Editorial n°6

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Nous vous l’avions annoncé, ce nouveau numéro de Circé marque un renouvellement de la ligne éditoriale. C’est en effet avec un grand intérêt et autant d’exigence que par le passé que nous avons décidé de vous proposer un dossier thématique articulé autour du portrait. Michelle Perrot nous a fait l’honneur de répondre à nos questions et c’est donc très logiquement autour de la question de la femme et des femmes que nous avons orienté la première partie de ce numéro 6.

S’intéresser au statut de la femme dans l’histoire, c’est contribuer à ce grand courant historiographique renouvelé dans les années 1970 de l’histoire des femmes. C’est à cette tâche que s’attellent les trois auteurs qui ont apporté leur contribution à ce dossier. Notre revue s’attache encore une fois à couvrir l’ensemble des périodes, et nous vous emmènerons donc de la Mésopotamie des IIe et Ier millénaires aux Etats-Unis des années 1960. En histoire ancienne, Laura Cousin interroge la notion de dot dans cette Mésopotamie des IIe et Ier millénaires en s’appuyant sur les sources disponibles et sur la bibliographie récente. Nous sauterons ensuite quelques millénaires pour nous intéresser avec Pauline Ferrier à la figure de Marie de Maupéou qui, pour la toute fin du XVIIe siècle, témoigne du rôle des femmes dans les actions de charité, tout en se distinguant par l’extrême efficacité et rationalité de ses initiatives. Enfin, la dernière contribution du dossier prend pour objet un groupe féminin spécifique : celui des lesbiennes, et décrypte les modalités de leur apparition dans le cinéma américain des années 1930-1968. Temps de censure via l’application du code Hays, cette ‘minorité invisible’ développe des stratégies de contournement pour prendre la parole et s’adresser à son public malgré l’interdit. Ces trois articles apportent ainsi chacun à leur manière un éclairage sur la position des femmes dans l’histoire et illustrent la grande richesse de cette thématique.

Deuxième nouveauté de ce numéro : l’inauguration de la rubrique « Perspectives ». Son principe consiste à prolonger, à travers un article, certaines des réflexions abordées dans le dossier thématique mais qui n’en sont pas le thème central. A la fois ouverture et écho au dossier, cette prise de parole interroge des concepts et des pratiques historiennes, dégage des tendances historiographiques, ouvre des perspectives. Didier Lett inaugure pour nous cet exercice avec un article programmatique qui défend l’histoire du genre et des différences sociales, en l’appliquant à la période médiévale. La question de la différence entre histoire du genre et histoire des femmes traverse en effet le dossier : d’abord évoquée par Michelle Perrot dans sa première réponse, elle est repérable dans l’ensemble des contributions. Nous espérons que cette première « Perspectives » s’avèrera convaincante et stimulante, comme nous l’avons conçue.

Enfin, nous n’avons pas voulu renoncer à l’identité généraliste de Circé, et nous vous proposons donc une partie de varia, ouverte comme toujours à l’ensemble des périodes historiques et aux autres sciences humaines. La littérature s’invite dans Circé avec l’article de Claire Bitoun, qui analyse les conceptions artistiques de Théophile Gautier comme précurseur du cospomolisme. La question de l’identité d’un territoire, que traite Clémence Weber-Pallez à travers le cas de l’Argolide des époques archaïque et classique, nous donne l’occasion d’une incursion dans les méthodes et les problématiques de la géographie historique. L’histoire culturelle, qui reste une orientation forte de notre revue, est encore une fois bien présente dans ces varia. Ludmila Acone nous offre une étude fouillée du motif chorégraphique de la danse de David, par opposition à celle de Saül dans le théâtre florentin de la Renaissance. Dans un tout autre registre, Isabelle Gourgues nous propose quant à elle une lecture historique du travail anthropologique mené par Henry David Thoreau sur les Indiens d’Amérique au XIXe siècle. Enfin, Lauric Henneton étudie l’utilisation de la peur comme arme électorale aux Etats-Unis dans le cadre de la campagne présidentielle de 2008, au prisme d’une approche originale qui sollicite enquêtes neuro-psychologiques et spots de campagne.

Beaucoup de nouveautés donc pour ce numéro 6, mais ces renouvellements s’inscrivent néanmoins dans les lignes qu’ont tracées les fondateurs de la revue, et ils sont donc pour nous une manière de vous proposer un contenu toujours exigeant. Nous espérons quoi qu’il en soit que vous prendrez autant de plaisir à découvrir ce nouveau numéro que nous en avons eu à le réaliser.

Le comité de rédaction de Circé