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La Danse de David et la figure de Saül dans le théâtre florentin (XVe-XVIe siècle)*

Ludmila Acone

Résumé :

Genre dramatique à la finalité pédagogique le Sacre rappresentazioni florentines du XVe siècle évoluent, se transforment et se complexifient à mesure qu’au XVIe siècle le pouvoir politique évolue lui, vers la forme du Principat. Dans le théâtre de la Renaissance florentine, la danse joue également un rôle éducatif important, tant à travers sa mise en scène et sa chorographie que comme vecteur d’un discours politique émanant des élites politiques et religieuses. Si la danse fait l’objet de nombreuses condamnations morales, la figure de David représente traditionnellement une danse sainte et licite en l’honneur de Dieu.

À travers David, et en particulier dans son opposition à Saül, c’est le comportement licite du citoyen et du chrétien qui est donné en exemple à suivre pour le salut politique et moral de toute la ville.

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Ludmila Acone :

Docteure  en Histoire médiévale, Ludmila Acone a soutenu une thèse intitulée « Théorie et pratique sociale de la danse noble en Italie centro-septentrionale au XVe siècle » à l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne, sous la direction de M. Jean-Philippe Genet, en co-tutelle avec l’Università Cattolica del Sacro Cuore de Milan, sous la direction de Mme. Paola Ventrone. Elle a publié plusieurs articles sur la danse médiévale et du xvie siècle et sur le corps dansant et le genre. Elle est actuellement chercheuse associée au Lamop de Paris  1 (Page personnelle : http://lamop.univ-paris1.fr/spip.php?rubrique6&nom=ACONE) et professeur d’Histoire-Géographie en français et en anglais en Lycée.

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Dans un prêche de 1305, le prédicateur Fra Giordano da Rivalta[1] accuse la danse d’être l’oeuvre du démon[2]. Cependant, et malgré les conciles qui la condamnent régulièrement depuis 375[3], nombreux sont les exemples de danse des anges en l’honneur du Christ et de la Vierge,[4] tant dans la littérature que dans l’iconographie médiévale. Ces exemples s’appuient en particulier sur plusieurs citations de danses licites issues de l’Ancien Testament [5] et dont la plus connue est sans doute celle de David dansant devant l’Arche d’Alliance[1], proposée à travers les siècles comme un exemple d’humilité devant Dieu. Cette danse constitue même un exemple qui inspire les nombreuses rondes de bienheureux au paradis qu’on trouve chez Dante[6], dans les représentations et les laudes de Feo Belcari (Florence, 1410- 1484)[7], mais également chez Beato Angelico. À travers la figure de David, émerge le topos de la danse licite, masculine et biblique, souvent opposée au modèle de la danse féminine et pécheresse de Salomé, tant dans les textes littéraires, que dans les représentations théâtrales et iconographiques[8]. Dans ces mêmes sources David se distingue également par ses vertus militaires, ses victoires donnant lieux à des danses, cette fois-ci féminines.

Si nous élargissons notre vision aux rapports entre David et Saül, nous voyons comment depuis la tradition biblique jusqu’aux sacre rappresentazioni florentines et aux comédies sacrées du XVIe siècle, la danse assume également un rôle positif et même de guérison[9]. Dans le premier livre de Samuel, le Roi Saül est frappé par la folie après avoir désobéi a dieu. Saül est guéri par David, à travers les vertus apaisantes de sa musique. Apparaît ainsi un contraste entre la figure du roi guerrier frappé de folie et celle d’un jeune, lui aussi guerrier, musicien et dansant, capable de guérir les âmes par son art. On retrouve ces figures dans deux œuvres au XVe siècle[10] La Resurrezione di Gesù Cristo de Castellano Castellani, et La Distruzione di Saül ed il Pianto di David  par Antonia Pulci[11] et au siècle suivant dans deux œuvres de Giovan Maria Cecchi : La Coronazione del Re Saül et L’ Esaltazione della Croce, où les figures de David et Saül assument un relief particulier en fonction de l’évolution politique et spirituelle de la ville de Florence.

I. Les figures de David et de Saul dans les sacre rappresentazioni

A. Fonction édifiante des sacre rappresentazioni

La Sacra rapprentazione[12], théâtre sacré florentin du quattrocento, se développe comme une forme d’ars predicandi[13], visant à transmettre le contenu des sermons par une forme de communication verbale et visuelle, suggestive et efficace. Dans le théâtre, l’usage de la voix, la posture du corps, les gestes et la mimique, sont des vecteurs puissants du message religieux[14]. Selon Paola Ventrone, « la sacra rappresentazione est un genre dramatique à la finalité pédagogique, créée initialement pour l’éducation des jeunes réunis dans des compagnies dévotionnelles[15], et spécifiquement pour leur éducation religieuse[16] ». Ainsi, l’archevêque de Florence Antonino Pierozzi (nommé en 1446 par le pape Eugène IV) attribue-t-il un grand rôle à la prédication et recommande l’usage des exempla qui, par l’émotion, rendent plus facile l’apprentissage des enseignements reçus, tout comme l’emploi de la rime et du vers, dont la musicalité favorise également la mémorisation. Antonino Pierozzi ne considérait pas le spectacle comme un péché mais au contraire comme une œuvre pastorale. Il approuvait la mise en scène d’histoires pieuses, réalisées par les compagnies de jeunes, dans la mesure où celles-ci étaient conformes aux prédications[17].

Dans ce but, les confréries dévotionnelles jouent au XVe et au XVIe siècle un rôle de premier plan, tant dans l’organisation et l’exécution, que dans le processus même de création des textes représentés. Marina Grazzini décrit les confréries comme : « un groupe composé de façon diverse par des laïcs, et des clercs, hommes et femmes, s’associant dans les villes comme dans les campagnes pour des objectifs d’édification religieuse, de solidarité dévote, d’engagement liturgique, de pratique pénitentielle et caritative, de socialisation, d’épanouissement pédagogique, de soutien réciproque. » [18]

La biographie même des auteurs de ces pièces témoigne de leur profond enracinement dans la vie spirituelle et politique de Florence. Castellano Castellani, l’auteur de La Resurrezione di Gesù Cristo  cité ci-dessus est né à Florence en 1461. Il est deux fois prieur et écrivain auprès de l’ospedale di S. Maria Nuova. En 1482, il devient lecteur en droit canonique à Pise. Il est lié à Giovanni de Médicis, puis après la mort de Laurent il envoie à Pierre de Médicis une lettre exaltant le rôle de mécène de Laurent qu’il considère comme son bienfaiteur, ainsi que celui de la ville, intitulée Meditatio mortis. Lorsque Pise s’oppose à Florence et accueille Charles VIII, il se transfère à Prato où il se lie à Savonarole qu’il soutient durant son exercice du pouvoir. Il semble que sa « passion » pour Savonarole fut brève, à l’image des néoplatoniciens réunis autour de Marsile Ficin dont il était également proche. Après la chute de Savonarole, il témoigne contre lui lors de son procès, cherchant à rentrer dans les grâces des Médicis et espérant retrouver le prestige dont il jouissait auprès de la hiérarchie ecclésiastique. Castellani fut également gouverneur et procureur de la compagnie de piété de San Gerolamo delle Costa. De 1497 à 1503, il enseigne à Florence durant la période du pouvoir de Soderini, qu’il soutient. Lors de la restauration des Médicis, il renoue des rapports très étroits avec Giovanni de Médicis, devenu Léon X en 1513, grâce à l’appui duquel, il exerce le droit canonique à Pise. Il meurt probablement à la fin de 1519. Il est l’auteur de nombreuses œuvres : sonnets, laudes et œuvres religieuses.

B. La danse comme forme de dévotion

Dans les sacre rappresentazioni, la musique et la danse assument une fonction particulièrement spectaculaire dans les inframesse[19] (intermèdes) « qui servaient certainement à divertir les spectateurs, les soulageant temporairement de la matière grave des représentations[20]». Celles-ci s’inspirent avant tout des sources bibliques et de la prédication, leurs sources se trouvent également dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, dans les textes patristiques et les sermons, qui se développent considérablement au cours de cette période. Les légendes des saints, du Christ et de la Vierge, qui s’y mélangeaient habilement avec des récits de la vie quotidienne, proches de la population, permettant de rendre ainsi présent et accessible le message édifiant qu’ils voulaient délivrer. Il s’agissait en effet de la rencontre entre une dévotion populaire et l’exigence du contrôle social et politique exercé par les élites politiques et religieuses. Celles-ci surveillaient scrupuleusement la formation théorique des jeunes qui y participaient, l’organisation matérielle et les lieux où se déroulaient les représentations, conformément à l’évolution spirituelle souhaitée pour la ville.[21]

La danse est également évoquée dans les textes mêmes des représentations dans un but éducatif, qu’il s’agisse d’une fête ou d’un banquet se déroulant au sein de la narration, ou bien de l’exemple d’un comportement lascif à condamner. C’est le cas de la Conversione di Santa Maria Maddalena de Castellano Castellani [22] où la danse est parfois un exemple de célébration chaste et licite ou un signe de décadence morale, comme dans la danse de Salomé : basée sur la tradition biblique, cette danse devient prétexte à condamner la danse en général. Dans un mystère pérugin anonyme du XIVe siècle, la Festa di San Giovanni Battista[23], ou bien dans le mystère florentin du XVe siècle de La rappresentazione di San Giovanni Battista quando fu decollato[24], l’évocation de Salomé met en évidence la capacité de la danse à pervertir les âmes et les corps. C’est d’ailleurs un motif récurrent chez les prédicateurs du XVe siècle ; pour Bernardino da Feltre (1439-1494) « Chaque fois qu’on danse, on coupe la tête de Jean-Baptiste. » [25]

À l’opposé de la danse de Salomé, la danse sainte et masculine de David est faite, avec joie, en l’honneur de Dieu. Le son des instruments, les habits misérables de David expriment le dépouillement et l’humilité devant Yahvé. L’ancien testament rapporte ainsi cet épisode :

David revêtu d’un manteau de byssus, dansait en tournoyant ainsi que tous les lévites porteurs de l’arche, les chantres et Kenanya l’officier chargé du transport[26].

David dansait de toute sa force devant l’Éternel, et il était ceint d’un éphod de lin.

David et toute la maison d’Israël firent monter l’arche de l’Éternel avec des cris de joie et au son des trompettes[27].

 Cet épisode est repris dans La rappresentazione della resurrezione di Gesù Cristo[28] de Castellano Castellani[29] où David incarne les vertus et l’équilibre qui sied à un bon roi :

DAVID avec son psaltérion[30] dit :
Ce psaltérion égaye mon cœur
En jouant je chanterai des laudes à Dieu
DAVID chante « Misericordias domini in aeternum cantabo » ; et tous vont en chantant vers le paradis terrestre au sommet de la montagne ; L’ANGE, une épée dans sa main dit :
Béni soit le seigneur fort de son autorité
Portant l’étendard du triomphe et de la gloire
LE CHRIST répond :
Laisse entrer cette compagnie,
Avec le trophée de ma victoire
Ils ont fait ma volonté
Selon l’histoire des Ecritures[31].

Mais David se distingue également par ses vertus militaires. Ainsi, lorsqu’il revient à Jérusalem victorieux, les femmes le fêtent en dansant :

À leur retour, quand David revint d’avoir tué le Philistin, les femmes sortirent de toutes les villes d’Israël au devant du roi Saul pour chanter en dansant au son des tambourins, des cris d’allégresse et des sistres.[32]

Le caractère licite de la danse ne serait donc pas tant lié au genre du danseur qu’à la licéité de l’occasion, ici elle est exécutée par des femmes, mais en l’honneur d’une victoire militaire et religieuse, sa fonction est donc autant spirituelle que politique.

 C. Danse sainte, danse lascive

Toujours au XVe siècle, Antonia Pucci écrit La rappresentazione della distruzione di Saul e il pianto di David  où l’on fête la victoire par la musique et la danse, malgré la douleur de David devant la mort de Saül, et dont la faute est soulignée ainsi :

Pour désobéir à son devoir Saül n’a pas obéi au commandement du Seigneur ce qui l’a mené à sa perte[33].

Dans le Livre II de Samuel, Saül est frappé de folie pour avoir refusé le sacrifice des Amalécites ordonné par dieu et « un mauvais esprit s’empare de lui » ; Saül, devenu fou, va à sa perte.

Si les figures de David et de Saul depuis la Bible et dans le théâtre florentin des XVe et XVIe siècles représentent les vertus du bon roi, elles représentent également ses vices. On peut se demander si la désobéissance est plutôt le signe de la maladie ou sa conséquence[34]. En tout état de cause il s’agit d’une perte de la raison et de la capacité de jugement, qualités essentielles pour un roi qui doit allier en lui la capacité de jugement politique et juridique, et non seulement militaire. Saül fait la guerre à David et également à son peuple ainsi qu’il la fait à Dieu. En ce sens si Saül s’oppose à David, il s’oppose également à Salomon, incarnation de la sagesse et de l’équilibre.

Apparaît alors un contraste entre la figure du roi guerrier, frappé de folie et celle d’un jeune, lui aussi guerrier, musicien et dansant, capable de guérir les âmes par son art, et c’est par la musique et la danse que David guérit Saul et conquiert les faveurs de Dieu. La danse assume un rôle positif et de guérison[35] comme dans le premier livre de Samuel[36] :

L’esprit de Yahvé s’était retiré de Saül et un mauvais esprit, venant de Yahvé, lui causait des terreurs. Alors les serviteurs de Saül lui dirent : « (…) Que notre seigneur en donne l’ordre et les serviteurs qui t’assistent chercheront un homme qui sache jouer de la cithare : quand un mauvais esprit de Dieu t’assaillira, il en jouera et tu iras mieux[37].

 David, entre au service de Saül :

Chaque fois que l’esprit de Dieu assaillait Saül, David prenait la cithare et il en jouait ; alors Saul se calmait, il allait mieux et le mauvais esprit s’écartait de lui.[38]

Au XVe siècle, le maître à danser Guglielmo Ebreo da Pesaro cite également, dans son traité[39] la figure biblique de David, afin d’illustrer le pouvoir apaisant de sa musique et de la danse :

Et comme encore le fit le glorieux roi David, lequel souvent, par son aimable psautier, dansant avec son peuple troublé de façon festive et honnête, par l’harmonie de son doux chant émouvait Dieu tout puissant lorsqu’il était en colère et le conduisait ainsi à une paix suave et pieuse. [40]

L’irruption de la folie (la maladie de l’âme) est une rupture de l’état d’équilibre et de l’harmonie, le retour à l’état de santé coïncide avec le retour de la foi mais également avec l’obéissance à l’autorité politique, émanation de Dieu. Par l’exemple de David et Saül nous voyons que la folie, la désobéissance et le désordre règnent en terre d’Israël. Si la désobéissance spirituelle et politique conduisent à la folie, le message délivré aux fidèles comme aux citoyens florentins est celui d’une unité du corps social, qui doit obéir aux autorités pour assurer son salut terrestre et céleste. La question de l’obéissance, très présente au XVe siècle assume un caractère particulier au XVIe siècle, après l’abolition de la République et l’Instauration du Principat.

II. La Coronazione del Re Saül de Giovan Maria Cecchi [41]

A. L’évolution du contexte

Au XVIe siècle, la ville de Florence subit une profonde mutation historique, tant dans les formes de l’exercice de son pouvoir politique[42] que dans son évolution théâtrale, du point de vue morphologique et des contenus. Le passage de la République au Principat après sa défaite de 1530 influence l’évolution spirituelle de la ville tout comme les formes de son théâtre. Comme l’explique Lorenzo Polizzotto[43], avec le Principat se dessine un changement important même dans la gestion des confréries et des compagnies de jeunes, considérées comme potentiellement séditieuses pour leur soutien passé à Savonarole[44]. Un programme d’éducation et de purification est mis en place par les autorités et prévoit un contrôle plus étroit tant sur les contenus que sur les lieux et les modalités d’exécutions des comédies et des intermèdes. Les décrets du Concile de Trente sur les confréries[45] accentuent le contrôle déjà exercé par le pouvoir politique sur les représentations. Dans la Coronazione del Re Saül l’Esaltazione della Croce de Giovan Maria Cecchi, l’exemple du couple de David et Saül permet de réfléchir à la perception et au rôle de la danse dans le théâtre et à sa fonction en tant qu’expression du pouvoir politique et religieux. Cela dans le contexte de la Florence du XVIe siècle qui tranche avec la Florence formellement républicaine du XVIe siècle[46]. Il faut préciser que les œuvres sacrées de Cecchi ne sont pas à proprement parler des sacre rappresentazioni (bien que D’Ancona les ait incluses dans les volumes qui leur sont consacrés) mais des comédies sacrées[47]. Cela nous permet également d’esquisser quelques éléments sur l’évolution du théâtre religieux à Florence, et aussi sur l’évolution de la place de la danse dans celui-ci, notamment avec l’apparition d’intermèdes structurés comportant des mentions très précises sur la danse.

B. Le théâtre sacré de Giovan Maria Cecchi

Giovan Maria Cecchi est né à Florence en 1518 d’une famille de notaires ; il est mort à Signa en 1587. C’est un homme connu pour sa dévotion, qui donnait généreusement aux œuvres locales et aux églises. Dans un premier temps Cecchi poursuit avec succès une carrière de dramaturge comique : il écrit vingt et une pièces de théâtre d’imitation latine, la plupart du temps inspirées de Plaute et Terence, à l’exception pièces plus originales inspirées d’événements contemporains. À partir de 1559, il commence à produire des drames spirituels : La morte del Re Acaab (1559), La Coronazione del Re Saül (1565) Il figliol prodigo (1570) et l’Esaltazione della Croce (1580-89). Il passe ainsi d’une production érudite et séculière à une production populaire et religieuse dont nous connaissons en particulier les Ragionamenti Spirituali[48]. Si Cecchi, à travers ses drames, peut sembler soutenir le pouvoir de Cosme Ier de Médicis, après l’accession du duc François Ier de Médicis, dans certaines de ses œuvres émergent des aspirations contrastant avec la politique et la moralité du nouveau duc. Néanmoins, tout en maintenant une forte exigence spirituelle, Cecchi ne critique jamais le pouvoir politique de façon ouverte. Nous pouvons rappeler l’épisode de l’assassinat du père de Cecchi en 1530, précisément au moment de la crise finale de la république. On ignore s’il est lié directement au contexte politique, cependant le meurtrier, Fabrino del Grilla da Castagno, resta impuni malgré une action en justice de Gian Maria et une pétition introduite auprès de Cosme en 1537-1538[49]. Cecchi devant assurer la charge matérielle de la famille après la mort de son père et ne pouvant obtenir justice, n’était probablement pas enclin à s’opposer au pouvoir Médicéen. Konrad Eisenbichler fait remarquer que : « face au siège et à la chute de la République, à la restauration du principat médicéen, à la mort du duc Alexandre, à la prise du pouvoir par Cosme et au contrôle rigide du duché florentin exercé par ce dernier, Giovan Maria préféra rester loin des troubles de son siècle[50]».  Par ailleurs, les années cinquante et soixante correspondent à une période où, sous le pontificat de Jules III et Paul IV, Cosme Ier se rapproche du pouvoir pontifical[51]. En 1551, arrivent à Florence le tribunal de l’Inquisition et la Compagnie de Jésus. À partir de 1559, les bûchers réapparaissent à Florence, « cette fois ci alimentés non pas par des vanités en tout genre, mais par des livres hérétiques. Et après une cinquantaine d’année où les nombreuses confréries religieuses florentines avaient subi de longues périodes de fermetures et de déclin, le climat politique et sociale permet et encourage le renouveau des activités des confréries, particulièrement si elles suivent les voies indiquées par le Pape et le grand duc[52] ». C’est à ce moment que s’opère un tournant dans l’œuvre de Cecchi, qui d’érudite et séculière devient populaire et religieuse s’adressant particulièrement aux confréries.

Cecchi écrit de nombreuses œuvres pour la Compagnie de l’Evangéliste. Fondée au début du XVe siècle,  c’est une des plus anciennes confréries de Florence[53] ; ses statuts sont approuvés par le vicaire général de l’Archevêque de Florence le 1er juillet 1427. La compagnie s’y définissait comme une école, fondée pour permettre aux jeunes florentins âgé de treize à quatorze ans de s’initier à la vie contemplative par des prières, à la vie active en secourant autrui, cela dans un esprit de charité et de vie morale, en parlant en en agissant honnêtement et vertueusement[54]. À la fin du siècle, elle comptait parmi ses membres les deux fils de Laurent et de Julien de Médicis qui ont pris part à la Représentation de saint Jean et Paul écrite par le Magnifique, représentée par la Compagnie, lors du carnaval de 1491. L’engagement de Cecchi dans cette confrérie est autant spirituel que politique. Ses œuvres sont des sermons ou des drames spirituels qui font directement référence à la vie civile et religieuse florentine. Il y exprime les nouvelles formes de théâtre religieux que sont les comédies sacrées, en particuliers les deux œuvres dont nous parlons ici. Ces œuvres théâtrales s’inséraient dans les pratiques liturgiques et de dévotions des fanciulli.

 C. La Coronazione del Re Saül

De la Coronazione del Re Saül, composée pour la Compagnie de l’Evangéliste, nous connaissons deux versions : l’une de 1565, sous le règne de Cosme Ier, la seconde de 1585, à la fin du règne de François Ier de Médicis. Selon Michel Plaisance : « l’œuvre montre l’instauration d’un système monarchique et de droit divin représenté comme le meilleurs des régimes, capable tant de combattre contre l’ennemi extérieur que de fonder un équilibre interne fondé sur la paix, la justice et la religion[55] ». Mais quand, en 1585, Cecchi revient sur l’œuvre nous pouvons remarquer un détachement entre le prince et ses sujets. François[56], né en 1541, succède en 1574 à son père Cosme. Il est un souverain impopulaire, qui impose fortement ses sujets et fait preuve des mêmes tendances despotiques que son prédécesseur, mais contrairement à celui-ci, elles ne sont pas tempérées par le paternalisme. Il parait s’intéresser d’ailleurs plus aux sciences et aux arts qu’à la conduite du gouvernement. Après la mort de sa première femme Jeanne d’Autriche (1578), il a épousé sa maîtresse Bianca Capello, ce qui, d’après les chroniqueurs, aurait scandalisé le peuple florentin et suscité des accusations de débauche. Le couple meurt, peut être empoisonné, en 1587. Ainsi, le duc François, dont la légende noire a laissé le portrait d’un souverain « suspicieux, fuyant, rapace et dépensier, incapable de garantir la paix du duché, pouvait apparaître comme un anti-Saül[57] ». Rappelons que le Saül du texte biblique perd la raison personnelle et politique pour avoir désobéi à Dieu[58]. David le guérit moralement et le ramène vers la foi. Néanmoins dans la Coronazione [59], le triomphe de David n’amoindrit pas la stature de Saül. Au contraire, comme nous le savons par la Bible, rendu jaloux par les succès du jeune David, il décide de le chasser et tente même de le tuer. Dans le quatrième intermède est célébrée la victoire de David :

Que les trompettes commencent à jouer : une partie de la perspective s’élargit. Sortent de nombreux soldats armés et puis David triomphant, la tête du géant Goliath dans ses mains, chante[60].

Puis les femmes juives fêtent la victoire de David :

De l’autre côté sortent les jeunes filles juives et vont à la rencontre de David en chantant :
Saül, notre roi
Seul il en a frappé mille
Il ne trouva aucun homme qui lui fut égal
Mais celui-ci (par sa grande bonté)
Nous a toutes rachetées
Et sauvées de l’angoisse et des larmes amères.
Quel miracle nouveau et rare !
Par une main si jeune
La valeur du Philistin est aujourd’hui vaincue !

Les chanteurs qui sont parmi les soldats :

 Rendons grâce au Seigneur,
Qui nous a tous sauvé,
Grâce à ce jeune berger. Il rend son honneur
Au grand peuple élu
Qui soit béni dans sa semence[61].

Saül est donc un grand roi, digne du peuple juif, David et Saül sont célébrés ensemble comme des guides et des sauveurs dont la force réside dans l’unité, ils sont entourés et acclamés par leur peuple. C’est un peuple élu qui pour Cecchi représente évidemment le peuple chrétien[62]. Dans l’œuvre, contrairement à l’épisode biblique déjà cité, les jeunes filles juives fêtent en chantant mais la danse n’est pas mentionnée. Cela ne veut pas dire que dans la représentation les jeunes filles ne dansaient pas. Une lacune fréquente dans les sources du XVIe siècle[63] consiste à ne mentionner que rarement les danses qui caractérisent dans de nombreuses occasions les fête ou les spectacles. Or, dans l’histoire, la danse a toujours accompagné les chœurs sacrés, les fêtes, et aussi de nombreuses formes de processions, car elle incitait les présents à mouvoir leur corps en rythme. 

III. L’Esaltazione della Croce de Giovanmaria Cecchi

A. Le culte des reliques

 Nous retrouvons la figure de David dans L’Exaltation de la Croix[64], également composée à la demande de la Compagnie de l’Evangéliste. Nous en connaissons trois versions : celles de 1580, de 1586 et celle de 1589. Cette dernière est mise en scène par le fils de Giovan Maria Cecchi, Baccio, pour le mariage du Grand-duc de Toscane, Ferdinand, qui a succédé à François, avec Christine de Lorraine. Nous sommes dans un climat de contre-réforme, où se développe le culte des reliques et des miracles. A l’occasion de ses noces, la duchesse aurait reçu comme présents des fragments de la vraie croix. L’œuvre, inspirée de la Légende Dorée, représente l’invasion de l’empire d’Héraclius par le roi perse Chosroès, au VIIe siècle après Jésus Christ. Baccio Cecchi y a transcrit avec précision les intermèdes[65]. Le roi perse pénètre en Judée et s’empare de la relique de la Croix. Il se fait construire un trône avec, d’un côté un coq d’or qui représente le Saint Esprit, de l’autre, la relique de la Croix. Par ces deux symboles, il s’attribue un rôle divin faisant ainsi coïncider le pouvoir temporel avec le pouvoir spirituel. Au quatrième acte qui représente: « la victoire obtenue par l’empereur Héraclius contre les sacrilège Chosroes, superbe roi, avec le retour de la Croix[66]», succède le cinquième intermède où la scénographie représente la ville de Jérusalem et où apparaît David :

Dans cette seconde scène est représentée la ville de David vers laquelle le Grand roi fit revenir la Sainte Arche d’Alliance avec beaucoup d’humilité, arrachée des mains impies des Philistins comme cela est écrit dans Le livre des rois[67].

Il représente le bon roi qui a su reconquérir l’Arche, tout comme Héraclius a su reconquérir la Vraie Croix et comme tout bon Prince doit défendre la foi chrétienne :

Dans l’Arche il nous indique la croix […] mais encore son glorieux retour à Jérusalem[68].

Suit le sixième intermède où David représente la figure de l’Empereur Héraclius, qui avec les prêtres juifs célèbrent la victoire en musiques et danses :

Sur la première scène arrivent les joueurs de flûte habillés en prêtres juifs, toujours en jouant : derrière eux arrivent d’autres prêtres et au milieu le grand prêtre habillé comme nous l’avons déjà dit. Après cela apparaît David qui avec une grande harpe en guise de psalterion, vient en chantant et en jouant doucement autour de l’Arche portée sur les épaules des prêtres[69].

Le roi David, par ses chants et ses prophéties, fait allusion aux fêtes pour la victoire d’Héraclius et invite les spectateurs faire de même :

Une plus noble arche, avec un sort plus favorable
Pour la gloire du Christ
Fera ici retour,
Car un homme sage et fort
Après l’avoir conquise,
L’exaltera orné d’une très haute humilité.
Et ainsi chacun danse et chante
Humblement devant elle,
Car il est grand de s’humilier pour Dieu[70].

B. Héraclius, le nouveau David

Ainsi comme David se dépouilla de ses ornements royaux devant l’Arche en signe d’humilité, Héraclius, dans la Légende Dorée, se montra pieds nus et dépourvus de ses habits royaux, pour ramener la croix du Christ à Jérusalem. Ici, dans la Comédie, seul David orné uniquement d’alta umiltade, invite tous les personnages présents à fêter, chanter, et danser avec lui. Comme dans le deuxième livre de Samuel ; la danse devant l’Arche représente un signe ultérieur d’humilité et de dévotion :

Puisque le roi par une musique agréable, par une danse très gracieuse et un chant suave a montré ouvertement l’allégresse qu’il avait dans son Cœur et montré sa révérence envers l’Arche, suivant son exemple tous les prêtres et le peuple, joyeux fêtent avec un son de cornes [cornetti chiari, cornetti muti], luths de toutes dimensions, orgues et violes et chantent: et qu’en chantant eux aussi ils dansent pour la grande joie de ceux qui les entourent[71].

Le pouvoir de la musique est tel qu’il exalte les personnages, et peut être aussi le public à se mouvoir au son des instruments comme transporté par leur force pour ensuite parcourir la ville :

La musique de cet intermède fut si gaie et où la danse le demandait si finement composée, que l’on vit qu’elle était la valeur dans cette science du musicien expérimenté qui avait si bien imité les paroles, que les chanteurs n’étant pas seulement invités, mais entrainés violemment par ce chant à danser et à festoyer comme ils le firent.

On joua de nouveau des trompettes et les prêtres en procession entrèrent en festoyant par la porte, dans la ville apparue là haut, et en jouant : en passant donc de la première à la seconde scène ils firent un long et merveilleux spectacle[72].

Dans le sixième intermède, l’Église Universelle, représentée par la Sainte Croix, triomphe. Les chevaliers des ordres militaire (chevaliers de l’ordre de Maltes, Teutoniques, de Saint Jacques d’Espagne, de Calatrava, d’Alcantara, de Saint Maurice et de Saint Lazare, de Saint Etienne) défilent en armes et doivent :

Être prêts et appareillés pour défendre par les armes, si nécessaire, par la mer ou sur terre, la foi catholique et risquer comme souvent ils le font, leur vie même et leur sang pour l’honneur du Christ, se surpassant eux-mêmes en gloire dans cette vie présente, et de toute éternelle gloire au ciel[73].

 C. La musique et la danse, images de la foi

Mais les armes s‘apaisent face à l’apparition dans le ciel de la Croix resplendissante surmontée par le symbole du Souverain Pontife, avec les clés croisées et soutenues par des anges. L’apparition est saluée par des chants et des danses des présents :

En dansant tous ensemble, ils faisaient un amusant entrelacement[74]. A l’apparition de la Croix, les yeux de tous les chevaliers levés vers le ciel, le genou à terre, ils firent une révérence en l’adorant pendant qu’on jouait et qu’on chantait doucement[75].

Michel Plaisance[76] fait remarquer que le thème de la défense de la foi chrétienne et de la croisade contre les Turcs était de grande actualité, car le Grand-duc avait proposé au nouveau Pape Sixte V une expédition militaire contre Alger, mais qui ne fut jamais réalisée.[77] Il remarque également que dans la comédie, l’empereur, qui dans un premier temps participe à l’action militaire, ne quitte pas Jérusalem pendant le déroulement de l’action : il ne remplit donc pas le rôle de sauveur que Saül assume dans la Coronazione. Le rachat vient des Perses eux-mêmes car le jeune héritier perse Siroé reconquiert le royaume, puis se convertit grâce à l’apparition de la Sainte Croix, devenant ainsi : « un prince conforme aux vœux de Cecchi, prince croyant et aimé de ses sujets[78] ».

Si la figure du bon prince représenté par David accomplit donc une danse sainte devant Dieu, Cecchi nous donne une vision opposée de la danse qui se déroule à la cour de Chosroes et dans les prisons de Jérusalem. En effets, dans l’Esaltazione della Croce existent plusieurs cours : celle de l’empereur de Constantinople, temporairement transférée à Jérusalem, celle du gouverneur de Jérusalem, celle de Chosroes et celle de Siroé, son héritier. Dans le cinquième acte le roi perse, trônant, est entouré par des bouffons, des courtisans, et de vulgaires danseurs [vili danzatori][79]. Dans la comédie, les prisons de Jérusalem de la comédie, où le prince se trouve emprisonné constitueraient une métaphore de la cour florentine[80]. Les intimidations, les flatteries et les trafics d’influence constituent une prison dans laquelle le prince assiste à une danse de paysans à la forte connotation négative et qui rend plus âpre sa critique envers la cour:

A vrai dire j’ai bu et mangé
Royalement, et j’ai fait boire et manger de même
Trois paysans qui ont dansé et chanté
Et le fils du roi a beaucoup ri[81].

Les caractères de danse licite ou illicite, dans les intermèdes de Cecchi, coïncident avec ceux qui sont énoncés dans la prédication et dans de nombreux écrits à caractère moral sur la danse[82] . Ici, la guérison du corps et celle de l’esprit se trouvent métaphorisées dans l’acte de la conversion dont le sens étymologique est, du latin convertere, celui de « tourner, changer de direction ». Il s’agit donc d’un changement d’état, d’un mouvement de l’âme dont le mouvement du corps et à la fois synonyme et parallèlement résultat ou cause.

La danse et ses modalités d’exécution ne constituent jamais un élément neutre, ils reflètent au contraire une vision tant esthétique que politique. Giovan Maria Cecchi exprime sa vision spirituelle et du pouvoir politique tant dans ses compositions à caractère purement religieux que dans les comédies. Dans la Coronazione di Saül, il représente l’installation d’un pouvoir politique, mais ses aspirations sont déçues par la cour du duc François. Sa foi et sa proximité avec le cardinal Borromée confirment sa profonde dévotion. Dévotion qu’il montre dans son soutien aux confréries pour lesquelles il écrit, et dans l’expression du culte des reliques, très répandu dans le cadre du renouvellement spirituel de la fin du XVIe siècle. En opposition avec Saül frappé par une folie individuelle et politique, David assume l’aspect du bon roi qui guérit par la musique et rend hommage à dieu à travers la danse. La danse licite est donc bien celle, très sainte de David devant l’Arche. Mais c’est aussi celle des fêtes pour les victoires militaires, aux connotations tant religieuses que politiques, comme on peut le remarquer dans l’Esaltazione della Croce. Contrairement aux idées reçues, l’élément féminin dans la danse n’est donc pas toujours associé au vice et à la luxure mais il est même sanctifié lors de la victoire. C’est donc la fonction politique et pas seulement religieuse qui rend la danse acceptable et digne, même lorsque ce sont des femmes qui dansent. La danse est donc un signe de bonne santé physique et morale, particulièrement dans la mesure où il s’agit d’une célébration du bon gouvernement et d’une affirmation de la foi chrétienne face à la menace extérieure de désagrégation du pouvoir politique et la décadence spirituelle, face aux menaces extérieures contre le peuple chrétien.

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* Cet article est issu d’un travail effectué pour la communication Davide e Saul e la danza nel teatro italiano del Rinascimento, in Danza e teatro. Storie, poetiche, pratiche e prospettive di ricerca : Bologne, 24-25 septembre 2009.

[1] Giordano da Pisa, également appelé da Rivalta est un dominicain. – Domenicano (mort en 1311), il a prêché en Toscane et en plusieurs autres villes italiennes, mais également en France, Allemagne et Angleterre.

[2] DA RIVALTA, F-G., Prediche, Florence, 1831, p. 319. Voir Aussi ACONE, L., « Danser et être femme dans L’Italie du XVe siècle à travers la danse » ; in Etudes anciennes, 45, ADRA-NANCY 2010, Actes du colloque Femmes, culture et société dans les civilisations méditerranéennes et proches orientales d’hier à aujourd’hui, Lyon, 2007.

[3] Voir aussi ACONE, L., « Danser et être femme … », art. cit., et ACONE, L., Théorie et pratique de la danse noble dans l’Italie Centre-septentrionale au XVe siècle, Thèse de doctorat en Histoire médiévale, Université de Paris I, en Co-tutelle avec l’Università Cattolica del Sacro Cuore de Milan, soutenue à Paris le 23 mars 2013. Chapitre III.

[4] Cfr, SCMITT, J-C., La raison des gestes dans l‘Occident médiéval, p124-26.

[5] Par exemple Exode 15 :20 ; Voir aussi SCHMITT, J-C., La raison des gestes… op. cit. pp. 86-90.

[6] Cfr. ACONE, L., Les âmes dansantes dans la Divine Comédie de Dante  in Texte et Contexte : Littérature et Histoire de l’Europe médiévale, sous la direction de ALAMICHEL, M-F. et de BRAID, R., Paris, Michel Houdiard Editeur, 2011.

[7] Feo Belcari est un auteur profondément inséré dans la vie culturelle, spirituelle et politique de Florence. Après avoir exercé l’activité d’administrateur auprès de l’église de S. Lorenzo al Monte, il se consacre à l’activité littéraire et produit une œuvre empreinte d’un fort sentiment religieux populaire, notamment des laudes et des mystères.

Cet aspect a été étudié par Sandra PIETRINI (Pietrini, S., La santa danza di David e il ballo peccaminoso di Salomé, in Quaderni medievali, n°50 dicembre 2000, Bari, Edizioni Devolo) et par Alessandro ARCANGELI (ARCANGELI, A., Davide o Salomè? Il dibattito europeo sulla danza nella prima età moderna. Roma, Edizioni Fondazione Benetton Studi Ricerche/Viella Treviso, 2000).

[9] Cet aspect est également présent dans la Resurrezione di Cristo de Castellano Castellani :  David col Salterio dice : Questo saltèr letifica il cor mio ; Sonando io cantero’ le laude a Dio.

[10] Dans « La Resurrezione di Gesù Cristo », attribué à par Giovanni Ponte à Castellano Castellani. In D’ANCONA, Sacre rappresentazioni… vol. I, op. cit., pp. 329-356; La Distruzione di Saül ed il Pianto di David  est attribué à Antonia Pulci par Giovanni Ponte.

[11] La Distruzione di Saül ed il Pianto di David est attribué à Antonia Pulci par Giovanni Ponte.

[12] Nous employons le terme Sacra rappresentazione en italien s’agissant d’une forme théâtrale originale née dans le contexte florentin et non traduisible par le terme mystère. Cfr. Ventrone, P., Lo spettacolo religioso a Firenze nel quattrocento, Università Cattolica del sacro Cuore, Milan, 2008. Voir aussi, NEWBIGIN, N., Nuovo corpus di sacre rappresentazioni, et STALLINI, Sophie, Le théâtre sacré à Florence au XVe siècle. Une histoire sociale des formes, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2011

[13]  Letteratura in forma di sermone : I rapporti tra predicazione e letteratura nei secoli XIII-XVI, Atti del Seminario di studi (Bologna, 15-17 novembre 2001), A cura di AUZZAS, G., Baffetti, G., Delcorno, C., Bologna, Leo S. Olschki, 2001.

[14] Schmitt, J-C., La raison des gestes dans l’Occident médieval, Paris, Gallimard, 1990.

[15] Cfr EISENBICHLER, K., Il ruolo delle contraternite nell’ educazione dei fanciulli ; il caso di Firenze , in L’educazione e la formazione intellettuale nell’ età dell’ umanesimo, a cura di L. R. S. Taruggi, Atti del Convegno, Chianciano, Montepulciano, 1990, Milano:1992, pp. 109-119.

[16] Ventrone, P., La sacra rappresentazione fiorentina, aspetti e problemi, in Letteratura in forma di sermone. I rapporti tra predicazione e letteratura nei secoli XIII-XVI, Firenze, L.S. Olschki, 2003, pp. 255-280.

[17] Dans Ventrone. La sacra rappresentazione fiorentina op. cit. p. 17-18. (Traduit et résumé ici par Ludmila Acone).

[18] Gazzini, M. (dir.), Studi confraternali: orientamenti, problemi, testimonianze ; Florence : Firenze University Press, 2009, p. 4.

[19] Ibid.

[20] Ventrone, Paola, op ; cit. page 9.

[21] Cfr. NEWBIGIN, N., Feste d’Oltrarno, Firenze, L.S. Olschki, 1996.

[22] D’Ancona, A., Sacre rappresentazioni dei secoli XIV, XV, XVI, Firenze, Le Monnier, 1872, Vol I, op. cit., p. 255-302.

[23] Transcrit par BONFANTINI, M. (dir), Sacre rappresentazioni italiane, Milano, Bompiani, 1942, p.88-97.

[24] Transcrit du manuscrit de 1464, Conv.Soppr. F. 3488, Biblioteca Nazionale Centrale Florence. Par NEWBIGIN, N., (ed. by). Nuovo corpus di sacre rappresentazioni fiorentine dele quattrocento. edite e inedite tratte da manoscritti coevi e ricontrollate su di essi. Bologna : commissione per i testi di lingua, 1983, p. 109-133.

[25]    Sermoni del beato Bernardinus Tomatino da Feltre nella redazione di fra Bernardino Bulgarino da Brescia, minore osservante, 3 Vols, ed Carlo Varischi, Milan, 1964, p.119.

[26] Chroniques, 15 : 26.

[27] Samuel 2, 6.13 à 16.

[28] « La Resurrezione di Gesù Cristo », attribuée par Giovanni Ponte à Castellano Castellani. In D’ANCONA, Sacre rappresentazioni…, vol. I, op. cit., pp. 329-356.

[29] Cf. : PONTE, G., Attorno al Savonarola. Castelano Castellani e la sacra Rappresentazione in Firenze tra 400 et 500, Gênes,: 1969; voir encore la biographie toujours utile de Avonto, F., La vita di Castellano Castellani  secondo nuovi documenti. In Rivista delle biblioteche e degli archivi, n. s., II (1924), pp. 92 -116.

[30] Le terme, repris du nom de la harpe grecque de forme triangulaire,  est employé au IVe siècle av. J.-C. dans le Septante, version grecque de l’Ancien Testament, comme dénomination de la harpe biblique triangulaire. Cette assimilation se perpétue jusqu’au Moyen Âge, en particulier dans la Vulgate en latin, et se retrouve dans toute la littérature chrétienne du Moyen Âge ;  d’après l’article « Psaltérion » in Dictionnaire de la musique Nouvelle éd.]. sous la direction de VIGNAL, M., Paris: Larousse, 2005, p. 807.

[31] Ibid., p. 334: DAVID col Salterio dice / Questo saltèr letifica il cor mio ;/ Sonando io cantero’ le laude a Dio./ DAVID canta misericordias domini in aeternum cantabo ; e Vanno tutti santando al Paradiso terrestre posto in monte ; e all’entrata l’ANGELO con la spada in mano, dice :/ Ben venga il Signor forte di balia,/ Con lo stendardo di trionfo e gloria./ Risponde Cristo:/ Lascia entrar dentro questa compagnia,/ Pero’ che l’ è il trofeo di mia vittoria:/ Questi hanno fatto la volontà mia ;/ Come della Scrittura pon l’istoria.

[32] Ibid. 18, 6, p. 332.

[33] Biblioteca Riccadiana, Firenze, fl, 1471.

[34] Dans le Livre de Samuel II, 15,1 Yahvé, par l’intermédiaire de Samuel, dit à Saul de «  punir ce qu’Amaleq à fait à Israël » (…) et de le «  vouer à l’anathème avec tout ce qu’il possède, sois sans pitié pour lui, tue hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs et brebis, chameaux et ânes ». Mais après avoir battu les Amalecites, Saul et son armé épargna le roi Agag et une bonne partie du bétail et «  tout ce qu’il y avait de bon » (Sam. II, 15, 7) et ne voua à l’anathème que le troupeau vil et sans valeur. Ainsi Yahvé s’adressa à Saul ainsi ; Je me repens d’avoir donné la royauté à Saul, car il s’est détourné de moi et n’a pas exécutés mes ordres » Sam. II, 15,10.

[35] Cet aspect est également présent dans la Resurrezione di Cristo de Castellano Castellani : David col Salterio dice : Questo saltèr letifica il cor mio ; Sonando io cantero’ le laude a Dio.

[36] Dans le premier livre de Samuel (15, 2), le Roi Saul refuse de détruire les Amalécites, contrevenant ainsi à Yahvé qui le rejette : « Je me repens d’avoir donné la royauté à Saul, car il s’est détourné de moi et n’a pas exécuté mes ordres » Premier livre de Samuel, 15.10, la Bible de Jérusalem, Les éditions di cerf, 1978, p.328.

[37] Samuel I 16 14, La Bible de Jerusalem, op. cit. p.330

[38] Ibid.

[39] EBREO DA PESARO, G.. De pratica seu arte tripudi volgare opusculum incipit. Manuscrit Ital 476, Paris Bibliothèque Nationale de France.

[40] EBREO, op cit. fol. 3 r.

[41] Cecchi, Giovan Maria. « La Coronazione del Re Saül ». In Drammi spirituali inediti, a cura di Raffaello Rocchi, Vol.2, Florence : Le Monnier, 1900.

[42] Cf. Rouchon, O., « L’invention du principat médicéen (1512-1609) ». In BOUTIER, LANDI ROUCHON, op. cit., pp. 65-90.

[43] Polizzotto, L., Adaptation and Change in an Age of Political and Religoius Absolutism, 1530-1625, in Children of the promise. Oxford: University Press, 2004.

[44] La prédication de Savonarole s’est appuyée sur les jeunes des confréries religieuses, les Fanciulli qui ont fortement contribué à répandre sa parole et ont logiquement été remis au pas après la chute du prédicateur. Cela ne fut pas sans avoir des conséquences dans le théâtre, cfr Weaver E., Convent Theatre in early Modern Italy, Cambridge : Cambridge University Press, 2002.

[45] Canons VIII et XVIII du Concile de Trente.

[46] Cfr. EISENBICHLER, K. (ed.). The Cultural Politics of Duke Cosimo I de’ Medici. ldershot : Ashgate, 2001.

[47] La comédie sacrée apparaît au xvie siècle. La Sacra rappresentazione qui est structurellement proche des mystères médiévaux, s’inspire des prêches et fait directement référence aux textes sacrés, les mouvements et la mise en scène sont décrits dans les didascalies entrecoupant le texte, les comédies sacrées sont constituées d’actes et d’intermèdes structurés et riches en détail sur la mise en scène. Il s’agit d’un genre plus tardif mais nous l’évoquons ici afin de souligner la continuité de la thématique de David et Saül entre le xve et le xvie siècle

[48] Cecchi, Giovan Maria. Ragionamenti spirituali (1558), édité par EISENBICHLER, K., Ottawa : Dovenhouse Edition, 1986.

[49] Rocchi, R., (a cura di). Drammi sprituali inediti di Giovanmaria Cecchi, I, IX, Florence : Successori Le Monnier, 1895.

[50] CECCHI, Ragionamenti spirituali, op. cit., p. 5.

[51] Cfr. CASTAGNETTI, Ph.,  Le prince et les institutions ecclésiastiques sous les grand-ducs Médicis  in BOUTIER, LANDI, ROUCHON, op.cit., pp. 303-320.

[52] Ibid., p. 8.

[53] Malheureusement la plupart des documents d’archives de la compagnie ont été détruits lors de l’inondation de l’Arno en 1966.

[54] Voir à ce propos Plaisance, M., Histoire de la compagnie de l’Evangéliste, In Les voies de la création théâtrale. Cultural Politics of Duke Cosimo I de’ Medici, VIII. Paris : Edition du CNRS, 1980, pp. 13-41.

[55] Plaisance, M., Histoire de la compagnie de l’Evangéliste, op. cit., p. 21.

[56] Cfr. Rouchon, O., L’invention du principat médicéen (1512-1609),  in BOUTIER, LANDI ROUCHON, op. cit., pp. 65-90.

[57] Ibid.

[58] Cecchi affirme la nécessité d’une obéissance absolue aux autorités ecclésiastique et civile comme dans sa tragédie Datan e Abiron (1580) où il condamne la sédition de Datan contre Moïse et Aaron.

[59] Cf. Cecchi. Drammi spirituali inediti, op. cit., et PadoVan, G., L’avventura della commedia rinascimentale. Padoue : Vallardi, 1996.

[60] Cecchi. Drammi spirituali inediti, op. cit., p. 74 :  Comincino a suonar le trombe : allarghisi un pezzo di prospettiva. Eschino assai soldati armati, e di poi, David in sur un trionfo, con la testa del gigante Golia in mano, e dica cantando. La figure de Goliat assume un rôle important à Florence comme symbole de la lutte de la république contre la tyrannie.

[61] Ibid. : Eschin dall’altra banda le fanciulle delli Ebrei, e venghino incontro a David Cantando:/ Saül, re nostro già,/Solo mille percosse,/ Né trovo’ uom che li regesse paro./ Ma questo (oh gran bontà !)/ N’ha tutte oggi riscosse,/ E tratte fuor d’angoscia e pianto amaro./ Miracol nuovo e raro !/ Che si giovine mano/ Il filisteo valor rende oggi vano ! E cantori che sieno tra’ soldati:/ Rendiamo lode al Signore,/ Che n’ha campati tutti,/ Merzé di questo giovine pastore./ Questo rende l’onore : Al gran popolo eletto,/ Che nel seme di lui sia benedetto. 

[62] Polizzotto, op. cit.

[63] Dans les transcriptions du XVIe siècle de mystères et comédies du siècle précédent (reprises notamment par Alessandro D’Ancona) les mentions de danses présentes dans les manuscrits originaux disparaissent parfois, soit qu’on les considère comme évidentes soit que la danse n’a que peu d’intérêt pour les transcripteurs.

[64] Pour la présentation de cette œuvre Cf. Plaisance, M., « Histoire de la compagnie de l’Evangéliste », op. cit., pp. 23-41.

[65] Nous prenons en considération la dernière version telle que transcrite dans d’Ancona, Sacre rappresentazioni…, vol. III, op. cit., pp. 1-138.

[66] d’Ancona, Sacre rappresentazioni…, vol. III, op. cit., p. 134.

[67] Ibid. : Ci fu per questa seconda prospettiva figurata la città di Davitte, entro a cui lo stesso gran re ritorno’con molta umiltà l’arca santa del patto, ricoverata dall’empir ne mani de’ Filistei, com’è scritto ne’ libri de’ Re

[68] Ibid. : Ci significa nell’arca la Croce semplicemente […] ma ancora il glorioso ritorno della medesima in Gierusalemme.  

[69] Ibid. : Arrivarono su la prima scena li sonatori delle trombe in abito di sacerdoti ebrei, tuttavia sonandole : e dietro a loro successivamente venivano altri sacerdoti, i quali avevano nel mezzo il sommo sacerdote, vestito come s’è detto altrove. Doppo questi comparve Davitte, il quale con una grand’arpa a guisa del salterio, veniva cantando e gentilmente sonando d’intorno all’arca, portata in su le spalle da’ sacerdoti.

[70] Ibid., p. 135 : Più nobil Arca, e con più licita sorte/ Sol per gloria di Cristo,/Quinci farà ritorno,/Allor ch’un saggio e forte/ Di lei fatto racquisto,/L’esalterà, d’alta umiltade adorno./Pero’ meco ogniun balli, e meco canti/A questa avanti umile,/Che grandezza è per Dio farsi più vile.

[71] Ibid., p. 136 : Avendo il pio re con piacevol suono; col graziosissimo ballo, e col soave canto dimostrato palesemente l’allegrezza che aveva nel quore e la riverenza esteriore verso l’arca, al suo esempio tutti i sacerdoti e ‘l popolo giubillando sopra una armonia di cornetti chari, cornetti muti, liuti grossi e mezzani, organo e violone, cantarono : e in cantando ballarono anch’eglino, con grand’applauso d’intorno a quella. 

[72] Ibid. : Fù la musica di questo intermedio tanto allegra e, dove il ballo lo ricercava, tanto artifiziosamente composta, che bene si conobbe quanto valesse in questa scienza, l’esperto musico, avendo egli cosi accortamente imitato le parole, che erano i cantori non che invitati, violentati dallo stesso canto a ballare e far festa, come appunto feciono.

Ultimamente si diede nelle trombe di nuovo, e gli sacredoti messisi in ordinanza, se n’entrarono tutti festeggianti per la porta, dentro nella città lassuso apparita, e tuttavia sonando : e fatto di se’ per la prima e per la seconda in scena passando maraviglioso e lungo spettacolo. 

[73] Ibid., p. 137 : esser pronti ed apparecchiati di difendere con l’armi, sepre che occorra, o per mare o per terra, la fede cattolica, e di esporre, come con effetto molte volte espongono, la vita stessa e ‘l sangue per onor di Cristo, avanzando sé medesimi di gloriosa fama in questa presente vita, e di alta ed eternal gloria in cielo. 

[74] De la description des intermèdes nous n’avons pas d’indication ni ne connaissons l’exécution précise des danses. Dans ce passage est seulement citée une danse, par ailleurs bien connue l’intrecciata. Il s’agit sûrement de la danse déjà cité par Sachs, storia della danza, op.cit., p. 187. Il la présente comme une danse en cercle similaire à celle de la fresque du Buongoverno d’Ambrogio LORENZETTI en réalité elle ressemble plus à une farandole. Bianca Maria GALANTI la décrit come una danza dalle molteplici origini, dal ritmo incalzante, in cui i partecipanti utilizzano spade e mattarelli Galanti B-M., La danza della spada in Italia. Rome : Edizioni Italiane, 1942.

[75] D’ANCONA, Sacre appresentazioni…, Vol. 3, op. cit. p138 : « facevano ballando insieme, un vezzoso intrecciamento. All’apparire della Croce, avendo alzati gli occhi tutti i cavalieri al cielo, e abbassate le ginocchia in terra, s’inchinarono, adorandola, e in questo mentre sonando e dolcemente cantando. »

[76] Plaisance, M., Histoire de la compagnie de l’Evangéliste , op. cit. p. 26.

[77] Des intempéries et des dissensions au sein des croisés ont eu raison de cette expédition qui a été retardée considérablement.

[78] Ibid.

[79] D’ANCONA, Sacre appresentazioni…, Vol. 3, op. cit., p 74 : Ma che ferno i danzatori ?/ Fuggiro in qua e in là, che parvon proprio/ Una covata di starnotti in una Stoppia,

[80] Cfr. Plaisance, M., « Histoire de la compagnie de l’Evangéliste », op. cit., p. 28.

[81] D’ANCONA, Sacre appresentazioni…, op. cit., p. 78 : A dirvi il vero, io ho gonfiato l’otro/ Alla reale ; e fattolo gonfiare/ A tre villan ch’an ballato e cantato;/ E ha riso tanto quel figliol del re ».