Fantine Beauvieux
Résumé : À travers l’analyse d’un corpus constitué de plusieurs longs-métrages Walt Disney Animation Studios produits entre 2008 et 2018 à destination du jeune public (The Princess and the Frog, Wreck It Ralph, Zootopia…), nous étudierons la manière dont l’ensemble du travail est représenté dans le contexte d’une importante crise financière : la Grande Récession de 2008. Cette dernière bouleverse l’économie mondiale et le taux de chômage américain explose pour redescendre ensuite au fil des années. À l’époque, Disney connait déjà une période difficile marquée par de nombreux échecs commerciaux et une restructuration de ses studios. L’angoisse liée à la crise économique et à la tentative de sauver l’animation Disney se ressent-elle dans les fictions produites ? Si tel est le cas, les représentations du travail encouragent-elles les enfants à ne pas faire de leur désir professionnel un but ultime mais à privilégier leur vie privée pour s’épanouir ? Ou au contraire, le travail est-il présenté comme une situation enviable ? Alors les enfants l’associeraient à un bonheur garanti et redonneraient espoir en une prospérité économique. Nous analyserons les fictions produites à la lumière des conditions de travail au sein de l’entreprise-même.
Mots-clés : Disney, travail, crise économique, jeunesse.
Fantine Beauvieux est née le 28 novembre 1995. Doctorante au sein du laboratoire Littératures, Imaginaire, Sociétés (LIS) de l’Université de Lorraine, elle se consacre à l’étude des différentes représentations du travail et du divertissement qui sont présentes dans les productions de la Walt Disney Company et qui peuvent influencer les attentes des générations futures de leur travail. Elle est également chargée de cours au sein de la Licence Études Culturelles de l’Université de Lorraine pour laquelle elle enseigne l’histoire de la presse jeunesse, la méthodologie rédactionnelle et la méthodologie argumentative.
fantine.beauvieux@univ-lorraine.fr
Introduction
Dans un paysage culturel où l’audiovisuel est très présent, les films d’animation des studios Disney ont une place de choix. Cela se vérifie autant par le succès que ces productions connaissent au box-office (en 2013, 2016 et 2019 les studios ont dépassé le milliard de dollars de recettes au box-office mondial avec Frozen [La Reine des Neiges], Zootopia [Zootopie]et Frozen II [La Reine des Neiges II][1]) que par leur présence dans le paysage culturel mainstream. Christian Chelebourg, spécialiste des fictions de jeunesse, explique que la Walt Disney Company possède une influence si grande dans le paysage culturel que la grande majorité des enfants sont familiers de ses œuvres d’animation[2]. Les films Disney sont devenus des incontournables à montrer aux enfants : « Au cours des entretiens qu’ils ont menés, des auteurs ont relevé l’injonction intérieure – voire le sentiment de culpabilité ressenti par les parents – à l’idée de priver leur progéniture de Disney[3] », écrit Alexandre Bohas lorsqu’il étudie la domination mondiale de l’entreprise. Les longs-métrages Walt Disney Animation Studios sont donc vus de tous, et comme toute fiction, ils possèdent un impact sur leurs spectateurs. Si ces films sont régulièrement étudiés au prisme des représentations de genres et de races, les représentations du monde du travail sont également à interroger puisqu’elles peuvent avoir une influence sur les jeunes générations et leurs aspirations professionnelles.
La Walt Disney Company doit s’adapter au mieux aux attentes de son public car elle est dépendante de la réussite commerciale de ses films pour poursuivre son activité dans les meilleures conditions. « On accuse souvent Disney de formater la conscience de ses consommateurs en oubliant un peu vite que la Walt Disney Company est aussi financièrement tributaire de leurs évolutions[4] », rappelle Christian Chelebourg. Les œuvres culturelles influencent la société, mais la société elle-même a un impact sur ces dernières. Il est donc intéressant de se pencher sur les crises majeures qu’elle a pu connaître pour se demander si les bouleversements sociaux ont pu affecter les représentations présentes dans les films Disney.
S’il est une période qui semble difficile à la fois pour la société et les studios Disney, c’est bien la Grande Récession qui débute en 2008, après que la crise des subprimes américaine a entraîné une crise financière mondiale. Alors que le monde connaît de grands bouleversements économiques et idéologiques (faillites bancaires, montée du chômage, instabilité politique etc.), la Walt Disney Company a multiplié les mauvais films d’animation qui n’ont pas réussi à produire des personnages « populaires ou mémorables[5] ». À la suite du rachat de Pixar, elle place alors John Lasseter et Ed Catmull à la tête du studio Walt Disney Feature Animation. Ce dernier est alors renommé Walt Disney Animation Studios et donne lieu à l’expérimentation de nouvelles formes managériales. Il conviendra donc de faire débuter cette étude en 2008, date marquant le démarrage de la crise financière qui accompagne la restructuration du studio d’animation Disney. Cette crise a eu des conséquences sur la société pendant de nombreuses années, c’est pourquoi nous étudierons les longs-métrages qui ont été produits pendant la décennie qui a suivi son déclanchement. Nous la clôturerons en 2018, au moment du changement de direction des studios, qui voient une nouvelle ère débuter pour l’animation disneyienne, sans exclure les suites des films étudiés qui ont été produites plus tard et qui peuvent éclairer les premiers opus[6].
Il est intéressant d’analyser les représentations du travail présentes dans les long-métrages d’animation produits par une entreprise aussi influente que la Walt Disney Company pendant une telle période de récession, marquée par un taux de chômage important. Les long-métrages produits par les Walt Disney Animation Studios s’adressant en premier lieu aux enfants, il s’agira ici de déceler l’impact produit par l’angoisse économique globale sur la représentation du travail qu’ils proposent aux spectateurs. Est-ce que la peur du chômage et de l’instabilité économique pousse les studios à décourager les enfants du travail, les incitant à privilégier leur vie privée pour trouver leur épanouissement personnel, plutôt que leur vie professionnelle ? Ou, au contraire, est-ce qu’ils essayent de leur présenter le travail comme quelque chose d’enviable afin de maintenir un optimisme autour de l’avenir économique du pays ? Les studios peuvent-ils proposer un discours modéré et novateur en présentant un autre rapport entre travail et loisirs ?
Bouleversements dans la société américaine
Crise économique et idéologique
En 2007 se produit une crise des subprimes aux États-Unis qui entraine une crise financière mondiale. L’économie du pays est bouleversée, et surtout, le taux de chômage explose[7]. Selon les économistes Anton Brender et Florence Pisani, les États-Unis entrent dans une période de récession importante et mettent dix ans pour se remettre de cette crise : fragilité financière, chômage massif mais aussi remises en question importantes quant à l’efficacité du système économique en place[8]. Le taux de chômage dépasse la barre des 5 % en 2008 pour culminer à 10 % en 2009 et ne redescend en-dessous des 5 % qu’à partir de 2016[9]. La crise des subprimes entraine également une crise des saisies immobilières, que certains chercheurs relient à une hausse des suicides dans le pays, ces derniers ayant augmenté de 13 % entre 2005 et 2010[10].
La population mondiale est en plein désarroi face au système économique dans lequel elle évolue et connaît une crise de la confiance, comme le relèvent les psychosociologues Andreea Ernst-Vintila, Sylvain Delouvée et Michel-Louis Rouquette[11]. Les individus ont perdu leurs repères : ils n’ont plus foi en l’économie et la finance pour tout résoudre, et cela s’accompagne plus globalement d’une dégradation générale de leurs conditions de vie, touchant jusqu’à leur santé mentale. L’économiste Lucie Davoine explique que « la crise économique qui a commencé en 2008 s’est immédiatement traduite par une chute de bien-être[12] ». Cela entraine une hausse du recours à des services de développement personnel et à la recherche de pistes pour vivre cette période au mieux, comme l’expliquent le psychologue Edgar Cabanas et la sociologue Eva Illouz[13] :
On le sait, la crise de 2008 a entraîné une détérioration spectaculaire de la situation économique mondiale, ouvrant une période caractérisée par un fort rétrécissement des perspectives, par l’aggravation de la pauvreté et des inégalités, la dégradation du marché de l’emploi, l’instabilité institutionnelle et la méfiance envers les politiques. Dix ans se sont écoulés depuis, les conséquences de cette crise persistent, et il semble que nombre d’entre elles ne disparaîtront pas. […] Les sentiments d’incertitude, d’insécurité, d’absence de perspective, d’impuissance et d’anxiété se sont en conséquence enracinés dans les esprits, les discours appelant à se retirer dans la sphère de l’intimité et à se replier sur son moi trouvant ainsi le terreau idéal pour proliférer[14].
Si la date de 2008 marque le début de la crise financière qui a entrainé la grande récession, elle n’a pas de date de fin. Ainsi, dix ans après, « les sentiments d’incertitude, d’insécurité, d’absence de perspective, d’impuissance et d’anxiété[15] » sont toujours extrêmement présents dans la population, et cela a certainement un impact sur les représentations culturelles qui sont produites autour du monde de l’emploi. Lorsqu’une crise économique a un impact aussi fort sur la population, notamment sur le taux de chômage, le travail possède une place majeure dans les réflexions. De ce fait, il parait important d’étudier les représentations du monde professionnel que propose la culture de masse, dont la Walt Disney Company est une entreprise phare. De quelle manière retrouve-t-on ces sentiments d’insécurité dans les représentations du travail proposées par les films Disney ? Les jeunes spectateurs ne comprennent, certes, pas forcément tous les enjeux de cette crise, cependant, en vivant activement ses conséquences à travers le chômage de leurs parents ou la perte de leur maison, ou bien en partageant l’inquiétude générale de la population, ils sont très certainement perméables à la traduction de ces notions dans les films qu’ils regardent.
Crise de l’animation disneyienne ?
Avant la crise de 2008, le début du deuxième millénaire est synonyme de difficultés pour l’animation Disney : les films produits ne séduisent pas le public et la plupart ne sont pas rentables comme ils pouvaient l’être auparavant. Entre 2000 et 2008, les studios Walt Disney Feature Animation produisent neuf longs-métrages[16], dont un seul dépasse les 300 % de rentabilité (Lilo & Stitch en 2002[17]), tandis qu’ils avaient connu des succès à plus de 900 % de rentabilité dans les années 1990 avec Beauty and the Beast (La Belle et la Bête) en 1991, Aladdin en 1992 et The Lion King (Le Roi Lion) en 1994[18].
Les difficultés connues par la Walt Disney Company au deuxième millénaire ont débuté lors de la deuxième moitié des années 1990. L’année du grand succès de The Lion King est également l’année du décès de Frank Wells[19], président-directeur exécutif et bras droit de Michael Eisner[20]. Jeffrey Katzenberg[21], alors à la tête de l’animation, espère le remplacer mais Michael Eisner refuse et lui préfère son ami Michael Ovitz[22] – un partenariat qui ne fonctionnera pas et qui prendra fin après seulement deux ans. Jeffrey Katzenberg quitte alors la Walt Disney Company pour fonder DreamWorks Pictures aux côtés de Steven Spielberg et David Geffen. Une insécurité se fait sentir dans les studios, notamment au niveau financier : les films d’animation produits souffrent de la concurrence de DreamWorks Pictures et d’autres grands studios d’animation. Mais, surtout, cela oblige la Walt Disney Company à augmenter les salaires de ses employés afin de ne pas les perdre au profit de leurs adversaires qui pouvaient proposer de les payer davantage.
Face aux succès de l’animation 3D des productions DreamWorks Pictures (Shrek de Andrew Adamson et Vicky Jenson en 2001), Blue Sky Studios (Ice Age [L’Âge de glace] de Chris Wedge en 2002) et Pixar (Monsters, Inc. [Monstres et cie] de Pete Docter en 2001), Michael Eisner ferme le studio d’animation 2D de Burbank en 2002, puis celui de Floride en 2004. Sur la fin de sa présidence, il songe sérieusement à fermer la branche d’animation Disney pour se concentrer sur les films en prise de vue réelle, moins chers à produire et plus rapidement profitables. L’animation Disney aurait donc pu prendre fin au début des années 2000, mais Bob Iger, qui arrive à la tête de l’entreprise en 2005, décide de la conserver malgré tout[23] : l’animation est la marque de l’entreprise et sa présidence allait être jugée notamment sur sa capacité à relever le studio d’animation[24]. Il se rend compte que ce secteur a du mal à être rentable, contrairement aux films Pixar produits en collaboration avec Disney. Il négocie donc le rachat de Pixar avec Steve Jobs en 2006.
La Walt Disney Company possède désormais deux studios d’animation : Pixar et Walt Disney Feature Animation. John Lasseter[25] et Ed Catmull[26], forts de leurs succès chez Pixar, sont nommés à la tête des deux studios et donnent un nouveau souffle à l’animation disneyienne grâce à des méthodes de travail qui laissent davantage de place à la créativité. Walt Disney Feature Animation est renommé Walt Disney Animation Studios en 2008. Alors que la crise économique frappe de plein fouet les États-Unis, Disney accepte la supériorité des films d’animation Pixar et laisse carte blanche aux deux figures clés du studio racheté pour restructurer le studio d’animation Disney afin d’en redorer les lettres et retrouver le succès qu’il connaissait auparavant.
Un désir de s’émanciper du travail ?
Travailler, un rejet
Afin de comprendre la façon dont une crise économique d’une telle ampleur a pu impacter l’industrie audiovisuelle de son époque, il faut remonter à la Grande Dépression qui débute également aux États-Unis. Tracey Mollet étudie les conséquences de cette crise sur le monde du cinéma[27] et explique que les Américains ne se sont pas détournés du cinéma durant cette période :
Pendant les jours les plus sombres de la Grande Dépression, le cinéma engrangeait encore 60 à 75 millions de spectateurs par semaine, ce qui prouve le pouvoir et la popularité du cinéma. […] Les historiens du cinéma ont reconnu l’importance des films appartenant aux genres de l’imaginaire dans les années 1930. Les gens cherchaient à s’échapper de leurs vies en noir et blanc, es pérant une échappatoire dans des utopies colorées. Ceci est démontré par The Wizard of Oz (1939) de la MGM, Dorothy rêvant de son « somewhere over the rainbow », son pays libre de tout problème et de tout désespoir. Cependant, une échappatoire pareille peut se retrouver plus spécifiquement à travers le pouvoir merveilleux de Disney. […] Utilisant le pouvoir de l’animation, Disney peut tirer parti des tendances de ces années et reconnecter avec l’idéalisme du rêve américain de succès et de prospérité, tristement perdu tout au long de la Grande Dépression[28].
Tracey Mollet démontre que durant une période économiquement fragile et émotionnellement difficile pour les individus, le cinéma a permis une évasion de la vie quotidienne. Il n’est donc pas surprenant de constater que les productions Disney des années suivant la crise de 2008 mettent un point d’honneur à célébrer les possibilités, à maintenir l’espoir en un monde meilleur. Le film le plus emblématique de cette tendance est Tangled (Raiponce) réalisé par Byron Howard et Nathan Greno en 2010. Relecture du conte de fées Rapunzel des frères Grimm, ce long-métrage plonge les spectateurs dans le merveilleux à travers un parcours initiatique qui leur donne l’occasion de s’échapper du monde réel le temps d’une séance de cinéma : l’enfant d’un couple royal est enlevé alors qu’il n’est qu’un bébé et emprisonné en haut d’une tour puis s’en échappe et découvre le monde extérieur avant de retrouver son royaume. Selon le psychanalyste Bruno Bettelheim, « le conte de fées est optimiste[29] » et permet d’imaginer des résolutions aux difficultés que chacun peut connaître[30]. Tangled peut ainsi aider les individus enfermés dans la crise à oublier leurs inquiétudes professionnelles pour redécouvrir les beautés du monde et avoir à nouveau espoir en ce dernier. Le succès que le film a connu au box-office[31] peut s’expliquer par le fait d’avoir repris un conte connu, de proposer une héroïne plus moderne que ce à quoi les studios avaient habitué les spectateurs, mais le public avait aussi peut-être besoin d’une échappatoire merveilleuse.
Si les contes permettent de s’évader du quotidien, le travail reste central dans la vie des citoyens, surtout en temps de crise. Cependant, il n’est pas systématiquement une source de bonheur et peut s’avérer néfaste. Selon le sociologue Philippe Bernoux, ce ne sont pas tant les tâches effectuées dans le travail que la manière dont elles sont organisées et encadrées qui constituent une véritable souffrance pour le salarié[32]. Bolt (Volt), réalisé par Byron Howard et Chris William en 2008, au moment de l’éclatement de la crise financière, dénonce justement les mauvaises conditions de travail qui entrainent les salariés à trouver leur bonheur dans leur vie privée. Le film raconte l’histoire de Bolt, un chien héros d’une série télévisée et de Penny, une jeune actrice jouant son acolyte. Lorsque Bolt se perd et disparait du plateau de tournage, la production ne montre que très peu de compassion pour Penny et ne se préoccupe pas de son chagrin, remplaçant le chien acteur par un robot. Le film montre un happy ending des plus significatifs : les deux personnages se retrouvent et sont pleinement heureux en ayant quitté la production. Bolt, premier film sorti après le rachat de Pixar et largement remanié par John Lasseter, semble dénoncer les conditions de travail de l’industrie du cinéma et défend la posture selon laquelle le bonheur se trouverait dans les moments partagés en famille, dans la vie privée et certainement pas dans le monde professionnel du divertissement, qui ne ferait qu’exploiter les salariés pour engranger davantage d’argent.
Travailler, un devoir
Le travail a une place centrale dans la vie des individus, la notion de concurrence, notamment, prend toute son importance dans une société néolibérale qui met en avant la performance dans le travail. Claire Siegel, qui étudie le phénomène de gamification du monde, déclare que « le domaine du management voit dans le jeu un nouvel atout, notamment par le biais de la compétition. […] À partir des années 1930, et encore aujourd’hui, la compétition est considérée majoritairement comme une force permettant de pousser l’individu au plus loin de son engagement physique et mental […][33]. » Le dépassement de soi se retrouve également après la crise de 2008 lorsque les individus ont accordé davantage d’importance au développement personnel : se concentrer sur soi afin de devenir la personne la plus efficace possible dans tous les domaines de la vie. On retrouve la représentation de la performance permise grâce à la concurrence dans Winnie the Pooh (Winnie l’Ourson) réalisé par Stephen J. Anderson et Don Hall en 2011. Le récit du film s’ancre dans un monde imaginaire et enfantin. Cependant, il maintient une notion de compétition propre à la culture d’entreprise en montrant les animaux de la forêt des rêves bleus tenter de gagner la rémunération d’un concours au lieu d’apporter une aide désintéressée à un ami dans le besoin, sans jamais remettre en question cette façon de procéder. Dans un monde enchanté, peuplé de peluches qui vivent des aventures imaginées par un petit garçon, le fonctionnement entrepreneurial y trouve déjà sa place. À travers les fictions, les enfants sont familiarisés à la compétition qui les attend dans le monde du travail.
Les fictions à destination des plus jeunes leur permettent de se familiariser davantage avec le monde adulte. La sociologue Martine Court s’appuie sur différentes expériences auprès des enfants pour démontrer les connaissances du monde du travail et des classes sociales qu’ils assimilent dès le plus jeune âge. Elle déclare que les « produits culturels destinés à la jeunesse […] sont […] une des voies par lesquelles les enfants acquièrent des savoirs – fussent-ils stéréotypés – sur les univers sociaux différents du leur[34]. » Les fictions de jeunesse apparaissent comme l’une des premières portes d’entrée de l’enfant dans le monde adulte, donc dans le monde du travail. Certains longs-métrages d’animation Disney proposent en effet des représentations manifestes du monde professionnel. Wreck-It Ralph (Les Mondes de Ralph), réalisé par Rich Moore en 2012, en est un parfait exemple puisqu’il semble clairement assumer son désir de questionner le rapport à l’emploi en transposant le monde du travail à celui du jeu vidéo : Ralph, le personnage principal, travaille comme méchant dans un jeu où il doit détruire un immeuble pour qu’il soit reconstruit par le héros par la suite, et Vanellope, une jeune fille qui se rapproche de Ralph, travaille dans un jeu de course de voitures. À travers ses deux personnages principaux, le film met en avant la question de la valorisation du travail qui permet aux salariés d’être plus performants : Ralph est plus efficace lorsqu’il se sent apprécié, après avoir acquis la reconnaissance qui lui manquait en tant que méchant, tandis que Vanellope se trouve mieux considérée lorsqu’elle devient réellement compétitive, après avoir démontré son talent de pilote. Cette notion de performance est justement étudiée en 2007 par les chercheurs et chercheuses en management Brigitte Charles-Pauvers, Nathalie Commeiras, Dominique Peyrat-Guillard et Patrice Roussel :
Parmi les déterminants psychologiques, la motivation, la satisfaction et l’implication s’avèrent essentielles pour expliquer le processus de la performance au travail. Longtemps étudiés indépendamment, ces concepts sont aujourd’hui développés dans des modèles intégrateurs (Meyer et al., 2004) qui visent à comprendre comment ils sont interreliés avec les comportements attendus par l’organisation, et comment ils contribuent à la performance de l’individu. Par ailleurs, leur intérêt réside dans le fait qu’ils redonnent une place centrale à la variable de personnalité[35].
Représenter deux façons différentes de vivre la performance au travail permet de mettre en avant cette notion de « variable de personnalité ». Les deux personnages de Wreck-It Ralph ne suivent pas le même chemin pour atteindre le degré de performance dont ils sont capables ainsi que la reconnaissance professionnelle qu’ils méritent. Si leur chemin pour y accéder est différent, ils recherchent tous les deux le même bonheur au travail. Cette notion d’épanouissement permise par l’emploi semble être recherchée par nombre de salariés, et est intimement liée à celle de sens du travail, étudiée par la philosophe Fanny Lederlin. Selon elle, il est important que les employés se sentent engagés dans leur entreprise mais aussi utiles à la société en général. Elle accorde également de l’importance à la notion d’épanouissement personnel, qui doit être permis notamment à travers la sensation de reconnaissance et la possibilité d’évolution individuelle[36]. Ralph et Vanellope vivent donc un réel parcours initiatique de quête de sens dans le travail : ils trouvent leur épanouissement grâce à leur évolution personnelle – en devenant davantage performants dans leur travail et dans leur vie privée, prenant chacun une part active dans la vie de leur jeu respectif – et à la reconnaissance qu’ils obtiennent – notamment l’un de l’autre, – mais ils réussissent également à s’intégrer à leur monde professionnel et à se sentir utiles à leur entourage. Cette notion d’utilité est poussée jusqu’à devenir un « devoir[37] » pour le personnage de Ralph, qui refuse la possibilité de ne plus travailler et de vivre chez Vanellope pour retourner au travail. Wreck-It Ralph rappelle l’importance de prendre ses responsabilités professionnelles, de travailler pour rendre service à son entreprise et son pays : il est possible d’y voir un appel à participer à l’effort collectif pour aider l’économie américaine à se redresser après les conséquences de la crise de 2008. C’est également ce qu’explique le personnage de Tadashi à son frère Hiro, dans Big Hero 6 (Les Nouveaux héros), réalisé par Don Hall et Chris Williams en 2014, comme le décrit Christian Chelebourg :
Deux paradigmes s’opposent : celui de la puissance et de la finance d’un côté, de l’autre celui de la recherche scientifique et de l’amélioration des conditions de vie. Ils sont dialectisés d’emblée, lorsque Tadashi, à l’ouverture du film, convainc Hiro qu’il utilisera mieux son talent en rejoignant son équipe de jeunes chercheurs qu’en gagnant son argent de poche dans les paris clandestins, grâce à un robot de combat[38].
Tout comme Ralph doit retourner travailler pour que son jeu fonctionne, Hiro doit trouver un moyen de mettre son talent au service de la société. Ces films montrent qu’il faut faire passer la collectivité avant l’individu et travailler pour aider à son amélioration. Pourtant, les États-Unis sont également reconnus pour mettre en avant des figures de réussite individuelle.
Le travail comme unique moyen de s’épanouir ?
Travailler, un accomplissement
En 2013, le studio connaît un succès pharaonique avec la sortie de Frozen (La Reine des Neiges)[39]. Les thématiques soulevées par le film ont trouvé un large public, qui a pu découvrir l’histoire des sœurs Elsa et Anna. La première, reine du royaume d’Arendelle, fuit ce dernier après l’avoir paralysé à cause de ses pouvoirs qu’elle ne maitrise pas. La seconde part à sa recherche et se retrouve prisonnière d’un sortilège lancé par mégarde par Elsa. On retrouve le mythe du self-made man, ici de la self-made woman, qui se fraye son propre chemin pour atteindre son but et qui s’accomplit par elle-même, notamment à travers le climax de fin montrant Anna se sauvant elle-même : elle n’a besoin de personne pour lever le sortilège dont elle est victime et c’est elle qui produit l’acte qui la sauve et qui permet à sa sœur de libérer le royaume. En cela, Frozen met en avant le modèle américain de la réussite individuelle que décrit Isabelle Rochet en étudiant l’optimisme américain : « La croyance optimiste dans la réussite individuelle, qui a survécu aux bouleversements et aux crises des deux siècles passés, apparaît à la fois comme une cause et une conséquence de la création de la nation américaine[40]. » Le personnage d’Anna est montré comme extrêmement optimiste et prend en main le développement du film en partant à la recherche de sa sœur, malgré les risques qu’elle encourt. Il faut remonter à la création des États-Unis pour comprendre le mythe du self-made man, comme l’explique Jean-Charles Troadec :
Lorsque Thomas Jefferson rédige la Déclaration d’indépendance des treize États-Unis en 1776, il énonce trois droits inaliénables : « parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur ». Il faut souligner que parmi eux, inspirés de la philosophie des Lumières, le droit à la recherche du bonheur est typiquement américain. […] Ce troisième et nouveau droit américain va engendrer un sujet encore inconnu en Europe : le self made man […][41].
La poursuite du bonheur prend évidemment place, en partie, dans le milieu professionnel : atteindre ses buts afin de se donner toutes les chances de vivre la vie qu’on désire, de manière individuelle. Moana (Vaiana : la légende du bout du monde) réalisé par Ron Clements et John Musker en 2016 met en avant son héroïne éponyme qui part seule en mer accomplir son destin en sauvant son île d’une malédiction qui empêche les habitants de se nourrir. C’est donc en poursuivant seule ses objectifs que Moana réussit à atteindre son but, tout comme Anna a pu sauver son royaume. Elles sont toutes les deux aidées dans leur aventure, mais c’est Moana qui part à la recherche du demi-dieu Maui dont elle a besoin dans sa quête, et c’est Anna qui négocie avec Kristoff pour qu’il la guide dans les montagnes. Par ailleurs, c’est par ces actes qu’elles assurent toutes deux la survie de leur peuple et accomplissent ainsi leurs devoirs professionnels : de cheffe pour l’une et de princesse pour l’autre.
Dans le prolongement du premier opus, Frozen II (La Reine des Neiges II), réalisé par Chris Buck et Jennifer Lee en 2019, démontre qu’Anna est la sœur la plus apte à diriger le royaume puisqu’elle prend la place de sa sœur aînée à la tête d’Arendelle. Moana, quant à elle, grâce à sa ténacité, a pu découvrir et réinstaurer le métier pour lequel elle est réellement faite : cheffe exploratrice. À la manière de la promesse de l’American Dream, mise en avant par John Truslow Adams en 1931 dans son œuvre The American Epic, tout est possible à condition de s’en donner les moyens : tout le monde peut trouver le métier qui l’épanouira vraiment, et même si quelques années sont difficiles, il faut persévérer afin d’y arriver et de trouver le bonheur. En cela les productions Disney semblent louer l’exceptionnalisme américain. Rémi Clignet explique que « l’Amérique offre une chance à chacun[42] » et que « ces idéaux reposent […] sur une conception activiste de la personne, […] l’exceptionnalisme américain est ainsi largement fondé sur le besoin de s’accomplir […][43]. » Le rêve américain offrirait donc à toutes et tous une chance de réussir, d’accomplir ses objectifs, à condition que ces individus mettent tout en œuvre pour les atteindre car, comme le rappellent Anton Brender et Florence Pisani, « si la prospérité de tous dépend du travail de chacun, rien ne doit venir le décourager, au contraire : ce qui va à chacun doit dépendre de son seul travail[44] ! » Selon cette idéologie, il semble indispensable de s’accomplir pleinement pour atteindre l’épanouissement et cela demande de la détermination et du travail.
C’est notamment ce que cristallise Zootopia (Zootopie), réalisé en 2016 par Byron Howard et Rich Moore représentant la lutte des classes par une société divisée entre prédateurs et proies. La lapine Judy désire devenir policière alors que c’est un métier que la société ne réserve traditionnellement pas aux animaux appartenant à la catégorie des proies mais à celle des prédateurs, elle redouble donc d’efforts afin de prouver qu’elle y a tout de même sa place et accomplit ainsi son rêve. À travers cet aspect de sa personnalité, elle ressemble beaucoup à Tiana, héroïne du long-métrage The Princess and the Frog (La Princesse et la Grenouille) réalisé par Ron Clements et John Musker en 2009. Un an seulement après le début de la crise économique, ce film semble louer l’acharnement au travail afin d’avoir une vie accomplie. La jeune femme travaille sans relâche et sacrifie sa vie sociale dans le but de réunir assez d’argent pour pouvoir ouvrir son propre restaurant. Pourtant, elle trouvera finalement son bonheur à travers l’équilibre trouvé entre vie professionnelle et vie personnelle.
Travailler, un équilibre
Si le travail est nécessaire afin de se réaliser, Lucie Davoine explique que ce n’est pourtant pas grâce à lui que les salariés se sentent pleinement heureux. Le temps de travail serait le temps le moins apprécié de la journée. Les individus ne devraient donc pas placer le travail au centre de leur vie afin de s’épanouir pleinement, mais plutôt rechercher un équilibre entre vie professionnelle et vie privée[45]. La Walt Disney Company, héritière d’un self-made man accompli, pourrait-elle louer le fait de donner une importance moindre au travail ? The Princess and the Frog lui donne une très grande place dans la vie de son héroïne. Les studios se servent du personnage du prince Naveen pour l’accentuer : Tiana ne jure que par l’acharnement et le travail tandis qu’il n’a jamais eu d’emploi et ne pense qu’à s’amuser. À la fin du film, si elle se marie avec le jeune homme, c’est avec son argent personnel qu’elle réussit à ouvrir son restaurant. Cependant, on remarque que les personnes qui acceptent de lui vendre l’établissement sont les mêmes qui le lui ont refusé auparavant. Leur changement de comportement est dû à la présence de Naveen et à la menace de Louis, un alligator rencontré par le couple au cours de leur aventure. Le film semble montrer qu’il s’avère finalement utile d’entretenir sa vie sociale car il est possible d’en tirer parti dans sa vie professionnelle : l’aide de ses amis permet à la jeune femme d’accéder à son rêve professionnel qui ne semble pas pouvoir être offert à une femme de classe ouvrière si elle n’est pas soutenue par un prince, synonyme de richesse, et un alligator, synonyme de force. Si cet événement prend place pendant le happy ending de Tiana, il met également en avant les difficultés que peuvent rencontrer les classes ouvrières pour accéder à la propriété. Naveen apprend à Tiana à s’amuser et à prendre du temps pour se socialiser, et Tiana apprend à Naveen à apprécier le travail puisqu’il l’aide dans son restaurant. Ils apprennent l’un de l’autre et grandissent de cet enrichissement. Ils trouvent un équilibre de vie et, à travers cela, leur utilité dans la société grâce au travail, corroborant les dires de la chercheuse en sciences de gestion Sophia Belghiti-Mahut qui explique qu’un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée doit permettre aux salariés de se sentir plus impliqués dans leur travail et donc d’être plus productifs[46]. Un an après le début de la crise économique de 2008, The Princess and the Frog propose au spectateur un conte représenté de telle manière qu’on ne nie pas l’importance du travail, mais qu’on insiste sur le fait de ne pas le laisser tout gouverner au détriment de sa vie personnelle car cette dernière détient une part importante dans sa productivité professionnelle.
Près de dix ans plus tard, le deuxième opus de Wreck-It Ralph, Ralph Breaks the Internet (Ralph 2.0), réalisé en 2018 par Phil Johnston et Rich Moore, complexifie encore davantage sa position sur le travail puisqu’il propose deux styles de vie différents mêlant vie professionnelle et vie privée à la convenance de chacun. On y retrouve Ralph et Vanellope, travaillant tous les deux dans leur jeu d’arcade respectif, qui découvrent internet et les multiples possibilités qui en découlent. Au début du film, Ralph est pleinement heureux dans sa vie en passant son temps libre à se divertir la nuit pour ensuite travailler la journée, « la seule chose qu[’il changerait] peut-être dans ce scénario… serait de ne pas avoir à aller au travail[47]. » Il émet l’hypothèse d’une vie où son temps libre serait illimité. Cependant, Lucie Davoine rend compte d’un taux de malheur plus élevé chez les chômeurs que chez les travailleurs et explique que « le désespoir des chômeurs révèle, en creux, à quel point il est important d’avoir un travail pour être heureux, et que ce travail n’est pas seulement un gagne-pain. Il est nécessaire pour s’épanouir et s’intégrer dans la société[48]. » Si Bolt montre que ses personnages trouvent le bonheur en quittant leur travail, c’est parce que nous avons affaire à un chien et à une petite fille, qui n’ont donc pas pour vocation première de travailler. Ralph Breaks the Internet ne pouvait pas se permettre de montrer son personnage principal rejeter le travail et s’épanouir sans celui-ci : le film montre qu’il n’est pas question d’être inutile pour la société, le travail reste primordial afin de contribuer à cette dernière.
Au contraire de Ralph, Vanellope ne se pense pas en-dehors de son travail : « Si je ne suis pas une pilote Ralph… Je suis quoi[49] ? » Pour elle, son métier définit son identité entière, et elle n’est pas la seule. Cette façon de penser le travail est confirmée en 2019 par Alain Supiot qui étudie la place que prend la profession d’un individu dans son identité : « Cette identification de la personne aux savoirs qu’elle a incorporés n’a pas disparu de nos jours. Elle demeure au principe de l’identité professionnelle et des statuts auxquels cette identité donne ou ne donne pas accès, sur le marché du travail comme dans la fonction publique. La profession demeure l’un des éléments de l’état civil […][50]. » L’emploi reste donc l’une des caractéristiques principales de l’identité juridique de l’individu. Vanellope a besoin de travailler pour se sentir exister, son unique problème réside dans le fait qu’elle s’ennuie car elle ne découvre plus rien de nouveau dans son jeu d’arcade, frôlant le bore-out ou « syndrome d’épuisement professionnel par ennui[51] ». Finalement, elle découvre un jeu plus élaboré sur internet et s’y épanouit pleinement. Elle avait besoin de changer d’environnement professionnel et d’évoluer dans sa carrière pour trouver le bonheur. Les deux personnages trouvent ce qui leur correspond dans des orientations de vie différentes : Ralph continue de travailler dans son jeu d’arcade et de se divertir pendant son temps libre tandis que Vanellope vit à temps plein son travail, se divertit à l’intérieur de celui-ci et ne revient voir son ami que pendant ses congés. Le film explique que le travail est nécessaire et que tout le monde peut s’épanouir grâce à lui en adoptant la configuration qui lui convient le mieux. « De fiction en fiction, la Walt Disney Company tâche d’indiquer, dans son dialogue avec une opinion publique en constante mutation, la voie étroite qui mène aux fins heureuses[52] », écrit Christian Chelebourg. Après Ralph Breaks The Internet, il semble que cette voie puisse prendre des chemins divers et variés, afin que tout le monde puisse avoir accès à son propre bonheur, mais toujours à travers le travail d’une manière ou d’une autre, car comme le résume André Gorz, le travail « est considéré tout à la fois comme un devoir moral, comme une obligation sociale et comme la voie vers la réussite personnelle[53]. » Les histoires et les personnages représentés par Disney dans les films que nous étudions proposent différentes manières de s’épanouir dans le travail. Elsa et Moana héritent de leurs positions de reine et de cheffe et remettent toutes les deux en question cette place dont elles ne veulent pas réellement : Elsa[54] laisse le trône d’Arendelle à sa sœur et trouve comment elle peut laisser vivre sa magie en protégeant la Forêt Enchantée tandis que Moana[55] reprend le rôle de son père tout en étant exploratrice. Lorsque les personnages obtiennent leur place professionnelle par leur propre travail, les films montrent la difficulté d’atteindre celle-ci. Tiana[56] redouble d’efforts pour pouvoir passer de cuisinière à propriétaire de son restaurant, Judy[57] fait de même pour entrer dans la police et prouver qu’elle y a sa place. À côté de cela, Hiro[58] nourrit le projet d’entrer à l’université pour mettre ses capacités en robotique au service du progrès technique, abandonne ce dernier après avoir perdu son frère, et intègre finalement cette université. Si les personnages de Winni the Pooh et de Tangled ne travaillent pas et que ceux de Bolt n’ont pas vocation à travailler, tous les autres trouvent leur « voie vers la réussite personnelle[59] » tout en étant utiles et productifs pour la société.
Conclusion
La crise de 2008 a eu des conséquences importantes sur les populations pendant de nombreuses années : bouleversements économiques, financiers mais aussi idéologiques. Au milieu de tout cela, les individus peuvent trouver une échappatoire à la réalité à travers le cinéma. De fait, les productions audiovisuelles ne sont pas à négliger pendant les périodes de crise. Les films d’animation des Walt Disney Animation Studios trouvent toujours un public important et se destinent en premier lieu aux enfants. Ces derniers retrouvent les valeurs présentes dans la société dans leurs dessins-animés.
Si certaines productions merveilleuses peuvent participer à faire oublier au spectateur les déboires du quotidien rendu plus difficile après le bouleversement de l’économie mondiale, d’autres, au contraire, placent le monde professionnel au centre de leur récit. On retrouve ainsi des manières de fonctionner typiques du monde entrepreneurial au sein de récits de l’imaginaire qui ne semblent pas s’y prêter de prime abord, quand d’autres productions assument plus clairement leur désir de questionner le rapport au travail en rappelant aux individus leur devoir de se rendre utiles à la société. Le monde professionnel pourrait également permettre la recherche du bonheur et l’accomplissement de soi, de nombreux films mettant en avant les mythes de l’American Dream ou du self-made man, notamment à travers leurs héroïnes. Enfin, certaines productions nuancent leurs représentations en proposant deux conceptions du travail radicalement différentes : le travail serait une condition sine qua non pour trouver son bonheur, ou bien au contraire il ne serait qu’un moyen de permettre de gagner sa vie afin de profiter de son temps libre pour se divertir. Les studios Disney rappellent tout de même qu’il est nécessaire de travailler pour se rendre utile à la société, même si l’on trouve son bonheur à côté, car les personnages qui remettent en cause le fait de travailler trouvent toujours un moyen d’apprécier leur emploi et d’y être performants. Il ne semble donc pas imaginable de profiter d’une vie pleinement épanouissante sans être actif. Le bonheur peut se trouver au sein du monde professionnel, dans l’équilibre entre celui-ci et la vie personnelle ou bien uniquement au sein de cette dernière, mais une vie accomplie ne peut pas se passer d’un temps de travail au service du collectif. Au vu de ces représentations, il serait intéressant d’accorder une étude sur la réception de ces représentations auprès des jeunes spectateurs.
Aujourd’hui le monde connaît une nouvelle crise, celle de la Covid-19, qui remet notamment en question les habitudes professionnelles. La philosophe Fanny Lederlin rapproche la multiplication des questionnements autour du sens du travail à la pandémie : les individus interrogent cette notion avant même de se préoccuper de l’éventuelle perte de leur emploi ou bien des conditions dans lesquelles ils l’exercent[60]. Cela montre que cette crise est bien différente de la crise de 2008. Il semble cependant que les individus s’attachent encore beaucoup au recentrement sur soi. Aujourd’hui, la question ne tourne plus seulement autour de l’utilité au travail, mais de sa correspondance avec les valeurs profondes des individus. Il sera donc intéressant de surveiller les longs-métrages d’animation des Walt Disney Animation Studios qui se développeront à la suite de cette crise et les chemins qu’ils prendront quant à la représentation du travail à la lumière de ces questionnements.
Filmographie
Buck Chris, Lee Jennifer, Frozen © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2013
Buck Chris, Lee Jennifer, Frozen II © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2019
Clements Ron, Musker John, The Princess and the Frog © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2009
Clements Ron, Musker John, Moana © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2016
Hall Don, Williams Chris, Big Hero 6 © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2014
Howard Byron, Greno Nathan, Tangled © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2010
Howard Byron, Moore Rich, Zootopia © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2016
Howard Byron, Williams Chris, Bolt © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2008
Anderson Stephen J., Hall Don, Winnie the Pooh © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2011
Johnston Phil, Moore Rich, Ralph Breaks the Internet © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2018
Moore Rich, Wreck-It Ralph © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2012
Bibliographie
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[1] Frozen (La Reine des Neiges, Chris Buck et Jennifer Lee) : $1,281,508,100 ; Zootopia (Zootopie, Byron Howard et Rich Moore) : $1,024,121,104 ; Frozen II (La Reine des Neiges II, Chris Buck et Jennifer Lee) : $1,450,026,933. Voir « Frozen », Box Office Mojo, en ligne sur : https://www.boxofficemojo.com/title/tt2294629/ [consulté le 21/03/2022] ; « Zootopia », Box Office Mojo, en ligne sur : https://www.boxofficemojo.com/title/tt2948356/ [consulté le 21/03/2022] ; « Frozen II », Box Office Mojo, en ligne sur : https://www.boxofficemojo.com/title/tt4520988/ [consulté le 21/03/2022].
[2] « La Walt Disney Company est à ce jour le premier groupe mondial de l’industrie du divertissement. Sa domination sur le marché est sans partage […]. Il n’y a guère d’enfants dans le monde, et encore moins dans les pays riches, qui ne connaissent pas les dessins animés de la firme », Christian Chelebourg, Disney ou l’avenir en couleurs, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2018, p. 8.
[3] Alexandre Bohas, Disney : un capitalisme mondial du rêve, Paris, L’Harmattan, 2010 (Chaos international), p. 113.
[4] Christian Chelebourg, Disney ou l’avenir…, op. cit., p. 11.
[5] « The movies weren’t good, which meant the characters weren’t popular or memorable, and that had significant ramifications for our business and our brand. », Robert Iger, The Ride of a Lifetime. Lessons in Creative Leadership from the CEO Of The Walt Disney Company, London (UK), Bantam Press, 2019, p. 131.
[6] Bolt (Volt) de Byron Howard et Chris Williams (2008), The Princess and The Frog (La Princesse et la grenouille) de Ron Clements et John Musker (2009), Tangled (Raiponce) de Byrono Howard et Nathan Greno (2010), Winnie the Pooh (Winnie l’Ourson) de Stephen J. Anderson et Don Hall (2011), Wreck-It Ralph (Les Mondes de Ralph) de Rich Moore (2012), Frozen (La Reine des neiges) de Chris Buck et Jennifer Lee (2013), Big Hero 6 (Les Nouveaux héros) de Don Hall et Chris Williams (2014), Zootopia (Zootopie) de Byron Howard et Rich Moore (2016), Moana (Vaiana : la Légende du bout du monde) de Ron Clements et John Musker (2016), Ralph Breaks the Internet (Ralph 2.0) de Phil Johnston et Rich Moore (2018), Frozen II (La Reine des neiges II) de Chris Buck et Jennifer Lee (2019).
[7] Laure Gaillard, « Subprimes : le chômage US au plus haut depuis 2 ans », EasyBourse, 7 janvier 2018, en ligne sur : https://www.easybourse.com/financieres/article/5000/subprimes-chomage-us-plus-haut-depuis-2-ans.html [consulté le 07/06/2021].
[8] « La récession qui a commencé fin 2008 a été la plus profonde de l’après-guerre : en 2010, le taux de chômage a atteint 10 % et il faudra attendre 2017 pour qu’il retrouve son niveau de 2007. La reprise qui a suivi la crise financière a en effet aussi été la plus lente de ces dernières décennies, et la faible croissance des années 2010 contraste fortement avec celle, plus soutenue, des trois décennies précédentes. Cette faiblesse est vite devenue source d’interrogations sur l’évolution du potentiel de l’économie américaine : cette économie serait-elle désormais condamnée à une croissance atone simplement parce qu’elle aurait déjà tiré pleinement parti des principales sources de progrès techniques ? […] D’où finalement une interrogation centrale : comment ranimer durablement l’activité d’une économie où les leviers habituellement utilisés pour y parvenir – la politique monétaire et la politique budgétaire – ont montré leurs limites ? », Anton Brender, Florence Pisani, L’économie américaine, Paris, La Découverte, 2018 (Repères), p. 100.
[9] « Unemployment Rate », FRED, en ligne sur : https://fred.stlouisfed.org/series/UNRATE [consulté le 21/03/2022].
[10] Houle Jason N., Light Michael T., « The home foreclosure crisis and rising suicide rates, 2005 to 2010 », American journal of public health, vol. 104 (6), 2014, en ligne sur : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4062039/ [consulté le 21/03/2022].
[11] « En évoquant la crise financière, les conversations privées comme les médias ont souvent souligné qu’au-delà d’une crise financière, il s’agissait d’une crise sociétale, d’une crise de la confiance […] », Andreea Ernst-Vintila, Sylvain Delouvée, Michel-Louis Rouquette, « La crise financière de 2008 : menace collective ou défi individuel ? Une analyse de la pensée sociale mobilisée en situation de crise », Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, Presses universitaires de Liège, vol. 3, n° 87, 2010, p. 515-542, p. 5.
[12] Lucie Davoine, Économie du bonheur, Paris, La Découverte, 2020 (Repères), p. 35-36.
[13] « Au lendemain de la crise financière de 2008, il devint tout à fait banal de solliciter les services de coachs et d’autres professionnels du développement personnel. Médias, sites internet et blogs se mirent à proposer d’aider leurs lecteurs à ‘‘gérer’’ leurs affects en ces temps difficiles, tout en les mettant en garde : se négliger pouvait avoir des conséquences », Edgar Cabanas, Eva Illouz, Happycratie : comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, Paris, Premier Parallèle, 2018, p. 88-89.
[14] Ibidem, p. 89.
[15] Id.
[16] The Emperor’s New Groove (Kuzco, l’Empereur mégalo) de Mark Dindal (2000), Atlantis: The Lost Empire (Atlantide, l’empire perdu) de Gary Trousdale et Kirk Wise (2001), Lilo and Stitch (Lilo et Stitch) de Dean DeBlois et Chris Sanders (2002), Treasure Planet (La Planète au trésor : un nouvel univers) de Ron Clements et John Musker (2002), Brother Bear (Frères des Ours) de Robert Walker et Aaron Blaise (2003), Home on the Range (La Ferme se rebelle) de Will Finn et John Sanford (2004) Chicken Little de Mark Dindal (2005), Meet the Robinsons (Bienvenue chez les Robinson) de Stephen J. Anderson (2007), Bolt (Volt, Star malgré lui) de Chris Williams et Byron Howard (2008).
[17] The Emperor’s New Groove : budget $100 000 000 ; recettes box-office mondial $169 661 687 ; rentabilité : 170 % (résultat obtenu en divisant les recettes au box-office mondial de la sortie officielle du film par le budget puis en multipliant par 100), « The Emperor’s New Groove », Box Office Mojo, en ligne : https://www.boxofficemojo.com/title/tt0120917/ ; Atlantis : The Lost Empire : budget $120 000 000 ; recettes box-office mondial : $186 053 725 ; rentabilité : 155 %, « Atlantis : The Lost Empire », Box Office Mojo, en ligne : https://www.boxofficemojo.com/title/tt0230011/ ; Lilo & Stitch : budget $80 000 000 ; recettes box-office mondial $273 144 151 ; rentabilité : 341 %, « Lilo & Stich », Box Office Mojo, en ligne : https://www.boxofficemojo.com/title/tt0275847/ ; Treasure Planet : budget $140 000 000 ; recettes box-office mondial $109,578,115 ; rentabilité : 78 %, « Treasure Planet », Box Office Mojo, en ligne : https://www.boxofficemojo.com/title/tt0133240/ ; Brother Bear : budget $128 000 000 ; box-office mondial $250 397 798 ; rentabilité : 196 %, « Frère des Ours », Imdb, en ligne sur : https://www.imdb.com/title/tt0328880/ ; Home on the Range : budget $110 000 000, recettes box-office mondial $145 358 062, rentabilité : 132 %, « Home on the Range », Box Office Mojo, en ligne : https://www.boxofficemojo.com/title/tt0299172/ ; Chicken Little : budget $150 000 000 ; recettes box-office mondial $314 432 837 ; rentabilité : 210 %, « Chicken Little », Box Office Mojo, en ligne : https://www.boxofficemojo.com/title/tt0371606/ ; Meet the Robinsons : budget $150 000 000 ; box-office mondial $169 333 034 ; rentabilité : 113 %, « Bienvenue chez les Robinson », Imdb, en ligne : https://www.imdb.com/title/tt0396555/ ; Bolt : budget $150 000 000 ; recettes box-office mondial $309 979 994 ; rentabilité : 207 %, « Bolt », Box Office Mojo, en ligne : https://www.boxofficemojo.com/title/tt0397892/ [pages consultées le 22/03/2022].
[18] Beauty and the Beast (La Belle et la Bête, Gary Trousdale et Kirk Wise) : budget $25 000 000 ; box-office mondial $248 802 521 ; rentabilité : 995 %, « Beauty and the Beast », Box Office Mojo, en ligne : https://www.boxofficemojo.com/title/tt0101414/ ; Aladdin (John Musker et Ron Clements) : budget $28 000 000 ; box-office mondial $346 476 295 ; rentabilité : 1 237 %, « Aladdin », Box Office Mojo, en ligne : https://www.boxofficemojo.com/title/tt0103639/ ; The Lion King (Le Roi Lion, Roger Allers et Rob Minkoff) : budget $45 000 000 ; box-office mondial $858 555 561 ; rentabilité : 1 908 %, « The Lion King », Box Office Mojo, en ligne : https://www.boxofficemojo.com/title/tt0110357/ [pages consultées le 24/03/2022].
[19] Frank Wells est président-directeur exécutif de la Walt Disney Company de 1984 à 1994, bras droit de Michael Eisner, il a notamment joué un rôle important en faisant le lien entre ce dernier et les employés de l’entreprise.
[20] Michael Eisner est président-directeur général de la Walt Disney Company de 1984 à 2005 et a relancé l’entreprise à travers une restructuration managériale, la création de filiales afin de s’adresser à un public plus large (Touchstone Pictures, Hollywood Pictures), plusieurs rachats (Miramax Films, Capital Cities-ABC), le développement international (ouverture de nouveaux parcs, création de Disney Cruise Line), etc.
[21] Jeffrey Katzenberg est président des Walt Disney Studios de 1984 à 1994. Il a notamment pris une grande place dans le redressement de l’animation Disney, en berne depuis le décès de Walt Disney en 1966, en supervisant les plus grands succès de cette période.
[22] Michael Ovitz est président-directeur exécutif de la Walt Disney Company de 1994 à 1996. Michael Eisner le convainc de devenir son bras droit mais les deux amis ne s’entendent pas au travail et après deux années de tensions Miachel Ovitz est licencié.
[23] Bob Iger est président-directeur exécutif de la Walt Disney Company de 2000 à 2005 puis président-directeur général de 2005 à 2020. Sous sa présidence l’entreprise prospère en poursuivant les actions entamées par Michael Eisner (développement des pacs, internationalisation, etc.). Les événements notables sont le rachat de Pixar en 2006, de Marvel Entertainment en 2009, de Lucasfilm en 2012 et de 21st Century Fox en 2019, la fermeture de Hollywood Pictures en 2007 et de Miramax Films en 2010, ainsi que l’acquisition du contrôle d’Hulu et le lancement de Disney+ en 2019. En 2020 il annonce son intention de prendre sa retraite mais son mandat est prolongé jusqu’à fin 2021 pour qu’il puisse aider son successeur Bob Chapeck à diriger l’entreprise pendant la crise sanitaire. Il quitte totalement la Walt Disney Company à la fin de l’année 2021.
[24] « In so many respects, Disney Animation was the brand. […] I knew that shareholders and analysts were not going to give me a grace period, and the first thing they would judge me on was my ability to turn Disney Animation around », Robert Iger, The Ride of a Lifetime. Lessons in Creative Leadership from the CEO Of The Walt Disney Company, London (UK), Bantam Press, 2019, p. 133.
[25] John Lasseter est directeur artistique de Pixar et de Walt Disney Feature Animation ainsi que conseiller créatif principal pour Walt Disney Ingineering de 2006 à 2018 et directeur artistique de Disneytoon Studios à partir de 2007. En 2017 il reconnait des allégations d’inconduites sexuelles au travail et prend un congé de six mois à la suite duquel il occupe un rôle de consultant jusqu’à son départ à la fin de l’année 2018. En janvier 2019 il prend la tête de Skydance Animation.
[26] Ed Catmull est président de Pixar et de Walt Disney Feature Animation de 2006 à 2018 et de Disneytoon Studios à partir de 2007. À la fin de l’année 2018 il annonce rester consultant jusqu’à son départ en juillet 2019.
[27] Tracey Mollet s’appuie sur l’historien Robert Sklar et son ouvrage Movie Made America : A Cultural History of American Movies, New York, Vintage Books, 1994.
[28] Citation traduite de l’anglais : « During the darkest days of the Depression, movie attendance still averaged sixty to seventy-five million people per week, proving both the power and the popularity of the cinema. […] Film historians have recognized the importance of the fantasy film in the 1930s. People sought deliverance from their black-and-white lives, hoping for escape into colorful utopias. This is demonstrated by MGM’s The Wizard of Oz (1939), Dorothy dreaming of her « somewhere over the rainbow, » a land free from troubles and despair. However, such escapism can be demonstrated more specifically through the fantastical power of Disney. […] Using the power of animation, Disney was able to tap into the spirit of the times and reconnect with the idealism of the American dream of success and prosperity, sadly lost along the highway of Depression », Tracey Mollet, « “With a Smile and a Song…” Walt Disney and the Birth of the American Fairy Tale » in Brode Douglas et Brode Shea T. (éd.), Debating Disney: pedagogical perspectives on commercial cinema, Lanham (USA), Rowman & Littlefield, 2016, p. 57-58.
[29] Bettelheim Bruno, Psychanalyse des contes de fées, Paris, Robert Laffont, 2014 (1976), p. 60.
[30] « Le conte de fées […] projette le soulagement de toutes les pressions et, sans se contenter de proposer des façons de résoudre le problème, il promet qu’une solution ‘‘heureuse’’ sera trouvée », ibidem, p. 58.
[31] 592 millions de dollars de recettes mondiale pour un budget de 260 millions, « Tangled », BoxOffice Mojo, en ligne sur : https://www.boxofficemojo.com/title/tt0398286/ [consulté le 07/06/2021].
[32] « Le travail est une souffrance […]. Les raisons de cette souffrance viennent d’un malaise, lié pour l’essentiel non pas tant au contenu du travail qu’à la manière dont, dans les entreprises, il est pensé et organisé […] », Philippe Bernoux, Mieux-être au travail : appropriation et reconnaissance, Toulouse, Octarès Éditions, 2015, p. 1.
[33] Claire Siegel, « La gamification du monde : bienvenue dans l’empire du ludique ! » dans Biagini Cédric et Marcolini Patrick (dir.), Divertir pour dominer. 2 : La culture de masse toujours contre les peuples, Paris, L’Echappée, 2019 (Pour en finir avec), p. 119-133.
[34] Martine Court, Sociologie des enfants, Paris, La Découverte, 2017 (Repères), p. 86.
[35] Brigitte Charles-Pauvers, Nathalie Commeiras, Dominique Peyrat-Guillard, Patrice Roussel, « La performance individuelle au travail et ses déterminants psychologiques » dans Saint-Onge Sylvie et Haines Victor (dir.), Gestion des performances au travail. Bilan des connaissances, Louvain-la-Neuve (Belgique), De Boeck Supérieur, 2007, (Méthodes & Recherches), p. 97-150.
[36] « Bien que chacun s’accorde sur le fait que la quête de sens au travail recouvre toujours une dimension intime et subjective qui empêche d’y apporter des réponses toutes faites, elle est en général abordée à travers deux grandes considérations. La première consiste à souligner l’importance de l’engagement des salariés, qui doivent pouvoir ‘‘adhérer au projet de l’entreprise’’ et ‘‘se sentir utiles à la société’’. La seconde consiste à mettre l’accent sur leur épanouissement personnel, lié notamment à la reconnaissance et à l’évolution individuelles », Fanny Lederlin, « Du sens au travail : une quête existentielle », Études, n° 9, 2021, p. 47-57.
[37] Traduit de l’anglais : « It’s my duty », Rich Moore, Wreck It Ralph © Walt Disney Pictures, Walt Disney Animation Studios, 2012, 01:30:22.
[38] Christian Chelebourg, Disney ou l’avenir…, op. cit., p. 199.
[39] Plus d’un milliard de dollars de recettes pour 150 millions de dollars de budget, « Frozen », Box Office Mojo, en ligne sur : https://www.boxofficemojo.com/title/tt2294629/ [consulté le 21/03/2022].
[40] Isabelle Rochet, « Optimisme et réussite individuelle » dans Collectif, États-Unis, peuple et culture, Paris, La Découverte, 2004, p. 110.
[41] Jean-Charles Troadec, « Le self made man : ‘‘un étalon de la mesure du réel’’ », La Cause du Désir, vol. 99, n° 2, 2018, p. 2-3.
[42] Rémi Clignet, « L’exceptionnalisme » dans Collectif, États-Unis, peuple et culture, op. cit., p. 81.
[43] Id.
[44] Anton Brender, Florence Pisani, L’économie américaine…, op. cit., p. 3.
[45] « Les enquêtes démontrent que nous apprécions bien moins le travail (et le trajet jusqu’au travail) que toutes les autres occupations potentielles de la journée : loisirs, dîner entre amis, en famille, amours, exercice physique. De tels résultats incitent des économistes (Richard Layard, par exemple) à militer pour des politiques qui favorisent l’équilibre entre le travail et la vie familiale, civique et sociale », Lucie Davoine, Économie du bonheur…, op. cit., p. 62.
[46] Sophia Belghiti-Mahut, « Le conflit vie professionnelle/vie privée et la satisfaction », RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, vol. 4, n° 18, 2015, p. 8.
[47] Traduit de l’anglais : « The only thing I might do different in that scenario… would be not having to go to work », Rich Moore, Phil Johnston, Ralph Breaks The Internet © Walt Disney Animation Studios, Walt Disney Pictures, 2018, 00:03:49.
[48] Lucie Davoine, Économie du bonheur…, op. cit., p. 46.
[49] Traduit de l’anglais: « If I’m not a racer, Ralph… what am I? » Rich Moore, Phil Johnston, Ralph Breaks The Internet, 00:12:17.
[50] Alain Supiot (dir.), « Introduction : Homo faber : continuité et ruptures », Le travail au XXIe siècle. Livre du centenaire de l’Organisation internationale du Travail, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, 2019, p. 23.
[51] Charles-Édouard Rengade, « De l’ennui au bore-out, une revue de la littérature », Journal de thérapie comportementale et cognitive, 26 (3), 2016, p. 2.
[52] Christian Chelebourg, Disney ou l’avenir…, op. cit., p. 20.
[53] André Gorz, Métamorphose du travail : critique de la raison économique, Paris, Gallimard, 2019 (1988, Folio/Essais), p. 344.
[54] Frozen et Frozen II.
[55] Moana.
[56] The Princess and the Frog.
[57] Zootopia.
[58] Big Hero 6.
[59] André Gorz, Métamorphose du travail…, op. cit., p. 344.
[60] « Déjà envahissante avant la crise sanitaire, la question du sens au travail hante plus que jamais les travailleurs […] déboussolés par les bouleversements provoqués par l’épidémie de Covid-19. Au point que la question ‘‘Comment trouver du sens à mon travail ?’’ est devenue pour certains plus impérieuse que ‘‘Comment garder mon emploi ?’’ (et ce, alors qu’une crise sociale pourrait succéder à la crise sanitaire) et plus fondamentale que la traditionnelle revendication ‘‘Comment obtenir de meilleures conditions de travail ?’’ Comme si des mois d’incertitude et de travail à distance avaient fait l’effet d’un ‘‘miroir grossissant’’, révélant un sentiment croissant de dégradation du sens au travail », Fanny Lederlin, « Du sens au travail… », op. cit., p. 1.