L’implication de la grand-mère dans les stratégies successorales : l’exemple de la reine Clotilde face à ses fils Childebert et Clotaire

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Manon Raynal

 


RésuméLes périodes de minorité royale sont souvent révélatrices des tensions auxquelles la famille et plus largement la société sont confrontées. Le conflit opposant la reine Clotilde, veuve de Clovis à ses deux fils Childebert et Clotaire le démontre bien. La mort de son troisième fils Clodomir en 524 amène une grande instabilité dans le royaume. Sa part de la Francie devrait revenir à ses trois garçons mineurs dont la charge est attribuée à leur grand-mère. Or cela déplaît fortement aux oncles qui entreprennent un stratagème pour les éliminer afin de récupérer leur héritage. L’étude de cette dissension est l’occasion de revenir sur les dynamiques reliant les membres de la famille entre eux et survenant à la suite du décès du père tout en tenant compte du contexte particulier de la famille royale mérovingienne.  L’accent est aussi mis sur le rôle joué par Clotilde en tant que souveraine, mère et grand-mère de princes et sa capacité d’actions dans ce cadre conflictuel.

Mots-clés : Clotilde, Tutelle, Minorité, Mérovingiens, Francs, Succession.


Doctorante sous la direction de la Professeure Sylvie Joye, j’étudie la tutelle exercée sur la femme en Occident durant l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge (IVe-VIIIe siècle). Mes recherches concernent l’histoire du droit et l’histoire sociale (étude de la famille, des femmes et du genre). Titulaire d’un master Mondes Anciens et Médiévaux – histoire et archéologie, je suis rattachée au laboratoire SAMA à l’Université de Lorraine et depuis septembre 2023, je suis aussi boursière AMI de l’Institut franco-allemand de Sciences Historiques et Sociales de Francfort-sur-le-Main.

Autrice de « Deux femmes fortes à la tête de l’Austrasie : les gouvernances de Brunehaut et de Plectrude », Le Pays lorrain, vol. 104, mars 2023, p. 37-41.

manon.raynal@univ-lorraine.fr


Introduction

Les périodes de minorité des héritiers au trône sont généralement révélatrices des tensions et des crises auxquelles la famille et la société sont confrontées. Le conflit opposant Clotilde, épouse et veuve de Clovis († 511) à ses deux fils Childebert et Clotaire le démontre bien. La mort de son troisième enfant Clodomir lors de la guerre franco-burgonde en 524 amène une grande instabilité dans le royaume franc. Laissant trois garçons mineurs, c’est leur grand-mère Clotilde qui en obtient la garde. Quelques années plus tard, alors que la reine souhaite élever ses petits-fils à la royauté, leurs oncles Childebert et Clotaire entreprennent un stratagème pour les éliminer dans le but de récupérer l’héritage de leur frère.

L’étude de cette dissension est l’occasion de revenir sur les dynamiques reliant les membres de la famille mérovingienne entre eux dans un contexte de succession royale dont les règles ne sont pas encore clairement établies. L’accent est mis sur le rôle joué par Clotilde en tant que souveraine, mère et grand-mère de princes et sa capacité d’actions dans ce cadre conflictuel.

La dispute est détaillée dans la chronique de l’évêque Grégoire de Tours, les Decem libri historiarum (DLH)[1], rédigée dans la seconde moitié du vie siècle puis a été reprise dans deux chroniques plus tardives, celle de Frédégaire[2] et le Liber historiae Francorum (LHF)[3] – respectivement du viie et du viiie siècle – qui s’inspirent toutes deux des écrits du premier chroniqueur, rendant leur fiabilité plus douteuse.

 Avant d’étudier les soins prodigués par Clotilde et le stratagème mis en place par ses fils, il convient de revenir sur l’implication de la reine dans la guerre franco-burgonde afin de déterminer quelle était sa situation au moment des discussions autour de la succession de Clodomir.

L’implication de Clotilde dans la guerre franco-burgonde

Au décès de Clovis en 511, le royaume des Francs est divisé entre ses quatre fils : Thierry, fils d’une première relation[4], et les trois enfants de Clotilde, Clodomir, Childebert et Clotaire. L’aîné, Thierry, est déjà un adulte d’une vingtaine d’années et a pu démontrer sa valeur au côté de son père. En effet, ce dernier l’envoie en Auvergne après la bataille de Vouillé en 507 pour conquérir la région[5]. Il est donc déjà associé au pouvoir du vivant de son père et est capable de conduire sa propre armée. Grégoire de Tours nous apprend aussi que Thierry a un fils Théodebert, décrit comme étant « beau et capable »[6], ce qui laisserait entendre qu’il serait déjà à un âge où il pouvait exercer certaines fonctions.

Généalogie 1 – La dynastie mérovingienne

©Manon Raynal

Les trois fils de Clotilde sont encore jeunes à la mort de leur père. Il est difficile d’établir avec certitude leur âge car il est à mettre en corrélation avec la date du mariage de la princesse burgonde avec Clovis, soit 492-3 ou 502. Emmanuelle Santinelli résume bien ce débat dans son article consacré à la souveraine avec un tableau récapitulatif des différentes possibilités[7]. Dans le cas d’une union précoce, les garçons seraient âgés entre neuf ans pour le plus jeune Clotaire et 17 ans pour Clodomir. Si le mariage a lieu en 502, tous les enfants seraient prépubères allant de trois à six ans.  Ian N. Wood propose un entre-deux, considérant que l’aîné n’aurait que 14 ans[8]. Plus les enfants sont jeunes, plus la situation est précaire pour eux, pour le royaume mais aussi pour Clotilde.

Nous ne détenons que peu d’informations sur la période entre la mort de Clovis et la guerre franco-burgonde et sur le devenir des enfants de Clotilde. Ce manque tendrait à retenir l’option du jeune âge des princes à la mort de leur père. Les années 510 ont probablement été consacrées à l’apprentissage de leurs futures tâches en tant que souverains. La reine a dû jouer un rôle important auprès de ses fils et a dû s’impliquer dans leur éducation[9]. Cela expliquerait le lien qu’elle conserve avec eux à leur majorité, une fois établis dans leur royaume respectif et pourquoi elle les réunit pour combattre les rois burgondes.

Déterminer la position de Clotilde au moment du décès de Clodomir est important pour comprendre si cela a pu influer sur le fait qu’elle obtienne la garde des garçons. La requête qu’elle formule à ses fils pourrait constituer un indice. Grégoire de Tours, écrivant plusieurs décennies après les faits, rapporte qu’au début des années 520, soit plus de dix ans après la mort de Clovis, la reine aurait réuni Clodomir, Childebert et Clotaire et leur aurait demandé de venger la mort de ses parents en attaquant leurs cousins burgondes Sigismond et Godomar, tous deux fils du roi Gondebaud. Dans le but de récupérer leur part du royaume, celui-ci aurait évincé les parents de Clotilde, en égorgeant son frère Hilpéric et en noyant son épouse. Alors que Clotilde est restée auprès de son oncle, sa sœur Chroma est exilée dans un monastère dont la localisation nous est inconnue[10].

Généalogie 2 – La dynastie burgonde

 ©Manon Raynal

Plusieurs chercheurs ont remis en doute l’existence de ce motif vindicatif[11]. Sachant que l’assassinat de ses parents s’est déroulé plusieurs décennies auparavant, ces historiens trouvent étrange que la reine attende aussi longtemps. Dans sa chronique, Frédégaire avance que le mariage de Clotilde avec Clovis serait un premier pas vers sa vengeance contre son oncle[12]. De plus, Clovis a soutenu Godégisel, un des frères de Gondebaud, pour défaire ce dernier car il n’avait pas respecté plusieurs promesses. Cette attaque aurait pu être l’occasion de venger l’assassinat de ses beaux-parents[13]. Écrivant au viie siècle, les paroles de Frédégaire sont à prendre avec précaution d’autant qu’il se contredit en présentant aussi la guerre franco-burgonde de 523 comme une vengeance des Francs, reprenant la justification de Grégoire de Tours.

L’argument principal contre une vengeance de Clotilde provient d’une lettre d’Avit de Vienne adressée au roi Gondebaud. L’évêque évoque la tristesse du souverain après la perte de ses frères[14]. La lettre s’adressant directement au roi, il paraît peu probable qu’Avit insiste sur le deuil de Gondebaud s’il a assassiné ses frères[15]. De plus, les sources révèlent un renforcement des liens entre les souverains francs et burgondes durant les années 510 et au début des années 520. Ainsi, deux rois francs épousent des princesses burgondes : Thierry s’unit à Suavegothe, fille de Sigismond[16] et Clodomir à Gontheuc qui pourrait être la petite-fille de Godégisel[17]. Or le mariage est créateur d’alliance et peut représenter un gage de paix[18]. Clotilde contribue à la nomination de trois compatriotes burgondes à la tête de l’évêché de Tours entre 519 et 522 : Théodore, Procule et Dinifius[19]. La reine entretient aussi de bonnes relations avec Sigismond qui lui offre les reliques d’Apollinaire à son retour d’un pèlerinage à Rome[20]. Si Clotilde prévoyait de sévir contre ses cousins burgondes, il n’y aurait eu aucun intérêt à renouveler leurs liens par ces gestes.

Une autre possibilité soutenue notamment par Maurice Chaume et Justin Favrod serait que ce n’est pas Clotilde mais Gontheuc qui serait à l’initiative de cette vengeance[21]. En effet, cette dernière serait la petite-fille de Godégisel et la fille d’Hilpéric, tous deux tués par Gondebaud[22]. Grégoire de Tours aurait ainsi transposé volontairement à Clotilde une histoire qui concernerait Gontheuc ou confondu leurs deux histoires au vu de leur similitude, le père des deux femmes se prénommant tous deux Hilpéric. Clodomir est le premier à s’opposer aux Burgondes, le fait que ce soit pour venger sa belle-famille pourrait aller dans ce sens. Cependant, comme nous l’avons précédemment évoqué, la lettre d’Avit de Vienne nie les meurtres des princes burgondes par Gondebaud[23]. L’argument vindicatif est donc à oublier.

Les chroniqueurs présentent plusieurs fois l’attaque de royaumes voisins par les Mérovingiens comme une réparation d’un affront envers des parents. Clovis exécute son parent Ragnacaire, roi de Cambrai en partie à cause de son comportement débauché qui discrédite sa famille[24]. Thierry justifie également de cette manière l’assaut contre les Thuringiens[25]. Le motif vindicatif fait donc partie de la propagande mérovingienne exposée par Grégoire de Tours pour expliquer la volonté des rois d’accroître leur pouvoir et d’étendre le territoire franc. L’originalité de la guerre franco-burgonde est qu’elle est à l’initiative d’une femme et non d’un roi franc. L’entièreté du passage est construite pour accentuer l’opposition entre les familles mérovingienne et burgonde[26]. Pour l’auteur, Clotilde, en tant que mère de la dynastie mérovingienne, est toute aussi légitime que ses fils à répondre par la violence à un affront commis envers sa famille. Cet épisode s’inscrit dans le discours de l’évêque qui veut légitimer l’autorité des Francs face à ses congénères barbares, la justification réparatrice ne représente ici qu’un prétexte.

Comme le souligne Stephen D. White, attaquer le royaume burgonde renvoie surtout à des intérêts politiques[27]. Les années 510 correspondent à une période faste pour les Burgondes avec l’élaboration du Liber Constitutionum et la convocation du concile d’Épaone en 517. Le règne de Sigismond commence en 516 sous de bons auspices : le royaume est apaisé aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Cependant, les choix du souverain entraînent sa chute en 524 et contribuent à l’effondrement du royaume burgonde.

Parmi ces causes[28], sont inclues des dissensions intrafamiliales survenues après son remariage. Sigismond était marié à Ostrogotho, fille du roi ostrogothique Théodoric le Grand, qui décède avant 516[29]. Le roi épouse ensuite une servante de la défunte dont le nom nous est inconnu. D’après Grégoire de Tours, Sigéric, fils des premières noces, a une altercation avec sa belle-mère qui avait osé porter les vêtements de sa défunte mère. Il n’est pas rare que des tensions apparaissent entre les enfants du premier lit et la marâtre[30]. Cet exemple va dans ce sens : la nouvelle épouse convainc Sigismond de tuer son fils et insiste sur la menace qu’il représente en tant qu’héritier du royaume burgonde mais aussi ostrogothique. Face à la possibilité d’un complot, le roi burgonde ordonne l’assassinat de Sigéric. Regrettant son geste, Sigismond part faire pénitence dans le monastère qu’il a fondé à Agaune mais trop tard, le mal est fait[31]. La famille royale est affaiblie et Sigismond est désavoué par le peuple et l’Église. À cela, s’ajoute la menace de représailles de la part de Théodoric pour la mort de son héritier. Il s’agit d’un moment propice pour attaquer les Burgondes et les Francs l’ont bien compris.

Que la guerre contre les Burgondes ne soit qu’un prétexte à la vengeance ou non, Clotilde semble être bien insérée dans la sphère politique au côté de ses fils notamment par le maintien de relations avec son royaume d’origine. La première attaque franque contre les Burgondes est un succès pour Clodomir qui réussit à capturer Sigismond et sa famille avant de les tuer[32]. Le second assaut contre Gondemar en 524 ne se déroule pas de la même manière, entraînant le décès du Franc et un risque d’instabilité au sein de la famille mérovingienne.

La prise en charge des enfants de Clodomir par Clotilde

Clodomir laisse trois fils mineurs, prénommés Théodoald, Gonthaire et Clodoald, qui, à cause de leur jeune âge, sont incapables de succéder à leur père dans l’immédiat. Les périodes de minorité des princes sont souvent le témoin de crise au sein de la famille royale. Le manque d’une autorité forte met à jour des instabilités notamment des rivalités et permet d’observer les rouages du gouvernement. C’est l’occasion aussi de révéler certains acteurs comme les femmes, reines et veuves.

Grégoire de Tours nous décrit la réaction de la famille royale après la mort de Clodomir. Son frère cadet Clotaire épouse la nouvelle veuve Gontheuc et Clotilde prend la charge des trois garçons. Cette décision peut paraître surprenante. Alors que Gontheuc est vivante tout comme les oncles, pourquoi est-ce à la grand-mère que revient la tutelle des fils de Clodomir ? D’ailleurs, quelques années plus tard, les fils de Clotilde ne voient pas d’un bon œil les soins prodigués par leur mère qui envisage d’élever les garçons sur le trône. Clotaire et Childebert décident de tuer leurs neveux dans le but de récupérer et de se partager l’héritage de leur défunt frère[33].

Le système de succession mérovingien n’est pas encore clairement défini et pouvait être sujet à des modifications. À la mort de Clovis, le royaume est divisé entre ses quatre fils. Si nous suivons la même logique, le territoire de Clodomir devrait revenir à ses trois garçons mais il est possible d’envisager d’autres possibilités comme l’application de la tanistrie, c’est-à-dire le partage entre des parents du défunt – généralement les frères – ou l’instauration d’une primogéniture, laissant le fils aîné succéder seul à son père[34]. La minorité des garçons laissait le temps de réfléchir à la question de l’héritage de Clodomir comme ils étaient dans l’incapacité de gouverner par eux-mêmes.

L’union de Clotaire avec Gontheuc était peut-être dans le but de récupérer la garde des garçons et par ce biais, de gérer les terres de son frère. En tant que cadet, Clotaire risquait d’être désavantagé dans le partage des biens de Clodomir. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’évêque de Tours avance que le Franc s’est empressé d’épouser la veuve : « Sans aucun délai, Clotaire s’unit en mariage à l’épouse de son frère, nommée Gontheuc. Et les jours de deuil finis, la reine Clotilde prit et garda auprès d’elle ses fils »[35].  L’auteur critique de manière détournée Clotaire et Gontheuc qui ne respectent pas le temps de deuil réglementaire au contraire de Clotilde qui a attendu quelques jours avant de prendre soin des garçons. Le délai de viduité n’est pas renseigné dans les sources franques mais dans les autres royaumes, cela pouvait aller de 30 jours à un an[36]. Cette union est d’autant plus condamnable, car léviratique, c’est-à-dire entre un homme et l’épouse de son défunt frère, ce qui est proscrit par la loi salique[37] mais aussi par le droit canonique[38].

Ses noces avec Gontheuc n’ont pas permis à Clotaire de s’occuper de ses neveux et du royaume de Clodomir. Une explication, donnée par Emmanuelle Santinelli, serait que Gontheuc ne soit pas la mère des garçons[39]. En effet, celle-ci est uniquement présentée par Grégoire de Tours et les chroniqueurs postérieurs en tant qu’épouse de Clodomir[40]. N’étant pas la mère des garçons, la veuve ne dispose donc d’aucun droit sur eux et ne peut pas assumer leur tutelle. Cela laisserait entendre que Clodomir aurait eu, en plus de Gontheuc, au moins une autre épouse. Les Mérovingiens pratiquant la polygynie, le souverain pouvait entretenir des relations avec plusieurs femmes sur une longue durée et de manière simultanée[41]. Le statut social de la femme importe peu : le roi peut s’unir à qui il souhaite et déclarer comme sien tout enfant[42]. Le mariage avec des membres de l’aristocratie ou des princesses de royaumes voisins apporte évidemment des avantages que des femmes modestes ne possèdent pas mais les exemples de Frédégonde ou de Bathilde démontrent que des servantes peuvent accéder à la royauté[43].

La non-mention d’autres femmes au côté de Clodomir peut s’expliquer par leur origine modeste. Gontheuc est évoquée parce que Clotaire s’est uni à elle. En tant que princesse burgonde présumée, elle représente un parti intéressant. En l’épousant, le roi franc renforce son pouvoir vis-à-vis de ses frères dans un contexte concurrentiel et dans la prévision d’une revendication du territoire de Clodomir. Cette union lui permet également de bénéficier du réseau d’alliance que Gontheuc a certainement construit au sein des royaumes franc et burgonde. Clotaire n’est pas le seul à employer le lévirat de manière stratégique. Après la mort de Charibert en 567, son épouse Théodechilde, sans enfant, s’offre à Gontran, frère dudit défunt, en lui proposant en contrepartie l’héritage de Charibert. Le roi l’épouse, récupère le trésor de son frère avant d’envoyer la femme dans un monastère dont elle ne sortira jamais[44]. De manière générale, s’unir à une veuve est un moyen pour s’enrichir et accroître sa position[45]. Clotaire tente d’utiliser une seconde fois ce potentiel en épousant Vuldetrade après le décès de Théodebald, petit-fils de Thierry, en 555 mais les évêques condamnent son geste, le forçant à abandonner la veuve[46].

L’évincement de Gontheuc et de Clotaire n’explique pas pourquoi Childebert ou Thierry n’assument pas la tutelle. Thierry n’ayant pas la même mère que les autres rois, cela peut constituer un motif d’exclusion même si la distinction entre les enfants des différents lits n’est pas encore un critère essentiel au haut Moyen Âge[47]. Rien dans la loi salique ne permet de confirmer un empêchement des oncles à s’occuper de leurs neveux et nièces mineures. C’est très souvent au plus proche parent masculin que revient le devoir de protéger les membres de la famille les plus à risque.

La chronique tourangelle met justement en avant le rôle de Gontran, l’un des fils de Clotaire qui règne de 561 à 592 sur la Burgondie. Ses deux frères, Sigebert et Chilpéric, étant décédés et laissant des fils jeunes, Gontran représente la seule figure royale sur laquelle les épouses des défunts peuvent s’appuyer pour légitimer leur position et celle de leur fils[48]. Frédégonde, veuve de Chilpéric, lui demande de se rendre à Paris pour remettre à son fils Clotaire ii les terres de son père, marquant son ascension sur le trône[49]. Les auteurs ajoutent que Gontran aurait également adopté son autre neveu Childebert ii, fils de Sigebert et de Brunehaut, faisant de lui son successeur sur le territoire burgonde[50]. Le traité d’Andelot de 588 entre Gontran et Childebert ii renforce leurs liens en stipulant qu’après le décès de l’un d’entre eux, le survivant sera chargé de prendre soin de la famille de l’autre[51]. Si aucune prédisposition n’empêche la prise en charge de neveux par des oncles, l’écartement de Childebert et de Clotaire est d’autant plus intrigant.

Lorsque la tutelle est évoquée, il est nécessaire de distinguer les soins prodigués aux enfants et l’autorité juridique détenue sur eux. La formulation de l’évêque de Tours ne nous permet pas de déterminer le statut exact de Clotilde. Le fait que la grand-mère s’occupe des enfants à Paris et non à Tours, cité importante du territoire de Clodomir et dans laquelle la reine est censée résider selon l’auteur, pourrait être significatif. Il aurait été logique qu’elle élève les garçons dans une ville se trouvant au cœur du royaume du défunt afin de s’occuper également de la gouvernance. Comme Grégoire ajoute que la reine séjourne occasionnellement à Paris, il a pu exagérer la présence de la reine à Tours à cause des liens étroits qu’elle y entretient.

Par opposition, Paris se situe dans le royaume dirigé par Childebert[52]et détient un certain prestige en tant siège du pouvoir de Clovis et lieu de son repos éternel[53]. Sous les petits-fils du roi fondateur, Paris devient la capitale commune des Francs[54] mais il est difficile de déterminer si cela était déjà le cas sous la génération précédente. La ville pourrait donc être uniquement la capitale du royaume de Childebert. Le fait que les enfants de Clodomir se trouvent sur ses terres pourrait signifier que l’oncle soit le tuteur des garçons. En tant qu’aîné des fils de Clotilde, il serait le plus à même de détenir cette fonction. Le souverain ne s’est peut-être pas impliqué personnellement dans l’éducation de ses neveux mais en tant que tuteur officiel, il a pu détenir un droit de regard sur eux. C’est justement quand sa mère envisage de les élever sur le trône que Childebert s’inquiète et met en place un stratagème avec son frère pour remettre en cause le dessein de Clotilde.

L’autorité de Clotilde sur ses petits-fils

En tant que princesse burgonde et reine franque, Clotilde dispose d’un pouvoir important qui a pu légitimer le fait qu’elle s’occupe de ses petits-fils. Sa puissance repose tout d’abord sur un patrimoine qu’elle utilise pour se créer un réseau de fidèles et met au service de la religion. Grégoire de Tours évoque sa pratique de l’aumône et ses donations à l’Église[55]. La reine confie notamment au prêtre Anastase des terres près de Clermont que l’évêque Cautin aurait cherché à récupérer[56]. Nous savons également qu’elle a participé à la fondation d’établissements religieux dont la basilique des Saints Apôtres[57].

De même, Clotilde a contribué à la nomination de plusieurs compatriotes burgondes à la tête de l’évêché de Tours : Théodore et Procule qui ont officié de manière simultanée de 519 à 521 et leur successeur, Dinifius l’année suivante[58]. L’auteur de la Vita Genovefae serait aussi un clerc burgonde, installé à Tours avant de partir à Paris pour servir la reine[59]. Au vie siècle, la majorité des évêques sont désignés par le roi et non de manière canonique, faisant des clercs des sortes d’officiers royaux[60]. Le fait que la reine puisse instituer le détenteur d’une charge épiscopale témoigne donc de son autorité et de son influence[61].

Avant la guerre franco-burgonde, Clotilde détient un pouvoir important qui s’appuie sur un patrimoine généreux et un réseau étendu. Il faut ajouter à cela sa longue expérience dans la gestion du royaume au côté de son époux et durant la minorité de ses fils. Pendant près d’une trentaine d’années, elle a su démontrer ses capacités en tant que mère et souveraine, la rendant tout à fait légitime à occuper à nouveau ce rôle pour les enfants de Clodomir. Une partie de ses relations étant originaire de Burgondie, les dissensions entre les deux royaumes ont pu entacher son pouvoir. S’impliquer auprès de ses petits-fils est donc un moyen pour la reine d’assurer sa position à la cour.

Aucune information n’est fournie dans les sources sur la teneur des soins prodigués aux garçons. Cela comprend la satisfaction des besoins primaires. Grégoire de Tours écrit que Clotilde leur fournit à boire et à manger : dato pueris esu putuque[62]. Comme elle envisageait d’installer les princes sur le trône de leur père, nous pouvons en déduire que la reine a dû leur fournir l’éducation adéquate à la gouvernance du royaume. L’évêque ne mentionne d’ailleurs pas le devenir immédiat des terres de Clodomir dont la gestion a pu être déléguée aux oncles, ce qui expliquerait d’autant plus leur inquiétude face au projet de Clotilde.

La reine n’est pas seule à se charger des garçons mais est secondée par du personnel. Lorsque les enfants sont envoyés auprès de leurs oncles, ils sont accompagnés de leurs pueri et nutritores, soient leurs serviteurs et nourriciers[63]. Ces derniers sont supposés être des dignitaires chargés de l’apprentissage militaire et de la formation à l’exercice du pouvoir des princes[64]. Ces hommes apparaissent plusieurs fois dans les textes. Frédégonde demande aux nutritores de Clotaire ii de faire venir Gontran pour qu’il assiste comme parrain au baptême de son neveu, ce qui revenait à reconnaître son appartenance à la famille mérovingienne et donc son droit à succéder à son père Chilpéric[65]. Le fils de Brunehaut a connu au moins deux nutritores Gogo[66] et Wandelen. À la suite du décès de ce dernier, la reine empêche la nomination d’un nouveau conseiller pour pouvoir s’occuper elle-même de Childebert[67]. La présence de ces hommes n’empêche pas les mères de s’impliquer auprès de leur fils comme en témoignent ces exemples mais le cas de Brunehaut révèle la puissance que peuvent détenir ces nutritores jusqu’à pousser la souveraine à ne plus faire appel à eux.

Il est difficile de déterminer si ce sont ce genre de conseillers qui accompagnent les fils de Clodomir. L’évêque de Tours distingue tout d’abord les nutritores des pueri avant de ne mentionner que les seconds. Étant donné que Clotilde envoie les garçons dans le but de leur élévation sur le trône, des aristocrates pouvaient les suivre pour témoigner du bon déroulement de la cérémonie. Nous ne détenons pas d’informations précises sur les rituels de la royauté. Clovis, Sigebert et Gundovald sont devenus rois après avoir été soulevés par leurs hommes sur un bouclier mais d’autres pratiques sont possibles comme l’intronisation[68]. Le fait que Clotilde ne participe pas à l’élévation est étrange mais l’aspect militaire de la cérémonie pourrait expliquer l’absence des femmes.

Grégoire de Tours ajoute que les pueri et les nutritores sont assassinés par Childebert et Clotaire. Si nous considérons les nourriciers comme des nobles, tuer des Grands aurait pu amener un soulèvement de la famille et des alliés des défunts. Or cela n’est pas précisé dans la chronique. La fuite rapide de Clotaire loin de Paris et celle de Childebert qui décide de se rendre dans les faubourgs pour s’éloigner du cœur du pouvoir pourraient être interprétées comme un moyen d’échapper à des représailles de la part des factions aristocratiques[69]. Mais si cela avait été le cas, il y a de grandes chances que l’évêque le mentionne dans son texte.

Clotilde face à l’ultimatum de ses fils Childebert et Clotaire

Après plusieurs années sans soucis, les soins prodigués par Clotilde finissent par inquiéter Childebert qui requiert Clotaire pour décider du sort des garçons. Grégoire de Tours explique que les frères agissent par jalousie de l’affection que leur mère apporte à leurs neveux. Nira Pancer a mis en avant que l’invidua peut à la fois renvoyer à un sentiment de possessivité, ici à l’égard de leur mère Clotilde, mais aussi à la crainte que l’héritage de Clodomir ne leur échappe[70] :

« Alors que la reine Clotilde demeurait à Paris, Childebert, voyant que sa mère aimait d’une affection incomparable les fils de Clodomir, dont nous avons parlé plus haut, guidé par l’envie et redoutant que, par la faveur de la reine, ils ne soient mis à la tête du royaume, envoya secrètement une lettre à son frère le roi Clotaire, lui disant : “ Notre mère garde avec elle les fils de notre frère et souhaite leur donner le royaume ; tu dois promptement venir à Paris, et ayant tenu ensemble conseil, il faut décider ce qu’il doit être fait d’eux, s’ils devraient avoir les cheveux coupés comme le reste du peuple ou si les ayant assurément tués, le royaume de notre frère soit divisé équitablement entre nous ” ». [71]

Comme cela fut déjà le cas après le décès de Clovis, la question du devenir du territoire détenu par Clodomir est problématique. La division du royaume entre les princes héritiers n’est pas encore une pratique totalement instaurée, la dynastie mérovingienne n’en étant qu’à ses prémices. Le système peut donc connaître des variations jusqu’à advenir à la forme finale que nous connaissons[72]. Clotaire et Childebert pouvaient légitimement envisager de récupérer le royaume de leur frère, peut-être le géraient-ils déjà du temps de la minorité des garçons.

Cependant, comme Clotilde entend doter ses petits-fils du royaume de leur père, ils craignent que ce territoire ne leur échappe. Ian N. Wood a avancé que la succession des quatre fils de Clovis et non uniquement de l’aîné, Thierry, aurait pu être un tour de force de Clotilde[73]. L’inquiétude de Childebert et de Clotaire pourrait être liée à la peur que leur mère emploie à nouveau la même méthode. La majorité des garçons approchant, ils devaient agir vite avant que l’héritage de Clodomir ne leur échappe. L’assassinat des enfants est à replacer dans le contexte compétitif de la famille mérovingienne[74]. Il est plus facile d’évincer de jeunes princes que des rois dont l’autorité est affirmée et disposant d’une armée capable de répondre à une offense.

La description de la mort des garçons met encore une fois en avant l’influence de Clotilde. Childebert et Clotaire n’utilisent pas une attaque frontale mais font appel à la ruse pour évincer leurs neveux. Ils prétendent vouloir élever les garçons sur le trône de leur père et demandent à Clotilde de leur envoyer les enfants dans ce but. Cela montre que malgré la puissance de leur mère, ce sont quand même eux, des figures royales masculines, qui peuvent légitimer l’accession au trône. De la même manière, Frédégonde avait fait appel à Gontran pour assurer la protection de son fils Clotaire ii et confirmer que celui-ci avait bien été engendré par Clotaire[75].

Selon Grégoire de Tours, Clotilde s’empresse d’obtempérer, folle de joie mais en retour, les souverains lui offrent un ultimatum : l’épée ou les ciseaux soit la mort ou la tonsure marquant la fin de leurs prétentions au trône. Clotilde, trahie, choisit la mort car il est impensable pour elle qu’ils ne succèdent pas à leur père. Cette décision de la reine peut sembler surprenante. Elle, qui les aimait tant, comment peut-elle préférer que ses petits-fils meurent au lieu de devenir religieux ? La réponse à cela serait l’honneur. Comme le présente l’évêque, il est inconcevable que des princes deviennent des clercs. La mort apparaît préférable à la déchéance[76].  Clotaire exécute sa demande et tue deux des garçons. Childebert revient sur sa décision et tente d’empêcher Clotaire mais sans succès. Le troisième fils, Clodoald, réussit à s’enfuir et consacre sa vie à Dieu[77].

Le discours de Grégoire de Tours et la manière dont il décrit le comportement de Clotilde dans ce passage sont si particuliers qu’il convient de s’y attarder. Alors que l’épouse de Clovis est présentée comme une femme pieuse, cet extrait dénote complètement et n’est pas celui que l’on pourrait attendre de ce genre de femme. Cet écart laisse à penser qu’il pourrait être le plus représentatif de Clotilde ou témoigne de ce qu’on attend d’une reine[78]. Cet épisode diffère tellement de la caritas chrétienne qu’il n’est pas mentionné par Frédégaire ou la Vita Chrotildis, qui est rédigée à la fin du ixe siècle, imputant l’assassinat des garçons uniquement à leurs oncles[79].

L’omniprésence des émotions démontre combien Grégoire de Tours est gêné par la réaction de Clotilde. L’auteur nous présente une souveraine terrifiée puis en colère face à cette trahison. Elle finit par prendre sa décision dans la hâte, ne sachant plus ce qu’elle dit sous le coup de la douleur. Arcadius, l’envoyé des frères, part aussitôt, sans attendre la confirmation de la reine, et Childebert et Clotaire appliquent la demande de leur mère.

« Mais terrifiée par ce message et ressentant une profonde colère, surtout après avoir vu l’épée dégainée et les ciseaux, anticipant son amertume, ne sachant ce qu’elle disait dans sa propre douleur, elle soutint imprudemment : “ Il est préférable pour moi, s’ils ne sont pas élevés sur le trône, de les voir morts que tondus.” Mais lui [Arcadius], s’émerveillant peu de sa douleur, et ne cherchant pas à examiner de manière approfondie ce qu’il adviendrait par la suite, vint promptement, annonçant et disant : “ Terminez avec la faveur de la reine l’entreprise que vous avez commencée ; car elle souhaite que vous accomplissiez votre projet”. » [80]

Le chroniqueur essaie de dédouaner Clotilde en insistant sur ses émotions et la pression qu’elle subit conduisant à sa réponse rapide qu’il considère non raisonnée[81]. Barbara H. Rosenwein a montré que Grégoire de Tours employait davantage de vocabulaire émotionnel lors des scènes de vengeance et de conflits familiaux. Cela permet de mettre en avant le sentiment d’appartenance familiale et de cohésion qui sont attendus entre les membres d’une même famille. L’exacerbation des émotions est souvent celles des victimes, comme c’est ici le cas de Clotilde bien que décisionnaire de la mort de ses petits-fils[82].

Le Liber Historiae Francorum, qui reprend ce passage un siècle et demi plus tard, met également en avant la douleur et l’amertume de la reine qui est mise au pied du mur. Cependant, il le modifie en ajoutant les lamentations de Clotilde et attribue la responsabilité du meurtre au messager Arcadius[83]. L’expression de vives émotions est un moyen pour les chroniqueurs de détourner la responsabilité de la reine dans un acte totalement inacceptable pour une parente et une femme pieuse.

Après cet évènement, la reine n’intervient plus vraiment dans la sphère politique. Childebert et Clotaire se partagent le royaume de leur frère tandis que Clotilde mène une vie pieuse faite de prières et d’aumônes. Elle réapparaît brièvement lors du conflit opposant Childebert et Théodebert à Clotaire[84]. Cependant, son rôle est très différent, en second plan, assigné à des prières devant la tombe de saint Martin. Le décès de ses petits-fils marque son éloignement de la vie politique voire sa mise à l’écart de la cour. Grégoire de Tours nous présente cela comme une volonté personnelle de la reine de se consacrer à Dieu mais peut-être a-t-elle été forcée ou en tout cas encouragée à se retirer après l’échec de l’installation des enfants de Clodomir sur le trône.

La reine a perdu l’un de ses atouts majeurs pour maintenir sa place à la cour. Ses fils adultes, confirmés dans leur autorité, n’ont plus besoin d’écouter les conseils de leur mère surtout après la perpétration de leur méfait qui a gravement entaché leur relation. Le réseau personnel de Clotilde n’est plus suffisant et ne peut rivaliser avec celui des rois. Le mieux pour elle est de faire appel à ses relations parmi les clercs tourangeaux pour l’accueillir en leur sein et mener une vie pieuse. L’absence d’enfants est un des motifs courants de l’écartement des femmes de la vie politique. Théodechilde a essayé de garder sa position en épousant le frère de son mari, Gontran mais cela n’a pas fonctionné, puisque celui-ci l’expédie peu après dans un couvent[85]. L’envoi au monastère est une pratique dont plusieurs reines ont fait les frais. Brunehaut a été exilée dans le monastère de Rouen après la mort de Sigebert en 575[86]. À la fin du viie siècle, Bathilde finit également, une fois son fils majeur, par se retirer dans le monastère qu’elle a fondé à Chelles, peut-être poussée par ses opposants politiques[87].

Conclusion

Revenir sur cet épisode de l’histoire mérovingienne permet de mettre en lumière une nouvelle image de Clotilde généralement présentée dans les sources comme une reine modèle mettant de côté le fait qu’il s’agit d’un personnage politique qui se trouve au cœur de stratégies dont elle est l’une des actrices et instigatrices. C’est une reine qui utilise son influence par le biais de son patrimoine et de son réseau pour accomplir ses ambitions. Son atout le plus important reste néanmoins sa famille, ici ses fils et petits-fils qui peuvent exécuter ses volontés et ainsi lui permettre de maintenir voire d’étendre son autorité.

Ce conflit est révélateur du rôle des membres féminins de la famille royale qui éclot durant les périodes de minorités des héritiers ou en tout cas de princes peu avertis. Cependant, une fois que les souverains deviennent adultes, acquièrent de l’expérience dans l’exercice du pouvoir et ont su démontrer leur valeur, les mères peuvent représenter un obstacle pour l’affirmation de leur autorité et être progressivement mises à l’écart de la sphère politique.

Prendre en charge ses petits-enfants après le décès de leur père est un moyen pour Clotilde de maintenir sa place au sein des cours franques. Dans un milieu où la compétition est exacerbée, le fait que le système de succession royale ne soit pas clairement établi est utilisé comme un avantage pour asseoir son autorité. En voyant la majorité de leurs neveux approcher et combien leur mère les choie, Childebert et Clotaire s’inquiètent et y perçoivent un risque pour leur pouvoir. Ce conflit révèle des dynamiques au sein de la famille royale où les intérêts politiques de chacun font fluctuer les alliances et prennent le pas sur les liens du sang. Clotilde et les fils de Clodomir sont les victimes de l’ambition de Childebert et Clotaire. Le pouvoir de la reine étant remis en cause par ses propres enfants, la souveraine préfère préserver son honneur et celui de ses petits-fils afin d’éviter de faire effondrer tout ce qu’elle a construit avec Clovis.


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[1] DLH, éd. Bruno Krusch, MGH, SRM I, 1, Hanovre, 1951, III, 6 ; 18.

[2] Frédégaire, Chronique, éd. Bruno Krusch, MGH, SRM II, Hanovre, 1888, III, 33 ; 36 ; 38.

[3] LHF, éd. Bruno Krusch, MGH, SRM II, Hanovre, 1888, 20 ; 21 ; 24.

[4] Il est difficile de déterminer la nature de la relation qu’entretient Clovis avec la mère de Thierry. Grégoire de Tours évoque une concubina (DLH, II, 28) mais elle pourrait aussi être une princesse rhénane. Geneviève Bührer-Thierry et Charles Mériaux, La France avant la France (481-888), Paris, Belin, 2014 (2e éd.), p. 138.

[5] DLH, II, 37.

[6] Id., III, 1 : « elegantem atque utilem ».

[7] Emmanuelle Santinelli, « Aux côtés de Clovis : la reine Clothilde (472/480-544/548) », Autour du règne de Clovis. Les grands dans l’Europe du haut Moyen Âge. Histoire et archéologie, Louvain, Association française d’archéologie mérovingienne, 2020, p. 76‑90, p. 80.

[8] Ian N. Wood, « Kings, kingdoms and consent », Early Medieval Kingship, Leeds, University of Leeds, 1977, p. 6-29, p. 6.

[9] Sylvie Joye, « Enfance heureuse, enfance périlleuse dans la Gaule mérovingienne », L’infanzia nell’alto medioevo, Spolète, Fondazione Centro Italiano di Studi dull’alto Medioevo, 2021, p. 791‑817, p. 803‑806 ; Isabelle Réal, Vies de saints et vie de famille. Représentation et système de parenté dans le royaume mérovingien (481-751) d’après les sources hagiographiques, Turnhout, Brepols, 2001, p. 412‑430 ; Emmanuelle Santinelli, Des femmes éplorées ? Les veuves dans la société aristocratique du haut Moyen Âge, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2003, p. 217‑220.

[10] DLH, II, 28.

[11] Dick Harrison, The Age of Abbesses and Queens. Gender and Political Culture in Early Medieval Europe, Lund, Nordic Academic Press, 1998, p. 80-82 ; Emmanuelle Santinelli, « Entre Burgondes et Francs : Clotilde, princesse burgonde, reine des Francs (472/480-544/548) », Les royaumes de Bourgogne jusque 1032, à travers la culture et la religion, Turnhout, Brepols, 2018, p. 197‑218, p. 208-210 ; Stephen D. White, « Clotild’s revenge : Politics, Kinship, and Ideology in the Merovingian Blood Feud », Portraits of Medieval and Renaissance Living. Essays in Memory of David Herlihy, University of Michigan, University of Michigan Press, 1996, p. 107‑130 ; Ian N. Wood, The Merovingian Kingdoms (450-751), Harlow, Longman, 1994, p. 43.

[12] Frédégaire, Chronique, III, 33.

[13] Id., III, 19.

[14] Avit de Vienne, Ep., V.

[15] Ian N. Wood, The Merovingian Kingdoms, p. 43.

[16] DLH, III, 5.

[17] Maurice Chaume, « Francs et Burgondes au cours du vie siècle », Recherches d’histoire chrétienne et médiévale, Dijon, Académie des Arts, Sciences et Belles Lettres, 1947, p. 147-162, p. 156 ; Justin Favrod, Histoire politique du royaume burgonde (443-534), Lausanne, Bibliothèque historique vaudoise, 1997, p. 430-438.

[18] Régine Le Jan, Famille et pouvoir dans le monde franc (viie-xe siècle). Essai d’anthropologie sociale, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995, p. 83‑87.

[19] DLH, X, 31.

[20] Justin Favrod, Les Burgondes. Un royaumé oublié au cœur de l’Europe, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2011 (4e éd.), p. 95.

[21] Maurice Chaume, « Francs et Burgondes », p. 147-162 ; Justin Favrod, Les Burgondes, p. 113-114.

[22] DLH, II, 33.

[23] Avit de Vienne, Ep., V.

[24] DLH, II, 42.

[25] Id., III, VII.

[26] Régine Le Jan, Amis ou ennemis? Émotions, relations, identités au Moyen Âge, Paris, Éditions du Seuil, 2024, p. 124-125 ; Barbara H. Rosenwein, « Les émotions de la vengeance », La vengeance (400-1200), Rome, École Française de Rome, 2006, p. 237‑257p. 243-245.

[27] Stephen D. White, « Clotild’s revenge », p. 111.

[28] Pour une description de l’instabilité causée par Sigismond, voir Justin Favrod, « Les erreurs de Sigismond de 516 à 524 après J.-C. », Les Burgondes, p. 105-119.

[29] Id., p. 113-114.

[30] Sylvie Joye, « Gagner un gendre, perdre des fils ? Désaccords familiaux sur le choix d’un allié au haut Moyen Âge », La famille déchirée : luttes intestines dans la parenté médiévale, Turnhout, Brepols, 2010, p. 79‑94, p. 81‑83.

[31] DLH, III, 5.

[32] DLH, III, 6.

[33] Id., III, 18.

[34] Ian N. Wood, The Merovingian Kingdoms, p. 50.

[35] DLH, III, 6 : « Nec moratus Chlothacharius uxorem germani sui Guntheucam nomine sibi in matrimonio sociavit. Filios quoque eius Chrodichildis regina, exactis diebus luctus, secum recipit ac tenuit […] ».

[36] Emmanuelle Santinelli, Des femmes éplorées ?, p. 110-113.

[37] Pactus Legis Salicae, XIII, 11.

[38] Orléans (511), c. 18 ; Épaone (517), c. 30.

[39] Emmanuelle Santinelli, Des femmes éplorées ?, p. 346.

[40] DLH, III, 6 : « uxorem germani sui Guntheucam nomine sibi » ; Frédégaire, Chronique, III, 36 : « uxorem Chlodemeris nomen Guntiucham » ; LHF, 21 : « uxorem fratris sui ».

[41] Justine Cudorge, Structure et enjeux des systèmes polygyniques dans la société franque : la place des femmes dans le palais mérovingien, thèse de doctorat soutenue à Reims, le 20 novembre 2023 ; Emmanuelle Santinelli-Foltz, Couples et conjugalités au haut Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2022, p. 76-90.

[42] Grégoire de Tours le dit lui-même. DLH, V, 20 : « Il ignorait qu’on appelle fils de roi ceux qui ont été procréés par des rois sans tenir compte désormais de la famille des femmes ».

[43] Dick Harrison, The Age of Abbesses and Queens ; Janet L. Nelson, « Queens as Jezebels : The careers of Brunhild and Balthild in Merovingian History », Studies in Church History : Subsidia,  1, 1978, p. 31‑77.

[44] DLH, IV, 26.

[45] Emmanuelle Santinelli, Des femmes éplorées ?, p. 263‑270.

[46] DLH, IV, 9.

[47] Justine Audebrand, Frères et sœurs dans l’Europe du haut Moyen Âge (vers 650 – vers 1000), Turnhout, Brepols, 2023, p. 67-73.

[48] Childebert ii est le fils de Brunehaut et de Sigebert et règne en Austrasie de 575 à 596. Clotaire II, fils de Frédégonde et Chilpéric, dirige la Neustrie de 584 à 613 avant de gouverner toute la Francie jusqu’en 629.

[49] DLH, VII, 5 ; Frédégaire, Chronique, V, 3.

[50] DLH, VII, 33 ; Frédégaire, Chronique, III, 78.

[51] DLH, IX, 20.

[52] DLH, III, 18 : « Dum autem Chrodigildis regina Parisius moraretur, videns Childeberthus, quod mater sua filius Chlodomeris, quos supra memoravimus, unico affectu diligeret, […] ». Alors que la reine Clotilde demeurait à Paris, Childebert voyant que sa mère aimait d’une affection incomparable les fils de Clodomir, dont nous avons parlé plus haut, […].

[53] Id., II, 38 ; 43.

[54] Id., VI, 27 ; VII, 6.

[55] Id., II, 29 ; III, 18.

[56] Id., IV, 12.

[57] Id., II, 43.

[58] DLH, X, 31.

[59] Martin Heinzelmann et Joseph-Claude Poulin, Les vies anciennes de sainte Geneviève de Paris. Études critiques, Paris, Honoré Champion, 1986, p. 51-57 ; Florence Bret et Marie-Céline Isaïa, Vie de Sainte Geneviève, Paris, Éditions du Cerf, « Sources chrétiennes », SC 610, 2020.

[60] Ian N. Wood, The Merovingian Kingdoms, p. 78-79.

[61] DLH, II, 43.

[62] Id., III, 18.

[63] Id., III, 18 ; LHF, 24.

[64] Sylvie Joye, « Enfance heureuse », p. 806‑808 ; Régine Le Jan, Famille et pouvoir, p. 342 ; Isabelle Réal, Vies de saints, p. 425‑427 ; Emmanuelle Santinelli, Des femmes éplorées ?, p. 218-219.

[65] DLH, VIII, 9.

[66] Id., V, 46.

[67] Id., VIII, 22.

[68] Régine Le Jan, « La sacralité de la royauté mérovingienne », Annales. Histoire, Sciences sociales, Édition de l’EHESS, 6, 2003, p. 1217-1241, p. 1221-1226.

[69] DLH, III, 18 : « Quibus interfectis, Chlothacharius, ascensis equitibus, abscessit, parvi pendens de interfectione nepotum; sed et Childeberthus in suburbana concessit ». Après les avoir tués, Clotaire, monté sur son cheval, s’en alla, se préoccupant peu du meurtre de ses neveux ; de même que Childebert s’éloigna dans les faubourgs.

[70] Nira Pancer, « La vengeance féminine revisitée. Le cas de Grégoire de Tours », La vengeance (400-1200), Rome, École Française de Rome, 2006, p. 307‑324, p. 312‑313.

[71] DLH, III, 18 : « Dum autem Chrodigildis regina Parisius moraretur, videns Childeberthus, quod mater sua filius Chlodomeris, quos supra memoravimus, unico affectu diligeret, invidia ductus ac metuens, ne favente regine admitterentur in regno, misit clam ad fratrem suum Chlothacharium regem, dicens: “Mater nostra filius fratris nostri secum retinet et vult eos regno donari; debes velociter adesse Parisius, et habito communi consilio, pertractare oportet, quid de his fieri debeat, utrum incisa caesariae ut reliqua plebs habeantur, an certe his interfectis regnum germani nostri inter nosmet ipsus aequalitate habita dividatur” ».

[72] Ian N. Wood, The Merovingian Kingdoms, p. 55-64.

[73] Id., p. 50.

[74] Régine Le Jan, Amis ou ennemis ?, p. 221.

[75] DLH, VII, 5 ; VIII, 9 ; Frédégaire, Chronique, V, 3.

[76] Régine LE JAN, Amis ou ennemis ?, p. 125 ; Nira Pancer, Sans peur et sans vergogne. De l’honneur et des femmes aux premiers temps mérovingiens, Paris, Albin Michel, 2001, p. 244‑246.

[77] DLH, III, 18 ; Frédégaire, Chronique, III, 38 ; LHF, 24.

[78] Dick Harrison, The Age of Abbesses and Queens, p. 81-85.

[79] Frédégaire, Chronique, III, 38 ; Vita Chrotildis, 10.

[80] DLH, III, 18 : « At illa exterrita nuntio et nimium felle commota, praecipue cum gladium cerneret evaginatum ac forcipem, amaritudinem praeventa, ignorans in ipso dolore quid diceret, ait simpliciter : “Satius mihi enim est, si ad regnum non ereguntur, mortuos eos videre quam tonsu”. At ille parum admirans dolorem eius, nec scrutans, quid deinceps plenius pertractaret, venit celeriter, nuntians ac dicens : “Favente regina opus coeptum perficite; ipsa enim vult explere consilium vestrum” ».

[81] Erin T. Dailey, Queens, Consorts, Concubines: Gregory of Tours and Women of the Merovingian Elite, Leiden/Boston, Brill, 2015, p. 40 ; Nira Pancer, Sans peur et sans vergogne, p. 245.

[82] Barbara H. Rosenwein, « Les émotions de la vengeance », p. 245-248.

[83] LHF, 24 : « Illa vero pre nimio dolore et amaritudine cordis cum lacrimis ait : “Satis undique me angustiae conpremunt. Si regnare non debent, quid mihi eos enutrisse fuit? Eis melius est mori quam tundere” ». At ille renunciavit eis, falsum dicens : « Sic dicit regina, mallet eos occidere quam totundere ». Alors, prise d’une grande douleur et le cœur plein d’amertume, elle s’écria en larmes : « C’en est assez ! L’angoisse me saisit de toutes parts ! S’ils ne doivent pas régner, à quoi bon les avoir élevés ? Il serait mieux pour eux de mourir que d’être tondus ». Et lui [Arcadius] revint vers eux, et leur répondit fielleusement : « Ainsi parla la reine : mieux vaut les tuer que les tondre ». Traduction de Stéphane Lebecq, La geste des rois des Francs, Paris, Les Belles Lettres, 2015, p. 81.

[84] DLH, III, 28.

[85] Id., IV, 26.

[86] Id., V, 1.

[87] Janet L. Nelson, « Queens as Jezebels, p. 70-72.

 

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