Terminologie, échelles, usages du cartulaire. L’exemple du manuscrit AA 84 des archives municipales de Douai

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Marion Bestel

 


Résumé : À partir du XIIe siècle, Douai figure parmi les villes médiévales les plus dynamiques. La production écrite communale reflète particulièrement cette vitalité, aussi bien par son volume, son contenu, que par sa diversité formelle. Le manuscrit AA 84, qui en est issu, sert ici de support pour interroger la typologie documentaire forgée a posteriori, et en particulier les catégories de « registre » et de « cartulaire ». Leur porosité ainsi que l’aspect hétéroclite du manuscrit dans son ensemble permettent en outre d’éclairer la vitalité à l’œuvre dans chaque temporalité de réalisation du manuscrit, rédigé du XIVe au XVIIe siècle, et l’intérêt d’aborder un tel document en suivant une approche multiscalaire. Justifiées par des différentes logiques pratiques, les différentes strates de composition sont rendues visibles par la mise en œuvre d’une diversité de modèles scripturaires dont l’efficacité pratique est mise au service du gouvernement urbain et de ses besoins.

Mot-clés : pratiques de l’écrit, cartulaire, histoire urbaine, Douai, Moyen âge.


Marion Bestel, née le 3 mars 1997, est étudiante en Master 2 Gestion des Archives et de l’Archivage à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle y a réalisé un mémoire de recherche en histoire culturelle et sociale. Son travail porte sur l’histoire des pratiques de l’écrit urbain dans le Nord de la France à la fin du Moyen Âge.

marion.bestel@ens.uvsq.fr


Introduction

Depuis le dernier tiers du siècle dernier, le courant de l’étude des pratiques de l’écrit n’a cessé se développer au point de constituer l’une des branches les plus dynamiques de l’histoire culturelle et sociale, en particulier médiévale. Convoquant sciences auxiliaires et approche transdisciplinaire, les chercheurs et chercheuses, de Michael Clanchy[1] à Pierre Chastang[2] en passant par Anna Adamska[3] et Paul Bertrand[4], ont renouvelé le regard porté sur les documents écrits en mettant en lumière l’intérêt qu’ils représentent bien au-delà de leur contenu textuel. Matérialité, mise en page, organisation interne, sont autant d’aspects qui ont été et sont encore étudiés avec succès.

L’histoire – et celle des pratiques de l’écrit n’échappe pas à la règle – s’appuie sur des concepts et notions nécessaires aussi bien à la description de phénomènes ou d’objets qu’à leur communication et à l’établissement d’un langage commun[5] entre chercheurs d’un même champ. Ainsi, l’étude des pratiques de l’écrit repose sur l’usage d’une terminologie parfois ancienne, reprise par les archivistes dans le cadre de la redéfinition de leur mission au XIXe siècle, revue et corrigée enfin par les historiens actuels. Ces derniers, toutefois, ont franchi un cap supplémentaire en réinterrogeant la pertinence des typologies documentaires apparemment induites par l’usage de ces appellations, et en mettant en lumière non seulement une grande diversité, mais aussi une grande porosité documentaire dont les cadres usuels peinent à rendre compte fidèlement.

Nous avons fait ce constat au cours de notre propre recherche monographique sur le manuscrit coté AA 84 des archives municipales douaisiennes[6]. Présenté comme le « cartulaire AA 84 », mentionné par le seul instrument de recherche[7] portant sur cette série[8] dans la catégorie des « Cartulaires et registres aux privilèges ; registres aux bans ; registres aux ordonnances des échevins et des souverains, modifiant la coutume »[9], brouillant la frontière entre cartulaires et registres – typologies distinctes et bien définies par ailleurs –, il nous a d’autant plus conduite à réfléchir sur sa nature documentaire que son organisation a d’abord semblé chaotique et dépourvue de toute logique apparente. Le présent article a pour dessein de rendre compte de cette interrogation globale pour, dans un deuxième temps, mettre en évidence l’apport d’une approche multiscalaire de l’écrit urbain médiéval, surtout lorsque, réalisé sur un temps long, du XIVe au XVIIe siècle, il présente une très grande hétérogénéité formelle. Enfin, il s’agira de démontrer comment cette pluralité de strates de composition formelle constituent autant de réponses à une recherche d’efficacité pratique dans le cadre d’un véritable gouvernement urbain par l’écrit.

Cartulaire et registre : deux typologies documentaires en question

Éléments de définition

L’ambiguïté du cartulaire en tant que typologie documentaire tient à un certain nombre de ses caractéristiques, et en premier lieu au flou qui entoure le mot lui-même. Son utilisation a, qui plus est, évolué au fil du temps : plus souple et poreuse au XIXe siècle, le terme étant alors presque interchangeable avec ceux de « registre » ou de « volume »[10], elle se précise grâce à un dynamisme toujours à l’œuvre depuis une cinquantaine d’années autour des études des pratiques de l’écrit.

Étymologiquement, il vient du mot latin cartularium ou chartularium « de chartula, papier, diminutif de carta »[11]. Ces deux derniers termes, fort génériques, se faisant synonymes de « papier »[12], le « cartulaire » renvoie sommairement à un recueil contenant des copies d’actes. Ajoutons à cette base le fait qu’il résulte d’une démarche de compilation, en tant que « volonté de rassemblement consciente et structurante des textes » d’acteurs « chargés de rassembler, coordonner […] des textes ou des fragments de textes autour d’une thématique, afin d’en former un recueil relativement structuré »[13], qui se rapproche donc d’un principe de collection. Le Vocabulaire international de la diplomatique, quant à lui, ajoute plus récemment une nuance supplémentaire en ceci que le cartulaire se distingue du recueil de chartes par son producteur : alors que le premier est établi « par l’intéressé lui-même à l’aide de ses propres documents », le second est forgé « par des érudits, anciens ou modernes »[14].

Par élimination, le cartulaire ne relève donc pas d’une réalisation au fil de l’eau, ni d’un souci d’exhaustivité, mais d’un projet cohérent et anticipé mis en place dans un but prédéfini. C’est là que le bât blesse : au contraire de certains exemplaires d’écrits d’ordre littéraire, il n’existe pas, dans la plupart des cas, de correspondance entre un commanditaire et un réalisateur, ni de préambule dédicatoire ou non qui servirait de contextualisation pour le cartulaire. La thématique, qui structure le manuscrit, est donc rarement évidente, en l’absence d’une formulation explicite. C’est donc à l’historien qu’il incombe de la faire émerger, parfois avec peine, afin de saisir la logique qui sous-tend l’ensemble, tout en prenant garde à ne pas plaquer ses propres schémas de pensée, bien souvent aussi anachroniques que préconçus, en tous cas inadaptés à son objet.

Le registre répond à des impératifs différents, et constitue un objet tout aussi complexe. En effet, il correspond davantage à une démarche d’enregistrement des actes reçus (ou émis) par son producteur ou commanditaire, et se doit donc, par conséquent, d’être alimenté régulièrement, sans procéder à un ordonnancement particulier : les actes sont censés être copiés les uns après les autres, dans l’ordre chronologique d’émission ou de réception, bien que dans la pratique les copies puissent se faire par blocs. Les registres médiévaux du Parlement de Paris[15] en constituent un exemple représentatif : chaque audience y est résumée dans l’ordre chronologique, quitte à ce que la même affaire soit évoquée à plusieurs pages d’intervalle, l’avancée dans le codex illustrant le laps de temps qui en sépare deux épisodes. De plus, le registre comporte une fonction de validation : l’enregistrement, c’est-à-dire la mise en registre, correspond à une reconnaissance, par son récepteur en particulier, et donc, pour les actes, à une entrée en action. Toutefois, des zones d’ombre subsistent. En effet, si le caractère illusoire de sa « qualité de source exhaustive et transparente »[16] n’est plus sujet à débat, ses modalités de complétion sont, elles aussi, moins claires et harmonisées qu’on ne pourrait l’imaginer : textes tantôt transcrits, tantôt résumés, parfois même traduits ; tantôt d’après une minute, tantôt d’après l’original[17] ; etc.

Cartulaires et registres apparaissent donc comme deux typologies distinctes, qui sont parfois associées et confondues quand elles désignent l’objet plutôt que son contenu. La catégorisation archivistique de l’Inventaire analytique que nous mentionnons plus haut en constitue une illustration : mis sur un pied d’égalité, cartulaire et registre s’opposent aux chartes et renvoient à la forme matérielle du livre. Toutefois, cette assimilation des deux genres excède leur aspect. En effet, leur proximité a même pu ponctuellement conduire à une forme de fusion, comme c’est le cas des cartulaires-registres de Philippe Auguste, ou du cartulaire des Trencavel de Béziers, et, plus au nord, de Picquigny et de Pamele[18], plus proches de l’aire géographique de notre étude. Y ont été observées des pratiques qualifiées de « cartulaire à rebours » et de « rétro-enregistrement, groupé dans le temps »[19], qui semblent converger l’une vers l’autre et permettent de saisir la porosité de la limite qui les sépare, et du même coup la nécessité de s’affranchir d’une vision trop figée et cloisonnée du paysage documentaire médiéval.

Le manuscrit AA 84 : hybride ou hapax ?

Une fois ce décor planté, quid du manuscrit AA 84 ? La compréhension de ce dernier relève, à première vue, du défi. Il se caractérise, en effet, par une grande hétérogénéité formelle, avec pas moins de treize ensembles différents, plus ou moins soignés et ornés, mais aussi par une absence de classement uniforme, qu’il soit chronologique, topographique, ou personnel – nous y reviendrons. Ces treize ensembles ont été circonscrits en fonction de leurs caractéristiques en termes de graphie, de mise en page, et de présence ou non de décoration. Nous nous attarderons simplement ici sur le décalage entre les folios 1 à 32 et 33 à 35. Dans le premier cas, les copies ont fait l’objet d’un soin tout particulier : tracées en textura régulière, elles prennent place dans un cadre préparé en amont encore perceptible grâce aux traces de réglure marginale et interlinéaire, et bénéficient chacune d’une superbe initiale filigranée bichrome rouge et bleu. Dans le second, et de façon plus frappante encore à partir du verso du folio 33, la textura fait place à une minuscule diplomatique puis à une cursive, toutes deux gothiques, plus resserrées, avec des marges rétrécies, peu d’espace entre les lignes et même les copies, et sans initiale ornée. L’effet contrasté qui s’en dégage est celui, d’une part, d’un projet construit, anticipé, peut-être de longue date, voire commandé ; d’autre part, d’une forme de précipitation, pour ne pas dire d’urgence – l’écriture des folios 34 et 35 est si difficilement lisible que les actes concernés n’ont pu donner lieu à une notice dans l’Inventaire analytique –, d’instantanéité, en tous cas, qui se rapprocherait donc de la démarche présidant à la tenue d’un registre.

Pour autant, est-ce à dire que le manuscrit AA 84 serait désigné sous le terme de cartulaire de façon abusive ? Rien n’est moins sûr. En effet, à bien y regarder, les actes copiés sur les folios 32 v° à 35 constituent un ensemble faisant sens, du moins pour les folios 32 v° et 33 : à une exception près, ils émanent tous d’institutions religieuses, et même de papes, pour les trois premiers. Ils forment donc un petit dossier défini par la nature de l’émetteur des chartes, sans autre critère, pas même chronologique. D’autre part, bien qu’elles tranchent avec celles des folios précédents et suivants, les copies qui y figurent forment un ensemble relativement harmonieux, exception faite de la scission au verso du folio 33, notamment en termes de graphie et d’encre. Il semblerait donc plutôt qu’il s’agisse d’une phase de copie à part entière, et non d’une succession de copies ponctuelles pièce à pièce, qui se rapproche d’un moment de complétion d’un cartulaire plus que du mode d’enrichissement d’un registre. Par ailleurs, contrairement à certains registres, ce manuscrit n’est apparemment doté d’aucune valeur juridique ou probatoire en soi : seules quelques copies ont été collationnées, c’est-à-dire vérifiées conformes à l’original et donc authentifiées. D’autres parades ont été mises en œuvre pour compenser ce manque de portée légale, comme la reprise d’éléments extratextuels des actes originaux, des mentions portées sur le repli de l’acte à la reproduction de la présentation visuelle de l’eschatocole, destinés à souligner le souci de fidélité qui unit la copie à son original.

Le manuscrit AA 84 n’est donc pas un objet hybride, à la fois cartulaire et registre. Il est au contraire bien identifié – comme un cartulaire, donc – et aurait changé non pas de statut, mais de logique et donc de critères d’organisation : un projet redéfini et adapté aux différents moments d’une réalisation échelonnée dans le temps. Ainsi, à une prime accordée à la « volonté de prestige »[20] succède ce que l’on peut supposer être un besoin de pérennisation des actes reçus – a fortiori compte tenu du fait qu’aucun autre exemplaire des trois bulles papales concernées ne semble avoir subsisté dans les fonds des archives municipales douaisiennes, si l’on se réfère au travail de Chrétien Dehaisnes et de Jules Lepreux[21]. Il s’agit bien, toutefois, d’une pérennisation raisonnée, certains actes originaux conservés par la ville n’ayant pas fait l’objet d’une copie, que ce soit en raison de leur caducité, souvent liée à leur ancienneté[22], ou de leur non-conformité à l’image que la ville semblait vouloir forger d’elle-même et de ses relations avec le pouvoir royal ou comtal[23].

La diversité de ces volontés et besoins, nous venons de le voir, est notamment rendue palpable grâce aux différents modèles scripturaires déployés au fil du cartulaire. Cette pluralité apparaît, pour l’historien, comme une invitation à revoir son approche du codex, et à abandonner une vision à la fois trop monumentale et trop monolithique souvent liée à l’objet-livre

Hétérogénéité et réalisation de longue haleine. Pour une approche multiscalaire de l’écrit pratique médiéval

Afin non seulement de rendre compte de la diversité formelle et temporelle du cartulaire, mais aussi de lui donner un sens, il convient de renoncer à une approche exclusivement globale du manuscrit, et de la concilier avec des changements d’échelle, ces derniers permettant de considérer chaque ensemble identifié comme un objet à part entière, qui pourra ensuite être rapproché et comparé aux autres. Toutefois, il n’existe pas une manière unique de circonscrire les ensembles en question : plusieurs critères peuvent être choisis, qui se recoupent parfois, mais pas toujours[24].

Prenons l’exemple du collationnement, qui vise à repérer le nombre de cahiers qui composent un manuscrit et le nombre de feuillets qui les composent[25]. L’ensemble de référence est alors le cahier dont les caractéristiques, comme le nombre de feuillets ou la qualité de parchemin, peuvent éclairer la finalité, voire la datation. Il s’agit ici d’unités matérielles, tangibles et distinguables visuellement. Ainsi, si les folios portant les numéros 1 à 32 ont été taillés dans des peaux remarquables par leur blancheur et leur finesse – au point d’avoir été qualifiées de « vélin », d’après une annotation portée sur le tout premier folio –, les suivants offrent à voir un contraste parfois saisissant, certains feuillets présentant des taches, une inégalité dans leur couleur, et une épaisseur qui, aujourd’hui du moins, confine à la rigidité. Ces changements parfois subtils confirment, sans même analyser les modèles de graphie et de mise en page, la réalisation sur le temps long et probablement discontinue du manuscrit, par ajouts successifs. À l’aune de ces observations, le cartulaire regagne son caractère vivant d’écrit de la pratique, produit en fonction de besoins donnés à un moment donné et accompagnant les aléas rencontrés par la communauté.

Le collationnement ne constitue toutefois qu’une première étape, une porte d’entrée concrète dans le manuscrit. Si vingt-deux cahiers ont été dénombrés, avec de grandes variations dans leurs composition (de deux à dix feuillets), seulement treize ensembles ont été comptabilisés d’après des critères formels et scripturaux. En déplaçant le curseur vers cet autre type de critère, d’ordre plus formel, ce sont d’autres informations qui émergent. Alternent en effet au sein du cartulaire des ensembles particulièrement élaborés, décorés avec soin, dont on ne peut que supputer le coût et la lenteur d’exécution, et d’autres moins raffinés, qui semblent avant tout focalisés vers une copie rapide et immédiatement disponible et maniable des textes. Les premiers, au nombre de trois (folios 1 à 32, 36 à 42, 66 à 92), sont caractérisés par la présence d’initiales ornées, filigranées puis cadelées, et par le recours à une graphie globalement plus lisible du fait de sa taille, de la couleur de l’encre employée, et de la technique utilisée : une textura puis une bâtarde, dont le tracé lettre à lettre exige une patience et une minutie accrue par rapport à un ductus continu typique du bref retour à la cursive dans les deux derniers folios. C’est donc une alternance entre apparat et sobriété, entre priorité faite au prestige et besoin d’efficacité : entre objet de luxe et objet de la pratique, en somme.

Ces différentes phases sont à mettre en regard avec les événements qui leur sont contemporains : le début du cartulaire, dont la datation est estimée vers 1318 par Thomas Brunner[26], prend place dans une période mouvementée de l’histoire des relations entre le comté de Flandre et son royal suzerain. Initié sous le règne de Philippe V, le projet originel du cartulaire, qui fait la part belle aux copies d’actes royaux occupant les huit premiers folios, peut être interprété comme un gage du lien indéfectible et de la bonne entente qui unissent la ville et le roi de France. De la même manière, l’ensemble des folios 36 à 42 constitue essentiellement un dossier autour du mariage de Marguerite de Male et de Philippe II de Bourgogne, qui prépare le basculement du comté de Flandre et donc de Douai dans l’escarcelle bourguignonne. Or, dans cet ensemble, s’observe un retour au modèle formel déployé dans les premiers folios, c’est-à-dire à un modèle caractéristique d’une relation présentée comme forte vis-à-vis d’un dirigeant légitime par une ville désireuse d’apparaître sous son meilleur jour : fidèle et prospère. Enfin, le troisième ensemble remarquable que nous avons mentionné, échelonné sur les folios 66 à 92, marque une rupture avec ses deux prédécesseurs, bien qu’il traduise une entreprise ostentatoire similaire. En effet, l’usage des initiales cadelées, dont la cour de Bourgogne s’est faite centre de diffusion, au point de leur faire atteindre des « sommets de raffinement » au XVe siècle[27], associé à la prégnance des actes bourguignons et de leurs confirmations, dont les copies semblent dater, pour les premières (jusqu’au folio 85) de 1517, ne sauraient être une coïncidence. Ils interviennent en effet entre l’accession de Charles de Gand, duc de Bourgogne et de facto comte de Flandre, aux titres de roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem et de roi des Espagnes en 1516 et sa nomination comme roi des Romains puis son couronnement comme empereur en 1519. Au cours de cette période de transition, il est crucial pour le futur Charles Quint de réaffirmer sa légitimité et de consolider l’ensemble de ses possessions, appelées à former un empire. Le choix, pour ces copies, d’un modèle formel passé de mode mais fortement rattaché au duché de Bourgogne, qui symbolise tout à la fois ses origines, le jeu des transmissions territoriales afférentes et consolide l’emprise aussi bien territoriale que personnelle du candidat au titre impérial apparaît comme un moyen pour la ville de Douai de renouveler l’expression de son soutien et de son allégeance. Il est également possible que les copies des actes n’aient fait que reproduire la forme des originaux : la ville, dès lors, se ferait le relais d’une politique de légitimation de grande ampleur – nous n’avons pas encore pu le vérifier, mais une étude des modalités de copie des actes originaux encore conservés dans les archives de Douai dans les cartulaires municipaux, n’est pas à exclure.

Une telle amplitude, aussi bien sur le plan formel que temporel, ne manque pas d’interroger l’autonomie ou, au contraire, la continuité des parties internes les unes par rapport aux autres. Le document, tel qu’il nous est parvenu, forme bel et bien un tout, mais un tout non uniforme, les disparités dans la qualité du parchemin comme dans celle de la réalisation mettant à mal l’idée d’un projet d’écrit continué. Il apparaît effectivement évident que ce manuscrit a été composé par à-coups, par différentes mains et en différents moments. Pour autant, il ne semble pas constituer, à l’instar du registre FF385, un « recueil factice de cahiers différents »[28], puisque l’écriture d’une strate débute fréquemment en bas du folio ou au sein du même cahier que celle qui la précède. Sans vouloir nous reporter sur une explication de facilité, nous opterions pour une interprétation pragmatique de la chose : dans un souci d’optimiser l’utilisation du parchemin, chaque moment de composition nous semble s’être fait à la suite du précédent, les cahiers étant ajoutés au fur et à mesure des besoins de continuation. Ce manuscrit, dès lors, aurait non pas été pensé comme un écrit continué et structuré par un plan prédéfini, mais comme un écrit continuable.

Aborder un manuscrit tel que le cartulaire AA 84 par le biais d’unités formelles, thématiques ou matérielles, qui parfois se complètent et s’éclairent les unes les autres – la présence des réclames au sein des ensembles formels permettant, par exemple, de repérer le passage d’un cahier à un autre et d’affiner la connaissance codicologique, donc matérielle, du document –, conduit non seulement à en percevoir la richesse de nuances, mais aussi de rétablir les connexions qui relient certaines parties entre elles. Cette approche multiscalaire et multicritère peut même, dans l’absolu, se décliner à l’infini, y compris en descendant à l’échelle de la copie au sein d’un ensemble ou dossier thématique. Dans le cas du cartulaire AA 84, elle s’impose comme essentielle dans la mise en lumière de la grande cohérence qui sous-tend l’ensemble en dépit de son apparence désordonnée.

Le cartulaire AA 84, manifeste du gouvernement urbain par l’écrit

Abordons enfin la manière dont le cartulaire traduit une pratique de gouvernement urbain par l’écrit caractérisée par la mise en place d’une véritable rationalité dans cet écrit pratique. Nous nous référerons ici en partie à la définition wébérienne de la rationalité, comprise comme le fait de « trouver un moyen systématique et efficace [de] parvenir […] à ses fins, quelles qu’elles soient »[29], en l’occurrence, le gouvernement de la ville de Douai. Ce dernier peut s’analyser à plusieurs échelles, une fois encore, et selon des modalités différentes quoiqu’étroitement liées dans un jeu de contrepoids.

Le gouvernement de la ville par le roi de France ou le comte de Flandre

Le comte de Flandre et, a fortiori, le roi de France, principaux émetteurs des actes copiés dans le cartulaire, sont respectivement un grand seigneur et un suzerain à la tête de territoires étendus, sur lesquels il s’agit de faire respecter leur autorité et leurs décisions : de gouverner, en un mot. Ils disposent de plusieurs parades au problème de la distance et d’une impossible ubiquité, parmi lesquels l’écrit, dont la place est loin d’être moindre.

D’une part, il leur est possible de déléguer une partie de leur pouvoir à un homme chargé de parler et d’exercer leur autorité en leur nom : c’est le principe même de la féodalité, qui peut être complété par l’envoi d’agents sur place. Les folios 3 recto et verso du cartulaire donnent d’ailleurs un témoignage de cette pratique en donnant à voir la copie d’un acte de 1296 par lequel Philippe IV le Bel « establi Jehan Tasse de Mondidier gardien de Douay », c’est-à-dire protecteur de la ville au nom de son suzerain en réponse à la « députation […] demandant sa protection » au roi de France envoyée pour lui demander d’intervenir contre le comte Guy de Dampierre et ses violences contre les villes et leurs élites dans le cadre de la levée du cinquantième[30]. Cette députation, qui intervient dans un conflit préexistant entre la ville et le comte et pour lequel le roi avait déjà envoyé « deux délégués destinés à faire une enquête »[31] nécessite d’autant plus d’être officialisée, actée, en bref d’être fixée sur un support, que le « gardien de Douai », nommé dans un contexte de confiscation de la commune, remplace alors l’échevinage, notamment dans la tâche de garantir, au nom du roi, aux habitants « eux et leurs biens de toute tentative mauvaise quelconque de Gui »[32]. L’écriture intervient donc déjà dans cette démarche, en tant que « moyen permettant la délégation »[33], voire l’outrepassement d’une coutume pourtant déjà mise par écrit.

D’autre part, c’est dans l’usage de l’écrit que seigneurs et suzerains trouvent de plus en plus systématiquement une solution à l’éloignement entre eux et leurs territoires et sujets. Comme Laurence Buchholzer l’a rappelé lors de son intervention du 13 janvier 2020, dans le cadre du séminaire « Administrer par l’écrit »[34], chartes et lettres municipales sont très proches jusqu’au XIIIe siècle – comme en témoigne l’usage d’un unique terme latin, literae, pour désigner les unes et des autres –, les secondes n’en étant alors qu’à leurs balbutiements. Bien que le cartulaire AA 84 concerne à la fois une période, une aire géographique et des objets différents, un rapprochement nous a semblé pertinent. En effet, le folio 1 annonce bien que « che sont les chartres et li previlege de le vile de Douay » qu’il donne à voir, et les actes en question sont présentés, dès ce même folio, comme des « litteras » ou « lettres ». Il n’est évidemment pas question ici de lettres qui s’inscriraient dans correspondance sur le mode d’un échange épistolaire régulier, ne nous y trompons pas. La charte, que l’on peut assimiler à une lettre ouverte, permet non seulement de remédier au problème de la distance, aussi bien spatiale que temporelle, mais aussi de recréer un lien entre l’émetteur et son destinataire, ici la communauté douaisienne, et de l’affirmer aux yeux de tous, « universis tam presentibus quam futuris ».

Toutefois, cette proximité est relativisée par le déplacement symbolique de la distance entre émetteur et bénéficiaires des actes. Cette distance verticale, hiérarchique, est essentiellement rappelée par l’usage du latin. Ce dernier est la langue des clercs, mais aussi encore la langue royale, bien qu’au cours de la période concernée de nombreuses hésitations se fassent jour dans la « politique linguistique du roi […] faite de mouvements contradictoires entre le latin et le français »[35] après une longue fidélité, jusqu’au règne de Philippe V. Le latin se fait le symbole de la domination exercée sur une communauté de toutes façons dépendante de ses seigneur et suzerain pour la pérennisation de ses privilèges, dont elle demande la confirmation a minima à chaque nouvel avènement. En effet, la maîtrise avancée du latin reste caractéristique d’un petit nombre de lettrés et de certains professionnels de l’écrit, tandis qu’elle échappe au moins partiellement à l’immense majorité de la communauté, qui présente un large panel de degrés de literacy. Cependant, la reconnaissance visuelle de certains mots et de la disposition formelle du texte permet d’assurer une liaison minimale avec l’ensemble d’une population dont l’illettrisme total relève avant tout du mythe d’un Moyen Âge obscur forgé dès le XVIe siècle.

Le gouvernement de la ville par elle-même

D’un point de vue pratique et matériel, l’existence même d’un cartulaire, d’une collection de copies d’actes divers et malgré tout triés sur le volet, comme nous l’avons évoqué plus haut, traduit une volonté de gouvernement et de gestion matérielle rationalisés de la ville et par la ville – en l’occurrence, par son échevinage[36]. Au-delà des actes dont il contient la copie, le cartulaire AA 84 matérialise une réelle pratique de ce gouvernement urbain, qui s’appuie en grande partie sur un écrit rationalisé.

Toutefois, l’existence et la force de cette pratique ne sont perceptibles qu’en prenant en compte le paysage documentaire produit par l’échevinage. Afin de resituer le cartulaire AA 84 dans ce cadre élargi, nous prendrons appui sur le corpus des registres judiciaires et des cartulaires aux privilèges et aux bans, sur lequel un certain nombre d’observations a déjà pu être formulées. Ainsi, si les registres de la pratique judiciaire « ont tous été commencés entre 1387 et 1450[37] », les cartulaires leur sont donc antérieurs, puisque le premier, coté AA 84, a bien été commencé dès le premier quart du XIVe siècle. Ces derniers ont toutefois été précédés par les registres aux bans « commencés au XIIIe siècle : ils portent les cotes AA 88 à 94 »[38].

De plus, les registres de la pratique « sont tous composés de cahiers en papier cousus ensemble[39] », quand les premiers cartulaires et registres aux bans comme aux privilèges (AA 84 à AA 96, les cotes s’échelonnant jusqu’au AA 110) sont constitués de cahiers de parchemin. Enfin, s’il est précisé que les « registres [de la pratique] sont faits pour être lus et relus[40] » et que « les nombreux points qui peuvent y être soulignés ont souvent trait à la procédure[41] », il est possible de déduire, en négatif, que les cartulaires n’ont pas vocation à être autant manipulés. Ce faisceau de considérations permet d’outrepasser la simple comparaison et de rétablir l’articulation entre registres de la pratique et cartulaires. Alors que les seconds ont été confectionnés dans le but de « définir le cadre d’exercice des prérogatives échevinales[42] », les premiers répondent bien davantage à une volonté de « regrouper les aspects les plus intéressants des affaires » et de « donner un compte-rendu le plus complet possible de tout ce qui s’est passé »[43]. Nous ne reviendrons pas sur la nature paradoxale de la coexistence de ces deux dernières démarches. Ce qui nous intéresse, c’est de constater que les cartulaires semblent constituer le socle théorique, juridique, qui préexiste à la pratique et a fortiori aux registres de la pratique, au contenu tout concret – pour ne pas dire jurisprudentiel.

Cela explique, dans le cas du manuscrit AA 84, le fait que l’écrit, en dépit de son aspect composite, obéisse à une succession de règles formelles et de critères structurants qui, s’ils évoluent, tendent vers un objectif de cartographie précise des droits de la ville, aussi bien immobiliers, parfois à la rue près, que fiscaux, pour aboutir à une vision à long terme des recettes mais aussi, voire surtout, prévenir tout litige, en termes d’exercice d’un droit, celui de justice au premier chef, comme de perception de revenus.

Le nombre conséquent des actes ayant trait à la fiscalité en constitue un bon exemple[44]. Non seulement les actes portant sur les exemptions d’impôts, mais aussi sur les droits de perception de redevances liées à la possession de terres, qu’elles aient été vendues ou données, sont nombreux dans le cartulaire, mais ils sont de surcroît remarquablement détaillés. Celui dont la copie s’étend du folio 16 au folio 22 en apporte une illustration convaincante puisqu’elle établit la liste des

« denrées et marchandises qui doivent un vinage, et les sommes ou les taxes en nature qui seront payées sur la Scarpe et l’Escaut depuis Douai jusqu’à Rupelmonde et depuis Rupelmonde jusqu’à Valenciennes, au châtelain de Douai, aux échevins de Douai, au pont de Raches, au seigneur de Lallaing, au sire de Warlaing, à l’abbé d’Hasnon, à l’abbé de Saint-Amand, seigneur de Saint-Amand, au seigneur de Mortagne, au sire d’Antoing, aux chanoines de Tournai, à 1’écluse d’Audenarde, à l’abbé d’Eenham, au sire de Rodes, à l’abbé de Saint-Pierre de Gand, au châtelain de Gand, au vinage de Tenremonde, à la comtesse de Flandre, à Rupelmonde et à Valenciennes. »[45]

D’autres actes (folios 22 v°, 29 v°, 53 v°) précisent cette question des vinages, portant attention à la fois aux sommes dues et perçues, ainsi qu’aux compensations qu’une exemption ou qu’un droit de prélèvement peut occasionner. Chaque bien – somme, lieu et destinataire – est donc minutieusement précisé afin que chacun soit au clair sur ses droits, voire puisse établir des décomptes prévisionnels. Ce souci du détail sur le sujet concorde avec la chronologie exposée par Georges Espinas et le basculement, à la fin du XIIIe siècle, vers une prédominance des actes d’ordre fiscal, d’un contenu essentiellement relatif à l’organisation judiciaire et administrative[46]. Ce dernier se voit malgré tout réserver une place importante, qui témoigne d’une volonté administratrice rigoureuse de la part de la commune. En effet, pas moins de neuf actes sont consacrés à l’organisation de la justice[47] et surtout de l’échevinage[48], des modalités d’élection aux règles d’éligibilité, tout en rendant visibles les différentes réformes qui se sont succédé dans le temps, une constitution remplaçant la précédente quitte, parfois, à opérer une révolution. Ces mises à jour régulières et claires peuvent être interprétées dans le sens d’une préoccupation d’éviter tout doute quant à la marche à suivre tout en justifiant des décisions antérieures, afin que le gouvernement de la ville, en tant qu’assemblée, soit formé dans les règles en vigueur, et qu’il soit assuré en toute légalité en tant qu’action et processus.

D’autre part, et sur un plan plus symbolique, bien que l’écrit expédié par les rois et comtes constitue, dans un premier temps, un outil de domination sur la ville, cette dernière recourt à des stratégies qui lui permettent, partiellement du moins, une forme de reprise de contrôle. Cela passe notamment par le phénomène de traduction des actes à l’œuvre au sein du cartulaire. Il est visible au sein des 32 premiers folios, qui présentent en effet d’abord les actes en latin en possession de la ville au moment de la réalisation du cartulaire, puis leur traduction en « romans », c’est-à-dire en français. Il convient ici de rappeler la place de Douai dans le mouvement de vernacularisation des documents pratiques en Occident, puisque la ville s’est faite le cadre de production du premier document connu en langue d’oïl – document de nature au demeurant privée, et non urbaine[49]. Dans les faits, bien qu’il s’agisse plus exactement d’une reconnaissance de dette entre deux particuliers[50] ne portant aucun signe de validation[51], il semble avoir pour partie « inaugur[é] une nouvelle tradition discursive vernaculaire[52]. Partageant l’idée de Florian Mazel selon laquelle, en histoire, les seuils sont davantage signifiants, du fait de leur caractère irréversible[53], qu’un événement considéré comme fondateur mais qui, dans les faits, ne constitue pas un basculement, nous nous garderons, bien sûr, d’accorder une importance excessive à un document isolé. Toutefois, comme le rappelle Thomas Brunner, « le rôle des communes […] a […] déjà été souligné par S. Lusignan pour ce qui est de la vernacularisation en français »[54], particulièrement celles du Nord[55] de la France. Ce passage du latin au français n’a rien d’anodin, et encore moins lorsqu’il se manifeste dans le premier cartulaire urbain de la ville, qui renferme les documents jugés alors comme les plus importants et représentatifs de son identité. Il relève, en effet, d’une « certaine prise de distance face au latin des clercs »[56], mais aussi du roi, et revêt dès lors une valeur d’affirmation identitaire[57]. Cette dernière est encore renforcée vis-à-vis des clercs par le très petit nombre d’actes provenant d’institutions ecclésiastiques (une dizaine sur l’ensemble du cartulaire, bulles papales comprises), surtout compte tenu de l’intensité de la vie religieuse douaisienne au Moyen Âge[58].

La traduction en français picard des actes initialement en latin, ainsi que le choix de cette langue pour la table liminaire ou les rubrications des 33 premiers folios replacent, par ailleurs, le cartulaire AA 84 en fin d’un processus de longue durée. Daté du début du XIVe siècle, il s’inscrit dans une démarche de « radicalité de l’adoption du français décidée vers 1224[59] » et qui, après une période d’inversion de la tendance en faveur du latin puis de point d’équilibre, bascule définitivement après 1270, de façon si soudaine qu’elle ne peut « que résulter d’un choix délibéré [60]». Ainsi, au début du XIVe siècle, le français picard constitue bien la langue communale ou, du moins, échevinale.

Cet aspect identitaire, important s’il en est dans la consolidation de la communauté, voire dans la construction du sentiment communautaire, est complété par ce que nous avons interprété comme une réappropriation des textes qui permet à la fois leur connaissance et leur application. Cette réappropriation connaît deux étapes. La première est celle de la copie : en dupliquant l’acte sur un support choisi, propre à la communauté, en choisissant sa mise en forme et en page, survient un premier détachement vis-à-vis de l’émetteur de la charte, une dépersonnalisation du texte au profit d’une focalisation sur son contenu.

La seconde, qui est celle de la traduction du latin au vernaculaire, comporte quant à elle une forte dimension rituelle, symbolique. En effet, le symbole est « l’équivalent universel porteur de [l’]efficacité rituelle »[61] du gage. Or, la langue peut être assimilée à un symbole en ce sens qu’elle « circule universellement – ou du moins dans la communauté qui le partage et en comprend le sens, communauté linguistique, politique, culturelle »[62].

Cette relation, induite par la traduction, « entre latin et vulgaire, en complémentarité puis en concurrence »[63], semble témoigner d’une situation de « diglossie avancée »[64] telle que décrite par Benoît Grévin à partir des réflexions de Charles Albert Ferguson. Si nous avons surtout insisté sur la concurrence que traduit la vernacularisation dans le cartulaire AA 84, la dimension complémentaire est, elle aussi, bien présente. En effet, le choix de présenter à la fois le texte en latin et sa copie en vernaculaire, au lieu de cette dernière seule, permet de confronter les textes et de se rapporter à l’original, dont la copie a surtout pour but d’éclairer la substance. L’ambivalence du rapport de force entre les deux langues s’observe également quelques feuillets plus loin, comme au folio 59 recto. L’acte qui y est copié est une confirmation par Jean II le Bon d’une charte de son père Philippe VI. Or, si la partie confirmée est bien en français, le texte de confirmation dû au roi Jean est en latin. Cet exemple corrobore le constat de Serge Lusignan d’un retour au latin sous le règne du deuxième Valois[65], mais confirme le fait qu’ « il s’agit […] de substituer dans notre esprit, au confort d’une évolution toute tracée, les incertitudes d’une communication complexe pleine d’ambiguïté »[66].

Par ailleurs, la notion de diglossie avancée « présuppose une relation génétique forte entre deux langues »[67] – qui, entre le latin et le « romans » du cartulaire AA 84, ne fait aucun doute – et un recours différencié aux deux langues en présence. En l’occurrence, cette distinction porte sur les utilisateurs de l’écrit – d’un côté, les utilisateurs les plus « nobles », de l’autre une communauté qui, à défaut de leur être soumise, en est dépendante – plus que sur l’usage qui en est fait, ou sur une dichotomie entre écrit et oral. Cette communauté, dans le cas présent, existe, bien que souvent idéalisée dans des archives désireuses d’en occulter les dissensions : c’est la municipalité de Douai, soudée dans son usage du « romans » et autour de sa charte communale quasi mythique, octroyée par Philippe d’Alsace[68]. La vernacularisation est donc l’opération nécessaire à cette efficacité rituelle du texte, puisqu’elle est la condition de son entière et libre circulation au sein de la communauté. À ce symbole s’ajoute un gage, matérialisé par l’objet-cartulaire lui-même, et peut-être plus encore ses prestigieuses décorations, mais aussi une ritualité fondée sur le geste. Le choix de graphies soignées implique une minutie, et donc une lenteur, qui accroissent la valeur symbolique des textes. Le ductus posé, lettre à lettre, est le geste par lequel la communauté voit le support de ses droits pérennisés, puis transposé pour être mis à portée de tous. Il y va de même avec les collations[69] effectuées et signées pour certaines copies[70], puisque « l’efficacité de la signature est plus rituelle que symbolique : c’est une « technique sociale » qui agit plus qu’elle ne signifie »[71], c’est-à-dire que, si la mention « collation faite aux originaux » signifie qu’une vérification de conformité a bien été menée, c’est la signature en tant qu’action, que geste, et non en tant que résultat qui lui donne son efficience, sa puissance, aux yeux de la société.

Conclusion

Le cartulaire AA 84, malgré l’effet de profonde désorientation qu’il produit au premier contact avec le lecteur, s’impose donc, au-delà de son caractère prestigieux, comme une source précieuse sur le plan des pratiques de l’écrit, malgré le fait qu’il s’agisse d’un seul document. Constitué sur un temps long, le manuscrit AA 84 peut être abordé comme un objet en tant que tel, l’objet-livre, aussi bien qu’en tant qu’une agglomération de plus petits objets, qu’il s’agisse de cahiers ou d’ensembles constitués selon des critères autres que codicologiques, régis par des logiques propres et focalisés sur une pluralité de sujets. Ils permettent d’appréhender les formes successivement mises au service d’un gouvernement urbain par l’écrit indissociable d’un souci de rationalité pratique en constante évolution, ce qui explique la diversité des moyens convoqués. Produit de son contexte régional à la fois politique et culturel, le cartulaire AA 84 se fait aussi porteur de l’histoire communale douaisienne dont il éclaire des aspects aussi bien culturels et sociaux qu’économiques et institutionnels. Bien que ces deux derniers points n’aient pas fait l’objet d’une étude approfondie de notre part, ils sont l’occasion de rappeler que, malgré l’existence d’un travail monographique, tout document comporte des dimensions diverses et potentiel que seules des approches diverses peuvent peu à peu révéler pleinement.

 

Annexe : ensembles constitutifs et strates de composition du cartulaire AA 84

Ensemble Cahiers Folios Corresp. cahiers / ensemble Caractéristiques Contenu spécifique
1 1 (n°0) 00c – 00h Oui  Cursive gothique française sauf pour le dernier folio (cursive plus moderne). Encre brune et rouge (remplissages). Table liminaire rajoutée après les premiers feuillets et complétée au fur et à mesure.
2 7 (n°1 à 6, + recto du premier folio du cahier 7) 1 à 32 Oui Textura. Encre noire. Initiales filigranées bleu et rouge. Rubrications et remplissages en rouge. Traces de réglure. Confirmations et octrois de privilèges divers  à la ville, essentiellement par les rois de France, le roi d’Angleterre, les comtes et comtesses de Flandre, les institutions ecclésiastiques et enfin les seigneurs locaux
3 1 (n°7) 32 verso -33 recto Non Minuscule diplomatique gothique. Encre brune.  Initiales plus sobres. Pas de trace de réglure visible. Bulles papales
4 1 (n°7) 33 verso – 35 Non Gothique cursive française. Encre brune.  Pas d’initiale. Pas de trace de réglure visible.
5 2 (n°8-9) 36 à 42 Non Textura.Encre noire à brune. Initiales filigranées bleu (tirant sur le violet) et rouge. Rubrications et remplissages en rouge. Traces de réglure. « Dossier » sur le passage de Douai sous domination bourguignonne préparé par le mariage de Marguerite de Flandre et de Philippe de Bourgogne
6 3 (n°9 à 11) 42 verso (bas) – 49 Non Gothique cursive française. Encre brune. Initiales sobres. Traces de réglure.
7 1 (n°11) 49 verso (bas) – 54 Non Identiques à l’ensemble 6, avec mise en exergue de mots-charnières dans le texte
8 2 (n°11-12) 55-56 recto Non Idem que précédemment. Remplissages rouges.
9 1 (n°12) 56 verso – 62 Non Idem que précédemment. Abandon des remplissages colorés.
10 2 (n°12-13) 63 – 65 Non Idem que précédemment. Cursive gothique française plus fine.
11 7 (n°13 à 19) 66 – 90 Non Bâtarde. Réglure marginale en rouge, traces de réglure interlinéaire visibles. Initiales cadelées. « Dossier » autour de la charte de Marie de Bourgogne de 1477 (copie de l’originale et de ses confirmations successives par Charles VIII, Louis XII, Charles Quint), entre autres
12 1 (n°19) 91 – 92 recto Non Cursive gothique française. Réglure marginale en rouge, traces de réglure interlinéaire visibles. Initiales ornées.
13 3 (n°19 à 21)  92 verso – 101 Non Cursive postérieure (toute fin XVIe ou début XVIIe siècle). Réglure marginale en rouge, traces de réglure interlinéaire visibles. 0

 

Bibliographie

Paul BERTRAND, Les écritures ordinaires. Sociologie d’un temps de révolution documentaire (entre royaume de France et empire, 1250-1350), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015.

Marion BESTEL, « Sources et mécanismes de la construction d’une mémoire communale : le cartulaire AA 84 », sous la direction de Pierre Chastang, Catherine Kikuchi et Maaike van der Lugt, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 2020 (https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03117707).

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Michel ROUCHE (dir.), Histoire de Douai, Dunkerque : Westhoek Edition-Editions des Beffrois, 1985. Collection Histoire des villes du Nord – Pas-de-Calais.


Tous mes remerciements pour l’aide reçue à l’élaboration du présent article vont à Pierre Chastang, Catherine Rideau-Kikuchi, Quentin Vrignaud, Clémence Moreau et Anne-Cécile Desbordes pour leur relecture patiente, attentive, toujours pertinente. Tous mes remerciements également aux éditeurs de la revue Circé pour leur réactivité, leur bienveillance et leur adaptabilité.

[1] Michael CLANCHY, From Memory to Written Records: England 1066-1307, Oxford, 1979 ; 2e éd. 1993 ; 3e éd. 2013.

[2] Pierre CHASTANG, Lire, écrire, transcrire. Le travail des rédacteurs de cartulaires en Bas-Languedoc (XIe – XIIIe siècle), Paris, CTHS (CTHS Histoire, 2), 2001.

La Ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier (XIIe-XIVe siècle). Essai d’histoire sociale, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013.

[3] Anna ADAMSKA et Marco MOSTERT (éd.), Writing and the Administration of Medieval Towns. Medieval Urban Literacy I et Uses of the Written Words in Medieval Towns. Medieval Urban Literacy II, Utrecht Studies in Medieval Literacy, vol. 27 et 28, 2014.

Anna ADAMSKA et Marco MOSTERT (éd.), Oral and written communication in the Medieval Countryside. Peasants-Clergy-Noblemen, Utrecht Studies in Medieval Literacy, vol. 45, 2020.

[4] Paul BERTRAND, Les écritures ordinaires. Sociologie d’un temps de révolution documentaire (entre royaume de France et empire, 1250-1350), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015.

[5] Voir le projet Vocabulaire pour l’Étude des Scripturalités (VOCES), https://num-arche.unistra.fr/voces/accueil [consulté le 26/02/2021].

[6] Marion BESTEL, « Sources et mécanismes de la construction d’une mémoire communale : le cartulaire AA 84 », sous la direction de Pierre Chastang, Catherine Kikuchi et Maaike van der Lugt, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 2020 (https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03117707).

[7] Le manuscrit, référencé n°1222 dans le répertoire de Stein, est également répertorié dans la base CartulR sur Thelma, http://www.cn-telma.fr/cartulR/codico7272/?para=4399t19 [consulté le 26/02/2021]

[8] Chrétien DEHAISNES et Jules LEPREUX, Inventaire analytique des archives communales antérieures à 1790 de la ville de Douai, série AA, 1876.

[9] Ibid., p. 10.

[10] Marie NIKICHINE, La justice échevinale, la violence et la paix à Douai (fin XIIe-fin XVe siècle), thèse de doctorat, Universités de Paris I / Louvain-la-Neuve, 2011, p. 158.

[11] Émile LITTRÉ, « Cartulaire », Dictionnaire de la langue française, Paris, Hachette, 1872. [https://www.littre.org/definition/cartulaire], consulté le 01/11/2020

[12] Claude GAUVARD, Alain DE LIBERA, Michel ZINK (dir.), « Charte », Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, PUF, 2002, p. 267.

[13] Paul BERTRAND, Les écritures ordinaires. Sociologie d’un temps de révolution documentaire (entre royaume de France et empire, 1250-1350), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, p. 104.

[14] Commission internationale de diplomatique-comité international des sciences historiques, Vocabulaire international de diplomatique, 2e éd., Universita de Valencia, 1997, p. 35-36.

[15] Archives nationales, série X/1a.

[16] Olivier GUYOTJEANNIN (dir), L’art médiéval du registre. Chancelleries royales et princières, Paris, BEC, Etudes et rencontres de l’Ecole des chartes, 2018, p. 8.

[17] Ibidem, p. 6.

[18] Jean-François NIEUS, « Les quatre travaux de maître Quentin (…1250-1276…) : cartulaires de Picquigny et d’Audenarde, Veil Rentier d’Audenarde et Terrier l’Évêque de Cambrai. Des écrits d’exception pour un clerc seigneurial hors normes ? », Journal des savants, 2012, p. 69-119.

[19] Olivier GUYOTJEANNIN (dir), L’art médiéval du registre. Chancelleries royales et princières, Paris, BEC, Etudes et rencontres de l’Ecole des chartes, 2018, p.12.

[20] Hélène DEBAX, « Le cartulaire des Trencavel (Liber instrumentorum vicecomitalium). », Les cartulaires : Actes de la table ronde organisée par l’École nationale des chartes et le GDR 121 du CNRS (Paris, 5-7 décembre 1991), Olivier GUYOTJEANNIN, Laurent MORELLE, Michel PARISSE, Mémoires et documents de l’École des chartes, Paris, BEC, n°39, p. 298.

[21] Chrétien DEHAISNES et Jules LEPREUX, Inventaire analytique des archives communales antérieures à 1790 de la ville de Douai, série AA, 1876.

[22] Thomas BRUNNER, Douai, une ville dans la révolution de l’écrit du XIIIe siècle, thèse : histoire, sous la direction de Benoît-Michel Tock, université de Strasbourg, école doctorale de Sciences Humaines et sociales. 2014, p. 218-19.

[23] Marion BESTEL, « Sources et mécanismes de la construction d’une mémoire communale : le cartulaire AA 84 », sous la direction de Pierre Chastang, Catherine Kikuchi et Maaike van der Lugt, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 2020 (https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03117707), p. 32 à 38.

[24] Voir annexe n°1

[25] Dans le cas du cartulaire AA 84 : 03 ; 18 ; 27 ; 36 ; 42 ; 53 ; 65 ; 74 ; 82 ; 95 ; 103 ; 1110 ; 1210 ; 136 ; 144 ; 153 ; 161 ; 171 ; 184 ; 1911 ; 204 ; 212. Voir Marion BESTEL, « Sources et mécanismes de la construction d’une mémoire communale : le cartulaire AA 84 », sous la direction de Pierre Chastang, Catherine Kikuchi et Maaike van der Lugt, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 2020 (https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03117707), p. 12.

[26] Thomas BRUNNER, Douai, une ville dans la révolution de l’écrit du XIIIe siècle, thèse : histoire, sous la direction de Benoît-Michel Tock, université de Strasbourg, école doctorale de Sciences Humaines et sociales. 2014, p. 178.

[27] Elizabeth DANBURY, « Décoration et enluminure des chartes royales anglaises au Moyen Âge », Les chartes ornées dans l’Europe romane et gothique, Bibliothèque de l’école des chartes, 2011 tome 169, p. 102.

[28] Marie NIKICHINE, La justice échevinale, la violence et la paix à Douai (fin XIIe-fin XVe siècle), Thèse de doctorat inédite, Universités de Paris I / Louvain-la-Neuve, 2011, p. 150.

[29] Natacha COQUERY, François MENANT et Florence WEBER (dir.), Écrire, compter, mesurer : vers une histoire des rationalités pratiques, Paris, éditions rue d’Ulm, 2006, p. 18.

[30] Georges ESPINAS, La vie urbaine de Douai au Moyen Âge, Paris, Auguste Picard, 1913, tome premier, p. 69.

[31] Ibidem, p.68.

[32] Ibidem, p. 71.

[33] Natacha COQUERY, François MENANT et Florence WEBER (dir.), Écrire, compter, mesurer : vers une histoire des rationalités pratiques, Paris, éditions rue d’Ulm, 2006, p. 26.

[34] https://www.irht.cnrs.fr/?q=fr/agenda/administrer-par-l-ecrit-au-moyen-age-et-l-epoque-moderne [consulté le 10/12/2020 à 16h27]

[35] Bernard RIBEMONT, « Serge Lusignan, La Langue des rois au Moyen Âge. Le français en France et en Angleterre », Cahiers de recherches médiévales et humanistes. 2004, mis en ligne le 26 juin 2008, p. 3 [consulté le 06 juin 2020]. URL : http://journals.openedition.org/crm/2799.

[36] Corps municipal élu selon des modalités qui ont varié au cours de la période en termes de nombre d’élus, de durée de mandat et de critères d’éligibilité, disposant notamment du droit d’exercice de la haute, moyenne et basse justice. Voir Georges ESPINAS, La vie urbaine de Douai au Moyen Âge, Paris, Auguste Picard, 1913, tome premier, p. 104 : « le « gouvernement » de la ville, l’organe directeur, l’échevinage, doit à priori venir du prince, être « donné » ou « octroie » ou du moins ratifié par lui, mais c’est son pouvoir et son devoir de faire veiller d’une façon quelconque à la stricte application des règlements existant ».

[37] Marie NIKICHINE, La justice échevinale, la violence et la paix à Douai (fin XIIe-fin XVe siècle), Thèse de doctorat inédite, Universités de Paris I / Louvain-la-Neuve, 2011, p. 137.

[38] Thomas BRUNNER, « Le passage au vernaculaire dans les actes de la pratique en Occident », Le Moyen Âge, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2009, tome CXV, p. 845-850.

[39] Ibidem.

[40] Ibidem, p. 195.

[41] Ibidem.

[42] Ibidem, p. 157.

[43] Ibidem, p. 148.

[44] Pour un total d’une centaine d’actes, plus d’un dixième traite des impôts et taxes.

[45] Chrétien DEHAISNES et Jules LEPREUX, Inventaire analytique des archives communales antérieures à 1790 de la ville de Douai, série AA, 1876, p. 11-12.

[46] Georges ESPINAS, La vie urbaine de Douai au Moyen Âge, Paris, Auguste Picard, 1913, tome premier, p. 1.

[47] Folios 16r-16v.

[48] Folios 6v-7r, 12r-13r, 39r-40v, 47r-48v, 62v-64r, 64r-65r, 86r-87v.

[49] Thomas BRUNNER, « Zwischen pikardischem Französisch und Latein : zum Sprachgebrauch in der diplomatischen Schriftlichkeit der Stadt Douai im 13. Jahrhundert », dans Mittelalterliche Stadtsprachen, Maria SELIG et Susanne EHRICH, éd., Ratisbonne (Forum Mittelalter – Studien, 11), 2016, version française, p. 7-8.

[50] Thomas BRUNNER, « Le passage au vernaculaire dans les actes de la pratique en Occident », Le Moyen Âge, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2009, tome CXV, p. 529 à 534.

[51] Thomas BRUNNER, « Zwischen pikardischem Französisch und Latein : zum Sprachgebrauch in der diplomatischen Schriftlichkeit der Stadt Douai im 13. Jahrhundert », dans Mittelalterliche Stadtsprachen, Maria SELIG et Susanne EHRICH, éd., Ratisbonne (Forum Mittelalter – Studien, 11), 2016, version française, p. 7-8.

[52] Ibidem, p. 441.

[53] Florian MAZEL, « Un, deux, trois Moyen Âge… Enjeux et critères des périodisations internes de l’époque médiévale », Revue Atala, Lycée Chateaubriand.

[54] Thomas BRUNNER, « Le passage au vernaculaire dans les actes de la pratique en Occident », Le Moyen Âge, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2009, tome CXV, p. 70.

[55] Ibidem, p. 53.

[56] Thomas BRUNNER, « Le passage au vernaculaire dans les actes de la pratique en Occident », Le Moyen Âge, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2009, tome CXV, p. 70.

[57] Ibidem, p. 53.

[58] Michel ROUCHE (dir.), Histoire de Douai, Dunkerque : Westhoek Edition-Editions des Beffrois, 1985. Collection Histoire des villes du Nord – Pas-de-Calais, p.70.

[59] Thomas BRUNNER, « Zwischen pikardischem Französisch und Latein : zum Sprachgebrauch in der diplomatischen Schriftlichkeit der Stadt Douai im 13. Jahrhundert », dans Mittelalterliche Stadtsprachen, Maria SELIG et Susanne EHRICH, éd., Ratisbonne (Forum Mittelalter – Studien, 11), 2016, version française, p. 9.

[60] Ibidem, p. 10.

[61] Natacha COQUERY, François MENANT et Florence WEBER (dir.), Écrire, compter, mesurer : vers une histoire des rationalités pratiques, Paris, éditions rue d’Ulm, 2006, p. 28.

[62] Ibidem.

[63] Benoît GRÉVIN, « L’historien face au problème des contacts entre latin et langues vulgaires au bas Moyen Âge (XIIe-XVe siècle) : espace ouvert à la recherche. L’exemple de l’application de la notion de diglossie », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, tome 117, n°2, 2005, p. 458.

[64] Ibidem.

[65] Serge LUSIGNAN, La langue des rois au Moyen Âge. Le français en France et en Angleterre, Paris, 2004 (Le nœud gordien).

[66] Benoît GRÉVIN, « L’historien face au problème des contacts entre latin et langues vulgaires au bas Moyen Âge (XIIe-XVe siècle) : espace ouvert à la recherche. L’exemple de l’application de la notion de diglossie », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, tome 117, n°2, 2005, p. 468.

[67] Ibidem, p. 453.

[68] Thomas BRUNNER, Douai, une ville dans la révolution de l’écrit du XIIIe siècle, thèse : histoire, sous la direction de Benoît-Michel Tock, université de Strasbourg, école doctorale de Sciences Humaines et sociales. 2014, p. 839-40.

[69] Maria MILAGROS CARCEL ORTI, « Copie collationnée », Vocabulaire international de la diplomatique, 1997 (2e édition), URL: Charters Encoding Initiative – Ludwig-Maximilians-Universität München (lmu.de) [consulté le 12/12/2020]

[70] F°40v ; f°41v ; f°54r ; f°60r ; f°64r ; f°65r.

[71] Natacha COQUERY, François MENANT et Florence WEBER (dir.), Écrire, compter, mesurer : vers une histoire des rationalités pratiques, Paris, éditions rue d’Ulm, 2006, p. 28.

 

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