Reconstitution d’une rue de Versailles au XVIII e siècle : La rue des Deux-Portes en 1744.

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Diane Pradal

Résumé
En reconstituant une rue de Versailles au XVIIIe siècle, il devient possible de s’intéresser à tous les anonymes qui y ont vécu et qui l’ont peuplée. Ce travail permet une réelle immersion dans l’intimité et le quotidien de ce petit peuplé oublié qui s’est épanoui à l’ombre du château et d’une cour royale imposante, mais qui pourtant les ont fait vivre. Cette étude aborde tant l’urbanisme versaillais et la construction des maisons, que la recherche précise de ses habitants et surtout les différents liens et les réseaux de sociabilité dont ils sont au cœur dans cette société très hiérarchisée. Le choix s’est porté sur le passage des Deux-Portes (quartier Notre-Dame) en 1744. La décennie 1740 est charnière pour la ville, ce qui se traduit par une abondance de sources exploitables qui ont permis ce voyage dans le temps…

Diane PRADAL (née en 1987), diplômée en 2010 d’un M2 en Histoire moderne à l’ Université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines. Les recherches menées en histoire sociale et culturelle à l’époque moderne ont spécialement porté sur l’étude et la reconstitution des genres de vie de la population urbaine des XVII et XVIIIe siècles, et plus principalement sur le cas versaillais.


De nombreuses études ont été menées autour du château, du phénomène de cour ou de l’urbanisme versaillais ; mais la ville et sa société durant ces siècles monarchiques restent assez méconnues. Dans ce contexte, il est intéressant de découvrir quelle vie habitait Versailles à l’ombre de sa cour. Qui étaient ces versaillais ? Comment vivait-on dans une ville royale ?

A travers l’étude spécifique d’une rue, il devient possible de redonner une identité et un passé concret à l’anonymat populaire de cette ville royale et donc de lui rendre un peu de son histoire. Une reconstitution minutieuse d’un espace réduit tel qu’est la rue des Deux-Portes, permet d’en faire un modèle représentatif de la ville dans son ensemble, dans une démarche qui implique un passage du cas particulier au général. C’est une démarche qui s’inscrit dans la micro-histoire[1], qui permet de considérer la rue d’étude tant comme un espace général et représentatif qu’un espace particulier et unique.

La rue des Deux-Portes offre des caractéristiques qui rendent possible une reconstitution la plus précise possible. Par sa taille et par son emplacement : longue d’une centaine de mètres elle relie l’aristocratique et huppée rue de la Pompe (rue Carnot actuelle) au Marché Notre-Dame et compte une douzaine de maisons ; l’échelle est humaine.

L’année 1744 reste la meilleure année pour mener cette étude, car elle marque l’explosion démographique et urbaine de Versailles qui devient un centre d’attraction dès le retour à la cour en 1722 de Louis XV. Les sources témoignent d’une surpopulation de la ville chaotique dépassant les compétences des autorités et une grande mobilité humaine. S’intéresser à cette année permet de questionner la ville à un moment où tous les problèmes urbains et sociaux sont en exergue.

Il s’agit de comprendre la rue comme un milieu de sociabilité propice pour comprendre la vie urbaine aux temps modernes, répondant encore largement aux critères de J-P Legay[2] qui définit la rue comme : « un encadrement de maisons dont les habitants ont des rapports de voisinage, de travail et de sociabilité ».

Des sources foisonnantes et diversifiées.

La reconstitution de la rue passe par plusieurs étapes et est guidée par des catégories de sources spécifiques toutes référencées aux Archives Départementales des Yvelines. Tout d’abord, la reconstitution géographique et urbaine nécessite de croiser des plans terriers de la ville à différentes époques (le Plan terrier de Marseille de 1741[3], le plan de 1737[4], et enfin le plan de 1780[5]). Ces plans permettent une identification et une localisation des maisons de la rue ainsi que de différents aménagements urbains. L’ouvrage de Jean Lagny[6] permet de définir chaque propriétaire des maisons concernées ce qui est déterminant avant la recherche dans les archives.

Le recensement de population de 1744[7], rédigé dans l’objectif d’organisation et de contrôle des habitants est la source principale. Ce document indique rue par rue, maison par maison, le nombre de foyers y habitant, le nom du chef de famille, sa profession et son origine, ce qui permet d’aborder rapidement la question du « mode d’habiter » : location, sous-location et cohabitation.

Enfin, les archives notariales[8] témoignent de la vie sociale des habitants et de toute sociabilité dans la rue. Grâce aux baux, il est possible d’obtenir des informations sur les locataires, les propriétaires, l’agencement des espaces loués, et enfin les modalités de location. Les actes et les contrats de mariage fournissent des données généalogiques des familles engagées ainsi que des précisions socio-professionnelles. Par le dépouillement de ce type de sources, il apparaît alors une logique de sociabilité insoupçonnée dans l’espace même de la rue et du quartier. Il s’agit d’un réel microcosme social que l’on peut reconstituer pour en comprendre les dynamiques surprenantes.

Enfin, les archives du bailliage de Versailles, et plus précisément les scellés du greffe[9] relatent toute affaire judiciaire de plus ou moins grande importance au sujet d’un habitant de la rue. Ce corps d’archives est globalement inexploitable car incomplet. De plus, des éléments sur la vie extérieure de la rue font défaut.

Il ne faut pas oublier que la rue s’inscrit dans un environnement urbain plus large et qu’il est nécessaire de comprendre. Pour cela, les archives de la Maison du Roi[10] fournissent des données sur toutes les questions d’urbanisme[11] et d’organisation urbaine en général.

Cet article tente donc de reconstituer la rue des Deux-Portes.

Terrain donné par le roi à Guillaume de la Roche en 1683[12], qui en le partageant avec Mathurin Lamy[13] décida d’en faire un passage habité, la rue des Deux-Portes est véritablement née quelques années avant la mort de Louis XIV et l’abandon de la ville par ses habitants. J-A Le Roi[14] précise qu’elle est longue de 91,5 mètres et large de cinq mètres, ce qui concorde avec les précisions dont nous disposons, puisqu’il s’agit d’ une « grande place de forme irrégulière ayant treize toises, deux pieds de face sur la rue de la Pompe su trente-trois toises et demi de profondeur au levant »[15]. Les différents plans de 1737 et 1741 nous révèlent une douzaine d’habitations.

I. La rue des Deux-Portes, un passage entre la rue de la Pompe et la place du marché Notre-Dame.

La réglementation urbaine qui structure Versailles a été mise en place par Louis XIV, dans un désir de modernité, de beauté et de propreté, qui rompt avec le modèle traditionnel de la ville héritée de l’époque médiévale. Les principales réglementations visaient à canaliser la libre-action des versaillais qui dépendait des autorisations accordées par les différentes autorités. On retrouve alors une règlementation qui concerne autant l’alignement des maisons[16], l’immobilité des enseignes de boutiques, la hauteur des habitations limitée à « quarante-huit pieds de hauteur et comprenant un rez-de-chaussée, trois étages égaux et une mansarde.»[17] En outre, les matériaux de construction des habitations et l’ornement des façades étaient règlementés : le bois était subtilisé par la pierre de taille ou le moellon, et les façades devaient avoir un effet « briquetay », comme en réfère la prescription de 1732 du règlement Lesueur, Grand Voyer[18] : « qu’il ne soit fait aucune face de maisons qui ne soient briquetées et rougies tant en dehors que dans les cours et jardins » pour une uniformité esthétique. La différenciation de chaque maison était possible grâce aux enseignes des boutiques qui servaient de repère alors que la numérotation des maisons ne s’officialise qu’à la fin du XVIIIe siècle.

Alors, à quoi ressemblait la rue des Deux-Portes en 1744 ?

Il est très probable qu’elle soit d’abord concernée par toutes les caractéristiques d’urbanisme évoquées ci-dessus.

Bordée de six maisons de part et d’autre, il est impossible de déterminer le nombre exact de boutiques à chacun des rez-de chaussée, les sources se contredisant sur l’espace proposé et l’occupation réelle de cet espace. Néanmoins, le recensement de 1744 témoigne d’une rue très commerçante et surpeuplée, caractérisée par une mixité sociale intense due notamment au système d’habitation.

II. Propriétaires, locataires, sous-locataires… la première condition de mixité sociale de la rue.

 

A)    Les propriétaires.

Les conditions de logement sont soumises à un régime de location et de sous-location parfois difficilement palpable qui explique la surpopulation souvent mal maîtrisée dans les villes. L’ouvrage de Lagny[19] répertorie les propriétaires de Versailles et notamment de la rue d’étude. Leur identité permet de retrouver les baux de location dans les archives notariales et d’établir la mobilité des habitants. Ces propriétaires sont en général des marchands ou des bourgeois de Versailles qui ont souvent plusieurs biens immobiliers dans la même ville. Cette multipropriété s’expliquant alors par un contexte d’explosion démographique et de très forte demande durant cette période, la spéculation immobilière versaillaise devient un véritable enjeu économique selon Emile Houth[20]. Les propriétaires urbains sont lourdement taxés, comme le stipule la déclaration royale du 29 août 1741[21] : ils sont taxés pour l’entretien des lanternes, le ramassage des boues, le toisé et s’ajoutait à cela une quittance au roi de 10% des revenus de chacune des maisons possédées. Les propriétaires de la rue des Deux-Portes appartenaient à une population aisée et dominante qui tirait un véritable profit de l’immobilier versaillais. Multipropriétaires qui accumulent et échangent leurs biens immobiliers, ils sont dans la plupart des cas peu nombreux à vivre dans la rue des Deux-Portes.

B)     La location principale.

Comme le démontre Olivier Zeller[22], un grand nombre de maisons sous l’Ancien Régime fonctionnait avec le principe de « location principale ». Le locataire principal prenait à bail sur l’ensemble de la maison qu’il habitait afin d’en sous-louer diverses parties, comme l’aurait fait un propriétaire. D’ailleurs, le locataire principal remplaçait le propriétaire en tout point lorsque celui-ci n’habitait pas la maison, ce qui est très souvent le cas. Cependant, cette mention spéciale figure rarement dans les actes de bail, et nous devons déduire une location principale à partir de la description du contenu du bail :

« Lesdits lieux sont et pourront être taxés et cotisés pour les boües, chandelles, lanternes et autres charges de ville et police. De plus, lesdits bailleurs s’engagent à faire ramoner les cheminées desdits lieux deux fois par année. […] il y avoit une cheminée dans ladite boutique qu’ils ont fait abattre, lesdits preneurs sont tenus de la rétablir à leurs frais. »[23]

Selon Daniel Roche[24], ces locataires principaux sont souvent des marchands et des artisans. En effet rue des Deux Portes, ils sont « boucher de Versailles »[25], « marchand fayencier »[26], « charcutier de Versailles »[27] ou « cabaretier »[28]. Ils appliquent le principe de la location à trois types de population :

  • Les artisans et commerçants qui concernent 54% des locataires de la rue des Deux-Portes. Trois exemples : Nicolas Nicolle tailleur pour femme, locataire de Jean-Charles Boyard, Claude Goyer, marchand fripier locataire de Pierre Ruelle, ou encore le Sieur l’Etang marchand de beurre, locataire de Pierre Sauvegrain.
  • Les « salariés » qui représentent 29% des sous-locataires dans la rue. Il s’agit du personnel de cours, commensaux, domestiques, ou journaliers de moindre extraction. On peut citer les Chevallier, domestiques du compositeur et musicien du Roy André Campra rue Dauphine.
  • Les vulnérables, qui concerneraient ici le cas récurrent des veuves. La rue des Deux- Portes en compte 13 sur 79 familles de locataires. Elles forment un « groupe social » à prendre en compte entièrement pour comprendre l’organisation sociale de la rue des Deux-Portes. Ici, elles représentent 16,4% des locataires, se mélangeant par ailleurs à l’une ou l’autre des catégories précédentes. Car dans la plupart des cas, la faible condition de la veuve du petit peuple l’oblige à travailler pour vivre : ici, seules la veuve Orangé, femme d’un chapelier[29] et donc bénéficiant sûrement des intérêts de la corporation à laquelle appartenait son défunt mari[30], et la Veuve Thérot bourgeoise de Versailles[31], peuvent vivre de leur douaire sans avoir à travailler en complément. Ces cas sont minoritaires.

Enfin, la provenance des locataires s’intègre dans l’analyse de leur profil. Nous notons ici que vingt locataires sur soixante-dix-neuf sont natifs de Versailles, ce qui représente 25% des cas, les autres venant de toute la France. Cela mérite d’être évoqué, caril s’agit en grande majorité d’une population de migrants, caractérisée par une fixation plus difficile ou moins durable en un lieu et dépendante du contexte environnant.

Selon Catherine Lecomte[32], une maison versaillaise-type de trois étages était généralement occupée par une quarantaine d’habitants, ce qui laisse supposer à une très forte densité de population par maison et par rue. Dans le cas de la rue des Deux-Portes en 1744, une maison est habitée par cinq à huit « foyers » en moyenne : la maison 189 de Nicolas Saugrain compte sept feux de locataires, tandis que celle de Jean-Baptiste Matro en compte trois, et celle de Barnabé Porchon sept. En revanche, Jacques Loison explose le taux avec quatorze foyers de locataires. Un tel entassement suppose une division de la maison en deux ou trois pièces par foyers en moyenne[33], comme le prouve le cas de Henry Mareshal, en 1747[34] qui vit dans quatre pièces :

« consistant en une boutique ayant son entrée par ladite rue, une cave sous ladite boutique, une salle ensuitte d’icelle, une cour avec un hangar estant ensuitte, une chambre et un cabinet au premier étage, une autre chambre au-dessus par laquelle on monte par une eschelle […] tel qu’en avait joüi le sieur Chaillet[35] auparavant. »

Cependant pour Catherine Lecomte, il semble que ce sur-entassement des habitants et des familles soit bien plus accentué à Versailles que ce que nous pouvons observer dans notre rue. Pour elle, « salles et chambres sont bâillées chacune à un locataire, et les dépendances et remises et les cours sont louées à la branche de locataires la plus basse : les domestiques et les journaliers ».

De tels faits ne sont pas visibles dans la rue des Deux-Portes et une fois encore le recensement de janvier 1744 en témoigne : journaliers et domestiques semblent aussi bien occuper les chambres que les salles basses : Louis Delamare est journalier et occupe une salle au fond de la cour de Jacques Loison, mais Pierre Beauvilliers, aussi journalier loue une chambre chez le même Loison ; et les Faucille, domestiques et journaliers louent chambres au troisième étage de la maison d’Antoine Regnault-Liart.

Les locataires s’engagent auprès de leur propriétaire pour un minimum de trois ans renouvelables, ce qui permet d’établir un rythme de mobilité, la durée d’engagement s’expliquant ainsi : « a donné à loyer pour trois, six, neuf ans, au choix respectif du sieur bailleur et preneur, en s’avertissant réciproquement six mois avant l’expiration du bail des trois ou six premières années »[36].

Entassement, cohabitation et mobilité sont caractéristiques des modes de vie des locataires de la rue des Deux-Portes ; mais la situation n’est pour autant pas comparable aux dires de Mercier[37], en évoquant le Paris populaire de la seconde moitié du XVIIIe siècle : « une famille entière occupe une seule chambre […] où les ustensils de cuisine roulent avec les vases de nuit. […] et tous les trois mois, les habitants changent de trou, parce qu’on les chasse faute de paiement de loyer. »

 

C)     La sous-location et le garni.

Enfin, le cas le plus difficile à aborder est celui de la sous-location et du garni, qui sont des conditions d’hébergement officieuses. Il s’agit d’un accord oral passé entre un bailleur et son locataire pour une durée plus ou moins courte : ce sont des locataires qui sous-louent leur propre espace d’habitation pour profiter de la forte demande de logement, caractéristique des décennies étudiées. N’ayant pas de trace officielle de ces sous-locataires dans les archives notariales, il est néanmoins possible de deviner leur présence dans le recensement de janvier 1744 : connaissant approximativement la structure de chaque maison de la rue des Deux-Portes, il est possible d’établir un rapport entre l’habitation et son nombre d’habitants. Le cas le plus frappant est celui de la maison 193 de Jacques Loison, qui compte quinze foyers. Dans cette habitation, prenons le cas de Félix Bourneau, cité dans le recensement de 1744 comme occupant une chambre chez Loison. Bourneau est un sous-locataire en 1744 car lorsqu’il dépose son témoignage sur l’affaire de séparation Le Sarchet[38], il déclare : « demeurer depuis deux ans ou environ chez Le Sarchet ». Le Sarchet étant lui-même locataire de Loison[39].

Autre exemple chez Pierre Gobinard, maison 192, nous savons qu’il n’y a que trois boutiques[40], mais pour quatre occupants mentionnés par le recensement de janvier 1744. Or, nous savons que Joseph Le Bourgeois et François Chaillet sont des locataires « baillés »[41], et qu’ils ont chacun « une boutique et lieux » leur appartenant. En revanche, la veuve Roumes, blanchisseuse et Jean Bardès, boulanger, doivent se partager la dernière boutique. Là encore, un exemple de sous-location semble se présenter.

Il en résulte donc une cohabitation et une densité d’occupation de l’espace extrême, répondant au constant besoin de logement de la population.

La location en garni peut être encore plus éphémère et donc moins saisissable que la sous-location évoquée plus haut. Elle concerne d’avantage une population de passage et instable, qui ne nécessite que d’un lit et d’un toit pour la nuit. Cette demande d’hébergement a poussé de nombreux habitants à louer jusqu’à des lits[42] pour quelques jours, créant ainsi le système de « garnis », complémentaire aux auberges et aux hôtelleries constamment débordées. Devant l’ampleur et le développement d’un tel marché incontrôlable, les autorités du Baillage de Versailles se sont trouvées dans l’obligation d’ouvrir un Registre des Garnis en 1775[43].

Nous ne disposons d’aucun document officiel antérieur, qui pourrait nous indiquer quels habitants de la rue des Deux-Portes étaient concernés, mais Narbonne estimait qu’en 1724 plus de quatre-cents habitants offraient des garnis[44] dont le confort de l’offre allait de deux sols par jour pour un lit, à huit sols pour deux lits[45]. Selon Daniel Roche[46], les clients des garnis seraient issus d’une population de provinciaux, en majorité masculine et célibataire ; c’est une véritable société hétéroclite de migrants à la recherche de petits emplois.

 

III. Typologie des habitants de la rue des Deux-Portes.

 

A)    La structure du foyer.

En se basant sur l’année 1744, trois catégories d’habitants se distinguent. Elles sont basées sur la structure familiale mise au point par Peter Laslett[47] différenciant la famille conjugale ou simple, des « solitaires ». Cette étude est une étape essentielle à la reconstitution de la rue. Elle se base sur les données des registres paroissiaux de la paroisse Notre-Dame 1731 à 1744[48], ainsi que des papiers de famille, tels les testaments ou les contrats de mariage. Ainsi en 1744, la rue compte :

  • 26 familles nucléaires, qui, composées d’un couple et d’une moyenne de quatre enfants représentent déjà 100 habitants dans la rue : citons deux exemples révélateurs des structures familiales représentatives : Jean-Baptiste Carrelet, locataire de Jean-Baptiste Matro[49], a au moins six enfants en 1744 : Marie-Marguerite, née en 1733[50] Gilbert, né en 1736[51], Germain né en 1737[52], Marie-Catherine née en 1738[53], Jean-Nicolas en 1739[54] et Marie-Anne en 1740[55]. Cependant, les inventaires du CGVY ne répertorient le mariage que de deux des six enfants : Gilbert en 1761 et Marie-Marguerite en 1763. Deuxième exemple leurs voisins les Nicolle, dont l’inventaire après-décès de Nicolas Nicolle en 1755[56] précise que Jean-Toussaint et Louis-Nicolas Nicolle sont les deux fils aînés « émancipés d’âge ». Viennent ensuite les deux cadets, Jeanne-Elizabeth, née en 1733 et son frère André-Denis en 1735.
  • Le couple offre une autre structure familiale. Elle est d’ailleurs plus facile d’approche que la famille nucléaire puisqu’il s’agit dans la plupart des cas de couples dont les enfants ont quitté le domicile familial, ou dans un cas moins fréquent de secondes noces souvent infécondes. Les deux cas de figure se présentent dans notre rue : dans un premier temps, les couples « âgés » semblent être les plus nombreux avec par exemple les Matro, mariés depuis 1711[57], se retrouvent seuls après le départ de leur fille cadette Louise-Marie en 1744[58]. Ils sont en outre mentionnés comme[59] : « habitant à Versailles depuis….60 ans. » Et quelques jeunes couples récemment mariés (en 1744) avec par exemple Simon Duverger, locataire de Pierre Gobinard qui s’est marié en 1744 avec Marie-Anne Camont[60], est donc pour l’instant sans enfant, tout comme Pierre Archange l’Evesque marié depuis 1743 à Marie Berrurier[61]. De la même façon, Jean-Toussaint Le Sarchet et Marie-Anne Dumoutier mariés depuis 1736[62],n’ont pas d’enfants, comme le prouve l’acte de leur séparation durant l’année 1744[63] : corps et biens sont évoqués, mais il n’y a aucune mention de quelconque descendance.
  • Les « solitaires » : veuves et célibataires. Si le premier cas a déjà été évoqué plus haut, les célibataires sont une population majoritairement jeune et masculine, comme c’est le cas de François Sevestre, un jeune serrurier de 23 ans. Mais cette catégorie de population n’exclut pas quelques femmes « émancipées d’âge », sur décision paternelle en général[64].

Citons alors « la nommée Saulnier » couturière, ou alors Marie-Geneviève Befferat, journalière déjà âgée de soixante ans[65], ou encore Jeanne Colombin, également couturière. Comme les femmes veuves elles pratiquent des petits métiers, ce qui confirme leur vulnérabilité au sein de la société qui va en général de pair avec leur mauvaise réputation[66] ; en outre cette vulnérabilité est confortée par leur solitude. Les célibataires représentent 40% des habitants de la rue. Cela peut correspondre à leur mobilité caractérisée par une certaine instabilité de leur situation économique. Nombre d’entre eux sont en effet journaliers, compagnons, ou artisans. Ici encore, il ne s’agit que de locataires dont le statut suppose l’instabilité. Daniel Roche[67] confirme cette tendance pour le cas parisien qui s’avère être ici similaire au nôtre : pour lui, plus de 70% d’entre eux sont des provinciaux au XVIIIe siècle, des hommes à 80% environ, et célibataires ayant la trentaine ou plus. Et, cette population hétéroclite de migrants est caractérisée par sa recherche de petits emplois, d’où son instabilité et sa mobilité.

B)     Mixité sociale et professionnelle dans la rue des Deux-Portes.

Aborder la société populaire de l’Ancien Régime est à bien des égards mal aisé : sa diversité culturelle, sociale et professionnelle rend impossible toute catégorisation, trop générale. En outre, si les historiens ont proposé plusieurs critères de classification, Daniel Roche[68] départage le peuple de Paris entre « salariés » et « domestiques », sans vraiment définir ce que reflètent concrètement ces notions. Elles semblent trop générales pour être applicables pour comprendre et hiérarchiser tous les habitants de la rue des Deux-Portes.

William Sewell[69] aborde cette société populaire à travers la question d’état, départageant ainsi plusieurs groupes les uns des autres. En effet, de cette manière, il propose une société composée de trois groupes dont l’état est défini par la tendance professionnelle. Son classement différencie :

  • Les « libéraux » et intellectuels.
  • Les « gens de métier » : profession commerciale ou artisanale basée sur le profit.
  • Les domestiques, et marginaux qui n’ont pas d’état.

Nous prenons le parti de nous inspirer de ces diverses approches pour distinguer les habitants en fonction de leurs professions, que nous croiserons avec le critère social dont le schéma de découpage est proposé par P. Goubert[70]. Ce dernier distingue trois catégories sociales d’habitants, englobant toute une diversité représentative de métiers. Au sommet de la hiérarchie, les classes dominantes comprenant les membres du haut-négoce et des hauts offices, souvent membres de la haute-bourgeoisie. Suivent les « médiocres », ainsi nommés jusqu’en 1750, désignant les « moyens ». Ce groupe, le plus important quantitativement, concerne les gens « ny aisés ny pauvres » de tout type de profession. Ils sont souvent propriétaires au minimum de leur lieu de travail, sont relativement instruits et alphabétisés, vivent confortablement et sont centrés sur leurs intérêts. Leur position sociale peut les mener à la reconnaissance de marguillier de leur paroisse. Pour P. Goubert, cette population est essentielle car elle représente véritablement l’intermédiaire entre les plus pauvres et plus aisés qu’ils côtoient tout aussi bien. Enfin, les classes dites dépendantes représentent les plus humbles de la ville, dans une situation instable : ils sont au mieux locataires et ont très peu de biens. Cette classe regroupe essentiellement les compagnons et apprentis, les journaliers et mains d’œuvres diversifiées.

La question de la bourgeoisie se pose néanmoins, car ce terme représente plusieurs réalités sociales. Nous distinguerons les bourgeois vivant « bourgeoisement »[71], c’est-à-dire les propriétaires fonciers, vivant confortablement de leur commerce et de leur rente, ou de leur office, de la haute-bourgeoisie appartenant aux classes urbaines dominantes.

Ainsi, interfèreront catégories professionnelles et catégories sociales, ce qui permettra d’englober tous les habitants de la rue. Le tableau qui suit résume notre démarche méthodologique dans cette partie.

1. Les « gens de métier » : le groupe le plus important.

W. Sewell[72], qui en regroupant les divers métiers du commerce et de l’artisanat, permet d’englober la part la plus importante de la population de la rue des Deux-Portes. En effet, elle concerne 36% des habitants de la rue, tous secteurs confondus. Cette population d’artisans et marchands, dont la caractéristique commune est le profit, se décline en fonction des trois groupes sociaux de P. Goubert : cette catégorie professionnelle n’est pas représentée dans la classe dite dominante, mais majoritairement chez les « médiocres » et petites gens.

Qui sont les bourgeois de Versailles et les marguilliers ?

Parmi le groupe des « médiocres » se distinguent les habitants reconnus comme « bourgeois de Versailles », dont l’essentielle particularité est le mode de vie et l’honneur de la reconnaissance sociale. Cinq appartiennent à cette vaste catégorie professionnelle et demeurant dans la rue : Jean-Charles Boyard[73], Jean-Baptiste Matro[74], Jean et Pierre Vitry[75], Jacques Loison[76] et la veuve Thérot. Cette reconnaissance sociale était dans la plupart des cas due à une réussite matérielle dans le commerce et le négoce, comme le confirme Emile Houth[77]. En effet, Jean-Baptiste Matro est recensé comme « marchand cabaretier » en 1744, Jean Vitry est « marchand de beurre » et Jacques Loison « marchand charcutier ». Ils appartiennent au secteur de l’alimentation, qui est selon Catherine Lecomte[78], particulièrement propice à la prospérité. En effet, dans un contexte de population dense et diversifiée tel qu’il est à Versailles en cette première moitié du XVIIIe siècle, les besoins quotidiens liés à la présence de la cour reflètent l’ampleur de cette demande, largement profitable aux commerçants. Les bourgeois de Versailles accèdent souvent à la notabilité de la ville lorsqu’ils sont élus marguilliers. Dans les registres de délibération de la fabrique Notre-Dame[79] (1773-1793) apparaissent Jean-Michel Vitry et Pierre Lhérault, dont les élections sont figurées en coins de page, tandis que leurs signatures valident chaque acte de la fabrique.

Les témoignages de Pierre Narbonne les concernant reflètent une réalité toute autre, remettant en cause leur supériorité : « dès qu’ils sont marguilliers, ils se croient au-dessus des autres »[80]. En outre, selon Emile Houth[81], ils avaient une réputation des plus mauvaises. Prétendant être représentants du corps général de la paroisse, ils outrepassaient toute règlementation, voir les rigueurs de la bienséance qui aurait pu les rapprocher de l’aristocratie. Peu de sources illustrent ces faits, en plus des écrits de Narbonne.

« Vivre bourgeoisement » ?

Cette population élevée par la réussite professionnelle est caractérisée par un certain confort matériel. Celui-ci est perceptible à partir de critères définissant un degré d’aisance, comme l’importance de linges, argenteries et décorations d’intérieur, ou le montant des dots fixé dans les contrats de mariage. Si nous nous référons aux caractéristiques présentées par P. Goubert, les bourgeois sont propriétaires fonciers, et demeurent confortablement à l’étage de leur maison. Ce qui est le cas des Loison, en 1749[82] qui :

  • occupent : « une chambre servant de cuisine […] une chambre ensuitte ayant vue sur cour […] la cave».La spécialisation d’une des pièces en tant que « cuisine » marque une relative aisance qui témoigne de la distinction des espaces, luxe que ne peut se permettre une famille quelconque.
  • le mobilier : de chêne et de noyer est quant à lui presque un signe de luxe comme l’affirme Daniel Roche[83]. Et : « Item un buffet en deux corps et quatre batants de bois de chesne fermant à clé, une table de bois de chesne, une chaise allant avec, et un fauteuil de bois de chesne, un miroire […] dont sa bordure à l’antique de bois de noïer […]».
  • quelques décorations de valeur :

 « la housse dudit lin compte de serge verte, gallon de soie de pareille couleur […] quatre aunes de tapisserie de points de Hongrie, […] six chaises de bois de noïer rempli de bourré couverts de tapisserie point d’Hongrie, […]neuf tableaux peints sur toille de différente grandeur […], deux autres tableaux aussy peints sur toille, représentant des portraits de famille, […] item deux rideaux de fenestre de toille blanche, huit aunes environ de tapisserie de point de Hongrie, faisant la tenture de ladite chambre, prisés six livres cy. ».

 Selon Daniel Roche, les tapisseries en point d’Angleterre ou de Hongrie coûtaient quarante livres l’aune et appartenaient aussi aux accessoires de luxe.

  • l’argenterie dont la valeur atteint trois cent cinquante-quatre livres, vingt-huit sols et seize deniers.
  • le linge corporel, à savoir : « Item vingt chemises de toille blanche partie garnies de batiste, trois coiffes de cuir, deux bonnets brodés en laine, vingt un colles de mousseline prisés le tout ensemble six livres cy. »… représente 20% de la valeur de sa garde-robe. En outre, le fait qu’il possède deux paires de souliers, des vêtements noirs, et deux perruques, confirme son appartenance à la bourgeoisie moyenne de la ville, que l’on voyait habillée sobrement et sombrement, dans les rues. Tenue vestimentaire allant de pair avec cette reconnaissance sociale, qui distinguait ce groupe social, rappelé par P. Goubert[84].

Catherine Lecomte établit une grille des richesses des habitants à partir du montant de celles-ci et de leur transmission à la descendance. En ce qui concerne les marchands bourgeois de Versailles, leurs fortunes s’élèveraient globalement entre soixante-dix mille livres et cent-mille livres, incluant ainsi tous les biens mobiliers et immobiliers possédés. Le cas Vitry illustre ce fait, sur trois contrats de mariage des enfants Vitry retrouvés. La situation financière de cette famille est perceptible ici dans l’analyse des dots attribuées aux filles et aux compensations matérielles du fils : Madeleine-Thérèse reçoit trois milles livres de dot en se mariant avec Barnabé Hoüet[85] et sa sœur Marguerite en reçoit autant pour son mariage[86]. Ce qui complète les dons des Vitry faits à leurs filles et gendres par quittance, de cinq mille livres chacune. Leur frère Jean-Michel reçoit[87] pour son mariage avec Marguerite Auzou : « […] lesdits sieur et dame Vitry donnent en don audit sieur leur fils en avancement sur leur succession la somme de six mille livres en deniers comptant». Mention complétée par : « Le sieur Vitry et sa femme, père et mère ont donné au sieur Vitry leur fils la somme de trente mille livres, suivant quittance du cinq mars 1743 ».

Ces quelques chiffres sont révélateurs de l’aisance de la famille Vitry, qui pourrait alors bien entrer dans la grille de Catherine Lecomte. En outre, nous savons leur patrimoine familial composé d’une autre maison située rue de l’Orangerie[88] en paroisse Saint-Louis, qu’ils louent au marquis de Pruyes « chevalier commandant de l’ordre du roi », pour neuf cents livres de loyer par an. Cette seconde propriété, située dans le nouveau quartier « aristocratique » de la ville permet aux Vitry d’avoir affaires avec des courtisans et d’en dégager des bénéfices relativement importants, qui complètent les revenus tirés de la location de la maison rue des Deux-Portes[89].

Nous retrouvons donc dans notre rue une bourgeoisie, qui, si elle vit bien, reste très éloignée du confort presque luxueux dont bénéficient les autres. Nous nous intéressons donc exclusivement à elle, du fait de l’absence des plus aisés, vivant dans des quartiers versaillais plus confortables comme Pierre Gobinard[90], ou même à Paris, comme Jacques Germain[91] laissant leurs propriétés rue des Deux-Portes à la simple location.

Aux bourgeois de la rue, se mélangent toute une population de commerçants et artisans entrant conformément dans le moule de cette catégorie, bien que leurs cas professionnels et leur niveau économique soient aussi divers que variés. Ils appartiennent principalement à trois secteurs professionnels que nous nous appliquerons à distinguer dans cette partie.

Le secteur du textile illustré par le cas du tailleur Nicolle : Une grande proportion d’habitants exerce une profession liée au secteur du textile dans la rue. En effet, 20 d’entre eux sont concernés au total, mais sont exclues ici les blanchisseuses et les couturières notamment qui appartiennent au groupe des marginaux des classes dépendantes. Il s’agit là des corps de métiers les plus « nobles », ancrés dans le milieu corporatif. Catherine Lecomte caractérise la rue des Deux-Portes comme une rue de tailleurs[92], et à juste titre : en plus d’un marchand fourreur et d’un marchand bonnetier[93], il y a neuf tailleurs en 1744, dont la seule distinction des uns des autres peut être la mention « pour femmes » : Nicolas Nicolle et Jean-Georges Eugenot sont tailleurs pour femmes, tandis que Jacques-Charles Payot, Pierre Archange l’Evêque, Louis Lacour, Nicolas de Curis, Pierre Houssay et Jacques-Denis Moulle sont recensés comme de simples tailleurs. Et, comme l’explique Daniel Roche[94], les métiers du textile et plus principalement les tailleurs et les merciers, appartiennent à une économie de production florissante « animée par les mécanismes de la cour, suivie de la redistribution générale de la friperie », situation illustrée par le cas versaillais. Fripiers que nous retrouvons de manière moindre dans la rue des Deux-Portes, puisque seulement[95] Claude Goyer est marchand fripier, ainsi que la veuve Gaspard. Quoiqu’il en soit, tous sont des médiocres avec les traits qui les caractérisent. L’inventaire de Nicolas Nicolle[96], tailleur pour femmes, une fois analysé, illustre le cas d’une famille de « moyens ».

  • le contenu des stocks de marchandises et d’accessoires de travail des Nicolle s’élève à deux-milles soixante-quatre livres : corsets à baleines travaillés, galons de soie et morceaux de soie de différentes couleurs, des peaux et différents types de drap. En outre, les deux cent corps achevés ou en cours témoignent de l’activité florissante du commerce des Nicolle. Cela est à ajouter à leurs cent livres de mercerie.
  • une petite baraque leur sert de boutique place du marché, tandis qu’une partie des marchandises est stockée « dans les chambres occupées par ledit Nicolle père », et le reste dans la baraque 33 de la place du marché.
  • leur intérieur : composé de quatre chambres, au deuxième étage chez Boyard (en 1755) : meubles en bois de noyer et en bois de chêne, dont une pendule au prix de quarante-huit livres. Une seconde chambre est meublée d’un lit à baldaquins, dont les oreillers sont « remplis de plumes d’oyes ». Enfin, la famille est équipée d’accessoires de toilette, ce qui est assez rare dans les couches dites « populaires » : « une fontaine de cuivre rouge, contenant cinq seaux d’eau garnys de couvercles, et anneaux et six robinets […] une seringue d’étain dans son étui de cuir bouilly […] deux petits miroires de toilette ».
  • l’argenterie des Nicolle vaut dans les mille livres.

Les Nicolle sont locataires chez Matro en 1744[97], puis chez Boyard en 1755[98]. Mais les papiers de l’inventaire témoignent que les Nicolle sont propriétaires de plusieurs baraques, qui leur servent de lieux de travail : « une baraque dans le carré, pourtour du marché aux herbes au numéro 33, à côté de la fontaine qui est vis-à-vis de la rue des Deux-Portes, plus deux autres baraques 30 et 31 l’une vue sur la rue au pain, l’autre marché aux herbes…. 2600 livres ».

Le cas Nicolle est donc tout à fait représentatif de la réussite, peut-être inattendue, d’un tailleur versaillais du XVIIIe siècle. Car Nicolas Nicolle ne sait pas signer, ce qui semble supposer qu’il est d’extraction sociale assez basse. Et, pour Benoît Garnot[99], il est vrai que si seule une minorité du peuple est alphabétisée, elle est en tous cas capable de signer. Pourtant, ce type d’ascension sociale liée à un enrichissement rapide considérable est récurrent chez les marchands versaillais.

Le secteur de l’alimentation, illustré par le cas Brissois : Le secteur du textile est largement secondé par celui de l’alimentation et de la restauration dans la rue des Deux-Portes en 1744, puisqu’elle compte douze habitants exerçant une fonction qui y est liée, soit 10% de la population de la rue. Selon Catherine Lecomte, les marchands de l’alimentaire se regroupent largement dans les pourtours du marché, ou bien dans les rues attitrées[100]. Ainsi, cela expliquerait que nous ne trouvions que deux boulangers[101] dans la rue des Deux-Portes en 1744, puisqu’elle s’ouvre sur la rue au Pain, spécialisée dans la vente de pains[102] où se regroupent spontanément les boulangers. Le recensement révèle aussi la présence de deux charcutiers[103] et un boucher[104], deux épicier[105], un laitier[106] et deux marchands de beurre, œufs et volailles[107], pour les principaux, tandis qu’André Coyson, marchand de vin et Jean-Baptiste Matro, cabaretier sont restaurateurs[108]. Tous sont reconnus en tant que « marchands » : Jean-Toussaint le Sarchet et Jacques Loison sont qualifiés de « marchand charcutier » dans l’acte de mariage de Marie-Françoise Loison[109], de même que François Chaillet, « marchand épicier », par exemple. Ce secteur est également favorable à un enrichissement et une ascension sociale. « Charles Brisois, marchand laictier » rue des Deux-Portes est fils de Charles-Louis Brisois, également marchand laitier, et épouse en 1745[110] Marie Decaux. Leur union est soldée par un don des parents Brisois de 600 livres, soit une somme à peine supérieure au montant minimum de la population moyenne, établie entre 500 et 6000 livres, selon Catherine Lecomte. Cependant, ledit Brisois loue (à la suite de son père)[111] à Antoine Regnault-Liart en 1746[112] :

« deux portions de maison situées audit Versailles rue des Deux-Portes, joignant avec trois portions occupées par le sieur Drouïn pastissier, le tout appartenant audit bailleur. […] consistantes en deux boutiques au rez-de-chaussée, deux enstresolles audessus, six chambres, deux greniers et deux caves, ainsy que lesdits lieux se comportent. Disent preneurs les biens convoités et en estre contents, pour et par eux y joüir ainsy et de même que les pères et mères dudit Brisois y ont joüi depuis plus de quinze ans. Ce bail fait moyennant la somme de sept cent cinquante livres pour et par chacune desdites trois années. »

Cette location reflète l’aisance de la famille Brisois, qui désormais se démarque de la couche moyenne : en effet, deux boutiques, huit pièces plus caves et greniers sont compris dans ce bail, pour une somme relativement importante. Ce simple marchand laitier d’origine modeste, aux conditions de vie moyenne a pu voir son commerce prospérer à la suite de celui entamé par son père et donc illustrer le cas d’une ascension économique professionnelle liée au contexte favorable de demande croissante à Versailles à cette époque.

Quincaillerie et faïence, illustrées par Lhérault et Dallemagne : Ce troisième secteur concerne les artisans tenant un commerce dans la rue des Deux-Portes et plus particulièrement aux métiers du bâtiment et de la quincaillerie et à la fabrication de la faïence. Ils sont six dans la rue à se mélanger à l’une ou l’autre de ces professions. Par exemple, Gilles Boucher et Pierre Lhérault sont tous deux tonneliers, ou alors Michel Branque, Joseph Le Bourgeois et Claude Dallemagne, marchands faïenciers. Ces travailleurs font de leur boutique un atelier, et accumulent la double fonction de créer et vendre leurs marchandises. Ils sont catégorisés dans le groupe des « médiocres », car bien que leur confort de vie soit moins évident que celui des cas évoqués plus hauts, ils sont avant tout caractérisés par leur indépendance économique, ce qui est un point fondamental de différenciation avec la couche inférieure. D’ailleurs l’inventaire de Pierre Lhérault, marchand tonnelier – quincailler en 1777[113] révèle ce moindre confort. Le défunt habitait « une chambre au premier étage, donnant vue sur rue » et le montant total de ses biens s’élève à tout juste 829 livres, ce qui correspond aux données globales de Catherine Lecomte, pour qui cette classe de métiers dépasse rarement les huit cents livres de biens. Cependant malgré ce confort de vie des plus relatifs, Geneviève Berthault, veuve Lhérault devient propriétaire en 1759 de la maison 189, dont on sait que le paiement s’étend sur plusieurs années, et dont le montant total atteint 11 685 livres[114] en 1761. En outre, Pierre Lhérault fils atteint la nomination de marguillier de la paroisse Notre-Dame en 1766[115].

Enfin, en ce qui concerne les faïenciers de la rue, nous pouvons évoquer conjointement les situations de Joseph Le Bourgeois et de Claude Dallemagne, dont le cas de l’un complète celui de l’autre. Le commerce de la faïence promet ici aussi une possibilité de prospérité rapide, la faïence étant l’indispensable matériau des ustensiles des intérieurs aisés, remplaçant petit à petit l’étain[116]. En effet, si les Loison possèdent encore de la vaisselle d’étain[117], les Nicolle ont par exemple, outre des objets d’étain[118] « une douzaine d’assiettes et de plats le tout de faïence, prisés 9 livres ». Le fonds de commerce des faïenciers était diversifié, réunissant tout article de poterie et de verre, élargissant ainsi leur potentiel de vente. En effet, la vente du fond de boutique de la veuve Chevallier, dont le défunt mari était marchand faïencier en 1750[119], mentionne : « commerce en fayence, potterie de terre, verrerie et autres ensembles ». Nous pouvons supposer que dans certains des cas il s’agissait d’artisans qui fabriquaient eux-mêmes leurs marchandises. Nous avons déjà évoqué précédemment Joseph Bourgeois, marchand faïencier, locataire de Pierre Gobinard. Son bail fait mention d’ « une petite cour en forme de magazin couverte d’ardoises, le tout de plain-pied ». Etant donné la configuration des lieux mentionnés, nous pouvons supposer qu’il occupe lui-même cet abri dans la cour, notamment pour y installer son atelier ou ses réserves de matériaux, s’il ne sous-loue pas cet espace. Le cas des marchands faïenciers peut alors illustrer la confusion que l’on peut trouver entre marchand et artisan. La rue des Deux-Portes est occupée par trois marchands faïenciers voisins en 1744 : s’il s’agit d’un chiffre globalement peu important, il dépasse tout de même le nombre de bouchers ou de boulangers dans la rue, qui sont les métiers les plus courants.

2. Compagnons et petits métiers, les classes dépendantes dans le milieu corporatif.

Dans la complexe organisation corporative, compagnons et apprentis forment les deux échelons hiérarchiques les plus bas. En découle donc une situation de dépendance dans le milieu professionnel vis-à-vis du maître, ainsi que dans la vie « domestique » liée à un niveau de vie humble voir précaire. Il en est de même pour les travailleurs des petits métiers, tels que les menuisiers et cordonniers, puis ensuite les serruriers qui appartiennent au groupe des travailleurs les plus pauvres, selon Catherine Lecomte[120], et les quelques cas atypiques des vendeurs d’images, ou vendeurs en poix… Cette catégorie sociale inclut également les petites professions féminines exercées par les veuves, qui par leur viduité, bénéficient d’une véritable reconnaissance sociale, au contraire des simples travailleuses considérées comme marginales[121]. Dans ce cas, nous pouvons citer la veuve Jean Joubain vendeuse en poix, la veuve des Essarts revendeuse en hardes tandis que la veuve Gaspard est fripière, la veuve Colas et la veuve Tessier couturières, la veuve Roumes blanchisseuse, et enfin les veuves Chartois et Massant respectivement garde-malade et herboriste. Dans tous les cas, tous sont caractérisés par leur pauvreté et leur statut de locataire, aux maigres possessions. Ils sont assez nombreux dans la rue, qui compte notamment cinq cordonniers, deux serruriers et deux menuisiers[122], deux compagnons. Si nous avons l’identité de ces habitants, nous avons retrouvé peu de sources les concernant pour approfondir leurs cas, du fait probablement qu’ils appartiennent à une des catégories les plus humbles. Tous sont logés dans un espace confiné et inconfortable : ainsi chez Loison, dans les chambres sont logés en 1744 la veuve Colas couturière, et ses voisins de palier Marc Chignard, compagnon ferblantier et Martin Routier, cordonnier. Le surnombre et la condition des habitants dans les « chambres » laissent donc très certainement supposer qu’il s’agit de sous-locataires, et le manque de sources les concernant certifie bien qu’il s’agit là d’une population pauvre, à l’avenir incertain.

3. Libéraux, commensaux et « petite cour ».

Nous prenons le parti de regrouper dans un même ensemble ceux que W. Sewell appelle les « libéraux », avec les commensaux et la « petite cour » de Newton. Ces deux secteurs professionnels sont assimilés dans une même bourgeoisie dominante, dite « active ». En outre, les profils de ces différentes professions correspondent globalement aux mêmes réalités : l’offre d’un service spécialisé répondant à une demande particulière, assurant un mode de vie plus ou moins confortable.

Seul un cas de haut-bourgeois dans la rue : Pierre Gobinard-Lamarre- de la Concye, Officier de la Reine. Il appartient à la classe urbaine dominante, propriétaire rue des Deux-Portes, et lié à certaines familles de la rue. Pierre Gobinard réunit tous les critères professionnels et matériels de cette marque sociale. Il est mentionné comme « bourgeois de Versailles » dans de nombreux actes notariés le concernant[123]. Propriétaire de la maison 192, rue des Deux-Portes, il demeure cependant rue Dauphine[124]. En outre, il a épousé Jeanne Vitry[125], fille de Pierre Vitry propriétaire d’une maison rue des Deux-Portes. L’analyse de l’inventaire après-décès de Gobinard[126] démontre l’aisance de vie de cette famille d’officiers de la reine, qui s’avère être en totale rupture avec la bourgeoisie des « médiocres » évoquée plus haut.

  • Les Gobinard habitent rue Dauphine[127] :

« une chambre au troisième étage servant de cuisine […], un cabinet à côté de la cuisine, une chambre au deuxième étage, une chambre à costé, une salle de compagnie, une chambre à costé, une chambre ensuitte, une autre chambre au même étage, une autre chambre en face, une chambre attenante, une chambre en face, une chambre attenante, une cave. »

En plus de la distinction des pièces en fonction des activités quotidiennes, l’espace est divisé en espace public et espace privé, avec la mention « salle de compagnie », par exemple. Cette distinction est caractéristiques des classes aisées du XVIIIe siècle. En outre, il est fait mention d’une écurie, ce qui témoigne de la possession onéreuse d’une voiture à chevaux.Les possessions mobilières des Gobinard s’élèvent à deux-mille cinq cent livres, tandis que leur cave réserve cent-cinquante bouteilles de vin de leur récolte de 1764[128], et un garde-manger abondant.

  • la garde-robe : Jeanne Vitry, veuve Gobinard compte plus de trente robes taillées dans les tissus les plus riches : soie, taffetas, velours et fourrures, et dont la valeur atteint deux-cent-quatre-vingt-sept livres, et deux-cent vingt livres de linges. La composition si variée de sa garde-robe témoigne de la fréquentation de cette famille avec les gens des milieux favorisés et de la haute société versaillaise, et donc une vie ponctuée de sortie et de réceptions. De plus, cette garde-robe rompt clairement avec les usages des « médiocres » vêtus sobrement et de sombre. Ici une certaine ostentation marque la distinction.

Enfin, outre leur possession immobilière rue des Deux-Portes mise en location, nous apprenons que les Gobinard possèdent entre autres[129] des terres et fermes à Thoiry et Montfort l’Amaury dont ils tirent profit, puisque sont répertoriés :

« vingt et un arpents, vingts-trois perches et demy de terres labourables, et de cinquante perches de pré, le tout situé à Thoiry […] pour la somme de six mille livres et quatre-cents livres de rente […], immeubles, maison et bastiment, fontaine, pressoir couvert, cour, jardins et enclos et autres lieux, vergers, terres et pâtures, un bois et rentes foncières situés au baillage de Montfort L’Amaury […] huit mille livres. »

Bien que Pierre Gobinard soit recensé comme « officier de la Reine », nous supposons que son confort de vie s’est amélioré grâce aux terres qu’il exploite dans les environs de Versailles. Bourgeois dit « actif » par sa fonction, il vit également de ses revenus fonciers et de ses rentes, ce qui ne peut en faire un bourgeois « oisif ». L’analyse du cas Gobinard l’a bien présenté comme un bourgeois de la haute-bourgeoisie, pleinement associé aux classes dominantes de la ville.

4. Officiers, ordinaires et libéraux de la classe moyenne.

Libéraux et commensaux sont représentés dans le groupe des « moyens ». Leur fonction et leur train de vie les font appartenir à ce groupe urbain dense de gens « ny pauvres ny aisés ». Ils sont sept dans la rue des Deux-Portes, et l’un d’entre eux, Charles Gallien, officier de la reine, bénéficie du statut de « bourgeois de Versailles » qui contribue seulement à le différencier des autres. Les libéraux de la rue, à savoir Jean-Baptiste Carrelet chirurgien, Bressier et Renaudet maîtres à danser et Jean Fayard, musicien, partagent les mêmes caractéristiques que les deux ordinaires de la musique du roi et les trois petits officiers à la cour, et la cohérence du regroupement de ces deux catégories professionnelles tient à leur dépendance étroitement directe avec les cour et autres milieux privilégiés de la ville.

Les officiers et commensaux de la cour.

Comme le rappelle W-R Newton[130], les officiers ont le statut de commensaux. Et si Guyot divise ce groupe en trois catégories[131], les officiers de notre rue semblent appartenir à la troisième, celle des « bas officiers et domestiques ». Et ce, malgré la reconnaissance que la mention d’« officier » suppose d’après Voltaire, pour qui « on n’a de considération qu’autant qu’on a acheté un office ». En effet, les officiers de la rue semblent avoir les mêmes modes de vie que les autres habitants ; au mieux locataires, ils vivent dans un espace relativement restreint, conforme aux coutumes populaires : Félix Bourneau est logé chez Le Sarchet[132] avec ses quatre enfants[133] et sa femme et Charles Gallien vit « dans les salles aux fond de la cour » chez Jacques Loison. Le cas de ces deux officiers logeant dans la rue des Deux-Portes illustre un fait bien courant à Versailles au XVIIIe : le château et ses dépendances n’ayant pas assez de logements pour son personnel, ce dernier était compensé par un « logement en argent »[134] de quatre cents livres au plus, l’obligeant à se trouver un logement modeste en ville. Cette condition que connaissent nos deux officiers prouve bien qu’ils appartiennent à la catégorie moindre des serviteurs de la cour que nous évoquions, à savoir les officiers « par quartier »[135] car la distribution des logements faisait écho à l’importance de l’office. La situation est similaire pour les deux ordinaires de la musique du roi, Simon Duverger et Guillaume Odibert, qui demeurent dans les mêmes conditions rue des Deux-Portes.

W. Sewell[136] évoque les libéraux : nous retrouvons les quelques cas atypiques de maîtres et professeurs et praticiens médicaux, que Catherine Lecomte ne mentionne pas dans son travail. Si la présence d’un chirurgien locataire, peut passer inaperçue, nous cherchons ici à expliquer la présence de ces autres métiers « atypiques » dans une rue populaire et commerçante, telle qu’est la rue des Deux-Portes. Elle pourrait se justifier d’une part par l’environnement global de la rue, et d’autre part par son voisinage immédiat. En effet, la présence de la cour, nous le savons, suppose la venue à Versailles de familles de « condition », qui dans le cercle restreint de la haute société, ne se rencontrent et tissent des liens que dans le contexte de soirées et festivités et dont musique et danse sont les composantes essentielles. Toutes les familles en ayant les moyens engageaient donc des maîtres à danser dans ce but. La rue des Deux-Portes est encastrée entre la populaire place du Marché et la rue de la Pompe où alternent commerces et hôtels. Le cas est similaire place Dauphine non loin de là. Enfin, la cour de l’hôtel de Toulouse côtoie les maisons de la rue des Deux-Portes : ainsi si la majorité des aristocrates se regroupent dans le nouveau quartier Saint-Louis, bon nombre d’entre eux sont aussi au cœur du quartier Notre-Dame. Etienne Bressier et Pierre Renaudet, maîtres à danser, travailleraient donc naturellement dans les environs immédiats de leur rue de résidence. Nous avons en effet la confirmation de ce fait : Pierre Renaudet, père de Pierre Renaudet né en 1733[137], est mentionné comme « maître de danse chez Monsieur le Comte de Toulouse ». Il peut en être de même pour Jean Fayard, joueur de violon, qui lui, est plutôt à considérer comme un virtuose se produisant lors des différentes fêtes et salons aristocratiques. Dans tous les cas, si ces trois familles vivent sans excès, elles côtoient de près les milieux les plus aisés à qui elles doivent leur relative aisance. Une fois encore, voilà des habitants indirectement dépendants de la cour et plus que jamais, ils incarnent l’intermédiaire entre deux couches de populations opposées : les humbles et la haute-société.

Enfin, il convient d’évoquer les « garçons », postillons et palefreniers, tout autant impliqués dans le système de cour que les précédents. Par exemple Pierre de Nice, postillon du roi, Pierre de l’Isle garçon d’office à la Fruiterie du Roi ou encore Roch Duche et Jean-Baptiste Desloges garçons à la Petite Ecurie. Ils appartiennent au dernier échelon de l’organisation complexe de la « petite cour » et donc de la société versaillaise. De ce fait, nous ne disposons que de très peu d’informations les concernant. Ils se mélangent aux quelques deux-cent-huit garçons d’office du roi en 1741, qu’Emile Houth décrit comme turbulents, grands consommateurs d’alcool et facilement engrenés dans la débauche des cabarets, qui depuis 1772 leur interdisent l’accès[138]. Leur proportion dans la rue des Deux-Portes n’est du reste pas négligeable. Ils illustrent plus que jamais le cas d’une population étroitement dépendante de la cour, vivant humblement en tant que locataires et bien plus souvent sous-locataires ou garnis. C’est le cas de Roch Duche, qui loue chambre(s) au troisième étage chez Regnault-Liart ; il vit avec sa femme et ses trois enfants (1741-1744)[139] dans tout au plus deux pièces.

5. « Salariés » et marginaux.

Nous employons le terme « salariés » pour désigner les travailleurs bénéficiant d’un salaire sur une durée plus ou moins stable ; il concerne donc les domestiques et les journaliers, en nombre assez important dans la rue. Ils sont mêlés à tous les autres travailleurs qui de par leur condition, sont considérés comme en marge de la société. La complexité de ce groupe tient du fait que pour les mêmes conditions de vie, cette population ne bénéficie pas toujours de (auto)-reconnaissance sociale, ce qui les exclut spontanément des cadres sociaux de la société, et les rend d’autant plus vulnérables et dépendants. C’est le cas de toutes ces femmes seules qui travaillent et qui ne sont pas protégées par la viduité ou la reconnaissance de leur conjoint. Également, les domestiques sont assimilés automatiquement à leurs maîtres[140] ce qui les rend inexistant dans la société. En somme, seuls les journaliers peuvent composer un groupe éphémère mais reconnu. Ici donc, état et vulnérabilité sociale sont étroitement liés et nourrissent toute la problématique des couches populaires exclues du cadre corporatif qui permet de garantir même au plus bas apprenti la protection du maître et la stabilité du métier. En ce sens donc, il convenait de distinguer dans cette couche « de prolétaires urbains »[141] les protégés des corporations des « marginaux » dont la réalité d’existence quotidienne, si elle est matériellement similaire, est dans le fond radicalement différente.

Le sort variable des domestiques : entre non-reconnaissance sociale et relatif confort de vie.

La rue des Deux-Portes compte quatre familles de domestiques, qui une fois de plus, concrétisent la dépendance de la classe populaire à la cour et les autres milieux privilégiés. Nous ne pouvons établir de généralité sur le milieu des domestiques, car leur situation varie en fonction de leur place, et de leurs liens avec leurs maîtres. Selon Daniel Roche[142], une partie des domestiques bénéficie de la gratuité du logement procuré par le maître, tandis qu’une part considérable loge en dehors de leur travail, et louent des chambres. C’est le cas des quatre familles de domestiques de la rue en 1744 : par exemple, Richard Oudart, cocher de monseigneur de Memond, loue chez Jacques Tajot[143] ; François Faucille, simple domestique, vit avec sa femme et ses deux enfants[144] dans de(s) chambre(s)[145] au troisième étage, chez Antoine Regnault-Liart. C’est également le cas de Jean Chevallier, domestique de Mr de Campra, « maître de musique de la Chapelle du Roy »[146] ou Paul d’Auvergnie, valet de chambre de Mr de Romanse.

Mais chaque cas est unique. Nous savons les Chevallier en très bons termes avec leur maître, M. de Campra, qui semble même avoir une figure de protecteur. En effet, dans une quittance de l’année 1744[147], nous apprenons que Jean Chevallier (ainsi qu’un autre domestique) sont les « seuls et uniques légataires universels du sieur de Campra, suivant son testament ». Jean Chevallier apparaît du reste assez cultivé puisqu’il signe cette même quittance d’une main assurée. Cela le distingue des domestiques plus ordinaires, comme pourrait l’être François Faucille dont la signature phonétique et hésitante sur les registres paroissiaux trahit une in-alphabétisation. Les Chevalier pourraient, de par leurs liens avec leur maître et protecteur Campra, appartenir aux versaillais « moyens ».

Si aucune généralité ne peut être faite en ce qui concerne ce groupe de population, il oscille entre les couches populaires les plus pauvres et les « moyens » en franchissant parfois le seuil qui délimite extrême pauvreté et mode de vie humble. En outre, nous n’avons retrouvé aucun autre document qui pourrait nous renseigner sur ces quatre familles. Nous nous fions donc aux données du recensement de janvier 1744.

Les journaliers et les petits métiers féminins : de la misère quotidienne aux marges de la société.

De la même façon, les journaliers représentent une population hétérogène. Si dans la plupart des cas il s’agit de travailleurs « journaliers » dont la précarité est due à l’instabilité de leur emploi et de la demande, il n’est pas rare de trouver des journaliers vivant mieux que la moyenne. Ils sont au nombre de six dans la rue en 1744. La première constatation que nous pouvons établir est qu’il s’agit autant d’une population masculine que féminine. En effet, la veuve François de Roy, Louis Delamarre, Pierre Beauvilliers, « ledit Robert », la veuve Faucille et Marie-Geneviève Befferat sont recensés comme journaliers. Il s’agit d’une population exclue de la propriété immobilière : tous sont locataires ou sous-locataires et encore plus souvent logés en garnis. D’ailleurs, selon Daniel Roche[148], le peuple dit « salarié », auquel appartiennent les journaliers, est locataire dans 90% des cas. Catherine Lecomte considère les journaliers comme une population de main-d’œuvre venue le plus souvent des environs campagnards de Versailles, qui ne peut réussir à vraiment évoluer. Pourtant, dans les faits de notre rue, nous comptons au moins trois journaliers natifs de Versailles même[149], tandis que les autres viennent de grandes villes, comme Paris notamment. En outre, les journaliers mèneraient une existence quasiment misérable dans bien des cas, sans vraiment de possibilité d’ascension sociale. Cela semble être le cas des femmes journalières de la rue des Deux-Portes : cette population féminine en question ne concerne que des veuves qui doivent survivre de leur condition. Elles vivent en effet humblement, ce qui illustre bien la situation de cet univers réputé difficile. Le cas de la plainte[150] portée par Marie-Angélique Gélimer, veuve Haragon, propriétaire et habitant sa maison rue des Deux-Portes contre la veuve Petit, garde-malade, locataire d’une chambre au deuxième étage pour loyer non payé est éloquent du quotidien et de la précarité de cette couche.

Cependant, le sort de ces veuves journalières est encore différent de celui des travailleuses qui exercent des petits métiers de survie qui allient mauvaises mœurs et débauche[151], en marge de la société : c’est le cas des blanchisseuses et couturières, qu’illustre le cas de Jeanne Colombin, fille majeure couturière et logée chez Lepage qui ne se marie qu’en 1745[152].

Cette étude élargit vers le bas le concept de « société » en s’intéressant aux couches inférieures et non à l’élite versaillaise[153], qui si elle n’a pas été l’objet d’étude en tant que groupe de la ville, a déjà été abordé maintes fois à travers le système de cour[154]. D’autre part, elle favorise la micro-histoire basée sur un micro-espace et une micro-société, au détriment d’une histoire quantitative et générale qui ne s’attarde pas sur toutes sortes de subtilités qui font la richesse de la micro-histoire, et qui au final nourrissent l’histoire globale. 

CONCLUSION

Grâce à la réduction de notre échelle (notre rue est quasi-insignifiante dans l’ensemble versaillais), nous avons pu mettre en évidence toute une panoplie d’éléments secondaires qui ne présentent à première vue qu’un intérêt anecdotique pour l’histoire globale, mais qui réunis ensemble, forment sa base car l’espace de la rue est alors appréhendé comme un microcosme. Il ne s’agit plus d’une simple peinture sur la vie quotidienne à Versailles au XVIIIe siècle, mais bien une réflexion qui aboutit à comprendre comment vivait le peuple de Versailles. Et c’est véritablement une nouvelle approche de la société versaillaise du XVIIIe siècle et un nouveau moyen d’aborder le quotidien de ces sociétés passées, à travers des angles d’étude pour le moins atypiques basés sur la notion d’ « espace ». La rue ainsi décomposée et analysée a redonné une identité et un passé concret à l’anonymat populaire qui composait la ville royale.

La rue est donc un espace à appréhender comme révélateur du quotidien, mais aussi comme le structurant. Dans tous les cas, cette rue d’étude se veut représentative en tous points de vue du Versailles populaire.

Il conviendrait d’élargir le sujet en définissant des réseaux de sociabilité de la micro-société de la rue pour comprendre l’organisation sociale du peuple versaillais des Lumières. Car la rue ne peut être appréhendée comme un espace coupé de son environnement. Au contraire, celui-ci fait de la rue sa particularité puisqu’elle y est totalement imbriquée. Dans l’espace d’un quartier, on ne peut considérer la population que comme un grand ensemble de gens tous liés les uns les autres par les critères principaux du voisinage, de la profession et de la famille. Ces différents liens s’entremêlant s’ajoutent au phénomène de micro-mobilité pour créer une population où tout le monde se connaît, et où chacun est un intermédiaire commun entre deux individus ; tandis que l’étendue des diverses branches familiales ancrent les familles dans un espace qu’elles finissent par s’approprier.

La rue des Deux-Portes est d’autant plus marquée par cette caractéristique qu’elle sert elle-même de passage entre deux lieux de la ville, ce qui renforce le dynamisme de ces réseaux. La reconstitution des réseaux de sociabilité lèverait le voile sur la vie dans une rue de Versailles, et confirmerait la rupture avec l’histoire quantitative et élitiste au profit d’une micro-histoire populaire.

Extrait du recensement de population de Versailles, en Janvier 1744 : la rue des Deux-Portes.

« RUE DES DEUX PORTES

97 Maison de Jean-Baptiste Matro, cabaretier à l’enseigne la rose rouge.

Lesdits Matro natifs d’Argentan, à Versailles depuis……………………….60 ans.

Chambres

Le sieur Jean-Baptiste Carrelet, chirurgien natif de Dijon …………………20

Nicolas Nicolle, tailleur pour femmes, natif du pays de Caux…………..15

Pierre Nice, postillon du roi, natif de Versailles.

98 Maison de la veuve Charles Boyard à l’enseigne de

Ladite veuve Boyard native de Paris, à Versailles depuis………………45 ans

Boutique

François Boyard, boulanger natif de Versailles.

Chambre

La veuve François De Roy, journalière native de Gapré en Normandie……….19

Michel Normand, vendeur d’images natif d’Angers, à Versailles depuis……….8 ans

La veuve Jean Joubain, vendeuse en poix, native de Versailles. 44

99 Maison de Jacques Loyson à l’enseigne de

Ledit sieur Loyson, bourgeois natif de Saint-Germain en Laye, à Versailles depuis 50ans

Boutiques

Jean Toussaint Le Sarchet, charcutier, natif de Versailles……….35

Bernabo, teinturier, natif de Chaumont,………………..25

Salles au fond de la cour

Le sieur Charles Gallien, officier de la Reine, natif de Paris…………..26

Louis Delamare, journalier, natif de Saint-Clair près Limours……………30

Gilles Boucher, tonnelier natif de Versailles……………………….40

Chambres

Félix Bourneau, officier de mesdames de France, natif de Dammary …………….15

Claude Moreau fer blanctier, natif de Sens………………………………45

Marie Agnès Rose veuve des Essarts, revendeuse de hardes, née à Versailles…………….47

Jacques Charles Paillot, tailleur, natif de Versailles………………………………….43

La veuve Colas, couturière native de Versailles………………………..33ans

Pierre Beauvilliers, journalier, natif de Versailles…………………52 ans

Jean-Baptiste Lestude, officier de monseigneur le cardinal de Tencin natif Davigné ………15

Martin Routier, cordonnier flamand…………………5

Marc Chignard, compagnon fer blanctier natif de Lieuvroy, diocèse de Sens…………..7

100 Maison du Sieur Gobinard de la Concye, officier de la Reine à l’enseigne la croix blanche

Boutiques

François Chaillet, marchand épicier, à Versailles depuis quinze ans.

Joseph Bourgeois, marchand fayencier à Versailles depuis………………..50.

Jean Bardès, boullanger, à Versailles depuis……………………9 ans

Marie Thomas veuve Roumes, blanchisseuse, native de Versailles.

Dans la cour, les salles basses et le premier étage sont occupées par André Coyson, marchand de vin, à Versailles depuis ……………………20.

Deuxième étage

Simon Duverger, ordinaire de la musique du Roy……………….30

Troisième étage

Jean Georges Egénot, tailleur pour femmes………………..11 ans.

Maison de Marie Charmé, veuve Robert, à l’enseigne de

Boutiques

Michel Branque, Marchand fayencier, natif de Versailles………….30

Pierre Lhérault, tonnelier, natif d’Argenteuil…………………..22.

Dans la cour, il y a un logement qui appartient à la veuve Arangé et qui sera cy après expliqué.

101bis bastiment au fond de la cour de la maison cy-dessus apartenant à la veuve Harangé occupé

Scavoir

1.le sieur de L’Isle, garçon d’office à la fruiterie du Roy

2.le sieur Pierre Renaudet, natif de Versailles depuis……. 42

3.Robert, journalier

Salles basses

Nicolas Desjardins, Menuisier, natif du Havre de Grâce, à Versailles de puis………….20

102 Maison du sieur Ruelle, chapelier du roy, à l’enseigne de

A présent appartenant aux huissiers Duparc

Claude Goyer, marchand fripier, natif de Goncourt près Chaumont en Bassigny à Versailles depuis 18 mois, est seul locataire.

103 Maison du sieur Saugrain à l’enseigne de

Boutiques

Le Sieur L’Etang, marchand de beurre, natif de Saint Germain, à Versailles depuis 6 ans

Jean Boivin, boucher, natif de Monaucourt en Normandie, à Versailles depuis………..9.

Chambres

Pierre l’Archange l’Evesque, tailleur d’habit, natif de fromelle près l’Isle……..2

La nommée Saulnier, couturière, native de Paris……………. 10 mois

Jacques Levasseur, tailleur, natif Dabbeville en Picardie à Versailles depuis………….4

Jean Fayard, joueur de viollon, natif Dauroux, diocèse de Mandes………..9

104 Maison du sieur Jacques Tajot, à l’enseigne de

Boutiques

Pierre Carré, marchand épicier, natif de Versailles depuis 48 ans

Nicolas Lemaut, cordonnier, natif de Versailles

François Vallery, marchand de bas, natif de Paris…………..22

Léonard Foiray, cordonnier, natif de Charleville…………………15

Louis Lacour, tailleur, natif d’Avranche…………..20

Richard Oudart, cocher de monseigneur de Memond, natif de Sedan, à Versailles depuis 4 ans

Le nommé Audry, cordonnier, natif de Versailles

La veuve Tessier, couturière, à Versailles depuis……………………..15

108 Maison du sieur Antoine Regnault Liart, receveur au domaine de Versailles, à l’enseigne de

Boutiques

Charles Brissois, laictier, natif de Versailles depuis……………….. 47

La veuve de Gaspard Barbier, fripière, native de Versailles……………..50

Premier étage

Georges Bourgeois, suisse de la garde, natif de Versailles………….29

Second étage

Louis Grenier, cordonnier, natif de Crépy en Valois…………………5

La veuve de Salomon Orangé, chapelier, native de Meulan…………40

Troisième étage

Roch Duche, garçon d’attelage à la Petite Ecurie, natif de Jouy en Josas………..29

La veuve Isaac Massant, marchande herboriste native de Versailles………………..40

Philippe François Faucille, domestique, natif de Paris………. ..14

Anne Cordier, veuve Faucille, journalière, native de Paris………………..17

Marie Hanaut, veuve Chartois, garde-malade, native de Falaise…………..25

107 Maison de Barnabé Porchon, entrepreneur des bastiments du Roy, à l’enseigne de

Et du sieur JB Lepage

Boutiques

François Morel, marchand fourreur, natif de L’en en Lanois, demeure à Versailles depuis 1 an

Michelle Gitard, veuve de Claude Suard, tourneur, native de Forges……………48

Jean-Baptiste Desloges, palfrenier à la petite écurie du Roy, natif de Champagne……….12

Guillaume Odibert, ordinaire de la musique du Roy, natif de Provence………………20

Marie Geneviève Befferat, journalière, native de Versailles………..60

Nicolas de Curis, tailleur natif de Boulogne sur mer près Calais……..20

Troisième étage

Marin Beaumont, faiseur de mathelas, natif de Houdan, à Versailles depuis…………..18 ans

106 Maison du sieur Etienne Lepage, à l’enseigne

Boutiques

Bernard La Crampe, serrurier natif de Lourdes en Biarnes, à Versailles depuis………………44 ans

Michel Moreau, fer blanctier, natif de Versailles depuis…………35

La veuve Scabre, marchande quincaillère, native de Notre-Dame de diesse à Versailles depuis………20 ans

Le premier étage est occupé par les boutiques

Deuxième étage

Pierre Houssay, tailleur, natif de Rochefort, à Versailles depuis………. 21

Jeanne Colombin, couturière, native de Versailles

Jean Chevallier, domestique de M. Campra, demeure à Versailles depuis………. 24

Troisième étage

Jacques Denis Moulle, tailleur, natif de Besançon……………………15

Paul Antoine d’Auvergnie Provençale, valet de chambre de M de Romanse, écuyer du Roy à Versailles depuis…..30

RUE DES DEUX PORTES A GAUCHE

105 Maison de Jean Vitry à l’enseigne de

Les Vitry, marchands de beurre, natifs de Vincennes, à Versailles depuis………50 ans

Boutiques

Jean Michel Vitry fils, marchand de beurre, natif de Versailles…………… 24ans

Jacques Lemaire, bonnetier, natif de Paris…………….. 25 ans

François Sevestre, serrurier, natif de Versailles…………..23 ans

Premier étage

Estienne Bressier, maître à danser, natif de Versailles………. 42 ans

Deuxième étage

La veuve Therot, bourgeoise de Versailles, native de Versailles……………62 ans »

plan du quartier notre dame

1. Reproduction du Plan Terrier de Marseille, 1741, Jacques Portier : Le quartier Notre-Dame, de la rue des Réservoirs à la Place du Marché Notre-Dame.

Archives Départementales de Saint-Quentin-Yvelines, IN-F° 140.

la rue des deux-portes

2. La rue des Deux-Portes, ibidem

Bibliographie :

Carbonnier Y., Maisons parisiennes des Lumières, Paris 2006.

Farge A., Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1972.

Houth E., Versailles aux trois visages, Lefèbvre, Versailles, 1981

Lagny J., Versailles, ses rues, le quartier Notre-Dame, Art Lys, 1992

Leconte C., La société versaillaise à l’époque de Louis XV, thèse de doctorat d’Etat, 1977.

Roche D., Le peuple de Paris, essai sur la culture populaire au XVIIIe siècle, Paris 1981.

Notes

[1]Carlo GINZBURG, Le fromage et les vers, l’univers d’un meunier au XVIe siècle, Flammarion, Paris 1980.

[2]Jean-Pierre LEGAY, La rue au Moyen-Age, Flammarion, Paris 1984.

[3]Copie de Jacques PORTIER, Terrier des Censitaires de Versailles et plans des Paroisses Notre-Dame et Saint-Louis (IN-F° 140°).

[4]Plan A 65, plan d’une partie de la ville de Versailles, de la rue Dauphine à la rue Duplessis, 1737.

[5]Terrier des censitaires de Versailles, 1789, de Jacques Portier, Poycop.

[6]Jean LAGNY, Versailles, ses rues, le quartier Notre-Dame, Versailles 1992.

[7]B4301, archives du Bailliage de Versailles : déclaration des bourgeois et habitants de Versailles par rue, janvier 1744.

[8]Cinq études de notaires versaillais dont trois pour le quartier Notre-Dame : BEKELYNCK (3E43), HUBER (3E45), et SAVOURE (3E46).

[9]Scellés du greffe de 1742 à 1755 : B 3833-B3909.

[10]B4300, Urbanisme à Versailles au XVIIIe siècle.

[11]Série 2B.

[12]Jean LAGNY, Op. Cit. 1980, p.47.

[13]Transaction entre Guillaume de la Roche et Mathurin Lamy, le 18 mars 1683 (voir Me-NERA, LVIII-149).

[14]Joseph-Adrien Le Roi, Histoire de Versailles, depuis l’origine jusqu’à nos jours, 1868.

[15]Toisé du 23 septembre 1690.

[16]Jean-Louis HARROUEL, « les fonctions de l’alignement dans l’organisme urbain », Revue Dix-Huitième Siècle, n°9, 1977 p. 135-149.

[17]B4300, Urbanisme à Versailles au XVIIIe siècle, année 1715.

[18]B4300, Urbanisme à Versailles au XVIIIe siècle, année 1732.

[19]Jean LAGNY, Op Cit., Versailles, 1992.

[20]Emile HOUTH, Versailles aux trois visages, Versailles, 1980, p. 301.

[21]Paul FROMAGEOT, RHV, 1900, Ibidem, pp. 94-123.

[22]Olivier ZELLER, « un mode d’habiter à Lyon au XVIIIe siècle, la pratique de la location principale » RHM &C, 1988/1 n°35 pp. 36- 59.

[23]Bail de 1747 entre Pierre Gobinard et Joseph LeBourgeois.

[24]Daniel ROCHE, Le peuple de Paris, 1981, pp. 52-90.

[25]Inventaire de Pierre Lhérault, 1777, Op. Cit.

[26]Bail passé entre Pierre Gobinard et Joseph Le Bourgeois, 1747, Op. Cit. / Recensement de population de janvier 1744, Op. Cit.

[27]Inventaire de Jacques Loison, 1749, Op. Cit.

[28]Contrat de mariage de Claude Dallemagne, 1746, Op. Cit.

[29]Inventaire de Salomon Orangé, Fonds HUBER.

[30]Daryl M. HAFTER, « Les veuves dans les corporations de Rouen au XVIIIe siècle », Op. Cit., Colloque de Poitiers, 1998, 2003.

[31]Recensement de population de janvier 1744, Op. Cit.

[32]Catherine LECOMTE, La société versaillaise sous Louis XV, Op. Cit. 1977, p. 355.

[33]Ibidem, pp. 347-355.

[34]Bail passé entre Pierre Gobinard et Henri Mareshal, 1747, Fonds SAVOURE.

[35]Ledit Chaillet est recensé en janvier 1744, comme locataire d’une boutique (et sous-entendu ses lieux) de Pierre Gobinard.

[36]Bail passé entre Michel Moreau et Etienne Le Page, 1746, Op. Cit.

[37]Louis-Sébastien MERCIER, Tableau de Paris, 1782, in Daniel ROCHE, Le peuple de Paris, 1980, p. 52.

[38]Archives du Bailliage, B 3848.

[39]Jean Toussaint Le Sarchet était le gendre par alliance de Jacques Loison (voir annexes). En se séparant en 1744 de sa femme, Marie-Anne Dumoutier, il laisse place vacante aux lieux occupés chez les Loison.

[40]Déclaration au domaine de Pierre Gobinard, 1736, fonds BEKELYNCK.

[41]Bail entre Pierre Gobinard et Joseph Le Bourgeois, 29 mai 1747, et Bail entre Pierre Gobinard et Henri Maréchal, Fonds SAVOURE.

[42]Paul FROMAGEOT, RHV, 1900, p. 94-123.

[43]Catherine LECOMTE, Op. Cit, pp. 347- 355.

[44]William R. NEWTON, Derrière la façade, vivre au château à Versailles au XVIIIe siècle, Perrin, p. 21.

[45]Pierre NARBONNE, Journal des règnes de Louis XIV et Louis XV.

[46]Daniel ROCHE, Op. Cit. 1980, p. 135-176.

[47]Peter LASLETT, Household and family in Past Time, Cambridge 1972.

[48]Nous recherchons exclusivement les baptêmes. En remontant jusqu’en 1731, nous pouvions avoir un réel aperçu du nombre de familles dans la rue des Deux-Portes en 1744, puisque les enfants auraient entre 0 et 15 ans.

[49]Recensement de janvier 1744, Op.Cit. / Information sur l’affaire de séparation Le Sarchet, 1744, archives du Bailliage, B3847-48.

[50]Registres paroissiaux FRNC 78/157, année 1733.

[51]Registres paroissiaux FRNC 78/157, année 1736.

[52]Registres paroissiaux FRNC 78/167, année 1737.

[53]Registres paroissiaux FRNC 78/168, année 1738.

[54]Registres paroissiaux FRNC 78/168, année 1739.

[55]Registres paroissiaux FRNC 78/168, année 1740.

[56]Fonds SAVOURE, 20 novembre 1755.

[57]Contrat de mariage entre Matro et Dindo, 1711, BEKELYNCK.

[58]Louise-Marie Matro épouse en 1744 Henri Boutard (CGVY), à la suite de sa sœur qui avait épousé Pierre-Nicolas Allain en 1736.

[59]Recensement de janvier 1744 : Op. Cit.

[60]CGVY.

[61]Ibid.

[62]Affaire de séparation de Jean-Toussaint Le Sarchet et Marie-Anne Dumoutier, 1744 : Archives du Bailliage, B3848-3849.

[63]Ibid.

[64]L’émancipation d’une fille est enregistrée par le bailliage de Versailles.

[65]Recensement de janvier 1744, Op. Cit.

[66]Arlette FARGE, Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, 1986, p. 41.

[67]Daniel ROCHE, le peuple de Paris, 1980, pp. 52-90.

[68]Ibidem.

[69]William SEWELL, Gens de métier et révolutions : le langage du travail, de l’Ancien régime à 1848, Introduction.

[70]Pierre GOUBERT, l’Ancien Régime, la société, 1979, Chapitre IX, p. 171.

[71]Pierre GOUBERT, Ibidem, p. 187.

[72]William SEWELL, Ibidem 1983, introduction.

[73]Bail entre Charles Boyard et Nicolas Thoyeres 1738, Op. Cit.

[74]Bail entre Jean-Baptiste Matro au Sieur Moreau 1743, Op. Cit.

[75]Bail entre Jean Vitry et le marquis de Pruyes 1736, Op. Cit.

[76]Recensement de population 1744, Op. Cit.

[77]Emile HOUTH, Op. Cit, 1980, pp. 323-328.

[78]Catherine LECOMTE, Op. Cit. 1977, p. 227-250.

[79]58 J2 : Délibération de la fabrique Notre-Dame (1773-17793).

[80]Pierre NARBONNE, Journal de police (1734-1746), in Emile HOUTH, Versailles aux trois visages, p. 326.

[81]Emile HOUTH. Op. Cit., 1980, pp. 326-329.

[82]Inventaire après-décès de Jacques Loison, 1749, SAVOURE.

[83]Daniel ROCHE, Op. Cit., Chapitre V, p. 177.

[84]Pierre GOUBERT, Ibidem, p. 187-188.

[85]Contrat de mariage, 4 mars 1735, fonds SAVOURE.

[86]Contrat de mariage, 18 juillet 1742, Ibid.

[87]Contrat de mariage, 10 décembre 1741, Ibid.

[88]Bail, septembre 1736, fonds SAVOURE.

[89]Dans la rue des Deux-Portes, les Vitry louent à 4 locataires et leur fils, recensement de population, Op. Cit.

[90]Inventaire de la veuve Gobinard, 12 août 1771, fonds HUBER.

[91]Testament de Jacques Germain, 20 juillet 1755, fonds BEKELYNCK.

[92]Catherine LECOMTE, Op cit., p. 227-242.

[93]Ibid.

[94]Daniel ROCHE, La culture des apparences, 1989,Chapitre XI, p. 279.

[95]Les autres fripiers de la ville se regroupant dans la rue de la friperie, (voir plan de Versailles, annexe 1)

[96]Inventaire de Nicolas Nicolle, 20 Novembre 1755, fonds SAVOURE.

[97]Recensement de population de 1744, Op. cit.

[98]Inventaire de Nicolas Nicolle, 20 Novembre 1755, SAVOURE.

[99]Benoît GARNOT, Le peuple au siècle des Lumières, échec d’un dressage culturel, 1990, p. 27.

[100]Idem friperie, rue des fripiers.

[101]François Boyard et Jean Bardès, recensement de population de 1744, Op. Cit.

[102]EVRARD Op. Cit.

[103]Jean-Toussaint le Sarchet et Jacques Loison, recensement de population de 1744, Op. Cit.

[104]Jean Boivin, Ibid.

[105]Pierre Carré et François Chaillet, Ibid.

[106]Charles Brisois, Ibid.

[107]Pierre l’Etang et Jean Vitry, Ibid.

[108]Catherine Lecomte les regroupe dans la même catégorie.

[109]Contrat de mariage, 25 mai 1742, fonds SAVOURE.

[110] Contrat de mariage entre Louis Brisois et Marie-Louise-Madeleine Decaux, 28 mai 1745, fonds SAVOURE.

[111]Bail entre Charles Brisois et Antoine Regneulat-Liart, 1746, fonds SAVOURE.

[112]Ibid.

[113] Inventaire après-décès de Pierre Lhérault, 20 novembre 1777, fonds SAVOURE.

[114]Liasse de papiers, inventaire Lhérault, Ibid.

[115] 58 J2 : Délibération de la fabrique Notre-Dame (1773-17793), feuillet 66.

[116]Daniel ROCHE, Le peuple de Paris, 1980, Chapitre V, p. 117.

[117]Inventaire de Jacques Loison, mai 1749, fonds SAVOURE.

[118]Inventaire de Nicolas Nicolle 1755, fonds SAVOURE.

[119] Vente du fond de boutique de la veuve Chevallier à Claude Dallemagne, 26 juin 1750, fonds SAVOURE.

[120]Catherine LECOMTE, Op. Cit., 1977, p. 240.

[121]Jean-Marie AUGUSTIN, « protection juridique de la veuve », Colloque de Poitiers 1998, 2003.

[122]Voir recensement de population de 1744, Op. Cit.

[123]Notamment, son inventaire après-décès, 1771, fonds HUBER.

[124]Bail entre Gobinard et Joseph Le Bourgeois, 1747, fondsSAVOURE.

[125]CGVY.

[126]Inventaire après-décès de Pierre Gobinard, 1771, fonds HUBER.

[127]Ibid.

[128]Liasse de papiers de l’inventaire, Ibid.

[129]Nous apprenons que les Gobinard possèdent également « une petite maison, grange et étable à vaches et son jardin et cour » pour cent-cinquante-six livres.

[130]William-R NEWTON, Derrière la façade, vivre au château à Versailles au XVIIIe siècle, 2008, p. 18.

[131]Ibid.

[132]Archives du Bailliage, voir affaire séparation Le Sarchet-Dumontier, Op. Cit.

[133]Registres paroissiaux : Marie-Catherine née en 1737 (FRNC 167), Catherine-Rose en 1739 (FRNC 168), Anne Victoire née en 1740 (FRNC 168) et Jean-Henri en 1742 (FRNC 169).

[134]William-R NEWTON, Derrière la façade, vivre au château à Versailles au XVIIIe siècle, Perrin p.41.

[135]Ibid p. 18.

[136]William SEWELL, Op. Cit. 1983, introduction.

[137]Registres Paroissiaux, FRNC 157, année 1733.

[138]Emile HOUTH. Op. Cit. 1980, pp. 511-521.

[139]Registre paroissiaux (1741-1744) FRNC 169.

[140]Daniel ROCHE, Le peuple de Paris, 1980. pp. 90-135.

[141]Pierre GOUBERT, Op. Cit. 1979, p. 173.

[142]Daniel ROCHE, Le peuple de Paris, 1980,pp 52-90.

[143]Recensement de population, 1744, Op. Cit.

[144]Elizabeth-Claude Faucille née en 1742 et Marguerite Faucille en 1743 FRNC 169.

[145]Recensement de 1744 Op. Cit.

[146]Ibid.

[147]Fonds SAVOURE.

[148]Daniel ROCHE, Op. Cit., 1980, pp. 52-90.

[149]Recensement de 1744, annexe 3

[150]AD, B 3849.

[151]Daniel ROCHE, La culture des apparences, 1989, p. 286.

[152]CGVY.

[153]L’histoire des élites a longtemps primé, au détriment des couches inférieures « condamnées à rester silencieuses » selon François Furet, in Carlo GINZBURG, Le fromage et les vers, 1980, p.15.

[154]Mathieu DA-VINHA, Le Versailles de Louis XIV, 1682-1715, Perrin, 2009.