Les relations diplomatiques en Gaule à la fin de l’âge du Fer

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Alexis Bonnefoy

 


Résumé : Loin de l’image d’une Gaule divisée qui a longtemps prévalu, les études récentes tendent à insister sur les facteurs d’unité et les sources à notre disposition témoignent d’intenses relations diplomatiques en Gaule, entre les peuples gaulois eux-mêmes ainsi qu’avec les puissances voisines – Rome au premier plan. Nous sommes plutôt bien documentés pour la fin de l’âge du Fer, en particulier grâce au récit césarien de la guerre des Gaules mais aussi grâce aux sources numismatiques et archéologiques. L’objectif de cette étude est de proposer une première approche de la question et d’en dégager les principaux enjeux. L’un d’eux concerne la nature et le statut des acteurs qui conduisent les négociations. Les moyens employés pour mener les tractations doivent aussi être observés, tout comme les garanties apportées aux accords. Quant aux relations qui émergent du jeu diplomatique, elles sont nombreuses (coalitions, alliances, hospitalité, amitié, etc.) mais sont difficiles à définir précisément.

Mot-clés : Gaule ; âge du Fer ; diplomatie ; ambassades ; alliances.


Alexis Bonnefoy est doctorant à l’université Lumière Lyon 2 (ArAr, UMR 5138). La thèse qu’il prépare en langues, histoire et civilisations des mondes anciens sous la direction de M. Poux (université Lumière Lyon 2) et la codirection d’A. Suspène (université d’Orléans) a pour titre provisoire : Rome et les peuples gaulois du Centre-Est (IIe-Ier s. av. J.-C.) : clientélisme, amitié et traités. Approche numismatique et archéologique. Ses recherches portent sur la numismatique gauloise, en particulier l’iconographie et l’épigraphie monétaires. Depuis 2017, il est professeur certifié d’histoire-géographie et enseigne dans l’académie de Versailles.

alexis.bonnefoy@gmail.com


Introduction

La littérature ancienne ou populaire a longtemps véhiculé l’image d’une Gaule divisée que seule la conquête romaine serait parvenue à rassembler. César lui-même, dans son récit de la guerre des Gaules, appuie sur le caractère belliqueux des Gaulois, en particulier de ceux qu’il nomme les chevaliers : « Ceux-ci, quand il le faut, quand quelque guerre éclate (et avant l’arrivée de César cela arrivait à peu près chaque année, soit qu’ils prissent l’offensive, soit qu’ils eussent à se défendre), prennent tous part à la guerre […][1] ». S’il ne s’agit pas de nier les divisions et les affrontements réguliers entre les peuples gaulois, les études actuelles dressent un tout autre portait et insistent sur les nombreux facteurs d’unité[2]. Dans cette perspective, les relations diplomatiques méritent une attention particulière mais n’ont pourtant pas encore fait l’objet, dans le monde celtique, d’une analyse spécifique ni exhaustive[3].  Aujourd’hui, la diplomatie consiste en l’« action et [la] manière de représenter son pays auprès d’une nation étrangère et dans les négociations internationales » ou, plus largement, renvoie à la « politique extérieure d’un pays »[4]. Cette pratique réfère donc avant tout aux relations entretenues par des États souverains et il n’est pas surprenant que la notion ne soit apparue qu’à partir du XVIIIe siècle, où le sens du terme diploma, qui désignait au Moyen-Âge et à la Renaissance les documents officiels, s’élargit pour qualifier les traités conclus entre les souverains[5]. Dans l’antiquité, aucun terme ne renvoie à cette définition moderne de la diplomatie[6], dans la mesure où les institutions qui régissent aujourd’hui les relations internationales n’ont pas d’équivalent dans les mondes anciens[7]. Mais l’historiographie récente a dépassé cette définition très juridique et rigide de la diplomatie, centrée sur l’étude des traités, au profit d’une approche plus culturelle, portée notamment par les anthropologues et les historiens antiquisants et médiévistes[8]. Ces derniers définissent la diplomatie comme un « moyen pacifique et ponctuel de résoudre des conflits ou des tensions entre des acteurs politiques, et ce quels que soient leurs statuts »[9]. L’attention a dès lors été portée sur les pratiques diplomatiques et les acteurs intervenants dans les négociations qui font de la diplomatie un rouage important du pouvoir[10].

À Rome, en l’absence d’une institution spécialisée, ce sont avant tout les notables qui conduisent les négociations ; c’est pourquoi la diplomatie est une composante essentielle de la formation des hommes politiques dès l’époque républicaine[11]. L’article « diplomatie » de l’Encyclopédie Larousse du XIXe siècle avance que le succès de César en Gaule s’explique « en réalité moins par la supériorité de ses armes que par l’habileté de ses négociations[12] ». Cependant, il n’y a pas qu’à Rome que les élites usent des relations diplomatiques pour asseoir leur pouvoir et renforcer la domination de leur État. À bien des égards, il apparaît que les Gaulois ont recours à cet art dans les mêmes objectifs.

La question des sources, centrale pour toute étude historique, l’est d’autant plus pour la protohistoire celtique. Comment appréhender les relations diplomatiques entretenues par des peuples dont nous n’avons conservé aucun témoignage écrit direct ? Comment rendre compte de négociations qui, par définition, laissent peu de traces ? Nécessairement, il faut recourir à des textes exogènes. Pour la fin de l’âge du Fer, qui nous intéresse ici, le récit de la guerre des Gaules de César fourmille de renseignements qui permettent de mieux saisir les enjeux de la diplomatie chez les peuples gaulois. L’archéologie et la numismatique sont aussi des sources essentielles : les relations diplomatiques peuvent se traduire matériellement, par des objets ou des images.

La guerre des Gaules est non seulement un épisode très bien documenté de l’histoire gauloise, mais est aussi, par nature, un moment propice au développement de relations diplomatiques. Ces dernières s’exercent entre Rome et les Gaulois mais également entre les peuples celtiques eux-mêmes. Face à un sujet aussi vaste, cette étude ne prétend pas livrer une analyse exhaustive mais se veut avant tout une première approche. L’objectif est principalement de poser les enjeux des relations diplomatiques en Gaule à la fin de l’âge du Fer. En particulier, nous tenterons de mettre en lumière les constantes autour desquelles elles s’organisent : la prise de contact et les acteurs qui y concourent ; le déroulement des négociations et les garanties apportés aux accords ; enfin, la nature des liens qui peuvent être noués entre les individus et les peuples.

Entrer en relation : ambassades et médiateurs

Pour engager des négociations, il est indispensable d’entrer en relation avec le parti opposé. La prise de contact est menée par différents acteurs et met parfois en tension les intérêts privés et les positions officielles. Des intermédiaires peuvent aussi intervenir pour faciliter ou favoriser les négociations au profit de l’une des parties.

Le mot français ambassade désigne la « mission confiée à un agent diplomatique en vue de représenter, officiellement et en permanence, un État dans un État étranger souverain » et par extension l’« ensemble des personnes attachées à cette mission, l’ambassadeur et sa suite »[13]. Ce terme est attesté au Moyen Âge sous la forme ambasse, où il désigne la « mission officielle auprès d’un haut personnage », adaptée de l’ancien italien ambasciata. Ce dernier est emprunté à l’ancien provençal ambayssada dérivé du latin médiéval ambactia, (message), lui-même issu du gaulois *ambactos latinisé en ambactus[14].  Le mot gaulois *ambactos, littéralement « celui qui est autour » ou « serviteur, envoyé », désigne à l’origine un homme libre qui se place dans la dépendance d’un individu plus important qu’il doit notamment accompagner à la guerre[15]. Ce n’est donc ni un messager et encore moins un représentant officiel au sens où on l’entend aujourd’hui. Le terme employé par César pour désigner les ambassadeurs, qu’ils soient gaulois ou romains est le terme legatus, caractérisé par une grande polysémie[16].  Le sens actuel d’ambassade et d’ambassadeurs ne trouve pas d’équivalent dans le monde antique dans la mesure où il n’existe pas de représentation étrangère permanente dans les États. Il faut donc plutôt entendre par ces termes les missions ponctuelles envoyées auprès d’un pouvoir étranger.

De nombreuses ambassades sont ainsi attestées par les sources. Il est difficile d’évaluer le nombre de personnes qui pouvaient les constituer, les données s’avérant lacunaires. On est en revanche mieux renseigné sur leur composition. Appien décrit ainsi la délégation qui accompagne l’ambassadeur envoyé par Bituitos, chef arverne, à Cn. Domitius Ahenobarbus qui marche contre lui en 122 av. J.-C. :

« […] il était escorté de gardes (δορυφόροι) richement vêtus et de chiens. Les barbares en ces contrées ont aussi une garde de chiens. Un poète  (μουσικός) suivait, qui dans une poésie barbare chantait le roi Bitoïtos, puis les Allobroges[17], puis l’ambassadeur (πρεσβευτὴς) lui-même, leur naissance, leur courage et leurs richesses ; c’est même pour cela surtout que parmi les ambassadeurs (πρεσβευταὶ) ceux qui sont illustres emmènent avec eux des gens de cette sorte[18]. »

Le récit d’Appien met en scène une délégation somptueuse dont le but est d’impressionner l’adversaire. La présence des gardes et des chiens devait, outre assurer la sécurité, montrer la puissance de l’ambassadeur et du roi qu’il représente. Dans un autre registre, le poète (un barde ?) participe lui aussi à cette démonstration de prestige. Selon l’auteur, un tel cortège n’est pas rare et accompagne les ambassadeurs les plus illustres. Entend-il par là l’existence d’ambassadeurs réputés, si ce n’est professionnels, ou bien fait-il référence au statut du personnage, recruté parmi la noblesse ? L’importance des mots et des paroles dans le cadre d’une ambassade est également soulignée par César. Vercingétorix, pour essayer de rallier à ses causes les peuples gaulois, a ainsi recours aux « auxiliaires les plus qualifiés, ceux à qui leur éloquence habile ou leurs relations d’amitié donnaient le plus de moyens de séduction[19] ». Il n’est pas surprenant de fonder le choix des ambassadeurs sur des qualités oratoires, indispensables à la réussite des négociations.

Lorsqu’une ambassade est constituée, le choix se porte aussi plus généralement sur les notables de la cité, personnages dont César donne parfois le nom. Aux prémices de la guerre des Gaules, lorsque les Helvètes se lancent dans leur tentative de traversée du pays, plusieurs délégations sont envoyées à César. Dans un premier temps, pour l’informer de leur intention de traverser la Province, « les Helvètes lui envoient une ambassade composée des plus grands personnages de l’État (nobilissimi civitatis) et qui avait à sa tête Namméios et Verucloétios[20] ». Un peu plus tard, alors que le général franchit la Saône et marche contre eux, « ils lui envoient une ambassade : le chef en était Divico, qui avait commandé aux Helvètes dans la guerre contre Cassius[21] ». L’année suivante, en 57 av. J.-C., les Rèmes députent à César « Iccios et Andocumborios, les plus grands personnages de leur nation (primi civitatis) afin de lui dire qu’ils se plaçaient eux et tous leurs biens, sous la protection de Rome et son autorité […][22] ». Ces précisions montrent que lorsque les Gaulois ont à traiter avec l’adversaire, ils ont recours avant tout aux premiers notables de la cité. Ces derniers agissent en représentants de leurs peuples, comme Iccios et Andocumborios, mais ils sont sans doute les mieux à même de négocier étant données leur formation et leur connaissance de la situation. Iccios, par exemple, commandait la garnison de l’oppidum de Bibrax[23]. En revanche il est difficile de préciser son rôle politique au-delà d’en faire un sénateur influent, tout comme Andocumbrios[24]. Il n’en reste pas moins que cette position privilégiée lui conférait une fine maîtrise des enjeux politiques. En ce qui concerne les ambassades helvètes, Namméios et Verucloétios ne sont connus que par ce passage et il est difficile de déterminer leur statut[25]. Le choix de Divico n’est pas anodin non plus. Comme César le précise, il a été le commandant des forces helvètes (dux Heluetorium) pendant la guerre contre Cassius, au cours de laquelle le général romain est battu en 107 av. J.-C., ce qui amène à estimer l’âge de Divico entre 70 et 80 ans. Cette ancienneté fait assurément de Divico une figure respectable et pleine d’autorité, confortée par son passé de commandant victorieux[26]. Qu’il ait été spécifiquement le vainqueur de Cassius a pu également jouer dans sa désignation comme ambassadeur : le discours qu’il tient à César est en effet bien différent de celui porté par Namméios et Verucloétios. Il menace ouvertement le général romain de lui infliger une nouvelle défaite. Or les duels oratoires sont un moyen privilégié pour les élites gauloises d’accroitre leur prestige et leur honneur ; il est donc essentiel d’opposer à l’adverse un personnage qui possède toutes les qualités pour le remporter[27]. Le choix des ambassadeurs, loin d’être aléatoire, se porte donc généralement sur les notables qui exercent ou ont exercé des responsabilités au sein de la cité et maîtrisent l’art oratoire. En ce sens, le portrait des ambassadeurs gaulois ressemble à celui de leurs homologues grecs dont le profil est bien connu grâce au corpus épigraphique. A Claros, par exemple, deux inscriptions de la fin du IIe siècle av. J.-C. font l’éloge de deux citoyens, Ménippos et Polémaios de Colophon, qui ont mené, en sus de leur activité politique, une véritable carrière diplomatique en conduisant de nombreuses ambassades : elles vantent l’engagement au sein de leur cité et leurs qualités oratoires[28].

Quel que soit l’émissaire choisi, les sources montrent qu’il revêt un caractère sacré et inviolable. Il doit être traité convenablement et ne saurait faire l’objet de menaces ou d’atteintes physiques. Ce statut privilégié des ambassadeurs existe vraisemblablement depuis l’époque royale à Rome, comme le décrit Denys d’Halicarnasse[29], et repose sur le ius legatorum mentionné par César et Cicéron ainsi que sur le ius gentium auquel se réfère notamment Tite-Live[30]. Pendant la guerre des Gaules, ce droit des ambassadeurs est mis en avant par César dans l’épisode du soulèvement des Vénètes et des peuples de l’Océan en 56 av. J.-C. Ces derniers, dans l’espoir de recouvrer leurs otages, retiennent prisonniers des légats envoyés par P. Crassus pour demander du blé. Lorsque César approche pour régler le conflit, les Vénètes et les autres peuples se préparent à la guerre, alors qu’« ils se rendaient compte de la gravité de leur crime (facinus), – n’avaient-ils pas retenu et chargé de fers des ambassadeurs (legati), titre que toutes les nations ont toujours regardé comme sacré (sacer) et inviolable (inuiolatus) ? – […][31] ». C’est bien une terminologie juridique et religieuse qu’utilise ici César pour caractériser le titre d’ambassadeur. Bien qu’il emploie l’adjectif « sacer », il semble que ce soit plutôt le qualificatif sanctus qui s’applique aux ambassadeurs dans les autres sources et fassent d’eux des individus sacrés et inviolables[32]. Il n’est donc pas concevable, pour un Romain, qu’on attente à la sécurité des émissaires[33]. La gravité que constitue un pareil affront est mise en lumière par la sévérité de la sanction. C’est pourquoi, les Vénètes soumis, César « résolut de les châtier sévèrement pour qu’à l’avenir les barbares fussent plus attentifs à respecter le droit des ambassadeurs (ius legatorum). En conséquence, il fit mettre à mort tous les sénateurs et vendit le reste à l’encan[34] ». Cependant, les précisions césariennes rendent compte des mentalités romaines et on peut se demander si pour les peuples étrangers, et notamment les Gaulois, les ambassadeurs possèdent une même nature sacrée et inviolable. Dans le monde grec, il semble qu’ils fassent l’objet d’un droit et d’une protection particuliers, bien que cela ne repose pas sur un système juridique aussi solide qu’à Rome[35]. Dans son récit, César ne fait pas état de plaintes de la part des Gaulois au sujet d’ambassadeurs qui auraient été malmenés, contrairement aux otages, comme ceux remis à Arioviste[36], ce qui tendrait à montrer qu’ils ont toujours été traités avec respect. De plus, le recours à des personnages de haut rang pour négocier, comme nous l’avons illustré précédemment, soulignerait la relative confiance quant au traitement qui leur serait réservé. Cependant, la témérité dont font preuve les Vénètes avec les envoyés de P. Crassus révélerait leur méconnaissance du droit. En l’état, rien ne prouve que les Gaulois confèrent aux ambassadeurs un caractère sacré et inviolable, fondé sur des bases juridiques et religieuses, mais tout comme dans le monde grec, l’usage et un code tacite devaient garantir leur sécurité.

Il est difficile de déterminer qui prend la décision de constituer une ambassade pour délivrer une proposition à la partie adverse. La question est étroitement liée à celle des institutions et de la structuration politiques de la Gaule. Sur ce thème, l’historiographie connaît un fort renouvellement et deux tendances actuelles se dégagent. L’une d’elle, dans la veine du travail fondateur de Ch. Goudineau insiste sur le caractère segmentaire de la société gauloise et de son organisation politique[37]. Au contraire, des travaux plus récents, comme ceux de J.-L. Brunaux ou d’E. Arbabe mettent en relief les facteurs d’unité et l’existence d’un système institutionnel normalisé dont une partie est partagée par tous les peuples gaulois[38]. Dans ce cadre, E. Arbabe fait du sénat le maître de la diplomatie et de l’entrée en guerre, pour les peuples où une telle assemblée est attestée[39]. Par exemple, ce sont bien les sénats helvète et rème qui envoient des ambassades vers César dans les deux exemples évoqués précédemment. Mais dans les cités et les situations où le pouvoir est aux mains d’un individu unique, c’est probablement celui-ci qui missionne les émissaires. C’est le cas par exemple de Vercingétorix lorsqu’il députe pour rallier le plus de peuples à sa cause[40]. Par ailleurs, il apparaît assez clairement que certains notables engagent aussi en leur nom des entreprises diplomatiques pour mener à bien leurs ambitions ou leurs projets personnels. L’un des exemples les plus emblématiques est celui de Diviciacos, druide éduen mentionné à la fois dans le récit césarien et dans le De Divitatione de Cicéron[41] ainsi que dans un panégyrique de 311[42]. Ce personnage, dont la fonction précise au sein de la cité éduenne a fait l’objet de nombreux débats[43], a joué un rôle dans les événements précédant la guerre des Gaules et les premières années de celle-ci. En 61 ou 60 av. J.-C., il se rend à Rome auprès du Sénat pour demander de l’aide alors que les Éduens subissent la domination des Séquanes et de leurs alliés venus de Germanie[44]. En cela, il n’est nullement député par le Sénat éduen dont les membres ont tous remis des otages et prêté serment de soumission aux Séquanes[45]. Si dans ce cas l’initiative personnelle de Diviciacos vise à assurer la sécurité de son peuple, d’autres notables s’engagent, à l’insu de leur peuple, dans une entreprise diplomatique pour nourrir leurs ambitions personnelles. Orgétorix, que le sénat helvète charge vers 60 av. J.-C. de préparer la migration et à qui il confie le soin d’établir des relations diplomatiques avec les Séquanes et les Éduens, en profite pour renforcer son propre pouvoir[46]. Envoyé personnellement en ambassade auprès de ces peuples, il s’allie deux de leurs plus puissants notables : Casticos chez les Séquanes et Dumnorix chez les Éduens[47]. Tous les trois forment une entente qui doit les conduire à décrocher, au sein de leur cité respective, le pouvoir suprême et in fine l’hégémonie tout entière sur la Gaule. Orgétorix est cependant dénoncé au sénat helvète et, bien qu’il parvienne à éviter un procès, il est vraisemblablement conduit au suicide[48]. Dans cette même entreprise, Dumnorix fomente un accord secret entre les Séquanes et les Helvètes, les premiers autorisant le passage aux seconds, « non seulement sans l’ordre de César ni de ses concitoyens, mais encore à leur insu[49] ». Quelques années plus tard, ce sont les notables trévires qui engagent des relations diplomatiques différenciées avec César. Deux d’entre eux, Cingétorix et Indutiomaros, se disputent le pouvoir ; le premier appartenant au parti pro-romain, le second au parti opposé[50]. Alors que César approche de leur territoire, le premier vient à lui pour lui assurer sa fidélité. Au contraire, Indutiomaros prépare une révolte mais constatant que de plus en plus de notables trévires suivent l’exemple de Cingétorix, il députe lui aussi à César dans le but de le tromper sur ses véritables intentions. Cet épisode et les exemples précédents révèlent les tensions qui se font parfois jour entre les ambitions personnelles des notables gaulois et la position officielle du sénat. Ils mettent aussi en lumière l’existence, par ailleurs bien attestée, des factions rivales au sein de la société celtique, très segmentée. Or dans ce contexte, la capacité de mobilisation d’un individu joue un rôle prépondérant dans l’influence qu’il possède[51]. Les notables cherchent donc à rallier le maximum de soutien à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de leur cité. L’instrumentalisation des relations diplomatiques au profit du pouvoir d’un individu était déjà dénoncée par Polybe au IIe siècle av. J.-C. pour le monde grec[52]. Ainsi décrit-il l’action de Callicratès, chargé en 180 par l’assemblée achéenne de se rendre à Rome. Celui-ci devait annoncer qu’après délibérations, les Achéens refusaient, comme le demandait le Sénat, de rappeler des opposants lacédémoniens exilés. Mais devant les sénateurs, Callicratès annonce ne pas soutenir cette décision et délivre même des conseils pour que Rome parvienne à ses fins. Fort du soutien ainsi obtenu, il s’affirme face aux meneurs du parti anti-romain et se fait élire stratège l’année suivante. En Gaule comme en Grèce, les relations diplomatiques sont donc parfois mises à profit par les notables pour affirmer leur pouvoir, quitte à trahir la position majoritaire dans leur cité.

Dans le jeu diplomatique, on note aussi l’intervention récurrente de médiateurs, c’est-à-dire d’individus qui servent d’intermédiaires entre les deux parties dans le but de favoriser les négociations[53]. Nous pouvons inclure dans cette catégorie les interprètes. Deux passages de César y font explicitement référence. Lorsqu’il s’entretient à huit clos avec Diviciacos, « écartant ses interprètes (cotidiani interpretes) ordinaires, il a recours, pour s’entretenir avec lui, à C. Valerius Troucillus, grand personnage de la Gaule romaine, qui était son ami et en qui il avait la plus entière confiance[54] ». Deux éléments sont à remarquer. Tout d’abord, la présence habituelle auprès de César d’interprètes, indispensables en cela que les Gaulois, même les plus nobles, ne parlaient pas – ou pas suffisamment – le latin[55] et que les Romains, à l’instar des Grecs, ont toujours montré peu d’intérêt pour les langues barbares[56]. Ces interprètes disposaient vraisemblablement d’un statut officiel et bénéficiaient, au même titre que les autres fonctionnaires, d’un traitement versé par l’État[57]. Mais ici, César préfère recourir à des notables gaulois romanisés comme C. Valérius Troucillus dont le praenomen et le nomen révèlent qu’il possède la citoyenneté romaine tandis que son cognomen évoque son origine gauloise[58]. Ce choix s’explique sans doute par l’amitié qui le lie à César et la confiance que ce dernier peut lui accorder. Quant à l’origine gauloise de C. Valérius Troucillus, elle en fait aussi un fin connaisseur des problématiques locales et donc un potentiel conseiller pour le général. On retrouve un personnage semblable en la personne de Cn. Pompée, interprète auprès d’un légat de César, Q. Titurius Sabinus. Ce dernier charge Cn. Pompée d’aller prier Ambiorix, chef des Éburons, de l’épargner lui et ses hommes alors que la bataille tourne à leur défaveur[59]. Avec les deux exemples présentés, on constate donc le rôle important des traducteurs dans les relations diplomatiques, lesquels peuvent aussi se faire conseillers. Néanmoins, rien ne nous est dit sur l’existence d’interprètes ou de conseillers dans les ambassades gauloises ; peut-être composaient-ils en partie le cortège qui accompagnait les ambassadeurs. D’autres situations mettent en jeu des intermédiaires au rôle beaucoup plus significatif. Comme nous l’avons évoqué précédemment, le notable éduen Dumnorix est prié par les Helvètes d’intercéder en leur faveur auprès des Séquanes pour que ces derniers leur autorisent le passage. Le recours à Dumnorix s’explique par le fait qu’il « disposait de la plus forte influence auprès des Séquanes[60] ». Diviciacos, quant à lui, intervient au profit des Bellovaques, amis des Éduens, lorsqu’ils se soumettent à César en 57 av. J.-C., pour leur obtenir les meilleures conditions de paix possibles[61]. Le même phénomène se retrouve en 53, lorsque les Éduens intercèdent en faveur des Sénons et les Rèmes au profit des Carnutes auprès de César, après une tentative de révolte[62]. Enfin, l’un des meilleurs intermédiaires présents dans le récit césarien est sans doute l’Atrébate Commios que César envoie au cours de l’année 55 auprès des peuples bretons pour les exhorter à se placer sous la protection de Rome[63]. C’est le même Commios qui l’année suivante sert d’intermédiaire entre les ambassadeurs du chef breton Cassivellaunos et César lorsque le premier vient offrir sa reddition[64]. En 52, Commios, qui a basculé dans le camp anti-romain, use des liens d’hospitalité qui l’unissent aux Bellovaques pour obtenir d’eux qu’ils remettent des troupes à Vercingétorix[65]. On le comprend, les relations diplomatiques ne s’inscrivent pas toujours dans des rapports uniquement bilatéraux : il est fréquent qu’un ou des tiers interviennent et emploient leur influence à favoriser l’une des parties.

Les rapports diplomatiques reposent donc sur le concours de différents acteurs, en premier lieu les ambassades. Les émissaires, qui possèdent un caractère sacré et des droits reconnus, ne sont pas choisis au hasard car de leurs qualités dépend le succès des négociations. Bien que le sénat apparaisse comme maître de la diplomatie, certains notables mettent à profit les relations diplomatiques qu’ils conduisent pour mener à bien leurs ambitions personnelles. Dans le jeu diplomatique interviennent aussi des intermédiaires, qu’ils aient un rôle technique – comme les interprètes – ou qu’ils s’imposent, grâce à leur influence ou leur position privilégiée, comme la clef de voûte d’une négociation réussie entre les deux parties. Si tous ces moyens concourent à la prise de contact, il s’agit ensuite pour les acteurs de conduire les discussions et aboutir à des accords.

Mener les négociations et garantir les accords

La guerre des Gaules s’est aussi jouée sur le plan diplomatique. Le récit césarien rend compte de nombreuses négociations aux enjeux déterminants, dont les ressorts sont variés. Dans le cadre des discussions, des garanties sont apportées comme les serments et surtout les otages.

Il existe différentes formes d’échanges et de procédés diplomatiques employés par les Gaulois pendant la guerre des Gaules. La première forme est tout bonnement le strict refus de négocier avec Rome. César témoigne d’une pareille attitude de la part des Nerviens, lors de la campagne qu’il mène contre les Belges en 57 av. J-C., alors que tous les peuples voisins font soumission au général. D’après ce qu’on lui rapporte, les Nerviens, reconnus pour leur valeur guerrière et leur rudesse, auraient affirmés qu’« ils n’enverraient pas de députés et n’accepteraient aucune proposition de paix »[66]. De la même façon, pendant longtemps, ce sont les Morins et les Ménapes, peuples de la Gaule septentrionale, qui refusent d’envoyer des ambassades pour demander la paix, malgré une expédition en 56[67]. Ce n’est que plus tard, en 55 pour les Morins et en 53 pour les Ménapes, que des contacts sont établis[68]. Refuser de négocier avec César permet donc à certains peuples d’apparaître aux yeux de leurs voisins comme particulièrement inflexibles et d’affirmer leur position anti-romaine. D’autres relations sont fondées sur les menaces. On a déjà évoqué l’helvète Divico qui prédit à César une défaite s’il ose s’en prendre à son peuple, en faisait explicitement référence à celle infligée plusieurs décennies auparavant à Cassius[69]. Les Vénètes s’en prennent quant à eux à des envoyés de P. Crassus qu’ils mettent aux fers, en espérant récupérer leurs otages[70]. La pression exercée sur des prisonniers ou des otages est également employée par les Éduens, lors de leur ralliement à Vercingétorix en 52. Les otages reçus par César au cours des années précédentes étaient en effet gardés à Bibracte. Les Éduens, qui les ont à leur merci, espèrent forcer l’adhésion d’autres peuples à Vercingétorix en les soumettant au supplice[71]. Tout à l’inverse de ces moyens de pression, le ressort diplomatique le plus mis à profit sont les promesses. Orgétorix s’attire le soutien de Casticos et de Dumnorix en leur promettant que leur entreprise secrète leur conférera le pouvoir sur leur peuple puis sur la Gaule tout entière[72]. Pour rallier à lui le peuple des Allobroges, Vercingétorix emploie la même stratégie en promettant « que toute la Province lui appartiendra[73] ». Quant aux chefs allobroges, il leur promet « des sommes d’argent[74] ». L’argent est aussi promis par les Éduens pour inciter les peuples de la Gaule à rejoindre Vercingétorix[75]. Déjà avant la guerre, ce sont par des promesses que les Séquanes avaient obtenu le soutien d’Arioviste et des Germains pour s’assurer une position hégémonique en Gaule[76]. Les relations diplomatiques sont aussi mises à profit pour acquérir du secours de la part de peuples étrangers. On l’a dit, Diviciacos vient solliciter au sénat de Rome un appui face aux ravages provoqués par les Séquanes et les Germains[77] tandis que ce sont les plaintes et les appels à l’aide de la part des Éduens, à l’encontre des Helvètes, qui décident César à intervenir[78]. De la même façon, les Bituriges envoient une ambassade à César pour obtenir son aide alors que les Carnutes viennent de leur déclarer la guerre[79].  À l’inverse, les Aquitains et les Trévires, dans leur lutte contre les Romains, sollicitent par des ambassades l’appui de cités d’Espagne citérieure pour les premiers et de Germanie pour les seconds[80]. Enfin, quelques relations reposent sur d’autres intentions. En 55, les Morins députent à César pour s’excuser de leur résistance l’année précédente[81]. Par une ambassade, Indutiomaros, qui fomente une rébellion dans la cité des Trévires, feint de se soumettre à César[82]. À l’issue de la guerre contre les Helvètes, « des députés de presque toute la Gaule, qui étaient les premiers dans leur cité, vinrent féliciter César[83] ». Ainsi, les négociations ou plus largement les échanges engagés entre les peuples gaulois ou avec Rome sont de nature extrêmement variée. Ils rendent compte de la grande complexité du jeu diplomatique.

Seuls deux passages du récit de César évoquent l’existence de cadeaux diplomatiques. Le premier concerne Arioviste, le chef germain, auquel le général rappelle « les riches présents qu’on lui avait prodigués (munera amplissime missa)[84] » dans le cadre d’une relation d’amitié. Le second indique que Vercingétorix cherche « à gagner les chefs des cités encore dissidentes par des présents (dona) et des promesses[85] ». Il peut paraître surprenant qu’on ait aussi peu de mention de cadeaux dans le cadre des relations diplomatiques au cours de la guerre des Gaules. Il faut probablement envisager qu’il s’agit de détails que César n’a pas jugé bon de rapporter, si tant est qu’il en ait eu connaissance. En outre, la volonté de César d’obtenir le maximum d’otages de la part des cités gauloises, en signe de leur soumission, a certainement rendu caduque le recours à des présents. Pourtant, on ne peut pas douter de l’usage de cadeaux diplomatiques pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ces derniers, appelés keimelia, occupent une place importante dans les sociétés antiques[86]. Ensuite, la notion de réciprocité, fondée sur le don et le contre-don, est centrale dans les sociétés celtiques, notamment dans le cadre d’alliances[87]. De plus, les dépenses ostentatoires, dans lesquelles il faut probablement inscrire les présents diplomatiques, sont un élément important dans l’accroissement de l’honneur et du prestige que cherchent les grands aristocrates de la société celtique[88]. Enfin, d’autres sources témoignent plus précisément de pareilles donations. Tite-Live rapporte ainsi deux ambassades envoyées à Rome par des rois celtiques des Alpes orientales au cours de la troisième guerre de Macédoine, l’une en 170 et l’autre 169[89]. Dans les deux cas, les émissaires se voient remettre par le sénat de riches présents très semblables dans leur composition : deux torques d’or, de la vaisselle d’or (vases ou patères), un cheval équipé de phalères d’or et enfin de l’armement de cavalerie[90]. En Gaule, l’archéologie et la numismatique rendent compte de biens de prestige qui ont pu revêtir un rôle diplomatique. À Corent, oppidum arverne, une paire de fibules en or reliées par une chaînette est interprétée comme tel[91]. En outre, de nombreuses sépultures de notables gaulois ont livré des mobiliers de prestige dont certains ont pu s’inscrire dans des relations privilégiées avec Rome[92]. L’iconographie monétaire confirme le rôle joué par ce type de biens. Un statère d’or frappé dans les années 30-20 par un notable suession du nom de Criciru affiche au revers une fibule à collerette et à pied cloisonné. Ce motif, particulièrement mis en valeur et d’une grande précision témoigne sans doute d’une relation étroite entre Criciru et Rome et a pu avoir une existence réelle, à l’instar de la double-fibule découverte à Corent[93]. Les monnaies celtiques elles-mêmes, en particulier d’or, ont pu servir de cadeau diplomatique[94]. Ainsi, bien qu’il soit difficile de démontrer le caractère diplomatique d’un mobilier archéologique, les sources littéraires témoignent de l’usage de présents pour favoriser les négociations et matérialiser les accords et les alliances.

Les promesses et les accords sont souvent au cœur des négociations. Pour assurer ces engagements, deux garanties peuvent être apportées : les serments et les otages. Lorsqu’Orgétorix, Casticos et Dumnorix s’entendent pour prendre le pouvoir dans leur cité respective, ils se lient par un serment (inter se fidem et ius iurandum dant)[95]. La même expression est employée par César lorsqu’il rapporte les paroles de Diviciacos qui décrit la situation des Éduens face aux Séquanes et aux Germains : il est le seul parmi ses concitoyens à ne pas s’être engagé par un serment (ius iurandum) à ne pas aller chercher de l’aide à l’étranger[96]. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’une simple promesse. La formule ius iurandum désigne un engagement beaucoup plus fort où la parole donnée a une valeur performative et acquiert une dimension sacrée[97]. Le serment lie donc ceux qui s’engagent bien plus solidement qu’une promesse. César livre même au début du livre VII une description de la cérémonie par laquelle les Gaulois, en 52, prêtent serment de soutenir la révolte générale :

« Après ces discussions passionnées, les Carnutes déclarent que pour le salut de la patrie il n’est pas de danger qu’ils n’acceptent, et ils promettent d’être au premier rang des révoltés. « Puisque pour le moment on ne peut garantir le secret par un échange d’otages, que du moins, disent-ils, on s’engage par des serments solennels (ius iurandum), autour des étendards (militaria signa) réunis en faisceau – cérémonie qui noue, chez eux, le plus sacré des liens – à ne pas les abandonner une fois les hostilités commencées »[98]. »

Cette description montre bien le caractère solennel du serment. La présence des « étendards » dans lesquels il faut voir les enseignes dont on sait que chaque peuple, sinon chaque pagus, possédait la sienne, renforce la dimension sacrée du serment, puisque les enseignes en sont également revêtues, en cela qu’elles étaient conservées dans les sanctuaires[99]. Mais le passage cité montre aussi que le serment n’était pas le moyen privilégié pour garantir un accord, en raison sans doute de sa nature trop symbolique et peu contraignante.

L’échange d’otages est le grand ressort utilisé par les Gaulois et par César pour s’assurer le respect d’un engagement. Le phénomène est bien connu[100] et la place des otages dans la politique de César en Gaule a déjà fait l’objet d’une étude[101]. Concernant les Gaulois, tout porte à croire que cette pratique a constitué un rouage fondamental dans les relations diplomatiques qu’ils entretenaient. Plusieurs passages attestent de l’échange ou la remise d’otages entre eux[102]. Leur choix procède d’une logique spécifique[103]. Ainsi, les Séquanes avaient pris comme otages les plus nobles parmi les Éduens afin de mieux leur imposer leur hégémonie[104]. Prendre comme otage les plus proches parents d’un individu permettait aussi d’accentuer la pression exercée à son encontre. Les fils étaient bien entendu privilégiés, mais aussi les neveux car ces derniers entretenaient une relation particulière avec leur oncle[105]. Cependant, si les otages apparaissent comme le moyen le plus utilisé pour garantir les accords, les études ont montré son manque criant d’efficacité, en particulier pendant la guerre des Gaules[106]. Sauf erreur, César ne témoigne pas d’engagements rompus entre des peuples gaulois alors que des otages avaient été échangés ou remis. Bien au contraire, par exemple, les otages détenus par les Séquanes ont empêché les Éduens de solliciter une aide extérieure, si bien que seul Diviciacos, qui n’avait ni prêté serment ni remis en otages ses enfants, avait pu prendre le risque de se rendre à Rome[107]. Il est intéressant de corréler cette observation à celle du traitement réservé aux otages. Pour M. J. Moscovich, ce qui explique le peu d’efficacité des prises d’otages par César est le traitement privilégié dont ils faisaient l’objet, au nom d’une vraisemblable sacro-sainteté à l’image de celle dont bénéficiaient les ambassadeurs[108]. Or les seules mentions de menace ou de torture à l’encontre d’otages présentes dans le récit césarien concernent les otages détenus par des peuples gaulois ou germains : le fils et le neveu d’Ambiorix, remis aux Atuatuques, sont jetés aux fers[109], les Éduens menacent les otages de plusieurs cités détenus à Bibracte[110] et Arioviste se livre à des cruautés sur les enfants remis par les Éduens[111]. On peut y voir une déformation de la réalité qui permettrait à César de dépeindre ces adversaires comme des barbares qui mépriseraient le ius gentium. Mais il est aussi possible de considérer que les Gaulois n’hésitaient effectivement pas à porter atteinte aux otages pour faire pression sur ceux qui les avaient remis. Au-delà de la question de l’efficacité des otages comme garantie d’un accord il faut souligner le rouage essentiel qu’ils constituent dans la politique extérieure de Rome. Il a été ainsi démontré que les otages, souvent recrutés parmi les jeunes de l’aristocratie, étaient envoyés en Italie pour recevoir une éducation romaine auprès des grandes familles de la nobilitas[112]. Une fois adultes et romanisés, ces otages étaient amenés à jouer un rôle important dans leur État d’origine, parfois même à leur tête ; les liens tissés avec Rome devant assurer des relations pacifiées. Les exemples sont nombreux pour le monde grec, avec en particulier celui d’Antiochos IV Epiphanes de Syrie, otage à Rome de 188 à 176/5 jusqu’à ce qu’il monte sur le trône. Des indices laissent penser que des notables celtiques ont pu eux aussi recevoir dans leur jeunesse une éducation romaine avant d’assurer les plus hautes charges dans leur cité d’origine. J. Creighton émet cette hypothèse pour les rois bretons Tincomarus, Epatticus et Verica, descendants de Commios l’Atrébate, en se fondant sur l’analyse de leur monnayage dont l’iconographie reprend les grands thèmes de l’imagerie augustéenne[113]. Pour les mêmes raisons, P.-M. Guihard soupçonne que Pixtilos, notable carnute, fit partie de ces otages romanisés pendant leur jeunesse[114]. Les otages ne sont pas seulement des garanties apportées dans le cadre d’un accord, ils sont aussi au cœur des stratégies de politiques extérieures.

Les négociations conduites dans le cadre des relations diplomatiques sont donc complexes et mettent en jeu un ensemble de stratégies comme les promesses, les menaces ou encore les présents diplomatiques. Le recours à des garanties apparaît comme indispensable face à des engagements qui ne reposent que sur la parole donnée. Les serments et les otages permettent ainsi de conférer davantage de solidité aux liens établis.

Des liens entre les individus et les peuples

 Les relations diplomatiques constituent de véritables réseaux qui structurent les rapports entre les protagonistes de la guerre des Gaules. Il n’est pas toujours aisé d’en saisir tous les enjeux et les variations ; on note toutefois un certain nombre de constantes.

Les coalitions sont probablement les accords diplomatiques les plus évidents. Elles consistent en l’alliance militaire de plusieurs peuples pour faire face à une menace commune. E. Arbabe a recensé toutes celles connues : on en compte près d’une dizaine[115]. Ces coalitions s’établissent à des échelles variables, la plus importante impliquant la Gaule tout entière en 52 sous le commandement de Vercingétorix tandis que d’autres ne mobilisent que des sous-ensembles de régions. Des similitudes structurelles ont été mises en évidence, permettant de dégager un processus en cinq étapes qui conduit à la formation des coalitions[116]. On retrouve dans ce processus le rôle joué par les ambassades (ou à défaut les messagers) qui permettent aux peuples concernés d’entrer en contact et l’importance des garanties apportées, les serments et les otages notamment, indispensables pour le respect des accords. La fréquence de ces coalitions et leur sophistication en font un « élément structurel des relations entre les peuples gaulois[117] » et mettent en évidence les enjeux des relations diplomatiques entre les cités dans une situation de crise comme la guerre des Gaules.

Un autre type d’alliance lie cette fois-ci non pas les peuples, mais les individus. Le récit de César révèle en effet l’existence d’ententes privées qui reposent sur des liens matrimoniaux[118]. Orgétorix donne ainsi sa fille en mariage à Dumnorix qui devient ami des Helvètes[119]. Il est intéressant de noter ici comment se confondent une nouvelle fois les intérêts privés et collectifs. Certes, le mariage de la fille d’Orgétorix à Dumnorix lie les deux notables mais il rapproche aussi les Helvètes et les Éduens, ou en tout cas confère à Dumnorix une place privilégiée auprès de la cité helvète. Le cas de Dumnorix nous donne aussi un bon aperçu des stratégies matrimoniales qui ont pu exister en Gaule :

« […] son influence ne se limitait pas à son pays, mais s’étendait largement sur les nations voisines. Il avait même, pour développer cette influence, marié sa mère chez les Bituriges, à un personnage de haute noblesse et de grand pouvoir ; lui-même avait épousé une Helvète ; sa sœur du côté maternel et des parentes (propinquae suae) avaient été mariées par ses soins dans d’autres cités[120]. »

L’ampleur de cette politique matrimoniale qui s’étend jusqu’à une partie de la famille éloignée – la propinquitas commence selon S. Lewuillon au 3e ou 4e degré[121] – révèle bien l’importance que les mariages ont pu avoir dans la constitution d’alliances entre les individus mais aussi entre les peuples. Car comme on l’avait déjà évoqué à propos des ambassades dont l’initiative est aux mains tantôt des sénats, tantôt des notables, il existe une confusion entre les relations privées et les relations publiques officielles. Dans le cas d’Orgétorix et de Dumnorix, les alliances matrimoniales procèdent aussi bien d’une volonté d’étendre leur influence personnelle que de nouer des liens entre les peuples concernés. S. Martin a proposé de voir dans l’iconographie de certaines monnaies de Gaule Belgique l’expression de ces alliances mais elles restent difficiles à appréhender[122].

Une grande majorité des ambassades et des relations que nous avons détaillées précédemment s’inscrivent aussi dans le processus de deditio, c’est-à-dire de soumission dans le cadre d’un traité de paix. Les nombreuses redditions que reçoit César permettent de dégager un mode opératoire. En 58, les Helvètes, après avoir été défaits, envoient des députés qui se prosternent devant César, le supplient et implorent la paix tout en pleurant[123]. L’intervention d’ambassadeurs est une constante, que la députation soit destinée à César ou à ses légats. Puis les émissaires retournent à leur cité les conditions de reddition. Dans le cas des Helvètes, César exige la remise d’otages et des armes[124]. En 52, dans le contexte des escarmouches et manœuvres face à Vercingétorix, il ajoute aux conditions la livraison des chevaux lorsqu’il reçoit la deditio des Bituriges puis des Sénons[125]. Les exigences des vainqueurs ne varient pas, si bien qu’elles sont parfois anticipées. En 56, les peuples alpins qui se soumettent à Galba lui envoient spontanément des députés et des otages pour demander la paix[126]. Les Aquitains en font autant face à Crassus la même année[127]. L’évidence avec laquelle s’effectuent toutes ces deditiones laisse penser que les Gaulois opéraient entre eux de la même manière. On a vu que la remise d’otages entre les peuples gaulois étaient monnaie courante, que ce soit dans le cadre d’un rapport d’égalité ou de subordination. Au cours de la guerre des Gaules, César ne mentionne l’imposition d’un tribut (stipendium) à aucun peuple. Les références qui y sont faites concernent toutes des peuples gaulois entre eux. Parmi les ambitieux projets des Helvètes, César relève la volonté d’imposer un tribut à certaines cités[128]. Les Éduens doivent quant à eux un tribut à Arioviste et ses alliés séquanes[129]. Ambiorix, chef des Eburons, est reconnaissant à César de l’avoir délivré du tribut qu’il payait aux Atuatuques[130]. Le tribut est donc un moyen pour les Gaulois d’affirmer leur position hégémonique[131]. Les relations diplomatiques sont donc au cœur des rapports de domination entre Rome et les Gaulois mais aussi entre les cités gauloises.

Deux derniers types de liens unissent les individus et les peuples en Gaule. Ces relations sont caractérisées par César avec les termes d’amicitia (amitié) et d’hospitum (hospitalité). La première notion est très fréquente dans le récit, tandis que la seconde est plus rare. Il faut se demander dans quelle mesure le vocabulaire latin utilisé par César peut traduire des réalités gauloises[132]. Ces deux notions ne sont par ailleurs pas faciles à définir. L’amicitia a souvent été confondue avec une relation de clientèle mais elle repose sur un cadre moins formel et contraignant ; en outre, elle possède une dimension plus personnelle et affective[133]. Rome s’est ainsi beaucoup appuyée sur l’amitié dans le cadre de ses conquêtes. L’un des meilleurs exemples dont on dispose en Gaule, connu bien au-delà de ce qu’en dit César, est celle qui lie le peuple des Éduens à Rome, vraisemblablement dès le milieu du IIe siècle av. J.-C. Cette relation, qui s’inscrit dans un traité officiel à égalité (foedus aequum)[134], est d’autant plus forte que les Éduens sont non seulement amis du peuple romain (amici populi Romani) mais aussi frères de sang de ce dernier (fratres consanguineique)[135]. Cette alliance entre les deux peuples serait en outre commémorée par une frappe monétaire éduenne[136]. L’amitié qui unit les Éduens à Rome est encore d’actualité à l’époque de César qui y fait de nombreuses fois référence[137]. Une relation d’amitié peut aussi lier des peuples gaulois entre eux. Par exemple, les Éduens et les Bellovaques entretiennent des rapports d’amitié et de confiance, c’est pourquoi Diviciacos intervient en leur faveur auprès de César après la révolte belge de 57[138]. Mais ces liens d’amitié unissent aussi des individus entre eux. Cingétorix, chef du parti pro-romain chez les Trévires, assure César que lui et les siens resteront fidèles à l’amitié du peuple romain alors que son opposant Indutiomaros prépare une révolte[139]. Ces rapports d’amitié ne lient pas les notables gaulois qu’à César : certains entretiennent de pareils liens avec ses légats, comme les chefs nerviens amis de Q. Cicéron[140]. L’amitié peut aussi lier un individu et un peuple, ce qui brouille une nouvelle fois la frontière entre les relations privées et publiques, personnelles et officielles. Indutiomaros, par exemple, reçoit des ambassades de plusieurs cités gauloises pour solliciter sa protection et son amitié[141]. Ambiorix, le chef éburon, est quant à lui uni aux Germains par des liens d’amitié grâce à l’entremise des Trévires[142]. Ce notable entretient par ailleurs des liens d’hospitalité avec le légat Q. Titurius Sabinus mais aussi avec le peuple des Ménapes[143]. L’hospitium s’inscrit dans le cadre d’un accord, où les parties se donnent mutuellement le droit et le devoir de protection[144]. C’est pourquoi César craint qu’Ambiorix, après avoir été battu, se réfugie chez les Ménapes où il aurait pu trouver protection[145]. Le devoir d’assistance se retrouve en 52 lorsque Commios qui, en jouant des liens d’hospitalité qu’il entretient avec les Bellovaques, obtient d’eux qu’ils apportent des hommes à Vercingétorix[146]. L’amitié et l’hospitalité structurent donc fondamentalement les relations diplomatiques entre les peuples gaulois et avec Rome.

Les alliances qui unissent les individus et les peuples en Gaule reposent donc sur quatre types de rapports. Tout d’abord, les coalitions, ententes militaires provisoires dont la constitution suit vraisemblablement un processus normé. Viennent ensuite les alliances familiales et matrimoniales dont les quelques exemples connus montrent qu’elles constituent une stratégie efficace pour sceller des liens entre des particuliers ou des cités. La deditio conduit à l’établissement d’un foedus iniquum, caractérisé par la remise d’otages ou l’imposition d’un tribut, par lequel un peuple vaincu se place dans la fides du vainqueur. Enfin, l’amitié et l’hospitalité sont au cœur des relations individuelles et collectives ; les droits et les devoirs qu’elles impliquent sous-tendent les alliances.

Conclusion

Par cette étude, nous avons brossé à grands traits et à titre exploratoire le réseau diplomatique qui lie les individus et les peuples en Gaule à la fin de l’âge du Fer. Les travaux menés actuellement et ceux à venir, en croisant l’ensemble des sources à disposition – littéraires bien sûr mais aussi numismatiques et archéologiques – viendront préciser ce qui a été esquissé, ce dense tissu d’alliances qui a joué un rôle fondamental dans la guerre des Gaules et plus largement les événements du Ier s. av. J.-C. De nombreux contacts et rapports sont entretenus par les Gaulois entre eux et avec les puissances voisines, Rome notamment. Les ambassades et les médiateurs sont autant à l’origine qu’au cœur de ces relations. Les négociations qu’ils conduisent et les accords qu’ils concluent montrent la grande maîtrise qu’avaient les notables gaulois de l’art de la diplomatie. Dans une société où le don et le contre-don tiennent une place centrale, les relations diplomatiques induisent l’échange de présents, de serments et surtout d’otages qui sont la marque tangible et la garantie par excellence des accords. Les traités et les alliances qui émergent de ce jeu complexe sont variés et difficiles à appréhender avec justesse dans la mesure où ils nous sont décrits au travers du prisme romain. Comme dans le monde méditerranéen, les relations diplomatiques en Gaule permettent aux individus et aux cités tout autant de garantir leur sécurité que d’accroître leur influence.


[1] César, Guerre des Gaules, VI, 15 (coll. Budé, Paris, Les Belles-Lettres ; traduction de L.-A. Constans).

[2] Voir en particulier Emmanuel ARBABE, La politique des Gaulois: vie politique et institutions en Gaule chevelue: IIe s. av. n. è.-70, Paris, Éditions de la Sorbonne. 2017.

[3] Une analyse des pratiques diplomatiques entre les populations celtiques et Rome au cours de la conquête de la Gaule cisalpine a été menée par Stéphane BOURDIN, « Pratiques diplomatiques et droit de la guerre durant la conquête de la Cisalpine par Rome (IIIe-IIe s. av. J.-C.) », in Stéphane BOURDIN, Julien DUBOULOZ, Emmanuelle ROSSO, Peupler et habiter l’Italie et le monde romain, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2014, p. 19-32.

[4] Encyclopédie Larousse citée par Thierry BALZACQ, Frédéric CHARILLON, Frédéric RAMEL, « Introduction. Histoire et théorie de la diplomatie », in Thierry BALZACQ, Frédéric CHARILLON, Frédéric RAMEL, Manuel de diplomatie, Paris, Presses de Sciences Po, 2018, p. 7.

[5] Thierry BALZACQ, Frédéric CHARILLON, Frédéric RAMEL, « Introduction… », p. 18. Pour une synthèse sur l’invention de la diplomatie à l’époque moderne, voir Lucien Bély, « Chapitre 4. L’invention de la diplomatie », in Robert FRANCK (dir.), Pour l’histoire des relations internationales, Paris, PUF, 2012, p. 107-137.

[6] Ghislaine STOUDER, « Diplomacy : Republic », in Yann Le Bohec (dir.), The Encyclopedia of the Roman Army, Chichester, Wiley Blackwell, 2015.

[7] Claude EILERS, Diplomats and diplomacy in the Roman world, Leiden-Boston, Brill, 2009, p. 1.

[8] Pour une synthèse de l’historiographie sur la diplomatique, voir Laurence BADEL, Stanislas JEANNESSON, « Introduction. Une histoire globale de la diplomatie ? », Monde(s), 5, 2014, p. 6-26.

[9] Audrey BECKER, Nicolas DROCOURT (dir.), Ambassadeurs et ambassades au cœur des relations diplomatiques. Rome-Occident médiéval-Byzance (VIIIe s. avant J.-C.-XIIe s. après J.-C.), Mers, Université de Lorrain, 2012, p. 244-245, cité par Laurence BADEL, Stanislas JEANNESSON, « Introduction… », p. 15.

[10] Laurence BADEL, Stanislas JEANNESSON, « Introduction… », p. 16.

[11] Claudine AULIARD, La diplomatie romaine, l’autre instrument de la conquête: de la fondation à la fin des guerres samnites (753-290 av. J.-C.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 11-14.

[12] Larousse du XIXe, cité par Claudine AULIARD, La diplomatie romaine…, p. 11-14.

[13] TLFi, « ambassade », https://www.cnrtl.fr/definition/ambassade [consulté le 26/04/2020].

[14] Id. Voir aussi Pierre-Yves LAMBERT, La langue gauloise : description linguistique, commentaire d’inscriptions choisies, Paris, Errance, 1994, p. 186-187.

[15] Xavier DELAMARRE, Dictionnaire de la langue gauloise : une approche linguistique du vieux-celtique continental, Paris, Errance, 2003², p. 40-41 ; Venceslas KRUTA, Les Celtes : histoire et dictionnaire. Des origines à la romanisation et au christianisme, Paris, Laffront, 2000, p. 408.

[16] Issu du verbe lego (envoyer), le terme peut désigner tout à la fois un député, un délégué ou un lieutenant. Voir Claudine AULIARD, La diplomatie romaine…, p. 11-14.

[17] Dans son récit, Appien commet une erreur en faisant de Bituitos le roi des Allobroges et non des Arvernes.

[18] Appien, Keltikè, XII (trad. Ph. Remacle : http://remacle.org/bloodwolf/historiens/appien/celtiquegr.htm [Consulté le 13/04/2020]).

[19] César, Guerre des Gaules, VII, 31.

[20] Ibidem, I, 7.

[21] Ibidem, I, 13.

[22] Ibidem, II, 3.

[23] Venceslas KRUTA, Les Celtes…, p. 677.

[24] Emmanuel Arbabe, La politique des Gaulois…, p. 250.

[25] Ibidem, p. 257. L’auteur souligne le fait qu’ils ne sont pas désignés comme magistrats et doivent être probablement considérés comme des privati choisis pour leur talent de négociateurs ; l’un d’eux pourrait aussi être druide.

[26] Dans les sociétés celtiques, l’âge est un facteur de prestige comme le rappelle Emmanuel ARBABE, La politique des Gaulois…, p. 258. C’est également le cas à Rome comme le montre par exemple Cicéron dans Cato VI, 17 : « Ce n’est pas la force physique, la promptitude, l’agilité du corps qui font de grandes choses, c’est l’expérience des affaires, l’autorité qu’on a su prendre, la justesse des opinions qu’on soutient ; or loin d’être privée de pareils avantages, la vieillesse les possède à un plus haut degré » (trad. Ch. Appuhn, Paris, Garnier, 1933). Il est intéressant aussi de noter que le terme grec « πρεσβευτς » employé pour désigner un ambassadeur (cf. par exemple supra Appien, Keltikè, XII) renvoie directement à l’idée d’ancienneté.

[27] Stéphane VERGER, « Société, politique et religion en Gaule… », p. 66-67.

[28] Jean-Louis FERRARY, « La rhétorique des ambassadeurs grecs devant le Sénat romain », in Rome et le monde grec : choix d’écrits, Paris, Les Belles Lettres, 2017, p. 241-254.

[29] Denys d’Halicarnasse, V, 34 (coll. Budé, Les Belles-Lettres, Paris).

[30] Pour une analyse des ressorts juridiques de l’inviolabilité des ambassadeurs, voir Ghislaine STOUDER, « Le droit des ambassadeurs : particularismes romains et universalité des pratiques », in Bernard LEGRAS (dir.), Transferts culturels et droits dans le monde grec et hellénistique, Paris, Editions de la Sorbonne, 2019, p. 2.

[31] César, Guerre des Gaules, III, 9.

[32] Ghislaine STOUDER, « Le droits des ambassadeurs… », p. 7.

[33] Tite-Live fait preuve de la même indignation lorsqu’il rapporte la prise en otage de légats romains par les Boïens au cours du siège de Modène (voir Stéphane BOURDIN, Pratiques diplomatiques…, p. 30).

[34] César, Guerre des Gaules, III, 16.

[35] Ghislaine STOUDER, « Le droit des ambassadeurs… », p. 11 ss.

[36] Ibidem, I, 31.

[37] Christian GOUDINEAU, César et la Gaule, Paris, Errance, 1990, Pour l’auteur, César aurait inventé la Gaule qui n’avait pas de réalité propre avant la Conquête.

[38] Jean-Louis BRUNAUX, Les druides : des philosophes chez les Barbares, Paris, Seuil, 2006, p. 290 évoque « un espace politique commun » ; Emmanuel ARBABE, La politique des Gaulois…

[39] Emmanuel ARBABE, La politique des Gaulois…, p. 212-215.

[40] César, Guerre des Gaules, VII, 4.

[41] Cicéron, De la divination, I, 41 (coll. Budé, Les Belles-Lettres, Paris).

[42] Panégyriques latins, VIII, 3, 2-3 (coll. Budé, Les Belles-Lettres, Paris).

[43] Pour une synthèse, voir Emmanuel ARBABE, La politique des Gaulois…, p. 186-190. D’après l’auteur, on ne peut voir en Diviciacos qu’un druide, bien qu’il ait assurément disposé d’une grande auctoritas dans sa cité.

[44] César, Guerre des Gaules, I, 31.

[45] Id.

[46] Ibidem, I, 3.

[47] Casticos était le fils de Catamantaloedis, roi des Séquanes et ami de Rome. Quant à Dumnorix, il était le frère de Diviciacos. Tous deux semblent avoir obtenu le pouvoir suprême dans leur cité entre 60 et 58.

[48] César, Guerre des Gaules, I, 4.

[49] Ibidem, I, 19.

[50] Ibidem, V, 3.

[51] Stéphane VERGER, « Société, politique et religion en Gaule… », p. 70.

[52] Jean-Louis Ferrary, Philhellénisme et impérialisme : aspects idéologiques de la conquête romain du monde hellénistique, de la guerre de Macédoine à la guerre contre Mithridate, Rome, Ecole française de Rome, 1988, p. 291-306.

[53] Nous n’incluons pas dans cette catégorie les messagers dont le rôle se limite à transmettre des missives. Il ne faut cependant pas oublier qu’une partie des relations diplomatiques a dû reposer sur l’échange de courriers (César, Guerre des Gaules, I, 26 et VII, 64 à titre d’exemples). De même, nous ne développerons pas le cas, complexe, des druides qui semblent avoir eu une fonction de médiateurs religieux ; notamment, ils « tranchent presque tous les conflits entre États ou entre particuliers » (César, Guerre des Gaules, VI, 13). Pour une synthèse sur les attributions des druides, voir Emmanuel ARBABE, La politique des Gaulois…, p. 192-199.

[54] Ibidem, I, 19.

[55] John C. ROLFE, « Did Liscus speak latin ? », The Classical Journal, 7-3, 1911, p. 126-129.

[56] Bruno ROCHETTE, « Grecs et latins face aux langues étrangères. Contribution à l’étude de la diversité linguistique dans l’antiquité classique », Revue belge de Philologie et d’Histoire, 73, 1995, p. 6

[57] Id., p. 9 qui renvoie à Theodor MOMMSEN, Römisches Staatsrecht, I, Leipzig, Verlag von S. Hirzel, 1876 (2e éd.), p. 352.

[58] Ramsay MACMULLEN, Romanization in the time of Augustus, New Haven, Yale Université Press, 2000, p. 99 et note 48.

[59] César, Guerre des Gaules, V, 26. Il est possible de voir en Cn. Pompée le père de l’historien Trogue Pompée qui le décrit comme le secrétaire et le responsable diplomatique de César (cf. Justin, XLIII, 5).

[60] César, Guerre des Gaules, I, 9.

[61] Ibidem, II, 14.

[62] Ibidem, VI, 4.

[63] Ibidem, IV, 21.

[64] Ibidem, V, 22.

[65] Ibidem, VII, 75.

[66] Ibidem, II, 15.

[67] Ibidem, III, 28.

[68] Ibidem, IV, 22 et VI, 6.

[69] Ibidem, I, 13.

[70] Ibidem, III, 9.

[71] Ibidem, VII, 63.

[72] Ibidem, I, 3.

[73] Ibidem, VII, 64.

[74] Id.

[75] Ibidem, VII, 63.

[76] Ibidem, VI, 12.

[77] Ibidem, I, 31.

[78] Ibidem, I, 11.

[79] Ibidem, VIII, 4.

[80] Ibidem, III, 23 et V, 55.

[81] Ibidem, IV, 22.

[82] Ibidem, V, 55.

[83] Ibidem, I, 30.

[84] Ibidem, I, 43.

[85] Ibidem, VII, 31.

[86] Pour les relations entre les mondes celtique et méditerranéen, voir notamment Franz FISCHER, « Keimelia : Bemerkungen zur kulturgeschichtlichen Interpretation des sogenannten Südimports in der späten Hallstatt- und fhrühen Latène-Kulture des westliches Miteleuropa », Germania, 51, 1973, p. 436-459.

[87] Voir notamment Serge LEWUILLON, « Affinités, parentés et territoires en Gaule indépendante : fragments d’anthropologie », Dialogues d’histoire ancienne, 16-1, 1990, p. 316-326 et Serge LEWUILLON, « Contre le don. Remarques sur le sens de la réciprocité et de la compensation sociale en Gaule », Dialogues d’histoire ancienne, 18-1, 1992, p. 130-150.

[88] Stéphane VERGER, « Société, politique et religion en Gaule… », p. 67-68.

[89] Tite-Live, Histoire romaine, XLIII, 5 et XLIV, 14 (coll. Budé, Les Belles-Lettres, Paris).

[90] Pour une analyse de ces deux ambassades : Valéry RAYDON, « Deux triades trifonctionnelles de cadeaux diplomatiques offerts par Rome à des roitelets gaulois de La Tène C2 », Revue belge de philologie et d’histoire, 92-1, 2014. L’auteur voit dans les présents une donation structurée autour de l’idéologie trifonctionnelle indo-européenne.

[91] Matthieu POUX et al. 2007, « Paire de fibule en or du Ier s. av. J.-C. : autour d’une découverte de l’oppidum de Corent (Puy-de-Dôme) », Gallia, 64, 2007, en particulier p. 214-216.

[92] Recensement et présentation non exhaustifs dans Emmanuel ARBABE, La politique des Gaulois…, p. 273-291.

[93] Le rapprochement est suggéré par Matthieu POUX et al., « Paire de fibule en or… », p. 215.

[94] Pour les références et une discussion, voir Stéphane MARTIN, Du statère au sesterce. Monnaie et romanisation dans la Gaule du Nord et de l’Est (IIIe s. a.C. / Ier s. p.C.), Bordeaux, Ausonius Editions, 2015, p. 350 ss.

[95] César, Guerre des Gaules, I, 3.

[96] Ibidem, I, 31.

[97] Pour une fine analyse de l’expression latine et de ses variantes, voir Loriano ZURLI, « Ius iurandum, id est sancire foedus », Rheinisches Museum für Philologie, 123, ¾, 1980.

[98] César, Guerre des Gaules, VII, 2 (trad. L.-A. Constans).

[99] Venceslas KURTA, Les Celtes…, p. 598.

[100] Voir par exemple Saliou NDIAYE, « Le recours aux otages à Rome sous la République », Dialogues d’histoire ancienne, 21, 1995 et plus largement Joel ALLEN, Hostages and hostage-taking in the Roman Empire, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.

[101] Maurice J. MOSCOVICH, « Obsidibus traditis : hostages in Caesar’s De Bello Gallico », The Classical Journal, 75, 2, 1980.

[102] César, Guerre des Gaules, II, 1 ; V, 27 ; VII, 4 ; VII, 64.

[103] Pour la logique de sélection du point de vue de Rome, voir Saliou NDIAYE, « Le recours aux otages… », p. 151-158.

[104] César, Guerre des Gaules, I, 31.

[105] Serge LEWUILLON, « Affinités, parentés et territoire… », p. 347-353.

[106] Maurice J. MOSCOVICH, « Obsidibus traditis… », p. 125 ss.

[107] César, Guerre des Gaules, I, 31. On constate une fois de plus que prendre en otage les plus proches parents, notamment les enfants, permettait un contrôle plus strict et personnel des engagements.

[108] Maurice J. MOSCOVICH, « Obsidibus traditis…. », p. 127.

[109] César, Guerre des Gaules, V, 27.

[110] Ibidem, VII, 63.

[111] Ibidem, I, 31.

[112] David BRAUND, Rome and the friendly king : the character of the client kingship, Londres, Croom Helm, 1984, p. 14-15 ; Joel ALLEN, Hostages and Hostage-taking…, p. 157-163.

[113] John CREIGHTON, « L’aristocratie britannique à travers l’iconographie monétaire à la fin de l’âge du Fer », in : Vincent GUICHARD, Franck PERRIN (dir.), L’aristocratie celte à la fin de l’âge du Fer (IIe s. av. J.-C. – Ier s. ap. J.-C.). Actes de la table ronde des 10 et 11 juin 1999 (Glux-en-Glenne – F. 58), Glux-en-Glenne, Centre archéologie européens du Mont Beuvray, p. 299-309.

[114] Pierre-Marie GUIHARD, « Pixtilos sous d’augustes augures : honneurs adressés au princeps sur une émission gauloise », in Gaël HILY, Patrice LAJOYE, Joël HASCOËT (éd.), Deuogdonion. Mélanges offerts en l’honneur du professeur Claude Steckx, Rennes, Tir, 2010, p. 305-319.

[115] Emmanuel ARBABE, La politique des Gaulois…, p. 31-38. Pour le développement de trois d’entre elles (Bituitos, Indutiomaros et Vercingétorix), voir p. 58-69.

[116] Ibidem, p. 34-37.

[117] Ibidem, p. 37.

[118] Pour une analyse de la famille gauloise à l’époque de César et la place des femmes et du mariage, voir Serge LEWUILLON, « Affinités, parentés et territoire… ».

[119] César, Guerre des Gaules, I, 3 et I, 9.

[120] Ibidem, I, 18.

[121] Serge LEWUILLON, « Affinités, parentés et territoires… », p. 343.

[122] Stéphane MARTIN, Du statère au sesterce…, p. 140-143.

[123] César, Guerre des Gaules, I, 27.

[124] Id.

[125] Ibidem, VII, 11-12.

[126] Ibidem, III, 1.

[127] Ibidem, III, 27.

[128] Ibidem, I, 30.

[129] Ibidem, I, 44.

[130] Ibidem, V, 27.

[131] Emmanuel ARBABE, La politique des Gaulois…, p. 55.

[132] Sur cette question, voir Ibidem, p. 12-13 qui conclut que si l’usage de catégories linguistiques latines ou grecques pour décrire des réalités gauloises n’est pas sans poser problème et invite à la prudence, plusieurs exemples montrent que César s’affirme comme un bon « traducteur culturel ».

[133] Le modèle diplomatique fondé sur la clientela avait été développé par Ernst BADIAN, Foreign Clientelae : 264-70 B.C., Oxford, Clarendon Press, 1958. Il a été remis en question par David BRAUND, Rome and the friendly king…  et plus récemment par Paul J. BURTON, Friendship and empire : roman diplomacy and imperialism in the middle republic (353-146 BC), Cambridge, Cambridge University Press, 2011. Voir aussi les discussions dans Martin JEHNE, Francisco PINA POLO, Foreigne clientelae in the Roman Empire : a reconsideration, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2015. Pour la dimension personnelle et affective de l’amitié, voir Arnaud SUSPÈNE, « De l’amitié républicaine à l’amitié du prince : une approche politique de l’amicitia romaine (fin de la République – Haut) », Parlement[s], 2016, p. 33-56.

[134] Sur la distinction entre foedus aequum et foedus iniquum, voir Ernst BADIAN, Foreigne Clientelae…, p. 25-28.

[135] Pour fine analyse de cette relation, voir Antony HOSTEIN, La cité et l’empereur : les Éduens dans l’Empire romain d’après les Panégyriques latins, Paris, Publications de la Sorbonne, 2012, p. 302-313. Comme le souligne en outre l’auteur, on retrouve ici l’importance des liens de parentés dans le monde celtique.

[136] Synthèse et discussion dans Stéphane MARTIN, Du statère au sesterce…, p. 71.

[137] Par exemple : César, Guerre des Gaules, I, 31 et 33.

[138] Ibidem, II, 14.

[139] Ibidem, V, 3.

[140] Ibidem, V, 41.

[141] Ibidem, V, 55.

[142] Ibidem, VI, 5.

[143] Ibidem, V, 27 et VI, 5.

[144] Antony HOSTEIN, La cité et l’empereur…, p. 308-309 avec l’exemple des Éduens.

[145] Ibidem, VI, 5.

[146] Ibidem, VII, 75.

 

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