique fois où les deux déesses apparaissent ensemble, que cela soit dans l’épigraphie ou dans l’iconographie. P. Vallier et A. Cadotte[73] proposent d’identifier la Vénus Auguste de ce second document à la Vénus Érycine[74]. D’après ces auteurs, cette association relèverait d’une dimension agricole des deux divinités. Les deux déesses ont, effectivement, en commun plusieurs fonctions. Cybèle est une divinité agraire liée à la fertilité qui maîtrise la croissance des hommes, des animaux et de la végétation. Mais, tout comme Vénus, elle protège aussi les hommes depuis leur naissance jusqu’à leur mort, ce qui explique que des statuettes de la déesse aient été retrouvées dans des tombes de Byzacène et qu’à Thibilis, Cybèle soit associée à Aerecura[75], l’« hypostase funéraire de la grande déesse indigène »[76].  C’est dans ce rôle de divinités funéraires que Vénus et Cybèle sont invoquées ici. En effet, la formulation de la dédicace montre que Fuficia Vita était décédée au moment où son époux s’est adressé aux deux déesses en son nom[77]. Le geste de Q. Clodius Quintillus vise donc à célébrer le souvenir de son épouse défunte et  à solliciter l’aide de Vénus et de Cybèle pour qu’elles protègent sa femme dans l’autre monde. Nous n’identifierons donc pas la Vénus associée à la Magna Mater à la déesse Érycine.

 5. À Thuburnica, une association avec Mars?

 Un dernier document pourrait mentionner Vénus Érycine en Afrique romaine. Il s’agit d’une inscription incomplète retrouvée à l’est de la curie de Thuburnica, avec une dédicace à Mars qui suit exactement le même modèle épigraphique. Si cette seconde inscription permet de mieux comprendre le corps du texte de CIL VIII 25704, elle ne permet évidemment pas de restituer avec certitude la divinité à laquelle elle s’adresse. Ses inventeurs, le Dr Carton et J. Chenel, ont émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir de [Ven]eri suivi d’un qualificatif[78]. Or, la restitution [Ven]eri Ae[ruc(inae] nous paraît tout à fait possible du point de vue du texte. Ces deux documents sont en l’honneur de Q. Furfanius qui, entre autres dons, a remis 10 000 modii de blé à sa cité lors de ce qui pourrait être un moment de famine.

 L’association de Vénus Érycine avec Mars paraît, au premier abord, difficilement concevable, si nous ne gardons à l’esprit que l’image de la déesse du Mont Éryx à laquelle étaient associés des rites sexuels spécifiques. Par contre, elle paraît beaucoup plus acceptable si, comme à Cirta, nous voyons en elle une déesse de la fécondité particulièrement en faveur auprès des élites locales, tout comme elle l’était auprès des élites romaines.

Conclusion

Le culte de Vénus Érycine est un des aspects essentiels du culte de Vénus en Afrique romaine. Celui-ci semble être caractéristique de l’ensemble du culte de la déesse dans cette province, c’est-à-dire très complexe et au croisement de diverses influences et civilisations. En effet, si à Carthage les liens avec la Sicile semblent être réels, il en est tout autrement à Cirta, à Thuburnica et à Thibilis, où la présence du culte semble plutôt devoir être mise en relation avec l’Italie. Cette diversité des origines paraît être une explication à la juxtaposition d’épithètes à Madaure, les dédicants ayant voulu montrer le caractère oriental de la déesse invoquée. Sicca Veneria, elle, n’a pas accueilli, dans l’état actuel de nos connaissances, le culte d’une Vénus Érycine. L’attribution de l’épithète à la déesse par Solin apparaît être une construction a posteriori basée sur des pratiques anciennes qui n’avaient plus d’existence au Ier siècle de notre ère et encore moins à son époque. Semblent donc cohabiter en Afrique romaine une Vénus Érycine héritière d’une déesse, Astarté, présente avant même l’installation des Romains et une Vénus Érycine amenée par les colons italiens lors de leur installation en Afrique. Elle paraît présenter ainsi dans cette province le même double visage qu’elle avait à Rome. Et Cirta plutôt que Sicca Veneria semble être le point de diffusion du culte de l’Érycine en Numidie, où il est quasi exclusivement présent. Ces propos sur le culte de Vénus dans la Confédération Cirtéenne (templum Aerucinae, avec un culte de l’Érycine importé d’Italie) et sur le culte de Vénus Érycine en Afrique en général ne constituent que des hypothèses de travail, qu’une nouvelle découverte archéologique peut venir infirmer ou confirmer.

[1] DIODORE DE SICILE, VI, 83, 6.

[2] Voir notamment STRABON, Géographie, VI, 2, 6 ; PAUSANIAS, Description de la Grèce, VIII, 24, 6 et ÉLIEN, La personnalité des animaux, X, 50.

[3] Sur le culte d’Astarté, notamment au mont Éryx, voir Corinne BONNET, Astarté. Dossier documentaire et perspectives historiques, Roma, 1996, p. 115 et suiv.

[4]  Deux autres inscriptions pourraient qualifier Vénus d’Erucina, à Thuburnica et à El Hanacher Cette dernière hypothèse a été formulée par Pascal VALLIER, Temples et cultes en Afrique romaine : une enquête épigraphique et géographique, III, Thèse de l’Université de Paris 4, 2005, p. 113 mais nous ne la reprendrons pas ici tant l’argumentation proposée nous paraît fragile.

[5] Venus Concordia y est dite génie de la cité. Cette information a été donnée par A. Beschaouch à Jamila BOUZIDI, Vénus en Proconsulaire. l’iconographie et le culte (thèse non publiée), Paris, 1993, p. 119 et Sophie SAINT-AMANS, Topographie religieuse de Thugga (Dougga), ville romaine d’Afrique proconsulaire (Tunisie), Paris, 2004, p. 156.

[6] Azzedine BESCHAOUCH, « Le territoire de Sicca Veneria (El Kef), nouvelle Cirta, en Numidie proconsulaire (Tunisie) », CRAI, 1981, p. 105.

[7]Gilbert-Charles PICARD, Les religions de l’Afrique antique, Paris, 1954, p. 114-115 ; Zeineb BENZINA BEN ABDALLAH, Catalogue des inscriptions latines païennes du Musée du Bardo, Rome, 1986, p. 253.

[8]Henry HURST, The sanctuary of Tanit at Carthage in the Roman period. A re-interpretation (Journal of Roman Archaelogy, Supplt series, 30), Portsmouth, 1999, p. 56.

[9]Marcel LE GLAY, Saturne africain. Histoire, Paris, 1966, p. 354 ; id. , « Les syncrétismes dans l’Afrique ancienne » dans Françoise DUNAND-Pierre LEVEQUE, Les syncrétismes dans les religions de l’Antiquité. Colloque de Besançon (22-23 octobre 1973), Leiden, 1975, p. 140-143 ; Robert SCHILLING, La religion romaine de Vénus, Paris, 2e éd , 1982, p. 238 ; Raimundo ZUCCA, « Venus Erycina tra Sicilia, Africa e Sardegna », dans Attilio MASTINO (éd.), L’Africa romana. Atti del VI Convegno di studio, Sassari, 16-18 dicembre 1988, Sassari, 1989, p. 771-779 ; Corinne BONNET, Astarté. Dossier documentaire…, p. 105 ; Édward LIPINSKI, Dieux et déesses de l’univers phénicien et punique, Leuven, Paris, 1995, p. 145 note 180 ;  Robert E.A. PALMER, Rome and Carthage at peace, Stuttgart, 1997, p. 120 ; Alain CADOTTE, La Romanisation des Dieux. L’interpretatio romana en Afrique du Nord sous le Haut-Empire, Leiden, 2007, p. 209 et p. 218. A l’opposé, M’hamed Hassine FANTAR, « A propos d’Ashtart en Méditerranée Occidentale », Rivista di Studi Fenici, 1, 1973, p. 22 note 29 et p. 24 est beaucoup plus dubitatif sur l’identification de la déesse de Sicca Veneria  à celle du Mont Éryx.

[10] Nabil KALLALA, « De Sicca au Kef (Au Nord-Ouest de la Tunisie), histoire d’un toponyme », Africa, XVIII, 2000, p. 77.

[11] L’hypothèse a été formulée par J. SELDEN, De diis Syris syntague, II, cap. 7, Ger. 50, 1617, dans Thomas SHAW, Voyage de M. Shaw dans plusieurs provinces de la Barbarie et du Levant, t. 1,  La Haye, 1743, p. 228 et note c. Elle fut ensuite reprise par Gerardus Joannes VOSSIUS, De Theologia Gentili, Amsterdam, 1641, p. 209 dans M. Shaw, Id.Sir GRENVILLE TEMPLE, Excursions in the Mediterranean, II, London, 1835, p. 275-276 se contente d’évoquer l’hypothèse de J. Selden sans donner son avis que cela soit sur l’origine phénicienne de la cité ou sur l’étymologie du nom ;  Dr Nathan DAVIS, Carthage and her remains, London, 1861, p. 605-606 suit entièrement la démonstration de J. Selden ; Victor GUERIN, Voyage archéologique dans la Régence de Tunis, II, Paris, 1862,  p. 57, adhère à la fondation phénicienne et à l’introduction du culte de Succoth Benoth : « Solin, […] attribue son origine aux Siciliens, qui y auraient fondé en même temps le culte de Vénus Érycine ; mais il est plus probable que cette ville remonte à une époque plus reculée et qu’elle dut sa fondation à une colonie de Phéniciens qui y introduisirent le culte de la Vénus asiatique adorée en Assyrie et vraisemblablement aussi en Syrie, et en Phénicie, sous le nom de Succoth-Benoth, […]. »

[12] SOLIN, Collectanea rerum memorabilium, éd. Th. Mommsen, Berlin, 1875, XXVII, 8, p. 117 : « Veneriam in quam Veneris Erycinae religiones transtulerunt. »

[13] VALERE-MAXIME, Faits et dits mémorables, II, 6, 15. Traduction Robert COMBES,  Paris, Les Belles Lettres, 1995. Le témoignage date du Ier siècle mais sa formulation indique que le rite n’existait déjà plus à cette époque.

[14] Leo TEUTSCH,  Das Städtewesen in Nordafrika in der Zeit von C. Gracchus bis zum Tode des Kaisers Augustus, Berlin, 1962, p. 16 a essayé de défendre l’idée d’une fondation sicilienne en cherchant les colons parmi les mercenaires demi-grecs restés à Sicca Veneria après la guerre. Mais il n’a trouvé que peu de traces de cultes grecs à Sicca Veneria.

[15]Bonnie MACLACHLAN, « Sacred prostitution and Aphrodite », Studies in Religion, 21/2, 1992, p. 145-162 a listé les différents témoignages relatifs aux prostitutions sacrées.

[16]  Stephen BENKO, The Virgin Goddess : Studies in the Pagan and Christian Roots of Mariology, Leiden, 1993,  p. 39.

[17] HERODOTE, Histoires, I, 93. Traduction Philippe-Ernest LEGRAND, Paris, Les Belles Lettres, 1970. Ce témoignage fut repris par STRABON, XI, 14, 16. A noter toutefois que, d’après Bonnie MACLACHLAN, « Sacred prostitutions… »., p. 151, si ni Strabon ni Hérodote ne parlent de cette pratique comme étant religieuse, d’autres sources témoignent d’un rituel de prostitution en Lydie. Une inscription lydienne de l’époque romaine par une femme, Aurelia Aemilia, dit qu’elle est devenue une prostituée du temple à la demande d’un oracle et que ses ancêtres féminines avaient fait de même (William Mitchell RAMSAY, « Unedited Inscriptions of Asia Minor », Bull. de Correspondance Hellénique, 7, 1983, p. 276).

[18]POMPEIUS TROGUE, ap. JUSTIN, 18, 4-6. Traduction par Jules Pierrot et E. Boitard, Paris, C.L.F. Panckoucke éditeur, 1833.

[19]JUSTIN, Histoire universelle, liv. XVIII, 5.

[20] Stéphane GSELL, Histoire Ancienne de l’Afrique du Nord, Tome VI : Les royaumes indigènes : Vie matérielle, intellectuelle et morale, Paris, 1927, p. 157. Cette mise en relation des pratiques sexuelles liées au culte de certaines divinités à travers le monde antique  avec des rites de fécondité se retrouve chez Béatrice A. BROOKS, “Fertilities cults fonctionaries in the Old Testament », JBL, 60, 1941, p. 227-253, Samuel TERRIEN, “The Omphalos myth and hebrew religion », VT, 20, 1970, p. 315-338, Youssef HAJJAR, La triade d’Héliopolis-Baalbek. Son culte et sa diffusion à travers les textes littéraires et les documents iconographiques et épigraphiques, Montréal, 1977, p. 434 ou encore Maurice SZNYCER, “Sémites occidentaux. Les religions et les mythes et les problèmes de méthode », Dict. Myth., II, 1981, p. 428.  D’autres auteurs lui donnent une explication sociale. Ainsi, selon Franz CUMONT, Les religions orientales dans le paganisme romain, Paris, 1929, p. 109-110 et p. 258-259 à la suite de Salomon REINACH, Cultes, mythes et religions, t. I, Paris, 1905, p. 99, la perte de la virginité des femmes avec un étranger viserait à éviter toute effusion de sang dans le même clan. Pour James George FRAZER, Adonis. Etude de religions orientales comparées, Paris, 1934, p. 27-29, il s’agirait d’un héritage du communisme sexuel primitif.

[21] POLYBE, Histoires, I, 55, 7-9 ; THUCYDIDE, VI, 43, 3-4.

[22] CICERON, Discours contre Q. Caecilius dit « La divination », XVII, 55-56.

[23] Sylvie PITTIA, «La cohorte du gouverneur Verrès »,  dans Julien DUBOULOZ et SylviePITTIA (dir.), La Sicile de Cicéron, Lectures des Verrines, Besançon, 2007 et notamment p. 71 : après 227 et l’installation permanente d’un magistrat romain, les Venerii voient leur mission redéfinie. Ils assument  désormais des missions de police pour le compte du gouvernement provincial. Ils « deviennent le corps d’élite du prêteur, opèrent des arrestations, des confiscations de biens, transmettent les ordres ».

[24] CIL VIII 15946.

[25] Alain CADOTTE, La romanisation…, p. 209.

[26] Jules TOUTAIN, Les cultes païens dans l’Empire romain, t. 1, Paris,  1907, p. 386.

[27] CIS I 233.

[28] Michael H. CRAWFORD, Roman Republican Coinage, I, Cambridge, 1983, p. 448 n°424.

[29] Jamila BOUZIDI, Vénus en Proconsulaire…, p. 330  et note 4.

[30] ATHENEE, The Deipnosophists, IX, 51.

[31]ÉLIEN, Histoire variée, I, 15 ; id.De la nature des animaux, IV, 2.. D’après Emanuele CIACERI, Culti e miti nella storia dell’antica Sicilia, Catania, 1911, cette légende rapportée par Élien repose sur une réalité, peut-être celle de messages militaires entre la Sicile et l’Afrique.

[32] Alain CADOTTE, La romanisation….,  p. 209 ; M’hamed Hassine FANTAR, « Ashtart » Encyclopédie berbère., VII, 1989, p. 968 ; Nabil KALLALA, « De Sicca au Kef (Au Nord-Ouest de la Tunisie), histoire d’un toponyme », Africa, XVIII, 2000, p. 84. ; Corinne. BONNET, Astarté. Dossier documentaire…, p. 117.

[33] Gilbert-Charles PICARD, Les religions…, p. 116 : Vénus Érycine avait un temple à Carthage où voyageaient les colombes du Mont Éryx.

[34] Émile ESPERANDIEU, Etude sur Le Kef, Paris, 1888,  p. 10 : « en enlevant aux Phéniciens l’honneur de la fondation de la ville, on rendrait certainement justice au rôle prépondérant que l’élément libyen a dû jouer dans la toponymie du nord de l’Afrique, et nous verrions alors dans l’ancienne Sicca une ville lybienne [sic] devenue phénicienne plus tard. »

[35]Stéphane GSELL, Histoire ancienne…, t. IV, p. 157.

[36]Stéphane GSELL, Histoire ancienne…., t. V, Paris, 1927, p. 31 indique : « A Sicca (Le Kef, en Tunisie), des femmes se prostituaient aux visiteurs, dans le sanctuaire d’une déesse que les Latins appelaient Vénus. Etait-ce là une coutume d’origine indigène ? Il se peut ; mais il est possible aussi qu’elle ait été importée en ce lieu par des étrangers, Phéniciens ou autres. »

[37] M’hamed Hassine FANTAR, «  La cité punique en Afrique du Nord », dans Attilio MASTINO/Paola RUGGERI (eds.), Atti del X convegno di studio su L’ Africa romana, Oristano, 11-13 dicembre 1992, Sassari, 1994, p. 120.

[38] M’hamed Hassine FANTAR, «  Propos sur les divinités féminines dans l’univers phénico-punique », Studia Phoenicia, XVI, 2001, p. 228.

[39] Nabil KALLALA, « De Sicca au Kef… », p. 87-88 note la présence de nombreux sites préhistoriques et protohistoriques dans les environs immédiats d’El Kef, ce qui, à ses yeux, confirme l’origine libyque de la ville.

[40] La servante d’Astarté Érycine mentionnée par  une inscription est considérée par  C. Bonnet comme pouvant avoir été de passage à Carthage.  Toutefois, la présence d’une inscription à Vénus Érycine tend à montrer une continuité de ce culte sur le site de Carthage. Pour autant, la présence de l’épithète Érycine n’est pas synonyme de prostitutions sacrées. Le culte est présent ailleurs en Afrique sans que la moindre ambiguïté n’existe.

[41] Stéphane GSELL, Histoire ancienne…, t. V, 1927, p. 28-32.

[42] HERODOTE, Histoires, IV, 180.

[43] NICOLAS DE DAMAS, Fragments de l’Histoire des Gracques,  III, 136.

[44] HERODOTE, Histoires, IV, 172.

[45] DIODORE DE SICILE, Bibliothèque historique, V, 18.

[46] EL BEKRI, Description de l’Afrique septentrionale, traduction De Slane, Alger, 1913, p. 201.

[47]H. RENAULT, « Les survivances des cultes de Cybèle, Vénus et Bacchus (Aïssaoua, Ouled-Naïl, Kanakous) », Rev. Tun., 1917, p. 152. Il est repris par Stéphane GSELL, Histoire ancienne…, t. V, p. 31.

[48] M’hamed Hassine FANTAR « Ashtart » , p. 967 : « Le rite de la prostitution sacrée qui relève de ses fonctions de déesse de l’amour et de la fécondité attesté notamment à Sicca Veneria, pose le problème de savoir s’il s’agit d’une pratique autochtone nourrie et revigorée par des apports externes venus directement de Phénicie ou par l’intermédiaire du sanctuaire d’Ashtart Érycine comme semble y inciter Solin en attribuant la fondation de Sicca à des Sicules qui y auraient transplanté le culte de la déesse d’Éryx..»

[49] Pour Stéphane GSELL, Histoire ancienne…, t. IV, p. 349,  il semble donc « que la Vénus de Sicca a été identifiée avec celle de l’Éryx simplement parce que dans les deux sanctuaires, les femmes se prostituaient aux visiteurs. »  L’auteur est suivi par Claude LEPELLEY, Les cités de l’Afrique Romaine au Bas-Empire, tome 2 : notices d’histoire municipale, Paris, 1981, p. 156-157 pour qui les prostitutions sacrées seraient un vieux rite magique de fécondité.

[50] Livia BIVONA, « La gens Cassia tra Africa e Sicilia », dans Attilio MASTINO (ed.) L’Africa romana : atti del IV Convegno di studio, Sassari, 12-14 dicembre 1986, Sassari, 1987, p. 491 : « Ancora un ‘ulteriore testimonianza che lega i Cassii della Proconsularis alla Sicilia occidentale,  é rappresentata da un ‘iscrizione incisa su una base, che doveva sostenera una statua della divinita  alla quale è posta la dedica. La divinità onorata a Cartagine da un L. Cassius Apolaustus, è la  Venere Ericina Augusta. »

[51] CIS I 3776.

[52] M’hamed Hassine FANTAR, « Ashtart », p. 967.

[53] Corinne BONNET, Astarté. Dossier documentaire…, p. 99-100.

[54] Gilbert.-Charles PICARD,  Les religions…, p. 116.

[55] Le culte d’Astarté est attesté à Carthage dès le VIIIe siècle av. J.-C par un pendentif. Pour Corinne BONNET « Réflexions historiquesur leculte d’Astarté à Carthage », dans Mélanges à la mémoire de Marcel Le Glay, Bruxelles, 1994 p. 5 : « la déesse d’Éryx jouissait probablement d’une certaine popularité dans la métropole punique où elle a fort bien pu se greffer sur un culte local, celui de l’Astarté phénicienne. »

[56] CIL VIII 6962.

[57] Par exemple, Charles VARS, « Inscriptions inédites de la province de Constantine », RSAC, 32, 1898, p. 356 ; John PINSENT, Liverpool Classical Monthly Liverpool, 1976, p. 239 ; Marcel LE GLAY, «Nouveaux documents, nouveaux points de vue sur Saturneafricain», Studia Phoenicia, VI, Carthago, Leuven, 1988, p. 188. Raimundo ZUCCA, “Venus Erycina …. » l’attribue également implicitement à Aerecura  puisqu’il ne cite pas l’inscription de Cirta dans son article.

[58] H. Gaidoz, « Dis Pater et Aere cura », Rev. Arch, 1892, p. 212-213 et S. Gsell,  « Autel romain de Zana (Algérie) »,  CRAI, 1931, p. 265 et suiv.

[59] CIL VIII 6965.

[60] CIL VIII 6964.

[61] Sur le paganisme dans la Confédération Cirtéenne comme manifestation de loyalisme plus qu’expression d’une ferveur religieuse, voir Khadidja MANSOURI, « Le paganisme dans les colonies de la Confédération Cirtéenne », dans Aomar AKERRAZ, Paola RUGGERI, Ahmed SIRAJ, Cinzia VISMARA (eds), L’Africa romana: mobilità delle persone e dei popoli, dinamiche migratorie, emigrazioni ed immigrazioni nelle province occidentali dell’Impero romano: atti del 16. Convegno di studio, 15-19 dicembre 2004, 3, Rabat, Roma,2006, p. 1759-1784 et plus particulièrement p. 1775 et C. LEPELLEY, Les cités….,  t. 1, p. 333.

[62] John SCHEID, Le collège des Frères Arvales, étude prosopographique de recrutement (69-304), Rome, 1990,  p. 45 n°88 et p. 373-375 et note 204 tout particulièrement.

[63] Charles VARS, « Recherches archéologiques sur Cirta », RSAC, 29, 1894, p. 449  : « Comme il y a tout lieu de le croire, en raison de l’origine de la colonie de Sittius, le culte de Vénus, patronne de la gens Julia, devait être très en honneur à Cirta. »

[64] Sur le culte de Vénus Érycine à Rome et son appropriation par les Romains, voir Robert SCHILLING, La religion romaine…, p. 233-266.

[65] L’association de Vénus et de Rome Éternelle, certes pour deux libéralités différentes, mais sur le même document épigraphique (CIL VIII 6965), semble aller dans le même sens.

[66] Voir notamment Louis CHATELAIN,  « Le culte de Silvain en Afrique et l’inscription de la plaine de Sers », MEFR, 30, 1910, p. 77-97 et Marcel LE GLAY, Saturne….  p. 242-245.

[67]À ce titre, il est le dieu protecteur des forêts, des prairies, des champs cultivés, des bois sacrés, des paysans, des chasseurs ou encore des troupeaux. Des fêtes rustiques lui étaient consacrées à l’époque des moissons. Ses attributs sont la faucille et la branche de cyprès, de pin ou de lys. Le chien est son compagnon. On lui consacre des épis de blé, des grappes de raisin et des libations de lait ou de vin.

[68] En dehors des cités, la quasi-totalité des dédicaces à Mercure provient des régions vouées à l’oléiculture.

[69] CIL VIII 6355.

[70] ILAlg., I, 2069.

[71] ILAlg-02-02 4649.

[72] Il s’agit d’une inscription où Vénus est associée voire assimilée à Cybèle.

[73] Pascal VALLIER, Temples et cultes…, p. 113 ; Alain CADOTTE, La romanisation…., p. 238.

[74] AE 1919 47. Voir Antoine HERON DE VILLEFOSSE, « Inscription votive trouvée en Numidie dans les ruines de l’antique Thibilis, aujourd’hui Announah », CRAI, 1918, p. 233-234.

[75] CIL VIII 5524.

[76] Henri GRAILLOT, Le culte de Cybèle, mère des Dieux, à Rome et dans l’Empire romain, Paris, 1912, p. 531.

[77] La dédicace est faite par Q. Clodius Quintillus au nom de sa femme et non en son nom et en celui de sa femme.

[78] Louis CARTON et J. CHENEL, « Note sur Thuburnica », BCTH, 1891,  p. 183 n° 29. Alfred MERLIN, “Rapport sur les inscriptions latines de la Tunisie découvertes depuis la publication du supplément du Corpus Inscriptionum Latinarum », NAMS, XIV, 1907, p. 189 évoque aussi la possibilité de restituer Veneri. Par contre,  Maria Silvia BASSIGNANO, Il Flaminato nelle province romane dell’Africa, Rome, 1974, p. 145 n°4 propose, non sans point d’interrogation,  [Min]er[v]ae.