Chagrin et consolation dans la Correspondance de Symmaque. La lettre comme medicina ?

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Nicolas Cavuoto-Denis

 


Résumé : Symmaque (342-402) est l’auteur d’un prolifique corpus épistolaire. Souvent mal servies par la critique, ces épîtres ont été considérées comme une accumulation stérile de lieux communs (topoi), qui ne valent que pour la variété de leur agencement : cette idée donna souvent l’impression que Symmaque était un épistolier sec et sans intérêt. Or le sénateur païen n’est pas seulement ce personnage dont la mondanité a asséché l’écriture : il sait faire preuve d’une grande empathie avec ses correspondants et manifeste lui-même des sentiments d’une grande vivacité. L’article prendra pour corpus les lettres de deuil et de consolation de Symmaque, sous-genre qui a été codifié dans le domaine rhétorique, afin d’analyser la mise en scène du chagrin et de la consolation, à la fois dans une perspective littéraire et socio-culturelle.

Mots-clés : épistolarité, consolation, Symmaque, rhétorique, mondanité


Après une licence et un master de lettres classiques, à l’Université de Lyon III (major), obtention de l’agrégation de lettres classiques. Depuis 2017, doctorant contractuel à l’Université de Franche-Comté, à l’Institut des Sciences et Techniques de l’Antiquité. Travail de thèse sur la tradition dans les œuvres de Symmaque, dans une perspective littéraire et sociale. Chargé de la communication sur les réseaux sociaux du laboratoire. Travaux de recherche concernant principalement les œuvres de Symmaque (communications à ce sujet), mais participation également à un séminaire de recherche sur Macrobe (traduction).

nicolas.cavuoto.denis@gmail.com


 

Introduction

Symmaque[1] n’est pas le plus connu des auteurs de la fin de l’Antiquité : aristocrate de la deuxième moitié du IVe siècle, il est l’auteur d’une abondante correspondance (904 lettres), de 8 discours, que nous ne possédons pas intégralement, et d’un ensemble de 49 rapports rédigés à l’occasion de sa préfecture de la Ville en 384-385, les Relationes. Cet aristocrate païen est surtout fameux pour avoir défendu le paganisme dans ses derniers soubresauts, face à d’éminentes figures du christianisme comme Ambroise de Milan ou le pape Damase. Outre sa dimension idéologique et religieuse, le paganisme symmachéen, – le même que celui de la plupart des « derniers païens » -, est plus souvent un paganisme culturel[2], c’est-à-dire un ensemble de valeurs traditionnelles liées à l’exaltation de la culture classique. Ces cercles d’érudits, mus par une éducation et une culture communes, fournissent un cadre d’expression privilégié à la mondanité, créant ainsi une société d’élite, qui se reconnaît grâce à des codes littéraires. La littérature épistolaire est l’un de ces signes de reconnaissance car elle permet la manifestation de la puissance politique[3] et de l’érudition de ceux qui s’y adonnent : elle permet de créer un lien socio-politique entre les puissants de l’Empire, qui vivent toujours une plume à la main.

Symmaque est l’un des représentants de cette pratique littéraire et sociale, grâce à son abondante correspondance : toutes les 904 lettres qui ont été conservées ne sont pas d’égale valeur, dans la mesure où certaines constituent de réels morceaux de bravoure, d’une élégance remarquable, tandis que d’autres ne sont que des billets d’une brièveté souvent moquée[4]. Le point commun de tous ces textes de Symmaque est le recours à des topiques, c’est-à-dire à des lieux communs qui fonctionnent comme une réserve de motifs littéraires dans laquelle les auteurs viennent puiser des thèmes et des idées[5] . En fait, les topoi sont un réservoir presque infini, un « garde-manger littéraire[6] » (litterarum penus) à la source duquel un homme de lettres peut venir puiser des idées pour exprimer tel ou tel sentiment. Il existe autant de topiques qu’il y a de sentiments humains ; l’un d’entre eux, néanmoins, est l’un des plus importants car il est lié au « devoir d’association[7] », c’est-à-dire à l’impératif social de partager les bonnes et les mauvaises nouvelles avec son correspondant. Il s’agit de l’expression du chagrin et de la consolation[8], qui devient un lien puissant entre les hommes, dans la mesure où elle met en scène des sentiments communs à l’ensemble de l’humanité. Le cadre épistolaire est propice à l’expression du deuil, puisqu’il est un moyen d’annoncer – de faire part – du décès de quelqu’un ou de partager son chagrin avec son correspondant, dans le but de trouver du réconfort auprès de lui : le deuil permet donc de mettre en scène l’intimité entre les épistoliers. Toutefois, il ne faut pas oublier que les lettres de Symmaque reposent principalement sur un élément topique : aussi l’enjeu de cette étude sera-t-il de montrer la tension entre la sincérité de l’expression du deuil et les formulations protocolaires et « préfabriquées » de ce chagrin. Enfin, il s’agira également de souligner l’inflexion opérée sur les lettres qui se parent d’une fonction performative forte, en dépassant leur « littérarité » pour devenir des medicinae, c’est-à-dire des remèdes[9].

Genre très pratiqué dans l’Antiquité, la « consolation[10] » se divise en deux éléments successifs.  Ménandre nous souffle cette bipartition[11], en considérant que la première partie est l’expression du deuil et la seconde, la consolation à proprement parler. Il s’agit d’un « genre polymorphe[12] », puisqu’entre les consolations de la Grèce classique et la Consolation de Philosophie de Boèce, à la fin de l’Antiquité, il connut de nombreuses formes, allant de la simple lettre au discours, en pouvant être également un traité philosophique : il existe donc de multiples traditions littéraires et philosophiques liées à l’expression du deuil, qui a également des implications religieuses et sociales[13]. Nous reprenons la bipartition de Ménandre pour l’appliquer aux lettres de Symmaque, afin de montrer les différents enjeux de la consolation chez notre auteur.

La première partie de la consolation : l’expression du deuil et du chagrin

À n’en pas douter, Symmaque fut très attristé par la mort de ses frères, et en particulier par celle de Celsinus Titianus[14] : son écriture porte les marques de ce chagrin aussi violent qu’intime. Pourtant, la mort ne relève pas strictement de la sphère du privé, puisqu’il est d’usage de partager son chagrin avec ses amis. Cet officium d’association constitue l’un des socles de l’amicitia latine : l’épistolier doit lutter contre lui-même, affronter son affliction et espérer, par l’intervention bienveillante d’un destinataire, la consolation, donc le soulagement. La violence du chagrin (luctus) symmachéen est mise en scène pour ses frères[15], mais également pour la perte de Nicomaque Flavien (Epist. IX, 10). De façon topique, Symmaque écrit que son chagrin met en péril le processus épistolaire, comme l’atteste l’Epist. IX, 10 : « Rudement frappé par le trait de la Fortune, maintenant, je confie pour la première fois à une lettre mes mots pleins de chagrin. En effet, je ne devais pas différer plus longtemps l’exécution de mes devoirs, puisque la douleur d’une si grande blessure ne saurait être abolie par un temps plus long[16]. » Le « trait de la Fortune » (Fortunae telum), métaphore qui revient dans l’Epist. IX, 123 (Fortunae tela) et dans l’Epist. I, 100 (Fortunae uulnera), est à l’origine d’une blessure morale et psychologique : il convient néanmoins de se rendre compte des implications physiques de cette douleur[17]. En effet, le uulnus, c’est avant tout la plaie, le coup reçu au corps : par un glissement sémantique traditionnel[18], l’épistolier convertit la douleur morale en meurtrissure physique. Ce phénomène est assez fréquent pour désigner le chagrin, puisqu’il revient dans plusieurs lettres de deuil, comme dans la lettre I, 54 : « Blessé par la mort de mon frère, mon âme est torturée par une douleur sans fin[19]. » Vulneratus (« blessé »), doublé par le verbe discrucior (« être torturé »), s’inscrit dans le champ sémantique de la douleur physique pour désigner le chagrin. L’image de la torture est très forte car elle s’inscrit dans une continuité temporelle infinie (continuo dolore), qui sert d’hyperbole pour désigner le deuil de l’épistolier. Les métaphores du tourment, souvent défraîchies par des siècles de reprise littéraire, deviennent de plus en plus violentes, les auteurs tentant de renouveler l’originalité dans l’expression des sentiments.

L’image de la violence physique utilisée par Symmaque procède de son expérience personnelle : il vit la mort de son frère comme un combat. Ainsi, la lettre III, 6 développe le champ lexical de la lutte : « Mais comme ce malheur nous a trouvés déjà désarmés, mon propre chagrin en a encore grandi. Maintenant se ravive aussi ce qui, les jours passant, s’était engourdi car sous la douleur du dernier coup même se rouvrent les plaies anciennes[20]. » Cet extrait recrée l’univers d’un champ de bataille, en particulier avec les termes inbecillus, ictus, plaga, dolor, ou encore, un peu avant cicatrix et uulnus. C’est bien l’image d’un combat qu’utilise ici Symmaque pour désigner le chagrin : la lutte est celle de l’épistolier contre lui-même et contre sa tristesse. Par un système d’oppositions entre la force et la faiblesse (inbecilliores/casus), l’instant et la durée (nunc/diuturnitas), le récent et l’ancien (nouissimus/ueteres), l’épistolier met en scène les combats qu’il doit mener en lui-même. Dans ce passage, tout montre le chagrin de l’épistolier, mais la forme en est particulièrement sophistiquée : le jeu d’oppositions dans des phrases brèves trahit le savoir-faire rhétorique de l’épistolier, dont l’art de la breuitas est l’une des caractéristiques[21]. Même si sa douleur est réelle et sincère, l’épistolaire symmachéen déploie un luxe de lieux communs pour parler de la mort et du chagrin. Pourquoi autant de maniérisme dans l’expression de l’affliction ? Sans doute la tristesse empêche-t-elle l’épistolier de parler autrement que par des topoi : la douleur freine la création littéraire et annule la volonté « d’originalité » de l’épistolier. La topique devient la condition de possibilité de l’écriture, sans laquelle l’auteur ne pourrait trouver la force d’écrire. Symmaque n’essaye plus de réfléchir ou d’infléchir la tradition littéraire, il s’en empare par facilité et par nécessité. Bref, pleurer la perte d’un être cher, frère ou ami, se fait par l’utilisation de lieux communs, qui tient moins, nous semble-t-il, à la volonté de s’inscrire dans une tradition littéraire qu’à la possibilité de puiser dans un mode de pensée facile d’accès. Empêchant l’écriture épistolaire[22] et la création littéraire, le deuil ne doit pas être prolongé et seule la consolation d’un ami peut le raccourcir.

La seconde partie de la consolation : le « discours de consolation » (λόγος παραμυθητικός) et la « consolation » (solacium)

La consolatio est une figure topique de l’épistolarité latine autant que de la rhétorique[23]. Si Cicéron évoquait déjà, dans une lettre à Lucius Luccéius, les bienfaits de la consolation, associée à la philosophie stoïcienne de son correspondant[24], Symmaque fait également écho à ce thème qui lui est cher, en particulier après la mort de son frère et de Nicomaque senior. Il convient toutefois de distinguer ces deux consolationes : dans la lettre de Cicéron, ce dernier remercie son correspondant de lui offrir une lettre de consolation, ce qui n’est, en fait, qu’une occasion de disserter sur la différence entre les maux publics et privés. La consolation cicéronienne n’est qu’un prétexte à l’écriture philosophique. La démarche symmachéenne est toute différente : la consolation (solacium) a principalement une dimension topique, puisqu’elle sert à éprouver le lien entre les correspondants. Justesse dans les propos, délais respectés et exhortations sont autant d’éléments constitutifs du « devoir de consolation » (officium solacii) attendus par l’épistolier. En effet, la lettre I, 100 théorise le solacium comme activité sociale et littéraire qui, par là même, possède ses propres codes. Symmaque rappelle que la consolation doit être apportée au bon moment[25], pour ne pas trop différer le témoignage d’amitié : « Les réconforts arrivés trop tard renouvellent la douleur et, pour cette raison, nous devons tous deux nous astreindre au silence sur nos malheurs, afin que les blessures de la Fortune, qui se cicatrisent à mesure que le temps passe, ne se remettent pas à saigner pour avoir été touchées mal à propos[26]. »

La métaphore physique (cicatrix, uulnus, crudesco) du deuil est ici exploitée à des fins pédagogiques : l’épistolier explique à Syagrius[27] que le choix du moment est très important dans le processus de consolation. En effet, un serum solacium (« consolation tardive ») ferait plus de mal que de bien au bénéficiaire car il ravive une douleur, peut-être éteinte depuis lors. Outre le choix du moment opportun, compris dans l’opposition entre ce qui est fait (per)opportune (« (fort) à propos ») et intempestiue (« mal à propos »), il faut remarquer que Symmaque n’emploie pas le même ton selon la consolation qui est requise. La consolation pour un deuil doit être plus sophistiquée que celle pour un voyage un peu mouvementé : il existe donc plusieurs degrés de consolation et plusieurs sous-genre d’officia solacii (« devoirs de consolation »). Le plus « léger » est celui de la compassion pour un tracas du quotidien, exprimé par ces mots de Symmaque à son ami Ausone[28] : « Je crois que vous vous remettrez de votre voyage par des consolations de cette sorte[29]. » Dans cette lettre, Symmaque préfère utiliser le verbe recreari (« se remettre ») à solari (« consoler »), ce qui témoigne de la légèreté du souci : en effet, le problème d’Ausone est un voyage professionnel, qui lui cause des tracas. La consolation consiste ici à détourner Ausone de son tourment grâce à la conversation épistolaire (adsiduitas colloquii) qu’il entretient avec Symmaque.

De même, Symmaque fait l’objet d’une consolation qu’il qualifie tantôt de solacium (« consolation »), tantôt de leuamen (« soulagement »), comme dans la lettre I, 54, qui présente les deux occurrences : « Contre mon chagrin, vous m’avez apporté un grand soulagement (solacium). […] Au milieu de mes soucis présents, j’ai reçu un apaisement (leuamen) qui ne manque pas de valeur[30]. » Le début de cette lettre permet de comprendre le schéma d’une consolation pour Symmaque : tout commence avec le chagrin (maestitia), placé en début de phrase, puis l’ami console son correspondant affligé, afin de lui apporter un soulagement (leuamen), qui est le stade final de la consolation, l’aboutissement vers lequel tendent les correspondants. Implicitement, l’épistolier rappelle que la consolation s’accomplit dans le soulagement. La reconstruction après le deuil est un travail collectif autant qu’individuel, social autant que personnel. En effet, Symmaque évoque le plus souvent le travail du deuil comme une mission à mener à plusieurs, dans la mesure où il est soumis à la bienveillance de ses amis. Le solacium semble surtout être la responsabilité du groupe social auquel on appartient, même s’il n’oublie pas de mentionner très ponctuellement l’entreprise intime que représente la consolation, comme dans la lettre IX, 78 : « Je crois que vous vous étonnez de ce que, encore dans la rude souffrance que m’infligea la Fortune, j’aie rompu le silence. Voilà mes consolations : par elles, je me nourris, par elles, je me ressaisis[31]. » Lorsqu’il évoque ici l’étonnement de son destinataire (miraris), il explique, en creux, qu’il n’a pas fait ce que l’on attendait de lui. Traditionnellement, le deuil fait plonger sa victime dans le mutisme[32] : ce silence est suivi par la consolation. Or, dans cette lettre, Symmaque montre qu’il ne « respecte » pas cette première période du deuil qu’est l’aphasie[33]. Bref, une nouvelle étape s’ajoute dans le processus de la consolation : le chagrin, le deuil personnel, la consolation amicale et le soulagement.

Pour comprendre comment la consolation est mise en scène, il convient d’analyser une lettre de consolation écrite par Symmaque. Prenons l’exemple de l’Epist. IX, 123, dont le destinataire nous est inconnu :

Je tirais de vos lettres de multiples plaisirs. Aujourd’hui, vous assombrissez l’esprit de votre lecteur avec vos plaintes pleines de larmes. Où est cette sagesse, qui, par des qualités naturelles et par vos lectures d’auteurs anciens, vous avait fortifié contre tous les traits de la Fortune ? Donnez-vous l’endurance qui convient à un homme et cessez de pleurer ce qui ne peut être changé. […] Pourquoi perdre votre temps dans l’engourdissement et l’inaction et alimenter une douleur démobilisatrice sans vous soucier de votre patrimoine ? Occupez-vous de ce qui vous reste[34].

Cette lettre tente de consoler un père dans une affaire de famille qui, apparemment, tourna en sa défaveur. L’épistolier oppose d’abord deux temporalités : ante et nunc, qui correspondent à deux états d’esprit. À la uoluptas (« le plaisir ») d’autrefois, s’opposent les plaintes larmoyantes d’aujourd’hui (lacrimabilis conquestio). Puis la consolation tourne à l’exhortation pour piquer le destinataire et le faire réagir : les interrogations rhétoriques viennent remettre en question le comportement du père, qui a oublié tous les préceptes de sagesse que sa nature (naturae bonum) et sa culture (ueterum lectio) lui ont inculqués. L’exhortation à se ressaisir se manifeste également par les tournures injonctives (adsume, desiste, sint). Flatter son destinataire sur sa culture et ses qualités permet de le piquer avec plus de force ensuite. L’exhortation apparaît donc comme un élément central de la consolation[35] : en effet, la vivacité de cette lettre cherche à redonner courage au destinataire, pour éviter la perte d’énergie, contraire à l’éthique aristocratique. La consolation est un officium (« devoir ») épistolaire et correspond donc à un pan de l’éthique des grandes familles romaines de la fin de l’Antiquité. En somme, pour atteindre le soulagement, il existe autant de τέχναι ἀλυπίας (« procédés de consolation[36] ») qu’il peut y avoir de sortes de tracas : le but commun est de trouver un remède aux maux de son destinataire afin de le soulager de son chagrin. La perspective est encore différente quand elle se place sous la plume des chrétiens, qui « modifient profondément le genre[37] » de la consolation. En effet, le langage chrétien de la consolation cherche à atteindre le même but que la pratique traditionnelle – donc païenne – à savoir le soulagement, en empruntant des chemins différents, qui ne sont pas la morale mais la foi. Il n’en demeure pas moins une quête de l’écriture comme un remedium au chagrin.

Consolation et remedium : la lettre comme medicina. Un épistolaire thérapeutique ?

« La répétition d’une jouissance (i.e. celle d’une correspondance assidue) est une médecine[38] », écrit Symmaque à Eutrope pour l’enjoindre à écrire des lettres : l’utilisation d’une métaphore médicale répond très logiquement à la conception physiologique du chagrin. En effet, si la tristesse est une douleur autant physique que psychologique, il est normal de parler en termes médicaux de la guérison. Nous l’avons dit, le réconfort et la consolation sont possibles grâce à une conversation amicale : la lettre devient alors le remède contre l’affliction. La bonne exécution des officia épistolaires est l’un des moyens de guérir d’un profond chagrin, comme l’atteste l’Epist. I, 54 : « Il vous reste à vous consacrer à l’exécution assidue d’un devoir de cette nature qui, vous le reconnaissez, procure quelque remède à mon infortune et à mon chagrin[39]. » La conversation épistolaire conçue comme un échange d’officia apparaît comme le moyen pour lutter contre les malheurs (infortunium[40] et maeror). La métaphore de la lettre-thérapeutique est filée dans la lettre IV, 17 :

Symmaque à Protadius. Mon âme est certes bien malade et, devant un si grand chagrin, incapable d’accomplir ses devoirs, pourtant, jamais la fortune ne pourra faire que, vaincu par l’affliction, je me dissimule l’honneur que vous me faites. Plus encore, de ces baumes, je fais un remède pour ma blessure. Et, bien qu’ils soient insuffisants pour faire face à l’ampleur de ma tristesse, ils m’apportent cependant la médecine bien efficace de vos paroles. Ce que j’espère, vous le comprenez : apportez une aide, si bon vous semble, due à l’amitié, qui sera utile à mon âme malade. Adieu[41].

La métaphore de la lettre comme thérapie aux chagrins est particulièrement développée dans cette lettre. S’y opposent les deux polarités de la topique, d’une part la maladie de l’âme et d’autre part la guérison grâce à la lettre. Incapable d’accomplir ses devoirs sociaux et mondains, l’âme triste trouve sa consolation dans le remède que constitue la conversation. L’abondant lexique de la maladie et de la guérison inscrit cette épître dans une topique : aeger animi, luctus, maeror, uulnus, dolor et aeger animus évoquent la plaie du chagrin et la douleur du deuil en termes médicaux ; à l’inverse, remedia, medicina (efficacissima) et delenimentum relèvent du champ sémantique de la guérison. La topique de la maladie ne fait que mieux ressortir celle de la lettre comme thérapie (medicina tui sermonis). Cette épître incarne la conversion de la lettre en pharmakon (remède) littéraire : la maladie de l’âme est soignée par la conversation épistolaire et par l’amitié entre les correspondants. La dimension performative de ce texte est explicitée par le dernier terme de la lettre (profuturam) qui, par l’usage du participe futur, ouvre sur une autre dimension qui n’est plus seulement littéraire : l’épistolier souligne que la lettre que lui enverra Protadius « sera utile » pour sa guérison, c’est-à-dire dans un temps hors-lettre. On retrouve ainsi la tension entre la réalité des sentiments et la littérarité de la consolation, dans un rapport dialectique, qui oscille entre deuil (réel), consolation (littéraire) et soulagement (réel). Il y a une alternance entre la lettre et le hors-lettre, qui est spécifique au processus de consolation.

Conclusion

La consolation constitue un lieu commun particulièrement en vogue dans l’épistolarité antique[42] : à travers les métaphores traditionnelles de la maladie et de la médecine, l’épistolier met en scène son chagrin ou son réconfort de façon topique. Son respect de la tradition épistolaire s’explique par le fait qu’il écrit à un moment où il ne peut et ne doit pas faire preuve d’originalité. Sans doute serait-il mal venu, alors qu’il est en proie à un chagrin violent, de s’épancher avec un langage fleuri. Si le chagrin n’est pas propice aux exercices de style, la consolation, conçue comme une mise à l’épreuve de l’amitié, permet une plus grande liberté littéraire. En effet, le logos paramythétikos (« discours de consolation ») est un genre rhétorique avant d’être une expression intime. Il y a donc une disparité entre les deux parties de la consolation conçues par Ménandre : la première, l’expression du chagrin, est intime et personnelle, alors que la seconde est plus rhétorique et protocolaire, puisque l’auteur de la consolation exhorte son correspondant à se ressaisir et à se réapproprier la dignitas aristocratique. Chez Symmaque, les lettres de tristesse et de consolation se structurent autour d’architectures littéraires et topiques variables, mais toujours empreintes d’une émotion rare dans l’épistolaire de cet aristocrate, que l’on a souvent jugé d’une austérité excessive.


[1] Il existe une abondante bibliographie historique au sujet de Symmaque, étant donné ses fonctions politiques dans l’Empire tardif : voir en particulier Cristiana Sogno, Q. Aurelius Symmachus : a Political Biography, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2006, pour un compte-rendu biographique récent, mais aussi les introductions dans la CUF de notre édition de référence, due au travail de Jean-Pierre Callu : Symmaque, Correspondance, trad. Jean-Pierre Callu, 4 tomes, Paris, Les Belles Lettres, 1972-2003 et Sym., Discours et Rapports, tome V, trad. Jean-Pierre Callu, Paris, Les Belles Lettres, 2009.

[2] Sur le paganisme culturel en général, voir Gaston Boissier, La fin du paganisme. Études sur les dernières luttes religieuses en Occident à la fin du IVe siècle, 2 tomes, Paris, Hachette, 1891, p. 234 et suivantes ; la notion de paganisme culturel est centrale dans l’œuvre de Macrobe, qui met en scène Symmaque dans son banquet fictif des Saturnales : sur ce point, voir Benjamin Goldlust, Rhétorique et poétique de Macrobe dans les Saturnales, Turnhout, Brepols, 2010, p. 14 et suivantes.

[3] L’assiduité des échanges épistolaires est permise par un otium tout aristocratique ; par ailleurs, la dimension matérielle (support d’écriture, courrier, etc.) est également un indice de l’élitisme de cette pratique.

[4] Le livre I de la Correspondance est le plus sophistiqué, ce qui explique qu’il ait focalisé l’attention de la critique (littéraire et historique) : Philippe Bruggisser, Symmaque ou le rituel épistolaire de l’amitié littéraire : recherches sur le premier livre de la Correspondance, Fribourg, Éditions universitaires de Fribourg, 1993. Le livre VIII, en revanche, compte de nombreux billets (44/74), qui ont souvent un intérêt littéraire assez limité. Voir Étienne Évrard, « Formulaire conventionnel et information dans la correspondance de Symmaque », Epistulae Antiquae II, Actes du IIe colloque international Le genre épistolaire antique et ses prolongements européens, Tours, Université François Rabelais, 28-30 septembre 2000, Peeters, Louvain-Paris, 2002, p. 279 et suivantes.

[5] Ernst Robert Curtius, La littérature européenne et le Moyen-Âge latin, trad. Jean Bréjoux, Paris, PUF, 1956 (1e édition : 1954), p. 149 : « Parmi les antiques bâtiments de la rhétorique, la topique constitue les magasins. On y trouve les idées les plus générales ». Voir également Christophe Jacon (La sagesse du discours : analyse rhétorique et épistolaire de Corinthiens, Genève, Labor et Fides, « Actes et Recherches », 2006, p. 53), qui présente les différentes catégories topiques des lettres établies par Démétrios de Phalère, Proclus et le Pseudo-Libanios : Démétrios de Phalère, Τύποι πιστολικοί, Epistolographi Graeci, R. Hercher (dir.), Paris, Firmin Didot, 1873, p. 1-6, mentionne 21 formes topiques de lettres, alors que Proclus, De forma epistolari, Epistolographi Graeci, R. Hercher (dir.), p. 7-13, distingue 41 formes topiques d’épîtres. Outre Démétrios et Proclus, l’introduction des Epistolographi Graeci, p. 1-16, rapporte les théories épistolaires ébauchées par Philostrate, Grégoire de Nazianze et Photios.

[6] Sur l’image du « garde-manger littéraire » empruntée à Aulu Gelle (Gell., Noct. Att., Praef. 2), voir Benjamin Goldlust, Rhétorique et poétique…, p. 172-173.

[7] Le « devoir d’association » est une idée reprise à Philippe Bruggisser, Symmaque ou le rituel épistolaire…, p. 9-13.

[8] Il est difficile de comptabiliser les lettres de chagrin, dans la mesure où ce dernier apparaît dans des cadres très divers  (la lettre I, 82 (« Assurément, votre silence m’est insupportable : ce genre de plainte est habituel à ceux qui aiment… ») manifeste une forme de tristesse, mais peut-on en faire une lettre de chagrin stricto sensu ?). Pour ce qui est des lettres de consolation, on peut estimer qu’elles représentent environ 5% de la production épistolaire, soit une cinquantaine de lettres, ce qui justifie que certains florilèges médiévaux aient regroupé les lettres de consolation de Symmaque, au même titre, par exemple, que les lettres de recommandation.

[9] Marie-Ange Calvet-Sebasti, « La lettre, remède souverain chez les auteurs grecs chrétiens » in Patrick Laurence et François Guillaumont (dir.), Les écritures de la douleur dans l’épistolaire de l’Antiquité à nos jours, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2010, p. 325-338 et Soigner par les lettres : la bibliothérapie des Anciens, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, « Métis », 2017.

[10] La « consolation » trouve ses origines dans le Phédon de Platon, dans lequel Socrate console ses disciples de sa mort prochaine. Issue de la tradition stoïcienne, la consolation est un « genre » principalement illustré par Sénèque (consolation à Marcia et à Helvia), Boèce (Consolation de Philosophie) puis par Montaigne ou Bossuet. Pour une étude sur les enjeux rhétoriques de la consolation, voir Claudie Martin-Ulrich, « Présentation : consolation et rhétorique », Exercices de rhétorique [en ligne], 9, 2017 et surtout Greek and Roman Consolations. Eight Studies of a Tradition and its Afterlife, Han Baltussen (dir.), Swansea, Classical Press of Wales, 2013.

[11] Voir le Περ παραμυθητικο (Traité, 413, 5-414, 30) de Ménandre le Rhéteur, dans sa traduction anglaise : Donald Russell et Nigel Wilson, Menander Rhetor, Oxford, OUP Oxford, 1981, p. 160-164 et Ménandre le Rhéteur, « Du discours de consolation », trad. Henri Caffiaux, dans Henri Caffiaux, De L’Oraison funèbre dans la Grèce païenne, Valenciennes, Imprimerie B. Henry, 1864, p. 276-278 : « après avoir fait parler la douleur de façon croissante, vous passerez à la seconde partie de votre discours, la consolation elle-même ». Les écritures de la douleur dans l’épistolaire de l’Antiquité à nos jours, op. cit., p. 309-365 : « La consolation ».

[12] Sabine Luciani, « Lucrèce et la tradition de la consolation », Exercices de rhétorique [En ligne], 9, 2017, §6.

[13] Pour comparer avec l’époque classique, voir Francesca Prescendi, « Le deuil à Rome : mise en scène d’une émotion », Revue de l’histoire de religions, 2, 2008, p. 297-313, qui montre que, dans la littérature classique au sens large (Cicéron, Pline, Sénèque), les manifestations du deuil sont codifiées, selon le genre – homme ou femme –, l’âge du défunt, ou son rang. « La lamentation, écrit-elle, peut se comprendre comme expression privée et spontanée mais aussi comme une manifestation organisée, collective et rituelle » (p. 301-302).

[14] Celsinus Titianus meurt en 380. Voir John Robert Martindale, The Prosopography of the Later Roman Empire (= PLRE), Cambridge, Cambridge University Press, 1971, I, p. 917-918, n° 5.

[15] Epist. I, 54 ; I, 100-101 ; III, 6 ; IV, 17 ; IX, 10 ; IX, 78  et IX, 113.

[16] Epist. IX, 10, 1 : Fortunae telo grauiter sauciatus nunc primum epistulae maesta uerba committo. Neque enim diu ab officio debui temperare, cum tanti uulneris dolor nulla temporis diuturnitate possit aboleri.

[17] Giovanni Alberto Cecconi, « L’ipocondria di Simmaco. Critica a un piccolo mito storiografico », Hommages à Carl Deroux, P. Defosse (éd.), II, Bruxelles, Latomus, 2002, p. 466-476, dénombre les lettres dans lesquelles Symmaque se plaint de douleurs corporelles (en particulier la goutte). Il en conclut que l’épistolier ne se plaint pas plus de ses maux que ses contemporains… Sans doute faudrait-il ajouter les épîtres où il évoque son chagrin, souvent en terme de douleur physique.

[18] Comme le rappelle le dictionnaire étymologique (Alfred Ernout et Antoine Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Paris, Klincksieck, 2001 (4e édition), p. 749), le glissement sémantique existe déjà à l’époque classique.

[19] Epist. I, 54 : Fratris obitu uulneratus, continuo animi dolore discrucior.

[20] Pour cet extrait, nous donnons la très belle traduction de Jean-Pierre Callu dans son édition. Epist. III, 6 : At ego, quanto inbecilliores nos iste casus inuenerit, magis doleo. Nunc et illa crudescunt, quibus stuporem diuturnitas fecerat. Ictus enim nouissimus etiam ueteres plagas dolore rescindit.

[21] Il est à noter également que les clausules măgĭs dŏlĕō et diutūrnĭtās fēcĕrăt sont cicéroniennes : il s’agit d’un péon et d’un double crétique (voir Louis Nougaret, Traité de métrique latine classique, Paris, Klincksieck, 1986 (4e édition), §330 et 329a). Le rythme, naturel dans la langue latine, est ici exploité à des fins esthétiques car ces clausules appartiennent à un style considéré comme pur par les orateurs tardo-antiques, puisqu’il est celui de Cicéron. Pour l’art des clausules symmachéennes, voir Louis Havet, La prose métrique de Symmaque et les origines métriques du cursus, Paris, Émile Bouillon, 1892.

[22] « Je suis empêché par la douleur d’avoir perdu mon frère » (Luctu amissi fratris inpediar), lit-on dans l’Epist. I, 101.

[23] Ernst Robert Curtius, La littérature européenne…, p. 100-102 ; Stanley Stowers, Letter Writing in Greco-Roman Antiquity, Philadelphie, Wayne A. Meeks editor, « Library of Early Christianity », 1986, p. 142 et suivantes. Quintilien en parle déjà comme un genre rhétorique dans Quint., I. O., X, 1, 47.

[24] Epist. ad Fam. V, 13 (= Epist. DLXVI), dans Cicéron, Correspondance, tome VII, trad. Jean Beaujeu, Paris, Les Belles Lettres, 1980 : « La consolation que m’apporte votre lettre m’est très chère » (Ipsa consolatio litterarum tuarum mihi gratissima est). De façon générale, voir Emmanuelle Valette, « “Cura ut ualeas”. Santé et épistolarité dans la correspondance de Cicéron », Soigner par les lettres. La bibliothérapie des Anciens, op. cit., p. 21-56. Pour le lien entre philosophie stoïcienne et consolation, voir Laure Hermand-Schebat, « Stoïcisme et christianisme dans les lettres de consolation de Pétrarque », Stoïcisme et christianisme à la Renaissance, actes du XXIIIe colloque tenu à la Sorbonne le 10 mars 2005, Alexandre Tarrête (dir.), Paris, Éditions rue d’Ulm, 2006, p. 17-33.

[25] Le « bon moment » est un élément central de l’écriture symmachéenne : en effet, le kairos (occasio en latin) est l’un des critères de la réussite d’une lettre selon notre épistolier.

[26] Epist. I, 100 : Instaurant dolorem sera solacia et ideo mutuum silentium calamitatibus nostris praestare debemus, ne fortunae uulnera, quae cicatricem processu temporis ducunt, intempestiue contrectata crudescant.

[27] Syagrius (PLRE, I, p. 862-863, n° 3) fut magister officiorum de Gratien, proconcul d’Afrique, préfet de Rome (381), préfet du prétoire d’Italie et consul en 382.

[28] Ausone (PLRE, I, p. 140-141, n° 7) est l’une des figures les plus importantes de la correspondance de Symmaque (Epist. I, 13-43) car il est le destinataire des lettres les plus sophistiquées. Il fut un proche de la famille impériale (précepteur de Gratien), eut une carrière politique remarquable (questeur du palais, préfet du prétoire des  Gaules, consul et proconsul d’Asie) et une œuvre littéraire abondante, en prose (la Gratiarum actio, par exemple) et en vers (la Moselle, Bissula…). Ami de Symmaque, il fut également le précepteur de Paulin, évêque de Nole.

[29] Epist. I, 36 : Peregrinationem tuam solaciis talibus credo recreari.

[30] Epist. I, 54 : Maestitiae meae solacium grande tribuisti. […] Non mediocre inter praesentes curas leuamen accepi. On notera ailleurs l’utilisation du terme rare solamen (« réconfort ») en IV, 74, V, 71 et 97.

[31] Epist. IX, 78 : Credo miraris quod adhuc crudo fortunae meae uulnere silentium ruperim. Haec solacia mea, his pascor, his recreor.

[32] Chez Lucain, comme le souligne Francesca Prescendi (Francesca Prescendi, « Le deuil à Rome… », p. 300), le chagrin est une « souffrance sans parole » (dolor sine uoce). Cf. Lucan., Bell. Civ., 2, 21.

[33] Les auteurs chrétiens tardo-antiques, procèdent différemment car, si l’on prend l’exemple de Jean Chrysostome, on se rend compte que ses lettres racontent en détails ses souffrances physiques et morales au moment de son exil. La proximité avec la pratique chrétienne contemporaine pourrait signifier que Symmaque est conforme aux pratiques de son temps.

[34] Epist. IX, 123 : Plurimum uoluptatis ex litteris tuis ante capiebam. Nunc lacrimabili conquestione mentem legentis infuscas. Vbi illa prudentia quae te et naturae bono <et> ueterum lectione contra omnia Fortunae tela firmauit ? Dignam uiro adsume patientiam et quae mutari nequeunt desiste lugere. […]. Cur autem torpori atque otio uaces et patrimonii neglegens feriatum pascas dolorem ? Curae sint tibi reliquiae rerum tuarum.

[35] À cet égard, Érasme théorise brièvement la lettre de consolation en estimant qu’elle est composée de 3 passages obligés : des arguments généraux, des exemples d’hommes célèbres et une exhortation. Pour le texte et sa traduction, voir Érasme, « De conscribendis epistolis (1522), ch. 49-50 », Exercices de rhétorique [en ligne], 9, 2017, texte établi par Christine Noille et traduit par Ph. Collé et Ch. Noille.

[36] Il s’agit du titre d’un ouvrage que le sopiste Antiphon aurait rédigé à Corinthe, pour guérir les esprits par les mots : voir ce qu’en dit Marie-Pierre Noël, « La persuasion et le sacré chez Gorgias », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 2, 1989, p. 139-151, p. 148, où elle évoque l’effet thérapeutique de la parole dans le soulagement.

[37] Maurice Testard, « Observations sur le passage du paganisme au christianisme dans le monde antique », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 2, 1988, p. 140-161, explique que le genre de la consolation chrétienne est peut-être celui qui diverge le plus de la pratique païenne. En effet, la consolation païenne est « essentiellement raisonneuse », alors que « la consolation des chrétiens [est] affective, […] et tient le langage de l’espérance » (p. 159).

[38] Epist. I, 46 : Fruendi adsiduitas medicinam facit. On pourrait également penser à ces mots de la lettre II, 32 : « L’esprit se soulage de son chagrin à chaque fois que qu’il s’adonne à ses devoirs de l’amitié » (Leuatur aegritudine animus, quotiens in officia amica dirigitur).

[39] Epist. I, 54 : superest ut tu istiusmodi officiis frequentem operam digneris inpendere, quae perspicis medicinam quandam mihi infortunii et maeroris adferre.

[40] Ce terme est rare et apparaît principalement chez les Comiques (Plaut., Merc., 165 et Ter., Ad., 179) puis à l’époque tardive : Macr., Sat., 7, 3, 11, Amm., 17, 12, 13…). Voir ThLL, VII, 1, p. 1481. Sa rareté le met en valeur.

[41] Epist. IV, 17 : Symmachvs Protadio. Sum quidem nimis aeger animi et prae tanto luctu obeundis inpar officiis, sed numquam fortunae in me tantum licebit, ut honorem tuum uictus maerore dissimulem. Quin immo his delenimentis remedia uulneri meo facio. Quae etsi pro magnitudine doloris inualida sunt, medicinam tamen mihi efficacissimam tui sermonis adferunt. Quid expectem, uides : redde operam, si uidetur, amicitiae debitam, aegro animo profuturam. Vale. Protadius (PLRE, I, p. 751-752, n° 1) occupa la préfecture de la Ville. Cet ami de Symmaque fut également un défenseur du paganisme.

[42] Il faut bien distinguer l’expression du deuil dans le cadre épistolaire et dans le cadre officiel : en effet, dans les Relationes, qui sont les comptes rendus du préfet de la Ville aux princes, Symmaque annonce la mort de Prétextat aux Empereurs (Rel. 10 et 11), dans une rhétorique proche de celle des oraisons funèbres, en mettant en scène le dolor omnium (Rel. 11 : « La douleur de tous »). À l’inverse, dans les lettres, l’écriture est plus personnelle.

 

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