Mettre fin à la violence dans les cités : les décrets post-staseis du IVe et IIIe siècle av. J.-C.

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Christine Petrazoller

 


Résumé : Dans le monde grec, la violence est présente sous toutes ses formes, individuelles et collectives. Elle est un mode d’expression privilégié pour tout groupe politique qui cherche à imposer ses idées et son pouvoir à l’ensemble de la communauté. La stasis est l’expression ultime de la violence, car elle touche l’essence même de la cité. C’est la haine du familier, c’est la guerre (polémos) qui s’invite dans la cité. En cas de conflit, cette dernière se doit de rechercher la paix ou tout du moins l’apaisement nécessaire à sa stabilité, sa prospérité et sa sécurité. Ce sont ces aspects de la vie politique interne des cités que nous proposons d’analyser à travers des décrets post-staseis datés du IVe et IIIe siècle provenant essentiellement de Grèce propre, de cités insulaires et côtières d’Asie Mineure. Dans cette étude, une attention toute particulière est portée aux résolutions votées par le peuple en matière de politique de réconciliation, de défense de l’État, de renforcement de la législation en cours et de l’établissement de serments, en vue de rompre avec la violence, de rétablir et/ou réaffirmer l’unité du corps civique.

Mots-clés : cités grecques, stasis, violences, décrets, réconciliation, amnistie, serments.


Docteur en histoire et chercheuse associée à l’Institut des Sciences et Techniques de l’Antiquité de Besançon (ISTA EA 4011), Christine Petrazoller est l’auteur de la thèse inédite « La stasis dans les cités grecques du IVe au Ier siècle av. J.-C. », soutenue à l’Université de Franche-Comté à Besançon en novembre 2020 qui porte sur la guerre civile dans les cités grecques ou hellénisées. L’aire géographique étudiée couvre la Grèce proprement dite, les îles et la partie du monde colonial qui s’étend en 359 av. J.-C. de l’embouchure du Boug en Ukraine (Olbia), aux cités continentales et insulaires d’Asie Mineure et jusqu’en Afrique du Nord (Cyrénaïque). L’article proposé entre dans ce cadre de recherche.

christine.petrazoller@orange.fr


Introduction

Considérée comme l’un des pires maux, la violence n’est pas l’apanage des sociétés modernes. Elle a de tout temps été, comme le souligne J. Freund[1], l’une des formes des rapports de force entre les hommes, au même titre que la collaboration et le compromis. La violence est naturellement présente, sous toutes ses formes dans le monde grec. Cependant, c’est la guerre civile (stasis) qui représente, aux yeux des Grecs, la forme ultime de la violence car elle touche l’essence même de la cité. Elle est, pour reprendre les termes de N. Grangé, la guerre que la cité se livre à elle-même, une guerre sans règles qui met sens dessus dessous, un monde à l’envers[2].

Largement reconnue par les auteurs modernes, il n’y a guère de manuel ou synthèse sur le monde grec qui ne mentionne la stasis de manière plus ou moins sommaire. Pourtant, peu de travaux ont été consacrés à l’étude du phénomène depuis la publication de l’ouvrage de référence de H.-J. Gehrke en 1985 consacré au Ve et IVe siècle[3], en dépit d’un regain d’intérêt pour le sujet ces dernières années, notamment en philosophie politique[4]. Il faudra attendre les années 2010, pour voir paraître les premières études prenant réellement en compte l’époque hellénistique, jusque-là largement délaissée au profit de l’époque classique. Ces travaux, nous les devons, d’une part, à B. Gray qui s’intéresse à la cité et aux idées politiques à travers le prisme de l’exil et des exilés en Méditerranée entre 404 et 146 et, d’autre part, à H. Börm qui illustre la propagation du phénomène d’Alexandre à Auguste, en s’appuyant uniquement sur les sources littéraires pour établir sa chronologie[5]. Malgré ces apports récents, une lecture d’ensemble du phénomène, pour l’époque hellénistique, continuait encore à faire défaut. Notre étude, conduite dans la continuité de celle menée par H.-J. Gehrke, fondée sur une chronologie nouvelle, riche en séismes politiques (359 à 63 av. J.-C.) et reposant aussi bien sur les sources littéraires qu’épigraphiques, tient à combler cette absence[6].

Comme le montre la plupart des études, c’est le rapport de force entre les groupes politiques qui provoque une escalade de violence qui peut conduire, dans les cas les plus extrêmes, à une guerre civile, à l’issue incertaine. Après avoir plongé dans un abîme de violence destructrice, épurative, la cité doit se reconstruire. Mais comment procéder ?

Pour répondre à cette question, peu abordée dans les études[7], nous devons interroger l’histoire politique interne des cités. Celle-ci nous est souvent méconnue dès lors que l’on s’éloigne des cités comme Athènes, en raison d’un manque d’intérêt des auteurs anciens. Nous sommes dès lors largement tributaires de l’épigraphie pour nous renseigner. Alliée de choix, celle-ci a cependant ses limites. Inégalement répandue dans le temps et dans l’espace, les textes qui nous sont conservés ne sont pas toujours datables avec précision, à défaut d’éléments dans le contenu ou de sources littéraires permettant de les relier à un contexte historique précis. D’autre part, certains textes s’avèrent peu exploitables, en raison de leur mauvais état de conservation.

En dehors de ces aspects matériels, il faut surtout garder à l’esprit que ces textes sont le fait des vainqueurs. C’est à eux seuls, que revient le privilège de laisser leurs propres traces de l’histoire et de présenter l’usage de la violence sous un jour négatif pour les opposants et légitime pour la cité qui se défend.

Ce sont ces lois, règlements, serments mais aussi des extraits d’archives publiques, c’est-à-dire des textes votés et reproduits sur une stèle au cours du IVe et IIIe siècle, rassemblés, questionnés et insérés dans la trame historique qui vont nous permettre, à l’aide d’exemple précis, d’examiner la politique mise en œuvre par les cités pour dépasser le conflit ou, tout du moins, trouver un certain apaisement et maintenir l’ordre établi en limitant l’usage de la violence.

Sortir de la crise et retrouver la paix

Pour que la vie politique et sociale puisse reprendre son cours normal, il faut mettre fin à la stasis. Pour ce faire, il faut parvenir à sortir du rapport de force imposé par la violence du conflit, c’est-à-dire revenir à une relation fondée sur l’équilibre et l’échange entre les partis. En réalité, transformer le conflit en réconciliation est souvent difficile, notamment en raison de l’état émotionnel des protagonistes. Elle requiert l’oubli volontaire et collectif, l’amnistie. Plus d’une fois, la situation s’enlise et l’état de stasis préexistant s’installe dans le temps. Bien qu’elle puisse être vécue comme une ingérence dans les affaires de la cité, l’intervention d’un tiers en position de force permet alors parfois d’imposer une paix durable.

La réconciliation : réintégration des bannis politiques et restitutions de biens

La réconciliation repose sur le rétablissement du dialogue entre les partis. Consentie et négociée par la cité, elle est souvent le fruit d’une médiation externe et entre dans le cadre d’une politique de stabilisation, comme celle menée par Alexandre le Grand après la conquête de l’Asie Mineure (334-332) puis en 324 avec la promulgation de l’édit de Suse[8]. Imposée, elle peut être vécue par la cité, comme une atteinte à son autonomie judiciaire[9]. Dans un tel cas de figure, les cités appliquent localement les directives royales. La réconciliation est un processus long, douloureux impliquant, bien qu’elle ne soit pas nommée directement, l’amnistie des faits ayant trait au conflit, y compris les condamnations in absentia et la réintégration des bannis politiques. Ce retour implique une restitution au moins partielle des biens confisqués, véritable pierre d’achoppement entre les partis. Elle symbolise, pour les bannis, la réparation du préjudice moral et matériel subi mais, pour ceux qui ont acquis légalement ces biens, cela revient à porter atteinte à leur droit de propriété. Guère mentionnée dans les sources littéraires, la restitution des biens nous est connue, pour l’essentiel, à travers des règlements post-staseis, plus ou moins bien conservés.

Les plus exploitables sont ceux de Mytilène[10] sur l’île de Lesbos (ca 332[11]) et celui de Tégée en Arcadie (324)[12] , qui reste le plus complexe[13]. La réconciliation requiert souvent la mise en place d’une commission, composée ordinairement entre dix et vingt membres[14], chargée d’arbitrer les contentieux et veiller au bon déroulement des conciliations. L’arbitrage peut aussi être assuré par un tribunal étranger, comme ce fut le cas à Tégée qui renvoie certaines affaires devant le tribunal de Mantinée, siégeant soixante jours, alors que la cité de Télos sur l’île du même nom (ca 306 – 301), en face de Rhodes, confie, elle aussi probablement sur demande royale, l’arbitrage des différends à des juges étrangers venus de l’île voisine de Kos[15]. Cette pratique va devenir une véritable institution permettant à partir de la fin du IVe siècle de régler de manière pacifique des litiges publics ou privés.

L’atmosphère tendue, qui règne à Chios en 332 malgré la fin des hostilités, illustre parfaitement la difficulté à faire taire les ressentiments tant politiques que privés qui se sont cristallisés au fil du temps entre les partis. Afin de recadrer la situation et ramener les habitants à de meilleurs sentiments, Alexandre intervient au moins à deux reprises. Dans sa lettre adressée aux Chiotes en 332, il s’exprime en tant qu’hégémon de la ligue des Hellènes s’adressant à l’un de ses membres. Les directives sont claires : des nomographes choisis par la cité doivent rédiger et corriger les lois de telle manière que rien ne soit contraire à la démocratie et ne s’oppose au retour des bannis, chassés probablement en 333[16]. Ces lois doivent ensuite lui être présentées. Le roi aborde également le devenir de ceux qui ont trahi la cité au profit des Perses, désignés comme Barbares (τῶν δὲ προδόντων τοῖς βαρβάροις τὴν πόλιν) [17]. Leur sort rejoint celui réservé aux Thébains en 335. Sous le coup d’une procédure de saisie, bien connue du monde grec, les cités membres de la Ligue des Hellènes ont interdiction de les accueillir et, s’ils s’y trouvent, ils doivent être saisis pour être présentés devant le synédrion (conseil) en charge de les juger[18]. Le roi se réserve le jugement des litiges survenant entre les bannis rentrés et ceux de la cité. L’installation d’une garnison royale, chargée d’assurer le maintien de l’ordre jusqu’à la fin du processus de réconciliation, peut être le signe de la méfiance du roi à l’égard du parti des anciens tyrans, probablement encore influent. Cela se traduit aussi dans le sort particulier qui leur est réservé : ils sont les seuls à ne pas avoir été renvoyés dans leur cité pour y être jugés, mais déportés en Égypte, à Éléphantine sur la première cataracte du Nil[19].

Probablement interpellé en raison d’irrégularités, le roi est contraint d’intervenir une nouvelle fois (ca 332/1). Il est fort probable que cette seconde correspondance ait été remise aux ambassadeurs de Chios venus demander le retrait de la garnison, alors qu’Alexandre se trouve en Samarie en 331[20]. Le ton se veut cette fois plus autoritaire, mais l’état lacunaire du début du texte ne se prête guère à l’interprétation. Il s’agit toutefois pour le roi d’interdire toute nouvelle poursuite au chef d’accusation d’être favorable aux Perses (ἐπὶ βαρβαρισμός), pour la simple raison qu’à cette date, la reconquête étant parachevée, un tel motif n’a plus lieu d’être. Le ton change, lorsque le roi s’adresse au peuple à titre privé, pour prendre la défense et témoigner en faveur d’un ami (Alkimachos ?) resté en exil malgré les autorisations de retour[21].

Ce qui fait défaut dans le cas de Chios, c’est le texte concernant la réconciliation. L’édition plutôt récente d’une inscription très fragmentaire retient notre attention[22]. Malgré l’état de la pierre, le vocabulaire utilisé permet de déduire qu’il y a eu conciliations et mise en place d’une commission. Ces informations permettent de faire un rapprochement avec Mytilène, et mettre ce décret en lien avec les directives d’Alexandre. Cependant, la prudence reste de mise.

Le cas de Chios n’est pas une exception. S’engager dans un processus de réconciliation implique de se faire violence, car il s’agit au nom de l’unité de faire abstraction de tout sentiment de colère, de haine, d’injustice, etc. Le serment juré au terme des accords par l’ensemble du peuple engage les partis au pardon mutuel, à l’oubli des maux du passé (μὴ μνησικακεῖν) et à l’abandon de toute colère, de désir de revanche (μνησιχολεῑν)[23].

Plutôt que d’accorder l’amnistie au parti adverse, processus difficile et douloureux, comme nous l’avons vu, certaines cités portent l’affaire en justice, c’est notamment le cas d’Érésos sur l’île de Lesbos.

Les procès

En évoquant cette procédure judiciaire, nous avons avant tout à l’esprit les grands procès qui ont rythmés la vie politique athénienne à la fin du IVe siècle. Dans le cas présent, il s’agit de juger une partie des protagonistes d’une stasis qui se sont rendus coupables de trahison et d’actes de violence collectifs.

En s’engageant une telle procédure, la cité d’Érésos sur l’île de Lesbos ne fait que répondre à des directives laissées par Alexandre[24]. Contrairement au procès de Dikaia en Thrace (ca 365 – 360)[25], le verdict prononcé à Érésos est connu et bien documenté, grâce à des archives publiques gravées sur la pierre entre 306 et 301. Communément connue sous le nom de « dossier d’Érésos », il s’agit d’une stèle monumentale, brisée en deux et sur laquelle est gravé un ensemble de textes (quatre décrets et deux lettres royales) qui rappellent les mesures adoptées à l’encontre de deux groupes de tyrans qui ont exercé le pouvoir dans la cité sous le règne de Philippe II et le début du règne d’Alexandre. Cependant, il reste difficile de se prononcer sur la chronologie et la succession des tyrannies dans la cité entre le milieu du IVe siècle et 334. Les historiens s’accordent néanmoins sur un point : la cité a été dirigée par deux groupes avec d’un côté, trois frères Hermon, Héraios et Apollodoros et, de l’autre, Agonippos et Eurysilaos[26].

Ces décrets marquent les moments-clés du processus de stabilisation, à commencer par le procès capital d’Agonippos et Eurysilaos, et les décisions concernant leurs descendants et partisans (ca 332/1). Ils retiennent notre attention en raison de leur singularité : il s’agit, à notre connaissance, des seules inscriptions rappelant des actes de violence collectifs commis lors d’un conflit interne[27], comme le montre cet extrait de la mise en accusation d’Agonippos (l. 1 à 13) :

[— — — — — — — — τοὶς πολ]ιορκήθε[ντας]

[εἰς τὰν] ἀ̣[κρ]όπολιν̣ [ἀ]νοινο̣[μ]ό[λη]σε καὶ τοὶ[ς πο]-

[λίτα]ις δισμυρίοις στάτηρας εἰσέπραξε [καὶ]

[τοὶ]ς Ἔλλανας ἐλαΐζετ̣[ο] καὶ τοὶς βώμοις ἀ[νέ]-

5 [σ]καψε τῶ Δίος τῶ [Φ]ιλιππί[ω], καὶ πόλεμον ἐξε[νι]-

[κ]άμενος πρὸς Ἀλέξανδρον καὶ τοὶς Ἔλλανας

τοὶς μὲν πολίταις παρελόμενος τὰ ὄπλα ἐξε-

κλάϊσε ἐκ τᾶς πόλιος [πα]νδ̣άμι, ταὶς δὲ γύνα[ι]-

κας καὶ ταὶς θυγάτερας συλλάβων καὶ ἔρξα[ις]

10 ἐν τᾶ ἀκροπόλι τρισχιλίοις καὶ διακοσίο[ις]

στάτηρας εἰσέπραξε, ταν δὲ πόλιν καὶ τὰ ἶρ[α]

διαρπάσαις μετὰ τῶν [λα]ΐσταν ἐνέπρησε κα[ὶ]

σ[υ]γκατέκαυσε σώματα [τῶν] πολίταν, […]

[—] ceux qui étaient assiégés sur l’acropole et il (Agonippos) a extorqué vingt mille statères aux citoyens, pillé les Grecs, mis à bas les autels de Zeus Philippios, mené la guerre contre Alexandre et les Grecs, retiré les armes aux citoyens et les a tous expulsés de la cité tandis qu’il s’est saisi de leurs épouses et leurs filles, les a retenues sur l’acropole et leur a extorqué trois mille deux cents statères. À l’aide de pirates, il a pillé la cité et ses temples, y a mis le feu et a brûlé les corps de citoyens […][28].

Bien que l’entière véracité des charges retenues puisse interroger[29], celles-ci semblent parfaitement cadrer avec le modus operandi d’une stasis et le climat qui règne dans les cités d’Asie Mineure entre 334 et 332, où des actes similaires d’une extrême violence sont signalés dans les sources littéraires, notamment à Éphèse sur la côte égéenne en 334[30]. Les faits présents sont probablement à replacer dans le contexte de 333, lorsque la flotte dirigée par Memnon de Rhodes, au service du Grand Roi, fait voile vers Lesbos pour y soumettre les cités. C’est l’alliance conclue avec Alexandre et la ligue des Hellènes qui sert de catalyseur à l’opposition entre, d’un côté, Agonippos et Eurysilaos, favorables aux Perses, et, de l’autre, les démocrates soutenus par le peuple. L’intervention de la flotte macédonienne provoque la chute des tyrans des cités insulaires en 332. Les tyrans sont déférés devant Alexandre au moment où celui-ci séjourne en Égypte. Après les avoir entendus, il les renvoie devant le peuple de leurs cités respectives pour y être jugés. C’est certainement à cette occasion que le roi fait parvenir à la cité d’Érésos, la lettre (diagraphé) mentionnée dans le décret concernant Eurysilaos (lignes 17-18 : τὰν διαγράφαν τ[ῶ] │ [β]ασίλεος Ἀλεξάνδ[ρω])[31]. Au terme du procès, les deux tyrans sont condamnés à mort. Le décret d’Agonippos nous révèle le scrutin : sur 883 voix, 7 se sont prononcés pour l’acquittement. Les descendants des deux tyrans sont condamnés au nom de la solidarité familiale. Ils sont bannis de la cité et leurs biens sont confisqués. Ces peines sont conformes aux lois contre la tyrannie, connues par ailleurs à cette époque et sur lesquels nous reviendrons plus loin. L’ancienne loi érésienne, mentionnée à plusieurs reprises dans les autres documents de la stèle ne nous est, par contre, pas parvenue. Cependant, d’après les éléments contenus dans les autres textes de la stèle et au regard d’autres lois de ce type, il est fort probable que les bannis étaient également sous le coup d’une interdiction de fouler le sol érésien et que, s’ils étaient pris, ils pouvaient être exécutés. Les sanctions prévues à l’encontre de tout citoyen qui s’aviserait de les soutenir ou de parler en leur faveur entrent également dans le cadre d’une telle loi.

Pourtant, les mesures adoptées et l’exécution d’Agonippos et d’Eurysilaos ne règlent pas définitivement la situation. La cité doit répondre dans les décennies qui suivent aux prétentions des descendants des tyrans successifs, bien décidés à réintégrer leur patrie. C’est probablement à la faveur de la promulgation de l’édit de Suse de 324 qui porte sur l’amnistie générale de tous les bannis politiques qu’a lieu la première tentative des descendants des anciens tyrans (τῶν πρότερον τυράννων ἀπογόνων) de faire valoir devant Alexandre leurs droits de retour. Cette requête apparaît légitime puisque l’édit annule toutes les condamnations antérieures, ce que la cité conteste. L’ambassade envoyée auprès du roi a très certainement pour mission de négocier les dispositions de l’édit. Afin de répondre aux sollicitations des deux partis, le roi remet une nouvelle diagraphé aux ambassadeurs dans laquelle il laisse ses instructions en vue d’un procès durant lequel les partis vont pouvoir exprimer leur position. L’état fragmentaire du décret ne permet pas d’en savoir davantage concernant le procès, si ce n’est que le tribunal confirme leur condamnation et leur maintien en exil conformément à l’ancienne loi contre la tyrannie. La courte lettre du roi Philippe Arrhidée datée probablement de 319/8, au lendemain de la promulgation de l’édit de Polyperchon, montre la fermeté des Érésiens qui réitèrent une nouvelle fois leur décision de ne pas réintégrer les bannis, avec pour seul concession la levée de la saisie de corps applicable jusque-là.

La dernière tentative mentionnée est celle des fils d’Agonippos. Ces derniers ont cherché le soutien d’Antigone le Borgne qui porte déjà le titre de basileus, ce qui permet de placer son intervention entre 306 et 301, soit près de trente ans après la condamnation de leur père. La lettre envoyée par ce dernier est fragmentaire. Elle mentionne un décret donné en lecture devant lui, témoignant de l’inflexibilité de la cité : les décisions prises par le passé sous le règne d’Alexandre restent en vigueur. Le dernier texte parvenu entérine toutes les décisions prises au cours des trente années écoulées, scellant le sort des bannis. Il rejoint probablement le contenu du décret donné en lecture devant Antigone.

Le choix de ne pas accorder de pardon aux bannis peut avoir plusieurs explications, l’une des plus plausibles est économique : les biens confisqués ont très bien pu servir à indemniser des victimes ou contribuer à réparer des dommages causés. La crainte d’une revanche peut aussi entrer en ligne de compte. En dressant cette stèle monumentale dans les lieux publics, la cité tient à célébrer ses valeurs démocratiques, mais elle permet surtout aux vainqueurs d’exercer à leur avantage, sous prétexte de protéger la communauté civique, le pouvoir dans la cité.

La paix retrouvée est souvent placée sous les auspices des divinités, sous la forme d’une fête civique, répétée chaque année.

La célébration comme moyen d’affirmation et de réactivation de l’union de la cité

Évènement officiel, la célébration a, en dehors de son aspect religieux, une signification politique forte. Elle permet de perpétuer le souvenir, de réaffirmer annuellement l’unité du corps civique et donne lieu à un sacrifice collectif offert aux dieux. Mentionné par décret, le déroulement des fêtes varie peu d’une cité à l’autre, comme le montrent les cas de Mytilène et de Priène.

Dans le premier cas, nous revenons à Mytilène (ca 332), sur l’île de Lesbos, avec deux décrets dont la contemporanéité ne laisse guère de doute. Le décret sur le retour des bannis politiques prévoit d’organiser une fête à l’occasion de la réconciliation entre la cité et les bannis réintégrés. Il est prescrit qu’au vingtième jour du mois, après le sacrifice, le peuple offrira des prières aux dieux pour le salut et le bien-être de tous les citoyens. Tous les prêtres et prêtresses ouvriront les temples afin que le peuple s’y assemble pour prier. Le sacrifice aux dieux est reconduit annuellement en présence des acteurs de la réconciliation, à savoir les vingt arbitres qui ont contribué à résoudre les litiges et les messagers chargés d’en rendre compte auprès d’Alexandre. Le second décret, sur le retour de la concorde, découvert dans les années 1970 confirme l’instauration d’un régime démocratique qui se veut perpétuel (ἐν δαμοκρατίαι τὸμ πάντα χρόνον) [32] et d’un sacrifice en cas d’acceptation des résolutions par le peuple. La particularité de ce texte est qu’il nous apporte l’un des premiers témoignages de vœux adressés à la puissance divine, Homonoia (la Concorde), alors que ce culte n’en était probablement, selon G. Thériault, qu’à ses premiers balbutiements[33].

Le second cas nous amène à Priène située en Ionie (Asie Mineure) au moment où cette dernière s’apprête à tourner une page sombre de son histoire (ca 297), à savoir la stasis qui a opposé une partie de la population à un certain Hiéron, qualifié de tyran. Le contexte qui a conduit à ce conflit nous échappe : cet épisode de son histoire ne nous est connu qu’à travers un arbitrage rendu au IIe siècle dans une affaire de querelle territoriale entre Priène et Samos[34]. Dans ce décret très mutilé, aux restitutions peu satisfaisantes, outre l’éloge fait aux hommes qui ont fait preuve de bravoure au combat et qui ont chassé le tyran et ses partisans au bout de trois années de guerre (300 – 297), la cité décrète l’instauration de sôtéria pour commémorer, chaque année, la liberté retrouvée et témoigner de sa piété envers les dieux qui l’ont sauvée[35]. Seules les grandes lignes du déroulement des fêtes peuvent être restituées. Tous les citoyens sont appelés à sacrifier individuellement et en assemblée du peuple, le jour même de la libération, à Zeus Sôter, Athéna et Nikè. Les fêtes seront célébrées, selon les tribus, sur deux jours consécutifs au mois de Métageitnion. Les prêtres et les prêtresses des dieux de la cité et de sa chôra sont aussi appelés à accomplir des sacrifices. Des sanctions semblent être prévues à l’égard de ceux qui n’accompliraient pas les sacrifices prescrits, sans qu’il ne soit possible d’en dire davantage, en raison de la lacune laissée par le texte. Une telle mesure pourrait être le signe d’un différend persistant au sein du corps civique fraîchement réunifié.

Protéger la cité et éloigner le spectre de la violence collective

Malgré toutes les démonstrations de concorde civique, la cité se sait vulnérable, face à un danger venu de l’intérieur. La crainte d’un complot fomenté en vue de contester et renverser le pouvoir est toujours présent à l’esprit. Afin de contrecarrer tout potentielle action pouvant conduire à une stasis, la cité active ou réactive de sévères mesures dissuasives et répressives[36].

Les lois contre la tyrannie et l’oligarchie (Érétrie et Ilion)

Fréquentes dans le monde grec, celles-ci nous sont connues à travers des inscriptions datées du milieu du IVe siècle à la fin du premier tiers du IIIe siècle, une période durant laquelle le débat classique entre partisans de la démocratie et de l’oligarchie est toujours d’actualité. Dans l’hypothèse d’un renversement ou d’une tentative de subversion de la démocratie, l’oligarchie et la tyrannie sont placées sur un même plan et combattues de la même manière. Néanmoins, peu de textes traitant de cette question ont été conservés et rares sont ceux qui nous sont parvenus dans leur intégralité. Nous pensons notamment à la loi d’Érésos citée plus haut dont nous ne pouvons distinguer que les contours. Toutefois, quelle que soit l’époque ou l’endroit où une telle loi a été votée, nous retrouvons des bases communes. Chaque texte reconnaît à sa manière, l’effort fourni pour rétablir la constitution comme un acte de défense de l’État. Ces lois prévoient en effet toutes de récompenser, selon les règles définies localement, les individus qui ont su agir pour le bien commun. Il est d’usage que le meurtrier d’un rebelle (aspirant à la tyrannie ou à l’oligarchie) ne soit pas souillé par son crime de sang, mais qu’au contraire les plus grands honneurs lui soient décernés pour son geste salvateur : statue de bronze, place privilégiée lors des fêtes, nourriture à vie au Prytanée. Héroïsé, le tyrannicide devient un symbole de la démocratie restaurée et entre dans la postérité avec tous les égards qui lui sont dus, comme le montre le décret concernant la restauration de statue de Philitès d’Érythrées, cité grecque d’Ionie en Asie Mineure, daté probablement de ca 280[37]. La cité peut également concéder, selon ses modalités propres, des avantages financiers à la hauteur du geste (somme fixe versée immédiatement puis suivie d’une rente à vie) ou accorder des avantages à des non-citoyens (étrangers, esclaves) ou des compagnons d’arme d’un chef rebelle prêts à accomplir un tel acte. En fonction de leur statut, ces derniers peuvent se voir attribuer la citoyenneté, la liberté avec un statut de métèque ou l’immunité pour les actes commis.

Ces lois ont d’autres traits communs. En cas de changement politique violent, elles appellent les citoyens à ne pas soutenir ou participer de quelque manière que ce soit à un régime non démocratique. Au contraire, ces lois poussent à prendre parti pour la démocratie. À titre préventif, elles interdisent la présentation de projets de loi contraires à la constitution et prévoient de punir sévèrement les auteurs de tels agissements. Ceux-ci sont ordinairement frappés d’atimie, bannissement avec confiscation des biens et possibilité d’être impunément mis à mort. La loi peut même leur interdire l’inhumation en terre natale, comme à Érétrie.

Généralement inspirées des évènements récents, ces lois peuvent nous éclairer sur les circonstances qui ont conduit à leur élaboration. Le plus ancien de ces décrets et le seul, à côté de celui d’Athènes (337)[38] , à nous être parvenu de Grèce propre est celui de la cité d’Érétrie en Eubée (340). Malgré l’état fragmentaire du texte, celui-ci reste unique[39]. Son originalité repose sur le modus operandi à respecter en cas de situation critique, lorsqu’un changement politique est imposé par la violence, malgré les sanctions encourues. Il est prescrit (l. 20 à 30) :

[—] ἂν δέ τις κ[αθ] –

[ιστεῖ ἢ τυραννίδα] ἢ ὀλιγαρχίην καὶ ἐγβιάρηται, παραχρῆμα βοη-

[θεῖν πολίτας ἁπάντ]ας τοῖ δήμοι καὶ μάχην ἅπτειν τοῖς διακωλύ-

[ρουρι τὴν ἐκκληρίη]ν καὶ πρυτανείην, ἕκαστον ήγείμενον αὐτόν

[ἱκανὸν μάχεσθαι ( ?) ἄν] ε̣υ̣ [π]αρανγέλματος. Ἄν δέ τι συμβαίνει ἀδυνα-

25 [τέον κατασχεῖν ( ?) τὸ Ἀγ]ο̣ρ̣αῖον παραχρῆμα ὥστ’ ὲ̣[ξ]ε[ῖν]αι τεῖ βουλεῖ-

[καθῖσαι κατὰ νόμον ἢ ἂν] ἀποκλεισθεῖ ό δῆμος τῶν τειχέων , καταλ-

[αμβάνειν χωρίον τι τῆ]ς Έρετριάδος ὅ τι ἂν δοκεῖ σύνφορον εἶνα-

[ι πρὸς τὸ ἐκεῖ συνελθεῖ]ν τοὺς β[οη]θέοντας πάντας · καταλαβόντα-

[ς δὲ ὑποδέχεσθαι τὸν ἐλθ]όντα καὶ βολόμενον τῶν Ἑλλήνων βοηθε-

30 [ῖν το͂ι δήμοι το͂ι Έρετριῶν].[—]

[—] si quelqu’un établit (une tyrannie) ou une oligarchie par la force, que, sur le champ (tous les citoyens) viennent en aide au peuple et engagent le combat contre ceux qui empêchent (le fonctionnement de l’Assemblée ?) et de la Prytanie, chacun devant s’estimer (suffisamment apte à combattre ?) sans attendre un ordre. S’il survient un évènement rendant impossible (d’occuper ?) sur le champ l’Agoraion en sorte qu’il soit permis au Conseil (de siéger dans la légalité ?) ou si le peuple est retenu à l’extérieur des murailles, que l’on s’empare (d’une place) située dans l’Érétriade, que l’on estimera avantageuse (pour réunir en ce lieu) tous ceux qui viennent au secours (du peuple) ; une fois qu’on l’aura prise, (que l’on y accueille) ceux des Hellènes qui seront venus avec la volonté de porter secours (au peuple des Érétriens). [—][40]

Bien qu’elle ne soit pas explicitement mentionnée, il est indéniable que l’histoire interne de la cité entre 356 et 341 n’est pas étrangère à l’adoption de cette loi[41]. Durant plus d’une décennie, la vie de la cité et de l’île dans son ensemble a été rythmée par des affrontements entre groupes d’opposition sur fond de rejet du modèle politique athénien par de riches propriétaires terriens. La loi légitime l’action individuelle même violente, chaque individu devant être prêt à défendre la démocratie, l’arme à la main, sans attendre d’ordre ou d’appel à la mobilisation. Elle prend en compte des obstacles majeurs qui peuvent survenir lors d’un affrontement avec des séditieux, à savoir garder et/ou reprendre le contrôle sur des places stratégiques de la cité dont le siège du Conseil (bouleutérion). Dans le cas d’Érétrie, celui-ci se confond, selon D. Knoepfler, avec l’Agoraion mentionné dans la loi[42].

Même l’éventualité de se voir rejeter hors les murs n’est pas écartée. Énée le Tacticien mettait déjà en garde les cités, face à un tel danger, que l’auteur estime d’autant plus important lors d’une sortie en foule à l’occasion d’un concours ou une célébration religieuse lors desquelles ont lieu des processions en armes qui offrent la possibilité à un groupe séditieux de sortir des rangs, de frapper et occuper la cité[43]. Dans un tel cas de figure, l’occupation d’une place forte (phrourion) n’a rien de surprenant. Il s’agit là d’une pratique bien éprouvée à l’époque hellénistique et, par ailleurs, un sujet de préoccupation majeur en cas de stasis. Cet espace, parfois implanté sur le territoire ou à ses frontières, peut à tout moment devenir un lieu de rassemblement de l’opposition. Dans le cas d’Érétrie, elle doit se situer dans l’Érétriade, qui s’étend, selon D. Knoepfer, en longueur sur près de 50 kilomètres et doit pouvoir accueillir des troupes alliées envoyées par des États voisins peu distants tels Chalcis, Carystos ou Athènes sur le continent, la principale alliée des démocrates. Plusieurs places, plus ou moins éloignées de la cité, peuvent entrer en ligne de compte, dont certaines situées dans la région de Tamynes, théâtre d’opérations durant les luttes civiles de 348[44].

Cependant, la position centrale en face du continent et au cœur du territoire, fait de Porthmos, le lieu idéal pour un tel rassemblement. À l’état de ruine au moment de la publication de la loi en 340, cette dernière doit pourtant être de facto exclue[45].

En comparaison à d’autres lois, celle d’Ilion en Troade[46] est la plus longue connue et s’articule autour d’une série de récompenses et sanctions destinées à détourner les citoyens d’un régime non démocratique, en punissant notamment ceux qui y ont exercé une magistrature. Le contexte historique précis qui a pu conduire à l’élaboration de cette loi, reste incertain. Il est communément admis en raison d’un faible faisceau d’indices de la placer ca 281/0 à la fin du règne de Lysimaque[47].

Nous ne revenons pas ici sur tous les aspects de cette loi qui a fait l’objet de plusieurs commentaires récents, dont ceux de A. Maffi et D. Teegarden[48]. Dans le cadre de notre sujet, ce sont les paragraphes 8, 9 et 10 qui attirent plus particulièrement notre attention. En effet, malgré les difficultés d’interprétation du texte, ces paragraphes font référence à des sanctions infligées en réponse à des comportements radicaux commis à l’encontre de citoyens. Bien que la nature des actes ne puisse être clairement établie, certains sont à imputer à des citoyens (simples particuliers ou magistrats) qui semblent avoir profités de la situation troublée pour se rendre coupables d’homicide, dans le seul but d’assouvir leur cupidité ou des haines privées. Il est également fait mention d’abus (emprisonnements et extorsions de fonds), auxquels certains citoyens ont réussi à se soustraire en prenant la fuite. Les victimes de telles violences peuvent prétendre à des dommages et intérêts.

En effaçant de la mémoire collective, les hommes qui se rendent coupables d’un attentat contre la démocratie, la cité d’Ilion va très loin dans sa détermination à punir un tel acte. Maudit à jamais, leur nom est martelé partout où il apparaît, que ce soit parmi les noms de prêtres, sur un monument votif individuel ou collectif et même sur un tombeau. Le peuple peut aussi décréter la destruction d’un monument individuel de telle manière à ce qu’il ne reste rien du souvenir de ces hommes. En faisant disparaître toute trace de leur existence, la cité les voue à l’éternel oubli. Il s’agit, par un tel châtiment, de marquer les esprits et s’assurer que le peuple tourne définitivement cette page douloureuse de son histoire, tout en rappelant aux potentiels contradicteurs ce qu’il en coûte de s’attaquer à la démocratie.

Qu’elles soient inspirées ou non de l’histoire récente ou de la tradition des lois anti-tyrans, ces lois doivent contribuer à limiter l’usage de la violence. D’autres lois, destinées à protéger la cité, viennent également renforcer la législation déjà en place.

Protéger la constitution : les cas de Kymè et Sagalassos

Deux décrets récemment découverts viennent alimenter le dossier encore très partiellement connu des décrets visant à protéger le régime démocratique. Ils semblent, sans certitude, avoir été adoptés dans des contextes politiques et géopolitiques troublés, probablement dans le premier quart du IIIe siècle sur fond de luttes hégémoniques et d’invasions galates en Asie Mineure. Le but est d’assurer la sécurité et la souveraineté de la cité et de son territoire dans un contexte de menées séditieuses.

Ainsi, le texte adopté par le peuple de Kymè, cité d’Éolide sur la côte occidentale de l’Asie Mineure, sur proposition d’un notable local, un certain Euippos fils de Laonikos, pointe du doigt le collège des stratèges[49]. Comme le souligne P. Hamon, le texte rappelle les obligations fondamentales liées à leur charge : loyauté, maintien de l’intégrité politique et territoriale de la cité et interdiction de sacrifier la liberté de celle-ci au nom d’une quelconque alliance interne ou externe avec un groupe séditieux, un roi ou un dynaste. La crainte d’une trahison ou d’un renversement de la constitution est présente à l’esprit des Kyméens. Le terme κατάλυσις (employé dans le sens de dissolution du gouvernement) apparaît au moins à trois reprises dans le texte. Aucun écart de conduite n’est tolérable et tout contrevenant au texte doit être déféré devant le peuple dans le cadre d’une poursuite pour trahison (eisangélia) et/ou tentative de renversement de la démocratie (προδοσίᾳ καὶ τᾷ καταλύσει τῶ δάμω).

Les accords de Sagalassos en Pisidie portent, quant à eux, sur la défection et l’occupation illégale d’une place forte (akra) par un groupe de séditieux[50]. L’akra identifiée par M. Waelkens avec la forteresse de Tekne Tepe surplombant la cité (1885 mètres) est localisée juste au-dessus de l’agora supérieure. La première partie du texte peut être rapprochée des lois contre la tyrannie et l’oligarchie étudiées supra et des serments civiques que nous abordons plus loin. La seconde partie du texte porte sur le règlement d’un hypothétique conflit interne à l’origine de l’occupation illégale de l’akra par un groupe de quinze séditieux qui doit s’en remettre à la justice, selon les accords et les arrangements (αἱ ὁμολογίαι καὶ αἱ συνθῆκαι) pris par les archontes. L’une des clauses qui implique la mise à mort de trois séditieux, considérés comme les meneurs du groupe, pose toutefois des problèmes d’interprétation. En raison de l’état de conservation du texte, il n’est pas possible de déterminer qui des séditieux ou des Sagalassiens sont chargés de leur exécution[51]. L’indemnisation de bannis sur les fonds propres des séditieux témoigne d’actes de violence.

La dernière partie du texte est consacrée à la révision d’une loi sur le vol. La sanction prévue de trois mines, en usage jusque-là, est commuée en peine de mort pour celui qui est reconnu coupable. Ce changement radical laisse suggérer une situation de troubles et d’insécurité conséquents. La question de savoir si nous sommes en présence d’un conflit en cours au moment de la publication du décret ou devant des mesures préventives inspirées d’un passé douloureux récent reste ouverte[52].

Établir des serments

Selon J. Plescia, les serments sont comparables à des contrats. Ils sont jurés dans un contexte particulier, à la suite d’une crise politique interne d’ampleur (stasis), lors d’un acte d’union ou tout simplement dans le but de réaffirmer l’unité de la cité[53]. Lors d’une telle déclaration solennelle, tous les citoyens assemblés jurent, chacun en son propre nom, allégeance à la constitution en place. Ils promettent de respecter, parfois jusqu’à la fin des temps (ἅπαντα τὀν χρὁνον), les conditions stipulées dans le serment (engagements politiques et militaires) et de dénoncer quiconque s’apprêterait à lui nuire de quelque façon que ce soit. Les serments civiques qui ont été conservés, datent du IIIe siècle et proviennent de la région du Pont (Chersonèse[54]) et de Crète (Itanos et Dréros), à l’exception de celui de Mylasa en Carie, estimé du IIe siècle et dont le contexte nous est inconnu[55]. La prestation de serment est un devoir, auquel personne ne peut déroger sous peine de sanction. Ainsi, à Itanos, ceux qui refusent de prêter serment ne peuvent plus prendre part aux affaires religieuses et humaines (καὶ θίνων καὶ ἀνθρωπίνων), ce qui revient à les mettre au banc de la société[56].

Des serments civiques ne ciblant qu’une partie de la population sont rares. Seul un exemple nous est connu, celui de Dréros (ca 220-219), où seuls cent quatre-vingt jeunes sortis de l’enfance (ἀγελάοι) y sont soumis[57]. Ce dernier est très certainement à mettre en relation avec le contexte politique instable qui règne en Crète à cette époque : une guerre est en cours entre les alliances de Cnossos et Lyttos et des conflits locaux comme à Gortyne où une stasis, opposant les jeunes aux anciens, ensanglante la cité et son territoire[58].

Un serment est toujours accompagné d’une imprécation, sanction religieuse, indépendante de la justice des hommes, que le rituel du sacrifice sur l’autel des dieux est censé rendre plus opérant et redoutable. Que la malédiction soit formulée de manière très simple, comme par exemple « καί [μοι ε]ὐορκοῦ[ντι] ǀ [μὲν ε]ὖ εἴη, ἐπιορκοῦντι δὲ κακ[ῶ]ς· »,[59] ou de manière plus détaillée, le citoyen qui se parjure se condamne à une vie misérable et engage ce qu’il laisse pour la postérité : richesse (terres et troupeaux), extinction du genos.

Conclusion

Cette étude permet d’apporter une vue d’ensemble des moyens politiques mis en œuvre par les cités pour, d’une part, sortir du rapport de force imposé par la violence de la guerre civile (stasis) et, d’autre part, prévenir toute forme de contestation de l’ordre établi et de facto limiter l’usage de la violence à des fins séditieuses. Malgré des similitudes de formulation de certaines lois et serments, chaque situation est unique et les textes sont adaptés à un contexte local précis. Leur efficacité à moyen et long terme reste difficilement appréciable.

Il convient également de garder à l’esprit que la violence répressive et contraignante exercée dans le cadre législatif sert les intérêts du pouvoir en place. Elle répond à la crainte du complot, de la trahison ou d’une contestation légitime du pouvoir par un groupe d’opposition. En encourageant les dénonciations d’actions ou délits en préparation, elle favorise aussi des règlements de comptes privés.

 

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[1] Julien FREUND, « La violence dans la société actuelle », Revue européenne des sciences sociales, Tome 30, n°94, 1992, p. 43.

[2] Ninon GRANGÉ, Oublier la guerre civile ? Stasis, chronique d’une disparition, Paris, EHESS, 2015, p. 225.

[3] Hans-Joachim GEHRKE, Stasis : Untersuchungen zu den inneren Kriegen in den griechischen Staaten des 5. und 4. Jahrhunderts v. Chr., Munich, C.H Beck, 1985.

[4] Le concept de stasis a retenu en premier l’attention de Nicole Loraux, parmi ses nombreuses contributions, retenons : Nicole LORAUX, La cité divisée, Paris, Payot, 1997. Plus récemment, nous pouvons renvoyer aux travaux des philosophes Ninon GRANGÉ id. ; Esther ROGAN, La stasis dans la politique d’Aristote. La cité sous tension, Paris, Garnier, 2018.

[5] Benjamin GRAY, Stasis and Stability : Exile, the Polis, and Political Thought, c. 404-146 BC, Oxford, Oxford University Press, 2015 ; Henning BÖRM, Mordende Mitbürger. Stasis und Bürgerkrieg in griechischen Poleis des Hellenismus, Stuttgart, Steiner Verlag, 2019.

[6] Christine PETRAZOLLER, La stasis dans les cités grecques du IVe au Ier siècle avant, J.-C., Besançon (thèse inédite), 2020. Pour l’approche historiographique détaillée du sujet, voir « Présentation de recherche. La stasis dans les cités grecques du IVe au Ier siècle av. J.-C. », DHA 47/2, 2021.

[7] Notons la dissertation d’Astrid DÖSSEL, Die Beilegung innerstaatlicher Konflikte in den griechischen Poleis vom 5-3 Jahrhundert v. Chr., Francfort, Europäische Hochschulschriften, 2003, axée sur l’analyse et le commentaire de quelques textes épigraphiques, concernant le règlement de conflits, d’intensité variable et provenant des deux côtés de la Méditerranée.

[8] Elle peut être plus locale avec des garants externes comme Perdiccas III à Dikaia en Thrace (ca 360) où Cléonyme à Alipheira en Arcadie (270).

[9] C’est notamment le cas en 324, où l’édit de Suse qui promulgue le retour de tous les bannis politiques en Grèce, soulève l’indignation, notamment du côté d’Athènes et des Étoliens.

[10] IG XII,2 6. Cf. notamment Andrew J. HEISSERER, Alexander and the Greek ; the epigraphic evidence, Norman, Oklahoma University Press, 1980 ; Guy LABARRE, Les cités de Lesbos aux époques hellénistique et impériale, Paris, de Boccard, 1996, p. 251-255.

[11] Bien que traditionnellement admise, la datation du décret de Mytilène reste sujet à controverse. Notamment Andrew J. HEISSERER, id. ; Guy LABARRE, id., optent pour 332. Contra notamment Astrid Dössel, Die Beilegun… ; p. 178 ; Dmitriev SVIATOSLAV, « Alexander’s Exiles Decree », Klio 86, 2004, p. 359-360, qui préfèrent l’insérer dans le cadre de l’édit de Suse en 324. Pour la discussion cf. Christine PETRAZOLLER, La stasis…, p. 93 – 94.

[12] IPArk 5. André PLASSART, « Le règlement tégéate concernant le retour des bannis à Tégée en 324 av. JC », 1914, BCH 38.

[13] IED 30. À Élis (ca 350 – 324), il semble que les biens soient restés sous la garde de proches restés dans la cité.

[14] Vingt membres choisis de façon paritaire entre les bannis rentrés et ceux présents dans la cité à Mytilène en 332, dix membres à Chios ca 332 et quinze membres à Sicyone en 250 selon Cicéron, Les devoirs, XXIII et Plutarque, Aratos, XIV, 1.

[15] Gerhard THÜR, Amnestie in Telos (IG XII 4/1, 132), ZRG 128, 2013, p. 351-379.

[16] Arrien, II,1,1 ; III, 2,1 ; Quinte-Curce, IV,5. En 333 au moment de la contre-offensive, la cité tombe par trahison aux mains des Perses et les démocrates pro-macédoniens sont chassés.

[17] Andrew J. HEISSERER, Alexander…, p. 80.

[18] Diodore, XVII, 14, 4.

[19] Arrien, III, 2,1.

[20] Quinte-Curce, IV,8.

[21] HEISSERER, ibidem, p. 96-111. L’état de l’inscription ne permet pas de se prononcer sur l’identité de cet ami : voir également Francis PIEJKO, « The second letter of Alexander the Great to Chios », Phoenix 39, 1985 p. 242-243.

[22] Georgia MALOUCHOU, « Χῖοι κατελθόντες », Horos, 14-16, 2000-2003.

[23] IPArk 24. Le terme mnesicholein apparaît à notre connaissance, uniquement dans le décret d’Alipheira.

[24] Arrien, I,3.

[25] La colonie d’Érétrie se prononce en faveur d’un accord mixte, associant amnistie des faits passés et procès de certains meneurs de partis impliqués dans une stasis. Ce n’est qu’en cas d’acquittement qu’ils se voient autorisés à participer aux serments et engagements collectifs. Cf. Emmanuel VOUTARIS « La réconciliation des Dikaiopolites : une nouvelle inscription de Dikaia en Thrace, colonie d’Érétrie », CR Belles-Lettres, 2008, p. 781-792 ; Benjamin GRAY « Justice or Harmony ? Reconciliation after stasis in Dikaia and the fourth-century BC polis », REA 115, 2013, p. 369-404.

[26] Les arguments émis en 1913 par Hans PISTORIUS, Beiträge zur Geschichte von Lesbos im vierten Jahrhundert v. Chr., Jena, sont traditionnellement admis : Agonippos et Eurysilaos occupaient le pouvoir à deux reprises, alors que les trois frères auraient été chassés du pouvoir avec l’aide de Philippe en 343. Andrew J. HEISSERER, Alexander…, p. 60-65, propose une nouvelle chronologie avec pour point de départ la campagne de Parménion (336) et une double tyrannie des trois frères. Cette interprétation connaît également ses détracteurs. Pour la discussion voire Christine PETRAZOLLER, La stasis..., p. 76 – 77.

[27] IG XII, 2, 526.

[28] Andrew J. HEISSERER, Alexander…, p. 27 – 28.

[29] Henning BÖRM, Mordende…, p. 265.

[30] Arrien, I, 17, 10.

[31] Il n’est pas entièrement exclu que les enfants d’Apollodoros, probablement mort en exil, et ses frères Hermon et Héraios, anciens tyrans de la cité, aient profité du moment pour exprimer auprès du roi leur souhait de réintégrer la cité.

[32] Éditions et commentaires voir notamment Andrew J. HEISSERER & Robert HODOT, « The Mytilenean Decree and Concord », ZPE 1986, p. 109-128 ; Guy LABARRE, Les cités…, p. 251-252.

[33] Gaëtan THERIAULT, Le culte d’Homonoia dans les cités grecques, Lyon, MOM, p. 1-7 et p.68.

[34] I. Priene, 37 ; 38.

[35] I. Priene 11.

[36] La loi prévoit déjà de réduire certaines magistratures dont la stratégie à un an, six mois voire quatre à l’époque hellénistique, afin de limiter l’apparition de pouvoirs personnels forts.

[37] I. Erythrai & Klazomenai, n° 503. David TEEGARDEN, Death…, p. 115-141.

[38] Agora XVI, 73.

[39] Denis KNOEPFLER, « Loi d’Érétrie contre la tyrannie et l’oligarchie, 1ère partie », BCH 125, 2001, p. 195-238 ; « Loi d’Érétrie contre la tyrannie et l’oligarchie, 2ème partie », BCH 126, 2002, p 149-204. Fragment A découvert à Aliveri aujourd’hui perdu. Le fragment B découvert en 1958, non loin de là, peut-être, selon D. Knoepfler, un genre d’amendement des dispositions précédentes.

[40] Denis KNOEPFLER, id. Traduction personnelle.

[41] Astrid DÖSSEL, « Einige Bemerkungen zum “Gesetz gegen Tyrannis und Oligarchie” aus Eretria, 4 Jahr. v. Ch. », ZPE 161, 2007, p. 115-124. L’auteur défend l’hypothèse de plusieurs lois différentes, attribuant la paternité des dispositions politiques et militaires du fragment B à un groupe démocrate en lutte contre l’oligarchie pro-macédonienne, installé pour reprendre l’auteur en « Sonderpolis » à Porthmos avec une publication vers 343. Contra Denis KNOEPFLER, Revue des études grecques. Bulletin épigraphique, 2008, n°265 qui réfute ces arguments.

[42] Denis KNOEPFLER ibidem, p. 172-174.

[43] Énée le Tacticien, XII, 1.

[44] Les évènements nous sont connus essentiellement à travers des discours : Démosthène, Contre Aristocratès, XXIII, 124 ; Contre Midias, 110 ; Eschine, 86.

[45] Démosthène, Troisième philippique, IX, 57 – 58. Selon l’orateur, Porthmos a été rasée par les troupes de Philippe ca 343-341, alors qu’elle était occupée par des exilés érétriens, favorables à Athènes.

[46] IMT Skam/Neb Täler, 182.

[47] Sur le contexte politique, cf. Christine PETRAZOLLER, La stasis …, p. 194 – 197.

[48] Alberto MAFFI, « De la loi de Solon à la loi d’Ilion ou comment défendre la démocratie », dans Jean-Marie BERTRAND (éd), La violence dans les mondes grec et romain, Paris, Sorbonne, 2005, p. 137-161 ; David TEEGARDEN, Death…, 173-214.

[49] Découvert à Kymè près du théâtre (ou du bouleutérion) lors d’une campagne de fouilles (Mission italienne en 2002) et conservée au Musée d’Izmir. Le texte très fragmentaire a fait l’objet de reconstitutions : Giacomo MANGANARO, « Doveri dello stratego nella Kyme eolica, a regime democratico, nel III sec. A.C », EA 37, 2004, p. 63-68 ; Patrice HAMON, « Kymè d’Éolide, cité libre et démocratique et le pouvoir des stratèges », Chiron 38, 2008, p. 63-106.

[50] Les deux fragments de Sagalassos ont été découverts à six ans d’intervalle (1996 et 2002). Katelijn VANDORPE, « Negociators, Law from rebellious Sagalassos in an early hellenistic inscription », dans Marc WAELKENS & Lieven LOOTS (éds), Sagalassos V, Report on the survey and excavation campaigns of 1996 et 1997, Leuven, University Press, 2000, p. 489-507; Katelijn VANDORPE & Marc WAELKENS, « Protecting Sagalassos, fortress of the Akra. Two large fragments of an early Hellenistic inscription with an appendix by M. Waelkens », AncSoc 37, 2007, p. 121-141.

[51] Katelijn VANDORPE ibidem, p. 493. Le chiffre de quinze séditieux peut paraître insignifiant au regard d’une stasis qui implique souvent plusieurs dizaines, voire centaines d’individus. Rien n’empêche d’imaginer qu’ils puissent bénéficier d’un soutien dans la cité ou à l’extérieur. La situation fait penser au décret d’union de Téos/Kyrbissos qui prévoit des sanctions en cas de rébellion d’un phrourarque (Louis & Jeanne ROBERT, « Une inscription grecque de Téos en Ionie. L’union de Téos et de Kyrbissos », JS 3-4, 1976, p. 153-235).

[52] Katelijn VANDORPE ibidem, p. 492 ; Henning BÖRM, Mordende…, p. 217 sont en faveur d’un conflit en cours.

[53] Joseph PLESCIA, The Oath and Perjury in Ancient Greece, Tallahassee, Florida State University Press, 1970, p. 101.

[54] IosPE I2, 401.

[55] I. Labraunda, 51.

[56] IC III, iv, 8.

[57] IC I, ix, 1.

[58] Polybe, IV, 53, 7. Henri van EFFENTERRE, « À propos du serment de Dréros », BCH 62, 137, p. 330. L’auteur émet, avec une certaine réserve, l’hypothèse d’un serment post-stasis.

[59] « … si je m’en tiens au serment que tout aille bien, si je me parjure que tout aille mal ». Traduction personnelle. Cf. également Louis & Jeanne ROBERT, Une inscription…, p. 153-235.

 

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