Les élections municipales dans le Midi de la France : le cas de Montpellier (XIIIe-XIVe siècles)

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Justin Guillaumot

Résumé
Depuis le XIIIe siècle, l’ensemble du Midi de la France connaît un développement des communes consulaires qui ne vont pas cesser de s’institutionnaliser tout au long du XIVe siècle. Avec ses douze consuls majeurs, Montpellier ne fait pas figure d’exception. La présence de sources particulièrement riches, tel que le Registre des élections, permet de mettre en avant le fonctionnement des institutions communales montpelliéraines et de s’interroger sur les pratiques électorales. Cet article se penche sur l’élection des consuls majeurs et met en avant l’existence de certaines logiques de dialogue et de collaboration entre les habitants de la cité. Il s’agit de mettre en avant un système qui se présente à la fois souple et ouvert, mais également dominé par une portion de la population[1].

Justin Guillaumot, professeur d’Histoire-Géographique dans l’enseignement secondaire. Membre du comité de rédaction et du bureau de la revue Circé. Histoires, Cultures & Sociétés, en tant que responsable de la communication web, entre juin 2011 et juin 2013. Cet article est tiré du mémoire de Master 2 recherches intitulé « Les pratiques électorales dans la commune de Montpellier au milieu du XIVe siècle. D’après l’étude du registre des élections Joffre n°5 », sous la direction de Bruno Laurioux, Pierre Chastang et Etienne Anheim, ESR, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, 2012 (mémoire non publié). Justin.guillaumot@gmail.com
Domaines de recherche : histoire politique et sociale, histoire comparée, pratiques communales italiennes et du Midi français, pratiques de l’écrit.


 

En 1204, Montpellier connaît des changements importants dans son organisation politique à la suite du mariage de Marie, héritière de la seigneurie, avec Pierre II d’Aragon, le 15 juin 1204. Le nouveau seigneur désigne sept prud’hommes chargés de rédiger la coutume de la ville. Le 15 août 1204, Pierre II d’Aragon et Marie donnent à Montpellier une charte de coutumes et de libertés [2], en 123 articles, établissant la mise en place d’une commune consulaire. Douze prud’hommes seront désormais désignés pour diriger la ville. En 1205, la coutume est complétée et ces hommes sont dénommés « consuls ». Au cours du XIIIe siècle, le gouvernement consulaire se développe et étend son pouvoir dans de nombreux domaines – judiciaire, fiscal, politique et commercial –, tout en cherchant à trouver un équilibre favorable à l’autonomie de l’universitas dans les relations avec les seigneurs de la ville, le roi d’Aragon puis de Majorque [3], l’évêque de Maguelone et le roi de France [4].La mise en place d’un consulat dans cette cité est relativement tardive en comparaison à d’autres villes du Midi. Des institutions consulaires sont attestées à Nîmes en 1132, à Carcassonne en 1144 et à Toulouse en 1152 [5]. La date de l’apparition du consulat biterrois, traditionnellement fixée à 1131, a été récemment révisée et située dans une chronologie proche de celle de Montpellier [6]. À Montpellier, la révolte de 1141-1143 avait conduit à la mise en place, par les habitants insurgés, d’un premier et éphémère consulat. Une lettre expédiée par le pape Innocent II à Guilhem VI [7] précise que le terme de « consuls » était employé pour désigner les représentants de ce premier gouvernement municipal. Mais, après deux ans de conflit, la ville est reprise par le seigneur qui, aidé par des Génois et des Catalans, cherche désormais à circonscrire les formes d’exercice du pouvoir exercées par l’universitasurbaine. Cette méfiance bloque la mise en place d’un pouvoir de nature consulaire avant 1204.Dès la fin du XIe et le début du XIIe siècle, était apparu en Italie un nouveau système d’organisation municipale : le consulat. Les villes du nord et du centre de la péninsule sont alors dirigées par des magistrats disposant de larges pouvoirs. Des contacts étroits existent à cette période entre les villes du Midi et les cités de l’Italie centro-septentrionale. Ces routes anciennes prospèrent aux XIe-XIIesiècles et le commerce entre Montpellier et les villes de Gênes et de Pise a été l’objet d’études qui montrent la densité des échanges commerciaux, mais également des transferts culturels et politiques [8]. Des privilèges et des traités de commerce sont signés dans de nombreuses parties de la Méditerranée (Gênes, Pise, Marseille…), tel celui du 3 août 1201 liant Montpellier à Gênes [9], renouvelé en 1225 [10]. Ainsi Montpellier est en contact avec d’autres cités et États de l’arc méditerranéen et, au XIVe siècle, lorsque les minutiers des notaires de la ville commencent à être conservés, la densité et la nature précise de ces relations deviennent perceptibles. À partir du XIIIe siècle, le gouvernement consulaire, qui jouit d’une forte autonomie jusqu’aux décennies 1320-1330, est le véritable symbole de la liberté et de l’autonomie politique de la ville et il le demeurera même après 1349, date de l’intégration définitive de la seigneurie à la couronne de France. Si le consulat possède une réelle capacité à incarner la communauté politique urbaine dans son ensemble, les relations précises établies dans le consulat entre les gouvernants et le corps politique de la ville demeurent mal connues. Je propose donc dans ce texte d’analyser l’évolution du cadre normatif et procédural qui règle, entre le début du XIIIe siècle et les années 1370, les élections au consulat majeur à Montpellier. À partir de documents enregistrant les résultats des pratiques réelles en la matière, je tâcherai de décrire le fonctionnement en acte des élections et d’évaluer l’ouverture du système aux différents groupes formant le corps urbain, selon un schéma probabiliste. Les résultats ainsi obtenus permettront de reposer la double question de la sociologie gouvernementale de la ville et de la nature du régime politique urbain.

L’élection des consuls : genèse d’une procédure

Les consuls détiennent le pouvoir de statuer, établissent les mesures utiles au bien public [11] et possèdent la pleine autorité administrative. Ils exercent des prérogatives fiscales en levant les impôts directs et indirects. Leurs compétences sont également étendues dans le domaine de la police urbaine ; ils maintiennent l’ordre dans la cité et arbitrent les différends. S’ils n’exercent pas directement de pouvoir juridictionnel, ils participent cependant, avec le seigneur, à la désignation du bayle chargé de l’exercice de la justice sur une partie de la ville [12]. Élus, ils n’exercent leur fonction que durant une année et ne peuvent briguer deux mandats consécutifs.

La procédure élective des consuls majeurs est définie, confirmée et complétée par plusieurs textes fondamentaux. Il s’agit de coutumes, de statuts et d’ordonnances dont la rédaction débute avec la mise en place du gouvernement consulaire en 1204. Si dès la création du consulat, il est nécessaire de définir les procédures de désignation des représentants de la commune, on constate que ces dernières évoluent jusqu’au milieu du XIIIe siècle, date à laquelle elle se stabilisent, fixées par des textes de nature quasi-constitutionnelle. Cinq témoins textuels accompagnent ce processus. Il s’agit des coutumes de 1204 [13] et 1205 [14], de l’accord de 1211 [15] et des statuts de 1246 [16] et 1252 [17]. Chacun constitue une étape dans la formation du système électoral montpelliérain et rien ne permet de penser, comme l’a proposé jadis André Gouron [18], que les procédures mises en place entre 1246 et 1252 reflètent des pratiques antérieures formées dès l’origine du consulat en 1204-1205.

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Comme dans d’autres communes, le système électoral est à multiples degrés. Il repose, à l’image d’autres élections municipales montpelliéraines (chefs de métier, ouvriers de la commune clôture…) sur l’organisation de l’universitas en sept échelles. Ces dernières, qui correspondent aux sept jours de la semaine, apparaissent à partir de la fin du XIIe siècle, à l’époque de la mise en place de l’enceinte urbaine de la ville, la commune clôture. Un système de roulement est alors mis en place, afin de désigner, pour chaque jour, un certain nombre de métiers qui sont en charge de la surveillance des huit portes de la ville. L’ensemble des professions est représenté et il ne semble exister, dans cette phase initiale, aucune hiérarchie de nature économique. L’importance numérique constitue en revanche le critère déterminant de la répartition des métiers dans les échelles que l’on désigne ordinairement dans les textes par les jours de la semaine : échelle du dimanche (« escala del dimergue »), du lundi (« escala del dilus  »)…

À partir du statut de 1246, une procédure précise d’élection au consulat majeur se met en place qui perdure tout au long du XIVe siècle. Le 1er mars de chaque nouvelle année, les consuls majeurs choisissent dans chaque échelle cinq chefs de métier. S’en suit un tirage au sort pour n’en garder qu’un par échelle, ce qui ramène leur nombre total à sept. Ces individus sont associés aux consuls majeurs sortants, ainsi qu’au seigneur de la ville ou son représentant, pour choisir cinq candidats pour chacun des douze sièges consulaires à pourvoir. Ces 60 prudhommes sont alors soumis à un tirage au sort donnant les douze nouveaux consuls majeurs qui rentrent en fonction le 25 mars.

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Les élections à plusieurs degrés sont très fréquemment utilisées au sein des communes. Il s’agit d’un phénomène des plus répandus dans les villes italiennes. L’exemple le plus emblématique est dans doute le cas de Venise [19]. À partir de 1144, l’émergence et le développement de la commune modifie l’autorité du doge en limitant ses prérogatives régaliennes. Par une série de serments et de restrictions échelonnés entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle, le doge perd progressivement le pouvoir de gouverner la cité. En 1268, une réforme du scrutin, dans lequel on compte jusqu’à dix degrés, complique à l’extrême le système de désignation du magistrat.

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Venise n’est pas le seul exemple auquel il peut être fait allusion pour illustrer ce phénomène. On le retrouve pour l’élection des Neuf à Sienne [20] ou encore pour la désignation des différents conseils de Florence, Gênes et Pise.

Le système montpelliérain est beaucoup moins complexe mais use des mêmes procédures : désignation d’un corps d’individus qui, réduit par un tirage au sort, choisit des candidats soumis également à un tirage au sort. Mais à Montpellier, la constitution du groupe des 60 est très fermement encadrée. Les électeurs du second degré ne sont pas totalement libres de leur choix, car les douze chaperons du consulat sont répartis, au moins depuis 1252, entre certains métiers de la ville, comme l’avait bien noté Guy Romestan :

« Les deux premiers consuls appartiennent au métier des changeurs, avec une chance sur cinq aux poivriers d’obtenir le second chaperon consulaire, en concurrence avec eux. Le troisième et le quatrième consul appartiennent à la draperie, draperie vermeille et draperie sobeyrane. Les pélissiers et les orgiers fournissent respectivement les cinquième et sixième consuls, les canabassiers, merciers et épiciers le septième, les mazeliers et poissonniers le huitième ; coyratiers, sabatiers et fabres concourent pour le neuvième. Le dixième consul est un blanquier, le onzième un fustier ou un peyrier, et le douzième un laboureur. Ce système des échelles, qui réserve le consulat aux gens des métiers, témoigne de la prépondérance des professions artisanales et surtout commerçantes : nobles, clercs, avocats, notaires, professeurs et médecins sont exclus du consulat. Un seul aménagement de ce régime électoral, intervenu vers la fin du XIIIe siècle, réserve le troisième chaperon aux bourgeois, au détriment des métiers de la draperie. [21] »

Entre le début du XIIIe siècle et la décennie 1250, la procédure électorale a gagné en précision. Mais même dans le cadre normatif stabilisé après 1252, les pratiques sont variables suivant les périodes. Ainsi les pratiques électorales en vigueur au milieu du XIVe siècle ne sont pas exactement celles qui sont décrites dans les documents du milieu du XIIIe siècle. L’élection des consuls majeurs subit, après 1252, des ajustements qui visent à l’équilibrage du poids des métiers.

Il est important de souligner que le statut de 1252 est conservé sous la forme de copies dans les livres de la ville [22]. Il porte dans sa rédaction les traces des modifications intervenues au cours du temps. La version du statut de 1252 la plus communément utilisée par les historiens est celle transcrite dans le manuscrit du Petit thalamus conservé aux Archives municipales de Montpellier [23] et qui date du début du XIVe siècle. Il existe pourtant un témoin plus ancien du texte : il a été rédigé au début de la décennie 1260 et se trouve dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale de France [24]. Les deux copies présentent le même texte, mais réalisé à deux époques différentes. Et des variantes importantes apparaissent, concernant principalement la répartition des chaperons entre les métiers majeurs. Dans le manuscrit de Montpellier, des corrections et des ajouts ont été insérés en certains endroits. Ils témoignent des évolutions ayant affecté l’équilibre entre les métiers dans l’élection des consuls majeurs. Dans la version du manuscrit de la Bibliothèque nationale de France, il est par exemple précisé qu’au sein du neuvième chaperon les « coyratiers » (tanneurs) détiennent deux éligibles sur cinq, les « sabatiers » (cordonniers) en ont également deux et les « fabres » (forgerons) un seul. Dans la copie établie dans le manuscrit des Archives municipales de Montpellier, les « sabatiers » et « fabres » alternent désormais. La première année les « sabatiers » ont deux éligibles et les « fabres » un. L’année suivante c’est l’inverse.

Le registre des élections de Montpellier : la restitution des pratiques électorales

Montpellier est un cas particulièrement bien documenté du point de vue du déroulement des élections. En effet la ville dispose d’archives qui permettent d’approcher les pratiques électorales de la commune consulaire, au-delà du cadre normatif défini par les chartes et statuts municipaux. Ces pratiques électorales sont connues grâce au registre des élections coté Joffre n°5 [25]. Il mentionne, sous formes de listes, une grande quantité d’individus qui interviennent dans les procédures électorales ou qui sont élus aux différentes magistratures municipales. Le registre est construit suivant une trame chronologique annuelle. Figurent pour chaque année quatre rubriques successives :

  • l’élection des chefs de métier,
  • celle des ouvriers de la commune clôture,
  • celle des grands électeurs pour l’élection au consulat majeur
  • et celle enfin des consuls majeurs.

Chaque étape de la procédure électorale est précisément retranscrite visuellement par un système de signes graphiques.

Au moment où ce registre des élections commence à être tenu, s’engage un changement dans les procédures d’écriture des textes mémoriels de la ville. Les fastes consulaires [26] continuent de contenir les noms des consuls, bayles et notaires du consulat, mais ils prennent place dans des notices dont la composition repose sur une trame narrative plus dense et plus développée. Le registre des élections prend désormais en charge la mémoire administrative de Montpellier [27], en centralisant les informations disponibles [28]. Les consuls comme les administrés disposent d’un outil de contrôle des pratiques électorales. L’usage qui est fait de ce document semble varié, mais il répond dans les cas documentés à des nécessités administratives. Lorsqu’un consul majeur décède durant son mandat, il est possible de retrouver les anciens candidats au poste puisque leurs noms sont indiqués. Mais ces listes peuvent aussi servir, dans le cadre de procédures contentieuses, à identifier les officiers en charge du gouvernement de la ville, pour telle année particulière et ce même longtemps après les faits. En somme, le registre des élections est véritablement un outil de gestion administrative de la ville.

Dans le registre, l’élection des consuls majeurs tient une place prépondérante. Étant donné qu’elle se déroule en deux temps, deux rubriques y sont consacrées. La première concerne la désignation des Grands électeurs. Chaque année, les 35 éligibles à cette fonction sont inscrits et répartis par échelles, cinq dans chacune d’elles. Le résultat du tirage au sort est signalé par une croix portée à la gauche du nom des individus choisis. Dans la seconde rubrique sont mentionnés les nouveaux consuls majeurs. Le principe est le même que précédemment. Apparaissent douze sous-rubriques correspondant aux chaperons consulaires portant les noms des métiers les monopolisant, et cinq individus dans chacune d’elles. Là encore une croix est présente à la gauche du nom de la personne tirée au sort et élue. Un point important doit être souligné. Les consuls majeurs entrent en fonction au changement de millésime, c’est-à-dire le 25 mars [29]. Ils sont élus le 1er mars, ce qui signifie dans l’année précédant leur exercice de la charge. Par conséquent, ils sont inscrits dans l’année de leur élection et non pas dans celle où ils ont le pouvoir. Ainsi un individu élu pour être consul en 1354 [st. f.] se trouvera inscrit à l’année 1353 [st. f.] [30]. Même si elles contiennent les résultats des tirages au sort, les deux rubriques devraient plutôt porter comme noms « les 35 éligibles aux postes de grands électeurs » et « les 60 éligibles aux postes de consuls majeurs ».

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L’élection des consuls majeurs au milieu du XIVe siècle

Quelles informations peut nous fournir le registre des élections sur les pratiques des élections au consulat majeur au moment de sa tenue, au milieu du XIVe siècle ? L’analyse qui va suivre est réalisée sur une vingtaine d’années allant de 1352 à 1370. Il a été montré plus haut que certains métiers se réservent les chaperons du consulat, soit de manière exclusive, soit sous la forme d’un roulement sur plusieurs années, soit encore sur un mode probabiliste, en disposant d’un pourcentage des noms mis dans le sac avant le tirage au sort. C’est à partir de 1252 qu’une partie des métiers se réservent un monopole sur les sièges consulaires, comme le montre le statut procédant à la répartition des douze « rutlons ».

Ce terme de « rutlons » désigne les règles édictées au sein du statut qui s’appliquent au choix des éligibles au poste de consul [31]. Les roulements fixent le nombre de candidats dont chaque métier majeur a le droit de disposer au sein des 60 éligibles [32]. Ainsi, il est demandé aux sept grands électeurs et aux douze consuls majeurs sortants de respecter une répartition précise pour chaque chaperon dans le choix des candidats.

On obtient donc, pour ces roulements, le tableau suivant, fondé sur une fréquence de trois ans dans la répartition des éligibles au sein des chaperons. L’analyse du registre des élections corrobore l’application de ce système.

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Ainsi un pur jeu de probabilité résulte du tirage au sort des consuls majeurs parmi les 60 éligibles aux chaperons consulaires. Chaque individu connaît par avance ses chances d’être élu et doit composer avec. Les pourcentages expriment la domination politique de chaque métier dans la ville de Montpellier, et cette domination semble avoir des déterminants économiques et démographiques. Si les laboureurs sont certains d’avoir un consul, c’est parce qu’ils représentent une part non négligeable de la population urbaine. Les changeurs peuvent avoir deux consuls puisqu’ils appartiennent à l’un des deux métiers les plus puissants. Les métiers mineurs doivent trouver d’autres moyens, plus indirects, de jouer un rôle dans la vie politique.

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Les grands électeurs, vestige d’une participation électorale large

Le système d’élection au consulat majeur s’appuie sur un jeu de probabilités auquel ne participent qu’une poignée de métiers. Mais, puisque les sièges sont tous attribués à des métiers majeurs qui dominent le gouvernement [33], pourquoi l’élection se décompose-t-elle en autant d’étapes ? À quoi servent véritablement les grands électeurs ? Pourquoi élargir, au préalable, le collège électoral ? On peut penser, compte tenu des contraintes statutaires pesant sur la distribution des chaperons, que la cooptation de leurs successeurs par les consuls sortants n’aurait pas donné des résultats bien différents. Il doit donc exister une autre finalité expliquant la forme du système électoral.

C’est dans la désignation des grands électeurs que semble résider une partie de la réponse à ces questions. Aucun texte ou statut ne fixe de quotas de métiers pour les 35 personnes parmi lesquelles sept seront tirées au sort. Elles peuvent appartenir à n’importe quel métier. La désignation des grands électeurs repose donc en principe sur une large participation, ouverte à tous les métiers des sept échelles de la ville. Toutefois le registre des élections révèle une autre réalité. En mentionnant chacune des professions exercées par les 35 éligibles, le document permet de constater que les mêmes métiers reviennent régulièrement entre 1352 [st. f.] et 1367 [st. f.].

Ces résultats témoignent de l’existence d’une stratégie des consuls majeurs qui appliquent une sélection très précise des métiers représentés parmi les 35 éligibles. Ils entérinent sans doute un rapport de force qui pèse sur leur choix. Mais un autre élément est important. Ces métiers sont pour la plupart des métiers majeurs, ceux-là mêmes qui se réservent les chaperons consulaires. La quasi-totalité d’entre eux est présente dans les « rutlons », tels les « mazeliers » (bouchers), « peyssoniers » (poissoniers), « peliciers » (pelletiers), « orgiers » (marchands de grain), « coyratiers » (tanneurs), « blanquiers » (mégissiers)… Ainsi ce sont des hommes appartenant aux métiers majeurs qui dominent le collège d’électeurs chargé d’élire les nouveaux représentants de la commune. Néanmoins, d’autres métiers parviennent à être présents, de manière très faible il est vrai. Entre 1352 [st. f.] et 1367 [st. f.], on note ainsi la présence de représentants de métiers mineurs dans les échelles du lundi et du jeudi. Il s’agit des « corregiers » (bourreliers) et « forniers » (boulangers).

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Étant donné les régularités observables, il est envisageable que les grands électeurs disposent, au milieu du XIVe siècle, d’un système de rutlons comparable à celui des consuls majeurs élus. Si aucunestablimen dels rutlons n’existe pour chacune des échelles, il s’agit sans doute d’une coutume orale, souple mais contraignante, et qui évolue lentement. Des cas analogues sont avérés au sein de la commune montpelliéraine à cette même période. Le registre d’étendues de 1363-1364 du notaire du consulat Pierre Gilles [34] contient des actes concernant une controverse née à l’occasion de l’élection des ouvriers de la commune clôture. Le 31 octobre 1363, Garin Guilhem, drapier de la draperie vermeille est élu ouvrier dans l’échelle du vendredi. Toutefois son prédécesseur, Étienne de Claperede, était lui aussi drapier de la draperie vermeille. Jean Claparede, marchand de grain et consul majeur, conteste alors le résultat en arguant que l’usage impose qu’il y ait une alternance entre draperie vermeille et orgerie du Peyrou, pour l’ouvrier choisi au sein de l’échelle du vendredi. Cet usage est, selon l’accusateur, corroboré par les livres du consulat [35]. Après avoir sollicité le conseil de juristes, les consuls ordonnent que pour les deux ans à venir les orgiers possèdent le siège afin de compenser la situation de 1363. Les ouvriers disposent donc d’une coutume qui n’est pas présente dans les règlements mais qui en a la force.

Même si la coutume contribue fortement, au milieu du XIVe siècle, au renforcement du caractère oligarchique du gouvernement consulaire, elle ne prive pas les métiers mineurs de tout poids politique. Ils peuvent formuler leur avis sur les candidats aux chaperons. La division de l’élection des consuls majeurs en deux étapes vise à introduire une discussion portant sur le choix des personnes et non sur le poids respectif des métiers. Avant cette fermeture progressive au cours du XIVe siècle, l’élection des grands électeurs visait avant tout à permettre aux métiers les moins représentés d’intervenir dans le choix des 60 éligibles, le choix des candidats au consulat majeur reposant, pour une part, sur une opinion publique urbaine qui serait absente d’un pur système de cooptation.

Quelques constatations sur les consuls majeurs

Grâce à la réalisation, à partir du registre des élections, d’une base de données concernant les consuls majeurs entre 1352 et 1367, on constate que des personnes reviennent, de manière régulière, au poste de consul, et ce malgré les différents degrés d’élection et l’action des tirages au sort. Il est fortement probable que, si l’on ajoutait à la base de données les 60 éligibles aux chaperons consulaires, on constaterait davantage de récurrences. Ce sont souvent les membres d’une même famille qui réussissent à se maintenir au consulat, davantage qu’un individu particulier. Les Robert, les Bonamic, les Clapiers, ou encore les Domergue réussissent à placer plusieurs de leurs membres au consulat majeur. À eux deux, Étienne et Jean Robert occupent l’un des chaperons du consulat pendant six ans [36] Arnaud, André et Guilhem Domergue sont chacun consuls pendant un an [37]. Il existe donc de véritables « familles majeures ». Toutefois ce phénomène est limité par les dispositifs de la coutume de 1204, qui interdit, au cours d’une même année, le cumul de chaperons par les membres d’une même famille, le but étant d’empêcher la monopolisation du gouvernement. La nature annuelle de la charge comme d’ailleurs la mise en place d’une élection à plusieurs degrés devaient contribuer à garantir cette proscription, afin de purifier l’élection de tout esprit de parti, de faction, ou d’intrigue. Il est cependant possible de retrouver des parents dans les cinq éligibles à un chaperon. Ainsi pour l’élection de 1364 [st. f.], les Robert sont dans ce cas : Jean et Étienne se trouvent parmi les cinq candidats au chaperon des « blanquiers », ce qui confère à la famille 40 % de chance d’accéder au consulat. C’est d’ailleurs Jean Robert qui devient consul cette année-là. On peut également mentionner que Bertrand et Bernard Crestina sont candidats ensemble lors de certaines élections [38]. Dans d’autres cas, des parents se succèdent comme candidats sur plusieurs années.

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Tous ces individus ont eu des carrières politiques en exerçant plusieurs hautes fonctions municipales. Au travers de quelques cas, il apparaît clairement que la fonction de chef de métier est celle que ces hommes exercent en premier dans leurs carrières politiques. Bien sûr il existe des exceptions, comme le montre le cas de Guilhem de Conques. Mais il ne faut pas oublier que le registre des élections débute en 1352 [st. f.], et les indications antérieures concernant les chefs de métier ne sont pas disponibles. Le cursus politique général montre qu’au XIVe siècle, la légitimité à exercer la fonction de consul majeur se construit d’abord dans le cadre du métier, la magistrature d’ouvrier de la commune clôture étant souvent exercée après avoir déjà été au moins une fois à la tête du gouvernement. Toutefois tous les ouvriers ne sont pas d’anciens consuls majeurs et la Commune clôture semble bien souvent offrir un poste de « transition » aux élites de la ville.

En guise de conclusion : élections et régime politique à Montpellier

Il ressort des premières analyses qu’un système oligarchique tempéré domine à Montpellier. La souveraineté du pouvoir politique appartient aux douze consuls majeurs et, malgré le roulement annuel, ce sont toujours les mêmes métiers qui se partagent les postes. Ces métiers majeurs sont importants par leur richesse (drapiers et changeurs) ou par le nombre (laboureurs). Il se trouve donc une catégorie d’individus, définie, qui gouverne au nom de l’universitas. Néanmoins l’organisation des élections en elles-mêmes conduit à nuancer la qualification. En effet, plusieurs étapes se succèdent dans la procédure électorale qui permettent la présence d’individus étrangers à cette oligarchie gouvernementale. Leur poids paraît cependant se réduire à partir du XIVe siècle. Bien que l’exercice du pouvoir soit oligarchique, la désignation des représentants comporte un élément « démocratique ». La sélection par tirage au sort en est véritablement le symbole. Le choix est laissé au hasard. Non seulement pour la désignation des futurs consuls, mais également pour une partie de leurs électeurs. De plus, malgré la mise en place probable de roulements dans l’élection des Grands Électeurs, l’objectif d’une participation large des Montpelliérains ne disparaît pas, comme en témoigne la présence de métiers mineurs. Ce sont les citoyens, c’est-à-dire ceux qui assurent à la défense de la ville, qui participent, au travers de leurs représentants que sont les chefs de métier, au choix des individus éligibles à la tâche de Grands Électeurs. Au XIVe siècle il reste, à Montpellier, d’autres moyens à l’ensemble de l’universitas pour détenir un rôle dans la prise de décision politique. Dans certains cas, elle est réunie, au son de la cloche, devant le consulat, afin de servir d’organe consultatif sur les questions qui lui sont présentées. Dans d’autres circonstances, notamment pour les affaires importantes, le consulat en appelle à l’avis du conseil de ville. Ce sont des individus ayant part au pouvoir municipal qui se joignent aux consuls majeurs (ouvriers, consuls des métiers, anciens consuls majeurs, consuls de mer, etc.). Les possibilités de participation au pouvoir municipal, pour les groupes professionnel situés en dehors de l’oligarchie gouvernante sont donc faibles mais elles existent. Comment un tel système qui présente des aspects à la fois oligarchiques et démocratiques peut-il fonctionner ? On est face à un système que l’on peut qualifier de mixte. Même si des confrontations ont parfois lieu entre l’universitas et le pouvoir communal, à l’image du mouvement des « populaires » des années 1320 qui revendique une meilleure gestion des affaires communes ainsi qu’une plus grande ouverture du gouvernement communal, il semble, que sur un siècle et demi, la complexité du système électoral a permis une grande stabilité institutionnelle qui passe, paradoxalement, par des remaniements et des rééquilibrages constants. Au cours de la seconde moitié du XIVe siècle, Montpellier bascule progressivement vers une oligarchie pleine et entière. Les métiers majeurs s’approprient le pouvoir et la représentation des métiers mineurs se réduit peu à peu. Ce mouvement apparaît inséparable du renforcement croissant du contrôle politique du roi de France sur la ville.

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Guy ROMESTAN, « Sous les Rois d’Aragon et de Majorque (1204-1349) », Histoire de Montpellier, Privat, 1989 (2e édition), col. Univers de la France, p. 39-69.

 

Notes

[1] En collaboration avec Pierre Chastang.

[2] Voir André Gouron, « Libertas hominum Montispessulani. Rédaction et diffusion des coutumes de Montpellier », Annales du Midi, 90, 1978, p. 289-318.

[3] À la mort de Jacques le Conquérant en 1276, Montpellier devient possession de son fils cadet Jacques II roi de Majorque.

[4] Montpellier, bien qu’appartenant à un seigneur étranger jusqu’en 1349, bénéficie de la protection militaire du roi de France. De plus, elle est l’une des seules grandes villes du Midi français où le catharisme ne s’est pas développé et implanté. Elle reste relativement à l’écart du conflit qui touche la région entre 1208 et 1229. Le 19 mai 1349, le chancelier Firmin Coquerel achète la seigneurie de Montpellier au nom du roi de France Philippe VI pour 120 000 écus d’or. Le pouvoir communal est maintenu.

[5] André Gouron, La réglementation des métiers en Languedoc au Moyen Âge, Genève-Paris, 1958, p. 56.

[6] Vincent Challet, « Y a-t-il des consuls à Béziers avant 1247 ? Réflexions sur l’histoire du consulat biterrois à la veille de la Croisade », En Languedoc au XIIIe siècle, le temps du sac de Béziers, Monique Bourin (éd.), Perpignan, 2010, p. 203-226.

[7] Éditée dans Liber instrumentorum memorialium. Le cartulaire des Guilhem de Montpellier, Alexandre Germain et Camille Chabaneau (éd.), Montpellier, 1884-1886n° 8 (1er janvier 1142) : « In illos enim qui consules appellantur ».

[8] Voir en particulier Kathryn L. Reyerson, « Lucchese in Montpellier in the era of Castruccio Castracani. The mintmaster’s penetration of languedocian commerce and finance », Actum Luce. Rivista di studi lucchesi, 13/14, 1984-1985, p. 203-216 et Kathryn L. Reyerson, « Montpellier and Genoa. The dilemma of dominance »,Journal of medieval History, 20, 1994, p. 359-372.

[9] Arch. mun. de Montpellier, Grand chartrier, Arm. E, cassette 4, n° 2131, édité dans Alexandre Germain,Histoire de la commune de Montpellier depuis ses origines jusqu’à son incorporation définitive à la monarchie française, Montpellier, 1851, t. II, p. 422-425.

[10] Arch. mun. de Montpellier, Grand chartrier, Arm. E, cassette 4, n° 2134 et 2135, édités ibid., p. 426-432.

[11] Voir Alexandre Germain, Histoire de la Commune de Montpellier. Depuis ses origines jusqu’à son incorporation définitive à la monarchie française, Montpellier, 1851, vol. 1, p. 139-140 et Guy Romestan, « Sous les Rois d’Aragon et de Majorque (1204-1349) », Histoire de Montpellier, Privat, 1989 (2e édition), p. 62-66.

[12] Jean-Marie Carbasse, « Justice “populaire”, justice savante : les consulats de la France méridionale (XIIe-XIVe siècle) », Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge, Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (éd.), Rome, 2007, p. 347-364.

[13Layettes du Trésor des chartes, Alexandre Teulet (éd.), t. 1 : 755-1223, Paris, 1863, n° 721, § 120.

[14Layettes du Trésor des chartes, Alexandre Teulet (éd.), t. 1 : 755-1223, Paris, 1863, n° 760, § 9.

[15] Voir Alexandre Germain, Histoire de la Commune de Montpellier. Depuis ses origines jusqu’à son incorporation définitive à la monarchie française, Montpellier, 1851, vol. 1, p. 349-352.

[16] Voir Alexandre Germain, Histoire de la Commune de Montpellier. Depuis ses origines jusqu’à son incorporation définitive à la monarchie française, Montpellier, 1851, vol. 1, p. 354-358.

[17] Bibl. nat. de France, fr 14507, f° 40 v-41 v, naf 4337, f° 74 v-75 v, Arch. mun. de Montpellier, AA 9, f° 249-252 v.

[18] André Gouron, La réglementation des métiers en Languedoc au Moyen Âge, Genève-Paris, 1958, p. 56.

[19] Voir Élisabeth Crouzet-Pavan, Venise triomphante : les horizons d’un mythe, Paris, Albin Michel, 2004 (1999), p. 292-312.

[20] Elena Brizio, « L’elezione degli uffici politici nella Siena del Trecento » Bulletino Senese di Storia Patria, 98, 1991, p. 16-62. W. Bowski, A medieval Italian Commune. Siena under the Nine, 1287-1355, Berkeley-los Angeles-London, 1981, p. 59-61.

[21] Guy Romestan, « Sous les Rois d’Aragon et de Majorque (1204-1349) », Histoire de Montpellier, Toulouse, 1989, p. 62.

[22] Voir supra note 16.

[23] Arch. mun. de Montpellier, AA 9, f° 249-252 v.

[24] Bibl. nat. de France, naf 4337, f° 74 v-75 v.

[25] Le registre des élections municipales est conservé aux Archives municipales de Montpellier dans les archives du greffe de la maison consulaire, inventoriées par François Joffre en 1662. Il porte la cote Joffre n° 5. Ce registre a commencé à être tenu à partir de 1352, suite à une décision du nouveau seigneur de la ville, le roi de France Philippe VI, d’inscrire dans un registre, pour chaque année, les noms des différents consuls de la ville. Il couvre une période allant du milieu du XIVe siècle au XVIIe siècle. Ce manuscrit est relativement grand et volumineux. Il présente un format 440 x 286 mm et se compose de 532 feuillets. L’ensemble est rédigé sur papier, en occitan.

[26] Liste annuelle des noms des consuls majeurs et autres fonctionnaires tenue depuis le début du XIIIe siècle dans les Grands livres puis les Petits livres de la ville couramment dénommés thalami.

[27] La plupart des informations citées sont tirées de l’habilitation à diriger les recherches de Pierre Chastang,La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier (XIIe-XIVe siècle). Essai d’histoire sociale, Paris, 2013. La confection du registre des élections apparaît ainsi comme le résultat d’une distinction opérée entre mémoire administrative et mémoire urbaine montpelliéraines, à une période où se forme une véritable bureaucratie dans la ville, et alors que des carrières spécifiquement administratives apparaissent dans le milieu notarial. Le registre des élections, auquel l’ordonnance consulaire de 1363 assigne une fonction de préservation de la mémoire perpétuelle (« perpetua memoria  »), apparaît à la fois comme un symptôme et comme un outil de cette « mutation » administrative.

[28] Le thalamus des ouvriers de la Commune clôture comprend une liste des sept Senhors obriers élus, tenue de 1269 à 1383. Arch. mun. de Montpellier, EE 375, f°. 21-36 v (1269-1349) et 45-56 v (1350-1383).

[29] La ville de Montpellier utilise le style de l’annonciation appelé aussi style florentin. Une année débute au 25 mars et prend fin le 24 mars suivant. Les dates suivies de l’indication « [st f] » correspondent à des années dans le style florentin.

[30] D’ailleurs la phrase d’introduction de la rubrique des consuls majeurs pour 1353 [st f] indique : « Ayssi escrivem lo nom dels LX elegitz del an M.CCC.LIII per l’an endevenidor de l’an M.CCC.LIIII. Els crozatz son aquels que son cossols », Arch. mun. de Montpellier, Joffre n°5, f° 8.

[31] Au sein de ces « rutlons », on constate que les places octroyées à chaque métier sont au nombre de 60, tout comme le nombre d’éligibles au consulat.

[32] Il apparaît, notamment au travers du Registre des élections que les métiers inscrits dans ces « rutlons » sont ceux qui occupent les douze chaperons consulaires.

[33] Seule une petite partie des métiers se partage le consulat. Et ce, grâce à la répartition faite par les rutlons. Ces métiers dominent politiquement les autres et peuvent à mon sens prendre le nom de « métiers majeurs ».

[34] Arch. mun. de Montpellier, BB 4, f°69-70, analysé dans Archives de la ville de Montpellier, tome 13, Inventaire analytique série BB (1293-1387), Maurice de Dainville, Marcel Gouron, Liberto Valls, Montpellier, 1984.

[35] Les professions ne figurent pas dans les listes du Thalamus des ouvriers de la commune clôture. Arch. mun. de Montpellier, EE 375, f° 49 v.

[36] Estève est consul en 1353 [st f], 1357 [st f], 1361 [st f] et 1366 [st f], Jean est consul en 1360 [st f] et 1365 [st f].

[37] Arnaud est consul en 1354 [st f], André en 1362 [st t] et Guilhem en 1368 [st f].

[38] En 1353 [st f] ils sont tous les deux candidats. C’est d’ailleurs Bertrand qui devient consul (f° 8). L’année qui suit, Bernard est de nouveau présent comme candidat.