Portrait d’Anne Lehoërff, historienne et archéologue spécialiste d’archéométallurgie

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Anne Lehoërff est historienne et archéologue, spécialisée en archéométallurgie. Professeur des universités à CY Cergy Paris Université, elle occupe la chaire Inex « Archéologie et Patrimoine » depuis le 1er septembre 2021. Elle s’intéresse plus particulièrement à la Protohistoire européenne, à l’artisanat, aux échanges, à l’histoire de l’archéologie. Elle préside également le Conseil national de la recherche archéologique.

Transcription du portrait d’Anne Lehoërff


Un parcours d’enseignante-chercheuse au croisement des disciplines

En préambule, pourriez-vous définir et situer la Protohistoire, chronologiquement mais également dans le champ des disciplines scientifiques ?

Vous avez de nombreuses fois exposé les raisons pour lesquelles la Protohistoire a eu, et a peut-être encore, du mal à trouver sa place parmi les sciences humaines. Outre des contextes politiques ou scientifiques défavorables, vous évoquez deux “conventions” historiques problématiques pour la reconnaissance de la Protohistoire comme cinquième période historique : l’utilisation de la datation avant et après J.-C. ainsi qu’une absence de considération de l’oralité. Quelles sont les conséquences de ces “barrières intellectuelles” pour la Protohistoire ?

Dans votre ouvrage Construire le temps (2009), vous exprimez la volonté de faire discuter des chercheurs issus de traditions et d’aires géographiques très diverses. Mais on observe en même temps une difficulté à dialoguer liée notamment à des pratiques disciplinaires trop éloignées. Vous appelez de vos vœux une véritable science de l’homme qui tiendrait ensemble histoire et archéologie, ainsi que certains pans des sciences de la nature. Pourquoi cette refondation est-elle nécessaire sur le plan scientifique malgré ses difficultés pratiques ?

Pour une éthique de l’archéologie

Vous prenez au sérieux les enjeux académiques, administratifs, institutionnels et législatifs de l’archéologie, que cela soit dans le passé (par exemple dans l’Italie du Risorgimento), au présent et pour le futur. Qu’est-ce que l’histoire de l’archéologie nous apprend sur sa pratique actuelle et sur la manière dont elle doit évoluer ?

Dans vos publications, vous rappelez que les archéologues sont « dans la société » et ont, vis-à-vis d’elle, des « responsabilités » et des « devoirs ». Comment les enjeux éthiques se sont-ils imposés dans votre activité de chercheuse ? Cela provient-il du constat de l’existence d’un impensé dans l’archéologie contemporaine ou, au contraire, de l’émergence de sensibilités nouvelles ?

Dans un chapitre du Guide des méthodes de l’archéologie, vous et vos co-auteurs reconnaissez aux archéologues un « droit », celui d’exiger la conservation des vestiges du passé une fois qu’ils ont été découverts. Jusqu’où va ce droit à la conservation des objets du passé ? Est-il seulement celui des archéologues, qui détruisent d’ailleurs certains de ces objets en les étudiant ?

Jusqu’à quel point peut-il y avoir des compromis avec les sensibilités actuelles et les diverses demandes sociales ?

L’archéologie sur la place publique : médiation, vulgarisation, enseignement

Vos travaux de paléométallurgie et d’archéologie de la guerre vous conduisent à mener des analyses techniques très élaborées, comme par exemple dans l’article  sur « les cuirasses de Marmesse », dans lequel vous reconstituez la chaîne opératoire de fabrication d’objets du Bronze final. Quelles modalités peut employer un.e archéologue pour « vulgariser » son travail et le rendre accessible au public non spécialisé sans perdre en précision et technicité ?

Vous vous êtes beaucoup intéressée à la question des musées et notamment à la manière dont on y présente, alignés, des œuvres et des objets qui nécessiteraient peut-être davantage de médiation. Dans votre article « Rencontre avec nous-mêmes », vous soulevez notamment la problématique de l’exposition du corps humain dans les musées. Les musées sont-ils un bon moyen de vulgarisation de la recherche archéologique ?

L’inconfort institutionnel dans lequel se trouve la Protohistoire, et plus largement l’archéologie, se répercute-t-il dans les programmes scolaires ? De quelle manière ?

Que pensez-vous de la formation en archéologie dispensée aux étudiants et aux professionnels en France ?

Vous nous accueillez aujourd’hui au ministère de la Culture, où se trouve le Conseil national de la recherche archéologique (CNRA). Pouvez-vous nous présenter cet organisme et la fonction que vous y occupez ?

 

 

Bibliographie sélective

2022 : Préhistoires d’Europe. De Neandertal à Vercingétorix. –40 000/–52, Paris, Belin, collection « Mondes anciens », 2016, 608 pages ; Prix Bordin de l’Institut de France, Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Institut de France 2018, nouvelle édition format compact, 2022. 

2022 : L’archéologie, Paris, Presses Universitaires de France, Collection « Que Sais-je », numéro 4122, 128 pages, nouvelle édition [2019] 2022. 

2021 : Dictionnaire amoureux de l’archéologie, Paris, Plon, 596 pages. 

2021 : « Le Conseil National de la Recherche Archéologique du XXIe siècle : enjeux pour une stratégie scientifique nationale », Xavier Delestre (dir.), Les services régionaux de l’archéologie, 1991-2021. Trente ans d’une histoire en mouvement, Éditions du patrimoine, p. 53-58. 

2020 : Le Néolithique, Paris, Presses Universitaires de France, Collection « Que Sais-je », 128 pages.

2020 : Guide des méthodes de l’archéologie, Paris, La Découverte, collection « Repères », Paris, 2002, nouvelle édition 2005, réimpression 2006, 296 pages, troisième édition augmentée et illustrée 2009, nouvelle édition, 2020, 380 pages. [avec Jean-Paul Demoule, François Giligny, Alain Schnapp]

2019 : « Rencontre avec nous-mêmes. Les restes humains en contexte archéologique », Esprit, 457, Septembre 2019, 131-142. 

2018 : Par les armes. Le jour où l’homme inventa la guerre, Paris, Belin, avril 2018, collection « Histoire », 357 pages ; Prix d’Histoire de Verdun 2018. 

2018 : « La métallurgie du bronze : techniques, usages et sociétés », Jean Guilaine, Dominique Garcia (ed.), Protohistoire de la France : quarante ans de découvertes. Néolithique, Âge du bronze, Âge du fer, Paris, Herman, 2018, p. 251-263 ; Ibid.,« Guerres et inégalités sociales à l’Âge du bronze » p. 283-295. 

2017 : (éd.), Movement, Exchange and Identity in Europe in the 2nd and 1st Millennia BC. Beyond Frontiers, Oxford, Oxbow Books, 2017 [avec Marc Talon], 304 pages. 

2012 (dir.) : Beyond Horizon. Societies of the Channel and North Sea 3500 years ago/ Par-delà l’horizon, Sociétés en Manche et mer du Nord il y a 3500 ans / Voorbij de Horizon. Samenlevingen in Kanaal en Noordzee 3500 jaren geleden, dans le cadre du projet européen « BOAT 1550 BC », Paris, Somogy, 2012. [avec la collaboration de Jean Bourgeois, Peter Clark, Marc talon]. 

2011 : Jean Guilaine, L’archéologie, science humaine, entretiens avec Anne Lehoërff, Paris, Actes Sud-Errance, 2011. 

2008 : Construire le temps. Histoire et méthodes des chronologies et calendriers des derniers millénaires avant notre ère en Europe occidentale, éditions du Centre Européen de Bibracte, Bibracte, 2008, (Bibracte 16). 

2007 : L’artisanat du bronze en Italie centrale (1200-725 avant notre ère). Le métal des dépôts volontaires, Rome, 2007, 472 pages (Bibliothèque des Écoles françaises de Rome et d’Athènes 335).

 

 

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