Emmanuelle Pujeau
Résumé
Point de référence sur la question turque, Paolo Giovio se montra toujours très bien informé sur son époque et fin connaisseur de l’Histoire. Cependant, prétendre reconstituer ses sources relève de la gageure car il se montra d’une discrétion presque obsessionnelle sur l’origine de ses informations, livrant à ses lecteurs toujours le minimum qu’il pouvait. Pourtant, l’examen attentif de ses ouvrages et de sa correspondance révèle des pistes permettant de reconstituer dans une certaine mesure ses cercles relationnels. C’est par cette étude pratiquement épistémologique de son œuvre que l’on peut mettre au jour les constituants de son univers et pénétrer dans les arcanes de l’historiographie du XVIe siècle !
Emmanuelle Pujeau, docteur en Histoire Moderne, membre associé du FRAMESPA (UMR CNRS 5136), qualifiée aux fonctions de Maître de conférences en 2009, intégrée au projet ANR « croisades tardives », a mené un post-doctorat sur les changements d’équilibres dans le Sud-Est Européen (XVe-XVIIe) et donné un séminaire à l’Université de Poitiers sur la bataille de Préveza (1538). Outre maints articles scientifiques et contributions à des colloques internationaux, elle a édité un texte de Paolo Giovio (texte, notes et présentation en Italien) et publié en 2015 aux Presses Universitaires du Midi L’Europe et les Turcs, la croisade de l’humaniste Paolo Giovio qu’elle a notamment présenté à la Radio Télévision Suisse.
Emmanuelle.pujeau@orange.fr
L’historien joue-t-il le rôle d’un nouveau Prométhée en révélant les arcanes de l’Histoire ? En tout cas, l’humaniste Paolo Giovio[1] (membre de la famille pontificale, évêque de Nocera, médecin du pape et conseiller des puissants, historien de renom et spécialiste incontesté de la question turque) déclara « faire l’histoire la plus circonspecte, la plus claire et la plus fidèle »[2] pour aider son public à forger sa propre opinion, en déclarant suivre les préceptes de Lucien de Samosate pour qui l’historien ne devait être d’aucun pays ni d’aucune époque, principe érigé plus tard en règle par Fénelon : « Le bon historien n’est d’aucun temps ni d’aucun pays : quoiqu’il aime sa patrie, il ne la flatte jamais en rien »[3], imposant à l’historien d’être sans parti-pris. Cette volonté d’autonomie de l’historien[4] le pousse à préférer explorer directement les sources et mener sa propre « enquête » plutôt que de se borner à une œuvre stérile de compilation.
Or, Paolo Giovio revendiquait un tel état d’esprit dans son œuvre majeure l’Histoire de son temps. Ne l’écrivant pour aucun commanditaire, il tâcha de garder le ton le plus neutre possible pour ne pas rebuter un éventuel protecteur par les louanges faites à quelque rival. Ainsi, il s’attacha à relater scrupuleusement les faits. Il l’écrivit d’ailleurs à Capan bey, drogman de Soliman, pour lui présenter son œuvre, supérieure à ses yeux à celle des historiographes turcs car les exploits du sultan qu’il relatait dans son Histoire n’étaient que pure vérité et non viles flatteries.
Paolo Giovio n’en était pas moins un humaniste « initié au culte commun des muses »[5] et donc façonné par la culture antique, faisant de lui un brillant représentant de son époque et portant cependant un regard neuf sur son temps. Son œuvre reflétant le climat de son temps contient de précieux conseils, car Giovio ne se borna pas à la seule relation des événements, il appliqua même une méthode heuristique. Analysant les faits, il établit des parallèles avec des épisodes du passé employant toute sa culture pour en tirer de précieuses leçons. La connaissance de l’Histoire est vaine si elle ne permet pas d’en tirer des observations constructives : il faut savoir tirer les leçons de l’Histoire !
Or, une observation d’Érasme semble résumer la première moitié du XVIe siècle :
Si nous désirons réussir dans notre entreprise d’arracher notre gorge à l’étreinte turque, il nous faudra, avant de chasser la race exécrable des Turcs extirper de nos cœurs l’avarice, l’ambition, l’appétit de domination, la confiance en nous-mêmes, l’impiété, l’esprit de débauche, l’amour de la volupté, la fraude, la colère, la haine, l’envie, et après les avoir jugulés avec le glaive spirituel, adopter un état d’âme véritablement chrétien[6].
Ainsi, même Érasme songeait à la lutte contre les Turcs qu’il considérait comme un fléau divin destiné à punir la mauvaise conduite des chrétiens. Sans être un prêcheur acharné, Paolo Giovio réfléchit sur la question turque[7] et proposa des solutions. Mais comment développa-t-il ses idées sur l’Europe et les Turcs ? Quels milieux le renseignèrent et l’influencèrent peut-être, révélant la mentalité de son époque ?
Sa correspondance renferme de précieuses indications et la reconstitution de son cercle révèle ses liens avec différents milieux qui pesèrent sûrement sur ses conceptions. Quel rôle y jouèrent les milieux ecclésiastiques, la diplomatie, les intellectuels et les hommes d’action ? Il va donc être question de travailler sur ses sources et non de compiler une bibliographie giovienne (bien peu dense il faut l’avouer) en partant des textes et non de leur réception[8] à travers les siècles. Explorons les arcanes de différents milieux qui touchèrent Giovio.
I. Dans les arcanes du milieu ecclésiastique
C’est le milieu par excellence de Paolo Giovio. Sa présence pendant 37 ans à Rome[9] explique sûrement le grand nombre de religieux parmi ses correspondants et a sûrement pesé sur ses conceptions. Pietro Bembo le fameux lettré choisi comme historiographe par Venise, l’évêque Pietro Bertano qui fut nonce, différents papes indéniables « acteurs de l’Histoire » ou encore l’évêque d’Arras Antoine Perrenot de Granvelle, l’évêque de Vérone Gian Matteo Giberti, l’archevêque de Tolède Sileono Juan Martinez, les cardinaux François de Tournon et Charles de Guise ou encore le patriarche Daniele Barbaro pour ne citer qu’eux, figuraient parmi ses correspondants. Ils le renseignèrent sur les affaires de leur pays d’origine ou sur les milieux qu’ils fréquentaient, lui constituant un vaste réseau d’informations et d’influence.
Le 4 avril 1547, le cardinal Marcello Cervini[10] répondait à Giovio :
Votre lettre du 29 du mois dernier que j’ai reçue aujourd’hui m’a été très précieuse, en renfermant en elle non seulement votre jugement, pour lequel de toutes les façons je conçois une grande estime, sur le transfert du concile, mais aussi la décision de Notre Seigneur dont nous n’avions pas encore à cette heure été avertis aussi clairement. C’est pourquoi Monseigneur de Monte et moi-même nous vous en remercions[11].
On sait que Giovio en fut satisfait : « Ce coup est digne d’une belle tirade de riche brocart dans l’Histoire »[12] tout en exposant son jugement : « il est bien nécessaire qu’une réforme se fasse avec cette habileté et tempérance qui ne gâche pas la queue du faisan de ce Saint-Siège et qu’elle cloue en partie la bouche à ces blasphémateurs d’Allemagne »[13].
Depuis son arrivée en 1512, Giovio occupait une place privilégiée à Rome. Le cardinal Bandinello Sauli fut son premier « patron », Giovio devenant son médecin, probablement par l’intermédiaire des Fieschi et ses contacts génois[14]. Sa présence dans la suite du cardinal venait de la nécessité pour toute bonne maison de s’attacher au moins deux médecins et humanistes. Le premier portrait connu de Giovio[15] le représente d’ailleurs l’index levé dans une conversation animée avec le secrétaire du cardinal, Giovanni Maria Cattaneo.
En 1515, découvert par le pape Médicis Léon X, il fut introduit auprès de son cousin, le cardinal Jules de Médicis, le faisant entrer ainsi sous la protection de cette puissante famille. En avril 1517, le dévoilement du complot des cardinaux impliquant Sauli aurait pu nuire à Giovio. Au contraire, il vint grossir la maison du cardinal Médicis, devenu vice-chancelier à la mort du cardinal Sisto Gara della Rovere. En mars 1518[16], Giovio était désigné comme un ecclésiastique de Côme, familier du pape, entré dans les ordres mineurs[17]. Accompagnant le cardinal dans ses déplacements, il rencontra les grandes figures[18] de son temps. En 1523, Jules de Médicis élu Clément VII, ouvrait encore plus de contacts à Giovio. Désormais membre permanent de la maison pontificale, il comptait parmi les plus intimes, sa fonction de médecin pontifical le plaçant au milieu des courtisans s’occupant personnellement du pape, et désignés sous l’expression de « famille palatine ». En 1530, il faisait partie de la suite de son nouveau patron, le cardinal Hippolyte de Médicis et se trouvait à Florence lors des rencontres entre le pape et Charles Quint. À la mort de Clément VII en 1535, il connut une situation délicate, le cardinal Hippolyte ne s’entendant pas avec son cousin Alexandre et surtout avec le nouveau pape Paul III. Or, Hippolyte mourut brutalement. Giovio choisit alors de se placer sous la protection du cardinal Alexandre Farnèse pour ne pas « être chassé du Paradis »[19].
Un excellent rapport s’instaura entre eux, traduit par la nouvelle devise de Giovio : Spes mea in Farnesii gratia « mon espoir dans la grâce des Farnèse ». Son nouveau protecteur conférait à Giovio un rôle tenant de l’historien et de l’oracle, le faisant participer à nombre d’événements cruciaux de l’époque.
En 1549, il devait quitter cependant Rome sans perdre le contact avec le milieu ecclésiastique, comme en témoignent les lettres du cardinal Hippolyte d’Este le Jeune du 24 juillet 1550[20] l’invitant à Rome et du cardinal Farnèse du 30 août 1550 lui disant le profond regret de son absence prolongée de Rome[21]. Alexandre Farnèse témoignait de l’importance de Giovio en souhaitant : « prendre quelque fois en main vos Histoires et de me trouver encore dans vos appartements et discuter sur vos impressions des événements du monde »[22]. Il avait d’ailleurs la faveur de Jules III et manquait à Rome : « Alors, Monseigneur, venez-donc, […] à Rome où vous régnez »[23]. Giovio conserva avec le plus grand soin les lettres le suppliant de revenir à Rome que Domenichi publia plus tard pour témoigner de l’estime qu’on lui portait[24]. Le cardinal Hippolyte d’Este lui écrivait préférer encore à ses lettres « sa conversation très agréable et subtile »[25]. Il lui promettait un vaste exposé de vive voix sur les points particuliers dont Giovio lui avait demandé des éclaircissement dans une lettre[26] contenue dans celle envoyée à Girolamo Angleria le 26 octobre[27], indice sur les sources de l’historien. Il lui déclarait aussi lire la première partie de l’Histoire de son temps et attendre tout ce qu’il écrirait encore. Le cardinal espagnol Francesco di Mendoza essaya aussi de le convaincre le 7 octobre[28] tout comme Rodolfo Pio di Carpi le 30 janvier 1551 : « Venez, Rome a besoin de vous et vous d’elle »[29], le cardinal Nicolò de’Gaddi, le 21 février 1551[30] et le cardinal Gian Angelo de’Medici le 23 avril 1551 : « Et je ne doute pas que, si en votre absence ces faveurs[31] vous sont accordées, si vous étiez-là, il vous en serait accordé de plus grandes encore »[32].
Malgré son éloignement, Giovio continuait d’être informé par le réseau ecclésiastique. Ainsi, le 7 janvier 1552[33], le cardinal Giovanni Morone lui écrivait de Rome avoir toujours voulu dissuader le pape de la guerre de Parme, exposant la situation délicate du souverain pontife ne pouvant s’accorder avec le roi de France sans s’attirer l’hostilité de l’empereur, tout en ajoutant que les divergences entre Henri II et Charles Quint portaient en fait non sur Parme mais toujours sur l’épineuse question de Milan. Morone redoutait que les désaccords entre chrétiens ne fassent le jeu des Turcs.
Ainsi, le milieu ecclésiastique tenait Giovio au fait de l’Histoire. Il lui fournissait des informations issues d’autres milieux mais relayées et passées dans un filtre religieux. Ces informations obtenues de ses contacts ecclésiastiques pesèrent peut-être sur ses conceptions. En fut-il de même avec les diplomates ?
II. Les arcanes de la diplomatie
Émissaires et ambassadeurs[34] fréquentaient volontiers son appartement, à tel point qu’en 1544 Carlo Gualteruzzi parla du secrétariat de Paul III comme « Chambre de Giovio » ! Cette fréquentation lui permettait d’interroger ces envoyés et d’en recueillir de précieuses informations pour ses Histoires.
Grâce à ses protecteurs Léon X, Clément VII ou encore Paul III, Giovio eut la possibilité de s’entretenir avec des figures éminentes de son temps. Il mit au point une technique pour interroger ses sources et collationner les versions des différentes parties[35], afin de mieux établir la vérité. Avec le temps, remarque T.C.P. Zimmermann, sa vision s’approfondit et mûrit même.
En 1525, de ses conversations en latin avec Dimitri Gerasimov, l’ambassadeur du Grand-Duc de Moscou Basile III, il tira le Livre de l’ambassade de Basile le Grand prince de Moscou[36] décrivant la Moscovie, rectifiant les erreurs de certains ouvrages du Vatican. Giovio trouva des compléments auprès d’un des architectes italiens du Kremlin, Pietro d’Arezzo et de l’ingénieur militaire Paolino da Milano.
Le 11 janvier 1547[37] Giovio écrivait à Pietro Bertano, évêque de Fano (devant prendre part au concile de Trente) pour l’informer des événements contemporains, comme le succès de Charles Quint en Germanie et le risque de schisme, tout en lui demandant un portrait pour son Musée. Il l’interpellait parmi les « seigneurs négociateurs de la justification », désignant ainsi les membres du concile par une allusion au décret de la « sainte justification »[38] confirmant l’autorité apostolique[39], décret instituant l’obligation d’interpréter les Saintes Écritures en conformité avec le jugement de l’Église[40]. Giovio redoutait les dangers de ce nouveau concile pour lequel il répétait « Croyez Giovio, mon Seigneur, qui fut toujours ennemi de l’ouverture de ce concile »[41]. Giovio voyait le danger pour l’Italie : le pape risquait la déposition ou une grande réduction de ses pouvoirs. Il présentait le concile de Trente et ses conséquences concluant sur une note plus légère de mondanité : « Votre Seigneurie ne doit pas se scandaliser de moi, si je présume de me servir de vous comme ambassadeur […] moi je ne paie pas vos peines ambassadoriales […] en ne mettant pas en note quelque bon trait de plume d’encre parfumée dans le livre de l’honneur mondain »[42].
Dans une lettre du 2 juin 1545[43] Giovio demandait des informations précises à Girolamo Dandino, accompagnant le cardinal Farnèse dans sa mission en Allemagne. Giovio s’y lançait dans une longue métaphore assimilant les nouvelles au vent : « Si vous ne sifflez avec un vent suave, notre barque reste immobile et ne pourra pas faire voile vers les belles assemblées qui se font au Paradis avec une troupe de secrétaires chevauchant et ambassadeurs de deuxième ordre »[44]. En quelques mots, Giovio décrit de façon imagée la foule se pressant dans ses appartements : des « secrétaires qui suivent à cheval leur seigneur » et des « ambassadeurs de la deuxième boussole », en fait de deuxième ordre. Il filait sa métaphore avec une certaine ironie : « De grâce soupirez, si vous ne voulez pas souffler »[45], quémandant des informations. Évoquant un bateau guettant le vent, il reprenait : « et donnez-nous [alors que nous manquons de vent] une bouffée pour gonfler notre misaine »[46] et en concluant la métaphore par l’urgence de la situation « et faites vite » en désignant la concurrence de Florence : « avant que nous ne sentions l’odeur du vent de Florence, où il se lève pour la fête des girouettes et des lutins[47] avec les équipages brodés de grelots »[48].
Aux religieux s’ajoutaient les diplomates de profession comme Francesco Vinta orateur du duc de Florence à Milan, Mario Aligeri vice-légat de Piacenza ou Capan bey, grand drogman de Soliman pour n’en citer que quelques-uns. Ferrero a trouvé une lettre de Giovio au drogman de Soliman dans un manuscrit de la Bibliothèque Ambrosienne de Milan[49] rassemblant des pièces d’époques et de provenances très différentes, réunies au XVIIIe siècle. Les lettres de Giovio (fol. 13-108) sont toutes des copies de la même main. Celle destinée à Capan bey offre une lecture difficile du nom du destinataire : Ferrero hésite entre Capan et Cassan. Le titre de bey ne fait quant à lui aucun doute, de même que l’intitulé de la lettre Gran Dragoman[50] dell’Ecc.mo Imperator Sultan Solimano « Grand dragoman de l’excellent empereur sultan Soliman ». La lettre de Giovio adressée à Capan bey ne demandant ni n’offrant aucune information, proposait un exemplaire de l’Histoire de son temps au représentant de Soliman. Le ton employé dans cette fameuse lettre dénote la parfaite aisance dont Giovio faisait preuve en la matière.
Parmi ses lettres à différents diplomates, il s’en trouve une du 16 janvier 1545 recherchant un complément d’information pour les Éloges des hommes de Lettres dont Giovio précisait « une petite œuvre personnelle déjà faite pour les trois quarts »[51] indiquant ses attentes : « je voudrais savoir l’année, le mois et le jour de la mort de ceux-ci de vos concitoyens »[52] en précisant les noms et les moyens de retrouver les informations manquantes : « messire Leonardo d’Arezzo qui est enterré à Santa Croce, et je voudrais l’épitaphe de messire Poggio et messire Donato Acciaiolo »[53]. Il sollicitait également des portraits pour sa collection : « et prier messire Roberto, si par hasard il avait son portrait qu’il en fasse faire une copie au moins au fusain de Politien, Mirandole, Ficin et Marullo »[54]. Il indiquait le moyen de collecter de nouvelles précisions : « vous aurez des lumières sur la noyade de Iulian Scali dans le Cecina ; de messire Battista Alberto, où il mourut, où il fut enterré, je pense que les Alberti du pont Rubaconte en donneront lumière »[55]. Il lui demandait encore « l’épitaphe de Boccace, écrit, et que j’ai déjà vu à Certaldo sur sa tombe »[56] et concluait : « enfin, je désire que vous vous fassiez représenter sur toile, afin que vous soyez en très belle compagnie et je vous en serai un débiteur éternel »[57].
La consultation des Éloges des hommes de lettres illustres permet de vérifier si Piero Vettori a bien répondu aux demandes de Giovio. L’éloge de Leonardo Bruni d’Arezzo (1369-1444) intitulé Leonardus Aretinus (Eloges, IX), contient bien une épitaphe dont Giovio indiquait l’auteur : Caroli Aretini : « Après que Léonard a quitté cette vie, l’histoire pleure et l’éloquence est muette. On dit que tant la Muse grecque que latine ne purent retenir leurs larmes »[58]. L’éloge de Poggio Bracciolini (1380-1459) sous le titre Pogius (Eloges, X)[59] en évoquant les papes Eugène IV (1431-1447) et Nicolas V (1447-1455) pour lesquels il aurait travaillé, apporte quelques précisions chronologiques. L’éloge de Donato Acciaiolo (1429-1478) sous le titre Donatus Acciaiolus (Eloges, XVI) propose également une épitaphe :
Le nom de Donato est dans la patrie de Florence celui de la maison Acciaiolo, j’étais fameux pour mon éloquence. Lorsque je suis parti comme orateur au royaume de la patrie des Français, j’ai succombé sous les murailles des ducs d’Anjou, mais j’ai consacré ma vie à la patrie qui m’a enseveli, ramené maintenant au milieu des cendres de mes ancêtres[60].
Si l’on s’appuie sur le travail de Bruno Fasola[61], Piero Vettori a mené à bien sa mission pour les tableaux demandés : un portrait d’Ange Politien était bien en sa possession, comme ceux de Pic de la Mirandole, de Marcile Ficin ou encore de Michele Marullo. En revanche, il semble qu’il ne lui ait jamais envoyé son propre portrait. L’épitaphe de Boccace (1313-1375) figure bien dans l’éloge de Giovio Boccacius (Eloges, VI) et reprend l’idée de la lettre à Vettori :
On voit son tombeau avec une effigie de marbre avec les vers gravés dans l’église principale de Certaldo : « Sous ce tertre reposent les cendres et os de Giovanni, son esprit se tient devant Dieu, orné du mérite de ses œuvres ». Le père de Boccace de cette vie mortelle, de la patrie de Certaldo, fut le zèle de la poésie nourricière[62].
Vettori a-t-il interrogé les Alberti del Ponte Rubaconte ? La suggestion de Giovio était fondée car ils appartenaient à la même famille que Leon Battista Alberti, qui se trouvait être un enfant naturel des Alberti. Le ponte Rubaconte renvoyait à un endroit précis de la ville, aujourd’hui une via Rubaconte da Mandello existe à Florence, mais elle est assez excentrée. L’éloge de Leo Baptista Albertus (Eloges, XXXIII)[63] ne semble pas prouver que Vettori ait finalement fourni des indications supplémentaires à Giovio à propos des lieux de mort et de sépulture de Leon Battista Alberti car l’éloge esquive ces renseignements en évoquant l’hommage de Politien : « Leon Battista Alberti, de la fameuse famille des Alberti à Florence, Politien ayant appris sa mort, chanta noblement ses éloges »[64] reprenant les informations déjà connues : l’appartenance à la famille des Alberti (identifiés pour Vettori) et l’hommage de Politien. Les renseignements demandés sur Giuliano Scali paraissent ne pas avoir été trouvés. Aucun éloge à son nom ne figure dans les Éloges des hommes de lettres illustres.
Une autre lettre de Giovio à Vettori du 22 décembre1551[65] s’occupant de littérature, lui confiait un message pour le cardinal Farnèse : « chez les Celtes, Bellone agite le fouet et la Germanie lance la foudre et l’euronotus soufflera depuis l’orient »[66]. L’emploi de mots latins dans cette lettre en langue vernaculaire donne un tour poétique presque cryptographique. Comme pour dissimuler son propos, Giovio mentionnait la déesse Bellone pour parler de guerre, citant les Celtes et la Germanie en se référant aux équivalents antiques et traduisait une menace orientale au travers du vent soufflant sud sud-est l’Ευρόνοτος (vent entre l’Eurus et le Notus) pour illustrer l’origine de la menace.
Prélats et diplomates étaient bien souvent de fins lettrés. Souvent collectionneurs de manuscrits et de livres[67], les diplomates de passage à Venise profitaient de leurs missions pour visiter les bibliothèques et s’entretenir avec des érudits, encore l’occasion de mêler les influences.
III. Dans le secret des intellectuels
Quelle fut l’influence de la sphère des intellectuels[68] sur Giovio ? En plus de leurs opinions personnelles, pareilles relations ont pu peser sur ses conceptions littéraires et influencer ses écrits d’une certaine manière. Ce cercle comportait des écrivains comme Anton Francesco Doni ou Pietro Bembo, des philosophes comme Giulio Landi, des mathématiciens ou astrologues comme son parent Annibale Raimondi[69] ou encore des philologues comme Francesco del Nero, également des historiens comme Bernardo Segni et enfin des médecins à l’image de Giovanni Antonio Volpi qui étudia aussi la botanique. Giovio lui-même appartenait à différentes catégories d’intellectuels en tant que médecin, historien et homme de lettres, traitant de linguistique[70] et d’art à ses heures et se montrant passionné d’astrologie[71] depuis sa plus tendre enfance. Ceci explique la physionomie de ce réseau d’amitiés fondées sur des goûts et des intérêts partagés.
De tous temps, Giovio fréquenta nombre d’académies et de sociétés savantes. L’Académie Romaine joua même un rôle crucial dans sa carrière. Au contact de ses membres érudits férus d’Antiquité, Giovio perfectionna son éloquence, ce qui fit de lui un « nouveau Tite Live ». Il goûta le charme des conversations et des banquets nocturnes dans les jardins parfumés. Suivant la tradition inaugurée par Pomponio Leto[72], Giovio adopta le nom latin de Jouius. Outre les visites aux ruines antiques pour lesquelles il servit de cicérone à divers diplomates, ce fut par l’Académie Romaine que le pape Léon X le distingua pour le livre VIII de ses Histoires, lui valant un quatrain de Blosio Palladio[73].
À ce propos, Zimmermann note de Giovio qu’il « semblait se mouvoir dans tous les cercles : le Vatican, l’antique Académie Romaine, la brillante Nouvelle Académie de Giberti dans son palais du Borgo, la cour du cardinal Colonna, peut-être même « l’académie tragique » de Giangiorgio Trissino et Giovanni Rucellai »[74]. Son séjour à Ischia après le sac de Rome en 1527 fut un point d’orgue intellectuel. Le 6 Juillet 1527, ayant reçu l’évêché de Nocera et suivant la demande des geôliers de réduire le nombre des prisonniers du Château Saint-Ange, Giovio quitta Rome. Il rejoignit Vittoria Colonna ayant trouvé refuge avec un groupe d’amis sur l’île d’Ischia[75] dans le château de la famille de son mari, le marquis d’Avalos. Il y rencontra nombre d’intellectuels et put apprécier les conversations de personnes cultivées dont il tira le Dialogue au sujet d’hommes et de femmes brillants de notre époque[76]. Outre Giovanni Antonio Muscettola, membre du cercle de Pomponio Gaurico, Giovio s’entretint avec différents membres de l’Académie de Pontano, fréquentés déjà à Rome pour certains. Ils parlaient de littérature et d’Histoire, commentant les invasions de Charles Quint ou philosophant sur la destinée humaine.
Malgré ses absences répétées de Rome, Giovio maintint toujours le contact avec des membres d’académies influentes comme l’Accademia della Virtù sous l’autorité du cardinal Hippolyte ou l’Accademia della Poesia Nuova. Dionigi Atanagi lui envoya en 1539 les Vers et règles de la nouvelle poésie toscane[77] de Tolomei.
Il ne faudrait pas négliger l’influence de Venise[78] et de Padoue. À Florence, Giovio trouva également une Académie Florentine réorganisée sous le patronage du duc Côme en 1547 et dédiée à l’écriture vernaculaire. Il présida même une séance houleuse[79] en 1550. Par goût, il préférait éviter les disputes littéraires et entretenir de bonnes relations avec les différents partis.
Outre l’intérêt intellectuel, ces académies apportaient à Giovio d’autres éléments pour son travail d’historien. Tout d’abord, elles lui offraient des critiques attentifs de ses œuvres, nombre de ses textes étant lus par ses amis. Elles permettaient aussi de confronter les points de vue sur différents sujets, les préoccupations de leurs membres n’étant pas exclusivement littéraires. Les amis de Giovio de l’Académie Romaine ont souvent entendu les mises en garde de Lascaris sur la montée en puissance des Turcs. La question de la menace turque[80] était d’ailleurs un thème courant de l’éloquence romaine aux XVe et XVIe siècles. Raffaele Maffei en fit même le thème principal de ses Commentaires urbains[81] en 1506.
Les intellectuels s’intéressaient également à des considérations matérielles concrètes et jouèrent un certain rôle dans les élaborations stratégiques de leur époque. Cette attitude ne doit pas surprendre, surtout si l’on considère que ces intellectuels exerçaient des fonctions les mettant en contact avec les réalités contemporaines. L’historien Francesco Guicciardini, pour être « un homme d’action, un politique »[82] connaissait bien les réalités du terrain comme Giovio qui suivit ses protecteurs ou fut envoyé dans différentes missions. Il appliqua ainsi le principe d’autopsie au sens de « vu de ses propres yeux » vanté par Hérodote d’Halicarnasse pour écrire l’Histoire ! Assister en personne aux événements doit permettre à l’historien d’en rapporter le témoignage le plus sûr. Giovio se trouva lui-même sur les lieux de l’action à plusieurs reprises comme par exemple lors du sac de Rome en 1527 : c’est lui qui protégea le pape Clément VII dans sa fuite entre le Vatican et le château Saint-Ange, le cachant dans les passages découverts. Cependant, sa méthode requérait un patient travail de compilation de diverses sources pour [r]établir la vérité. Souvent il s’appuyait sur des plans, schémas ou cartes et composait ses ouvrages dans le calme de son cabinet de travail.
Cependant, plus qu’un témoignage direct, ces circonstances véritablement vécues lui conférèrent une expérience lui permettant de relater avec précision les sacs de villes, les destructions et les cruautés de la guerre. Les descriptions de pillages comme celui de Tunis prennent une autre dimension si l’on songe que Giovio assista, impuissant, à celui de sa propre ville, Côme. Sa famille fut touchée. Giovio l’écrivit à Girolamo Angleria le 19 septembre 1550, se défendant d’être ingrat : « Et si je pardonnais au marquis de Pescara qui me saccagea la patrie et ma maison sans me faire restituer de Gallindo et Giovanni de Varghes l’argenterie qu’ils avaient extorqué en torturant le bras de messire Benedetto »[83]. Par ailleurs, Giovio s’efforçait de ne pas mettre trop de sentiments personnels dans ses descriptions, s’assurant ainsi de la neutralité de son récit par une certaine distance.
Giovio était pourtant peu enclin à être le témoin direct de l’Histoire. Il écrivit à son frère Benedetto le 27 août 1532[84] qu’étant dans la suite du cardinal Hippolyte de Médicis, envoyé du pape en Autriche à propos de la guerre contre les Turcs, il était sur le point de partir pour Ratisbonne, région où il risquait rencontrer l’ennemi. Éventualité face à laquelle il précisait : « Moi, je resterai dans un endroit sûr pour pouvoir écrire l’issue [des événements] et j’espère que nous reviendrons triomphants »[85]. Il préférait rencontrer ceux qui faisaient l’Histoire plutôt que rechercher la violence de l’affrontement sur le terrain. Il interrogeait volontiers les capitaines et les puissants loin des combats, lorsqu’ils étaient plus disponibles pour répondre à ses fameux questionnaires.
IV. Dans le secret des hommes d’action
À l’appui de son « expertise militaire », Giovio expliquait connaître de très nombreux capitaines[86] de son temps, comme dans sa lettre introductive dans le Commentario[87]. Parmi ses correspondants figurent ainsi Bartolomeo d’Alviano (1455-1515) qui possédait d’ailleurs son académie, Francesco Babbi (1ère moitié du XVI-v. 1590) gentilhomme et écrivain, Mario Bandini (1500-1558) noble, proche du pape Pie II, Gian Battista Castaldo (1493-ap. 1563) général d’artillerie impliqué dans la lutte contre les Turcs, Stefano Colonna (av. 1522-1548) capitaine et ingénieur ayant failli servir Venise et Ferrante Gonzaga (1507-1557) frère de Federico Gonzaga marquis de Mantoue, notamment commandant des troupes pontificales. Par ailleurs, on sait qu’il rencontra personnellement nombre d’entre eux à propos des campagnes qu’ils venaient de mener, comme par exemple Andrea Doria (1466-1560) ou Vincenzo Capello (1469-1541). Les informations fournies par les capitaines concernaient les stratégies déployées lors des combats, mais comme cette rapide revue l’a montré, ces guerriers avaient différents centres d’intérêts.
La plus ancienne lettre de Giovio relevée par G. G. Ferrero remonte au 3 juin 1514. Giovio s’adressait en latin à Bartolomeo d’Alviano pour lui demander des renseignements sur ses campagnes et principalement sur la guerre de Cadore de 1508 et la bataille d’Agnadello de 1509, afin d’appuyer son propre récit dans l’Histoire de son temps. Giovio lui disait ne vouloir publier son œuvre qu’après l’avoir consulté :
Mais moi je te supplie au sujet de ces questions, toi, un homme très grand amateur des belles lettres latines, afin que pour l’immortalité que je te procurerai par mon travail, tu veuilles me faire transmettre tes commentaires ou un résumé en vernaculaire de la guerre et des combats de Cadore et de la bataille d’Agnadello contre les Français[88].
La méthode de Giovio et la qualité de ses informations apparaissent dans la suite de la lettre : « puisque j’entends différentes [versions] et je sais que tu as tout noté ou que tu le gardes en mémoire »[89], faisant en outre référence à un échange antérieur d’informations par l’expression « ta description concise et pourtant riche »[90]. Il lui désignait également son ami Marino Sanudo comme intermédiaire pour lui transmettre de nouvelles informations « et à maître Marino Sanudo, patricien vénitien pour me la transmettre »[91].
Bartolomeo d’Alviano ne pouvait qu’intéresser Giovio, ce vieux condottiere se doublant d’un homme de lettres ayant fondé une académie avec Andrea Navagero et Girolamo Fracastoro à Pordenone, ville que Venise lui donna après qu’il l’ait reconquise en 1508. Piero Pieri[92] atteste de l’existence de cette académie et évoque son goût pour les lettres et la philosophie. Prisonnier des Français, il écrivit ses mémoires que Giovio aurait consultées[93]. À ce propos, la « légende le présente occupé à écrire avec une paille et de la poudre de charbon trempée dans le vin les commentaires de sa propre vie »[94]. Il aurait aussi élaboré à ce qu’il semble des écrits de théorie guerrière et même composé des vers dont il n’est malheureusement rien resté. L’exemple de Bartolomeo d’Alviano confirme la piste des informations collectées auprès des capitaines.
La considération dont Giovio jouissait dans le milieu des capitaines est peut-être illustrée par la lettre de recommandation adressée à Stefano Colonna (av. 1522-1548) le 9 juillet 1546 : « Le porteur de cette lettre sera le capitaine Girolamo Santacroce, noble napolitain et connu pour sa valeur dans le métier des armes et surtout mon très vieil ami. Ce dernier désire une attestation écrite et se fie grandement dans le jugement de Votre Seigneurie »[95]. Ses bonnes relations avec les capitaines permettaient à Giovio d’obtenir des informations. Ainsi, quand il se lança dans la rédaction du récit de la victoire de Mühlberg du 24 avril 1547, il s’adressa à Giambattista Castaldo le condottiere impérial le 25 août pour recueillir la version des deux princes prisonniers comme il l’écrivait : « Je tire au clair certains doutes sur le bilan qui s’est fait ici grâce aux comptes rendus de nombreux capitaines, de la valeur et du savoir dans l’art de la guerre des deux seigneurs de Saxe et de Landgrave »[96]. Giovio s’interrogeait sur les erreurs que certains leur imputaient tout en précisant : « encore qu’ils étaient loués par beaucoup comme des hommes expérimentés, résolus et hardis »[97]. Les deux princes en question étaient le Landgrave de Hesse et le prince-électeur de Saxe Jean Frédéric Ier (1503-1554). Giovio déclarait vouloir connaître leur version des faits dans ces termes « si je n’entends pas d’abord leur justification, il ne serait pas honnête que j’envoie à la mémoire de la postérité en l’écrivant témérairement »[98]. La lettre qu’il leur adressa nous est heureusement conservée et a été publiée par G. G. Ferrero sous le titre : « À Jean Frédéric, duc de Saxe et à Philippe, Landgrave de Hesse »[99]. L’introduction très formelle de cette lettre datée du 29 août 1547 rédigée en latin désigne clairement les protagonistes de cette conversation à distance : « Aux illustres Jean Frédéric de Saxe et au Landgrave Philippe, princes de Germanie, Paolo Giovio, évêque de Nocera, écrivain des Histoires [souhaite] le salut, la liberté, [le retour de] l’ancienne fortune et bon courage »[100]. Giovio s’y présentait comme un « écrivain d’Histoires ». Avant d’en venir à son questionnaire, il évoquait leur gloire, leur « très haute origine de sang germanique » et le souvenir qu’ils entendaient laisser à la postérité. En venant à son œuvre, il précisait : « en fait j’ai écrit en latin l’Histoire des événements du monde entier »[101] depuis 1494 jusqu’à cette guerre. Et justement à propos de ce conflit récent, les avis divergeaient. Il les enjoignait donc pour leur propre gloire de lui fournir leur version. Suivait toute une série de questions sur le modèle Cur est quod « Pourquoi est-ce que ? » sollicitant des explications sur leur comportement, pour quelle raison avaient-ils choisi une telle stratégie alors que les circonstances suggéraient de suivre une autre tactique. Ont-ils répondu ? Le récit concluant l’Histoire de son temps ne permet pas de trancher avec certitude[102], les précisions demandées par Giovio ne semblant pas clairement introduites dans un texte somme toute peu détaillé. Les événements de Mühlberg y sont rapportés très laconiquement, les seules précisions sur les deux protagonistes sont contenues dans un court passage : « Philippe Landgrave, prince des Germains et Jean Frédéric, duc de Saxe d’une très ancienne famille »[103], ne fournissant que des informations manifestement déjà connues lors de la lettre de 1547 dont la suite tient en quelques mots : « qui avec un esprit opiniâtre pour défendre la liberté du nom allemand, ayant poussé les villes franches à la guerre, prirent les armes »[104] constituerait peut-être la version des deux prisonniers.
Dans le même esprit, Giovio adressait le 22 mai 1552[105] une lettre à Ferrante Gonzaga dans laquelle il lui demandait des renseignements sur le cas de Randazzo. Il entendait ainsi obtenir des informations sur les mutineries des soldats impériaux rescapés de la conquête de Castelnuovo en 1538. En écrivant, « J’ai prié le chevalier de prendre ordre de Votre Excellence de me rédiger un compte rendu de ce très juste cas de Randazzo »[106], Giovio faisait référence aux événements déjà évoqués dans sa lettre du 21 février 1539 adressée au cardinal Girolamo Aleandro : « assurément les choses vont mal et en Sicile les six mille soldats espagnols sont tellement mutinés qu’ils ont mis à sac Randazzo et d’autres terres, à la façon turque »[107]. Le fameux Randazzo est une ville du nord-est de la Sicile[108] dont les soulèvements furent durement réprimés par Gonzaga.
Parmi ses relations, Giovio comptait des puissants et de hauts dignitaires au nombre desquels figuraient le sénateur milanais Francesco Grasso, le gouverneur de Rome Giovanni Girolamo de’Rossi ou encore le Grand Connétable du roi de France Anne de Montmorency. Dans une lettre du 29 novembre 1551, Giovio félicitait Giovanni Girolamo de’Rossi de sa nouvelle nomination. La tournure de la lettre ne marque pas nécessairement un rapport de soumission de la part de l’historien, « J’ai bien écrit à Votre Seigneurie que je vous souhaitais tout bien et accroissement de l’honneur, le prophétisant non sans raison »[109]. Il lui faisait même des recommandations de vertus de manière directe[110], usant d’une assez grande liberté de langage, preuve de son propre rang à Rome. La lettre du 18 août 1538 adressée à Anne de Montmorency relevait plutôt de la stratégie que de l’échange de renseignements. Giovio proposait au grand connétable de France la copie du discours[111] composé par lui à la demande du marquis del Vasto « à propos des ordres anciens de la future entreprise contre les Turcs »[112]. Il ajoutait que ce discours avait plu au marquis ainsi qu’à l’empereur et disait estimer qu’il ne devrait pas déplaire ni à lui ni au roi très chrétien. Il fondait ce jugement sur sa récente entrevue avec François Ier en écrivant : « ayant personnellement récemment entendu de Sa Majesté qu’elle désirait démontrer au monde par les effets qu’elle est digne de son antique titre »[113]. Il recommandait de nouveau de suivre les « promesses courtoises de Villeneuve et Villefranche » et promettait d’en rendre le mérite de sa plume « qui doit être chère à ses semblables ». Cette lettre renvoie à divers éléments révélateurs de l’importance de Giovio dans le milieu des puissants. La mention de l’opinion de François Ier et les promesses de Villeneuve et Villefranche rappelle les rencontres et tentatives de tractations entre Charles Quint, François Ier et le pape Paul III de mai et juin 1538 et l’entrevue entre le roi et l’empereur à Aigues-Mortes.
Il se trouva aussi que Giovio écrive directement aux puissants comme François Ier ou Charles Quint. Une lettre du 14 août 1550 adressée à l’empereur réclamait un contrôle des informations avancées par Giovio au sujet de l’expédition impériale de Tunis en 1535. Il déclarait « étant, pour ma part, prêt comme un serviteur tout à fait dévoué à changer, ajouter ou retrancher quand cela semblera opportun à Votre Majesté, riche de mémoire et d’un parfait jugement »[114]. En 1529, Giovio se trouvait à Bologne lors d’un des plus brillants rassemblements de la Renaissance où il put « élargir ses connaissances avec les protagonistes de son Histoire. Princes, prélats, ambassadeurs, puissants, humanistes, artistes et musiciens convergeaient de toute l’Europe »[115] pour participer à un événement exceptionnel : le couronnement de Charles Quint par le pape Clément VII dans l’église de San Petronio le 24 février 1530 . Ce « congrès de Bologne est un moment clé de l’histoire de l’Italie, qui marque la fin de la première phase des guerres d’Italie et l’instauration définitive de la pax hispanica sur toute la péninsule »[116]. Au nombre de ses contacts avec les personnes agissantes de son temps, il faut compter François Ier auprès duquel il réussit à obtenir une audience au cours de laquelle il l’interrogea sur la bataille de Pavie et divers événements pour ses Histoires. Le résultat de ses demandes le servit grandement dans la rédaction de la Vie du grand capitaine et de celle du Marquis de Pescara[117]. Le témoignage du roi prisonnier a été très précis[118] et Lelio Torelli aurait écrit à ce propos :
[…] ceci est certain que le roi de France mort, c’est là pour lui une double réussite, d’abord pour l’ordinaire comme on vit après la mort dans les écrits des auteurs illustres, puis particulièrement le roi François qui fut blâmé et outragé par la bouche du peuple dans cette campagne et qui maintenant non seulement est sauvé de l’infamie mais honoré comme le courageux, valeureux et prudent vainqueur de son sort[119].
Conclusion
Reconstituer le « cercle de Paolo Giovio » par le biais de sa correspondance a permis de s’immerger dans les arcanes du milieu ecclésiastique, de la diplomatie et dans les secrets des intellectuels et des hommes d’action, offrant une illustration sur l’époque. Les relations de Giovio ainsi mises à jour suggèrent de possibles explications de la constitution de sa mentalité et de sa vision sur son temps. Mais il n’en demeure pas moins que c’est la seule tournure d’esprit de Giovio qui lui a permis de pénétrer dans les arcanes de l’Histoire en marche. Sa conception de l’historiographie, textuellement « écriture de l’histoire », basée sur la collecte la plus complète d’informations lui a permis d’écrire des ouvrages de référence[120].
S’il est possible de mettre en lumière certaines de ses relations et ainsi d’apprécier à quel point il était introduit dans les milieux ecclésiastique, diplomatique, intellectuel et même des hommes d’action faisant l’Histoire, ses sources sont loin d’être toutes découvertes. Il se montra toujours extrêmement bien informé, à tel point que des spécialistes se réfèrent encore aujourd’hui à ses œuvres pour retrouver le détail d’événements de son temps, mais il fut toujours très discret sur ses sources, aussi quel bonheur d’en mettre une à jour[121]. Ainsi, pour sa reconstitution rapide de la prise de Rhodes par Soliman en 1522, j’ai pu établir indiscutablement, alors que Giovio semblait se référer au témoignage du Grand Maître des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem pour son récit, qu’en réalité il s’était appuyé presque exclusivement sur le provéditeur de Venise, allant jusqu’à reprendre mot à mot des expressions de sa Relation dans son texte du Commentario delle cose de’Turchi, en adaptant ce témoignage pour en faire un récit de portée universelle.
En conservant peut-être volontairement une certaine part de mystère, Paolo Giovio agit tel un Prométhée en révélant à ses lecteurs les arcanes de l’Histoire pour leur permettre de tirer des leçons profitables et d’agir subséquemment, remplissant pleinement son rôle de conseiller, une maïeutique de l’Histoire ?
[1] J’ai consacré ma thèse de doctorat d’Histoire moderne à l’œuvre de Paolo Giovio et je l’ai entièrement refondue dans Emmanuelle Pujeau, L’Europe et les Turcs, la croisade de l’humaniste Paolo Giovio, Presses Universitaires du Midi, Toulouse, 2015. Pour une biographie historique de Paolo Giovio voir T.C. Price Zimmermann, Paolo Giovio, Princeton University Press, Princeton, 1995.
[2] Paolo Giovio, Epistularum pars prior, éd. Giuseppe Guido Ferrero, Istituto Poligrafico dello Stato, Rome, 1956, p.174.
[3] Fénelon, « Lettre à M. Docier sur les occupations de l’Académie française, VIII », Projet d’un Traité sur l’Histoire, 1714.
[4] L’art d’écrire l’Histoire, argument de multiples ouvrages, ne cesse d’évoluer en fonction des époques. Comment on écrit l’histoire de Paul Veyne s’interroge sur l’argument. Certains auteurs se sont efforcés d’en tracer l’histoire comme Charles-Olivier Carbonell dans son Que Sais-je ? L’historiographie. Vito Fumagalli dans Scrivere la storia pose la question de l’usage des sources et Nancy Bisaha s’interroge sur l’héritage de la Renaissance dans Creating East and West, pour ne citer que quelques-uns d’entre eux.
[5] L’expression est d’Érasme in Étienne Wolff, « Érasme et l’Afrique : comment penser l’altérité » dans University of Otago, vol.VIII, Scholia, 1999, p. 96.
[6] Érasme, Ultimissima consultatio de bello Turcis inferendo (1530), dans Œuvres, Paris, Robert Laffont, 2000, p.971.
[7] C’est l’objet de L’Europe et les Turcs, la croisade de l’humaniste Paolo Giovio.
[8] Paolo Giovio ne laissa pas indifférent, il avait des admirateurs inconditionnels : Vasco Diaz Tanco ou Girolamo Borgia en témoignèrent dans leurs écrits. D’autres attendirent sa mort pour lancer des accusations contre lui, initiant une tradition de biographies partiales qui se propagent encore de nos jours. On pensera aux Difese de Fiorentini contra le false calunnie del Giovio de Giovanni Michele Bruto de 1566 ou encore à l’Antijovio de Sepulveda dont les titres seuls traduisent l’hostilité qu’ils éprouvaient envers lui.
[9] Pour goûter l’ambiance de la cour pontificale on pourra consulter la « vie quotidienne » de Jacques Heers, La cour pontificale au temps des Borgia et des Médicis 1420-1520, réédité en 2003 chez Hachette ou Maurizio Gattoni, Clemente VII e la geo-politica dello stato pontificio (1523-1534) ou encore le petit ouvrage Papi o principi ? de Paolo Ceccoli.
[10] Il sera pape sous le nom de Marcello II (élu en 1555). Les références biographiques seraient bien trop longues à détailler pour chaque figure historique dans cet article, en revanche, on les retrouve sans peine dans L’Europe et les Turcs, par exemple.
[11] Archivio di Stato de Florence, Carte Cerviniane, volume 42, fol. 82.
[12] Paolo Giovio, Epistularum pars altera, éd. Giuseppe Guido Ferrero, Istituto Poligrafico dello Stato, Rome, 1958, p.76.
[13] P. Giovio, Epistularum pars altera, p.76.
[14] T. C. P. Zimmermann, Paolo Giovio, p. 14.
[15] Sebastiano del Piombo, Le Cardinal Bandinello Sauli, son secrétaire et deux géographes, huile sur bois, 1516.
[16] Archivio Segreto Vaticano, Reg. Vat. 1142, fol. 22 verso-25.
[17] Il n’était donc théoriquement qu’acolyte, exorciste, lecteur ou portier et son titre exact était « clerc minoré ».
[18] T. C. P. Zimmermann fait remonter à cette époque la mise au point de sa technique de l’interview des « témoins » des événements dans Paolo Giovio, p. 27-28.
[19] Le « paradis » c’est ainsi qu’il désignait ses appartements au Vatican, pour leurs localisation cf. L’Europe et les Turcs, p.13.
[20] Dans les lettres réunies par Ludovico Domenichi dans P. Giovio, Lettere volgari, Venise, 1560, fol. 44.
[21] P. Giovio, Lettere volgari, fol. 69.
[22] Ibidem.
[23] Ibidem.
[24] G. G. Ferrero dans P. Giovio, Epistularum pars altera, Appendices, p. 256.
[25] P. Giovio, Lettere volgari…, fol. 70 verso.
[26] Cette lettre a malheureusement disparu, on ne connaît finalement sa présence que par : Siate contento di dar l’inclusa al signor Cardinal di Ferrara… et la réponse du cardinal y faisant allusion.
[27] P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 149.
[28] P. Giovio, Lettere volgari, fol. 71.
[29] P. Giovio, Lettere volgari, fol. 71 verso.
[30] P. Giovio, Lettere volgari, fol. 72 verso.
[31] Les « grâces » en question est l’acceptation de transférer l’épiscopat de Nocera à son neveu Giulio.
[32] P. Giovio, Lettere volgari, fol. 74 verso.
[33] Lettere di Principi, Ziletti, Venise, 1581, t.III, fol. 114.
[34] Les informations transmises par les diplomates sont souvent agrémentées d’analyses pratiques. Leur lecture est toujours utile. L’étude de telles sources a servi de base à des ouvrages comme Le XVIe Siècle vu par les ambassadeurs vénitiens d’Orestes Ferrara ou Les ambassadeurs vénitiens de Giovanni Comisso ou Gli ambasciatori veneziani da Solimano il Magnifico de Roberto Boschini décrivant des événements-clefs d’après les écrits d’ambassadeurs, pour ne mentionner que quelques exemples vénitiens. Un autre aspect est illustré notamment par Douglas Biow, Doctors, Ambassadors, Secretaries, Humanism and Professions in Renaissance Italy, University Chicago Press, 2002.
[35] Zimmermann parle de « glanures » to plot his gleanings dans T. C. P. Zimmermann, Paolo Giovio, p. 25.
[36] P. Giovio, Libellus de legatione Basilii magni Principis Moschouiae ad Clementem VII, Calvo, Rome, 1525.
[37] P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 64-65.
[38] Il s’agit de la VIème session du Concile de Trente, le 13 janvier 1547.
[39] « In barba di Martin Lutero » commente Giovio dans sa lettre au nonce de France, Girolamo Dandino du 23 janvier 1547.
[40] Décret de la « sainte justification » en 16 Chapitres et 33 canons. Le chapitre IX « Contre la vaine confiance des hérétiques » vise les Protestants et traduit bien l’esprit du décret.
[41] P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 64.
[42] Ibidem.
[43] Ibid., p. 14-15.
[44] Ibid., p. 14.
[45] Ibidem.
[46] Ibidem.
[47] Noter le jeu de mot sur le mot spiritus latin signifiant « esprit » et « souffle ». G. G. Ferrero précise que les spiritelli « lutins » seraient les fusées lancées de la girouette que l’on faisait à San Giovanni à Florence pour le 24 juin, dans P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 312.
[48] P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 14.
[49] Biblioteca Ambrosiana di Milano, S 108 Sup., fol. 82.
[50] Le bey, mot turc pour désigner le père, caractérise le « gouverneur militaire, représentant du sultan dans l’empire ottoman ». Le terme dragoman se rapproche du drogman. Rappelons l’origine italienne dragomanno de ce terme, elle-même calquée sur le grec byzantin dragoumanos « interprète ». Notons qu’au XVIe s., en France (e. g. Jean de Léry) on emploie volontiers « truchement » venant de « drugement » attesté au XIIe s., emprunt à l’arabe tourdjouman, écho moderne dans « par le truchement de » connu en français traduisant en fait le targam arabe signifiant « traducteur-interprète ». Ces hommes étaient souvent d’origine chrétienne.
[51] P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 7.
[52] Ibidem.
[53] Ibidem.
[54] Ibidem.
[55] Ibidem.
[56] Ibidem.
[57] Ibidem.
[58] Ibid., fol. 8 verso.
[59] P. Giovio, Elogia uirorum litteris illustrium, Tramezzino, Venise, 1546, fol. 8 verso-fol. 9.
[60] Ibid., fol. 12-fol. 12 verso.
[61] Bruno Fasola, « Per un nuovo catalogo della collezione gioviana », Paolo Giovio il rinascimento e la memoria, Società a Villa Gallia, Côme p.169-180.
[62] P. Giovio, Elogia uirorum litteris illustrium, fol. 7.
[63] Ibidem, fol. 22- fol. 22 verso.
[64] Ibid., fol. 22 : Leoni Baptistae, ex Albertorum familia Florentiae clara, Politianus, audita eius morte, nobile encomium cecinit. Le terme encomium est un calque du grec ’εγκώμιον.
[65] Ibidem.
[66] Ibidem.
[67] Le monde des livres a suscité de nombreux ouvrages, songer aux classiques Martin Lowry, Le monde d’Alde Manuce, imprimeurs, hommes d’affaires et intellectuels dans la Venise de la Renaissance ou encore Leighton D. Reynolds et Nigel G. Wilson, Copisti e filologi la tradizione dei classici dall’Antichità ai tempi nostri ou Andrew Pettegree, The Book in the Renaissance, Yale University Press, 2011.
[68] Le colloque du 3 au 5 juin 1983 consacré à Giovio à Côme « Paolo Giovio il Rinascimento e la Memoria » s’est efforcé d’explorer la question. La vie intellectuelle a suscité de très nombreux ouvrages du classique Eugenio Garin et Mariateresa Fumagalli, L’intelletuale tra Medioevo e Rinascimento au récent Patrick Baker, Italian Renaissance Humanism in a Mirror, Cambridge University Press, 2015.
[69] E. Pujeau, L’Europe et les Turcs, p. 477.
[70] Il avait d’ailleurs suivi les leçons du Grec Chalcondylas à Milan et avait été inscrit à des cours de philosophie naturelle et de logique à Pavie dès 1506.
[71] T. C. P. Zimmermann, Paolo Giovio, p. 6. Son intérêt se retrouve notamment dans l’Histoire de son temps, livre XIII, où il n’exclut pas l’explication des difficultés entre Chrétiens et Turcs par une mauvaise conjonction d’étoiles. Diverses remarques de ce type fleurissent dans ses ouvrages.
[72] Cette pratique est illustrée dans l’éloge de Marco Antonio Coccio (Eloges, XLVIII) connu sous le nom de Sabellico.
[73] Esse aliquid volui, quod cum populi aura negasset, / Illud, Paule, aliquid coeperat esse nihil. / Rursus cum incipiant mea dicta placere Leoni, / Illud, Paule, nihil incipit esse aliquid.
[74] T. C. P. Zimmermann, Paolo Giovio, p. 65.
[75] Giovio était en possession d’un sauf-conduit du pape daté du 17 juillet pro nonnullis nostris et apostolicae sedis negotiis l’autorisant (avec deux serviteurs) à passer les barrages et demander l’escorte d’officiers pontificaux si nécessaire. T. C. P. Zimmermann, Paolo Giovio, p. 87
[76] P. Giovio, Dialogus de uiris et foeminis aetate nostra florentibus, in Iouii opera, éd. Ernesto Travi, Istituto Poligrafico dello Stato, IX, Rome, 1984, p.167-321.
[77] Claudio Tolomei, Versi et regole della nuova poesia toscana, Rome, Antonio Blado, 1539.
[78] Cf E. Pujeau, L’Europe et les Turcs, « Influence de Venise sur l’œuvre de Giovio », p. 439-455.
[79] T. C. P. Zimmermann, Paolo Giovio, p. 245.
[80] On pensera également aux traductions latines de Démosthène par le cardinal Bessarion dans le but de mettre l’Italie en garde contre la menace turque, pour plus de détails voir E. Pujeau, L’Europe et les Turcs, p. 402 sqq.
[81] Raffaele Maffei, Commentariorum urbanorum, Rome, Besicken, 1506.
[82] L’expression est de Jean-Louis Fournel et Jean-Claude Zancarini. F. Guicciardini, Histoire d’Italie, Robert Laffont, Paris, 1996, p. I.
[83] P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 175.
[84] P. Giovio, Epistularum pars prior, p. 135.
[85] Ibidem.
[86] On consultera avec profit Il Perfetto Capitano Immagini e realtà, Bulzoni Editore, Rome 2001 ou les biographies de condottieres italiens de Claudio Rendina, I Capitani di fortuna, Newton Compton, 1985.
[87] P. Giovio, Commentario delle cose de’Turchi, Alde fils, Venise, 1541, fol. 2 verso.
[88] P. Giovio, Epistularum pars prior, p. 83.
[89] Ibidem.
[90] Ibidem.
[91] Ibidem
[92] Piero Pieri, « Bartolomeo d’Alviano », dans Dizionario biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1960, t. II, p. 589.
[93] Pieri l’affirme, « Bartolomeo d’Alviano », p. 590.
[94] C. Rendina rapporte cet élément avec une certaine ironie appuyant son propos d’une citation de Girolamo Tiraboschi, Storia della letteratura italiana, Florence, Molini Lani, 1805-1812 : che altri vide ed esaminò, dans Claudio Rendina, I capitani di ventura, op. cit., p. 230.
[95] P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 35.
[96] Ibid., p. 103.
[97] Ibidem.
[98] Ibidem.
[99] Ibid., p. 105.
[100] P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 105.
[101] Ibidem.
[102] P. Giovio, Historiarum sui temporis, Michael Vascosanus, Paris, 1554, livre XLV, t. II, fol. 349.
[103] Ibidem.
[104] Ibidem.
[105] P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 230.
[106] Ibidem.
[107] P. Giovio, Epistularum pars prior, p. 214.
[108] Randazzo se trouve à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Taormina.
[109] P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 211.
[110] Giovio fait référence aux mœurs du nouveau gouverneur de Rome, révélant une certaine liberté avec l’interlocuteur.
[111] Emmanuelle Pujeau éd., « Il Consiglio di Monsignor Giovio intorno al modo di far l’impresa contra infideli, secondo le consulte fatte da papa Leone Decimo », Studi Veneziani, LXI, Rome, 2011, p.383-408.
[112] P. Giovio, Epistularum pars prior, p. 208.
[113] Ibidem.
[114] P. Giovio, Epistularum pars altera, p. 171.
[115] T. C. P. Zimmermann, Paolo Giovio, p. 109.
[116] F. Guicciardini, Histoire d’Italie, t. II, p. 646, n. 12.
[117] P. Giovio, Illustrium virorum vitae, et Le vite del Gran Capitano e del Marchese di Pescara, trad. de Ludovico Domenichi, édition de Costantino Panigada, Bari, Laterza, 1931.
[118] T. C. P. Zimmermann, Paolo Giovio, p. 329, n. 142.
[119] Dans un manuscrit de la Biblioteca Nazionale di Firenze, Carte Strozziane, I ser., CCCLIII, p. 19-20.
[120] De son vivant déjà, Giovio était tenu pour être spécialiste d’Histoire, « mémoire des noms » et en particulier des Turcs, Vasco Diaz Tanco le cite en tête des auteurs de référence sur le sujet ! L’orientaliste allemand Joseph von Hammer-Purgstall ne manqua pas de se référer à ses textes dans sa monumentale Histoire de l’empire ottoman !
[121] E. Pujeau, « La source vénitienne de P. Giovio sur la guerre de Rhodes de 1522 », Ateneo Veneto, CXCV, 3 serie, 7/II, 2008, p.43-95.