Le mercenaire grec et ses rapports au monde dans l’Anabase de Xénophon

Imprimer ou télécharger cet article

Ophélie Lécuyer

 


Résumé : Véritable professionnel de la guerre, le mercenaire grec parcourait le monde selon les opportunités d’embauche, au rythme des conflits et des affrontements. En effet, ce métier était caractérisé par la mobilité constante de ses acteurs, pour qui le franchissement des frontières et la traversée des espaces étaient à la fois un moteur économique et une réalité sociale. Dans l’étude du mercenariat, l’Anabase de Xénophon est une source incontournable car elle relate l’expédition des troupes mercenaires grecques en Perse, entre 401 et 399 av. J.-C. Livrés à eux-mêmes dans une contrée qui n’était pas la leur, privés de leurs repères culturels et géographiques, les mercenaires grecs ont dû s’adapter à ce nouvel environnement pour survivre et fuir un territoire particulièrement hostile. Alors, dans un tel contexte, quels rapports ces hommes ont-ils entretenu avec l’inconnu ? Comment ont-ils construit leur vision de l’inconnu ? Loin de leur patrie, ces étrangers en armes ont, en réalité, redéfini jusqu’à leur propre identité le temps d’un éprouvant retour vers leur foyer.

Mot-clés : Anabase, Xénophon, mercenaire, mercenariat, Antiquité.


Après l’obtention d’une licence d’histoire à l’Université de Strasbourg en 2014, Ophélie Lécuyer a poursuivi son cursus en Master « Mondes Anciens », sous la direction de Dominique Lenfant. Son mémoire de recherche, soutenu en juin 2016, s’intitule « Aveugles et aveuglements en Grèce classique » ; il s’agit d’une étude inédite de la figure de l’aveugle et de la représentation du handicap visuel dans la société grecque antique. Depuis 2017, Ophélie Lécuyer travaille sur une thèse de doctorat : « Les métiers dans le monde de Xénophon », également sous la direction de Dominique Lenfant. Elle effectue ses recherches au sein du laboratoire Archimède (UMR 7044) de l’Université de Strasbourg.

o.lecuyer@hotmail.fr


Introduction

Dans l’Antiquité, le mercenaire est un véritable professionnel de la guerre, engagé pour se battre et rémunéré pour ses talents martiaux ; une définition demeurée inchangée jusqu’à nos jours[1]. En Grèce ancienne, le terme mistophoros désigne au sens large celui qui vend ses compétences pour percevoir un salaire. En contexte militaire, ce mot qualifie traditionnellement le mercenaire[2], guerrier louant ses services à une autre cité que la sienne. Cette figure du soldat grec contractuel a fait l’objet de maintes publications scientifiques, à commencer par celles de Herbert Parke, parue en 1933[3], et de Guy Griffith, publiée en 1935[4]. Ces recherches ont été abondamment exploitées et approfondies par Ludmila Marinovic dans son ouvrage de 1988, Le mercenariat grec au IVe siècle avant notre ère et la crise de la « polis », qui constitue, pour les spécialistes actuels, le point de départ de l’historiographie moderne sur le mercenariat. En effet, Marinovic s’est démarquée par son analyse pointue des conditions de vie des mercenaires étudiées au prisme de la transformation des cités-États, et notamment d’Athènes[5], à l’époque classique. Grâce à ce travail de référence, la bibliographie sur le sujet a progressivement pris de l’ampleur depuis les années 2000[6].

Les historiens s’accordent sur l’existence ancestrale du mercenariat, même si cette activité demeurait relativement restreinte. Ils constatent cependant une recrudescence au cours du Ve siècle avant notre ère. La raison de ce développement sans précédent réside dans les événements militaires de l’époque : à partir de 431 et jusqu’en 404 av. J.-C., soit pendant près de vingt-sept ans, les cités d’Athènes et de Sparte se livrèrent une guerre sans merci. Dans ce cadre, des mercenaires furent engagés par les cités les plus riches[7] pour renforcer leurs contingents et pallier le manque d’hommes. Ce conflit est pour Marinovic le « prologue » du développement massif du mercenariat car c’est surtout à la fin de la guerre du Péloponnèse que cette profession se répand. C’est là une thèse sur laquelle tous les spécialistes s’accordent[8]. La fin de la guerre signait aussi la fin des embauches pour les mercenaires et la fin du service hoplitique pour les citoyens-soldats. Une partie de la population était donc constituée de combattants désœuvrés.

Bien entendu, l’aptitude au combat n’était pas l’unique motivation des individus pour s’enrôler comme mercenaires, comme l’a montré Yvon Garlan[9]. En effet, les motivations réelles des mercenaires étaient tout à fait variables selon les individus. À la racine, l’exercice d’une profession, quelle qu’elle soit, est justifié par le besoin économique, la nécessité de pourvoir à sa survie et, si possible, à son plaisir. Marinovic souligne dans son étude l’extrême pauvreté des citoyens après la guerre du Péloponnèse, dont la location des services militaires incarnait un ultime recours à leur détresse[10] ; mais, ainsi que le rappelle Roy, « tous les mercenaires ne s’enrôlaient pas comme tels par pauvreté[11]. » Beaucoup de facteurs environnementaux, socio-économiques et personnels influençaient et expliquaient l’enrôlement des uns et des autres dans cette activité. Cependant, une grande partie de ces données nous échappe, et pour cause, le silence des sources sur le sujet.

Indéniablement, le mercenariat constitue l’une des facettes du monde économique de l’Antiquité[12] mais très peu de témoignages évoquent concrètement cette profession. La très mauvaise réputation de cette activité et l’ignorance des auteurs envers le monde mercenaire pourraient expliquer le mutisme des textes. Aux yeux de la population, le mercenaire constituait l’antagoniste du citoyen-soldat : il combattait pour le plus offrant, assumant ainsi une motivation purement financière, tandis que le second combattait au nom de sa cité, non pour le salaire mais pour l’honneur[13]. Il s’avère donc impossible, pour les citoyens de l’époque, de considérer le mercenaire comme un individu moralement bon. Il s’agissait là de théories véhiculées en particulier par les aristocrates, qui aspiraient à une vie vertueuse, et qui condamnaient ce qu’ils jugeaient contraire à leurs principes, or, les auteurs antiques étaient, pour la plupart, issus de l’aristocratie, raison pour laquelle le mercenaire était un sujet tout simplement absent de leurs œuvres.

Toutefois, il nous est parvenu une source extrêmement précieuse sur la question du mercenariat : l’Anabase[14] de Xénophon. L’œuvre constitue une référence incontournable dans cette étude car elle relate la périlleuse expédition des troupes mercenaires grecques en Perse, entre 401 et 399 av. J.-C. La particularité du récit, outre qu’il se concentre sur un contingent mercenaire, repose sur son caractère autobiographique : en effet, l’auteur, Xénophon d’Athènes, a participé à cette campagne militaire. Historien, philosophe, économiste et militaire, Xénophon d’Athènes était issu de l’aristocratie athénienne. En 401 av. J.-C., alors âgé d’une trentaine d’années, il rejoignit le commandement de l’expédition des Dix-Mille, celle-là même qui est au centre de l’Anabase. D’après les spécialistes, cette œuvre a sans doute été rédigée à Scillonte, bien des décennies après l’expédition, entre 390 et 380 av. J.-C., dans le domaine où Xénophon s’établit pendant près de vingt ans[15]. Il se consacra d’ailleurs durant cette période prospère à l’écriture de la quasi-totalité de ses textes. L’expédition de l’Anabase était à l’origine une tentative d’usurpation du trône perse par le cadet de la famille royale, Cyrus le Jeune. Celui-ci, pour mener à bien son entreprise militaire, embaucha beaucoup de mercenaires, qu’il entraîna dans une véritable « anabase », terme qui qualifie la remontée des terres depuis la mer. Grâce aux chiffres que nous livre Xénophon, on dénombre 12 900 mercenaires[16] au moment de la confrontation décisive entre les troupes de Cyrus et celles du roi. L’auteur prend même le soin de présenter quelques profils de ces mercenaires[17].

Ces informations, d’une grande rareté, sont révélatrices du large panel de profils participant à cette expédition. Xénophon lui-même, en tant que mercenaire, se présente. Il explique s’être enrôlé auprès de Cyrus afin d’honorer son lien d’amitié et d’hospitalité avec Proxène de Béotie, lequel participait déjà à l’expédition. Pour Vincent Azoulay, Xénophon était « pris au piège des liens de philia et de xénia[18] ». Un dilemme moral que les aristocrates et lecteurs de Xénophon ne pouvaient que comprendre et approuver.

En fin de compte, l’expédition fut un échec, Cyrus perdit la vie et les mercenaires grecs furent contraints de fuir le territoire perse pour échapper aux troupes royales qui les poursuivaient. C’est alors que commence « la catabase », ou littéralement « la descente des terres » vers la mer. Livrés à eux-mêmes dans un pays qu’ils ne connaissaient pas, privés de leurs repères culturels et géographiques, les mercenaires grecs ont dû organiser leur survie, s’unir pour faire face aux dangers et s’adapter à ce nouvel environnement.

Ce récit constitue l’une des sources fondamentales dans l’étude du mercenariat antique et, de fait, les travaux de Marinovic et de ses successeurs s’appuient en partie sur cette œuvre. Pourtant, Xénophon a longtemps souffert de négligence, notamment parce qu’il fut considéré pendant les derniers siècles comme un médiocre disciple de Socrate, dont la retranscription des dialogues n’avait que peu de pertinence et de profondeur face à l’excellence de l’œuvre platonicienne. De surcroît, l’hétérogénéité de ses textes et la pluridisciplinarité surprenante de ces derniers firent l’objet de critiques acerbes, essentiellement motivées par l’incompréhension des commentateurs face à la diversité de l’œuvre de cet auteur[19]. Cependant, au cours des dernières décennies, l’historiographie s’est renouvelée, réhabilitant Xénophon et ses textes en proposant de nouvelles approches[20]. Cet auteur et son œuvre font donc l’objet de multiples recherches, commentaires et publications depuis plusieurs années[21], l’Anabase devenant une source de référence sur la communauté mercenaire grecque[22].

Dans les études sur cette dernière, le questionnement des spécialistes est généralement centré sur le fonctionnement interne du contingent et la matérialisation de l’unité[23]. Le fait d’étudier le cœur même de cette communauté improvisée implique la considération des rapports fondamentaux entre l’armée grecque et le monde « barbare » dans lequel elle évolue[24], principaux vecteurs de cette communauté. Toutefois, le regard des mercenaires sur cet ailleurs exotique, leurs diverses réactions face à l’inconnu et le comportement des autochtones à leur égard constituent des aspects bien souvent marginalisés. Cet article a donc pour objectif d’éclairer les quelques zones d’ombres du sujet en proposant une approche ambivalente : d’une part, examiner la relation ambigüe qui se tisse entre le mercenaire et le territoire qu’il investit, notamment la vision de cet autre monde, le rôle des frontières dans ses pérégrinations et ce que sa présence inspire aux autochtones. D’autre part, analyser la conception de l’identité du mercenaire, à la fois en tant qu’individu mais aussi en tant qu’élément d’un ensemble. Cela permet ainsi de reconsidérer la notion de solidarité, sur laquelle l’historiographie insiste beaucoup mais qui s’avère bien plus relative et bien moins évidente dans le texte. Comment ces mercenaires ont-ils construit leurs rapports à l’inconnu ? Comment ont-ils appréhendé les autres peuples et comment ont-ils eux-mêmes été perçus ? En tenant compte des circonstances exceptionnelles de cette situation, le mercenaire était-il un homme déraciné, loin de tout, ou au contraire, un homme ancré dans une, voire plusieurs identités clairement définies ? Toutes ces questions mènent, en premier lieu, à l’étude des rapports entre les mercenaires et les autochtones car les peuples rencontrés n’adoptèrent pas les mêmes comportements face à ces étrangers armés. Et si l’attitude des autochtones n’était finalement qu’une réponse face à l’inconnu ? Chacun, dans cette optique, incarnant un étranger, un « barbare » pour l’autre. En second lieu, il s’agit de dépasser la précédente analyse en étudiant les rapports du mercenaire, non pas avec l’environnement extérieur, mais avec sa propre communauté. N’oublions pas que le contingent grec compte près de dix-mille hommes au départ de l’anabase, soit autant d’individus et de personnalités différentes, réunies autour d’un même objectif : survivre. Comment les mercenaires interagissent-ils entre eux ? Quelles sont leurs relations ? Ces hommes apprennent-ils à s’unir dans l’adversité ? L’étude des rapports internes à la communauté de mercenaires est déterminante pour appréhender l’organisation du corps militaire et comprendre comment ce dernier est parvenu à survivre dans un contexte hostile.

D’éternels étrangers ? Les mercenaires et les autochtones

Après la déroute de l’armée de Cyrus à la bataille de Counaxa en 401 av. J.-C., les troupes grecques sont contraintes de fuir les lieux au plus vite. Le monde dans lequel elles évoluent est totalement nouveau et les mercenaires découvrent, pas après pas, jour après jour, les dangers et les richesses dont regorge le pays qui s’ouvre à eux. Très rapidement confrontés à des peuplades inconnues, leur avancée s’avère finalement tributaire de la coopération ou de l’hostilité des communautés qu’ils rencontrent. Or, précisément, ces dernières ne réagissent pas de la même manière à la vue de ces étrangers en armes.

Le mercenaire : un effrayant indésirable

Au cours de leur expédition, les mercenaires rencontrent plusieurs peuples autochtones, certains encore insoumis à la royauté perse. Bien entendu, l’arrivée de près de dix-mille étrangers, d’un corps entièrement composé de militaires lourdement équipés, est une raison suffisante pour susciter la méfiance des communautés. Nul doute qu’une armée aussi ample devait être perçue comme une réelle menace pour les populations locales. De leur côté, les mercenaires ne pouvaient se fier à des peuples dont ils ignoraient la langue, la culture et les liens réels avec le pouvoir royal perse. De surcroît, dès qu’ils atteignent les limites d’une région, toutes les frontières sont solidement gardées par les indigènes. Xénophon en témoigne, par exemple, à l’arrivée des troupes en Arménie occidentale : « Cependant, le jour venu, ils [les Grecs] aperçoivent de l’autre côté du fleuve des cavaliers armés de pied en cap, qui semblaient vouloir leur barrer le passage. Il y avait aussi de l’infanterie rangée sur les talus, au-dessus des cavaliers, pour les empêcher d’entrer en Arménie[25]. » La frontière, marquée par le fleuve, est donc solidement gardée par les locaux, qui protègent fermement leurs terres. Pour s’introduire sur ce territoire, l’armée tente la seule route envisageable, qui s’avère malheureusement impraticable :

La seule route qu’on apercevait était une route montante, qui semblait faite de main d’homme. Les Grecs essayèrent de passer en cet endroit. Mais, en l’essayant, comme ils reconnurent qu’ils avaient de l’eau au-dessus de la poitrine, que le lit du cours d’eau, plein de grosses pierres glissantes était inégal, qu’on ne pouvait tenir son bouclier dans l’eau, sinon il était emporté par le courant, qu’en le mettant sur la tête on était sans protection contre les flèches et les autres projectiles, ils rebroussèrent chemin et campèrent en ce lieu, sur le bord du fleuve[26].

Malgré tous leurs efforts pour franchir cette frontière, les mercenaires sont contraints d’abandonner. Non seulement l’unique chemin envisageable est très difficile d’accès pour des soldats lourdement équipés, mais, de surcroît, il les expose complètement à l’ennemi. Les Grecs sont littéralement pris en étau : « En cette occasion donc un grand découragement se produisit parmi les Grecs : ils voyaient que le fleuve était difficile à traverser ; ils voyaient ceux qui allaient les empêcher de passer ; ils voyaient que s’ils essayaient de passer, les Cardouques allaient leur tomber dans le dos[27]. » Les mercenaires représentent bel et bien une menace à éliminer : chassés par le peuple dont ils ont traversé le pays et repoussés par ceux dont ils doivent parcourir le territoire, ils se retrouvent dans une situation très délicate et extrêmement risquée. Ainsi que l’écrit John Ma, au cours de ce périple « la géographie est marquée par un obstacle, physique et humain[28] ». Effectivement, les frontières, souvent matérialisées par un cours d’eau, font l’objet d’une surveillance scrupuleuse et leur franchissement constitue systématiquement une étape compliquée pour l’armée mercenaire. Il en est de même, lorsque les Grecs arrivent en terre Macron : « Les Macrons avec des boucliers d’osier, des piques, des sayons en poil de chèvre se tenaient alignés sur la berge opposée où il fallait passer ; ils s’encourageaient mutuellement, lançant des pierres : elles n’arrivaient pas, ne faisaient aucun mal, tombaient dans l’eau[29]. » Incontestablement, l’arrivée des mercenaires provoque une vague de méfiance à travers les populations. Cette armée incarne une menace véritable et sème sur sa route un vent d’insécurité.

Ainsi, il semble difficile d’imaginer un dénouement pacifique dans de telles circonstances. Et, effectivement, plusieurs des peuples rencontrés affichèrent une vive hostilité à l’encontre des mercenaires. Xénophon, à la fin du périple, résume l’accueil qui leur était réservé : « Les Cardouques, les Taoques, les Chaldéens n’obéissent pas au Roi ; malgré cela, et quoiqu’ils soient très redoutables, nous nous sommes faits d’eux des ennemis, parce que nous étions bien forcés de prendre chez eux notre nourriture, puisqu’ils ne nous ouvraient pas de marché[30]. » Outre la méfiance et l’insécurité évoquées plus haut, Xénophon dévoile ici la principale raison de cet insuccès auprès des indigènes : les contingents grecs s’adonnaient au pillage afin de pourvoir à leurs besoins vitaux et se procurer les denrées nécessaires à leur survie. Mais l’auteur justifie le pillage comme une conséquence directe du refus de la part des autochtones d’établir des liens commerciaux avec les mercenaires. Il explique ainsi que « partout au contraire où sur notre passage on ne nous ouvre pas de marché, que ce soit en territoire barbare ou grec, nous prenons, non par insolence mais par nécessité, ce dont nous avons besoin[31]. » En réalité, le pillage était une pratique courante du mercenariat, mais, plus généralement, de l’armée car il ne permettait pas seulement d’obtenir facilement des provisions, il était surtout source de butin[32]. C’est pour cette raison qu’il était ponctuellement autorisé par les chefs militaires[33]. Au début de leur périple, les mercenaires se fournissent dans les marchés[34], toutefois, sans monnaie, il demeure impossible d’acheter quelque denrée que ce soit et le salaire vient souvent à manquer. Xénophon rapporte même quelques scènes de réclamations et d’impatience de la part des troupes, déjà sous le commandement de Cyrus[35]. Mais au cours de leur expédition, rares sont les villes et villages qui ouvrirent des marchés aux Grecs. À défaut d’argent et de commerces, les soldats sont aussi amenés à chasser[36] ; cependant dans une telle situation de précarité, le pillage demeure une solution facile pour remédier au manque de vivres et de salaire. Nécessairement, si les mercenaires pillent et volent des espaces qu’ils ne font que parcourir, le rapport aux autochtones s’en trouve directement affecté. Difficile de voir d’un bon œil ces étrangers qui mettent à sac le premier village qu’ils croisent dès qu’ils en ont besoin.

Dans l’Anabase, plusieurs des peuples rencontrés sont présentés comme belliqueux[37], donc hostiles envers les mercenaires. C’est le cas des Cardouques, mentionnés plus haut[38], un peuple habitant les montagnes bordant l’Arménie, dont la rencontre sera des plus éprouvantes pour l’armée grecque. Xénophon relate l’arrivée des mercenaires dans leurs villages :

Il y avait des vivres à prendre en abondance ; les demeures étaient aussi garnies de toutes sortes d’ustensiles d’airain ; les Grecs n’en emportèrent aucun et ne poursuivaient pas les habitants. Ils les ménageaient quelque peu pour voir si les Cardouques consentiraient à laisser passer l’armée chez eux comme en pays ami, puisqu’ils étaient eux-mêmes ennemis du Roi[39].

Dans un premier temps, Xénophon décrit la prudence des Grecs à l’égard des Cardouques : les mercenaires s’abstiennent de piller leurs demeures et laissent les habitants tranquilles. Pourtant, la suite du récit contredit les propos précédents : « Pour les vivres cependant, chacun en prit ce qu’il trouva : on y était bien forcé. Les Cardouques, malgré les appels, faisaient la sourde oreille et s’abstenaient de tout signe amical[40]. » Les Grecs volent toutes les provisions qu’ils trouvent. Il n’est donc pas surprenant que les indigènes n’aient pas été conciliants avec les mercenaires[41] et ce pillage amorce sept jours quasi consécutifs de violence entre Grecs et autochtones.

Cet épisode est à la fois révélateur de la vision que les locaux ont des mercenaires et du regard que ces derniers portent sur eux-mêmes. En effet, le comportement hostile des Cardouques est directement lié à celui des soldats grecs : leur agressivité est en réalité une réponse au pillage auquel s’adonnent les mercenaires. Pourtant, les Grecs considèrent avoir agi par nécessité et, tel que Xénophon l’écrit, estiment faire preuve de retenue, voire de respect envers les indigènes. Aux yeux des locaux, les mercenaires sont de dangereux pillards. Avec une telle réputation, il est compréhensible que les peuples aient été hostiles envers l’armée grecque. De fait, dès que les vivres manquent, cette dernière n’hésite pas à lancer l’assaut au nom de la nécessité, sans même tenter de négocier. C’est ce qui se produit dans le pays des Taoques[42]. Après la prise de l’une de leurs forteresses, Xénophon décrit une scène d’une rare violence : « On vit alors un affreux spectacle : les femmes jetaient leurs petits enfants du haut du rocher et se jetaient ensuite elles-mêmes après eux ; les hommes en faisaient autant à leur tour[43]. » Par peur d’être réduits en esclavage, soumis à ces envahisseurs, les Taoques préfèrent se donner la mort. Cette scène de suicide collectif témoigne de l’effroi et du désespoir que suscite le passage de l’armée. C’est là une image plutôt sombre que ces extraits reflètent du mercenaire. Toutefois, d’autres scènes contrastent avec cette vision, notamment des scènes de négociations.

La parole pacificatrice

Communiquer avec les locaux était, sans aucun doute, un défi de taille pour les Grecs et l’établissement d’un dialogue constitue une étape fondamentale dans la construction d’une relation de confiance. Au cours de leur expédition, les contingents grecs font ponctuellement appel à des interprètes en langue perse pour négocier avec leur ennemi principal ; néanmoins, même si le perse était la langue officielle du territoire, les communautés locales conservaient leur dialecte. Mais, dans l’œuvre, lorsque les Grecs ont besoin de parlementer avec une autre population, il y a systématiquement un volontaire pour s’improviser interprète. En vérité, les mercenaires sont souvent amenés à négocier avec les communautés qu’ils rencontrent. Par exemple, des suites d’une sanglante confrontation avec les Cardouques, ils obtiennent une entrevue exceptionnelle : « Ce massacre accompli, les barbares vinrent sur une crête en face du mamelon. Xénophon traita avec eux par l’intermédiaire d’un interprète pour obtenir une trêve ; il réclamait aussi les morts. Les barbares déclarèrent qu’ils les rendraient à condition qu’on ne brûlât pas leurs demeures[44]. » Même s’il ne s’agit que d’une interruption temporaire dans le cycle de violence, cette accalmie octroie aux deux camps des garanties. On ignore dans quelle langue se déroule la négociation, il est possible que les Cardouques aient parlé le perse, tout comme l’interprète, à moins que ce dernier n’ait maitrisé leur dialecte. Cette scène prouve aussi que, même en terre hostile, même entre deux adversaires, il était possible de trouver des compromis. Le mercenaire, malgré son comportement invasif à l’encontre des locaux, ne se caractérisait pas non plus par son acharnement militaire[45].

Les Cardouques traitèrent avec les mercenaires afin d’assurer la survie de leur village et sans doute pour limiter les pertes humaines, déjà considérables. Mais d’autres peuples négocient pour des raisons différentes. Dans le cas des Macrons, la négociation intervient dès l’arrivée des mercenaires à leur frontière. En effet, des guerriers sont postés le long du fleuve et tentent de dissuader les Grecs de passer. Les Macrons ont tout à fait conscience de ne pas faire le poids face à cette armée car ils sont trop peu nombreux et trop légèrement armés. La situation, alors très tendue, est finalement désamorcée par un personnage en mesure d’établir le dialogue :

À ce moment s’approche de Xénophon un peltaste qui prétendait avoir été esclave à Athènes : il disait qu’il connaissait la langue de ces gens-là. « Et je crois bien, ajoutait-il, que ce pays est ma patrie ; si rien ne s’y oppose, je veux causer avec eux. – Mais rien ne s’y oppose, répondit Xénophon, cause et apprends d’abord quels sont ces gens. » Ils répondirent à sa question qu’ils étaient des Macrons[46].

Ce personnage a sans doute été capturé enfant et vendu à Athènes et, devenu adulte, après avoir regagné sa liberté, il a été recruté comme mercenaire pour l’expédition[47]. En tout cas, cette intervention inespérée permet aux Grecs de parlementer avec ce peuple inconnu :

Demande-leur donc, dit Xénophon, pourquoi ils nous barrent la route, et quel besoin ils ont d’être nos ennemis. – C’est qu’aussi vous envahissez notre pays, répondirent-ils. – Nous n’avons aucune intention de vous causer du tort ; nous avons fait la guerre au Roi, nous rentrons en Grèce, nous voulons gagner la mer. » Ceux-ci demandèrent s’ils donneraient des gages de ce qu’il disait. Les Grecs répondirent qu’ils étaient prêts à en donner comme à en recevoir. Alors les Macrons donnent une pique barbare aux Grecs, et ceux-ci une pique grecque aux Macrons. Ils prétendaient que chez eux c’étaient des gages. On prit aussi les dieux comme témoins des deux côtés[48].

Ainsi que leur répondent les Macrons, les mercenaires sont perçus comme des envahisseurs, et incarnent la menace d’un conflit. Mais cette fois-ci, les Grecs ont la possibilité d’expliquer leur situation et de négocier leur passage en toute sécurité, tout en garantissant celle des Macrons. Cette scène de tractation s’achève sur un serment, acte sacré par lequel deux partis se jurent loyauté sous l’œil des dieux. Cette collaboration est l’une des plus remarquables de l’œuvre car ce peuple porte une réelle assistance aux mercenaires : « Aussitôt après ces échanges, les Macrons aidèrent les Grecs à couper les arbres et ils leur ouvraient la route pour qu’ils puissent passer, mélangés au milieu d’eux. Ils leur fournirent des provisions comme ils purent, et pendant trois jours ils les guidèrent jusqu’à ce qu’ils les missent en face des hauteurs qu’habitaient les Colques[49]. » Il est dans l’intérêt des Macrons que l’armée quitte leur territoire rapidement, mais ce peuple semble tout de même s’être particulièrement investi dans le soutien des Grecs. Toutefois, ce dénouement favorable est dû à la présence d’un interprète car la situation initiale aurait très bien pu dégénérer sans son intervention.

Au cours du périple, les mercenaires restent constamment sur leurs gardes, mais ils n’adoptent pas toujours une attitude hostile ; il demeure que la présence d’un interprète est essentielle dans le bon déroulement des échanges, même avec les civils :

Pendant qu’ils s’acheminaient ainsi, Chirisophe arrive sur la brune à un village, et devant le retranchement, au bord de la fontaine, il trouve, venues du village, avec des cruches sur la tête, des femmes, des jeunes filles. Elles demandèrent aux Grecs qui ils étaient. L’interprète dit en langue perse que de la part du Roi ils allaient chez le satrape[50].

Pendant leur expédition, les mercenaires étaient régulièrement en contact avec les populations locales. Toutes les rencontres qu’ils firent ne furent pas hostiles ou funestes. Tous les villages ne souffraient pas de pillages et l’attitude des Grecs à l’égard des autochtones n’était pas systématiquement agressive ou reprochable. Mais il demeure souvent une certaine ambiguïté, un malaise parfois palpable :

Xénophon fit partager son repas au chef de ce village ; il l’invitait à ne pas avoir peur, lui assurant qu’aucun de ses enfants ne serait pris et qu’on ne partirait qu’après avoir rempli de provisions sa demeure, s’il se montrait pour l’armée un bon guide, jusqu’à ce qu’on arrivât chez un autre peuple. Cet homme le promit et, pour marquer ses bonnes intentions, il indiqua où l’on tenait enfoui le vin. […] Ils tenaient sous bonne garde le comarque, sans perdre de vue pour cela ses enfants[51].

Sous leurs airs rassurants, Xénophon et les mercenaires prennent en otage la famille du comarque, afin de s’assurer sa loyauté en tant que guide. Certes, les mercenaires souhaitent le traiter avec respect    du moins c’est ce que rapporte Xénophon – toutefois, la prise d’otage témoigne du climat de méfiance qui règne entre locaux et étrangers. Ainsi, le mercenaire inspirait la crainte : celle de l’étranger d’une part et celle du militaire de l’autre.

Incontestablement, les mercenaires étaient perçus comme des indésirables dont la présence temporaire au sein d’un territoire était source de préoccupations et de nuisances. Dans ce monde inconnu, ils entretenaient des rapports très tendus avec leur environnement. Paradoxalement, les mercenaires se sentaient tout aussi menacés que les natifs du territoire et, finalement, le comportement des uns n’était que le reflet de l’attitude des autres, chacun n’étant ni plus ni moins que l’étranger ou le barbare de l’autre.

Unis dans l’adversité ? La communauté des mercenaires

Dans l’Anabase, Xénophon désigne les mercenaires sous une seule et même dénomination : « les Grecs ». Par-delà leur diversité et leurs différences, les quelques dix-mille soldats qui composent l’armée ont pour point commun leur patrie. C’est cette grécité, leur identité fondamentale, qui les caractérise tous par rapport aux barbares. Face à l’inconnu, c’est précisément ce rappel des origines, très vif dans l’œuvre, la nostalgie et l’espoir qui motivent les troupes dans leur avancée. Rentrer chez soi, retrouver les siens ou fonder un nouveau lieu de vie pour les apatrides devient un objectif collectif que seule une véritable solidarité entre mercenaires permet d’atteindre.

Le souvenir de la patrie

Dans l’Anabase, les mercenaires proviennent d’innombrables cités et régions de Grèce. L’auteur, Xénophon, est lui-même originaire d’Athènes. Certains généraux viennent de Sparte, d’autres de Syracuse, de Stymphale ou de Mégare. Au total, c’est environ 12 900 individus venus de part et d’autre de la Grèce qui rejoignent l’expédition. Beaucoup d’entre eux proviendraient d’Arcadie. James Roy estime leur nombre entre 6000 et 9000, soit à minima près de la moitié du contingent[52]. De fait, même si tous ces hommes sont grecs par leur naissance et leur sang, leur cité d’appartenance, la culture locale à laquelle chacun s’identifie diverge d’un individu à l’autre. Si, face aux barbares, il n’y a que des Grecs, au sein même du contingent il existe une forte diversité d’origines. Ponctuellement, Xénophon relève les particularités des différents mercenaires, par exemple en ce qui concerne la formation militaire :

Or, j’entends dire qu’il y a dans l’armée des Rhodiens, dont la plupart, assure-t-on, savent se servir de la fronde et que leurs projectiles, ont une portée, par rapport à ceux des Perses, qui va jusqu’au double. Ces derniers, en effet, qui ne lancent que des pierres grosses comme le poing n’atteignent pas loin, tandis que les Rhodiens savent employer les balles de plomb[53].

Tandis que les Rhodiens sont réputés pour leur formation de frondeurs, les Crétois sont connus pour leur aptitude en archerie[54]. Dans un contexte militaire, les identités trouvent une valorisation en fonction des spécificités guerrières qui leur correspondent. Mais Xénophon témoigne aussi d’une scène de moquerie entre Athéniens et Spartiates, d’abord amorcée par une critique acerbe des pratiques de ces derniers :

Vous autres, Lacédémoniens[55], vous, les pairs[56], j’entends dire, Chirisophe, que dès l’enfance vous vous exercez à prendre, à voler, et que ce n’est pas pour vous une honte, mais un honneur de voler tout ce que la loi n’interdit pas. Pour que vous voliez avec un art supérieur, et que vous tâchiez de ne pas être vus, la loi prescrit chez vous que si vous êtes attrapés en train de voler, vous êtes fouettés. Voilà donc pour toi une occasion décisive de montrer les fruits de ton éducation : prends garde que nous ne soyons attrapés en train de voler un coin de la montagne : sinon, gare les coups[57].

Il est vrai, l’éducation spartiate encourageait le vol pour inculquer aux enfants la discrétion et la stratégie[58]. Par cette référence à la formation de Chirisophe, Xénophon, qui est ici le locuteur du discours, le provoque délibérément tout en le menaçant d’une punition en cas d’échec. À son tour, Chirisophe renchérit :

Mais, n’entends-je pas dire, moi aussi, répondit Chirisophe, que vous autres Athéniens, vous êtes forts pour voler l’argent public, si fort que soit le danger pour le voleur, et que même ce sont les meilleurs qui y excellent, si toutefois aux meilleurs on consent chez vous à donner le pouvoir. Par conséquent, c’est aussi pour toi le moment de montrer les fruits de ton éducation[59].

Dans sa réplique, le Spartiate s’attaque au régime politique d’Athènes : la démocratie. Chirisophe fait référence aux politiciens démagogues, qui profitaient de leur titre pour s’enrichir personnellement. Ces deux moqueries, relatives à l’origine de l’autre, sont toutes deux axées sur la notion de vol car l’armée s’apprête à piller les Chalybes. Les railleries sont totalement gratuites, il s’agit de pures provocations entre deux chefs dont la concurrence au sein de l’œuvre est palpable, toutefois la nécessité d’unir leurs forces face à l’adversité dépasse cet esprit de compétition[60]. Cet extrait peut ainsi être interprété comme un défi mutuel, une proposition d’alliance implicite, que se lancent ces deux commandants avant l’assaut.

Cette scène témoigne du fait que les mercenaires ont conscience de la diversité qui constitue leur contingent et qu’ils s’identifient les uns par rapport aux autres selon leurs origines, bien avant de se considérer comme une communauté de Grecs. La patrie est donc bien présente dans leur esprit. Par moment, la nostalgie semble même gagner l’armée entière : « Ils [les Grecs] se couchèrent, chacun où il se trouvait, et ils ne pouvaient dormir par chagrin, par regret de leur patrie, de leurs parents, de leurs femmes, de leurs enfants qu’ils ne croyaient jamais plus revoir[61]. » Indubitablement, ce périple met à rude épreuve les mercenaires, tant physiquement que psychologiquement. Les aléas de leur voyage s’accompagnant d’une motivation et de sentiments fluctuants, ces hommes sont tantôt emplis d’espoir lorsque les circonstances se révèlent favorables, tantôt désespérés par l’ampleur de la tâche. C’est d’ailleurs là le rôle de leurs chefs : assurer le moral des troupes pour optimiser leur avancée : « Soldats, disait-il [Xénophon] songez que cette fois ce combat va décider de votre retour en Grèce ; que cette fois il s’agit de vos enfants et de vos femmes[62]. » Le désir de revoir leur famille est un argument que les généraux exploitent régulièrement pour exhorter les mercenaires au combat. Certes, ces derniers souhaitent rentrer chez eux mais leur objectif réel est de revenir plus riches qu’à leur départ : « Soldats, en ce moment nous vous voyons embarrassés pour avoir des vivres durant la traversée et pour apporter, de retour chez vous, quelques soulagements aux membres de votre foyer[63]. » Tous ces hommes partagent donc un but commun : survivre pour retrouver leur patrie. Même pour les apatrides, il s’agit de s’en sortir pour espérer construire une nouvelle vie en lieu sûr. D’une certaine manière, l’inconnu rappelle à ces hommes qui ils sont et les met face à leurs responsabilités. Ainsi, même au cœur de l’inconnu, le mercenaire n’est pas un homme déraciné, bien au contraire, car sa mission est clairement définie. Chacun porteur d’une histoire qui lui est propre, les individus voyagent avec leurs souvenirs, leurs sentiments et leurs aspirations, mais ils s’affirment aussi et surtout en tant que mercenaire. Alors dans quelle mesure le métier est-il vecteur d’une identité collective ?

Solidarité et esprit de corps en contexte de survie ?

Après la défaite de Counaxa, les mercenaires grecs se retrouvent désemparés, forcés de fuir le champ de bataille. Leur chance de survie repose entièrement entre les mains de leurs commandants et la capacité de ces derniers à coopérer. Comme l’écrit Michael Whitby, l’armée mercenaire était composée de différentes troupes, chacune obéissant à un capitaine distinct car cela permettait d’assurer une meilleure gestion des soldats : « Les Dix-Mille ont commencé en tant que groupe disparate, créé à partir des divers contingents […]. Bien que la plupart des troupes étaient en définitive financées par Cyrus, les soldats étaient principalement attachés à un capitaine précis et il n’y avait pas de chef unique pour le contingent grec avant Cunaxa[64]. » Il est vrai, les Grecs n’étaient pas sous les ordres directs de Cyrus le Jeune, ils obéissaient à toute une hiérarchie militaire rigoureusement définie. Pour reprendre la phrase de John Ma, « les mercenaires n’existaient pas en tant que groupe mais en tant que plusieurs contingents avec leurs propres chefs et leurs propres solidarités[65]. » Pourtant, cette solidarité devient très vite nécessaire à la survie de l’ensemble du groupe, elle doit donc rapidement dépasser les limites de chaque bataillon. Mais la solidarité dépend complètement de la manière dont le mercenaire conçoit sa position au sein de la collectivité. Nécessairement, le fait de côtoyer les mêmes compagnons d’armes pendant des mois solidifie les liens entre les soldats. Cléarque, l’un des commandants grecs, déclame d’ailleurs son absolue dévotion envers ses compagnons : « Vous êtes pour moi ma patrie, mes amis, mes compagnons d’armes ; avec vous, j’en suis sûr, partout où j’irai, je serai honoré ; sans vous, je ne serais capable, je le sens, ni d’aider un ami, ni de repousser un ennemi. Ainsi donc mettez-vous bien ceci dans l’esprit : partout où vous irez, j’irai[66]. » Cléarque, qui a été banni de Sparte, semble trouver en ces mercenaires une famille de substitution, une nouvelle patrie. Même si son discours est en réalité à demi sincère[67], sa représentation du corps de mercenaires n’en reste pour le moins idyllique. Ces dix-mille hommes ont-ils réellement pu former une communauté aussi unie ? La question est légitime puisque même Xénophon, en tant que commandant des troupes, s’interroge quant à la potentielle fondation d’une cité sur la côte de la mer Noire par et pour l’armée de mercenaires :

Xénophon voyant cette multitude d’hoplites, de peltastes, d’archers, de frondeurs et de cavaliers, tous exercés longtemps au métier des armes, et devenus d’excellentes troupes, les voyant, dis-je, sur les bords du Pont-Euxin, où l’on ne pourrait qu’avec des frais énormes rassembler de telles forces, songea qu’il serait glorieux d’y fonder une ville et d’y augmenter et la puissance et les possessions des Grecs. Le nombre des troupes et celui des peuples qui habitent le long des rivages de cette mer lui faisaient conjecturer que cette colonie deviendrait considérable.[68]

Aux yeux de Xénophon, le nombre et l’excellence des mercenaires sont des critères déterminants dans l’établissement d’une colonie, il considère que cette armée constitue une aubaine pour la Grèce de s’exporter par-delà la mer Noire et d’y asseoir une puissance militaire redoutable. Le fait est que toute cette communauté de mercenaires adopte par moment le comportement d’une foule citoyenne : cela s’observe en particulier dans les scènes de vote et de sondage, qui rappellent fortement les assemblées athéniennes démocratiques où chacun est libre d’exprimer son opinion[69]. Néanmoins, le projet, si ce n’est le rêve de Xénophon, ébruité par le devin Silanos, ne tarde pas à se répandre en rumeur parmi les troupes, qui souhaitent pour beaucoup retourner dans leur patrie, puis dans les cités alentour, l’idée crée alors une véritable polémique, au point que les villes voisines proposent que leurs propres flottes renvoient les Grecs chez eux et soudoient des dignitaires pour qu’ils exhortent le contingent à partir. De toute évidence, les cités refusent l’installation pérenne de ces mercenaires dans leurs environs. En réalité, au lieu d’entériner les tensions sous-jacentes, cette histoire ne fait que les accentuer, raison pour laquelle Xénophon est contraint d’abandonner ce projet.

Dans les faits, l’Anabase témoigne d’une solidarité très variable selon les circonstances. Généralement, les individus doivent compter sur eux-mêmes pour s’en sortir. Lorsque les forces d’un mercenaire l’abandonnent, il n’est pas toujours soutenu par ses compagnons. C’est ainsi que certains perdent la vie en Arménie : « Chirisophe donc et tous ceux de l’armée qui en eurent la force campèrent dans le village ; les autres soldats qui ne purent achever la route passèrent la nuit sans nourriture et sans feu ; là encore il périt quelques hommes[70]. » Ceux qui n’ont plus la force d’avancer sont donc laissés en arrière tandis que le contingent progresse tant bien que mal. Pour ne pas ralentir leurs troupes et maintenir la cadence de leur avancée, les chefs ne peuvent se concentrer sur les soldats à la traîne. Il arrive donc que les blessés ou les plus affaiblis soient tout simplement abandonnés, c’est ce qui se produit dans les montagnes d’Arménie, où l’armée, poursuivie par l’ennemi, souffre particulièrement du froid et de la neige : « On abandonna ceux des soldats que la neige avait rendus aveugles et ceux à qui le froid avait gangréné les doigts des pieds[71]. » Le fait de s’occuper des malades retarde le groupe entier, raison pour laquelle l’individu se voit sacrifier pour la survie du plus grand nombre. Mais les soldats ne sont pas toujours tendres entre eux et ce passage si difficile en Arménie en atteste :

On passa la nuit en faisant du feu. Le bois était abondant à l’étape mais les derniers venus n’en trouvaient plus. Ceux donc qui étaient arrivés depuis longtemps et qui faisaient du feu n’en laissaient pas approcher les retardataires, à moins que ceux-ci ne leur donnassent du blé ou toute autre chose qu’ils avaient, qui pût se manger. Alors donc ils partageaient entre eux ce que chacun possédait[72].

La situation n’est pas évidente pour les mercenaires : chacun doit assurer sa propre survie, c’est pourquoi les retardataires, sans doute aussi les plus affaiblis, sont si mal accueillis par leurs compagnons. Il n’y a pas de générosité ou de solidarité spontanée ici, l’entraide suppose un échange de bienfaits : les vivres contre la chaleur. De fait, les mercenaires n’ont pas toujours la notion du collectif, mais leurs chefs tentent de sauver le plus d’effectifs possible[73]. La solidarité existe surtout à l’échelle des petits bataillons, et surtout envers leur commandant respectif. Cette loyauté est d’ailleurs à l’origine d’un incident, dès le premier livre de l’œuvre :

En ce lieu deux soldats, l’un à Ménon, l’autre à Cléarque, s’étant pris de querelle, Cléarque jugeant que l’homme de Ménon avait tort, lui fit donner des coups. Ce soldat alla raconter la chose à ceux de son armée. À ce récit, ses camarades s’indignèrent et se mirent dans une violente colère contre Cléarque. […] Un soldat de Ménon qui fendait du bois, voit passer Cléarque, lui lance sa cognée, le manque ; mais un autre lui jeta une pierre, puis un autre, puis ce fut une pluie de projectiles […][74].

Cet incident manque de dégénérer en émeute, chacun des deux chefs ayant rassemblé ses hommes, prêts à en découdre. Finalement, aucun affrontement n’a lieu et il s’agit du seul épisode où deux factions du corps mercenaire manquent de s’entretuer. Néanmoins, cela prouve les tensions intestines au sein d’une même armée et la difficulté d’unifier autant d’individus. La satisfaction de l’ensemble de l’armée repose sur un très fragile équilibre, lequel, ébranlé par les maintes péripéties et divers retournements de situation, ne tarde pas à être rompu. L’exaspération et la fatigue des troupes sont à l’origine d’une première véritable scission au sein du corps mercenaire. Ainsi, se sentant lésés par l’élection de deux généraux suprêmes après d’éreintants affrontements, Arcadiens et Achéens décident de quitter l’armée :

Ils disaient entre eux que c’était une honte qu’un Athénien [Xénophon] commandât à des Péloponnésiens et à des gens de Lacédémone, quand il n’avait pas amené de troupes à l’armée, que la peine était pour eux, le profit pour d’autres, et cela bien que ce fût eux qui eussent assuré le salut […] Effectivement, les Arcadiens et les Achéens formaient plus de la moitié de l’armée. […] Tout ce qu’il pouvait y avoir d’Arcadiens et d’Achéens auprès de Chirisophe l’abandonna ; il en fut de même pour Xénophon[75].

L’armée, déjà fortement réduite depuis son rassemblement initial au premier livre, se voit diminuée de moitié avec le départ de ces deux factions. Dans ce cas, le choix de quitter le contingent apparaît distinctement comme une réponse à un désaccord profond, une manifestation radicale d’un ressentiment intériorisé depuis trop longtemps et d’une rancœur impossible à contenir davantage. La patrie, l’origine du mercenaire, se révèle essentielle dans de telles circonstances car c’est bien au nom de leur ethnie, faute d’être représenté par l’un des leurs, que les factions concernées se détournent de la communauté.

Une deuxième brisure s’opère. Cette fois-ci, l’ébranlement vient de la hiérarchie. Les oppositions marquées entre les différents commandants s’avèrent finalement irréconciliables et provoquent la déroute naturelle de l’armée. En effet, lorsque les mercenaires parviennent en Thrace, le roi Seuthès insiste pour les enrôler dans la reconquête de son royaume, or les dissensions entre généraux entraînent la dispersion des soldats, qui abandonnent le corps mercenaire, le collectif, pour suivre leur propre route, individuelle :

Les généraux n’étaient pas d’accord entre eux ; Cléanor et Phrynisque voulaient conduire l’armée au service de Seuthès ; car ce Thrace les avait gagnés, et avait fait présent à l’un d’eux d’un cheval, à l’autre d’une femme. Néon souhaitait qu’on se portât vers la Chersonèse. Il pensait que si l’armée était en pays dépendant des Lacédémoniens, le commandement suprême lui serait probablement déféré. Timasion brûlait de repasser en Asie. Il espérait être admis peut-être ainsi à rentrer dans sa patrie ; c’était le vœu des soldats. Le temps s’écoulait cependant ; beaucoup de soldats vendirent leurs armes dans le pays, et s’embarquèrent comme ils purent pour retourner dans leur patrie ; d’autres les donnèrent aux habitants de la campagne, et se mêlèrent à ceux des villes voisines[76].

Xénophon témoigne ici de la lassitude d’une majorité de soldats : la longue route parcourue au cours de l’expédition ainsi que les multiples dangers surmontés ont intensifié pour beaucoup le souhait de rentrer auprès des leurs. Un sentiment mu en volonté qui se matérialise par le renoncement pur et simple au corps mercenaire, lequel se trouve progressivement démantelé. Le groupe est mis à mal et cet épisode confirme le lent déclin de la communauté au profit de chacun de ses membres, comme si le retour à la normale signifiait aussi un retour à l’individualité.

En fait, la situation de crise qui suit Counaxa est la clé de l’unité du corps d’armée. Même si la solidarité demeure mesurée, même si l’individu ne peut s’effacer totalement par rapport au collectif, l’unité est essentielle à l’avancée et au bien-être du groupe entier.  Et c’est parce qu’ils parviennent à s’identifier en tant que communauté à part entière que les mercenaires réinventent et reconstruisent leurs repères. Par exemple, lorsqu’ils improvisent des jeux : « Ils célébrèrent aussi des jeux gymniques dans la montagne où ils campaient […]. Ce fut un beau spectacle : nombreux furent ceux qui descendirent dans l’arène, et comme c’étaient leurs camarades qui les regardaient, l’émulation était générale […]. Alors de toutes parts c’étaient des cris, des rires, des encouragements[77]. » Cette scène d’amusement et de partage constitue une pause récréative dans cette longue et laborieuse expédition. Elle renouvelle aussi la vision des mercenaires : ce ne sont pas seulement des militaires, ce sont avant tout des hommes liés les uns aux autres par un même but et, de ce fait, appartenant à une même communauté. À l’image d’une cité organisant des festivités, l’armée mercenaire offre à ses membres l’occasion de célébrer les liens qui les unissent. Or, contrairement à une cité, cette communauté n’est qu’éphémère, vouée à se disloquer naturellement à la fin du périple. Mais Xénophon prouve, par quelques rares scènes de communion, qu’il est possible pour autant d’individus, à un moment donné, de former une collectivité unie.

Conclusion

Au total, dans l’Anabase, les mercenaires parcoururent à pied plus de 6 400 kilomètres[78]. À son départ l’armée de Cyrus dénombrait 12 900 mercenaires grecs, mais seuls 5 000 d’entre eux survécurent à ce périple. Cette expédition, inédite dans l’Histoire, demeura dans les mémoires telle une profonde source d’inspiration : elle prouvait qu’il était possible de mener une armée dans le territoire perse et de l’en ramener. C’est sur les traces de l’Anabase qu’Alexandre le Grand conquît l’Empire achéménide en 330 av. J.-C. soit près de soixante-dix ans après l’expédition des Dix-Mille.

Dans un contexte militaire particulièrement oppressant où l’ennemi les poursuivait sans relâche, les mercenaires de l’Anabase ont dû puiser dans leurs moindres ressources pour survivre à ce voyage. Aux yeux des populations locales, une armée de milliers d’étrangers représentait une sérieuse menace, d’autant plus que ces soldats s’adonnaient au pillage des vivres et des richesses. Face à eux, les locaux se sont donc souvent montrés hostiles, voire agressifs. En réalité, les uns comme les autres n’agissaient réellement que pour leur survie mais le manque de dialogue et la méfiance réciproque dégénéraient en conflits ouverts. Pourtant, ces peuples ne souhaitaient que maintenir l’intégrité de leurs biens et préserver les membres de leur communauté, une motivation parfaitement analogue à celle des mercenaires. En fin de compte, lorsqu’il leur était possible de communiquer, les différents partis parvenaient parfois à négocier et à éviter une effusion de sang supplémentaire.

Indéniablement, le mercenaire entretenait des rapports ambigus à l’inconnu car ce dernier constituait une zone d’insécurité constante, un espace dans lequel l’incertitude régnait. Toutefois, l’inconnu était aussi vecteur d’identité. Malgré ses pérégrinations, le mercenaire n’oubliait pas ses origines, au contraire, il revendiquait son identité familiale et culturelle. La diversité qui composait les troupes mercenaires réunissait aussi tous ces hommes sous un même objectif : survivre. Toutefois les relations internes au contingent n’étaient pas évidentes car la solidarité n’était ni systématique ni naturelle. En effet, puisque chacun souhaitait survivre, l’individu prévalait instinctivement sur le collectif.

Mais il demeure que le corps d’armée devint la seule source de réconfort, l’unique repère amical dans un monde hostile et méconnu. Le mercenaire construit alors son identité en tant que membre à part entière de cette communauté improvisée.  John Ma écrit à ce sujet que « l’identité commune est centrée sur un projet commun : continuer à avancer, s’en sortir ; l’identité n’est pas fondée sur ‘‘le fait d’être là’’, mais précisément sur un ‘‘ailleurs’’ : venir d’ailleurs, aller ailleurs. La contradiction repose dans le projet partagé en lui-même : il crée, mais détruit aussi, la communauté[79]. » Et, effectivement, cette identité est éphémère car elle ne dure que le temps du voyage. D’une certaine manière, le métier permet alors la construction d’un espace immatériel, mobile, où se jouent des liens de solidarité, parfois d’amitié, voire même de citoyenneté.


Bibliographie choisie

AZOULAY Vincent, « Exchange as entrapment : Mercenary Xenophon ? » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, édité par Robin Lane Fox, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 289‑304.

BETTALLI Marco, Mercenari : il mestiere delle armi nel mondo greco antico : età arcaica e classica, Roma, Carocci editore, 2013.

Boëldieu-Trevet Jeannine, « Dire l’autre et l’ailleurs ? Récit, guerre et pouvoir dans l’Anabase de Xénophon » dans Dialogues d’histoire ancienne. Supplément n°4-2, Jeux et enjeux de la mise en forme de l’histoire. Recherches sur le genre historique en Grèce et à Rome, 2010, p. 351-369.

BRAUN Thomas, « Xenophon’s dangerous liaisons » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, édité par Robin Lane Fox, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 97-130.

BRIANT Pierre (éd.), Dans les pas des dix-mille : peuples et pays du Proche-Orient vus par un Grec, actes de la table ronde internationale (1995), Toulouse, Presses universitaires du Mirail, « Pallas », 1998.

BRULÉ Pierre, « Un nouveau monde, ou le même monde ? » dans Dans les pas des dix-mille : peuples et pays du Proche-Orient vus par un Grec, édité par Pierre Briant, actes de la table ronde internationale (1995), Toulouse, Presses universitaires du Mirail, « Pallas », 1998, p. 3-20.

CAWKWELL George, « When, How and Why did Xenophon write the Anabasis ? » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, édité par Robin Lane Fox, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 47-67.

CHANTRAÎNE Pierre, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, édition Klincksieck, 1980.

Dillery John, Xenophon and the history of his time, Londres, Routledge, 1995.

DUCREY Pierre, Polemica : études sur la guerre et les armées dans la Grèce ancienne, Paris, Les Belles Lettres, 2019.

ENGLISH Stephen, Mercenaries in the classical world : to the death of Alexander, Barnsley, Pen and sword, 2012, p. 52.

FLOWER Michael A. (éd.), The Cambridge companion to Xenophon, Cambridge, Cambridge University Press, 2017.

Flower Michael A., Xenophon’s Anabasis or the expedition of Cyrus, New-York, Oxford University Press USA, 2012.

GABRIELLI Marcel, « Transport et logistique militaire dans l’Anabase » dans Dans les pas des dix-mille : peuples et pays du Proche-Orient vus par un Grec, édité par Pierre Briant, actes de la table ronde internationale (1995), Toulouse, Presses universitaires du Mirail, « Pallas », 1998, p. 109‑122.

GARLAN Yvon, Guerre et économie en Grèce ancienne, Paris, La Découverte, 1989.

GARLAN Yvon, « L’homme et la guerre » dans La guerre en Grèce à l’époque classique, textes réunis par Pierre Brulé et Jacques Oulhen, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999, p. 17-47.

GRETHLEIN Jonas, « Xenophon’s “Anabasis” from character to narrator » dans The Journal of Hellenic Studies, vol. 132, 2012, p. 23-40.

GRIFFITH Guy Thompson, The Mercenaries of the Hellenistic World, Cambridge, Cambridge University Press, 1935.

HIRSCH Stevens, The Friendship of the Barbarians : Xenophon and the Persian Empire, Londres, Presses universitaires de Nouvelle Angleterre, 1985.

LANE FOX Robin (éd.), The Long March. Xenophon and the ten thousand, New Haven, Yale University Press, 2004.

LENDLE Otto, Kommentar zu Xenophons Anabasis, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1995.

MA John, « You can’t go home again : Displacement and identity in Xenophon’s Anabasis » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, édité par Robin Lane Fox, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 330-345.

MARINOVIC Ludmila P., Le mercenariat grec au IVe siècle avant notre ère et la crise de la « polis », Paris, Belles Lettres, « Annales littéraires de l’Université de Besançon », 1988.

PARKE Herbert, Greek mercenary soldiers from the Earliest Times to the Battle of Ipsus, Oxford, Clarendon Press, 1933.

ROY James, « The ambitions of mercenary » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, édité par Robin Lane Fox, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 264-288.

TRUNDLE Matthew, Greek mercenaries : from the late archaic period to Alexander, New York, Routledge, 2004.

TUPLIN Christopher, « The Persian Empire » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, édité par Robin Lane Fox, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 154-183.

Waterfield Robin, Xenophon’s retreat, Cambridge, Belknap Press, 2006.

WHITBY Michael, « Xenophon’s Ten Thousand as a fighting force » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, édité par Robin Lane Fox, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 215-242.


[1] Le dictionnaire Le Robert, par exemple, définit le terme français ainsi : « « Soldat à la solde d’un gouvernement étranger » (Paris, éd. Le Robert, 1995, p. 451).

[2] « μισθος » dans Pierre Chantraîne, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, édition Klincksieck, 1980, p. 705-706.

[3] Herbert Parke, Greek mercenary soldiers from the Earliest Times to the Battle of Ipsus, Oxford, Clarendon Press, 1933.

[4] Guy Thompson Griffith, The Mercenaries of the Hellenistic World, Cambridge, Cambridge University Press, 1935.

[5] Elle écrit notamment, dès la première page de son introduction : « Étant l’un des phénomènes caractéristiques de la réalité historique grecque du ive siècle, le mercenariat donne amplement matière à qui veut comprendre ses profondes transformations structurelles. » cf. Ludmila P. Marinovic, Le mercenariat grec au IVe siècle avant notre ère et la crise de la « polis », Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, « Annales littéraires de l’Université de Besançon », 1988, p. 1.

[6] Pour n’en citer que quelques-uns : Matthew Trundle, Greek mercenaries : from the late archaic period to Alexander, New York, Routledge, 2004 ; Stephen English, Mercenaries in the classical world : to the death of Alexander, Barnsley, Pen and sword, 2012 ; Marco Bettalli, Mercenari : il mestiere delle armi nel mondo greco antico : età arcaica e classica, Roma, Carocci editore, 2013 ; Pierre Ducrey, Polemica : études sur la guerre et les armées dans la Grèce ancienne, Paris, Les Belles Lettres, 2019.

[7] Surtout Athènes, Sparte et Corinthe. Cf. Ludmila P. Marinovic, op. cit., p. 22 : l’entretien de troupes mercenaires s’ajoute aux charges financières de la cité. Marinovic commente la nouveauté de ce phénomène en ces termes : « Pour la première fois dans son histoire, la polis a besoin d’utiliser des contingents mercenaires n’ayant aucun lien organique avec la collectivité citoyenne afin de compléter sa milice civile. »

[8] Ibid., voir le chapitre 1 « Entre deux siècles », p. 24-56. Les explications peuvent être multiples mais Marinovic estime que le rassemblement du corps mercenaire de Cyrus le jeune en 401, jusqu’alors inégalé en nombre, influa sur la généralisation du mercenariat. Voir également James Roy, « The ambitions of mercenary » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, édité par Robin Lane Fox, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 267-268. Celui-ci considère aussi qu’une fois la paix établie, beaucoup d’hommes accoutumés à la vie de soldat et n’ayant connu que la guerre ont poursuivi dans cette voie. C’est également l’avis de Stephen English, op. cit., p. 52 : « The end of the Peloponnesian War saw large number of men released onto the streets of the various city-states with no other way to make a living than through force of arms. » : « La fin de la guerre du Péloponnèse a vu un grand nombre d’hommes libérés dans les rues des diverses cité-États sans aucun autre moyen de faire vivre qu’à travers la force des armes. »

[9] Yvon Garlan, « L’homme et la guerre » dans La guerre en Grèce à l’époque classique, textes réunis par Pierre Brulé et Jacques Oulhen, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999, p. 38. Selon lui, « les causes du mercenariat sont multiples et complexes. Les principales devaient être celles qui aboutissaient à détacher l’individu de sa patrie, soit que celle-ci se trouvât disloquée (principalement par la guerre), soit qu’il en fût banni, soit surtout qu’il y fût réduit à l’indigence par le surpeuplement, des catastrophes naturelles ou un changement de régime socio-politique. Mais il pouvait aussi se laisser entraîner sur les chemins de l’aventure par la perspective de tirer à l’étranger un bon parti de sa qualification militaire (hoplites péloponnésiens, archers crétois, peltastes thraces) et de bénéficier des largesses d’un employeur victorieux et fortuné. »

[10] Ludmila P. Marinovic, op.cit., p. 34-35.

[11] James Roy, op. cit. p. 270 : « Not all mercenaries were driven to mercenary service by poverty. » Dans son article, l’auteur tente avec beaucoup de prudence d’identifier les profils des mercenaires.

[12] Voir sur le sujet, le très récent ouvrage de Pierre Ducrey, Polemica : études sur la guerre et les armées dans la Grèce ancienne, et notamment le chapitre 13 « Aspects économiques de l’usage des mercenaires dans la guerre en Grèce ancienne », op. cit., p. 283-300.

[13] Vincent Azoulay, Xénophon et les grâces du pouvoir. De la charis au charisme, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2004, p. 191 : « Le misthos du citoyen-soldat n’est destiné qu’à assurer son entretien pendant qu’il combat loyalement pour sa propre cité : il ne symbolise nullement une volonté pernicieuse d’enrichissement et semble légitime même aux plus acharnés des aristocrates. À l’inverse, combattant pour de l’argent et répondant à la logique de l’offre et de la demande, le mercenaire entretient une relation contractuelle avec son employeur, tout comme le prostitué vend son corps à un client. »

[14] La traduction exploitée pour cet article est celle de Paul Masqueray, 9e tirage (2009), 1ère édition de 1930 pour le volume 1 (livres I à III) et 8e tirage (2009), 1ère édition de 1931 pour le volume 2 (Livres IV à VII), Paris, CUF.

[15] Paul Masqueray, traducteur et commentateur de Xénophon (cf. édition référencée en note n°16), dresse un tableau des différentes théories concernant la date de rédaction de l’Anabase et justifie la période sur laquelle s’accorde les spécialistes. Il différencie bien la date de rédaction de la date de publication car si cette œuvre a bien été écrite pendant l’exil de Xénophon, à Scillonte, elle a connu quelques ajouts par après, lorsque Xénophon s’installe à Corinthe, après 371. Cf. notice de l’Anabase, traduite et commentée par Paul Masqueray, p. 7-10. Cf. George Cawkwell : « When, How and Why did Xenophon write the Anabasis ? » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, édité par Lane Fox Robin, Yale University Press, 2004, p. 47-67.

[16] Marcel Gabrielli, « Transport et logistique militaire dans l’Anabase » dans Dans les pas des dix-mille : peuples et pays du Proche-Orient vus par un Grec, édité par Pierre Briant, actes de la table ronde internationale (1995), Toulouse, Presses universitaires du Mirail, « Pallas », 1998, p. 111.

[17] Certains d’entre eux ont été bannis de leur cité et, devenus apatrides, tentent de survivre grâce au mercenariat. Par exemple, le commandant Cléarque, banni de Sparte, Dracontios exilé après avoir été jugé pour meurtre ou encore le cas de la population de Milet en Asie Mineure : « Il appela aussi ceux qui assiégeaient Milet, et il (Cyrus le Jeune) invita les bannis à l’accompagner dans son expédition, leur promettant s’il atteignait le but qu’il poursuivait, de ne pas déposer les armes avant de les avoir ramenés dans leurs foyers » dans Xénophon, Anabase, I, 2, 1. D’autres comme Coeratadas sont enrôlés pour le simple plaisir de se battre : « Cet homme (Coeratadas) n’était pas banni de la Grèce : ce qui le faisait voyager de côté et d’autre, c’est qu’il cherchait un commandement et qu’il s’offrait spontanément si quelque cité, quelque nation avait besoin d’un stratège. », dans Xénophon, Anabase, VIII, 1, 33. Enfin, Xénophon témoigne d’enrôlements effectués sous la contrainte. Lorsque Cyrus mentionne deux mercenaires réticents à s’engager, il souligne qu’il détient leur famille en otage : « Pourtant je tiens sous ma garde leurs enfants et leurs femmes à Tralles, mais je ne les leur prendrai point ; au contraire, je les leur remettrai, en récompense du courage qu’ils ont précédemment montré à mon service. », Xénophon, Anabase., I, 4, 8.

[18] Vincent Azoulay, op. cit., p. 198. La philia est la relation sacrée d’amitié qui lie deux individus, elle implique des obligations, notamment celle de venir en aide à l’ami dans le besoin. La xénia, quant à elle, correspond à la règle d’hospitalité, selon laquelle notamment l’étranger doit être bien accueilli, mais dans ce cas, il est aussi redevable envers son hôte pour avoir été reçu dans les règles de l’art.

[19] Une réputation changeante au fil des siècles sur laquelle revient Michael A. Flower en introduction de son ouvrage collectif : « Introduction » dans The Cambridge companion to Xenophon, édité par A. Michael Flower, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, p. 1-12.

[20] Le « Socrate » de Xénophon a notamment fait l’objet d’une réelle réhabilitation, son portrait est à présent perçu comme, certes différent de celui de Platon, mais tout aussi réfléchi et construit. À ce sujet, voir Louis-André Dorion, L’autre Socrate, études sur les récits socratiques de Xénophon, Paris, Les Belles Lettres, « L’Âne d’or », 2013 ; Gabriel Danzig, Apologizing for Socrates : How Plato and Xenophon created our Socrates, Lanham, Lexington Books, 2010 ; Vivienne Gray, The framing of Socrates : the literary interpretation of Xenophon’s Memorabilia, Stuttgart, Steiner, 1998.

[21] Parmi les multiples publications, citons, par ordre chronologique, quelques titres de référence : William E. Higgins, Xenophon the Athenian : the problem of the Individual and the Society of the Polis, New York, State University of New York Press, 1977 ; Stevens Hirsch, The Friendship of the Barbarians : Xenophon and the Persian Empire, Londres, Presses universitaires de Nouvelle Angleterre, 1985 ; Bodil Due, The Cyropaedia : Xenophon’s aims and methods, Aarhus, Aarhus University Press, 1989 ; John Dillery, Xenophon and the history of his time, Londres, Routledge, 1995 ; Angela Andrisano, « Les performances du Symposion de Xénophon » dans Pallas, n°61 : Symposion : Banquet et représentations en Grèce et à Rome, 2003, p. 287-302 ; Vincent Azoulay, op. cit. ; Louis L’Allier, « La parole et le geste : danse et communication chez Xénophon » dans Phoenix, vol. 58, n°3/4, 2004, p. 229‑240 ; ainsi que les articles très hétérogènes de l’ouvrage collectif The Cambridge Companion to Xenophon, paru sous la direction de Michael A. Flower, op. cit. ; enfin, Xénophon a fait l’objet d’un colloque organisé en 1999 par Christopher Tuplin et dont les actes ont fait l’objet d’une importante publication en 2004 : Xenophon and his world : papers from a conference held in Liverpool in July 1999, Stuttgart, Steiner, 2004.

[22] Sur cette œuvre, voir notamment : Michael A. Flower, Xenophon’s Anabasis or the expedition of Cyrus, New-York, Oxford University Press USA, 2012 ; Robin Waterfield, Xenophon’s retreat, Cambridge, Belknap Press, 2006 ; et tous les articles réunis dans l’ouvrage collectif :  The long march : Xenophon and the Ten Thousand, édité par Robin Lane Fox, London, Yale University Press, 2004 ; ainsi que les articles de l’ouvrage Dans les pas des dix-mille : peuples et pays du Proche-Orient vus par un Grec, op. cit.

[23] Marcel Gabrielli, « Transport et logistique militaire dans l’Anabase » dans Dans les pas des dix-mille : peuples et pays du Proche-Orient vus par un Grec, op. cit., p. 109-122 ; John Ma, « You can’t go home again : Displacement and identity in Xenophon’s Anabasis » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, op. cit., p. 330-345 et Michael Whitby, « Xenophon’s Ten Thousand as a fighting force » dans le même ouvrage, p. 215-242.

[24] À ce sujet : Pierre Brulé, « Un nouveau monde, ou le même monde ? » dans Dans les pas des dix-mille : peuples et pays du Proche-Orient vus par un Grec, ibid., p. 3-20 ; Jeannine Boëldieu-Trevet, « Dire l’autre et l’ailleurs ? Récit, guerre et pouvoir dans l’Anabase de Xénophon » dans Dialogues d’histoire ancienne. Supplément n°4-2, Jeux et enjeux de la mise en forme de l’histoire. Recherches sur le genre historique en Grèce et à Rome, 2010, p. 351-369.

[25] Xénophon, Anabase, IV, 3, 4.

[26] Xénophon, Anabase., IV, 3, 5-6.

[27] Ibid., IV, 3, 7.

[28] John Ma, « You can’t go home again : Displacement and identity in Xenophon’s Anabasis » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, op. cit., p.331.

[29] Xénophon, Anabase, IV, 8, 3.

[30] Xénophon, Anabase, V, 5, 15-19.

[31] Ibid., V, 5, 16.

[32] James Roy explique que les mercenaires pillent dès qu’ils n’ont plus d’employeurs, mais même sous contrat, le butin constitue un bonus parfois non négligeable en addition de leur paye, op. cit. p. 278.

[33] Xénophon, Anabase, I, 4, 9.

[34] Ibid., I, 5, 10.

[35] Ibid., I, 2, 11. Voir également : VII, 3, 1 et VII, 5, 3 à la fin du périple.

[36] Xénophon relate d’ailleurs quelques anecdotes sur la chasse à l’onagre, à l’autruche et à l’outarde : I, 5, 2-3.

[37] Pierre Brulé, « Un nouveau monde, ou le même monde ? », op. cit. p. 15. Mais sur cette question, voir plus en détail le chapitre complet : 4.3 « Xénophon ethnographe ». Ainsi que l’observe Pierre Brulé, Xénophon classe les populations selon les trois critères suivants : si elles obéissent ou non au roi, s’il s’agit de barbares ou de Grecs, si elles sont hostiles ou pacifiques, ce dernier critère reposant sur l’observation de la cruauté.

[38] Xénophon, Anabase, III, 5, 16.

[39] Xénophon, Anabase, IV, 1, 8.

[40] Ibid., IV, 1, 9.

[41] Ibid., livres IV-VII, vol. II, p.8, note 1.

[42] Ibid., IV, 7, 2.

[43] Ibid., IV, 7, 13.

[44] Xénophon, Anabase, IV, 2, 18-19. Voir en complément le paragraphe 23.

[45] Michael Whitby, op. cit., p. 215-242.

[46] Xénophon, Anabase, IV, 8, 4-5.

[47] John Ma, op. cit. p. 331.

[48] Xénophon, Anabase, IV, 8, 5-7.

[49] Ibid., IV, 8, 8.

[50] Xénophon, Anabase, IV, 5, 9-10.

[51] Ibid., IV, 5, 29.

[52] James Roy, op. cit. p. 273-275. La pauvreté de cette région serait une explication à l’enrôlement de nombreux hommes en tant que mercenaires.

[53] Xénophon, Anabase, III, 3, 17.

[54] Ibid., III, 4, 17.

[55] Lacédémone est le nom de la région où se situe Sparte. Les Lacédémoniens sont les Spartiates.

[56] Référence aux homoioi, littéralement les « égaux », qui désignent les citoyens spartiates.

[57] Xénophon, Anabase, IV, 6, 14-15.

[58] Nicolas Richer, Sparte : cité des arts, des armes et des lois, Paris, Perrin, 2018 ; Geneviève Hoffmann, Naître et devenir Grec dans les cités antiques, VIIIe-IIIe siècles avant notre ère, Paris, Éditions Macenta, 2017 ; The Oxford handbook of childhood and education in the classical world, édité par Judith Evans Grubbs et Tim Parkin, New York, Oxford University Press USA, 2013.

[59] Xénophon, Anabase, IV, 6, 16.

[60] La relation entre Xénophon et Chirisophe paraît effectivement concurrentielle mais il demeure que leur association sauve à plusieurs reprises l’armée.

[61] Xénophon, Anabase., III, 1, 3.

[62] Ibid., III, 4, 46 et voir aussi III, 2, 26.

[63] Ibid., V, 6, 20 et voir aussi V, 6, 30.

[64]  Michael Whitby, op. cit. p. 222 : « The Ten Thousand began as a disparate group, created from the various contingents whose preparation and subsequent arrival at Cyrus’ camp are described by Xenophon. Although most of the troops had ultimately been financed by Cyrus, the soldiers were still primarily attached to their particular captain and there was no single leader for the Greek contingent before Cunaxa. »

[65] John Ma, op. cit. p. 337 : « The Greek mercenaries existed not as a group, but as several contingents with their leaders and their own solidarities. »

[66] Xénophon, Anabase, I, 3, 6.

[67] Au sujet du caractère complexe, parfois hypocrite de Cléarque, voir : Thomas Braun, « Xenophon’s dangerous liaisons » dans The Long March. Xenophon and the ten thousand, op. cit. p. 99‑101.

[68] Xénophon, Anabase, V, 6, 15.

[69] Pour John Dillery les Dix-Mille peuvent être considérés comme une « polis mobile », notamment en raison du système décisionnel en place, le fait que les généraux consultent régulièrement les troupes pour choisir la route à suivre ou élire un dignitaire ; op. cit., partie II, chapitre 3 « Xenophon’s Anabasis : Panhellenism and the ideal community », p. 59-98.

[70] Xénophon, Anabase, IV, 5, 11.

[71] Ibid., IV, 5, 12.

[72] Ibid., IV, 5, 5-6.

[73] Ibid., IV, 5, 14-19.

[74] Xénophon, Anabase, I, 5, 11-13.

[75] Ibid., VI, 2, 10.

[76] Xénophon, Anabase, VII, 2, 1.

[77] Ibid., IV, 8, 27-28.

[78] Xénophon écrit à la fin du récit que la distance totale parcourue est de 1 155 parasanges, une unité de mesure perse, et 34 650 stades, unité de mesure grecque. Lorsqu’on effectue le calcul pour l’une et l’autre unité de mesure, en considérant que la parasange correspond environ à 5,5 km et un stade à 185 m, on obtient le même total : 6410 km. Ibid, VII, 8, 26.

[79] John Ma, op. cit. p. 340 : « The common identity is centred on a common project : keep moving, get out of here ; identity is not founded on “being there”, but precisely on an “elsewhere” : coming from elsewhere, going elsewhere. Contradiction lies in the shared project itself : it creates, but also destroys community. »

 

Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International