Au prisme du drone : formes visuelles d’une expérience de guerre à distance

Imprimer ou télécharger cet article

Fanny Lautissier

Résumé

Au tournant des années 2010, la « guerre des drones » fait l’objet de différentes formes visuelles construites autour de figures du militaire opérateur de drone armé. C’est notamment le cas de la vidéo 5, 000 feet is the best (30′, 2011) de l’artiste israélien Omer Fast et du long-métrage Good kill (102′, 2014), du réalisateur néo-zélandais Andrew Niccol. En croisant les études de ces deux formats singuliers, le présent article tente de bâtir une analyse historienne des correspondances entre ces exercices de qualification d’une expérience de guerre à distance, tout d’abord en analysant les dispositifs visuels et codes stylistiques placés au service de son appréhension sensorielle. Dans un second temps, cette étude se concentre sur le rôle de la narrativité dans les deux films mis en perspective. Sa dernière partie porte sur les procédés par lesquels l’expérience de guerre à distance, ainsi que les traumatismes psychiques qui lui sont liés, sont figurés. Les deux formes visuelles étudiées participeraient ainsi paradoxalement au développement d’une approche sensible d’un mode de combat contemporain pourtant souvent considéré comme dématérialisé et désincarné, mais aussi à la construction du motif d’un trauma de guerre à distance.


Fanny Lautissier

Fanny Lautissier a suivi une double formation en histoire contemporaine et en archivistique à l’Université de Bourgogne. Titulaire d’un Master 2 professionnalisant « Archives des XXe et XXIe siècles européens », elle s’est orientée vers un cursus complémentaire de recherche en histoire visuelle à l’EHESS, où elle a soutenu un mémoire de Master 2 intitulé Les archives photographiques face aux enjeux de la transition numérique (sous la direction d’André Gunthert, 2009). Elle consacre ses recherches actuelles à l’analyse de différentes formes visuelles croisant l’histoire et la mémoire des conflits et a plus particulièrement étudié certaines productions cinématographiques du Proche-Orient (Israël, Palestine, Liban). Ses derniers travaux, menés en parallèle de missions de gestion et de valorisation de ressources patrimoniales et iconographiques, ont été axés sur la mise en récit et en images de l’expérience et des traumatismes de guerre.


Introduction

Au début des années 2000, les drones, véhicules aériens pilotés à distance, sont au cœur de la transition technologique à l’œuvre dans le domaine de la surveillance. Les champs d’utilisation de ces dispositifs se diversifient et le secteur militaire les adopte progressivement, recourant de plus en plus aux drones armés dans le cadre d’opérations de guerre. En parallèle, les occurrences scénaristiques et visuelles des drones se multiplient dans les films d’action, d’espionnage[1] et de guerre. De même, plusieurs artistes contemporains s’approprient ce thème et ses codes visuels[2] et construisent une réflexion au prisme du drone. Au tournant des années 2010, alors que les drones armés à usage militaire prennent une importance croissante dans les opérations menées notamment par l’armée américaine, la question de la légitimité de l’utilisation de cette arme émerge dans le débat public et ce que l’on appelle alors la « guerre des drones » fait l’objet de différentes initiatives de mise en images. Ces projets, qu’ils soient artistiques, cinématographiques, télévisuels, ou diffusés sur internet, s’intéressent plus particulièrement à la série d’opérations militaires menées par les Etats-Unis dans la zone frontalière entre l’Afghanistan et le Pakistan, en réaction aux attentats du 11 septembre 2001.

Le présent article vise à connecter certaines formes visuelles apparues dans ce contexte, qui placent au centre des réflexions développées la figure du militaire opérateur de drone armé. Le premier cas auquel nous nous attacherons est celui de la vidéo 5, 000 feet is the best (30′, 2011) de l’artiste israélien Omer Fast. Conçu comme une relecture, voire un détournement de la forme de l’entretien filmique, ce travail s’affranchit des classifications tant par sa construction cyclique que par les dispositifs de monstration dans lesquels il s’inscrit, tantôt présenté comme une installation vidéo inscrite dans un cadre muséal[3], tantôt intégré aux sélections de festivals cinématographiques[4]. En juxtaposant récits d’anecdotes, séquences de vraie-fausse interview et mise en scène de témoignages, Omer Fast propose, à travers ce montage visuel et sonore, une restitution complexe de ce que peut être l’expérience d’un opérateur de drone armé.

Le deuxième exemple étudié est le long-métrage Good kill (102′, 2014), du réalisateur néo-zélandais Andrew Niccol. L’action du film, située en 2010 par son générique d’ouverture, suit la progression plus linéaire de la vie quotidienne du commandant Thomas Egan, opérateur de drone armé en poste à la base de Creech (Nevada, Etats-Unis), personnage fictif interprété à l’écran par l’acteur Ethan Hawke. La construction du film alterne les scènes qui se déroulent lors des permanences assurées par Thomas Egan au sein de cette base militaire et celles qui nous transportent dans une atmosphère plus domestique, mettant en relief les tensions causées au sein de son foyer par le décalage que le personnage ressent de manière croissante entre les deux pôles de son existence.

En croisant les études de ces deux formats singuliers, qui font l’objet de temporalités, de modes de diffusion et de réception différents tout en semblant se référer à des thématiques et à des sources communes, notre objectif n’est pas d’expliciter les enjeux politiques du déploiement des drones comme moyen de surveillance et arme de guerre, ou encore de définir des frontières entre les genres auxquels chacune de ces formes visuelles pourrait être rattachée, mais de tenter de bâtir une analyse historienne des correspondances entre ces exercices de qualification d’une expérience de guerre à distance.

Notre étude portera tout d’abord sur les dispositifs visuels à l’œuvre, en faisant le relevé des codes stylistiques placés au service d’une appréhension sensorielle de l’expérience de l’opérateur de drone armé. L’utilisation de prises de vue aériennes comme l’esthétique de la ligne de mire sont autant de procédés de figuration de la manière dont le drone peut faire « écran ».

Le second temps de cet article se concentrera sur le rôle de la narrativité dans ces deux films, à travers la mise en exergue de récits d’opérateurs de cette « guerre des drones », restitués sous la forme de l’entretien et par l’utilisation du commentaire en voix off, dans le cas de 5, 000 feet is the best, et par la construction du récit filmique autour du personnage de Thomas Egan dans le cas de Good kill.

Enfin, nous étudierons les procédés par lesquels l’expérience de guerre à distance, ainsi que les traumatismes psychiques qui lui sont liés, sont figurés ou suggérés, au travers notamment de l’utilisation de formules répétitives ou circulaires et de distorsions temporelles.

Les deux formes visuelles étudiées participeraient ainsi paradoxalement au développement d’une approche sensible d’un mode de combat contemporain pourtant souvent qualifié de dématérialisé et désincarné, mais aussi à la construction du motif d’un trauma de guerre à distance.

Dans la ligne de mire : « la transformation du champ de bataille en champ de vision »[5]

Les films d’Omer Fast et d’Andrew Niccol sont construits sur une juxtaposition de codes visuels et stylistiques caractéristiques du documentaire et de la fiction, brouillant ainsi la distinction entre champ de bataille et champ de vision.

Le dispositif du drone comme système de références visuelles

Pour figurer l’expérience singulière de l’opérateur de drone armé et renforcer l’impression d’une fusion entre les cadres de son activité professionnelle et de sa vie privée, les films d’Omer Fast et d’Andrew Niccol font référence au dispositif visuel du drone. Ainsi, le recours à une esthétique de la vue aérienne (cf. Fig. 1) est ici le moyen principal de la figuration de ce que les drones donnent à voir du terrain d’opérations, venant ainsi illustrer au mieux l’idée selon laquelle la photographie, et par extension la prise de vue aérienne utilisée à des fins militaires, marquent la transformation des champs de bataille en « champs de vision ».



Fig. 1. Photogrammes issus de 5, 000 feet is the best (Omer Fast, 30', 2011) en haut et Good kill (Andrew Niccol, 102’, 2014) en bas : le dispositif visuel du drone symbolisé par le recours aux vues aériennes.

Par la police de caractères choisie et par l’utilisation ornementale de cadres et de données chiffrées autour des différentes mentions qui composent son générique d’ouverture, Good kill  reprend le mode d’affichage des données liées à la retransmission des images par satellite. En outre, par l’utilisation d’images subjectives de la ligne de mire, procédé de mise en scène déjà à l’œuvre dans des films tels que Lebanon (Samuel Maoz, 2010) ou American sniper (Clint Eastwood, 2014) par exemple, le film s’inscrit dans la lignée de films de guerre évoquant l’expérience de soldats (tireur à l’intérieur d’un char israélien dans le premier cas ou sniper sur les toits d’une ville irakienne dans le deuxième) dont les missions reposent sur l’utilisation de dispositifs d’observation. Dans les deux films étudiés ici, la matérialisation de la mire à l’écran[6] ou les prises de vue nocturnes en infrarouge (cf. Fig. 2) sont autant d’indices pensés comme des « effets de réel »[7].  Ces éléments se font les instruments d’une variation autour de la notion d’ « image fantôme », théorisée par  Harun Farocki[8], les moyens de frappe et de prise de vue se trouvant ici étroitement liés les uns aux autres et contrôlés simultanément par les opérateurs de drone armé.

Fig. 2. Photogramme issu de Good kill (Andrew Niccol, 102’, 2014) : la mire à l’écran et la vision nocturne en infrarouge comme « effets de réel ».

L’emploi de prises de vue subjectives contribue ici à une dynamique d’immersion du spectateur. Ce type d’image, d’abord utilisé afin de transcrire avec réalisme le survol du territoire surveillé par l’armée, fait l’objet d’un glissement vers les images de la vie quotidienne des personnages, créant peu à peu à l’intérieur de chaque film un phénomène de contamination visuelle de ces deux univers distincts. Des chevauchements sonores viennent parfois renforcer cet effet de « contamination »[9]. La vidéo d’Omer Fast est en grande partie basée sur ces effets et le film d’Andrew Niccol, quant à lui, estompe peu à peu aux yeux de son personnage Thomas Egan les frontières entre les « topographies de la guerre »[10] et celles de la paix (cf. Fig. 3). Les pavillons de la ville américaine dans laquelle réside ce personnage sont survolés par la caméra de la même manière que l’espace considéré comme le territoire ennemi.

    Fig. 3. Photogrammes issus de 5, 000 feet is the best (Omer Fast, 30', 2011) en haut et Good kill (Andrew Niccol, 102’, 2014) en bas : déplacement des « topographies de la guerre » et effet de contamination visuelle.

Ces différents procédés constituent la traduction visuelle de la remise en question par l’utilisation de drones armés des logiques à l’œuvre dans la qualification même de la nature du champ de bataille, « cet « entour » des corps combattants que constituent les lieux mêmes où ces guerriers s’affrontent »[11]. La figuration du conflit se trouve de fait réduite à l’échelle du rapport instauré entre l’opérateur de drone armé et sa cible[12], le corps des combattants pouvant alors directement être perçu « comme champ de bataille »[13]. La distance induite par le dispositif même du pilotage de drone armé devient ainsi un facteur de l’individualisation des enjeux guerriers et de la perception stratégique du terrain d’opérations.

L’écran symbole de la guerre à distance

L’écran et l’affichage de données constituent le médiateur entre les deux espaces du « front » et de l’ « arrière ». Pour l’opérateur, le champ de bataille est circonscrit spatialement et temporellement par ce dispositif technique et par l’organisation de ses plages de travail au sein de la base militaire. Les deux réalisateurs tirent parti du contraste induit entre l’esthétique du survol et les décors en huis clos, celui des containers (stations de contrôle au sol ou Ground Control Stations)[14] depuis lesquels s’opèrent les manœuvres de surveillance et de frappe dans le cas du film d’ Andrew Niccol et celui de la chambre d’hôtel à l’intérieur de laquelle se déploie le récit du personnage de l’ancien opérateur de drone armé dans le cas du film d’Omer Fast.

Les écrans rappellent le lien avec le terrain d’opérations, et la route jusqu’à la base militaire est ici montrée comme un sas de transition entre le champ de bataille et la vie privée de l’opérateur de drone armé (cf. fig. 4). Par les jeux d’échelle liés au régime visuel et au dispositif du drone, ces films font le postulat d’une abolition de la distance entre le front et l’arrière, entre civils et soldats, et remettent en cause les codes de mise en scène de la guerre[15]. Le régime visuel du drone contribue ainsi à la « réduction figurative des cibles humaines »[16] et participe à la perception d’« un corps ennemi médiatisé »[17].

      Fig. 4. Photogrammes issus de Good kill (Andrew Niccol, 102’, 2014) : l’écran comme frontière et la route comme sas de transition.

La problématique de la « physicalité du fait guerrier », selon laquelle « la violence extrême qui accompagne l’activité combattante est d’ordre corporel avant tout », se trouve ici reconfigurée[18], au risque d’une déréalisation de la guerre et de sa perception par les combattants.  Dans Good kill, cette problématique est amenée par une question posée par un vendeur dans le magasin où Thomas Egan s’arrête à deux reprises en rentrant à son domicile. A propos de l’uniforme porté par le militaire (cf. Fig. 5), le vendeur interroge : « Is that real ? Did you ever get to fly in a war or something ? » Thomas Egan répond de la manière suivante : « I blew six taliban in Pakistan just today. Now I’m going home to barbecue »[19], provoquant ainsi la réaction ironique de son interlocuteur.

La même logique est à l’œuvre dans le dialogue entre l’interviewer et l’interviewé dans la première partie du film d’Omer Fast :

THE INTERVIEWER

Okay. What is the difference between you and someone who sits in an airplane ?

THE PILOT

There’s no difference between us. We do the same job.

THE INTERVIEWER

But you’re not a real pilot.

THE PILOT

So what ? You’re not a real journalist.[20]

 

Cette ambivalence entre appartenance à la tradition de l’aviation militaire et le caractère statique des missions des opérateurs de drone armé se trouve évoquée dans le cadre de plusieurs entretiens publiés, notamment autour de la question de l’uniforme d’aviateur porté au quotidien. Ainsi, dans les extraits d’entretiens retranscrits en tant que sources dans l’ouvrage 5, 000 feet is the best, en complément du scénario de la vidéo, une des questions posées par Omer Fast au pilote de Predator (modèle de drone armé utilisé par l’armée américaine) est la suivante : « Why are you  wearing a flight suit if you’re not going up actually into the atmosphere ? »[21]. Dans Good Kill, Andrew Niccol insiste sur la nostalgie éprouvée par Thomas Egan à propos de son passé de pilote et symbolise les regrets du personnage par une séquence onirique le montrant dans un cockpit (cf. Fig. 5).

 Fig. 5. Photogrammes issus de Good kill (Andrew Niccol, 102’, 2014) : références visuelles à la carrière de pilote de Thomas Egan.

Ces films posent la question de l’identification des statuts guerriers, mais font aussi le postulat d’une identification du combattant à sa cible. En effet, pour les deux réalisateurs, la figuration de la confusion qui peut s’étendre entre vie civile et militaire, combat et existence « à l’arrière » va jusqu’à la mise en scène d’inversions démonstratives des rôles.

De l’identification à l’inversion démonstrative des rôles

Les procédés de contamination visuelle et sonore déjà évoqués reposent entre autres sur des effets de montage, qui causent un décalage entre le récit et l’image. Les codes de représentation sont brouillés dans les deux films par l’application d’un même traitement visuel pour les images nocturnes prises en survol de Las Vegas et pour les séquences illustrant les missions de surveillance des personnages (cf. Fig. 6). Le personnage principal de Good Kill développe quant à lui une méfiance obsessionnelle qui le pousse à scruter le ciel de plus en plus régulièrement, donnant ainsi l’impression qu’il se sent observé dans ses activités quotidiennes ou cherche à se placer dans la même situation que les populations civiles vivant dans les zones de frappe des drones.

   Fig. 6. Photogrammes issus de 5, 000 feet is the best (Omer Fast, 30', 2011) à gauche et Good kill (Andrew Niccol, 102’, 2014) à droite : l’inversion démonstrative des rôles au moyen de procédés visuels.

Cette contamination aboutit à une inversion démonstrative des rôles et des représentations, qui marque l’irruption d’une tonalité ironique voire absurde dans le récit. Ainsi, la troisième partie de 5,000 feet is the best, intitulée « story of SUBURBAN FAMILY in California » dans la version publiée du scénario de la vidéo[22] explicite ce qui est rendu visible à l’écran : la transposition, dans un système de références qu’on suppose connu du spectateur, d’une situation de vie en territoire occupé. Un homme portant blouson, pantalon, casquette et lunettes de soleil est ainsi décrit comme suit : « the one with the shovel is younger […] he wears a traditional headdress (…) they are dressed in clothes more typical to tribes from further south »[23]. On assiste ainsi à une remise en question des codes de représentation qui établissent habituellement la distinction entre combattant et cible, victime et bourreau (cf. Fig. 7). Ce jeu d’inversion de repères et de stéréotypes est par ailleurs un procédé caractéristique du travail de vidéaste d’Omer Fast.

       Fig. 7. Photogrammes issus de 5, 000 feet is the best (Omer Fast, 30', 2011) : l’inversion démonstrative des rôles au moyen de procédés narratifs.

Les deux films, par leurs sources et leurs propos, se font le relais de la cristallisation de la figure de l’opérateur de drone armé comme témoin et lanceur d’alerte.

« Based on actual events » : les ressorts de la narrativité

Nous tenterons d’identifier plus précisément ici les sources utilisées par les deux réalisateurs et nous attacherons à étudier la manière dont celles-ci sont mises en scène.

L’expérience du pilote comme matrice de la mise en récit

La mise en récit de l’expérience de l’opérateur de drone armé est le socle sur lequel a été construit le long-métrage d’Andrew Niccol. Le réalisateur indique le caractère documenté de son film en utilisant une mention caractéristique des biopics et autres productions d’inspiration documentaire : « based on actual events ». Il évoque par ailleurs dans plusieurs interviews la documentation utilisée pour la préparation du film et notamment le recours à des entretiens avec des opérateurs de drone armé. Omer Fast revendique l’utilisation du même type de source. Daniel Desure, le producteur de 5, 000 feet is the best relate ainsi la recherche effectuée et les difficultés rencontrées pour trouver des opérateurs ou d’anciens opérateurs de drone acceptant de donner leur témoignage dans ce contexte[24]. Omer Fast structure sa vidéo à la manière d’un  entretien filmique entre un journaliste et un opérateur de drone, joués respectivement par les acteurs Gabriel Gutierrez et Denis O’Hare, qu’il met en scène dans le décor d’une chambre d’hôtel. Le procédé sonore de la voix off, ici prépondérant, est un des codes du dispositif[25] documentaire fréquemment mobilisé par Omer Fast[26] et participe à la consolidation d’un motif médiatique.

Du récit à la construction d’un motif médiatique

Dans les différentes formes de récits d’opérateurs de drones armés analysés, on repère la récurrence de certains marqueurs géographiques, temporels, personnels et narratifs.

Tout d’abord, il s’agit de la mise en exergue de la figure même de l’opérateur et de ses pratiques. Les titres des deux films reprennent ainsi des formules qui, au delà de leur caractère d’accroche, sont la fixation de locutions appartenant au lexique propre à ce métier. Par ailleurs, dans ces deux films, le personnage principal semble plus ou moins directement inspiré de l’expérience et des récits de Brandon Bryant, affecté de 2006 à 2011 à la base aérienne de Creech et devenu un symbole médiatique de la dénonciation de la « guerre des drones » après avoir quitté l’armée américaine, ou encore d’autres récits émanant du groupe parfois appelé « drone four », que l’ancien pilote forme avec Michael Haas, Cian Westmoreland et Stephen Lewis afin de rendre compte de leurs expériences, malgré le poids du secret militaire. La filiation directe du personnage de Thomas Egan avec Brandon Bryant est revendiquée par Andrew Niccol[27], alors que pour Omer Fast cette influence semble plus diffuse. Les extraits d’interview qui constituent la tirade éponyme « 5, 000 feet is the best » semble en quelque sorte faire la synthèse des différentes voix d’opérateurs qui se sont exprimées dans les médias[28]. Les éléments narratifs figés par la série d’articles publiés par Nicola Abé dans le quotidien allemand Der Spiegel et relayés par le Courrier international[29] apparaissent comme une source fondatrice pour les différents projets visuels de mise en récit de l’expérience de l’opérateur de drone armé. La base de Creech est l’ancrage géographique de ces témoignages et de leurs mises en scène, alors même que d’autres bases existent (en 2012, Nicola Abé en dénombre sept sur le territoire américain), et prend ainsi une importance symbolique. Certains épisodes marquants structurent par ailleurs le récit médiatique par leur récurrence. C’est le cas de celui des explosifs enfouis sous la route. Dans la vidéo d’Omer Fast, c’est la voix off de l’opérateur au visage flouté qui raconte et fait directement écho au récit de Brandon Bryant rapporté par Nicola Abé. Dans le film d’Andrew Niccol, une séquence reprend directement cet événement.

« Welcome home »[30]? De la figure ambivalente du vétéran à celle du lanceur d’alerte

La temporalité spécifique de la « guerre des drones » et la singularité de l’expérience de l’opérateur de drone armé font que le retour du militaire à la vie civile, moins directement lié à la démobilisation ou à la fin de la guerre qu’à la fin d’un contrat ou à une prise de décision propre, revêt une importance plus symbolique que factuelle. La figure de l’ancien opérateur de drone armé se construit ainsi comme une variante de la figure du vétéran, dans ce contexte de guerre à distance. En prolongement, une autre figure vient s’insérer entre celles des « héros de guerre », des « héros victimes de guerre » et des « héros-martyrs »[31] : celle du lanceur d’alerte. Son statut, hésitant entre celui de combattant et celui de victime acquiert ainsi un rôle politique particulier. Dans le contexte de plusieurs « affaires » liées à la révélation de données confidentielles qui marquent les années 2010 et notamment l’affaire des « Drone papers »[32], Brandon Bryant, dont le récit se trouve comme on l’a vu au centre des articles de Nicolas Abé et de nombreux autres écrits sur cette thématique, déclare ainsi : « aucun pilote avant moi n’a raconté […] je n’ai pas l’intention de devenir un héros. Je veux simplement révéler un autre aspect de la guerre, que personne n’a vraiment envie d’entendre »[33]. Il se compare ainsi lui-même à différentes figures contemporaines de lanceurs d’alerte aux trajectoires et profils différents (Edward Snowden, Julien Assange, Chelsea Manning)[34], notamment en raison de sa participation à une commission d’enquête parlementaire en Allemagne[35], portant entre autres sur la base américaine Ramstein. Dans 5, 000 feet is the best, ce rôle de dénonciation est symbolisé visuellement par le visage flouté du « témoin » (cf. Fig. 8), présenté comme pilote de Predator et nommé significativement « Brandon »[36]. Ce procédé, proche de ceux utilisés notamment par Avi Mograbi pour son long-métrage Z 32 (81’, 2008)[37], peut donner prise à plusieurs niveaux de lecture : nécessité de l’anonymat du protagoniste en raison de la portée politique de ses propos ou jeu sur les codes et stéréotypes du genre documentaire et de la forme visuelle du témoignage, dans une démarche qui est habituelle dans les travaux d’Omer Fast[38].

Fig. 8. Photogramme issu de 5, 000 feet is the best (Omer Fast, 30', 2011) : le jeu sur les codes du documentaire par la présentation du visage flouté du témoin.

Dans le cas du film d’Andrew Niccol, cette portée politique passe notamment par les dialogues. Le réalisateur en faisant dire au personnage de Thomas Egan, qui s’adresse à sa femme : « it’s strange. Imagine growing up praying for grey skies. They hate blue skies, ’cause that’s when they fly. Grey skies maybe not »[39] fait ainsi un lien direct avec la phrase « I no longer like blue skies », extraite du texte de Zubair Rehman, lu devant le Congrès le 29 octobre 2013 pour évoquer les victimes civiles des frappes de drones armés américains au Waziristan[40]. Cette citation a pu par la suite prendre valeur de slogan ou de credo pour certains militants anti « guerre des drones ». De même, le supérieur de Thomas Egan, le Lieutenant colonel Jack Johns (incarné par l’acteur Bruce Greenwood) fait allusion à l’existence d’un mouvement d’opposition à l’utilisation de ces armes par les Etats-Unis. D’une manière générale, les propos de l’officier se font le relais de thématiques du débat public sur ce sujet et parmi elles la problématique de la « guerre juste ». Cette mise en cause des décisions prises sous la présidence de Barack Obama place Good kill dans la continuité d’un des précédents longs-métrages d’Andrew Niccol, intitulé Lord of war (122’, 2005)[41] et consacré à la problématique du trafic d’armes mondial.

Expérience de guerre à distance

Comme on l’a vu, à des degrés différents, les films d’Andrew Niccol et d’Omer Fast mettent en exergue le rôle social et politique de l’opérateur ou ancien opérateur de drone armé. La place de ces militaires devenus lanceurs d’alerte et se trouvant par définition à la marge, construit une image en miroir de celle déjà complexe de la place du vétéran et de la dialectique entre anonymat et « reconstruction de l’identité »[42] qui lui est propre.

Les formes visuelles étudiées abordent également la sphère plus intime des conséquences psychiques de l’expérience de guerre, prégnantes et durables même lorsque celle-ci est menée à distance du théâtre géographique des opérations.

L’éclatement de la sphère privée

Par des procédés différents, les deux films évoquent la difficulté sans cesse accrue pour les opérateurs de drones armés à concilier engagement militaire et vie privée. L’alternance des séquences du film d’Andrew Niccol peut ainsi tout d’abord évoquer certains projets documentaires d’un genre que Roger Stahl regroupe sous l’expression « from the kitchen to the cockpit »[43]. Le fait guerrier, historiquement lié à un régime d’exceptionnalité, se trouve ici banalisé, car intégré à une certaine routine quotidienne, avant que cette belle mécanique n’en vienne à se dérégler. La perte de repères du personnage de Thomas Egan se traduit par des rappels visuels entre les deux univers dans lesquels il évolue, les braises rougeoyantes d’un barbecue venant par exemple rappeler les flammes d’une explosion qu’il a causée avec ses co-équipiers (cf. Fig. 9). Cette irruption de la violence guerrière dans la sphère privée est également décrite par Brandon Bryant qui, à de nombreuses reprises, fait le récit de la difficulté éprouvée au cours de sa carrière militaire à « actionner l’interrupteur qui rythmait les phases de combat et la vie civile »[44].

  Fig. 9. Photogrammes issus de Good kill (Andrew Niccol, 102’, 2014) : les procédés de rappels visuels entre le « front » et l’ « arrière » ou le passage du « cockpit à la cuisine ».

Dans le cas de 5, 000 feet is the best, ce risque de contamination du quotidien par le spectre des violences observées et perpétrées est évoqué de manière détournée par l’anecdote de l’imposture du conducteur de trains (« TRAIN FREAK »), mobilisée par Omer Fast dans la première partie de sa vidéo et qui se conclut de la manière suivante : « The moral is the same : keep your work and domestic life separate »[45]. Dans sa série d’articles évoquée précédemment, Nicola Abé évoque l’échec de la vie de couple de Brandon Bryant en le liant directement au poids moral des missions dont il était chargé[46]. Dans le film d’Andrew Niccol, le personnage de Thomas Egan fait le choix d’une version alternative de ce scénario, en se réappropriant la faculté d’arbitrer et de prioriser ses choix et en optant finalement pour une tentative de sauvetage de son couple. Dans 5, 000 feet is the best, en juxtaposant les récits et anecdotes de manière apparemment décousue, Omer Fast élargit le champ de la portée morale de son film et donne une description plurielle d’une expérience du traumatisme de guerre à distance.

Figuration du traumatisme de guerre à distance et « désorientation productive »

Le pilote de Predator anonyme dont les propos se trouvent rapportés en annexe de la version publiée du scénario de 5,000 feet is the best souligne un paradoxe qui fait écho à celui soulevé au cours de l’entretien à propos du rapport entre son activité et celle d’un pilote d’avion réellement présent en zone de guerre : « and a lot of people are like « How can you have PTSD if you weren’t actively in a war zone ? »[47]. Evaluer l’expérience de l’opérateur de drone armé et ses conséquences psychiques éventuelles selon les mêmes critères que celle d’un soldat sur le terrain est-il pertinent ? Ce postulat nous pousse logiquement à « réorienter les modes de problématisation psycho-éthiques de l’expérience guerrière »[48] et à établir la possibilité d’un état de stress post-traumatique (ESPT)[49] causé par la guerre à distance[50].

Les deux films étudiés pourraient ainsi être compris comme deux phases distinctes de la représentation des troubles psychiques caractéristiques de ce syndrome. Andrew Niccol illustre les conséquences de cet état de stress dans le présent de son personnage principal alors qu’Omer Fast, en adoptant un dispositif répondant aux canons du documentaire, fait le pari d’une construction du récit a posteriori. Les deux réalisateurs tentent de donner contour à la « blessure morale » qui a pu être évoquée à plusieurs reprises par Brandon Bryant, notamment en ces termes : « L’image que j’avais de moi-même commençait à craquer, à se disloquer »[51]. En s’inscrivant de prime abord dans une linéarité narrative, les temporalités de 5, 000 feet is the best et de Good kill sont rapidement déconstruites, par la mise en boucle[52] ou le choix d’ un montage itératif. La distorsion de ces flux de paroles et d’images, causée par l’irruption du sensible, vient illustrer le principe du « trauma turned drama » qui nourrit en partie le travail d’Omer Fast[53].

La désorientation du pilote qui confond les portes des chambres de l’hôtel où se déroule l’entretien filmé, le reflet du visage de Thomas Egan dans le miroir qu’il vient de briser, peuvent être interprétés comme autant de symboles de la souffrance morale et des méandres de l’errance traumatique qui affectent les deux personnages. Tous deux sont montrés comme agressifs face aux questions de leur entourage, avec une tendance à la dissimulation, l’un cachant un paquet de cigarettes dans le couloir de l’hôtel et l’autre une bouteille de vodka dans le placard de la salle de bains de la maison familiale (cf. Fig. 10). Le pilote de 5, 000 feet is the best fait allusion à un « stress virtuel » ressenti en opération, est victime d’étourdissements et évoque un rendez-vous médical programmé après l’interview. A la fin de la vidéo, la voix du « vrai » pilote de Predator, au visage flouté, semble rejoindre celle du premier personnage pour parler de rêves récurrents, causés par ses missions.

   Fig. 10. Photogrammes issus de 5, 000 feet is the best (Omer Fast, 30', 2011) à gauche et Good kill (Andrew Niccol, 102’, 2014) à droite : représentations symboliques de l’errance traumatique.

La logique de perpétuelle reconfiguration qui sous-tend ces deux formes visuelles mène ainsi le spectateur au cœur d’un processus réflexif qu’Omer Fast appelle pour sa part « désorientation productive »[54]. Ces partis-pris de mise en scène illustrent la construction ambivalente de la « thèse médiatique du trauma psychique des pilotes de drones »[55] qui favorise le processus de victimisation de l’opérateur de drone armé au risque de l’unilatéralité et de la dilution de la figure de l’ennemi potentiel, devenu simple silhouette dans l’œil du drone.

Les deux objets de notre étude participent donc par de multiples procédés à la construction d’une figure complexe de l’opérateur de drone armé. A travers leur analyse, c’est la question même de la légitimité des notions de « guerre », de « combattant », de « champ de bataille » ou de « front » qui est posée. D’autres dispositifs[56] se sont faits le relais de cette vision, où la responsabilité des Etats semble s’effacer derrière celle des individus. En réponse à ce récit dominant, d’autres projets tentent de dépasser l’inversion des rôles proposée ici, et prennent le parti de rétablir un contre-champ nécessaire en donnant la parole aux populations civiles des zones ciblées par les frappes des drones de l’armée américaine[57].



[1] Cf. le relevé établi par Alain Boillat, in « Le héros hollywoodien dans les mailles de la télésurveillance et dans la ligne de mire du drone », Décadrages [En ligne], 26-27, 2014, mis en ligne le 14 décembre 2015, consulté le 13 septembre 2016. URL : http://decadrages.revues.org/741

[2] Claus Gunti, « L’image automatisée entre drones et appropriation », Décadrages [En ligne], 26-27, 2014, mis en ligne le 14 décembre 2015, consulté le 13 septembre 2016. URL : http://decadrages.revues.org/743

[3] 5, 000 feet is the best a notamment été montré au Jeu de Paume à Paris, lors de l’exposition « Omer Fast. Le présent continue », du 20 octobre 2015 au 24 janvier 2016. Commissaires d’exposition : l’artiste, Laurence Sillars (Baltic Centre for Contemporary Art), Stinna Toft (KUNSTEN Museum of Modern Art) et Marina Vinyes Albes (Jeu de Paume).

[4] Festival international du film de Rotterdam (IFFR) en 2012 (dans la catégorie « court-métrage) et War Films Festival de Portsmouth en 2014.

[5] Teresa Castro, La Pensée cartographique des images. Cinéma et culture visuelle, Lyon, Aléas, 2011, p. 114 (en référence aux travaux de Paul Virilio, Guerre et cinéma I, Paris, Cahiers du cinéma, 1984).

[6] Claus Gunti, « L’image automatisée entre drones et appropriation ».

[7] Roland Barthes, « L’Effet de réel », in Communications, no 11 « Recherches sémiologiques – Le vraisemblable », 1968.

[8] Harun Farocki, « Phantom images », in Public n° 29 « New localities », 2004. Voir aussi, du même auteur,  les films « War at a distance », 54’, 2003 et  « Eye/Machine » (25’, 2001).

[9] Cet effet est également analysé par Emmanuel Siety : « le dispositif-cinéma se trouve contaminé par le dispositif-drone : vues aériennes des pavillons et du désert, véhicules sur l’autoroute comme filmés par un drone clandestin », in « Gods Kill », billet publié par le blog Drone d’idées tenu par Teresa Castro sur le site du Jeu de Paume, 3/07/2015, http://lemagazine.jeudepaume.org/blogs/teresa-castro/2015/07/03/gods-kill-par-emmanuel-siety/

[10] Pour reprendre le titre de l’exposition présentée au BAL à Paris, du 17 septembre au 18 décembre 2011. Commissaire : Jean-Yves Jouannais.

[11] Stéphane Audoin-Rouzeau, Combattre, Une anthropologie historique de la guerre moderne XIXe – XXe siècle, Paris, Editions du Seuil, 2008, p. 243.

[12] Derek Gregory, « Géographies du drone », Décadrages [En ligne], mis en ligne le 14 décembre 2015, consulté le 14/09/2016. URL : http://decadrages.revues.org/748

[13] Grégoire Chamayou, Théorie du drone, Paris, La Fabrique, 2013, p. 85.

[14] « Andrew Niccol et son Good Kill : « L’armée ne nous a pas du tout aidés » », Première [En ligne], mis en ligne le 22 avril 2015, consulté le 13/09/2016. URL : http://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Andrew-Niccol-et-son-Good-Kill-Larmee-ne-nous-pas-du-tout-aides

[15] « Ce que le 11-septembre a non pas inauguré  mais révélé, c’est que la guerre, non seulement l’attaque terroriste mais aussi la riposte des grandes puissances, a changé de forme, d’objectifs, de cibles, brouillant de plus en plus la frontière entre civil et militaire, entre le temps de la guerre et celui de la paix, entre guerre et non-guerre », in David Lescot et Laurent Véray [dir.], Les mises en scène de la guerre au XXe siècle. Théâtre et cinéma, Paris, Nouveau monde Editions, 2011 (actes du colloque international organisé par l’Université Paris Ouest-Nanterre-La Défense, qui s’est déroulé au Musée de l’armée à l’Hôtel des Invalides du 15 au 17 janvier 2009), p. 488.

[16] Grégoire Chamayou, Théorie du drone, p. 167

[17] Philippe Oliviéro, « Le corps ennemi », in Sociétés [En ligne], 2/2003 (no 80), consulté le 13 septembre 2016. URL : www.cairn.info/revue-societes-2003-2-page-51.htm.

[18] Stéphane Audoin-Rouzeau, Combattre…, p. 239

[19] Traduction : « C’est vrai ? Vous avez déjà piloté en zone de guerre ? » / « Rien qu’aujourd’hui, j’ai fait sauter six talibans au Pakistan et là, je rentre chez moi pour faire un barbecue ».

[20] Traduction : « L’interviewer – Bon, quelle est la différence entre vous et quelqu’un qui est assis dans un avion ? / Le pilote – Il n’y a aucune différence entre nous. On fait le même boulot. / L’interviewer – Mais vous n’êtes pas un vrai pilote. / Le pilote – Et alors ? Vous n’êtes pas un vrai journaliste. »

[21] Traduction : « Pourquoi portez-vous un uniforme d’aviateur si vous ne volez pas réellement dans l’atmosphère ? »

[22] Omer Fast, 5, 000 feet is the best (édité par Milena Hoegsberg et Melanie O’Brian), Berlin, Sternberg Press, 2012, 34 (scénario de la vidéo).

[23] Traduction : « Celui avec la pelle est plus jeune […] il porte une coiffe traditionnelle […] ils sont vêtus de tenues typiques des tribus du Sud ».

[24] Dawn Lim et Noah Schachtman, « Air force tells reporters : you’re not welcome at our drone base anymore », Wired, 29/11/2011 [en ligne] https://www.wired.com/2011/11/press-kept-out-of-drone-base/

[25] Cf. Giorgio Agamben, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Paris, Payot & Rivages, 2007 (traduit par Martin Rueff).

[26] Cf. aussi l’installation vidéo d’ Omer Fast intitulée The Casting (dispositif de 4 projections simultanées, 14’, 2007).

[27] Voir par exemple Ariston Anderson, « Good Kill Director Andrew Niccol Talks U.S. Drone Program, Casting Ethan Hawke », The Hollywood reporter, 10/09/2014 http://www.hollywoodreporter.com/news/good-kill-director-andrew-niccol-731830 ou Nicolas Schaller, « Good kill, un film édifiant sur l’utilisation des drones », L’Obs, 26/09/2015, http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20150423.OBS7837/good-kill-un-film-edifiant-sur-l-utilisation-des-drones.html

[28] Omer Fast, 5, 000 feet…, pp. 89-123.

[29] Nicola Abé, « Dreams in infrared » (Part. 1 « The woes of an American drone operator », Part. 2 “An unpopular job”, Part 3 « I saw men, women and children die »), in Der Spiegel [En ligne], mis en ligne le 14 décembre 2012, consulté le 13/09/2016. URL : http://www.spiegel.de/international/world/pain-continues-after-war-for-american-drone-pilot-a-872726.html traduit entre autres en français : Nicola Abé, “Drones. Un ancien « pilote » américain raconte », Courrier international [En ligne], mis en ligne le 31 octobre 2013, consulté le 13/09/2016. http://www.courrierinternational.com/article/2013/01/03/un-ancien-pilote-americain-raconte

[30] Bruno Cabanes, « Le retour du soldat au XXe siècle », Revue historique des armées [En ligne], 245, 2006, mis en ligne le 12 novembre 2008, consulté le 13 septembre 2016. URL : http://rha.revues.org/5352

[31] Christian Biet, « Eprouver la guerre au théâtre et au cinéma », in David Lescot et Laurent Véray [dir.], Les mises en scène de la guerre…, pp. 16 et 19.

[32] Cf. « The drone papers », The Interceipt, octobre 2015 https://theintercept.com/drone-papers/

[33] Cf. Tonje Hessen Schei, La guerre des drones (78’, 2014) ou encore la séquence d’ouverture du film de Robert Greenwald, Unmanned : America’s drone war (63’, 2013).

[34] Entretien dirigé par Dirk Pohlman, « The Missing Link to Brandon Bryant – former US Air Force drone operator », KenFM, 22 octobre 2015, 57’52’’ https://kenfm.de/missing-link-to-brandon-bryant-former-us-air-force-drone-operator/

[35] Il se voit ainsi décerner le Prix du lanceur d’alerte 2015 par la Vereinigung Deutscher Wissenschaftler (VDW) et la deutsche Sektion der internationalen Juristenorganisation (IALANA) en Allemagne. Cf. http://www.whistleblower-net.de/wp-content/uploads/2015/09/Presseinformation-Whistleblower- Preisverleihung-2015_150917.pdf

[36] Omer Fast, 5, 000 feet…

[37] Cf. Emmanuelle André, « Images défuntes (Z32, Avi Mograbi, 2008) », Images Re-vues [En ligne], n° 8, mis en ligne le 20 avril 2011. URL : http://imagesrevues.revues.org/486

[38] Cf. Omer Fast, CNN Concatenated, 18’, 2002.

[39] Traduction : « C’est bizarre. Imagine toi grandir en priant pour que le ciel reste gris. Ils détestent quand le ciel est bleu parce que cela leur permet de voler. Si le ciel est gris, ils ne voleront peut-être pas ».

[40] Traduction : « Je n’aime plus le ciel bleu ».  Cf. Karen Mc Veigh, « Drone strikes : tears in Congress as Pakistani family tells of mother’s death », The Guardian, 29/10/2013 https://www.theguardian.com/world/2013/oct/29/pakistan-family-drone-victim-testimony-congress

[41] Malik Cocherel, « Le film qui fâche l’armée américaine », Le Journal de Montréal, 8/05/2015, http://www.journaldemontreal.com/2015/05/08/le-film-qui-fache-larmee-americaine et « L’armée ne nous a pas du tout aidés », Première

[42] Bruno Cabanes, « Le retour du soldat… » : « le retour aux normes est aussi un retour à des normes morales. En revenant chez lui, le combattant passe du monde de la guerre où le meurtre est autorisé, et même encouragé, au monde civil où la violence est soigneusement restreinte à certaines activités comme le sport, et sévèrement punie en cas de transgression ».

[43] Roger Stahl, « What the drone saw: the cultural optics of the unmanned war », Australian Journal of International Affairs, 67: 5, 2013, pp. 659-674.

[44] Cf. notamment Tonje Hessen Schei, La guerre des drones…

[45] Traduction : « La morale est la même : ne pas mélanger travail et vie privée ».

[46] « His girlfriend broke up with him recently. She had asked him about the burden he carries, so he told her about it. But it proved to be a hardship she could neither cope with nor share ». Traduction : « Sa copine a récemment rompu avec lui. Elle l’a interrogé à propos du fardeau qu’il portait et il le lui a donc décrit, mais cette difficulté s’est révélée insurmontable pour elle », in Abé Nicola, « Dreams in infrared » (Part. 2 « An unpopular job »), Der Spiegel [En ligne], mis en ligne le 14 décembre 2012, consulté le 13/09/2016. URL : http://www.spiegel.de/international/world/pain-continues-after-war-for-american-drone-pilot-a-872726-2.html

[47] Traduction : « Et pas mal de gens demandent : « comment pouvez-vous souffrir de stress post-traumatique alors que vous n’étiez pas dans une zone de guerre ? »

[48] Cf. Grégoire Chamayou, Théorie du drone, p. 161.

[49] Terme qui s’est généralisé en psychologie militaire après le retour des soldats américains impliqués dans la guerre du Viêt-Nam. A ce sujet, voir les travaux du psychanalyste américain Mardi Jon Horowitz, Stress Response Syndromes. Personality Styles and Interventions, New-York, Jason Aronson, 1986 [1976]. Pour une distinction entre stress et trauma et une analyse des psychotraumatismes de guerre, voir également Louis Crocq, Les traumatismes psychiques de guerre, Paris, Odile Jacob, 1999.

[50] Cf. les travaux de recherche de Jean Lin Otto, cités par James Dao, « Drone pilots are found to get stress disorders much as those in combat do », The New York Times, [En ligne], mis en ligne le  22 février 2013, http://www.nytimes.com/2013/02/23/us/drone-pilots-found-to-get-stress-disorders-much-as-those-in-combat-do.html

[51] Cf. notamment Pohlman Dirk [entretien dirigé par], « The Missing Link to Brandon Bryant… » et les extraits d’entretiens avec Brandon Bryant dans le film de Tonje Hessen Schei, La guerre des drones

[52] Voir à ce sujet « La parole à… Kate Warren : Galerie-répétitions. Les boucles filmiques dans l’œuvre d’Omer Fast et d’autres artistes contemporains », Magazine du Jeu de Paume [en ligne], mis en ligne le 20 janvier 2016. URL :  http://lemagazine.jeudepaume.org/2016/01/kate-warren-omer-fast-galerie-repetitions/

[53] Omer Fast, « A multiple « I » », entretien dirigé par Joanna Fiduccia, in Uovo, n°173, 2008. En référence à son œuvre The Casting, l’artiste définit sa démarche comme suit : « I’m more intersted in terms of the way that experience is basically turned into memory and then the way that memory has become stories and the way that memories become mediated, they become recorded and broadcasted, things like this ». Traduction : « Je suis plus intéressé par la manière dont l’expérience devient mémoire, puis la mémoire se transforme en histoires, les souvenirs étant eux-mêmes médiatisés, enregistrés et diffusés, etc. »

[54] Marina Vinyes Albes, « Entretiens « Le présent continue » avec Omer Fast », Magazine du Jeu de Paume [en ligne], mis en ligne le 13 octobre 2015. URL : http://lemagazine.jeudepaume.org/2015/10/le-present-continue-avec-omer-fast/

[55] Grégoire Cahamyou, Théorie du drone, p. 155.

[56] L’ouvrage Predator. The remote-control air war over Iraq and Afghanistan : a Pilot’s Story, de Matt J. Martin et Charles W. Sasser (2010), la pièce de théâtre de George Brandt, Grounded (2013), le long-métrage de Gavin Hood Eye in the sky (2015), etc.

[57] C’est notamment le cas de certaines parties des documentaires La guerre des drones, de Tonje Hessen Schei (78’, 2014) et Unmanned : America’s drone war, de Robert Greenwald (63’, 2013), ou encore d’ initiatives d’organisations internationales et humanitaires ou de rapports de recherche tels que « Living under drones. Death, injury and trauma to civilians from US drone practices in Pakistan», International human rights and conflict résolution clinic (Stanford law School) et Global Justice Clinic (NYU School of Law), septembre 2012. URL : https://law.stanford.edu/wp-content/uploads/sites/default/files/organization/149662/doc/slspublic/Stanford-NYU-LIVING-UNDER-DRONES.pdf