Ce que confessent les journaux intimes : un nouveau regard sur la confession (France, XIXe siècle)

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Caroline Muller

Résumé
La pratique catholique de la confession a suscité l’intérêt des chercheurs en sciences humaines et sociales qui ont tenté d’en cerner l’évolution et les enjeux par le biais de sources normatives. De nouvelles perspectives de recherche s’ouvrent depuis quelques années : les sources du for privé permettent de renouveler notre savoir. Dans les journaux personnels des femmes, principal public du confessionnal au XIXe siècle, la confession apparaît comme une pratique paradoxale. Lieu de construction d’un rapport à soi, ce lieu où s’exerce l’autorité morale du confesseur ouvre aussi un espace de contestations et de négociations avec les normes, entre contraintes et libertés.

Caroline Muller est agrégée d’histoire et doctorante en histoire contemporaine au Laboratoire de Recherche Historique Rhône Alpes (LARHRA/Université Lyon 2). Elle prépare depuis 2012 une thèse sur la direction de conscience en France dans la seconde partie du XIXe siècle, sous la direction de Bruno Dumons.


Louise Lafargue écrit dans son journal, en 1864 : « Aujourd’hui j’ai été me confesser, c’est une chose qui me coûte bien. » [1] . Cette pensée a pu être partagée par bien des catholiques du XIXe siècle, car la confession était pour eux une obligation. Cette pratique, que l’on appelle aussi sacrement de pénitence et de réconciliation, fut très importante dans la vie spirituelle des catholiques français du XIXe siècle : elle était indispensable au Salut. Dans le cadre du confessionnal, le pénitent fait l’aveu fouillé de ses péchés afin de recevoir l’absolution du prêtre, représentant de Dieu. L’histoire de la confession a fait l’objet d’attention de la part des sciences humaines et sociales. Cependant, certains aspects sont restés dans l’ombre : on a longtemps pensé que le vécu des pénitents était inaccessible. En effet, les échanges entre confesseur et pénitent au confessionnal ne peuvent être divulgués, le clergé étant tenu au secret absolu ; dans cette perspective, il semblait particulièrement difficile d’entendre la voix des pénitents. Cette pratique a intéressé la recherche car la confession été un des lieux de la construction de la subjectivité moderne. Il reste cependant des pans entiers de son histoire qui restent inexplorés, comme par exemple la place du confesseur dans la vie quotidienne des catholiques.

L’histoire de la confession n’est pas une page blanche

Les historiens et les sociologues ont ainsi adopté des approches qui leur permettaient, malgré l’absence de sources privées, d’étudier la confession. Ils ont privilégié pour cela des approches quantitatives à partir d’enquêtes statistiques. Mesurer la fréquence de la pratique dans la population au XIXe siècle a permis de dresser un état des mentalités religieuses [2]. Les enquêtes paroissiales ont rendu possible l’établissement de cartes régionales détaillées des taux de pascalisants [3] en France. Grâce au critère de la confession, on a pu parler d’une « sécularisation » de certaines zones (le bassin parisien, par exemple), d’une coupure entre deux France (Ouest plus pratiquant), et d’une « féminisation » du catholicisme [4]. Cette « féminisation » est visible notamment à travers les cartes qui mettent en évidence l’écart de la pratique pascale entre hommes et femmes. D’autres chercheurs ont adopté une approche qualitative, cherchant à saisir les enjeux sociaux de la pratique par le biais de sources normatives. : les manuels des confesseurs ont fait l’objet d’études minutieuses. Jean Delumeau a réfléchi à la manière dont on pouvait lire cette documentation : « La difficulté et l’intérêt de l’entreprise historique tentée ici consistent donc à lire ces documents au second degré pour y deviner, entre les lignes, et le comportement réel des confesseurs et les réactions des chrétiens ordinaires soumis à l’obligation de la confession » [5]. De son côté, le Groupe de la Bussière a rassemblé une série de monographies couvrant une période large (de l’antiquité au XXe siècle). Les contributions du volume s’appuient sur des écrits normatifs donnant à voir un idéal du confesseur plutôt que le point de vue du confessé [6]. Serge Gagnon s’est intéressé aux rapports entre sexualité et confession au Canada [7]. Son corpus est composé de correspondances ecclésiastiques, de dissertations de séminaire sur la sexualité, et de rapports d’enquêtes paroissiales. L’étude permet d’approcher d’un peu plus près la pratique en faisant entendre l’écho de la voix des pénitents à travers les récits des prêtres. D’autres travaux ont restitué les sujets abordés par les catholiques pendant les confessions autour des questions de sexualité : l’ouvrage de Martine Sevegrand nous donne à voir des pénitents aux prises avec les discours de l’Eglise sur la limitation des naissances [8], discours étudiés en profondeur par Claude Langlois [9]. S’attachant à des thématiques connexes, d’autres travaux ont abordé la confession de façon plus indirecte. Les études sur le paradis ou le purgatoire [10] nous aident à appréhender la perception du péché [11] par les pénitents. La proximité entre la cure d’âmes et le soin des maladies mentales a fait l’objet de développements récents [12]. On trouve aussi des éléments sur la confession dans l’histoire des représentations et la littérature. En effet, le sacrement de pénitence a beaucoup intéressé les écrivains [13] ; Jules Michelet a violemment critiqué la pratique et nous donne à voir les craintes des anticléricaux vis-à-vis des confesseurs [14]. Le procédé de l’aveu, au centre de la confession, a également retenu l’attention des philosophes et des sociologues. Michel Foucault a consacré une partie de ses recherches à la direction de conscience et la confession catholiques. Ses dernières conférences au Collège de France [15] se proposent d’étudier le christianisme sous l’angle des vérités. Pour lui, la confession est un symptôme de l’établissement d’un certain type de relation du sujet à la vérité [16], d’un « régime de vérité » marqué par « l’obligation où se trouvent les individus d’établir à eux-mêmes un rapport de connaissance permanent » [17].

Un éclairage nouveau : l’apport des sources privées

Il existe une histoire de la confession mais celle-ci est éclatée, surtout pour le XIXe siècle : elle ne permet pas de saisir les modalités de la relation entre confesseur et pénitent. Les sources utilisées jusqu’ici sont des documents normatifs qui n’offrent qu’un écho lointain de la voix des pénitents et de leur vécu. Comme l’écrit Hervé Martin, « Il reste maintenant à bâtir une véritable histoire sociale de la confession » [18]. Par histoire sociale, on peut entendre une histoire de la confession qui porterait plus d’attention aux acteurs de la pratique, et particulièrement à leurs intentions, leur manière d’envisager la confession, de s’insérer dans ce dispositif qui les place sous l’autorité d’un prêtre. Quelles pourraient être les sources d’une telle histoire ? Elle pourrait se fonder sur les sources privées, qui offrent le regard des pénitents, si difficile à saisir par le biais des sources habituellement utilisées. Il est possible d’élargir l’horizon de l’histoire de la confession grâce aux journaux personnels, et notamment ceux des jeunes filles et des femmes catholiques.

Ce constat est le fruit d’une recherche encore balbutiante : je proposerai donc ici des pistes pour un renouvellement de l’histoire de la confession sans que cet article n’ait vocation à refléter un travail clos et abouti. Cet article d’étape présentera certains résultats issus de la préparation d’une thèse engagée en septembre 2012 [19].

Je m’appuierai sur un corpus de journaux personnels de femmes [20], mais il serait très intéressant de mener la même enquête sur les journaux d’hommes, bien qu’ils soient plus rares et souvent moins diserts sur les questions religieuses [21] Ce corpus est composé de cinq journaux et mémoires de femmes, tenus entre 1833 et 1903 : Emilie Serpin, Louise Lafargue, Claire Pic, Soline Pronzat de Langlade, Claire Gastel. Soline Pronzat de Langlade est née dans une famille noble bretonne : elle tient son journal (90 pages) entre 1833 et 1835 ; elle est alors âgée d’une vingtaine d’années. Fille d’un instituteur angevin, Emilie Serpin s’occupe de l’instruction privée de jeunes filles de la noblesse. Les treize cahiers de son journal (1863-1881) nous permettent de la suivre au gré des places qu’elle occupe dans différentes familles. Née dans une famille de négociants, Louise Lafargue écrit son cahier de jeune fille (141 pages) dans sa chambre bordelaise, de quatorze à vingt et un ans. Fille d’un médecin de Bourg, Claire Pic est aussi une jeune fille issue d’un milieu bourgeois ; elle rédige son journal (273 pages) entre 1862 et 1866. Claire Gastel ne tient pas un journal à proprement parler mais rédige ses mémoires en 1908 sous la forme de notes détaillées des événements de chaque année, entre 1879 et 1903.

Ce type de sources permet d’étudier la confession telle qu’elle est retranscrite par les diaristes. On peut alors mesurer son influence dans la vie quotidienne : ses modalités concrètes (rythme, choix des confesseurs), le contenu des conseils donnés qui touchent souvent à l’intimité des personnes. On peut dès lors aborder le rôle social qu’a pu jouer la pratique, et par exemple le fait que les discours des confesseurs participent à l’établissement de normes de genre [22]. Ces sources privées permettent d’éclairer non seulement ce qui se dit dans le moment de la confession, mais également les formes de la relation qui se noue entre pénitent et confesseur. Je m’attacherai à décrire les enjeux de cette relation, tels qu’ils apparaissent sous la plume des femmes. Comment s’approprient-elles la pratique de la confession ?

Il sera d’abord question des logiques qui président au choix d’un confesseur, révélatrices de la place que l’on accorde à la confession. Je m’intéresserai ensuite aux discours que les prêtres tiennent au confessionnal. Comment les femmes se saisissent-elles de ce discours ? Les journaux révèlent que la confession occupe une place centrale dans un dispositif de contrôle de soi, dispositif paradoxal puisqu’il prend le risque de l’instauration d’une relation de séduction entre prêtre et pénitente.

Choisir son confesseur

Jeux de contraintes

Les journaux nous renseignent sur la manière dont on choisit un confesseur, ce qui est révélateur du rôle qu’il tient. La confession semble connaître une inflexion : de relation imposée [23], elle apparaît de plus en plus comme une prestation dont on apprécie la qualité. Cette inflexion se perçoit dans les logiques qui président au choix d’un confesseur. Ce choix ne dépend pas seulement de la carte paroissiale ou de la proximité géographique. Il est aussi très largement influencé par l’entourage. Le poids de la réputation du prêtre est lourd : les diaristes évoquent les échos qui leur parviennent des confessions de leurs amis ou de leur famille. Claire Pic cherche à se confesser au prêtre qui aurait « enchanté les personnes qui se sont adressées à lui » [24] : elle n’hésite pas à patienter un long moment à l’Eglise, puis à remettre au lendemain sa confession pour être entendue par celui qui lui a été recommandé. Les confessionnaux les plus prisés sont souvent difficiles d’accès : il n’est pas rare de devoir attendre plus d’une heure avant de pouvoir se confesser [25]. On apprécie « l’attrait de la nouveauté » [26] : les nouveaux arrivants. Les rapports de pouvoir paraissent curieusement inversés : là où l’on identifie traditionnellement le pouvoir du confesseur sur le pénitent (il est le seul à pouvoir délivrer l’absolution), les récits des journaux intimes montrent des femmes qui ont des attentes spécifiques et n’hésitent pas à exprimer leur mécontentement ou leur enthousiasme, voire à changer de confesseur quand elles en ont la possibilité. Il serait intéressant d’établir un portrait du « bon confesseur » d’après ces écrits personnels.

La confession : une prestation en voie de laïcisation ?

Dans la seconde partie du XIXe siècle, les femmes catholiques ne semblent plus recourir à la confession dans le seul but d’avouer leurs fautes et de recevoir le sacrement de pénitence. Les ego documents nous autorisent à formuler des hypothèses sur l’évolution de son rôle. Les thématiques abordées par les protagonistes montrent que le recours à la confession dépasse les questionnements spirituels. Elle peut devenir le lieu de l’expression de besoins personnels qui n’ont pas exclusivement trait à la religion. Ces aspirations posent problème à un certain nombre de prêtres, ce qui montre un décalage entre un idéal de la pratique marqué par la continuité [27] et de nouveaux besoins des catholiques. Les prêtres n’hésitent pas à rappeler la fonction initiale de la confession à leurs pénitentes. On trouve ce rappel sous la plume d’Alfred Baudrillart, qui écrit à Madame Radowska, dont il est le confesseur attitré : « Il ne faut pas oublier que le confessionnal est un lieu sacré où s’administre et se reçoit le sacrement de pénitence. On n’y doit pas parler d’autre chose que ses péchés et l’état de sa conscience. » [28]. Ce désir de développer des échanges d’un genre nouveau dans l’intimité du confessionnal, nous indique que le recours à la confession peut correspondre à un besoin social inédit.

C’est cette relation spécifique qu’il est possible de saisir par le biais des journaux : entre contrôle et confidence, entre introspection et aveu, les femmes catholiques acceptent de livrer tout ou partie de leur vie mais semblent désormais demander de nouvelles contreparties qui apparaissent parfois contradictoires. On souhaite pouvoir être écoutée, au-delà de l’écoute spirituelle et de la recherche des péchés et de leur absolution ; mais, tout en même temps, plusieurs diaristes désirent que leur confesseur reste réservé pour ce qui concerne le plus intime. C’est bien cet équilibre fragile qui est recherché, et qui pousse certaines femmes à se rendre à des confessionnaux parfois éloignés de leur lieu de résidence. Ce besoin de parler de soi en confession semble s’inscrire, d’après les propos des acteurs, dans une relation de type thérapeutique [29]. Lorsque les diaristes évoquent la confession, elles mobilisent volontiers le vocabulaire de l’hygiène et de la prophylaxie : la confession s’inscrit dans la recherche d’un équilibre psychique, dont la réussite se mesure, du point de vue du pénitent, par l’apaisement et le soulagement ressentis, qui peuvent concerner jusqu’au corps [30]. Les médecins aliénistes de la seconde partie du XIXe siècle mobilisent la catégorie de « péché » : ils admettent une corrélation entre la maladie mentale et le malaise moral. Dans ces conditions, la confession peut être intégrée à une logique du soin médical, ce dont les journaux témoignent. Je formulerai donc deux hypothèses au terme de ce survol de la relation entre confesseur et pénitente. La première concerne une possible « laïcisation » de la confession, c’est-à-dire que les catholiques y chercheraient moins l’absolution qu’une écoute d’ordre psychologique. Une seconde hypothèse découle de la première : le XIXe siècle verrait la naissance d’un « rapport de soi à soi » [31] nouveau au sein des élites catholiques dont il faut rechercher les raisons. Les journaux personnels permettent une réflexion sur ces évolutions de la subjectivité, puisqu’ils évoquent à la fois la relation entretenue avec le confesseur mais aussi le contenu des confessions, dont on a longtemps cru qu’il était pour toujours à l’abri des investigations des historiens : « Jamais secret ne fut, semble-t-il (et c’est tout à l’honneur du clergé catholique), si bien préservé que celui de la confession, dans le respect des consciences et la fidélité des prescriptions du sacrement. » [32]. Ce secret peut être, au moins en partie, levé.

Le discours du confesseur

L’encadrement de la vie spirituelle

Le confesseur est chargé de délivrer le sacrement de pénitence (absolution) mais, plus généralement, il règle la vie spirituelle de ses pénitents. Ces attributions sont parfois partagées avec le directeur de conscience : dans ce cas, le rôle du confesseur est centré autour de l’aveu et de l’absolution des péchés. Dans ce corpus, les jeunes femmes ne font pas mention d’un directeur de conscience : elles semblent s’adresser exclusivement à un prêtre qui les confesse. Il arrive cependant que le confesseur se transforme en directeur de conscience, notamment lors d’entretiens plus informels qui ne relèvent pas du confessionnal, qui peuvent se tenir chez le prêtre lui même ou au domicile de la pénitente.

Il faut rappeler que la confession est très liée à la communion : on ne s’autorise pas à approcher de l’autel sans s’être confessé auparavant et avoir reçu l’absolution. Selon le poids des péchés avoués, le confesseur peut refuser ou différer l’absolution, ce qui empêche le pénitent d’aller communier. Ce cas de figure est rare dans les journaux [33], mais les diaristes le précisent [34]. Cela incite les jeunes femmes à aller régulièrement se confesser : les confessions sont en général espacées d’une semaine à dix jours. Le confessionnal est aussi le lieu où pénitent et confesseur s’accordent sur un « règlement » de vie : il s’agit d’un emploi du temps fixe qui doit être respecté. Ce programme précise minutieusement la façon dont on doit occuper ses journées : les heures de travail, les heures consacrées à la vie spirituelle, très détaillées (examen de conscience, oraison, rosaire etc.) Il comporte des prescriptions sur les heures de lever et de coucher, sur la manière dont on doit se lever et se coucher [35], par exemple les pensées qu’il faut privilégier au moment de s’endormir. Enfin, le confesseur possède une autorité sur l’intimité de la foi. Les historiens l’ont bien montré à propos des mystiques : l’expérience mystique féminine doit être encadrée et légitimée par le confesseur, sous peine de passer pour de la folie [36]. A un degré moindre, les diaristes expriment leurs sentiments religieux dans leurs journaux : leurs confesseurs définissent les modalités du croire et les dévotions acceptables. Ils ont tendance à tempérer les désirs de celles qui se sentent appelées à Dieu. En ce sens, le confesseur joue un rôle crucial dans l’avenir des femmes, et particulièrement des jeunes femmes : c’est lui qui juge des vocations religieuses. C’est aussi pour cela qu’il semble important d’étudier la confession par le biais des journaux personnels : on y gagnerait une meilleure compréhension des logiques qui poussent un grand nombre de femmes à rejoindre les congrégations religieuses au XIXe siècle [37]. Le choix de la vocation n’est que l’aboutissement d’une longue série de dialogues avec le confesseur qui juge de la pertinence du projet et interprète le « plan divin ». L’encadrement de la vie spirituelle est au cœur du rôle du confesseur ; mais sa direction est beaucoup plus large et touche d’autres aspects de la vie des pénitentes, puisque les péchés sont commis dans le cadre de la vie quotidienne.

Surveiller l’âme et le corps

De quoi s’accusent les femmes catholiques dans leurs journaux ? C’est un point sur lequel elles restent discrètes. Il serait intéressant de s’interroger sur les raisons de ce demi-silence : pourquoi raconte-t-on les conseils reçus au confessionnal alors qu’on ne souhaite pas écrire les péchés que l’on avoue ? Il s’agit bien d’un demi-silence, car les journaux livrent des bribes d’aveux : Louise Lafargue estime qu’elle a besoin de se confesser après un emportement violent contre sa soeur [38], ou encore après avoir reçu un baiser de son fiancé [39] ; Claire Pic cherche à vaincre coquetterie et gourmandise [40]. Lorsqu’elles souhaitent faire un bilan de l’état de leur conscience, les diaristes le séparent de leur journal, ce qui explique peut-être l’absence de descriptions complètes dans les journaux. Plusieurs feuilles volantes détaillent ces examens de conscience à l’aide de grilles fournies par les confesseurs [41].

Le conseil le plus souvent rapporté est celui de « veiller sur son imagination » : les confesseurs insistent sur ce point. Ce conseil est donné dans des circonstances diverses qui ont cependant en commun de concerner le contrôle des corps et des émotions. Il peut s’agir d’un bal à venir, des relations entre nouveaux fiancés, ou encore d’émotions religieuses jugées trop intenses pour ne pas être suspectes. La lecture est aussi encadrée selon ce principe : on ne doit pas fournir aux femmes des objets susceptibles d’exciter la rêverie, rêveries et « imagination » étant jugées dangereuses pour leur moralité. Les confesseurs relaient un discours qui veut que les femmes aient une sensibilité exacerbée et soient particulièrement impressionnables ; leurs conseils sont influencés par ces représentations du féminin. Les questions posées au confessionnal révèlent cette crainte de « l’imagination », c’est à dire des pensées qui concernent la sexualité. Emilie Serpin est ainsi interrogée sur ses lectures [42], Claire Pic au sujet de ses relations avec son fiancé. Par ce biais, nous sommes en mesure de restituer le système de normes dans lequel elles évoluent et le regard qu’elles portent sur ces normes. La confession joue le rôle de révélateur de leurs catégories mentales. Par ailleurs, le regard qu’elles portent sur ce qui leur est demandé est un moyen de mesurer l’impact réel des prescriptions de l’Eglise dans la perception de leurs corps. Ces normes ont été largement décrites et étudiées par les historiens, notamment l’idéal de la jeune fille [43]. Les biographies édifiantes qui leur sont destinées nous livrent un portrait détaillé de la jeune fille idéale. La piété doit irriguer toute sa vie : toute à Dieu, elle ne doit pas avoir de sentiments trop vifs à l’égard de son entourage : elle doit veiller à garder la juste distance dans ses amitiés, et prendre garde à laisser à Dieu la première place lorsqu’on la fiance. Dans sa lutte contre l’orgueil, la vanité et l’immoralité, elle doit ignorer son corps jusqu’à la méconnaissance des réalités physiologiques. Les confesseurs relaient cette vision de la jeune fille idéale. Les journaux révèlent l’intériorisation de ces normes mais aussi leur incompatibilité avec l’une des exigences du milieu dans lequel elles vivent. Il n’est pas question de rester « vieille fille », ni d’entrer en religion : le destin d’une jeune fille est d’être mère et épouse, ce qui est difficilement conciliable avec le modèle de vierge présenté aux femmes de ce milieu. Les récits des confessions sont le théâtre de ces difficultés : comment être à son mari tout en étant à Dieu ? Comment concilier une morale de la chasteté avec l’extrême valorisation de la maternité ? Le confesseur est très présent entre les fiançailles et le mariage des jeunes filles. Les échanges rapportés dans les journaux montrent que cette période fait l’objet d’instructions spécifiques au sujet du mariage et du rôle futur des fiancées après de leur mari. Une attention particulière est portée aux relations entre fiancés, qui doivent apprendre à être proches tout en restant distants physiquement. Le confesseur accompagne et prépare les jeunes filles à leurs devoirs, et ses conseils concernent jusqu’à la nuit de noces [44]. Le contenu des confessions révèle donc des conseils qui portent sur les sujets les plus variés : contrôle du corps, vie spirituelle, vie quotidienne, mariage. C’est l’image qu’en donnent les journaux. Il faut maintenant s’interroger sur le poids de ces prescriptions. Si les diaristes écrivent les conseils reçus en confession, cela ne signifie pas forcément qu’elles les appliquent. De quelle manière s’approprient-elles la parole du confesseur ?

Ecouter, négocier, contester : la réception du discours du confesseur

Attitude au confessionnal

Les femmes décrivent dans leurs journaux leur comportement au confessionnal : ces comportements peuvent traduire une plus ou moins grande écoute des paroles du prêtre. On constate d’abord que leur concentration n’est pas linéaire : au confessionnal comme ailleurs, il arrive de rêver, d’être préoccupé, voire de rire. Claire Pic raconte un fou rire qui la saisit lorsqu’elle aperçoit les mollets du curé dont la soutane est trop courte. Louise Lafargue relate que sa sœur Thérèse, qui a douze ans, a manqué d’être souffletée par le curé qui la trouvait indisciplinée [45]. Du côté des femmes plus âgées, on trouve d’autres types de distractions au confessionnal : Emilie Serpin se reproche à plusieurs reprises « d’assommer » son confesseur du « récit de [s]es misères » [46] et loue la patience des prêtres : elle ne respecte pas le déroulé classique de la confession et tend à en faire un moment de libre conversation. Les diaristes ne semblent donc pas systématiquement conférer à leurs confessions la sacralité préconisée dans les ouvrages qui leur sont destinés [47]. Par contre, les journaux montrent une intériorisation des normes morales du discours du confesseur. L’exemple des lectures est significatif : les diaristes appliquent les conseils de leurs confesseurs et ne lisent pas ce qu’ils jugent dangereux pour leur « imagination », c’est-à-dire pour leur moralité. De la même façon, leurs paragraphes sur la danse et le bal résonnent des mises en garde entendues au confessionnal.

Et pourtant, elles dansent…

On ne peut cependant pas parler d’une intériorisation linéaire qui rendrait impossible toute marge de manœuvre vis-à-vis de ces prescriptions. En effet, les femmes trouvent des façons parfois détournées de « négocier » avec ces prescriptions ce qui donne lieu à des discours de justification empreints de casuistique. La danse fournit un exemple intéressant de ces négociations. Les confesseurs ne cessent de rappeler le caractère dangereux du bal pour la moralité des femmes. Or, le bal a une fonction sociale : il est nécessaire d’y assister pour être intégrée aux sociabilités de son milieu. Face à ces injonctions contradictoires, les femmes dansent : les jeunes filles estiment par exemple que la présence de leur mère neutralise le danger décrit par le confesseur. D’autres prescriptions font l’objet de négociations : Emilie Serpin se juge ainsi suffisamment raisonnable pour ne pas suivre les conseils de lecture de son confesseur. Les refus, plus au moins avoués, de respecter les directives données en confession peuvent s’adosser à des considérations critiques sur le prêtre lui-même. C’est peut-être ici que l’apport des journaux personnels à l’histoire de la confession est le plus net : ils permettent d’entendre la voix des pénitents qui portent des jugements sur la compétence de leurs confesseurs, ce qu’il est très difficile de percevoir dans les sources normatives ou les correspondances du clergé. Ces critiques sont présentes dans tous les journaux qui constituent le corpus de cet article.

Contestations

Les diaristes adoptent des registres variables, du sous-entendu discret au reproche le plus déclaré. Les critiques portent sur plusieurs points. La plus fréquente concerne l’incapacité du confesseur à bien comprendre son interlocutrice. Emilie Serpin reproche ainsi à son nouveau confesseur de ne pas comprendre ses besoins spirituels parce qu’il ne l’autorise pas à communier fréquemment [48]. Elle sent pourtant que son propos est subversif puisqu’elle s’empresse de justifier la décision du prêtre au paragraphe suivant en la mettant sur le compte de leur rencontre récente. Elle s’estime néanmoins plus à même de juger du rythme de ses communions alors que c’est dans le champ spirituel que les prescriptions de son confesseur apparaissent, en théorie, les plus légitimes. Certaines femmes critiquent « l’indignité » du prêtre auquel elles s’adressent. L’attitude du prêtre peut être jugée peu recueillie ; voire absolument inappropriée. Louise Lafargue écrit qu’elle souhaiterait changer de confesseur lorsqu’elle apprend qu’il a manqué de souffleter sa sœur. La mésentente peut s’installer et pousser la pénitente à changer de confesseur. Les interventions du prêtre peuvent être mal perçues : les conseils qui concernent la sexualité ou la conjugalité sont jugés par certains pénitents intrusifs et déplacés. Soline Pronzat de Langlade conteste à son confesseur le droit de s’immiscer dans ses choix matrimoniaux, et relate un échange vif à ce sujet [49]. Le changement de confesseur n’est pas perçu de la même façon dans tous les documents. L’Eglise prescrit de s’adresser toujours au même prêtre [50]. Pourtant, Claire Pic semble pouvoir en changer assez aisément, ce qui n’est pas le cas de Louise Lafargue. Il y aurait là une explication à trouver du côté du milieu social : Louise évolue dans un cercle catholique intransigeant, peu enclin à faire des compromis avec les prescriptions de l’Eglise alors que Claire a toutes les difficultés du monde d’obtenir de son père le droit de faire maigre le vendredi.

Les diaristes de ce corpus n’appliquent pas à la lettre les prescriptions de leur confesseur, loin s’en faut : elles développent de multiples stratégies qui mènent à des appropriations différenciées. Par contre, toutes ont intériorisé la nécessité de l’aveu, bien que peu d’entre apprécient de se confesser [51]. La confession est le lieu de l’apprentissage d’un contrôle de soi dans lequel l’aide du confesseur est indispensable.

Avers et revers d’une même pratique : l’apprentissage du contrôle de soi au risque de la séduction

Un approfondissement de la connaissance de soi

Dans les journaux, les jeunes filles parlent d’aller à confesse comme de prendre leur leçon de piano. La description du déroulement des journées montre qu’elles placent la confession sur le même plan que d’autres activités éducatives. Ainsi, comme on apprend à contrôler ses mouvements lors de la leçon de danse, on apprend à contrôler les mouvements de son âme au confessionnal. Le caractère sacré de la confession est secondaire au regard du rôle qui lui est attribué dans l’éducation : il s’agit de développer un certain type de rapport à soi. La pratique du journal personnel s’intègre à cette logique de contrôle de soi ; il est d’ailleurs très lié à la confession, au regard des fonctions que les diaristes attribuent à leur cahier dans les incipits. On parle de tenir un journal pour réfléchir sérieusement [52], pour se corriger, pour tenir le registre de ses bonnes et mauvaises actions. L’écriture du journal est codifiée et ne doit pas être le produit d’une complaisance à soi. Il existe d’ailleurs un débat au sein des autorités éducatives, pour déterminer si le journal est utile ou non à cette surveillance de soi. Les manuels se contredisent. On entend des échos de ces discussions dans les journaux même : Claire Pic raconte qu’on lui déconseille d’écrire son journal pour préparer son examen de conscience [53]. La confession et l’écriture entretiennent des rapports étroits et font partie du même dispositif de contrôle de soi. C’est la fonction attribuée à certains passages par les diaristes : elles écrivent les conseils et directives entendus au confessionnal, notent leurs progrès et reculs spirituels. La relecture leur permet de s’évaluer au fil du temps. L’écrit est un espace de réappropriation de la parole du confesseur que l’on commente ou conteste parfois. Cette relation au journal pèse sur les modalités d’écriture. Les diaristes recomposent leur aveu par le souvenir et livrent leurs réflexions sur ce qui doit être avoué. Le journal sert de garantie à leur probité : il renvoie l’image de leur transparence aux diaristes. Il leur montre leur reflet en situation d’aveu. Mais cette fonction de « miroir » du journal n’est pas sans contraintes : on ne veut pas y livrer une image désastreuse de soi. Cela conduit, consciemment ou non, à passer les informations données par un filtre. Les diaristes ne manquent pas de développer de longs paragraphes explicatifs lorsqu’elles cherchent à justifier leurs attitudes ; le journal agit comme un tribunal interne qui jugerait de la conformité des comportements du diariste à l’aune des normes morales. C’est à la fois la richesse et la limite du journal personnel comme source de l’histoire de la confession : il nous donne à voir des femmes qui parfois se mentent en croyant se dire. Il faut donc suivre leurs logiques de justification, repérer les blancs significatifs. Lorsque Louise Lafargue reçoit un baiser [54], elle se convainc sur le moment du caractère accidentel du geste de son fiancé ; dès lors que ce dernier lui avoue la préméditation, elle se précipite sur son journal pour relater l’événement et souligner qu’elle n’a pas voulu ce baiser. Elle précise qu’elle regrette beaucoup de ne pas avoir pu tout raconter à son confesseur. La symétrie entre le recours au journal et le recours au confesseur est très nette. Le journal aide à déterminer ce qui peut être dit et à qui. Il accompagne l’exploration de soi (et de ses fautes). Les discussions sur l’intérêt pédagogique du journal doivent être reliées à cela : l’écriture du journal risque de faire de l’exploration de soi une fin. Un autre risque est inhérent à la mise en place de ce dispositif éducatif de contrôle de soi : la place que peut y tenir l’autre, le confesseur qui reçoit les aveux.

Les risques de l’intimité : de la confession à la confidence

Le recours à un tiers, le confesseur, n’est pas sans risque. Pour que la confession se déroule au mieux, il est souhaitable que les protagonistes se connaissent bien et aient noué une relation de confiance. Il apparaît nécessaire que prêtre et pénitente s’apprécient. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un homme (le prêtre) qui confesse une femme [55]. Il est donc important d’étudier la confession au prisme des enjeux du genre : le confesseur est le seul homme avec lequel jeunes filles et femmes mariées sont autorisées à échanger en tête à tête [56]. Cela ouvre un espace de possible confidence dans un contexte où les relations sociales avec les personnes de l’autre sexe sont fortement restreintes. De la complicité à l’attirance, il existe toute une gamme de sentiments que confesseur et pénitente peuvent développer à l’égard de l’autre. La question ne fait qu’affleurer dans les sources normatives dans lesquelles le sujet n’est évoqué qu’à mots couverts. On recommande de veiller à ce que le confesseur ne soit pas « trop humain » et les manuels destinés au clergé insistent sur la distance qu’il convient de garder lorsque l’on confesse une femme. Les journaux personnels nous donnent à voir la perception des femmes, de l’attirance tout juste perceptible à la déclaration d’amour à mots couverts. Cette question de la séduction est complexifiée par le statut de chacun des participants : le confesseur est célibataire et ce célibat lui confère sacralité et légitimité. Le statut matrimonial des pénitentes entre également en jeu. Pour la jeune fille, le confesseur est un guide qui lui apprend à contrôler ses émotions : c’est avec lui, et lui seul, qu’elle peut aborder la question de l’amour. Lorsque la pénitente est mariée, le confesseur peut recueillir le récit des difficultés de la vie conjugale, parfois très intimes. Ce degré de proximité rend possibles des relations de séduction qui apparaissent dans plusieurs journaux, sous différentes formes : Claire Gastel dénonce les avances de son confesseur ; Claire Pic évoque le goût de l’une de ses amies pour l’un des vicaires. Le thème n’est pas nouveau : Michelet avait décrit le confessionnal comme d’un lieu où l’on parlait d’amour sous couvert de religion [57]. L’étude des journaux personnels permet de peser la réalité du « fantasme anticlérical de la domination des femmes par les prêtres dans le confessionnal » [58]. Il y a là matière à prolonger le questionnement (et les conclusions) de Michelet, au sujet de la place de la « circonstance de sexe » [59].

Au regard des journaux personnels de femmes, la relation entre pénitente et confesseur semble bien plus complexe que l’analyse du matériau normatif ne le laisse penser. Certes, la confession participe de l’intériorisation d’un mode de relation à soi, marqué par la surveillance et le contrôle de l’âme et du corps. Le discours du confesseur transmet et conforte une vision des rôles des femmes, qui doivent être des modèles de vertu dans la maternité et dans le mariage. Cependant, les écrits des pénitentes nous invitent à considérer la confession sous un autre angle. Sous la plume des diaristes, le prêtre apparaît comme une figure d’autorité dont les directives peuvent être négociées, voire contestées. Pièce maîtresse d’un dispositif éducatif qui vise à former des mères catholiques modèles, la confession n’en est pas moins un espace de liberté dont les femmes catholiques du second XIXe siècle s’emparent, faisant de l’échange avec le confesseur un moment privilégié de confidence qui dépasse l’horizon traditionnel de l’aveu des péchés.

Bibliographie sommaire

Cuchet Guillaume., Le crépuscule du purgatoire, Paris, A. Colin, 2005.

Delumeau Jean., L’aveu et le pardon  : les difficultés de la confession, XIIIe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1990.

Foucault Michel, Du gouvernement des vivants  : cours au Collège de France (1979-1980), Paris, EHESS, 2012.

Gagnon Serge, Plaisir d’amour et crainte de Dieu : sexualité et confession au Bas-Canada, Presses Université Laval, 1990.

Groupe de la Bussière, Pratiques de la confession, des pères du désert à Vatican II, Paris, Cerf, 1983.

Guillemain Hervé, Diriger la conscience, guérir les âmes. Une histoire comparée des pratiques thérapeutiques et religieuses (1830-1939), Paris, La Découverte, 2006.

Langlois Claude, Le crime d’Onan  : le discours catholique sur la limitation des naissances, 1816-1930, coll. « L’âne d’or », 2005.

Michelet Jules, Du prêtre, de la femme, de la famille, Paris, Comptoir des imprimeurs-unis  : Hachette  : Paulin, 1845.

Viollet Jean. et Sevegrand Martine, L’amour en toutes lettres  : questions à l’abbé Viollet sur la sexualité  : 1924-1943, Paris, Albin Michel, 1996.

Annexe 1. Monseigneur d’Hulst à Mathilde de Chateaurenard, 14 juillet 1881, ICP, RH5 334, fonds D’Hulst Transcription partielle.

  • prière et lecture méditée, ¼ d’heure en tout
  • messe et communion 4 fois par semaine, avec faculté d’ajouter une 5e communion pour un motif de dévotion ou de besoin particulier de votre âme
  • les jours sans communion, vous reposer le matin, ne pas aller à la messe
  • le chapelet et ¼ d’heure ou dix minutes de lecture tous les jours ; autant que possible, placer la lecture avant le dîner, cette heure de 6h du soir environ étant favorable au recueillement
  • si c’est aussi vers à ce moment là et non pas le soir, que vous ferez votre examen. J’approuve que vous en écriviez quelque chose, mais pas des volumes.
  • Très courte prière du soir.

Voici le cadre de votre vie. L’esprit qui doit le remplir est un esprit de douceur envers vous même et envers les autres. (…)

  • mener une vie laborieuse, vous occupant de votre maison et de vos enfants, faisant quelque lecture sérieuse d’histoire et non pas de romans
  • Pour la confession, je ne dis rien d’avance. Allez le plus loin que vous pourrez avec l’absolution d’aujourd’hui ; ensuite les circonstances vous guideront et je vous conseillerai d’après
  • Je vous ordonne de considérer comme n’étant pas arrivé tout ce qui se passe dans le domaine de votre imagination : idées impures, prétendues adhésions au déisme.

Annexe 2. Grille d’examen de conscience. Source : ICP, RBA35, fonds Baudrillart.

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Notes

[1] Journal de Louise Lafargue, Association Pour l’Autobiographie à Ambérieu-en-Bugey, 23 mars 1864.

[2] Fernand Boulard, Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français au XIXe siècle, Paris, EHESS, 1982.

[3] Définition donnée par Fernand Boulard : « catholique qui fait ses Pâques », c’est-à-dire qui communie à Pâques, ce qui implique de s’être confessé au préalable.

[4] Claude Langlois, « Catholicisme au féminin ou féminisation du catholicisme  ? Délimiter ou définir : un nouveau champ de recherche en histoire et en sociologie », in Annuaire de l’EPHE, 1994, vol.102, pp. 379‑384. Claude Langlois, René Rémond et Jacques Le Goff, « Féminisation du catholicisme », in Histoire de la France religieuse, Paris, Seuil, 1991, vol.3.

[5] Jean Delumeau, L’aveu et le pardon  : les difficultés de la confession, XIIIe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1990, 159 p., p. 7.

[6] A l’exception de la contribution de Philippe Boutry, qui s’appuie sur une lettre de religieuse au curé d’Ars. Voir « Réflexions sur la confession au XIXe siècle : autour d’une lettre de sœur Marie-Zoé au curé d’Ars (1858) » ibid., p. 225.

[7] Serge Gagnon, Plaisir d’amour et crainte de Dieu : sexualité et confession au Bas-Canada, Presses Université Laval, 1990, 220 p.

[8] Jean. Viollet et Martine Sevegrand, L’amour en toutes lettres  : questions à l’abbé Viollet sur la sexualité  : 1924-1943, Paris, Albin Michel, 1996. Voir aussi Martine Sevegrand, Les enfants du bon Dieu  : les catholiques français et la procréation au XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1995.

[9] Claude Langlois, Le crime d’Onan  : le discours catholique sur la limitation des naissances, 1816-1930, coll. « L’âne d’or », 2005.

[10] Guillaume. Cuchet, Le crépuscule du purgatoire, Paris, A. Colin, 2005, 253 p.

[11] Thomas Tentler, Sin and confession on the eve of the Reformation, Princeton, N.J., Princeton University Press, 1977, 395 p.

[12] Hervé Guillemain, Diriger la conscience, guérir les âmes. Une histoire comparée des pratiques thérapeutiques et religieuses (1830-1939), Paris, La Découverte, 2006, 347 p.

[13] Bertrand de Margerie, Du confessionnal en littérature : huit écrivains français devant le sacrement de pénitence  : Chateaubriand, Lamartine, Vigny, Verlaine, Huysmans, Claudel, François de Sales, Bossuet, coll. « Essais, 8 », 1989, 244 p.

[14] Jules Michelet, Du prêtre, de la femme, de la famille, Paris, Comptoir des imprimeurs-unis  : Hachette  : Paulin, 1845, 320 p.

[15] Michel Foucault, Du gouvernement des vivants  : cours au Collège de France (1979-1980), Paris, EHESS, 2012, 380 p.

[16] Ibid., leçon du 6 février 1980.

[17] Michel Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 82.

[18] Groupe de la Bussière, Pratiques de la confession, des pères du désert à Vatican II, Paris, Cerf, 1983, p. 133.

[19] La direction de conscience en France au XIXe siècle, thèse en préparation à l’université Lyon 2 sous la direction de Bruno Dumons.

[20] Ces journaux sont tous conservés dans le fonds très riche de l’Association pour l’Autobiographie (APA), à Ambérieu en Bugey.

[21] Cela tient à une pratique du journal personnel qui est largement féminisée, au point que l’on parle de « journal de jeune fille », véritable mode au XIXe siècle. D’autre part, les journaux d’hommes évoquent moins les aspects religieux, ce qui s’explique probablement par l’écart de pratique religieuse entre hommes et femmes : la répartition des thématiques dans les journaux en serait un possible reflet.

[22] Ils relaient, légitiment, infléchissent l’idée de tâches et de vocations spécifiques à chaque sexe.

[23] Canon 21 du concile Latran IV (1215) : « Tout fidèle de l’un ou l’autre sexe parvenu à l’âge de discrétion, doit lui-même confesser loyalement tous ses péchés au moins une fois l’an à son curé, accomplir avec soin, dans la mesure de ses moyens, la pénitence à lui imposée »

[24] Journal de Claire Pic, APA, 26 janvier 1863.

[25] Les écrits personnels des prêtres montrent que la tâche de confesser occupait un large volume horaire, ce qui n’est pas toujours bien vécu par le clergé. Voir par exemple Abbé Mugnier, Journal : 1879-1939, Paris, Mercure de France, 2003, 639 p.

[26] Journal de Claire Pic, APA, 26 décembre 1862.

[27] On n’hésite pas à proposer aux jeunes femmes des manuels de piété très datés.

[28] Correspondance d’Alfred Baudrillart, RBA35, Institut catholique de Paris, lettre du 7 juin 1912.

[29] Hervé Guillemain a montré cette proximité entre la thérapeutique et la cure d’âmes dans Hervé Guillemain, Diriger la conscience, guérir les âmes. Une histoire comparée des pratiques thérapeutiques et religieuses (1830-1939), op. cit.

[30] Journal d’Emilie Serpin, APA, 28 avril 1864.

[31] Michel Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit. Leçon du 12 mars 1980, pp 220-221.

[32] Philippe BOUTRY, « Réflexions sur la confession au XIXe siècle : autour d’une lettre de sœur Marie-Zoé au curé d’Ars (1858) » dans Groupe de la Bussière, Pratiques de la confession, des pères du désert à Vatican II, p. 226.

[33] Le clergé se rallie au XIXe siècle à une vision plus souple des conditions de l’absolution. Voir à ce sujet Jean Guerber, Le ralliement du clergé français à la morale liguorienne. L’abbé Gousset et ses précurseurs, (1785-1832), Roma, Università Gregoriana, 1973.

[34] Emilie Serpin et Claire Pic en font mention.

[35] Voir quelques entrées en annexe 1 : lettre de Monseigneur d’Hulst à Mathilde de Chateaurenard, 14 juillet 1881, ICP, RH5 334, Fonds d’Hulst.

[36] Dominique-Marie Dauzet, La mystique bien tempérée. Ecriture féminine de l’expérience spirituelle (XIXe-XXe siècles), Paris, Cerf, 2006, 381 p.

[37] Claude Langlois, Le catholicisme au féminin. Les congrégations françaises à supérieure générale au XIXe siècle, Paris, Cerf, 1984, 776 p.

[38] Journal de Louise Lafargue, APA, 19 mai 1864.

[39] Journal de Louise Lafargue, APA, 8 juillet 1871.

[40] Journal de Claire Pic, APA, 28 décembre 1862.

[41] Voir une grille d’examen en annexe 2, extraite de la correspondance d’Alfred Baudrillart avec Madame Radowska, ICP, RBA35, fonds Baudrillart. Il semblerait que ce type de grille, très détaillée, soit en priorité réservé aux religieuses ; si les manuels conseillent parfois de noter son examen de conscience, on ne trouve pas dans les textes destinés aux laïcs de mention de grille d’examen. L’exercice apparaît en effet exigeant. Madame Radowska indique d’ailleurs à Alfred Baudrillart qu’elle préfère une forme de méditation écrite plus libre, dans une lettre datée de la fin de l’année 1911 : « L’idée d’une « pensée spirituelle » à développer, après la retraite du mois, est une inspiration ! Le 1er vendredi de juillet, j’écrirai en quelques mots : « Qu’est Jésus Christ pour moi ? ». Au mois d’août, vous me donnerez une autre pensée. Ce sera moins lourd que les tableaux chiffrés de l’an dernier ! »

[42] Journal d’Emilie Serpin, APA, 21 avril 1864.

[43] Isabelle Bricard, Saintes ou pouliches, Paris, Albin Michel, 1985.

[44] Journal personnel de Claire Gastel, APA, 1886.

[45] Journal de Louise Lafargue, APA, 20 avril 1865.

[46] Journal d’Emilie Serpin, APA, 20 février 1865.

[47] Voir par exemple le chapitre sur la confession dans Henri Ségur, Opuscules, Paris, Tolra, 1877, 311 p.

[48] Journal d’Emilie Serpin, APA, 4 avril 1863.

[49] Journal de Soline Pronzat de Langlade, APA, août 1833.

[50] Chanoine Beaudenom, Pratique progressive de la confession et de la direction d’après la méthode de Saint Ignace et dans l’esprit de saint François de Sales, Paris, Librairie St Paul, 1920.

[51] Journal de Louise Lafargue, APA, 23 mars 1864.

[52] Journal de Claire Pic, APA, 16 décembre 1862.

[53] Journal de Claire Pic, APA, 8 mars 1865.

[54] Journal de Louise Lafargue, APA, 8 juillet 1871.

[55] Les hommes sont moins présents au confessionnal que les femmes : voir à ce sujet Ralph Gibson, A social history of french catholicism (1789-1914), Londres-New York, Routledge, 1989, 322 p.

[56] A l’exception du mari ou du père.

[57] Jules Michelet, Du prêtre, de la femme, de la famille, op. cit.

[58] Hervé Guillemain, Diriger la conscience, guérir les âmes. Une histoire comparée des pratiques thérapeutiques et religieuses (1830-1939), op. cit., p. 6.

[59] Jules Michelet, Du prêtre, de la femme, de la famille, op. cit., p. 245.

Une réflexion sur « Ce que confessent les journaux intimes : un nouveau regard sur la confession (France, XIXe siècle) »

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