Le miroir et la plume, Registres, notaires-secrétaires et chancellerie royale au cœur du XIVe siècle

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Emmanuelle Portugal

Résumé
L’article propose de partir à la découverte des registres de chancellerie produits sous le règne des trois premiers souverains de la branche Valois (1328-1380). Ces documents, pourtant beaucoup exploités par les historiens pour leur contenu, n’ont fait l’objet que d’études ponctuelles au cours des cinquante dernières années. Miroir pluriel donnant accès à une société, à des pratiques de l’écrit ainsi qu’au groupe de scripteurs leur donnant vie, les registres de chancellerie posent de nombreux problèmes, à commencer par leur définition, qui seront mis en évidence et pour lesquels quelques éléments de réponse seront apportés.

Emmanuelle Portugal. Laboratoire ESR (UVSQ) – Labex PATRIMA. Courriel : emmanuelle.portugal@gmail.com Née le 8/11/1988. Doctorante en Histoire médiévale. Sa thèse débutée en octobre 2011, intitulée « Des chartes aux registres. Les notaires et secrétaires royaux au milieu du XIVe siècle, étude sociale et documentaire » et menée en cotutelle entre l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Monsieur Bruno Laurioux) et le Département du Moyen Âge et de l’Ancien Régime des Archives nationales (Monsieur Ghislain Brunel) a pour but d’analyser le fonctionnement de la chancellerie ainsi que la culture notariale entre 1328 et 1380 au travers de l’étude d’une groupe de notaires-secrétaires et de l’étude matérielle de documents émanant de l’activité de ces derniers.


« La diplomatique est la science de la diversité et non de l’uniformité pour débusquer le faux » [2]

Au détour de ces quelques mots, Olivier Guyotjeannin dresse avec simplicité le bilan pourtant complexe des évolutions subies par la diplomatique depuis ses origines et tout particulièrement de celles intervenues au cours du siècle dernier [3]. Cette discipline, fondée et formalisée par Dom Jean Mabillon en 1681 avec la publication du De Re Diplomatica, avait pour vocation de servir dans la recherche et la critique des faux. On fixa ainsi très rapidement, par le biais de la création de corpus, une batterie d’éléments internes et externes des actes. Ce premier âge de la diplomatique s’acheva à la fin du XIXe siècle, période durant laquelle elle se constitua en discipline autonome. Beaucoup de pistes de recherche étaient pressenties par les diplomatistes mais étaient le plus souvent bridées par leurs propres partis pris. Au cours du XXe siècle, l’influence de l’école autrichienne [4] renouvela grandement la diplomatique et lui permit de faire peau neuve, en mettant en évidence les apports de cette science à l’histoire culturelle. Le « mouvement de réappropriation critique des « sources » écrites » [5] était en marche. Ainsi, à partir des années 1950 commença à se développer une nouvelle diplomatique libérée de l’omniprésence de la question de la distinction du vrai et du faux [6], bien que les prémices de celle-ci soient déjà visibles au travers d’études bien antérieures [7].

À peu près au même moment, la discipline historique prit elle aussi un tournant décisif [8]. Les barrières entre des catégories artificielles tombèrent, l’Histoire, frappée de « boulimie intellectuelle » [9], se fit moins noble et s’ouvrit aux savoirs de disciplines connexes, aux sciences dites auxiliaires, au rang desquelles se trouve la diplomatique. Ces évolutions conduisirent à un élargissement progressif des curiosités [10] et en un véritable renouveau pour la recherche historique, ouvrant notamment la porte à l’étude des documents pour eux-mêmes.

Un voile se leva alors sur des sources et territoires encore inexplorés ou jusqu’alors affiliés à d’autres champs disciplinaires. Ces évolutions poussèrent les historiens à porter un regard neuf sur les gisements d’archives déjà massivement exploitées, à l’image des registres de chancellerie présents dans la sous-série JJ du Trésor des chartes conservés aux Archives nationales. Tout comme les enquêtes de Louis IX [11], les registres de chancellerie sont un garde-manger [12] de premier ordre pour les historiens en raison de la quantité -quoique très limitée au regard de la production totale de la chancellerie [13]- et de la diversité des documents que leurs pages contiennent et gardent. Ils sont à la fois une fenêtre ouverte sur la société de leur temps ainsi que le reflet des pratiques polymorphes de l’administration qui les produit. Ils peuvent être tour à tour envisagés comme des outils de gestion, comme les garants des possessions rattachées au domaine royal ou de grâces en tous genres accordées par le roi à diverses strates de la population (rémission, absolution, charte de privilèges, donation, amortissement, anoblissement, légitimation, naturalisation etc). Cependant, ils se présentent comme de véritables « monuments pétrifiés » [14] de l’histoire de France. En effet, en dépit de réflexions isolées mais fort instructives [15], le fait qu’ils soient un objet d’étude à part entière fut longtemps laissé de côté. Ce désintérêt flagrant pour leur matérialité, leur agencement et la technique d’enregistrement les faisant naître, en somme pour leur « être », avait été signalé il y a maintenant plus de vingt ans [16]. Néanmoins, cette constatation n’a suscité de réelle réaction sur le plan international [17] que depuis une dizaine d’années alors que d’autres types de documents, tels que les cartulaires [18] ou les comptes [19], ont connu un regain d’intérêt plus rapide. Ainsi, que sont les registres de chancellerie ? Comment sont-ils faits ? Comment s’organisent-t-ils ? Quels sont les usages qui en sont faits ? Que nous apprennent-t-ils ? Il reste beaucoup à faire avant que nous ne puissions considérer que ces documents, pourtant fréquemment cités et utilisés, ne soient réellement connus et en voie d’entrer dans le domaine de l’acquis.

Le présent propos prendra pied en plein cœur du XIVe siècle au sein de la chancellerie royale des trois premiers souverains de la branche Valois (1328-1380), chancellerie en mutation dont les pratiques et le personnel ont encore beaucoup à offrir aux chercheurs, et se limitera à donner quelques éléments de réponse à ces interrogations. Ainsi, nous nous arrêterons tout d’abord sur les problèmes posés par la définition des registres de chancellerie pour ensuite nous intéresser à ce que ces documents peuvent nous dire des pratiques en usage au sein du bureau d’écriture des rois et des agents qui évoluent en son sein.

I. Qu’est-ce qu’un registre de chancellerie ?

Bien qu’éclairantes dans le cadre d’une entrée en matière, aucune des définitions traitant des registres de chancellerie ne nous prépare vraiment à la confrontation avec ces derniers en raison de la difficulté évidente à faire coïncider le concept théorisé d’un objet avec sa réalité. En l’absence de contact direct avec les sources ou d’étude les ayant questionnées sur leur organisation matérielle et intellectuelle, une définition trop large peut faire germer une conception biaisée de la source ou faire penser, selon une idée reçue parfois regrettable, que le terrain est complètement balisé.

A. Ce que disent les définitions

Dans l’introduction de l’inventaire analytique des registres du règne de Philippe le Bel, Robert Fawtier donne la définition suivante :

« Un registre de chancellerie, au sens strict du mot, est un registre où, au fur et à mesure de leur délivrance et avec plus ou moins de retard, les notaires de la chancellerie royale ont transcrit, ou fait transcrire par leurs clercs, les actes dont ils avaient établi le texte pour le roi. Ces registres doivent donc présenter les actes royaux dans un ordre chronologique qui, pour n’être pas absolument suivi, n’en est pas moins, grosso modo, respecté. Ces transcriptions comportent, en principe, outre le texte même de l’acte, celui des mentions hors la teneur (duplicata, triplicata, etc., signature du notaire, nom du personnage ayant commandé l’acte), éventuellement la mention du sceau » [20].

Après cette lecture, nous nous trouvons renseignés au sujet de la composition possible d’un registre mais ses contours, tenants et aboutissants demeurent tapis dans l’ombre. La consultation des définitions proposées par le Vocabulaire international de diplomatique permet de compléter, au moins en partie, cette première définition. Ainsi, « un registre (lat. : registrum) est un volume dans lequel on procède à un enregistrement successif d’actes, de lettres, de comptes […] Dans certaines chancelleries […] l’enregistrement pouvait se faire dans des cahiers (quinterni) qui étaient ensuite réunis en un registre » [21]. Nous apprenons un peu plus loin qu’ « un registre de chancellerie (lat. : registrum cancellariae) est destiné dans une chancellerie à recevoir le texte des actes expédiés par elle, au fur et à mesure de leur expédition ou de leur scellement, cet enregistrement se faisant à intervalles plus ou moins réguliers » [22].

Les registres sont donc des volumes, à savoir des groupes de cahiers reliés les uns aux autres, mais ces deux définitions supplémentaires, malgré une brève indication d’ordre matériel, s’intéressent encore une fois presque exclusivement à la technique mise en œuvre, l’enregistrement, plus qu’à la pratique faisant naître les documents. Ces trois définitions, d’où se dégagent tant une impression de flottement que d’uniformité relative dans les pratiques d’enregistrement, nous apportent quelques éléments descriptifs mais leur consultation ne nous renseigne toujours pas sur l’aspect, l’utilité, l’organisation et le contenu d’un registre de chancellerie.

B. Ce que les registres montrent d’eux

Après l’examen d’une dizaine d’entre eux [23], il apparut qu’un fossé important existait entre la conception normée, donnée par les définitions, et la réalité. De fait, les registres de chancellerie contiennent bel et bien des actes royaux à valeur perpétuelle mais ils se présentent comme des volumes polymorphes dont le contenu est organisé selon un ordre chronologique très relatif. De plus, ils font l’objet d’une organisation formelle que les définitions ne signalaient pas, bien que celle-ci se présente comme structurante quoique changeante et étriquée au sein de la page. Il fallait reprendre les choses à la base.

Les registres de chancellerie des trois premiers Valois se présentent comme des volumes reliés sous une reliure rigide et sont composés de plusieurs cahiers [24] de taille variable. Ces cahiers sont en parchemin, à de très rares exceptions près [25], et portent une écriture en pleine page encerclée par des marges aux dimensions relativement variables. L’encre utilisée est une encre noire mais il arrive parfois qu’une encre rouge soit employée pour la table, la numérotation des actes et les analyses. Les cahiers sont parfois numérotés en chiffres romains et sont souvent porteurs de signatures et réclames, permettant de mettre les cahiers à la suite les uns des autres dans le bon ordre. Certains feuillets sont laissés partiellement ou totalement vierges. Les registres contiennent bel et bien la copie d’actes royaux à valeur perpétuelle, des chartes [26], de nature très variée. Cohabitent entre autres, au sein d’un même registre, des rémissions, des absolutions, des lettres de naturalité, des légitimations, des donations, des amortissements, des concessions de privilèges, des confirmations en tous genres et des ordonnances, toutes ces catégories pouvant être déclinées et parfois combinées de plusieurs manières. Ces actes sont le plus souvent recopiés dans leur entier, mentions hors teneur [27] comprises, semble-t-il d’après expédition. Lorsque plusieurs actes de même nature se suivent, il arrive parfois que seul le premier de la série soit copié dans son entier, les suivants ne comportant, le plus souvent, que la mention du nom du bénéficiaire introduit par l’adverbe latin item ou par la traduction française de celui-ci la semblable [28].

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Arch. nat. JJ 85 fol. 74r (cliché Archives nationales)

Au rang des formules raccourcies ou oublis [29] que peuvent subir les actes transcrits, il est important de noter que la titulature du roi est souvent omise et remplacée par etc. De même, tout comme dans les expéditions, le nom du souverain est parfois abrégé ou orné et plus rarement omis voire oublié [30].

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Arch. nat. JJ95, Fol. 3v (n°9), Fol. 4r (n°10), Fol. 27r (n°74)

Certains actes ne comportent parfois pas de mentions de corroboration [31], de date, de lieu et/ou hors teneur [32] (notamment dans les actes abrégés) et certains actes sont commencés mais ne sont jamais achevés [33]. Il arrive aussi parfois que certains actes soient cancellés [34]. Plusieurs mains de copistes, dont on ignore le nom à de rares exceptions près [35], sont mises en présence et alternent à échéance variable (cahier par cahier, acte par acte, parfois à quelques lignes d’intervalle).

Chaque acte est généralement numéroté en chiffres romains dans la marge latérale gauche et est accompagné d’une analyse [36] révélant la nature de l’acte et le bénéficiaire, sauf oubli ou ajout postérieur à la phase d’enregistrement primitive et continue du registre.

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Arch. nat. JJ95 Fol. 24v (n°68) et Fol. 27v (n°75). Détail de l’analyse des actes.

Une table, où est reportée l’analyse de chaque acte précédée de son numéro, est présente au sein de bon nombre de registres.

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Arch. nat. JJ95 Fol.97v. Détail l’analyse de l’acte n°68 dans la table.

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Arch. nat. JJ95 Fol. Fol. 97v. Détail de l’analyse de l’acte n°75 dans la table.

Tous ces éléments cohabitent au sein du groupe composé par les registres de chancellerie des trois premiers Valois, bien que certains ne soient pas présents dans chacun d’entre eux. Il convient donc de les garder à l’esprit afin d’envisager toutes les déclinaisons formelles qui s’offriront à nous, une fois la première page du registre tournée, sans pour autant qualifier de curieux ou isoler un registre qui ne présenterait pas l’une de ces composantes (le cas le plus fréquent étant l’absence de table).

À la lueur de ce constat et de ce que les registres de chancellerie laissent transparaître de leur être, il semblerait que nous nous trouvions face à des produits artisanaux, fruit et témoin d’un savoir-faire à taille humaine, et non à des documents résultant d’une machine administrative rigide et standardisée. Les clercs, notaires et secrétaires des rois ne sont pas des automates mécaniques répétant à volonté les mêmes gestes. En effet, bien que l’évocation de l’enregistrement des actes ne le laisse pas transparaître, ce type de documents permet d’avoir un aperçu de la large palette de la créativité et des pratiques de ces agents. Chaque registre est à la fois unique, de par sa forme et son contenu, et ancré dans une chaîne de production dont les pratiques, encore à décrypter, défilent progressivement sous nos yeux. De plus, comme le disait Michel Pastoureau à propos des couleurs, ces sources ne sont « pas dans leur état d’origine mais telles que le temps les a faites » [37] et ne sont pas à concevoir « hors contexte, hors, du temps et de l’espace » [38].

C. Les registres de chancellerie, sujets de choix pour une archéologie textuelle [39]

Après plusieurs mois de travail sur près d’une dizaine de registres de chancellerie produits sous le règne des trois premiers Valois, il est apparu que les registres médiévaux, dans leur forme originelle, n’existent plus. Ne pas considérer ces sources comme des objets pétrifiés, restés inchangés de leur rédaction à nos jours, était au départ important mais devint essentiel à la lueur de ce constat. De fait, les registres de chancellerie portent aujourd’hui les marques visibles (pour ne pas dire les stigmates dans certains cas) de plusieurs strates d’actions humaines de nature variée intervenues au cours du temps. « C’est comme si, de la pellicule du film, ne restaient que quelques images brulées, dont on ne sait pas si elles faisaient partie du montage final ou d’un ancien story-board. Et comme la plupart ne comportent que quelques gros plans, comment reconstituer le travelling d’ensemble ? » [40]

Afin de ne pas faire d’impairs dans notre tentative de compréhension, de reconstitution et d’attribution des pratiques mises en présence, il nous paraît essentiel de réaliser, à la manière d’un archéologue, un « décapage stratigraphique » [41] de ces documents. Cette quasi-dissection aura pour but de déconstruire et de classer chronologiquement les actions ayant eu pour effet de modifier les registres de chancellerie. De fait, notre objectif sera de tenter d’approcher au plus près de ce que les documents pouvaient être au moment de leur collation [42] -ou peu après- et d’observer ce qu’ils ont pu devenir au cours du temps, en retraçant les différentes étapes qu’ils ont traversées. Afin de montrer l’importance de cette démarche, nous allons successivement observer deux groupes d’éléments (table-numérotation-analyse, reliure) constitutifs des registres de chancellerie en tentant de les replacer chronologiquement pour reconstruire les différentes strates de ces documents.

1. Strate α : Numérotation, analyse des actes et table

Quiconque aura entre les mains un registre de chancellerie sera frappé, une fois familiarisé avec l’objet, par la pluralité des écritures présentes au fil des pages ainsi que par les différentes strates textuelles, parfois évidentes [43], mises en présence. En effet, plusieurs phases cohabitent nettement : celle de l’enregistrement des actes et celle de la mise en place d’instruments d’exploitation (table, numérotation, analyse). Nous aborderons un peu plus loin la question de l’enregistrement des actes et des scripteurs qui en étaient chargés afin de nous concentrer dans un premier temps sur la réalisation de la numérotation des actes, de leur analyse ainsi que de la table souvent présente au début du volume.

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Arch. nat. JJ 65A, Table, Fol. IIv et IIIr (clichés Archives nationales)

Avant de poursuivre notre propos, il convient de souligner le fait que ces tables, qui récapitulent tous les actes numérotés et analysés, semblent avoir été écrites d’une traite par un unique copiste, pouvant différer selon les volumes, dans un laps de temps relativement proche du moment de l’enregistrement des actes [44]. Les lignes y sont régulières et l’écriture, parfois rehaussée de rouge [45], y est relativement disciplinée, disposant d’un cadre précis sur lequel se poser. Notons que la main qui rédige la table n’est pas toujours celle qui s’occupe de numéroter et de réaliser l’analyse de chaque acte, bien qu’elle semble s’en charger la plupart du temps.

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Arch. nat. JJ95 Fol. 97r (table) et Fol. 1r (analyse et numérotation marginales)

Au sein de cette strate dédiée à la mise en place d’outils permettant un accès plus rapide à l’information compilée, se dégagent ainsi deux temps -celui de la rédaction de la table et celui de l’écriture de la numérotation/analyse des actes- sans pour autant qu’il nous soit possible de dire avec certitude la phase qui emboîta le pas à l’autre [46].

En marge de cette première subdivision, la numérotation et l’analyse des actes hors de la table sont souvent les témoins de la superposition de plusieurs phases d’écriture qui nous renseignent parfois grandement sur les différentes modifications formelles que le registre a pu subir. Prenons l’exemple de la numérotation des actes. Celle-ci, écrite en chiffres romains a priori par la même main que celle des analyses, est parfois barrée complètement ou réutilisée partiellement, faisant ainsi plus ou moins varier l’ordre originel de la première numérotation. Un relevé, un classement et une reconstitution de ces différentes numérotations permettra, une fois mis en relation avec d’autres éléments disséminés au sein des cahiers, de saisir les possibles phases de restructuration que le registre a connues au cours d’une période relativement courte.

En outre, certains actes ne sont parfois pas numérotés avant la période moderne (XVIIe-XVIIIe siècles). Il s’agit le plus souvent d’actes bissés -bien que ceux-ci puissent être dus à une erreur de la part du scripteur [47]- qui n’apparaissent pas dans la table récapitulative du registre concerné et qui ne disposent pas d’une analyse de leur contenu. Ces actes se présentent comme le résultat d’une phase d’enregistrement incomplète [48] ou éventuellement postérieure à celle de la réalisation des analyses des actes qui l’entourent [49].

Ainsi, les strates rédactionnelles se touchent, se croisent et se superposent mais ne peuvent livrer quelques-uns de leurs secrets que par le biais d’une observation et d’une analyse attentives de tous les indices qu’elles ont semés dans leur sillon.

2. Strate β : Du cahier à la reliure [50]

En marge de toutes ces analyses, il est important de noter que l’archéologie du registre médiéval commencera pour le chercheur avant même d’avoir ouvert son premier volume. En effet, le constat de la disparition des registres de chancellerie médiévaux sera en réalité immédiat : les éléments composant la reliure d’origine des registres présents dans la sous-série JJ ont été déposés. Ils furent remplacés par des plats rigides au cours d’une campagne menée aux Archives nationales entre 1840 et 1848 [51]. Les registres du Trésor des chartes furent à cette occasion retirés de leurs caisses et devinrent les occupants de la série JJ [52], subdivision de la série J créée entre 1852 et 1854 [53]. Cette nouvelle reliure fut elle-même remplacée au cours de la seconde moitié du XXe siècle : les cahiers furent alors montés sur quatre rubans, avec une tranchefile [54] de conservation bâtie sur âme, en tête et queue. Rien ne subsiste des nerfs d’origine, si ce n’est peut-être les trous de couture dans les fonds de cahier. La couvrure, appliquée sur des ais de carton, est faite d’un cuir basané orangé, orné de filets estampés à froid sur les plats. De simples dorures à chaud soulignent les nerfs, au niveau du dos. Pour les gardes et contre-gardes fut utilisé un papier vélin marbré de fabrication mécanique. Un feuillet de parchemin monté sur onglet, sur le premier et dernier cahier, encadre le bloc texte et porte plusieurs strates d’annotation : il s’agit probablement de la seule réminiscence de ce qui devait être la reliure médiévale. Les cahiers furent, semble-t-il, souvent ébarbés afin d’uniformiser le bloc-texte. Cette opération fut réalisée de façon plus ou moins soigneuse, dont témoignent les nombreux bords de feuillets crénelés et repliés afin de préserver les mentions marginales ou le corps des actes dans certains cas.

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Arch. nat. JJ91, reliure et Arch. nat. JJ 91, couverture souple (cliché Archives nationales)

Les registres médiévaux ne conservent donc pratiquement rien de leur reliure primitive. Cette action, menée en accord avec une politique archivistique antérieure, ferme un pan complet des recherches ayant trait à la dimension matérielle de ces documents. Cependant, elle ne fut pas la seule. En effet, Robert-Henri Bautier signala dans une étude de la chancellerie de Philippe VI que le fait de relier les registres fut, semble-t-il, progressivement mis de côté [55]. Selon lui, cette nouvelle habitude peut notamment expliquer les problèmes de numérotation évoqués ci-avant. Toujours d’après cet auteur, « il semble qu’au temps de Charles V les cahiers aient été grosso modo ficelés par dix pour chaque règne […] Ce sont ces paquets que Gérard de Montaigu a trouvés, répertoriés, très grossièrement aménagés et cotés : c’est l’origine des cotes actuelles » [56].

Les registres de chancellerie que nous connaissons sont donc issus de groupements, certes au départ médiévaux mais factices, dont l’agencement et la composition auraient sensiblement évolué depuis la phase primitive que représente l’enregistrement. De sérieuses recherches, déjà amorcées à ce jour, sont encore à mener pour nous permettre de mieux cerner l’histoire de ces sources composites. La reconstruction, même approximative, des différentes formes que ces documents ont pu revêtir à travers le temps n’est pas uniquement affaire d’histoire du fonds : c’est une nécessité pour ne pas dire une obligation. En plus d’ouvrir de nouvelles perspectives, l’archéologie du registre de chancellerie, véritable travail de fourmi, garantit une certaine lucidité dans le cadre de l’appréhension d’au moins trois strates d’actions humaines : l’écriture, la mise en place d’outils et la tentative d’uniformisation de la série.

II. Les registres et l’écriture en chancellerie

En dépit de leur histoire, souvent difficile à retracer en raison des nombreuses modifications qu’ils ont connues, les registres demeurent le miroir des pratiques rédactionnelles ayant eu cours à la chancellerie royale et deviennent parfois bavards sur leur conception et leur finalité.

A. Les registres avant l’écriture

Au départ, étaient les bifeuillets. Ceux-ci, de parchemin ou de papier, étaient imbriqués les uns dans les autres puis cousus pour former des cahiers plus ou moins uniformes [57]. Avant que l’écriture ne vienne se poser sur la page, un cadre, la réglure [58], soutenu par plusieurs groupes de piqûres et le plus souvent encore visible, vient délimiter la surface qu’occupera le corps du texte. Ce dernier est encadré de part et d’autre de marges (latérales, tête et queue) plus ou moins importantes. Cet élément, tracé à la mine de plomb ou à la pointe sèche et pouvant au départ être considéré anodin, peut rapidement devenir un allié de choix dans le cadre du décryptage et de l’organisation des pratiques de l’écrit. En effet, dans le cas précis des registres de chancellerie, l’observation et l’analyse de la réglure permettent de faire ressortir une appropriation de l’espace d’écriture présent sur chaque feuillet, en raison du tracé changeant de ce cadre d’écriture [59] (par cahier, par feuillets voir au sein d’un même recto/verso) ou de sa compréhension parfois très différentes d’un copiste à l’autre [60].

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Arch. nat. JJ 80, fol. 17v, justification différente du texte (cliché Archives nationales)

D’un parallèle entre la mise en page et de l’écriture sort souvent une signature personnelle, généralement plus marquée et plus accessible que ne le laissent entrevoir les seules analyses paléographiques. La justification du texte, l’utilisation ou non de la première et de la dernière lignes, la présence de lignes rectrices sur toute la page, le respect de celles-ci par l’écriture (écriture posée dessus, au-dessus ou en-dessous) ainsi que le nombre de lignes (simples, doubles, triples) délimitant les marges latérales sont autant de marqueurs, une fois mis en relation avec l’écriture, permettant de ferrer l’activité d’un petit groupe de scripteurs et dans le meilleur des cas d’un seul d’entre eux. Ce suivi est en effet rendu possible par le relevé précis des écarts parfois marqués résidant au sein d’un registre, d’un cahier et même d’un feuillet.

B. L’écriture et les copistes

Après la réalisation de la réglure, c’est au tour d’une écriture, relativement soignée et d’une cursivité variable, d’être couchée sur la page. À cette étape précise, la rédaction et le soin porté à celle-ci dans les registres se présentent comme plus relâchés que dans le cas des chartes en raison de la finalité-même de ces sommes documentaires. En effet, contrairement à la charte [61], document solennel porteur de la parole « directe » du roi conçu pour être vu, lu et entendu, le registre de chancellerie, en tant que document administratif interne, est raturé, truffé d’annotations, portant parfois en interligne ou en marge l’ajout de mots, groupes de mots ou phrases entières, le scripteur, ou son responsable, se rendant probablement compte d’erreurs ou d’oublis au cours d’une relecture de la copie. De plus, loin d’être des documents aseptisés, les registres sont parsemés de motifs variés, tant graphiques (ornement) que textuels (préambule), entrant en résonnance avec les chartes qu’ils enregistrent, sans pour autant les copier parfaitement dans le cas de l’ornement. Ainsi, bien que parfois très simples, les initiales ornées réalisées dans les registres entrent souvent en résonnance avec celles présentes dans les actes originaux. En effet, certains motifs se font clairement échos de la charte au registre, comme c’est par exemple le cas des représentations des poissons sous le règne de Jean le Bon.

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À gauche : Ornements présents dans le registre Arch. nat. JJ80 fol. 73r et fol. 33v (de gauche à droite). À droite : Ornements présents dans les chartes Arch. nat. K44 n°11 et Arch. nat. K46A n°3 (idem).

Cependant, l’enregistrement d’une charte royale ornée n’entraîne pas la copie de son ornement dans les registres. Ainsi, certains actes ornés ne le sont pas sous leur forme enregistrée ou arborent des motifs très différents [62]. C’est par exemple le cas d’une charte, datée de novembre 1350, faisant état de la donation, par Jean le Bon, d’une rente annuelle et perpétuelle de 1000 livres tournois, payable à Paris sur le Trésor, à Guillaume Roger, vicomte de Turenne, en récompense des services de ce dernier. Cet acte de petite taille, coté Arch. nat. K48 n°1, porte notamment une initiale au visage grimaçant ainsi que trois fleurettes sur son repli et fut enregistré dans Arch. nat. JJ 80 aux fol. 131v-132r. Cette copie, bien que complète, ne dispose d’aucun des ornements de la charte originale et ne présente, en vérité, par de réel intérêt ornemental.

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A gauche et au centre, Arch. nat. K48 n°1 (initiale et repli). A droite, Arch. nat. JJ 80 fol. 131v (cliché Archives nationales).

Notons enfin que les registres de chancellerie se présentent également comme un espace de création pour l’ornement car ils présentent des motifs jusqu’alors absents des chartes royales [63].

La répartition de l’écriture au sein des registres nous interpela rapidement. Nous avons cru au départ que les scripteurs rationnalisaient l’espace d’écriture avant enregistrement, en considérant que le cahier pouvait être une unité fermée, commençant avec un acte et s’achevant avec un autre. Cette hypothèse, aussi séduisante soit-elle, fut très rapidement abandonnée en raison de la fréquence des actes se trouvant à cheval entre deux cahiers. La copie se présente donc comme continue d’un feuillet à l’autre et d’un cahier à l’autre, même si certains scripteurs débordent parfois copieusement dans les marges afin d’achever leur travail de copie avant le début d’une nouvelle unité.
La question de la répartition sera également abordée sous un autre angle : celui des différentes mains présentes au sein des registres. Passé le constat de leur cohabitation parfois très rapprochée, il semble nécessaire de tenter de cerner les rythmes d’alternance [64] des mains ainsi que la proportion des actes enregistrés par leur soin. Notons enfin que toutes ces mains ne semblent pas présenter le même degré de qualification et de maîtrise au regard de l’écriture elle-même, de la bonne saisie des informations de l’original ainsi que de la compréhension de l’importance et de la place de certains éléments constitutifs des chartes, telles que les mentions hors teneur. Certains éléments peuvent éventuellement se comprendre une fois mis en lien avec les conditions, tant matérielles [65] qu’humaines [66], supposées et parfois laborieuses [67] de l’enregistrement mais devront impérativement faire l’objet d’un questionnement plus poussé afin de tenter d’en percer tous les secrets. Beaucoup de vides à propos de l’organisation et de la pratique de l’activité en chancellerie sont encore à combler, bien que ces aspects fondamentaux aient déjà été en partie abordés et renseignés [68].

C. De la charte au registre filiation et échanges

Ainsi, les registres de chancellerie, bien loin d’être muets, nous renseignent tant sur eux-mêmes que sur les pratiques employées plus largement au sein de la chancellerie. Une logique commune, tant dans la préparation de la page que dans l’intervention possible et déjà partiellement balisée de scriptores [69], petites mains cachées dans l’ombre des notaires-secrétaires, semble lier la charte au registre. Bien que parentes, ces deux catégories documentaires ont des caractères propres induits par leur fonction première (diffusion, d’une part, conservation de l’autre). Néanmoins, en dépit de tout ce qui semble les opposer, leur mise en perspective apporte un nouvel éclairage, particulièrement important dans le cadre de l’étude des registres. En effet, de cette action jaillissent des interrogations nouvelles, tant à propos de la relation que ces sommes documentaires qu’entretiennent l’enregistrement et la rédaction des chartes, qu’à propos de la finalité -ou les finalités possibles- de cet ensemble documentaire.

D. Finalité et utilisation(s) des registres

Les registres présentent trois finalités évidentes. En effet, l’enregistrement en chancellerie est un moyen de produire des « copies officielles », [70] véritables gardiennes du domaine, protégeant les intérêts du roi et lui permettant de justifier de ses droits et possessions en cas de litige. Grâce à eux, le souverain dispose donc d’un véritable « instrument de pilotage du royaume » [71]. D’autre part, il donnait également à la chancellerie la possibilité de dénoncer les faux ainsi que de fournir, à la demande du bénéficiaire, la copie certifiée d’un acte perdu, détruit ou endommagé [72].
Parallèlement à ces usages officiels des registres de chancellerie, un usage plus administratif et confidentiel, à échelle de scripteur, semble se dessiner et être facilité par la mise en place de tables récapitulatives, de la numérotation et de l’analyse de chaque acte. De fait, avant l’apparition d’un réel formulaire de chancellerie [73], il semblerait que les registres, conglomérats certes parcellaires mais variés, aient joué ce rôle [74] en permettant aux notaires-secrétaires de « faire du neuf avec de l’ancien » car « écrire, c’est inventer : l’emprunt est créateur » [75]. De plus, bien que cette information reste à vérifier et à compléter le cas échéant, il semblerait que les registres aient été la base de tables-formulaires regroupant par registre et par folio les catégories d’actes consignés visant, comme d’autres sommes documentaires, à fournir une source d’inspiration aux notaires [76].
Si nous ne savons que peu de choses quant aux mécanismes de rédaction des actes, il est important de souligner que nous en savons probablement encore moins à propos de la formation des notaires-secrétaires royaux et de la possible transmission des savoirs au sein de la chancellerie. Ces deux actions pouvaient passer par plusieurs structures : université, petites écoles, famille, chancellerie elle-même, etc. Ainsi, il paraît envisageable que la consultation des documents originaux à différents moments de leur réalisation et à différentes étapes de leur transmission soit l’un des biais les plus formateurs pour les nouveaux venus. Confier à un apprenti ou à un scripteur non dégourdi la copie d’un acte porteur de l’image royale pourrait entraîner des complications regrettables. Aussi, pourquoi ne pas penser que l’apprentissage pouvait passer quelque fois par l’enregistrement, sur une durée plus ou moins longue, d’actes originaux dans les registres ? Bien que, comme nous le rappelions ci-avant, la copie d’un acte dans les registres soit une garantie non négligeable pour le bénéficiaire en cas de perte, de destruction ou de falsification de son acte original, certaines maladresses, erreurs ou incompréhensions semblent ne pas pouvoir être l’œuvre de praticiens de l’écrit expérimentés, même peu actifs, que sont les notaires-secrétaires. De plus, en raison de la grande diversité des actes enregistrés, le scripteur aurait la possibilité de se familiariser progressivement avec un formulaire et une logique rédactionnelle codifiés, ainsi qu’avec l’écriture si particulière « en vogue » à la chancellerie royale à ce moment-là. Le bénéfice pour la chancellerie serait pluriel : elle gagnerait des agents formés tout en permettant aux notaires-secrétaires ainsi qu’à leurs copistes, de se délester un peu d’une activité chronophage, sans pour autant les dédouaner d’un travail contrôlé et soigné.

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À l’issue de ces quelques pages, il apparaît qu’en matière de registres de chancellerie, donner une définition précise en accord avec la réalité matérielle n’est pas chose aisée. Cette tâche, rendue particulièrement difficile par bon nombre d’idées reçues, par la présence fluctuante de certains éléments ainsi que par la multitude des strates d’actions humaines qui les composent, nous pousse à reprendre en profondeur tout ce que nous savons ou pensons savoir d’eux au travers d’un questionnaire en plein renouvellement. Ainsi, il convient de les aborder tant d’un point de vue synchronique, à l’échelle d’un registre, que d’un point de vue diachronique, prenant en considération l’ensemble des registres d’un règne ou d’une dynastie, afin de tenter de cerner les moments clefs de leur histoire et de leur évolution. De plus, afin de ne pas avoir une vision déformée de l’activité de l’administration leur donnant vie, il paraît essentiel de ne pas aborder les registres de façon isolée, en ignorant l’ensemble des pratiques ayant cours au sein de la chancellerie, car ces volumes, bien que conséquents, ne représentent qu’une infime partie de la production du bureau d’écriture des rois [77]. Leur consultation, encore bien trop souvent alimentaire, nous offre certes la possibilité d’appréhender la société médiévale par le biais d’évènements parfois routiniers mais elle nous permet également d’approcher à différents niveaux, au travers des mailles pourtant serrées de l’expression d’aspect stéréotypée des écrits en chancellerie, le groupe de notaires-secrétaires ou de rédacteurs de l’ombre. Au travers de leurs pages, nous pouvons partir à la rencontre de ces agents de l’écrit tant dans l’exercice de leur fonction, via les actes qu’ils signent et qui sont ensuite enregistrés, que dans leur existence personnelle, au travers des donations et grâces dont ils font l’objet. Les notaires-secrétaires se présentent donc comme des fils d’Ariane, présents de façon plus ou moins continue au sein des registres de chancellerie, qu’il nous appartient de suivre au travers d’autres terrains. Une vision humanisée et panoramique de l’activité en chancellerie est donc possible au terme d’une traque méticuleuse et organisée. De plus, ce bureau d’écriture, bien loin d’avoir une organisation rectiligne, se présente, en véritable ruche, comme un service polyvalent dont les membres, en bonnes abeilles travailleuses, butinent dans d’autres administrations et institutions telles que le Parlement, la Chambre des comptes ou même la chancellerie pontificale. Des passerelles et liens entre les différents pôles de l’administration royale existent mais doivent encore être précisés.

Au terme de ce propos, il semblerait que les registres de chancellerie se présentent comme un miroir pluriel. En effet, ils sont avant toute chose celui de pratiques variées, en lien tant la rédaction des actes qu’avec des pratiques archivistiques diverses. Ils reflètent également une société que l’on peut aborder au travers d’expériences à échelle variable, allant de l’humain au royaume, dans un jeu de va-et-vient perpétuel. Enfin, ils se présentent comme le miroir que l’on doit traverser afin de partir à la rencontre d’un groupe d’agents dont on perçoit parfois la présence au fil de leurs pages. Ainsi, les registres-miroirs reflètent tout autant qu’ils cryptent. Ils ont une histoire : il convient donc de l’écrire.

Notes

[1] Cet article prend appui des recherches en cours menées dans le cadre d’un doctorat d’Histoire médiévale sur la culture des notaires-secrétaires royaux sous le règne des trois premiers Valois [1328-1380] (Emmanuelle Portugal, Des chartes aux registres, Les notaires et secrétaires royaux au milieu du xive siècle, Étude sociale et documentaire, thèse sous la direction de Monsieur Bruno Laurioux, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et Archives nationales (Département du Moyen Âge et de l’Ancien Régime, Laboratoire États, Société, Religion (ESR) et Labex Patrima [en cours]. Pour plus d’informations : http://www.sciences-patrimoine.org/…). Ce doctorat a pour but de retracer le parcours et l’activité d’un groupe de notaires-secrétaires royaux au travers de l’étude de documents émanant de la chancellerie royale. Dans le cadre de nos recherches, une place très importante sera laissée à l’analyse et à l’exploitation des registres de chancellerie, tant pour leur matérialité que pour leur contenu. Ce doctorat fait suite à la rédaction d’un Master 1 (Les chartes ornées de Jean le Bon présentes aux Archives nationales, Étude historique et archivistique (1347-1364), rapport de recherche dirigé par Messieurs Étienne Anheim et Pierre Chastang et sous la responsabilité de Monsieur Bruno Laurioux, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, juin 2010) ainsi que d’un mémoire de Master 2 (La culture des notaires-secrétaires royaux au milieu du XIVe siècle, mémoire de recherche dirigé par Messieurs Étienne Anheim et Pierre Chastang et sous la responsabilité de Monsieur Bruno Laurioux, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 2011). Tous mes remerciements vont à Messieurs Étienne Anheim, Ghislain Brunel, Bruno Laurioux, Pierre chastang et Gérard P. ainsi qu’à mesdames Mathilde Geley, Solène de la Forêt d’Armaillé et Lucie Tryoen pour leurs conseils et relectures attentives dans le cadre de la rédaction du présent article.

[2] Propos extraits d’un entretien avec Monsieur Olivier Guyotjeannin [Mai 2012].

[3] À propos des évolutions de la diplomatique voir Olivier Guyotjeannin, Jacques Pycke et Benoît-Michel Tock, Diplomatique médiévale, Turnhout, Brépols, L’atelier du médiéviste, n°2, 2006, p. 15-25.

[4] Pour avoir un aperçu de ce qui se faisait en Autriche voir Heinrich Fichtenau, « Note sur l’origine du préambule dans les diplômes médiévaux », Le Moyen Âge, Revue d’histoire et de philologie, 1956, nos 1-2, Tome LXII, p. 1-10 ; Heinrich Fichtenau, « La situation actuelle des études de diplomatique en Autriche », Bibliothèque de l’École des chartes, t. 119, 1961, p. 5-20 [En ligne : http://www.persee.fr/web/revues/hom…] (consulté le 10 juin 2013) ; mais aussi sur ce qui se fit en Allemagne voir Peter Ruck, « Die Urkunde als Kunstwerk », Kaiserin Th eophanu. Begegnung …, Anton von Euw et Peter Schreiner (éd.), Cologne, 1991, vol. 2, 1991, p. 311-333.

[5] Étienne Anheim et Pierre Chastang, « Les pratiques de l’écrit dans les sociétés médiévales (vie-xiiie siècle) », Médiévales, 56, Printemps 2009, p. 5.

[6] Pour avoir un aperçu de ces évolutions dans la discipline voir Robert-Henri Bautier, Chartes, sceaux et chancelleries. Études de diplomatique et de sigillographie médiévales, 2 vol., Paris, École des Chartes, 1990.

[7] Voir notamment Arthur Giry, Manuel de Diplomatique, Paris, Librairie Hachette et cie, 1894 ; Octave Morel, La Grande Chancellerie royale et l’expédition des lettres royaux de l’avènement de Philippe de Valois à la fin du xive siècle (1328-1400), Paris, École des Chartes,1900 ; Léopold Delisle, « Etienne de Gallardon, clerc de la chancellerie de Philippe-Auguste, chanoine de Bourges », Bibliothèque de l’École des chartes, t. 60, 1899, p. 5-44 [En ligne : http://www.persee.fr/web/revues/hom…] (consulté le 10 juin 2013).

[8] Christian Delacroix, « Histoire sociale », Les courants historiques en France, xixe-xxe siècle, I, Concepts et débats, Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia et Nicolas Offenstadt (dir.), Paris, Gallimard, p. 420-435.

[9] Olivier Guyotjeannin, « L’érudition transfigurée », Jean Boutier, Dominique Julia (dir.), Passés recomposés : champs et chantiers de l’histoire, Paris, Éditions Autrement, 1995, p. 156.

[10] « La nouvelle histoire qui s’attaque aux mots, images et symboles, ambitionne de reconstruire les pratiques culturelles en termes de réception, d’invention et de luttes de représentations. Elle s’attache donc non seulement aux supports de la langue et des images, mais également aux modalités de l’échange par le livre, par les réseaux de sociabilité et par les porte-parole qui en sont les vecteurs », Michel Vovelle, « Histoire et représentations », L’Histoire aujourd’hui, Jean-Claude RUANO-BORDALAN (dir.), Paris, Éditions Sciences Humaines, 1999, p. 48.

[11] Marie Dejoux, Pouvoir et société au travers des enquêtes de Louis IX, thèse sous la direction de Laurent Feller, Université de Paris I- Panthéon Sorbonne, soutenue le 10 novembre 2012.

[12] Sur la question du rapport des historiens à leurs sources, voir notamment Joseph Morsel, « Les sources sont-elles « le pain de l’historien » ? », Hypothèses 2003. Travaux de l’École doctorale d’histoire de l’Université́ Paris I Panthéon- Sorbonne, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 273-286, [En ligne : http://halshs.archives-ouvertes.fr/…] (consulté le 10 juin 2013).

[13] L’enregistrement en chancellerie n’était pas exhaustif. En effet, il semblerait que les registres du xive siècle ne consignent pas plus de 5 % de la production totale de la chancellerie royale. De tels pourcentages restent encore à vérifier et peuvent être expliqués par plusieurs facteurs mais ils poussent néanmoins à une certaine prudence dans l’exploitation de cette documentation conséquente mais parcellaire.

[14] Expression employée par Marie Dejoux pour qualifier les enquêtes de Louis ix lors de sa soutenance de thèse le 10 novembre 2012.

[15] Parmi lesquelles nous pouvons compter Georges Tessier, « L’enregistrement à la Chancellerie royale française », Le Moyen Age, Revue d’histoire et de philologie, 4e série, Tome XI, 1956, p. 39-62 ; Rémy Scheurer, « L’enregistrement à la chancellerie de France au cours du xve siècle », Bibliothèque de l’École des chartes, t. 120, 1962, p. 104-129 [En ligne : http://www.persee.fr/web/revues/hom…] (consulté le 10 juin 2013) ; Robert Fawtier, « Introduction », Registres du Trésor des Chartes, t.I, Règne de Philippe le Bel. Inventaire analytique, par Jean Glénisson, Jean Guerout, Robert Fawtier (dir.), Paris, Archives nationales. Inventaires et documents, 1958.

[16] « L’enregistrement à la chancellerie royale française pose des problèmes multiples et fort délicats qui, jusqu’à une date très récente, n’avaient guère été abordés par les diplomatistes […] On a vécu jusqu’ici sur des idées toutes faites et il conviendrait que les questions posées par l’enregistrement des actes royaux fussent étudiées en recourant à l’ensemble des registres, tant ceux de la chancellerie que ceux des autres institutions centrales de la royauté », Robert-Henri Bautier, « Recherches sur la chancellerie royale au temps de Philippe VI », Chartes, sceaux et chancelleries. Études de diplomatique et de sigillographie médiévales, t. II, Paris, Mémoires et documents de l’École des Chartes, 1990, p. 794-795.

[17] L’art du registre à la chancellerie du roi de France (XIIIe-XVIe siècle), Olivier Guyotjeannin et Jean-Pierre Brunterc’h (éd.), Paris, École nationale des chartes, à paraître ; « L’art du registre en France, xiiie-xvie siècle, II, Registres princiers du Moyen Âge », journée d’étude s’étant tenue aux Archives nationales le 10 mai 2011 ; La Escritura de la memoria : los registros : actas de las VIII Jornadas de la Sociedad Española de Ciencias y Tecnicas Historiograficas, Elena Cantarell Barella et Mireia Comas Via (éd.), Barcelone, Universitat Autonoma de Barcelona, 2012.

[18] A ce propos voir Les cartulaires, actes de la Table ronde organisée par l’Ecole nationale des chartes et le GDR 121 du CNRS, Paris, 5-7 décembre 1991, Olivier Guyotjeannin, Laurent Morelle et Michelle Parisse (dir.), Paris, École des chartes, 1993 ; Pierre Chastang, Lire, écrire, transcrire. Le travail des rédacteurs de cartulaires en Bas-Languedoc, xie-xiiie siècles, Paris, Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (CTHS), 2002 ; Pierre Chastang, « Cartulaires, cartularisation et scripturalité médiévale : la structuration d’un nouveau champ de recherche », La médiévistique au xxe siècle. Bilans et perspectives, Cahiers de civilisation médiévale. xe-xiie siècles, 49, 2006, p. 21-32.

[19] Voir notamment le projet international IRHis rattaché à l’université de Lille 3 (En ligne : http://irhis.recherche.univ-lille3….).

[20] Robert Fawtier, « Introduction », Registres du Trésor des Chartes …, p. X

[21] Vocabulaire international de diplomatique, Commission internationale de diplomatique, Comité international des sciences historiques, Maria Milagros Carcel Orti (éd.), Valence, Universitat de Valencia, 1997, p. 38, [En ligne : http://books.google.com/books?id=kY…] (consulté le 10 juin 2013).

[22] Idem, p. 39.

[23] Pour le règne de Philippe vi (1328-1350) : Arch. nat. JJ 65A, Arch. nat. JJ 73, Arch. nat. JJ 78, Arch. nat. JJ79A ; Pour le règne de Jean le Bon (1350-1364) : Arch. nat. JJ80, Arch. nat. JJ 85, Arch. nat. JJ 91, Arch. nat. JJ 95 ; Pour le règne de Charles v (1364-1380) : Arch. nat. JJ 96. Analyses à venir : Arch. nat. JJ 79B, Arch. nat. JJ 100, Arch. nat. 117. En parallèle de l’étude précise des registres cités, l’intégralité des registres de chancellerie couvrant la période allant de 1328 à 1380 sera consultée et analysée dans la suite de notre thèse selon une grille légèrement allégée mais tendant à faire ressortir les caractéristiques de chacun de ces volumes afin d’avoir une vision d’ensemble de cette « série ».

[24] Entre une dizaine et une trentaine de cahiers. Ils peuvent être composés d’un à douze bifeuillets.

[25] Il est ici question de Arch. nat. JJ 79B dit « Registre de Roger de Vistrebec » qui fut intégré au groupe des registres de chancellerie purs et durs au cours de la constitution de la sous-série JJ entre 1852 et 1854, alors qu’il faisait partie des libri inutiles à la fin du xive siècle (État général des fonds, série J et répertoire numérique de la série JJ, p. 30, En ligne : http://www.archivesnationales.cultu…) (consulté le 10 juin 2013). Ce registre, semble-t-il rédigé par un seul notaire, Roger de Vistrebec, attaché à la chancellerie et à la chambre des comptes, se présente comme une compilation d’actes –probablement réalisée afin de servir de manuel de travail audit notaire- couchés sur papier et non sur parchemin. C’est également le cas du registre de chancellerie coté Arch. nat. JJ 73 qui diffère de ses congénères pour un certain nombre de raisons notamment parce qu’il est composé de feuillets en papier.

[26] Dans notre cas précis, une « charte royale » est un acte solennel écrit sur parchemin, de taille variable, auquel est appendu un sceau en cire verte sur lacs de soie rouge et verte. Ce type d’acte exprime la perpétuité et véhicule la parole royale, en latin ou en français ou les deux, l’utilisation des langues variant selon les règnes. Ce document, vecteur de la transmission de la parole royale, est protégé par plusieurs verrous (mentions hors teneur, signature du notaire, sceau, formulaire dans une certaine mesure). Pour plus de renseignement à propos des chartes voir Robert-Henri Bautier, « Caractères spécifiques des chartes médiévales », Chartes, sceaux et chancelleries. Études de diplomatique et de sigillographie médiévales, tome I, Paris, École des Chartes, 1990, p. 167 à 168.

[27] « Ce sont de courtes mentions relatives, non à l’action juridique consignée, mais à l’élaboration de l’acte. Le nom du scribe, de celui ou ceux qui ont donné l’ordre de faire la charte, peuvent ainsi être consignés », Olivier Guyotjeannin, Jacques Pycke et Benoît-Michel Tock, Diplomatique médiévale …, p. 85. Elles tiennent leur nom de leur position au niveau de l’acte : elles sont présentes sur le repli soit en dehors de la teneur de l’acte.

[28] Par exemple, dans Arch. nat. JJ85 au fol. 74r (voir photographie), nous pouvons trouver à la suite de l’acte n°156 (rémission pour un groupe d’hommes s’étant rendus coupables d’excès variés) une liste comportant une vingtaine d’actes abrégés de même nature et se présentant sous la tournure suivante : La semblable de mot a mot a esté octroyee a Geffroy Ducenu et Alardin du Ber et leurs complices / Item la semblable (…).

[29] Au rang des omissions et oublis que nous avons jusqu’alors rencontrés dans les registres de chancellerie se trouvent l’absence d’initiale, de mentions hors teneur, de date, de lieu et/ou de corroboration, l’absence de l’analyse de l’acte alors que celui-ci dispose d’une numérotation, voire parfois même de ces deux éléments.

[30] Il est possible que le scripteur en charge de l’enregistrement ait, dans les cas où le nom du roi n’apparaît ni dans son entier, ni de façon abrégée, choisi de laisser pour la fin de la rédaction le fait de tracer ou d’orner le nom du roi et n’ait pas eu l’occasion de le faire quelle qu’en soit la raison. Voir par exemple, Arch. nat. JJ 73 fol.

[31] Situées à la fin de la teneur de l’acte, en général avant la datation, ces mentions procèdent à l’annonce du moyen de validation de l’acte à savoir, dans le cas qui nous intéresse, le sceau. Pour plus d’informations voir « Ce sont de courtes mentions relatives, non à l’action juridique consignée, mais à l’élaboration de l’acte. Le nom du scribe, de celui ou ceux qui ont donné l’ordre de faire la charte, peuvent ainsi être consignés », Olivier Guyotjeannin, Jacques Pycke et Benoît-Michel Tock, Diplomatique médiévale …, p. 84.

[32] Voir par exemple Arch. nat. JJ 65A fol. 195v n°281 pour l’absence de mentions hors teneur, fol. 195r et fol. 196v n°280 et n°282 pour l’absence de mentions de corroboration et de mentions hors teneur.

[33] Voir par exemple Arch. nat. JJ 85 Fol. 1v-2r. Acte commencé, non numéroté et jamais achevé.

[34] Voir par exemple Arch. nat. JJ 91 fol. 30r (acte cancellé et inachevé).

[35] Il est important de noter que les copistes écrivant dans les registres de chancellerie ne signaient pas. Nous ne les connaissons qu’au travers de leur plume et de quelques éléments caractérisant leur écriture tels que les abréviations qu’ils emploient, la réglure qu’ils tracent et l’utilisation qu’ils en font, l’ornement qu’ils peuvent donner à certains actes, le ductus de leur écriture et parfois la bonne ou la mauvaise compréhension de différentes données. Cependant, nous avons eu la chance de trouver de très rares mentions marginales de la part de ces copistes, ou d’un de leurs pairs, nous indiquant le nom de quelques-uns d’entre eux, bien que ces informations soient malgré tout à prendre avec une extrême prudence.

[36] Ces analyses, réalisées parfois à l’encre rouge, sont écrites près du texte qu’elles concernent (marge latérale, marge de texte ou juste au-dessus de la teneur au sein du bloc texte). Elles se différencient pour nous des rubriques que certains manuscrits comportent, non en raison de la couleur dans laquelle elles sont réalisées, mais à cause de leur nature-même qui dépasse le simple titre : il s’agit ici d’une réelle analyse, au sens archivistique du terme.

[37] Michel Pastoureau, « Voir les couleurs du Moyen Âge. Une histoire des couleurs est-elle possible ? », Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Paris, Seuil, 2004, p. 132.

[38] Ibidem, p. 121.

[39] Voir notamment Pierre Chastang, « L’archéologie du texte médiéval. Autour de travaux récents sur l’écrit au Moyen Âge », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre, Hors série n°2, 2008 [En ligne : http://cem.revues.org/index8702.html] (consulté le 10 juin 2013) ainsi que l’application du concept d’archéologie à l’analyse d’un registre dans Anne Mailloux, « Archéologie du registre et pratiques administratives », L’enquête générale de Leopardo Da Foligno en Provence occidentale (avril-juin 1333), Thierry Pécout (dir.), Germain Butaud, Marc Bouiron, Philippe Jansen et Alain Venturini (éd.), Paris, Éditions du CTHS, 2008, p. XCIII-CLXIII.

[40] Patrick Boucheron, Léonard et Machiavel, Lagrasse, Verdier, 2008, p. 132.

[41] Anne Mailloux, « Archéologie du registre et pratiques administratives », L’enquête générale de Leopardo Da Foligno …, p. XCIV.

[42] Le terme de collation désigne ici l’action de copier au sens large. Ce terme est d’ailleurs employé dans les actes eux-mêmes sous la forme : Collation est faite a l’original par moy / Collatio facta est cum originali per me.

[43] Des analyses paléographiques plus fines seront menées par nos soins dans les mois à venir pour tenter de délimiter avec plus de précision les zones écrites par les différents scripteurs, la transition d’une main à l’autre ne se décelant parfois pas aisément.

[44] Deux cas particuliers se sont cependant présentés à nous : Arch. nat. JJ 95, en raison de la présence deux tables (la première, exécutée a priori à la fin du xve siècle, est placée en début de volume, tandis que la seconde, contemporaine de la rédaction du registre, a été placée à la fin de celui-ci). Arch. nat. JJ 73, en raison de la réalisation tardive de l’analyse détaillée des actes. Ces cas feront prochainement l’objet d’un examen attentif dans la suite de nos recherches.

[45] Comme c’est par exemple le cas pour Arch. nat. JJ 65A et pour bon nombre de registres de la dynastie précédente (notamment pour Arch. nat. JJ 37, Arch. nat. JJ 40, Arch. nat. JJ 41, Arch. nat. JJ 42A), pour ces derniers voir la base de données Archim, En ligne : http://www.culture.gouv.fr/document… (consulté le 10 juin 2013).

[46] Malgré une légère différence de cursivité qui pourrait laisser penser que la table aurait pu être réalisée un peu après la numérotation et l’analyse des actes, nous nous trouvons dans le cadre d’un paradoxe de l’ordre de celui de la poule et de l’œuf.

[47] Comme c’est par exemple le cas au Fol. 18 de Arch. nat. JJ 85 où deux n°37 cohabitent (un au recto, l’autre au verso). Ce double n°37 se retrouve également dans la table de ce volume.

[48] Certains documents inachevés ont été bissés. Voir par exemple Arch. nat. JJ 91 Fol. 274v et 275r. Au Fol. 274v se trouve un acte inachevé numéroté à la période moderne VCIX, absent de la table et non analysé. Au Fol. 275r se trouve un acte complet numéroté à la période médiévale VCIX qui se retrouve bissé par une main moderne. Pour un exemple d’acte analysé à la période médiévale mais non numéroté avant la période moderne et n’apparaissant pas dans les table voir Arch. nat. JJ 65A Fol. 26r (n°42bis).

[49] Voir par exemple Arch. nat. JJ 65A Fol. 55v (n°62bis). Cet acte n’est ni numéroté ni analysé à la période médiévale et est rédigé dans une écriture qui diffère de celle des deux textes présents au recto du même folio et à sa suite. Il est également absent de la table récapitulative placée au début de ce registre et sa numérotation est faite en chiffres arabes. La présence d’une phase postérieure d’enregistrement sur des feuillets restés vierges ou partiellement vierges a été soulignée dans Registres de Philippe VI de Valois (1328-1349). Registres du Trésor des Chartes, t. I, Règnes de Philippe de Valois. Première partie, JJ 65A à 69, Jules Viard et Aline Vallée (éd.), Paris, Archives nationales, 1978, p. XI et fera l’objet d’une attention particulière dans la suite de nos recherches.

[50] Tous nos remerciements vont à Solène de la Forest d’Armaillé pour ses conseils, relectures et corrections dans le cadre de la rédaction de cette sous-partie et tout particulièrement dans le cadre de l’appréhension et de la description de la reliure des registres de chancellerie.

[51] « Observations générales sur les registres de chancellerie (stricto sensu ou chronologiques) de Philippe le Bel », n. 75, p. 52. Cet article/mémoire inédit provient du Corpus Philippicum conservé à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT). Tous nos remerciements vont à Olivier Canteaut qui a eu la gentillesse de nous indiquer et de nous communiquer ce document très fourni.

[52] Idem.

[53] État général des fonds, série J…, p. 30, En ligne : http://www.archivesnationales.cultu… (consulté le 10 juin 2013).

[54] Une tranchefile est « un système de broderie, qui, en tête et en queue du dos, unit les cahiers entre eux ou les cahiers entre eux avec les ais ou bien encore les cahiers entre eux avec les ais et la couvrure » (Définition provenant du manuel du Stage d’initiation au manuscrit médiéval de l’ l’Institut de Recherche et d’Histoire des textes (IRHT) – édition 2011, p. 46)

[55] Robert-Henri Bautier, « Recherches sur la chancellerie royale au temps de Philippe VI », Chartes, sceaux et chancelleries …, p. 797.

[56] Idem.

[57] Nos recherches doivent encore tenter de déterminer si les bifeuillets étaient reliés avant que le copiste n’écrive ou s’ils étaient déjà réunis en cahier à ce moment-là. En l’absence de certitude à ce propos, nous nous garderons de nous prononcer car les deux cas de figures sont envisageables.

[58] La réglure est l’ « ensemble de lignes tracées sur la page (à la pointe sèche, à la mine de plomb, à l’encre) pour délimiter la surface à écrire et guider l’écriture ». Elle comporte ainsi des marges (simple, double, triple) ainsi que des lignes horizontales, appelées lignes rectrices, sur lesquelles vient se poser l’écriture. (Définition provenant du manuel du Stage d’initiation au manuscrit médiéval de l’ l’Institut de Recherche et d’Histoire des textes (IRHT) – édition 2011, p. 43) Beaucoup des paramètres de notre étude sur la réglure des registres de chancellerie ainsi que la grille d’analyse que nous leur avons appliquée doivent beaucoup à l’intervention d’Anne-Françoise Leurquin et de Jacques-Hubert Sautel, « Préparation de la copie. Mise en page et copie. Mise en texte », communication ayant eu lieu le lundi 15 octobre 2012 au cours du Stage d’initiation au manuscrit médiéval et au livre humaniste, ainsi qu’aux nombreux conseils que Caroline Bourlet, ingénieur de recherche à l’Institut de Recherche et d’Histoire des textes (IRHT), a eu la gentillesse de nous prodiguer.

[59] Avant de commencer nos analyses, nous avions deux postulats que nous souhaitions tester quant à la réglure : Nous pensions qu’elle pouvait avoir été réalisée cahier par cahier, avant toute intervention du ou des scripteurs. En cas d’une grande uniformité, elle aurait été éclairante non dans son tracé mais dans l’utilisation que chaque scripteur en aurait faite. Nous pensions qu’elle pouvait également avoir été tracée au fur et à mesure, feuillet par feuillet, en répondant aux besoins spécifiques et aux habitudes de chaque scripteur. Ainsi, un changement de réglure, ou d’utilisation de celle-ci, devrait appeler à la prudence même si l’écriture semble, de prime abord, être la même. Après avoir débuté cette étude de la réglure de plusieurs registres, il nous apparut que la deuxième proposition était celle qui s’imposait.

[60] Pour ne donner qu’un exemple, au cours de l’examen de la réglure de Arch. nat. JJ 80, nous avons observé que les scripteurs ne justifiaient parfois pas leur texte en fonction des même tracés (voir photographie). Ainsi, au fol. 17v où deux mains semblent en action, trois lignes délimitent la marge latérale gauche. La fin de l’acte n°38 est justifié en fonction des deux lignes les plus à gauche tandis que l’acte suivant, le n°39, suit les deux lignes les plus à droite. Ainsi, un léger décalage s’est installé dans le cadre de l’utilisation de la réglure pour la copie de deux actes sur le verso d’un même feuillet.

[61] « Dans la chancellerie royale, les expéditions originales et définitives des actes ne devaient pas avoir de ratures […] en principe donc, la rature était considérée comme de nature à faire suspecter l’authenticité́ de l’acte ». Octave Morel, La Grande Chancellerie royale et l’expédition des lettres royaux de l’avènement de Philippe de Valois à la fin du xive siècle (1328-1400), Paris, École des Chartes, 1900, p. 142.

[62] Pour plus de précisions sur cette question voir Emmanuelle Portugal, La culture des notaires-secrétaires royaux au milieu du xive siècle…, p. 112-118.

[63] Pour des exemples de ceci voir tout particulièrement voir Ibidem, p. 116-118.

[64] En 1342, Philippe vi établit au travers d’un acte que les notaires devront servir par quartiers, c’est-à-dire à tour de rôle. Voir édition de cet acte dans Octave MOREL, La Grande Chancellerie royale et l’expédition …, p. 494-495 ainsi que la p. 67 pour la question de la répartition du service des notaires-secrétaires. Cependant, comme le souligne Robert-Henri Bautier (« Recherches sur la chancellerie royale au temps de Philippe VI », Chartes, sceaux et chancelleries…,p 797), cela reste à vérifier, bien que cela puisse expliquer au moins en partie l’alternance, dans le cas où cette pratique serait effective.

[65] À ce propos, voir Robert-Henri Bautier, « Recherches sur la chancellerie royale au temps de Philippe VI », Chartes, sceaux et chancelleries…, p. 795-796.

[66] « Sauf exceptions – et elles n’ont pas été rares – la transcription était assurée par des clercs au service des notaires et certainement pas par les meilleurs d’entre eux », Idem p. 795.

[67] En effet, pour une raison ou pour une autre, les scripteurs pouvaient être pressés par le temps, l’enregistrement pouvait être tardif ou retardé ou un possible manque de personnel pouvait rendre compliquée la bonne tenue des registre.

[68] Voir notamment Olivier Guyotjeannin, « Les actes établis par la chancellerie royale sous Philippe Ier », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 147, 1989, p. 29-48, [En ligne : http://www.persee.fr/web/revues/hom…] (consulté le 10 juin 2013) ; Olivier Guyotjeannin, « Ecrire en chancellerie », Auctor et auctoritas. Invention et conformisme dans l’écriture médiévale, Actes du colloque tenu à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (14 – 16 juin 1999), Michel Zimmermann (dir.), Paris, École nationale des chartes, 2001, p. 17-36.

[69] À propos de l’intervention des scriptores voir Olivier Guyotjeannin, « L’écriture des actes à la chancellerie royale française (xive – xve siècles) », Le statut du scripteur au Moyen Âge. Actes du XIIIe colloque scientifique du Comité international de paléographie latine (Cluny, 17 – 20 juillet 1998), Marie-Clothilde Hubert, Emmanuel Poulle, Marc H. Smith (dir.), Paris, Ecole des Chartes, 2000, p. 97-108 ainsi que Octave MOREL, La Grande Chancellerie royale et l’expédition …, p. 144-146.

[70] Georges Tessier, Diplomatique royale française, Paris, A. et J. Picard, 1962, p. 290.

[71] Propos extraits d’un entretien avec Monsieur Ghislain Brunel [Juin 2013

[72] Robert Fawtier, « Introduction », Registres du Trésor des chartes…, p. X.

[73] Voir Le Formulaire d’Odart Morchesne dans la version du ms BnF fr. 5024, Olivier Guyotjeannin et Serge Lusignan (éd.), Paris, Ecole des chartes, 2005. Une version est disponible en ligne : http://elec.enc.sorbonne.fr/morchesne/ (consulté le 10 juin 2013)

[74] Cette hypothèse fut déjà formulée dans Georges Tessier, Diplomatique royale…, p.266 ainsi que dans Sébastien Barret, Benoît Grevin, Regalis excellentia, Les préambules des actes des rois de France au xive siècle (1300-1380), [Section « Un formulaire faussement spontané ? » , « Chapitre premier : Traditions de Chancellerie et sources diplomatiques », dans « Deuxième partie : Les sources des préambules »], Paris, École nationale des chartes, à paraître.

[75] Michel Zimmermann, « Ouverture du colloque », Auctor et auctoritas. Invention et conformisme dans l’écriture médiévale, Actes du colloque tenu à l’Université́ de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (14-16 juin 1999), Michel Zimmermann (dir.), Paris, École des chartes, 2001, p. 12.

[76] « Observations générales sur les registres de chancellerie … », §46, p. 34.

[77] De fait pour la période qui nous intéresse, les registres ne contiennent plus que des actes scellés de cire verte, qui représentent semble-t-il bien moins de la moitié de la production totale de la chancellerie. Les registres eux-mêmes ne consignent pas la totalité des chartes. Les « pertes » sont donc énormes. Sur ces questions voir Olivier Canteaut, « Enregistrer, pour quoi faire ? Éclairages croisés sur les pratiques d’enregistrement de la monarchie française et de la papauté d’Avignon (1316-1334) », L’autorité́ de l’écrit au Moyen Âge (Orient-Occident). XXXIXe congrès de la SHMESP (Le Caire, 30 avril – 5 mai 2008), Paris, Publications de la Sorbonne, 2009, p. 299–316.

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